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22 novembre 2020 7 22 /11 /novembre /2020 08:23
Bien public mondial. L’Afrique du Sud et l’Inde contre-attaquent sur l’accès aux vaccins - L'Humanité, 20 novembre 2020

 

Bien public mondial. L’Afrique du Sud et l’Inde contre-attaquent sur l’accès aux vaccins
Vendredi 20 Novembre 2020

À l’Organisation mondiale du commerce, une résolution des deux pays, examinée ce vendredi, propose de suspendre la propriété intellectuelle par temps de pandémie. L’Union européenne et la France, en particulier, ont l’opportunité concrète de sortir de leur duplicité pour choisir la vie avant les profits de Big Pharma.

L’aveu est passé sous les radars, et ce serait fort dommage qu’il le reste. Les déclarations lénifiantes d’Ursula von der Leyen, la présidente  de la Commission, ou ­d’Emmanuel Macron, le président français, nul ne les ignore : le vaccin contre le ­Covid-19 devra être un « bien public mondial », répètent-ils depuis des mois. Très bien, mais qu’est-ce qu’ils entendent, au fond ? Fin octobre, Stella Kyriakides, la commissaire à la Santé, a, dans une ­réponse écrite à l’eurodéputé Marc Botenga (PTB), membre du groupe parlementaire de la Gauche unitaire européenne  (GUE-NGL), levé toute ambiguïté et ­démontré l’hypocrisie intrinsèque de Bruxelles dans cette affaire. « La notion de bien commun universel souligne l’importance pour l’humanité de trouver un vaccin qui pourra être utilisé pour la prévention du Covid-19, une infection qui ne connaît pas de frontières », plaide-t-elle d’abord. Avant d’être catégorique sur la portée réelle du slogan, inexistante selon elle : « Ce n’est pas un concept juridique entraînant des conséquences juridiques, en particulier dans le contexte des droits de   propriété intellectuelle, évacue Stella ­Kyriakides. Un système efficace de propriété intellectuelle est crucial pour garantir les incitations au développement de vaccins innovants. »

À  l’OMS, l’Union européenne a délibérément loupé le coche

En somme, quoi qu’il arrive dans la pandémie sans précédent que nous connaissons, le vaccin pourra, pour l’Union européenne, et donc pour la France, devenir un « bien public mondial »… Mais seulement une fois que les actionnaires des multinationales pharmaceutiques occidentales, campés sur leurs portefeuilles de brevets, auront ­ramassé le pactole. Et que les États les plus riches, après avoir payé les recherches publiques nécessaires depuis des décennies, subventionné massivement les développements actuels, les essais cliniques, les unités de production et les circuits logistiques, ou encore accepté de prendre en charge, pour l’avenir, les risques liés aux effets secondaires encore inconnus, auront raflé les premiers stocks pour leur propre compte…

Comme l’Humanité l’a établi cette semaine, les États-Unis, l’Union européenne, le Royaume-Uni, la Suisse, le Japon, le Canada et l’Australie peuvent d’ores et déjà compter sur près de 6 milliards de doses des différents vaccins élaborés par les mastodontes américains et européens, tandis que 92 pays moins riches, avec une population globale de 3,9 milliards de personnes, seront condamnés à se ­partager les rebuts – 500 millions de doses précommandées – à travers le Covax, le mécanisme de ­mutualisation non contraignante mis en place sous l’égide de l’Organisation ­mondiale de la santé (OMS).

En réalité, à chaque étape, jusqu’à présent, l’Union européenne a délibérément loupé le coche pour assurer un vaccin sûr, ­efficace, universel, abordable et accessible partout dans le monde. Cela a été le cas, en particulier, à l’OMS. Certes, à la différence des États-Unis de Trump qui ont engagé une procédure visant à sortir de l’institution multilatérale, Bruxelles s’implique financièrement dans l’outil public-privé, baptisé ACT Accelerator, dont dépend notamment le Covax. Mais, en dehors de la Belgique, des Pays-Bas, du Luxembourg et du Portugal, les États membres – dont la France – et l’UE, en tant que telle, ont boycotté l’initiative bien plus ambitieuse et volontariste, connue sous l’acronyme C-TAP, qui devait déboucher sur une plateforme d’échanges de savoir-faire et de brevets pour toutes les technologies, les vaccins et les traitements contre le Covid-19 (lire nos éditions des 29 mai et 12 juin).

Introduire des dérogations temporaires aux brevets

Une nouvelle opportunité historique de faire du vaccin un réel bien public mondial s’ouvre désormais à l’Organisation mondiale du commerce (OMC), et c’est peut-être la dernière avant la catastrophe d’une gestion en mode sauve qui peut… Ce vendredi, au cours d’une réunion de son conseil dédiée aux aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (Adpic ou Trips en anglais), une proposition déterminante, formulée par l’Afrique du Sud et l’Inde, rejoints par le Kenya et l’Eswatini (ex-Swaziland), doit être examinée. Dans un champ forcément très technique, le texte vise à introduire des « dérogations à certaines dispositions de l’accord sur la propriété ­intellectuelle pour la prévention, l’endiguement et le traitement du Covid-19 ». La résolution considère que les brevets, le droit d’auteur ou la protection des savoir-faire ne doivent pas créer « d’obstacles à l’accès en temps utile à des produits médicaux abordables, y compris les vaccins et les médicaments, ni à l’intensification de la recherche, du déve­loppement, de la fabrication et de la fourniture de produits médicaux essentiels ».

L’Inde, forte de son statut d’« atelier du monde » pour les médicaments, et l’Afrique du Sud, en pointe depuis les batailles héroïques de Mandela pour l’accès au traitement contre le sida, proposent de suspendre toutes les dispositions qui protègent les intérêts privés des grandes multinationales pharmaceutiques et biomédicales « jusqu’à ce qu’une vaccination largement répandue soit en place à l’échelle mondiale et que la majorité de la population mondiale soit immunisée ». Représentant sud-africain à l’OMC, Mustaqeem de Gama défend cette perspective avec éloquence : « On va avoir besoin de plus de vaccins, pas de moins, ce qui doit amener à amplifier la production mondiale. Je n’arrive pas à comprendre que les gouvernements du monde entier ne soient que capables de sous-traiter leurs responsabilités, en matière de santé publique, à une poignée d’entreprises qui les retiennent en otages… »

Faute d’accord, l’Afrique du Sud demandera un vote à l’OMC

En quelques semaines, cette proposition a déjà reçu le soutien ferme de 99 États membres de l’OMC (sur un total de 164), du Nigeria à l’Argentine, en passant par l’Égypte, le Venezuela, le Pakistan et l’Indonésie. La Chine se dit ouverte à la discussion sur cette dérogation temporaire. Un seul bloc est vraiment hostile : les États-Unis, l’Union européenne, le Royaume-Uni, la Suisse, le Canada, le Japon et l’Australie, soit tous les pays qui monopolisent les premières doses de vaccin… À cette étape, dans son argumentaire en réponse à la proposition de l’Inde et l’Afrique du Sud, Bruxelles continue à défendre contre l’évidence l’idée que le régime des brevets « ne constitue en aucun cas un obstacle pour les médicaments et les technologies face au Covid-19 ». 

Dans une enceinte comme l’OMC, où le consensus est généralement recherché, l’Afrique du Sud a prévenu ces derniers jours : faute d’accord, elle pourrait aller jusqu’à demander un vote et, dans ce cas, elle a, de l’avis général, de bonnes chances de l’emporter car il lui suffit de convaincre un peu plus d’une vingtaine de pays supplémentaires pour dépasser le seuil majoritaire de 75 % des États membres… Codirecteur de la campagne pour l’accès aux médicaments de Médecins sans frontières, Sidney Wong lance un défi qui devrait siffler aux oreilles des dirigeants européens : « Les gouvernements doivent se demander de quel côté de l’Histoire ils veulent se trouver quand les livres sur cette pandémie ­seront écrits. » 

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22 novembre 2020 7 22 /11 /novembre /2020 08:13
États-Unis. La gauche alerte sur le lobbying de la Big Tech (L'Humanité, Bruno Odent, 20 novembre 2020)
États-Unis. La gauche alerte sur le lobbying de la Big Tech
Vendredi 20 Novembre 2020

La jeune élue du Congrès Alexandria Ocasio-Cortez s’alarme des dérégulations exigées par Uber & Co et de leurs relais dans l’équipe Biden.

 

Elle fut sans doute l’une de ceux qui auront le moins ménagé leurs efforts pour « faire voter » dans les quartiers populaires et débarquer le président d’extrême droite, Donald Trump. Pourtant, Alexandria Ocasio-Cortez (AOC), réélue haut la main le 3 novembre à la Chambre des ­représentants, est taraudée aujourd’hui par l’inquiétude. Elle dénonce le forcing de la Big Tech en vue d’étendre la dérégulation d’un droit du travail, déjà bien malmené dans le pays. Ces géants de l’Internet peuvent s’appuyer sur le succès obtenu par Uber et consorts dans un référendum en Californie contre les garanties et protections sociales des chauffeurs ou autres travailleurs adhérant à leurs plateformes. Surtout, leurs hommes exercent une influence déjà notoire au sein de l’équipe Biden en cours de constitution.

Les chauffeurs ramenés à un statut d’autoentrepreneurs

AOC a tenu meeting, il y a quelques jours à New York, dans sa circonscription très populaire qui englobe des quartiers du Bronx et du Queens, pour alerter contre une extension rapide à tous les États-Unis des dispositions antisociales de « la proposition 22 », validée lors des scrutins du 3 novembre par les électeurs californiens. « Je suis très inquiète du rôle que va pouvoir jouer la direction d’Uber auprès de cette administration après ce qui est arrivé en Californie ! » a lancé la jeune femme proche de Bernie Sanders. La légis­lation californienne adoptée en 2019 et torpillée par le référendum tentait de garantir aux employés du secteur congés ­maladie, paiement d’heures supplémentaires et accès à une assurance-­chômage. Tout cela est balayé par la proposition 22, qui ramène les chauffeurs et autres intervenants au statut d’autoentrepreneurs contractuels, donc corvéables à merci.

Un grand nombre de chauffeurs qui habitent dans la circonscription 14 d’Ocasio-Cortez à New York, travaillent pour diverses compagnies de taxis, sont souvent, des « app drivers (conducteurs fonctionnant avec une appli) qui, dit-elle, seraient en première ligne » d’une généralisation de la dérégulation. Or celle-ci est ouvertement revendiquée, depuis le lendemain des scrutins du 3 novembre, par les dirigeants des compagnies Uber, Lyft, DoorDash, Instacart ou Postmates qui ont dépensé la bagatelle de 200 millions de dollars en publicités politiques en Californie, rejoignant les outrances des élections 2020 où ont été enregistrés quelque 14 milliards de dollars de dépenses cumulées, record historique.

Uber se sent pousser des ailes

L’un des grands dirigeants d’Uber, parti­culièrement engagé dans cette campagne californienne et ses suites, est un certain Tony West, un avocat d’affaires. Signe particulier : l’homme est depuis 2003 l’un des principaux conseillers de la vice-présidente Kamala Harris, qu’il a accompagnée tout au long de sa carrière politique. Il est même, accessoirement, devenu son beau-frère. Sans nommer directement West, AOC a explicité devant ses électeurs à New York que ses raisons de tirer l’alarme tiennent « aux représentants venus de la Big Tech (dans l’équipe Biden), ce qui va avoir un effet incroyablement dommageable sur les droits et le monde du travail ». Et, en effet, hormis West, l’équipe de transition de Biden a recruté un certain Matt Olsen, un autre représentant de haut vol d’Uber Technologies Inc.

Uber se sent pousser des ailes et exprime publiquement le souhait de voir la déréglementation votée en Californie « devenir non seulement la norme aux États-Unis, mais dans le monde entier ». C’est dire combien le combat déclenché par Alexandria Ocasio-Cortez acquiert une dimension pleinement internationale. 

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21 novembre 2020 6 21 /11 /novembre /2020 15:04
Photo et commentaire Martine Barosco Le Luc: Les 4 copains, quand ils étaient dans le maquis, du côté de Commana. Eugène a droite, Maurice au milieu, François Michel le beau-frère d'Eugène Le Luc, et à gauche Édouard Breneol

Photo et commentaire Martine Barosco Le Luc: Les 4 copains, quand ils étaient dans le maquis, du côté de Commana. Eugène a droite, Maurice au milieu, François Michel le beau-frère d'Eugène Le Luc, et à gauche Édouard Breneol

Une rue du quartier de Troudousten porte le nom d'Eugène Le Luc aujourd'hui à Morlaix

Les jumeaux Eugène et Maurice Le Luc auraient eu 100 ans aujourd'hui.

Maurice Le Luc a été fusillé le 7 juin 1944 à l'aube de ses 24 ans.. Jeune communiste combattant de la Cie de Morlaix du Bataillon F.T.P. "Yves Giloux", il a pris part à de nombreuses actions contre l'occupant avec le groupe F.T.P. "Justice". Il diffusait les tracts de la résistance du PCF, de la JC, du Front National (organisation de rassemblement de la résistance créée par le PCF).  Il est blessé lors d'un combat avec l'occupant puis fusillé. Son frère Eugène a témoigné sur son activité à l'origine du groupe FTP de Morlaix.

"Ce fut en juin 1942, témoigna Eugène Le Luc à l'étudiante en histoire Jeannine Guichoux, auteur d'un mémoire de maîtrise sur la résistance à Morlaix, que je fis la connaissance de William et de Bob. Le réseau des Francs-Tireurs et Partisans Français, dont l'existence se signala dès septembre 1941, nous avait annoncé l'arrivée à Morlaix de deux chefs venant de Paris pour y former un groupe de résistance. Au jour et à l'heure indiquée, je m'étais donc rendu à la gare. Deux jeunes gens passèrent devant moi, et firent le signal convenu. Je m'avançais; il n'y eut pas de longues présentations. William et Bob transportaient des grenades, des mitraillettes et des revolvers. J'ai d'abord caché les chefs dans un hangar de la ville.  

Comme le réseau des FTP préconisait l'action à outrance, William me chargea de recruter tous les jeunes gens susceptibles d'entrer dans notre groupe. Nous étions d'abord quatre qui assistions à une réunion organisée par Mr Caron, dit William, dans un local mis à notre disposition par Me Mahéo. 

Etaient présents: Caron (William Henri)

                            Fontet Robert, dit Bob

                            Le Luc (Eugène) de Ploujean

                            Frelin (Emile) horloger à Morlaix, et des inconnus étrangers à Morlaix, dont William répondait.

Au cours de cette réunion, il fut décidé que les premières missions du groupe Justice consisteraient à faire de la propagande patriotique. Des tracts, tapés à la machine à écrire, au domicile de M. Frelin, furent distribués, et devinrent par la suite un petit journal régulier, ayant pour titre "Le Combattant".   

Des indiscrétions furent commises et la personnalité de Mr Frelin faisant l'objet de commentaires fâcheux risquant d'être captés par les services de la police de l'occupant, il fut décidé que la machine à écrire serait provisoirement placée chez un membre du groupe, possédant une chambre meublée, chez M. Sillau, au lieu-dit "Pont-Bellec", en St Martin des Champs. 

Notre quartier général se trouvait chez Mme Mahéo, 3, Place Thiers, chez laquelle nous entrions par le four St-Mélaine. C'est là que William et Bob avaient leur chambre gratuitement depuis octobre 1943. " 

 

"Maurice s'est engagé dans la Marine à 16 ans après le décès de sa mère. C'est après qu'il a rejoint son frère dans le maquis en Bretagne. Pendant la guerre, son bateau a été coulé et il a été prisonnier des Anglais en Syrie. Quand il a été libéré, on lui a demandé s'il voulait aller rejoindre De Gaulle en Angleterre, il a refusé puisqu'il avait été maltraité par les Anglais quand il était prisonnier en Syrie. Il a dit qu'il préférait aller rejoindre son frère dans la résistance. Il s'est fait prendre lors d'une mission à Tréguier, il a été blessé et emprisonné à Lannion puis transféré dans une prison de Rennes puis à celle de Angers ou il a été fusillé le 7 juin 1944 par la milice à l'aube de ses 24 ans.."

Eugène et Yvonne Michel se sont mariés le 12 avril 1944, mon père qui était en prison pour avoir essayé de libérer son frère après une action de résistance a pu sortir de la prison de Lannion accompagné de policiers pour se marier à Morlaix, il s'est échappé après la cérémonie de la mairie, ses garçons d'honneurs ont menacé de tout faire sauter, ils avaient des grenades dans leurs poches. Eugène en a profité pour s'échapper. Mais ensuite, il était recherché par la milice et sa tête à été mise à prix par les Allemands. Ce fut un mariage explosif....

(Témoignage de Martine Barosco Le Luc, la fille d'Eugène Le Luc)*

En juillet 1944, Eugène Le Luc prit le commandement du groupe "Justice". Quelques jours après, il fut arrêté en même temps que son adjoint qui fut torturé et exécuté à Sizun, par les troupes du maréchal nazi, destructeur de la ville de Brest. Avant qu'il ne fut interrogé, et torturé, le nouveau chef du groupe "Justice", Le Luc, invoquant un malaise, réussit à s'évader au nez et à la barbe d'une sentinelle allemande. Il regroupa sa formation, et continua à harceler l'occupant, dans la région de Brennilis, et de Commana. 

 

 

La résistance FTP à Morlaix: le témoignage d'Eugène Le Luc recueilli par le Télégramme et Jeannine Guichoux (mémoire universitaire)

Extrait de l'article du Télégramme au moment du décès d'Eugène Le Luc le 1er juillet 2005:

Figure de la Résistance dans le pays de Morlaix, Eugène Le Luc s'est éteint, hier, à l'âge de 84 ans. Il y a cinq ans, Marylise Lebranchu, à l'époque ministre de la Justice, lui avait décerné la Légion d'honneur.

(...) Un livre ne suffirait pas à raconter l'existence de cet homme d'exception, né en 1920 dans la rue Gambetta. Cette vie n'aura d'ailleurs pas toujours épargné celui qui avait eu la douleur de perdre sa mère dès l'âge de 16 ans. Homme de convictions, il avait adhéré aux Jeunesses socialistes dès 1936 et s'était lié, après la guerre, au ministre Tanguy-Prigent.

Responsable du groupe «Justice»

En 1940, révolté par l'occupation allemande, il avait adhéré aux idées du général de Gaulle et était entré dans la clandestinité. C'est dans ce cadre qu'en juin 1942, Eugène Le Luc avait rejoint le groupe «Justice», dont il allait devenir le responsable. Attaques de train et maquis allaient alors se succéder jusqu'à sa première détention durant 27 jours. Deux années durant, celui que la Résistance appelait «Méfiance» avait passé son temps à côtoyer la mort, caché avec son groupe de 20 hommes dans les monts d'Arrée. Cette vie de résistant, le Ploujeannais acceptait de la raconter sans faux-fuyants, l’œil vif et l'esprit alerte, à plus de 80 ans. Le souvenir se faisait plus douloureux à l'évocation du tragique destin de son frère jumeau, Maurice, emprisonné à Lannion en mars 1944 et fusillé à Angers quelque temps plus tard.

Mariage éclair en pleine Occupation

Emprisonné à deux reprises, Eugène Le Luc était parvenu à s'échapper autant de fois. Et c'est dans des conditions difficiles que le 12 avril 1944, malgré l'occupation allemande, celui dont la tête était mise à prix avait épousé à la sauvette, à la mairie de Morlaix, sa femme Yvonne. Ce mariage éclair allait être synonyme d'un long bonheur de plus de 60 ans de vie commune, concrétisé en mai 2004 par une célébration de leurs noces de diamant. Trois ans auparavant, Eugène Le Luc avait fini par accepter d'être décoré de la Légion d'honneur. Un honneur qu'il avait refusé 36 ans plus tôt, estimant qu'il ne devait pas être mis plus en avant que ses collègues. C'est la ministre de la Justice, Marylise Lebranchu, qui l'avait fait chevalier.

Outre ses faits de résistance, Eugène Le Luc était un ébéniste reconnu sur la place de Morlaix.

 

Lire aussi:

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1920-2020: Cent ans d'engagements communistes: 67/ François Tournevache (1919-1993)

1920-2020: Cent ans d'engagements communistes en Finistère: 66/ Jos Quiniou (1900-1976)

1920-2020: Cent ans d'engagements communistes en Finistère: 65/ François Gaonac'h (1901-1978)

1920-2020: Cent ans d'engagements communistes en Finistère: 64/ Paul Lespagnol (1949-2003)

1920-2020: Cent ans d'engagements communistes en Finistère: 63/ Jean-Marie Le Scraigne (1920-2016)

1920-2020: Cent ans d'engagements communistes en Finistère: 62/ Le docteur Tran

1920-2020: Cent ans d'engagements communistes en Finistère: 61/ Jean-Marie Plonéis (1934-2018)

1920-2020: Cent ans d'engagements communistes dans le Finistère: 60/ Guillaume Bodéré

1920-2020: Cent ans d'engagements communistes dans le Finistère: 59/ Pierre Salaun

1920-2020: 100 ans d'engagements communistes en Finistère - 58/ Guy Laurent (1940-1994)

1920-2020: 100 ans d'engagements communistes en Finistère - 57/ Eugène Kerbaul (1917-2005)

1920-2020: 100 ans d'engagements communistes en Finistère - 56/ Pierre Cauzien (1922-2009)

1920-2020: 100 ans d'engagements communistes en Finistère - 55/ Albert Jaouen (1909-1976)

1920-2020: 100 ans d'engagements communistes en Finistère - 54/ Pierre Hervé (1913-1993)

1920-2020: 100 ans d'engagements communistes en Finistère: 53/ Julien Gracq, de son vrai nom Louis Poirier (1910-2007)

1920-2020: 100 ans d'engagements communistes en Finistère: 52/ Yves Le Meur (1924-1981)

1920-2020: 100 ans d'engagements communistes en Finistère: 51/ Jean Burel (1921-1944)

1920-2020: 100 ans d'engagements communistes en Finistère: 50/ Jacob Mendrès (1916-2012)

1920-2020: 100 ans d'engagements communistes en Finistère: 49/ Henri Tanguy dit Rol-Tanguy (1908-2002)

1920-2020: 100 ans d'engagements communistes en Finistère: 48/ Carlo de Bortoli (1909-1942)

1920-2020: 100 ans d'engagements communistes en Finistère: 47/ Robert Jan (1908-1987)

1920-2020: 100 ans d'engagements communistes en Finistère: 46/ Denise Roudot (1933-2002)

1920-2020: 100 ans d'engagements communistes en Finistère: 45/ Paul Le Gall (né en 1925)

1920-2020: 100 ans d'engagements communistes en Finistère: 44/ René Le Bars (1933-2016)

1920-2020: 100 ans d'engagements communistes en Finistère: 43/ Louis Le Roux (1929-1997)

1920-2020: 100 ans d'engagements communistes en Finistère: 42/ Pierre Corre (1915-1943)

1920-2020: 100 ans d'engagements communistes en Finistère: 41/ Daniel Le Flanchec (1881-1944)

1920-2020: 100 ans d'engagements communistes en Finistère: 40/ Joséphine Pencalet (1886-1972)

1920-2020: 100 ans d'engagements communistes en Finistère: 39/ Sébastien Velly (1878-1924)

1920-2020: 100 ans d'engagements communistes en Finistère: 38/ Edouard Mazé (1924-1950)

1920-2020: 100 ans d'engagements communistes en Finistère: 37/ Guy Liziar (1937-2010)

1920-2020: 100 ans d'engagements communistes en Finistère: 36/ Henri Moreau (1908-1943)

1920-2020: 100 ans d'engagements communistes en Finistère: 35/ Alphonse Penven (1913-1994)

1920-2020: 100 ans d'engagements communistes en Finistère: 34/ Michel Mazéas (1928-2013)

1920-2020: 100 ans d'engagements communistes en Finistère: 33/ Pierre Guéguin (1896-1941)

1920-2020: 100 ans d'engagements communistes en Finistère: 32/ Jean-Louis Primas (1911-1943)

1920-2020: 100 ans d'engagements communistes en Finistère: 31/ François Paugam (1910-2009)

1920-2020: 100 ans d'engagements communistes en Finistère: 30/ Angèle Le Nedellec (1910-2006)

1920-2020: 100 ans d'engagements communistes en Finistère: 29/ Jules Lesven (1904-1943)

1920-2020: 100 ans d'engagements communistes en Finistère: 28: Raymonde Vadaine, née Riquin

1920-2020: 100 ans d'engagements communistes en Finistère: 27/ Jeanne Goasguen née Cariou (1901-1973)

1920-2020: 100 ans d'engagements communistes en Finistère: 26/ Gabriel Paul (1918-2015)

1920-2020: 100 ans d'engagements communistes en Finistère: 25/ François Bourven (1925-2010)

1920-2020: 100 ans d'engagements communistes en Finistère: 24/ Yves Autret (1923-2017)

1920-2020: 100 ans d'engagements communistes en Finistère: 23/Pierre Jaouen (1924-2016)

1920-2020: 100 ans d'engagements communistes en Finistère: 22/ André Berger (1922-1943)

1920-2020: 100 ans d'engagements communistes en Finistère: 21/ Joseph Ropars (1912-1943)

1920-2020: 100 ans d'engagements communistes en Finistère: 20/ Paul Monot (1921-1943)

1920-2020: 100 ans d'engagements communistes en Finistère: 19/ Jean-Désiré Larnicol (1909-2006)

1920-2020: 100 ans d'engagements communistes en Finistère: 18/ Jean Le Coz (1903-1990)

1920-2020: 100 ans d'engagements communistes en Finistère: 17/ Alain Cariou (1915-1998)

1920-2020: 100 ans d'engagements communistes en Finistère: 16/ Jean Nédelec (1920-2017)

1920-2020: 100 ans d'engagements communistes en Finistère: 15/ Alain Le Lay (1909-1942)

1920-2020: 100 ans d'engagements communistes en Finistère: 14/ Pierre Berthelot (1924-1986)

1920-2020: 100 ans d'engagements communistes en Finistère: 13/ Albert Abalain (1915-1943)

1920-2020: 100 ans d'engagements communistes en Finistère: 12/ Andrée Moat (1920-1996)

1920-2020: cent ans d'engagements communistes en Finistère: 11/ Jean Le Brun (1905-1983)

1920-2020: 100 ans d'engagements communistes en Finistère - 10/ Denise Larzul, née Goyat (1922-2009)

1920-2020: 100 ans d'engagements communistes en Finistère: 9/ Pierre Le Rose

1920-2020: 100 ans d'engagements communistes en Finistère: 8/ Marie Salou née Cam (1914-2011)

1920-2020: 100 ans d'engagements communistes en Finistère: 7/ René Vautier (1928-2015)

1920-2020: 100 ans d'engagements communistes en Finistère: 6/ Denise Firmin née Larnicol (1922-2019)

1920-2020 - 100 ans d'engagements communistes en Finistère: 5/ Fernand Jacq (1908-1941)

1920-2020: 100 ans d'engagements communistes en Finistère: 4/ Corentine Tanniou (1896-1988)

1920-2020 - 100 ans d'engagements communistes en Finistère: 3/ Albert Rannou (1914-1943)

1920-2020 - 100 ans d'engagements communistes en Finistère - 2/ Marie Lambert (1913-1981)

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21 novembre 2020 6 21 /11 /novembre /2020 05:59

 

Dans le climat délétère actuel, les amalgames et les attaques qui visent les progressistes et les militants de gauche minent la République.

Un peu plus d’un mois après l’assassinat de Samuel Paty, notre pays est toujours sous le coup de l’émotion. Un hussard de la République a été décapité froidement pour avoir simplement fait son métier. Trop peu l’ont dit, c’est l’école, berceau de notre République, qui façonne les citoyens de demain qui a été attaquée.

Les appels à l’unité nationale n’ont pas survécu à la journée de deuil, tant les envies d’en découdre de Manuel Valls, Bernard Cazeneuve ou de Jean-Michel Blanquer étaient fortes. Les mêmes qui défilent avec l’extrême droite en Espagne passent des contrats avec des pays comme le Qatar ou priorisant les financements des écoles privées, hors du cadre de la République. De véritables tartuffes de la laïcité.

« Ce qui alimente le fanatisme, c’est la simplification, la généralisation et l’inculture », écrivait l’Église protestante unie, le dimanche 25 octobre. Ce qui alimente l’extrême droite est la même simplification, la même généralisation et la même inculture car, comme le fanatisme, elle se repaît du déficit démocratique, fait son lit sur la régression sociale et la peur de l’altérité.

Le mot « collabos » peint un week-end d’octobre sur la coupole de la place du Colonel-Fabien nous remplit d’effroi et nous glace. Il en va plus que d’un simple acte de vandalisme. Quand des fascistes se mettent à accuser de collaboration les communistes et s’attribuent les apparats de la résistance tandis qu’ils renvoient au « parti des fusillés » ceux du bourreau, on peut légitimement s’interroger sur l’état du débat public et démocratique.

Des appels à retirer le voile en mémoire de Samuel Paty au désir de vengeance exprimé sur les plateaux de télévision, en passant par la réouverture du bagne et l’interdiction des rayons halal, cette inscription est le point culminant de quinze jours de climat nauséabond où l’extrême droite et la droite, appuyée des ministres en service commandé, ont réussi le tour de force d’accuser les mouvements progressistes d’être responsables de la mort de Samuel Paty. Comme si le camp des progressistes était complice des crimes commis au nom de l’islam !

Le mot « islamo-gauchisme » n’est rien d’autre qu’un étendard utilisé par l’extrême droite pour cacher ses propres turpitudes. On a beaucoup parlé de la manifestation contre l’islamophobie, mais très peu des liens entre le Rassemblement national et les milieux terroristes islamistes. Combien d’éditorialistes ont fait leur une sur le rôle joué par un cadre du FN au sein de la cimenterie Lafarge pour négocier avec Daech afin de permettre à l’activité économique de continuer ? Qui a parlé de Claude Hermet, ­ex-membre du service d’ordre du FN, qui a fourni les armes au terroriste de l’Hyper Cacher ? L’extrême droite tue en France, comme en Europe, et dans le monde. Selon une note publiée par la direction exécutive du Comité contre le terrorisme des Nations unies, les recherches montrent qu’il y a eu une augmentation de 320 % des attaques menées par des individus affiliés à des mouvements et idéologies d’extrême droite au cours des cinq dernières années. Nous n’avons pas souvenir d’un seul article de presse à ce sujet.

Le brouillage des repères et la perte de sens sont aussi au cœur du débat qui grandit sur la laïcité et nous refusons la manière dont il est instruit sous forme de procès à charge et criminalisations de personnalités de gauche et militants des droits de l’homme. L’assassinat odieux de Samuel Paty est le fait d’un terroriste djihadiste dont l’objectif était de faire taire une voix de l’émancipation, tomber un homme amoureux de la connaissance, héritier des Lumières comme de tous ceux qui ont œuvré à faire grandir la conscience humaine.

Être à la hauteur de la situation après une telle barbarie implique de se donner pour objectif de faire reculer le fascisme sous toutes ses formes, mais également le terreau de son idéologie. Il implique de regarder en face notre société et ses maux, s’attaquer à leurs racines, changer de priorités quand celles choisies depuis des décennies ont fait la preuve de leur impuissance à refonder le vivre-ensemble.

Plutôt que traquer des « islamo-gauchistes » dans les universités, nous préférerions que Jean-Michel Blanquer s’attaque aux discriminations et aux ruptures d’égalité qui minent les quartiers et l’école laïque. Il devrait relire les mots écrits par Jean Jaurès dans la Revue de l’enseignement primaire et primaire supérieur où le fondateur de l’Humanité appelle à « créer autour de l’école et de ses maîtres une atmosphère républicaine, une sorte de grande amitié nationale, et il faut doter l’enseignement laïque d’un outillage si perfectionné que la concurrence des écoles cléricales ne puisse se soutenir ». Des mots d’une étonnante justesse et toujours d’actualité.

De même, plutôt que jouer les censeurs et les bien-pensants de la gauche, nous préférerions voir Bernard Cazeneuve et Manuel Valls s’inquiéter de l’omniprésence de la fachosphère dans les médias et de la manière dont elle contamine le débat public, à commencer par imposer ses thèmes.

L’inquiétude est grande, et nous devons collectivement prendre la mesure de la situation. Le danger de l’extrême droite dans ce pays, véritable vecteur de séparatisme pour reprendre leurs mots, est plus que jamais présent. Idéologiquement, électoralement, socialement, l’extrême droite impose son agenda politique et ses thèmes.

Depuis un mois, les attaques contre les mosquées se multiplient et les pompiers pyromanes, fauteurs de haine, continuent de souffler sur des braises incandescentes. Cela peut très mal finir. La République est aujourd’hui sur un fil, et, chaque jour, notre État de droit recule un peu plus sous les coups de boutoir d’un pouvoir toujours plus liberticide. Encore récemment, nous avons appris avec horreur que le maire de L’Île-Saint-Denis a vu la porte de sa maison couverte de croix gammées…

Face à ce récit de haine qu’on tente de nous imposer, nous tenons à réaffirmer que nous ne pouvons rester spectateurs, au risque de voir les derniers idéaux de la révolution des Lumières partir en lambeaux. N’ayons pas honte d’être de gauche, d’être des progressistes, des internationalistes. Combattre l’extrême droite, c’est assumer ses valeurs dans un combat frontal pour décons­truire ses thèses réactionnaires et les mensonges qui truffent ses discours. Combattre ne suffit pas, il faut aussi offrir un horizon émancipateur. C’est par la perspective de nouveaux jours heureux que nous ferons reculer le fascisme sous toutes ses formes.

En créant l’Observatoire national contre l’extrême droite, le 12 octobre, nous avons souligné l’urgence à développer un outil permettant de mener une bataille d’idées d’ampleur pour sortir des slogans et aller vers une déconstruction idéologique et argumentée de son discours. Nous lançons un appel à toutes celles et tous ceux qui veulent mener, à nos côtés, ce travail. Rejoignez-nous ! Il y a urgence.

 

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21 novembre 2020 6 21 /11 /novembre /2020 05:58

 

La banque néerlandaise Rabobank vient de publier le classement des 20 plus grandes entreprises de collecte et de transformation du lait dans le monde. Selon le tableau reproduit par La France Agricole du 6 novembre dernier, trois de ces firmes dépassent le chiffre d’affaires annuel de 20 milliards de dollars. Cette mondialisation productiviste fait croître le bilan carbone des produits laitiers qui voyagent beaucoup à travers le monde, tout comme les aliments du bétail.

Dans le classement de la Rabobank, la firme suisse Nestlé arrive en tête avec 22,1 milliards de dollars de chiffre d’affaires sur un an. On imagine que la collecte laitière dans les vallées de ce petit pays, frontalier avec la France, compte peu dans ce bilan. Le groupe familial français Lactalis arrive en seconde position avec 21 milliards de dollars. Mais on ignore quelle part de ce chiffre est réalisée en France. En revanche, on sait que Lactalis fait souvent l’objet d’accusations pour des pollutions des cours d’eau par des rejets de détergents et autres substances lâchées par ses usines, tuant les poissons et provoquant la colère des pêcheurs, comme celle des militants d’associations environnementales. Dans le classement de la Rabobank, la firme états-unienne Dairy Farmers of America occupe la troisième place du podium avec 20,1 milliards de dollars.

Le second peloton compte 6 groupes industriels dont le chiffre d’affaires annuel est supérieur à 10 milliards de dollars. On trouve à sa tête le français Danone avec 18,2 milliards, suivit du groupe chinois Yli avec 13,4 milliards devant la coopérative néozélandaise Fonterra, puis le groupe néerlandais FrieslandCampana, le chinois Mengniu, la firme suédo-danoise Arla Foods. La firme canadienne Saputo ferme la marche avec 11,3 milliards de dollars de chiffre d’affaires annuel. Dix entreprises figurent dans la suite du classement avec un chiffre d’affaires annuel compris entre 6,5 milliards de dollars pour le groupe allemand DMK tandis que Müller, un autre groupe d’outre Rhin, ferme la marche avec 4,9 milliards de dollars. Au milieu de ce tableau on trouve deux groupes coopératifs français qui sont SODIAAL avec 5,7 milliards et Savencia avec 5,6 milliards de dollars. Sur les vingt groupes, dix sont européens dont quatre Français. On en compte trois aux États Unis, deux en Chine, deux au Canada, le Japon, l’Inde et la Nouvelle Zélande venant compléter le tableau avec une firme chacun.

La Chine mondialise sa souveraineté alimentaire

Selon Jean-Marc Chauvet, un expert de l’Institut de l’élevage en France cité par La France Agricole, « la publication de la Rabobank a été abondamment commentée par la presse chinoise, qui y voit le résultat de nombreuses années d’effort du secteur laitier national, qui ferait maintenant partie intégrante de la puissance de la Chine ». Selon cet expert, les firmes chinoises Yili et Menguini « dépendent uniquement du marché chinois et ne sont pas encore devenues des Globals Players ». On sait que la Chine cherche d’abord à assurer sa souveraineté alimentaire, y compris en promouvant des accords de coopération impliquant des capitaux chinois dans des firmes de l’industrie laitière d’autres pays. Ce fut le cas avec le groupe coopératif SODIAAL pour la construction d’une tour de séchage pour produire du lait infantile en poudre à Carhaix dans le Finistère. Mais quand l’usine fut enfin en bon état de fonctionnement après de longs tâtonnements, l’investisseur chinois Synutra se retira de Carhaix. Entre-temps, la Chine avait vu que la poudre produite en Nouvelle Zélande avait un prix de revient plus intéressant que celle produite en Bretagne.

Concurrence mondiale et baisse des marges

L’étude de la Rabobank évoque déjà le palmarès qu’elle produira l’an prochain dans le classement des grandes firmes laitières. De son côté, Jean-Marc Chauvet écrit que « les industriels risquent de voir leurs marges baisser, à moins qu’ils misent sur le marché intérieur en s’adaptant aux nouveaux modes de consommation ». Mais on ne parle jamais de la rémunération des producteurs de matière première que sont les hommes et les femmes qui doivent nourrir les vaches tous les jours de l’année et les traire deux fois par jour. Et pour cause, les éleveurs dont certains, en France, se qualifient eux-mêmes de producteurs de « minerai », ne perçoivent souvent que 320 à 330 € pour 1 000 litres de lait en 2020 contre une moyenne de 370 € en 2013-2014, avant la sortie des quotas laitiers en Europe.

En France toujours, les grandes entreprises de collecte que sont Lactalis et SODIAAL figurent parmi ces mauvais payeurs. Avant comme après la sortie des quotas laitiers, les producteurs les plus correctement rémunérés demeurent ceux de la filière du comté qui livrent de nombreuses petites coopératives, lesquelles rayonnent souvent sur un seul canton. Le prix des 1 000 litres de lait a été supérieur à 550 € en 2019 et il devrait en être de même en 2020 malgré la crise sanitaire. Il faut 10 000 litres de lait pour produire une tonne de comté et la filière en produit 60 000 tonnes par an, dont 90 % sont vendues en France. Les « fruitières » du Jura et du Doubs limitent délibérément les volumes de production à la demande des responsables de la filière. Les durées d’affinage peuvent s’étaler sur 6 à 36 mois. Cela permet d’adapter l’offre à la demande, sans avoir à subir le chantage des grandes surfaces qui font toujours baisser les cours dès que l’offre devient excédentaire. De même, produire un peu de crème et de lait écrémé peut contribuer à cette régulation certains moments de l’année.

Une production fromagère à faible bilan carbone

Dans la filière du comté, les vaches de race Montbéliarde et Pie rouge de l’Est ont été choisies en raison de la qualité de leur lait, riche en protéines. Le maïs ensilé et les autres aliments fermentés sont interdits par le cahier des charges au profit de l’herbe et du foin tandis que les apports de concentrés comme les tourteaux de soja sont limités dans la ration quotidienne des vaches. Tout cela débouche sur un fromage savoureux et de qualité constante, dont chaque consommateur peu choisir la durée d’affinage en fonction de ses goûts au moment de faire ses courses.

Comme les prairies stockent du carbone et que les associations de graminées et de légumineuses permettent de réduire les apports d’engrais azotés, la production de lait à comté est, de loin, la plus écologique de France. À la belle saison, les vaches sont au pré et ne rentrent que pour la traite le matin et le soir. On garde ainsi des fermes familiales à taille humaine, loin des grandes structures de type industriel où les bêtes ne sortent plus de la stabulation. Voilà ce que permet le respect du cahier des charges de la filière du comté.

On ne trouve pas cette préoccupation chez Lactalis. On se souvient que cette firme, en plein accord avec les enseignes de grande distribution, tenta voilà quelques années d’interdire en Normandie les camemberts et autres fromages au lait cru au profit de ceux issus du lait pasteurisé. Les produits traditionnels ne durent leur sauvetage qu’à la résistance des petits fromagers soucieux de préserver le savoir-faire des terroirs.

La coopérative bretonne Triskalia épinglée par France 5

On ne trouve pas non plus cette préoccupation chez Triskalia, un groupe coopératif né en 2010 de la fusion de trois coopératives dont Coopagri Bretagne. Triskalia vend des engrais, du matériel agricole et des aliments du bétail. La coopérative collecte aussi du lait et d’autres produits agricoles. Hier soir, dans un documentaire diffusé par France 5 sur la prolifération des algues vertes sur le littoral breton, un producteur de lait a expliqué comment ses vaches laitières avaient été rendues malades par des aliments composés vendus par Triskalia, lesquels ont aussi provoqué des avortements. Ces aliments, contenaient six antibiotiques destinés aux lapins d’élevage mais inadaptés pour les ruminants. Il a fallu que Christophe Thomas, producteur de lait à Moustéru près de Guingamp, fasse analyser les aliments pour découvrir la cause du mal. Sollicités par les enquêteurs de France 5, les dirigeants de Triskalia n’ont pas donné suite. Mais ils ont indiqué dans un bref communiqué que la maladie des vaches de Christophe Thomas était imputable à « une dysfonctionnement ponctuel lors de la livraison à l’agriculteur ».

En Bretagne, on élève 57 % des porcs français, on produit 40 % des œufs de poule et 30 % des poulets de chair à quoi s’ajoute environ 20 % de la production du lait de vache sans oublier les troupeaux de bovins allaitants sur 7 % du territoire national. Du coup, l’alimentation granivore des porcs et des volailles vient d’ailleurs, de même que les tourteaux de soja pour les vaches laitières. Parallèlement, les gros volumes de lisier et autres effluents d’élevage ne peuvent pas être recyclés sans polluer les cours d’eau chargés de nitrates. D’où la prolifération des algues vertes.

Ainsi, même sans figurer dans le top 20 de la Rabobank, les entreprises laitières bretonnes ne portent pas les mêmes valeurs que les « fruitières » de Franche-Comté.

Gérard Le Puill

 

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20 novembre 2020 5 20 /11 /novembre /2020 06:57

 

Les 100 milliards d’euros promis par le gouvernement devraient d’abord profiter aux grandes entreprises, confirme une évaluation réalisée par deux centres de recherche. EXPLICATIONS.

Les critiques fusent contre le plan de relance. Ce lundi, c’était au tour des économistes de l’Institut des poli­tiques publiques (IPP) et du Cepremap (Centre pour la recherche économique et ses applications) de s’interroger sur la pertinence des 100 milliards d’euros sur trois ans débloqués par le gouvernement pour faire face à la crise. Avec, comme cible, la baisse des impôts de production (dont 10 milliards d’euros dès 2021) à ­laquelle s’ajoute la poursuite de la baisse de l’impôt sur les sociétés.

Car la ristourne fiscale profiterait essentiellement aux grandes entreprises, notamment industrielles, en laissant de côté « ceux qui ont le plus pâti de la crise du Covid-19 » et qui « ne bénéficieront pas particulièrement de ce plan ». À l’inverse des aides d’urgence – comprenant les mesures de chômage partiel, prêts garantis, exonérations et reports de cotisations – qui ont « permis d’amortir le choc », en ciblant les entreprises « dont l’activité avait le plus baissé ainsi que celles en plus grande ­vulnérabilité financière », assurent les économistes. Des mesures qui ont également « aidé des entreprises petites, peu capitalistiques et peu ­productives d’avant-crise », notent-ils.

 

L’investissement public, clé de la relance

Ainsi, l’effet sur la croissance d’une baisse des impôts de production, estimé par Bercy à 0,5 point de PIB, serait « très optimiste ». Les économistes s’interrogent également sur le poids de l’investissement public dans ce budget de relance (un tiers du budget contre les deux tiers pour la baisse de la fiscalité). Dans un tel contexte d’incertitude, l’investissement public est, pour eux, la clé de la relance, surtout à long terme, avec un multiplicateur potentiellement supérieur à 2, explique de son côté l’économiste du Cepremap.

Un plan d’autant plus discutable que le retour du confinement rend les perspectives de reprise très incertaines et que le financement de cette mesure n’est pas abordé dans le budget 2021. Selon leurs estimations, ce deuxième confinement devrait entraîner une perte d’activité comprise entre 10 et 20 % par rapport à la normale en ­novembre. Ce qui représente environ un tiers à deux tiers du choc constaté au printemps dernier. Si ce deuxième coup d’arrêt de l’activité semble moins fort qu’en mars-avril, en ­revanche, l’effet sur le secteur productif pourrait être « sensiblement ­aggravé », ­notamment dans les branches particulièrement touchées. Ainsi, la croissance pour 2020 plongera au mieux à - 8,6 %, au pire à - 11 %. « L’incertitude de ce deuxième confinement est donc de l’ordre de 2,4 % du PIB », soit quelque 50 milliards d’euros.

 

Des inégalités de revenus amplifiées

Côté ménages, les économistes relèvent que malgré les mesures, l’effet de la crise a amplifié les inégalités de revenus. Même si, « d’une façon générale, nos connaissances de l’impact sur les inégalités de la crise restent encore très incomplètes », notamment sur les pertes d’emploi et le non-emploi des nouveaux entrants, les économistes relèvent que « les actifs des ménages les plus modestes exercent en moyenne une activité dans des secteurs plus durement touchés ». Ce sont également ceux dont la possibilité de télétravailler est la moins élevée et dont les contrats (contrat court, intérim) sont les moins protecteurs.

Les aides exceptionnelles aux bénéficiaires d’aides sociales et l’allocation de rentrée scolaire – qui ont atteint 173 euros pour les 20 % de ménages les plus modestes – ont permis de compenser en partie leurs baisses de revenus, note l’étude. À l’inverse, les plus aisés, « moins touchés par l’activité partielle », ont eu de « moindres pertes de revenus ». 

 

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20 novembre 2020 5 20 /11 /novembre /2020 06:55

 

Une haletante course de vitesse est engagée sur l’ensemble de la planète entre un virus tueur et la recherche de traitements et vaccins. 1 250 000 vies ont déjà été volées par le Covid-19 alors qu’une troisième vague est envisagée avec fatalité. Dans un contexte aussi anxiogène, l’annonce de la découverte d’un vaccin a soulevé un vent d’espoir. L’Organisation mondiale de la santé vient, de son côté, de préciser que 48 vaccins sont en phase d’essai clinique. L’espoir se situe à hauteur du drame qui se noue chaque jour, avec ses terribles conséquences sanitaires, sociales, économiques, psychologiques, culturelles et civilisationnelles.

Les étapes sont cependant loin d’être franchies avant que ces traitements ne puissent être mis à disposition de tous. Les protocoles médicaux doivent être scrupuleusement respectés et des doutes persistent sur leur production et distribution. Malheureusement, ce sont une nouvelle fois des groupes privés – bénéficiant pourtant de substantielles aides publiques – qui mènent la danse dans le cadre d’une guerre économique sans merci, espérant en tirer de colossaux profits et accumuler du capital. Ainsi ces jours derniers, la firme nord-américaine Pfizer, associée à un laboratoire allemand, a annoncé un vaccin utilisant des techniques biomédicales nouvelles. Par parenthèse, bravo l’Europe unie de la santé !

Cette simple annonce a suffi pour enflammer les Bourses mondiales. Le capitalisme a ce pouvoir de faire gagner, sur une simple information, beaucoup d’argent à ses maîtres qui espèrent, une fois le vaccin inoculé, pouvoir reprendre les affaires dans les conditions antérieures à la crise sanitaire. Avec les mêmes excès, le même égoïsme, la même violence augmentée de l’effondrement du tissu économique des petites et moyennes entreprises et du pouvoir acquis par les plateformes numériques.

Une nouvelle fois, les progrès médicaux, fruits du travail de scientifiques, financés pour partie avec de l’argent public et rehaussant considérablement les capacités humaines, fructifient le capital alors qu’ils pourraient être le moyen de diminuer les coûts de production au service de l’intérêt général.

Toute personne raisonnable devrait pourtant retenir de l’épreuve que nous vivons que la santé n’a pas vocation à être laissée aux seules multinationales. Une action forte devrait être lancée pour que les vaccins sécurisés deviennent des biens communs et universels.

L’Organisation mondiale de la santé a lancé une initiative baptisée Covax pour centraliser la recherche sur le Covid-19 et assurer la distribution équitable des vaccins sur l’ensemble de la planète. Elle réunit États, acteurs publics et privés. 184 pays, dont la Chine, ont décidé de s’y engager. Les États-Unis devraient désormais les rejoindre. L’Union européenne (UE) a décidé d’y recourir en finançant le dispositif à hauteur de 500 millions. C’est trop peu et les pays européens se grandiraient à hausser leur contribution.

Au-delà, il apparaît aberrant que la recherche vaccinale soit laissée à la discrétion des seuls laboratoires privés cotés en Bourse. La France, qui a bâti son savoir scientifique sur la force du service public, devrait tendre vers un grand service public coopératif de la recherche et de la santé incluant des « nationalisations » d’un type nouveau. Et pourquoi ne pas proposer à d’autres pays européens de le construire ensemble ? Voici un sujet de réflexion pour le commissaire à la Planification ! Par contre l’UE finance actuellement de grandes firmes pharmaceutiques pour une valeur de 2,1 milliards d’euros dans l’opacité la plus totale. On ne connaît pas le prix de la dose de vaccin qui serait mis à disposition, ni qui aura la propriété intellectuelle des brevets, ni qui serait responsable d’effets secondaires, si, par malheur, il y en avait.

Si un mouvement populaire mondial obtenait que ce vaccin soit considéré bien commun de l’humanité, par conséquent gratuit, une nouvelle ère pourrait s’ouvrir sur des bases de partage et de fraternité.

 

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20 novembre 2020 5 20 /11 /novembre /2020 06:31

 

Bernard Cazeneuve, lorsqu’il était ministre de l’Intérieur, se plaignait que les GAFA en savaient plus sur chaque Français que ses services, oubliant ainsi que le problème venait du pouvoir acquis grâce à la collecte de masse et à la centralisation de données et métadonnées personnelles et non à la qualité des propriétaires de ce pouvoir. Aujourd’hui, avec sa proposition de loi sur la « sécurité globale », le groupe LREM de l’Assemblée nationale est en train de réaliser une partie du rêve de Cazeneuve.

 

 

Cette proposition de loi, loin de se réduire à la question de la diffusion des images de visages de policiers, montre une LREM et un gouvernement qui se vivent en guerre contre toute une partie de la société française. À ce propos, la question de l’usage des images des caméras individuelles des forces de l’ordre est particulièrement révélatrice. Jusqu’ici ces images ne pouvaient être utilisées que pour la prévention des incidents au cours des interventions, le constat des infractions, la poursuite de leurs auteurs par la collecte de preuves et à la formation. Les députés LREM proposent d’élargir l’usage de ces images à « l’information du public sur les circonstances de l’intervention » des forces de l’ordre, c’est-à-dire à la propagande gouvernementale. Or un tel usage porterait atteinte au bon fonctionnement de la justice en violant le secret de l’instruction. Or le député LREM, rapporteur de la proposition de loi, justifie de manière sidérante cette remise en cause de l’État de droit en déclarant : « Il faut se déniaiser par rapport à toutes les situations. On est en train de perdre la guerre des images sur les réseaux sociaux (…) Il faut lutter à armes égales, nous sommes dans une société moderne, il n’y pas de raison que ceux qui représentent l’autorité de l’État aient un temps de retard. » CQFD, l’État s’affronte à son propre peuple, il est en guerre contre la société.

La loi proposée va jusqu’à permettre aux porteurs de ces caméras individuelles d’accéder aux enregistrements vidéo, ouvrant ainsi la porte à toutes les manipulations puisque les amendements demandant une sécurisation de ces fichiers en étant « unitairement chiffrés, signés et horodatés sur le serveur de stockage » ont été repoussés.

Lors du 1er confinement, la préfecture de Paris avait utilisé des drones hors toute légalité, ce qu’avait condamné et interdit le Conseil d’État. C’est pourquoi la loi de la LREM vise à consacrer l’usage de drones de surveillance quasiment en tous lieux et en toutes circonstances. Tous les amendements visant à interdire l’utilisation de la reconnaissance faciale ou à protéger les domiciles et espaces privatifs de cet espionnage ont été repoussés.

La loi sur la sécurité globale vise en fait à transformer tout l’espace public en espace sécuritaire. Elle prépare le terrain à la mise en réseau des caméras mobiles, des drones, des centaines de milliers de caméras fixes, afin de les coupler avec des systèmes d’intelligence artificielle et de reconnaissances faciales, ouvrant la porte à un fichage généralisé des participants à des manifestations ou à de la répression « préventive » (sic) basée sur l’analyse prédictive des comportements.

C’est pourquoi le PCF soutient la lettre de 66 organisations de défense des droits et libertés, dont ATTAC, la Quadrature du Net, la Ligue des droits de l’homme, les Moutons numériques, le SNJ-CGT, demandant au Parlement de repousser les articles 21, 22 et 24 de cette loi.

Au-delà de la « grande peur » (1) des mouvements sociaux qu’ont le pouvoir et ses députés, il s’agit d’abandonner les concepts de défense nationale et de sûreté des citoyens au profit de celui de sécurité globale incluant un continuum allant des forces armées jusqu’aux sociétés de sécurité privée. Le « modèle » (sic) mis en avant est celui de l’État d’Israël où la majeure partie de la sécurité intérieure est sous-traitée à des milices privées et à des sociétés de sécurité qui sont par ailleurs intégrées dans un même système avec l’armée et la police. Or le concept de « défense nationale » et de « sûreté des citoyens » participe à ce qui fait nation en France, alors que celui de « sécurité globale » divise en fabriquant des « ennemis de l’intérieur » sans permettre, contrairement aux idées reçues, une meilleure coopération entre les services de l’État contre la menace terroriste entre autres. La notion de « sécurité globale » débouche sur une privatisation de la mise en œuvre du droit à la sûreté au profit de grands groupes transnationaux vendeurs de solutions globales de service sécurité à la seule destination de ceux qui pourront se les payer. Avec la « sécurité globale », il ne s’agit pas de protéger les citoyens mais d’une fuite en avant dans le solutionnisme technologique sécuritaire. Il est illusoire de penser que l’on réglera à coups de drones, de caméras, de robots, d’intelligence artificielle les problèmes de sécurité et de dérives maffieuses de pans entiers de notre société. Pense-t-on sérieusement régler avec la seule technologie le fait gravissime que l’économie de la drogue génère dans le 93 un chiffre d’affaires annuel de plus d’un milliard €.

Cette loi affaiblira la cohésion sociale du pays afin de dégager les moyens nécessaires à la privatisation des fonctions régaliennes de défense et de sécurité. Sous couvert de sécurité globale, on renforce les causes de l’insécurité et on porte atteinte aux capacités de résilience de la société que représente l’intervention citoyenne au travers des luttes et mouvements sociaux. On a besoin de voisins solidaires et non de voisins vigilants. À cette loi qui ne ferait qu’enfermer notre pays dans un cercle vicieux où le terrorisme, la délinquance et l’insécurité se nourriraient d’eux-mêmes, le PCF oppose la déclaration du chef de l’État norvégien au lendemain de la tuerie d’Utoya : « Nous allons répondre à la terreur par plus de démocratie, plus d’ouverture et de tolérance. »

Cette loi n’est que la pointe immergée d’un capitalisme de la surveillance : Multiples capteurs au travail comme à domicile avec l’internet des objets, géolocalisation, caméras de surveillance, reconnaissances faciales, fichage biométrique, traçage de notre activité sur le web, méta données…, toute une économie de la surveillance de notre vie est en train de s’installer et de croître. Elle repose sur la captation et l’exploitation économique de nos données personnelles. Exercée par des États comme par des plateformes numériques marchandes, elle permet de nouvelles formes de contrôle social qui se donnent le pouvoir de repérer, de stigmatiser, de rappeler à l’ordre et de sanctionner ce qui ne serait pas dans la norme. Face à cela, le code informatique ne peut être la loi, il faut construire un nouveau système de droits, donner de nouveaux pouvoirs aux citoyen·ne·s de garantir et développer les libertés. Le règlement général de protection des données (RGPD) a été un premier pas dans ce sens mais, face à la puissance du développement du big data et de l’intelligence artificielle, il faut aller bien plus loin en passant de droits individuels à un droit collectif. µ

Yann Le Pollotec, membre du CN, responsable de la commission Révolution numérique.

 

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19 novembre 2020 4 19 /11 /novembre /2020 06:52

 

La proposition de loi de la Macronie arrive ce mardi 17 novembre à l’Assemblée nationale. L’Humanité décortique 4 points clés de ce projet autoritaire, qui porte atteinte aux libertés. DÉCRYPTAGE.

La proposition de loi sur la « sécurité globale » arrive ce mardi dans l’Hémicycle. Soutenu par le ministre Gérald Darmanin, le texte de LaREM décline en 32 articles les orientations très sécuritaires du gouvernement. Du floutage obligatoire des agents à la surveillance généralisée de l’espace public, en passant par le renforcement de la police municipale, la loi inquiète les organisations de défense des libertés publiques. Car son objectif est simple : restreindre les images de policiers en opération, mais faciliter la diffusion d’images produites par les policiers pour contrôler le récit des événements.

 

1. Limiter les images de violences policières

L’article 24 de la proposition de loi concentre les tensions. Et pour cause : diffuser sur les réseaux sociaux des images de policiers en opération, dans l’intention de nuire à leur « intégrité physique ou psychique », sera passible d’un an d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende. La mesure a immédiatement suscité de vives inquiétudes. Le but du texte, alerte le Syndicat de la magistrature, est « de faire encore reculer le contrôle démocratique sur ce qui se joue, les forces de l’ordre devenant finalement les seules à échapper aux honneurs des caméras ».

Le ministre Gérald Darmanin, lui, ne cesse de répéter qu’ « on pourra toujours filmer des policiers en manifestation. En revanche, il sera impossible de diffuser ces vidéos de manière malveillante, sinon vous serez sanctionné », a-t-il encore affirmé au Parisien dimanche. Il se garde bien de dire que l’obligation de flouter les policiers et la sanction possible en cas de non respect risquent de dissuader les personnes de filmer. D’autant que « l’intention est une notion sujette à interprétation et qu’il est difficile de caractériser, pointe Reporters sans frontières. Toutes les images montrant des policiers identifiables (…) pourraient se voir accusées de chercher à nuire à ces policiers. Pour les journalistes, l’aléa judiciaire est réel, et le risque de condamnation existe ». Sans compter, rappelle le député PCF Stéphane Peu, que « la police républicaine, au service de tous les citoyens, doit être bien identifiée et identifiable ».

Le corapporteur du texte LaREM Jean-Michel Fauvergue ne fait pas mystère de la visée de cette disposition : il s’agit de « reprendre le pouvoir dans la guerre des images ». Pour y parvenir, la proposition de loi entérine l’anonymisation rampante des policiers à l’œuvre depuis des années. Pour faire passer la pilule, l’élu macroniste a introduit en commission un amendement pour que le numéro d’immatriculation individuel (RIO) reste identifiable. Problème : nombreux sont ceux à ne pas respecter l’obligation de le porter. Et reprenant à son compte l’argumentaire des syndicats policiers, Gérald Darmanin défend cette mesure visant à protéger les agents des insultes et autres agressions. Si les menaces à leur encontre ne font aucun doute, aucun chiffre, aucune étude ne permet d’attester que celles-ci ont un lien avec la diffusion d’images sur les réseaux sociaux.

 

2. Les caméras-piétons, un moyen de communication

Si le texte favorise l’anonymisation des policiers, il propose a contrario une surveillance massive des personnes en temps réel, via les drones ou les caméras-piétons. Sur l’utilisation de ces dernières par les policiers municipaux, une circulaire du ministère de l’Intérieur du 14 mars 2019 prévoit que les agents ne « peuvent avoir accès directement aux enregistrements auxquels ils procèdent ». Désormais, ils auront le droit de regarder les images qu’ils tournent. Même au sein de la majorité, des inquiétudes se font jour. Le député LaREM Sacha Houlié a déposé en commission un amendement visant à supprimer cette disposition, car « la captation en question perdra de sa force probante, la bonne foi de l’agent pouvant être remise en question ». Pour les élus du groupe Libertés et territoires Paul Molac et Jean-Félix Acquaviva, cette mesure pourrait permettre « d’adopter la même version des faits en cas de poursuite et (de) chercher à cacher des manquements de la part des forces de l’ordre ».

Autre point inquiétant : ces mêmes enregistrements pourront être transmis en direct au poste de commandement. « Cette transmission en temps réel est très grave (…) Le centre de commandement pourra informer en direct les agents de terrain sur l’identité des militant.e.s sur les lieux de la manifestation », a estimé la France insoumise dans un amendement rejeté. Enfin, ces enregistrements, jusqu’à présent exploités à des fins judiciaires, serviraient à « l’information du public sur les circonstances de l’intervention ». Cet outil de surveillance se transformerait ainsi en moyen de communication à destination du public, conformément à la stratégie déployée depuis les gilets jaunes par la préfecture de police de Paris sur son compte Twitter. Inquiète, la Défenseure des droits, Claire Hédon, estime dans un avis rendu le 5 novembre que « ces dispositions sont susceptibles de porter atteinte au droit au respect de la vie privée ».

 

3. La surveillance généralisée de l’espace public

À y regarder de plus près, l’article 22 sur les drones s’inscrit aussi dans cette volonté de renforcer l’appareil répressif. Au nom de la lutte contre l’insécurité, la loi favorise l’élargissement de leur utilisation. Le texte prévoit ainsi un champ d’intervention allant de la lutte antiterroriste à la simple zone de deal, mais aussi à la surveillance des manifestations. Ce qui constitue une arme de dissuasion massive car lourde de conséquences pour les manifestants. « La surveillance par drones permet aussi, plus simplement, de suivre à la trace n’importe quel individu “dérangeant’’ repéré au cours d’une manifestation, afin de diriger les forces aux sols pour le malmener », s’inquiète l’association de défense des libertés numériques la Quadrature du Net. Mais surtout, le texte donne un cadre juridique à l’usage des drones, jusqu’ici mal encadré, après que ceux de la préfecture de police de Paris ont été cloués au sol pendant le confinement par le Conseil d’État. Par ailleurs, de quelles garanties disposent les personnes concernant le respect de leurs données personnelles ? Aucune, alertent la Quadrature du Net et 64 organisations, dont la LDH et le Syndicat des avocats de France, pour qui le déploiement massif de ces drones et des caméras mobiles entraînerait « une capacité de surveillance généralisée de l’espace public ».

 

4. L’abandon de missions régaliennes

Dernière aggravation inquiétante, le transfert de compétences régaliennes aux policiers municipaux et aux agents de sécurité privée. Les infractions, comme la conduite sans permis, la vente à la sauvette, les squats de hall d’immeuble, les ventes de stupéfiants, l’occupation de bâtiments ou les tags, seront désormais constatées et verbalisées par les agents municipaux, et non par la police nationale. Ce transfert de compétences, outre qu’il fait reposer sur les communes des missions dévolues à l’État, met ces politiques à la merci des arbitrages des maires, ouvrant la porte à une inégalité de traitement. « Chaque maire décide de la doctrine d’emploi du service qu’il a mis en place en fonction des moyens dont dispose sa commune », rappelle Stéphane Peu (PCF), inquiet de voir se renforcer une « sécurité des riches et une sécurité des pauvres »« Les villes populaires risquent encore d’être les grands perdants », se désole-t-il.

 

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19 novembre 2020 4 19 /11 /novembre /2020 06:31

 

Depuis plusieurs semaines les lycéennes et lycéens se mobilisent aux côtés de leurs enseignants pour demander au gouvernement l’instauration d’un protocole sanitaire strict dans leurs établissements scolaires.

 

 

 

Malgré la crise sanitaire et le confinement, les élèves sont entassés dans des classes trop petites, la taille des selfs ne permet pas de respecter les mesures de distanciations physiques, les salles de classe ne peuvent pas être aérées convenablement étant donné que les fenêtres ne s’ouvrent pas ou peu... À croire que ceux qui ont réalisé le protocole n’ont pas mis les pieds dans un établissement scolaire depuis de nombreuses années. À quoi il faut ajouter la réforme du baccalauréat de Jean-Michel Blanquer. En supprimant le groupe classe, le brassage des élèves est inévitable.

En réponse, les lycéennes et lycéens ont exprimé leurs inquiétudes en se mobilisant par dizaines de milliers dans tout le pays pour interpeller le gouvernement à ce sujet. Ces mobilisations ont été marquées par un usage de la violence à l’encontre des lycéen·ne·s mobilisés.

Depuis les mobilisations contre Parcoursup de 2018, les mobilisations lycéennes sont systématiquement cassées et chargées par les forces de l’ordre. Gaz lacrymogènes, LBD, nasses, intimidation, verbalisation, charge de CRS et même des gardes à vue… sont devenues la triste réalité des manifestations lycéennes. Au lieu de rendre acteurs les lycéennes et lycéens dans la prise de décision, l’exécutif fait le choix de la répression.

Les images parlent plus que les mots. De la vidéo de 150 lycéens à genoux les mains derrière la tête à Mantes-la-Jolie aux images de CRS contrôlant les carnets de liaison des lycéens pour entrer dans leur établissement, en passant par l’image d’un lycéen la tête en sang après avoir reçu un tir de flashball, tout est fait pour casser les mobilisations, dissuader les lycéen·ne·s de se mobiliser. Ces images ne relèvent pas de simples bavures ou d’actes de policiers isolés faisant de l’excès de zèle, mais bien d’une stratégie globale de répression à l’encontre des manifestantes et manifestants.

Nous ne pouvons pas tolérer de telles scènes indignes d’un État de droit, encore plus lorsque cette répression concerne des jeunes, a fortiori lorsqu’ils sont mineurs. Depuis le début de son quinquennat, Emmanuel Macron fait glisser notre pays vers la pente dangereuse de l’autoritarisme et de la répression.

Il y a quelques semaines, le gouvernement a dit vouloir s’atteler à l’apprentissage de la citoyenneté au sein des établissements scolaires et chérir la liberté d’expression, mais il envoie les CRS lorsque les jeunes expriment des revendications sur leurs conditions d’étude. Les manifestations et toutes formes d’expression collective sont non seulement des libertés individuelles qu’il faut garantir, mais elles font également partie intégrante des droits des citoyens. Lorsque des lycéen·ne·s se mobilisent pour leur avenir, ils font vivre la liberté d’expression et le droit de manifester. Lorsqu’on leur envoie des CRS, la seule chose qu’ils apprennent c’est qu’il est interdit de manifester sous peine d’être blessé ou arrêté.

La réponse à la crise démocratique qui traverse notre pays ne peut être celle du passage en force et de l’autoritarisme. La puissance publique et le gouvernement doivent être soumis au droit et non le contraire. Ainsi, le droit de manifester doit être préservé. Les policiers doivent garantir ce droit et non le détruire.

L’apprentissage de la citoyenneté et de son appartenance à la République se fait par son engagement dans la société. Or, on n’apprend pas à devenir citoyen lorsque des CRS sont envoyés devant nos lycées pour casser les mobilisations qui défendent le droit à la formation et l’égalité. Lorsqu’on réprime les mouvements lycéens qui s’expriment pour l’égalité des territoires, pour la santé publique, c’est la République qui est atteinte. Apprendre à devenir citoyens, c’est également écouter les manifestants lorsqu’ils s’expriment sur l’injustice dont ils sont victimes. 

Léon Deffontaines, secrétaire général du MJCF.

 

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