1920-2020: 100 ans d'engagements communistes en Finistère:
41/ Daniel Le Flanchec (1881-1944)
Daniel Le Flanchec était né le 2 juillet 1881 au bourg de Tredrez (22), près de Lannion, fils d'un bedeau né à Pleumeur-Bodou. D'abord anarchiste, proche de la Bande à Bonnot, il sera parmi les fondateurs du Parti Communiste en Bretagne et secrétaire fédéral du PC dans le Finistère. Tatoué, borgne, excessif, tonitruant, tribun exceptionnel, il crie partout ses révoltes et ses espoirs. A Douarnenez, on disait de lui : « Hennezh’zo un den » "Celui-là est un homme " !
"Daniel Le Flanchec, maire de Douarnenez à partir de 1924, est un personnage de roman. Individualiste forcené, peu scrupuleux, adulé par les siens, haï par tous les autres, exceptionnel orateur, il l’emporte très largement à chaque élection municipale, tant il est dévoué aux marins et aux sardinières. Fils de bedeau, il n’est vraiment pas un enfant de chœur ! Borgne, entièrement tatoué, vasectomisé volontaire, il pratique allègrement les prévarications de toutes sortes et des décès bien douteux parsèment même sa route... " (Jean-Michel Le Boulanger)
Il rompt, en 1936 avec le Parti Communiste, suit un moment Jacques Doriot dans ses dérives populistes et terrasse le Front Populaire lors d’élections mémorables. Quand les Allemands arrivent en juin 1940, il hisse, par bravade, le drapeau français sur la façade de la Mairie et refuse de l’enlever (acte rarissime, qui lui vaut d’être destitué). Après sa destitution par les Allemands alors qu'il était membre du PPF depuis 1936, Le Flanchec est arrêté à Ploulec'h où il s'était retiré et déporté par les Allemands au camp de Buchenwald où il meurt. Lui et Sébastien Velly auront inauguré à Douarnenez une tradition communiste peu commune en Bretagne puisque de 44 à 45, c'est le communiste Joseph Pencalet qui sera maire de Douarnenez, de 1949 à 1951 Joseph Trocme, avant que Michel Mazéas, ancien résistant, ne gère la ville pendant 4 mandats et 24 ans, à partir de 1971.
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Article inspiré principalement de la notice du Maitron sur Daniel Le Flanchec:
https://maitron.fr/spip.php?article117162, notice LE FLANCHEC Daniel, Jean, Marie par Georges-Michel Thomas, version mise en ligne le 24 novembre 2010, dernière modification le 8 septembre 2012.
Et dans la revue En Envor, article de Thomas Perrono
Fils d’un sacristain, après un apprentissage de charpentier, Daniel Le Flanchec s’engage dans la Marine en 1899 à 18 ans. Il fait alors l’expérience des lointaines guerres coloniales, en participant notamment à la répression de la révolte chinoise des Boxers. Mais son expérience sous l’uniforme tourne rapidement court avec l’émergence d’une conscience politique marquée par l’antimilitarisme et l’anarchisme. Installé à Brest à partir de 1907, Daniel Le Flanchec fait partie, en 1908-1909, du comité général de la Bourse du Travail de Brest. Il assure les fonctions de secrétaire du syndicat du Bâtiment dans la même ville. Il écrit également sous pseudonyme dans le journal L’Anarchie. Il ne participe pas à la Grande guerre, ayant perdu un œil quelques années auparavant, mais prend fait et cause pour la révolte bolchévique. Au sortir de la guerre, il milite pour que les socialistes s’engagent au sein de la IIIe Internationale. Il adhère d’ailleurs dès le congrès de Tours au Parti communiste et devient tout de suite l’un des cadres locaux de cette structure.
Devenu marchand forain, militant socialiste, il fut délégué au congrès de Strasbourg (février 1920). Signalé par la police au congrès de Tours (décembre 1920), il adhéra au Parti communiste naissant et fut secrétaire fédéral adjoint, secrétaire intérimaire en 1923 puis secrétaire fédéral en 1924. Le Parti communiste l’avait présenté au conseil général dans le 3e canton de Brest le 14 mai 1922. Candidat aux élections municipales partielles de 1924 à Douarnenez, orateur populaire apprécié, d’un dynamisme débordant, il devint maire de la ville le 7 octobre 1924.
Charles Tillon en fit un portrait chaleureux : « La combativité de ce petit homme de quarante-quatre ans, trapu et dont le coffre forgeait le fer de son verbe, avait révolutionné Douarnenez. De visage coloré, le poil noir, Le Flanchec était borgne. Il vous soupesait d’un œil agrandi qui ne cillait jamais. Sa faconde acerbe d’ancien anarchiste se détendait en tirades comiques dites en breton pour mieux dérouter ses ennemis. L’homme subjuguait la foule des marins et des sardinières qui piétinaient en sabots, sous les halles immenses » (On chantait rouge, pp. 64-65).
Il soutint, tout d’abord, la grève des ouvriers de la conserve (21 novembre 1924) et débaptisa les rues : la rue du Môle devint la rue Henri-Barbusse et la place de la Croix, la place Lénine. Le préfet le suspendit de ses fonctions « pour, dit le conseil municipal, avoir fait son devoir en évitant par sa présence, une tuerie inévitable, le jeudi 4 décembre ». Le 1er janvier 1925, des briseurs de grève qui avaient pris pension dans un hôtel de Douarnenez, pénétrèrent dans un café où se trouvait Le Flanchec. Ils tirèrent sur lui au revolver, le blessant au cou ainsi que son neveu. Une fois soigné, Daniel Le Flanchec rentra à Douarnenez où les sardinières, prévenues de son arrivée, lui firent une escorte d’honneur.
Rétabli dans ses fonctions par le préfet, il arriva encore en tête aux élections suivantes. Sur sa liste figurait Charles Tillon. Déjà, la direction du Parti communiste s’inquiétait de sa personnalité. Dans un rapport du 22 septembre 1925, Louis Béors déclara qu’il « a toujours mené une politique personnelle, présentant aux marins (...) tout ce qui a été fait (...) comme son œuvre propre » (BMP, bobine 98). Il fut cependant le candidat communiste aux élections législatives d’avril 1928 et fut encore réélu aux élections municipales du 5 mai 1929. Candidat aux élections sénatoriales de septembre 1930, il ne recueillit que 17 voix, contre 673 à Le Gorgeu. Il eut alors des démêlés avec le Parti communiste, et en septembre 1930, le comité départemental demanda son exclusion, ainsi que le bureau régional. Mais le Comité central se montra beaucoup plus arrangeant. Émile Drouillas (M. Laporte), secrétaire de la Région rennaise, écrivit dans son autiobiographie de 1932 : « J’ai été l’objet d’un blâme de la direction du Parti, en 1930, pour avoir commis des fautes de mécanisme dans l’exclusion de Le Flanchec à Douanenez, exclusion que le Parti n’a pas ratifiée. » (RGASPI, 495 270 8641).
"Si ses administrés lui prouvent leur attachement en l’élisant trois fois de suite jusqu’au déclenchement de la Seconde Guerre mondiale, la direction du Parti communiste critique son clientélisme et se méfie largement de la personnalité de tribun – que l’on qualifierait aujourd’hui volontiers de « populiste » – de Daniel Le Flanchec. Il passe ainsi près de l’exclusion en 1930. Au moment du Front populaire, Le Flanchec cultive de plus en plus son amitié avec Jacques Doriot, le maire du bastion communiste de la banlieue nord de Paris. Ce doriotisme lui vaut une exclusion définitive du Parti communiste en 1937. Ce qui ne l’empêche pas d’être à nouveau réélu maire" (Thomas Perrono)
Par suite de ce revirement, la rue Louise-Michel devint rue Maréchal-Pétain, et la place Lénine reprit son nom primitif. Le 7 septembre 1940, Daniel Le Flanchec, toujours maire, fut cependant révoqué par ordre des autorités allemandes.
Pourtant, loin de suivre Jacques Doriot et son parti politique fascisant, le sinistre PPF, Daniel Le Flanchec ne tombe pas dans la collaboration sous l’Occupation. Après avoir symboliquement refusé de retirer le drapeau tricolore de l’Hôtel-de-ville de Douarnenez à l’arrivée des troupes allemandes, il est rapidement destitué par l’occupant. En 1941, après avoir été dénoncé par sa compagne pour propagande communiste, Daniel Le Flanchec est arrêté.
"Sa dernière compagne est une comtesse, une comtesse en chapeau, ce qui ajoute à sa légende. Sa dernière bravade mérite respect : par deux fois, il refuse d’amener le drapeau français, à l’arrivée des Allemands, le 20 juin 1940. Acte rarissime de conscience, de volonté, de courage aussi. Cette insoumission magnifique lui vaut une destitution immédiate. Il fuit alors Douarnenez et vit près de Lannion avant d’être trahi par sa compagne, la comtesse, qui le vend aux nazis, par deux fois. Le Flanchec meurt dans des conditions atroces, à Buchenwald. La destinée tragique, et invraisemblable, d’un insoumis" (Jean-Michel Le Boulanger: http://bcd.bzh/becedia/fr/flanchec-un-destin-romanesque)
Le Flanchec fut en effet arrêté et déporté en Allemagne où il meurt en mars 1944. Sa compagne, qui l’avait dénoncé par lettre pour propagande communiste, fut condamnée à 15 ans de travaux forcés.
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