1920-2020: 100 ans d'engagements communistes en Finistère
24/ Yves Autret (1923-2017)
Voici la biographie d'Yves Autret écrite par Gilles Pichavant pour le Maitron:
Né le 2 octobre 1923 à Saint-Segal (Finistère), ouvrier du bâtiment; syndicaliste CGT du Finistère; communiste; résistant FTPF.
Yves Autret naquit le 2 octobre 1923 à Saint-Segal.
Ayant adhéré au Parti Communiste en 1938, alors qu'il n'a que 15 ans, à la cellule de pont-de-Buis, rattachée à la section de Quimper.
En fin 1940 ou début 1941, sous l'occupation, il fut contacté par Fanch Merrien*, pour le PCF clandestin. Dès lors, il fut un diffuseur de journaux et de tracts clandestins, pour le PCF, la JC, puis le FN. Il participa à des actions directes contre l'occupant avec [Maurice Cam->157353] — qui était un voisin, du même âge que lui, et avec qui il avait été à l'école primaire — et [Albert Abalain->142667].
Versés aux FTPF au printemps 1942, ils participèrent sous les ordres de Maurice Cam à l'incendie de l'émetteur en construction de Radio-Quimer'ch. Ils passèrent ensuite au maquis FTPF de Spézet-Saint-Goazec.
Yves Autret devint rapidement le "recruteur" départemental des FTPF. Au départ de Moreau*
Il intégra le triangle départemental des FTPF comme responsable aux effectifs, et resta jusqu'à la Libération au commandement départemental des FTPF sous le pseudonyme de Capitaine Pierre. Jeune chef FTP du Finistère, il participa aux combats de la Libération. Puis il participa aux exhumations des fosses de Mousterlin dans lesquelles on retrouva les corps de Maurice Cam, et de son neveu Guy Cam*, qui avaient été arrêtés puis fusillés ensemble, avec d'autres, sur les dunes de Mousterlin.
À la Libération Yves Autret continua son activité militante au PCF, et fut un temps responsable départemental et permanent du mouvement de la Jeunesse communiste pour le Finistère.
Devenu ouvrier du bâtiment, il adhéra à la CGT, et devint délégué syndical, et délégué du personnel, à la succursale brestoise de l'entreprise Rapt-et-Brice, grosse entreprise de travaux public. Dans les années 1950 et 1960 il y avait 160 syndiqués à la CGT sur 180 salariés dans cette succursale.
SOURCES: {1918-1945, 1640 militants du Finistère}, d’Eugène Kerbaul, Presses de l’imprimerie commerciale de Rennes, 1988. — Archives familiale et témoignages d'Yves Autret
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Pont-de-Buis-lès-Quimerc'h, février 2005.
Entretiens entre Yves Autret, capitaine Pierre dans la Résistance, et Anne Friant-Mendrès, fille d'un des camarades de Résistance de Yves.
En note, des biographies de militants du Finistère écrites par leur camarade Eugène Kerbaul en 1985. Elles complètent les informations données.
Pont-de-Buis l’ouvrière née de sa poudrerie fondée en 1688. La poudre à canon est destinée à Brest, le port de guerre du Ponant. Ses ouvriers sont les paysans des communes voisines.
La cité s’est bâtie sur les dernières pentes montagneuses avant l'océan, au bord de la Douffine, affluent de l’Aulne, rivière qui traverse Châteaulin, la ville voisine.
Sous-préfecture du Finistère, célèbre par la présence de 1930 à 1933 d'un sous-préfet promis à un avenir héroïque, Jean Moulin, Châteaulin est un carrefour, ouvrant vers Carhaix à l'est, vers Crozon à l'ouest, à mi-chemin entre Brest et Quimper. Elle sera considérée comme un point stratégique par l'armée d'occupation.
Pont-de-Buis, par sa poudrerie, sa population ouvrière, sa situation géographique ouverte sur tout le département par sa proximité avec Châteaulin, devient très tôt un centre de Résistance à l’Occupation Allemande et à la Collaboration de 1940 à 1944.
1-Yves Autret.
Cette période de notre Histoire est aussi celle de l’entrée dans la vie du tout jeune homme que j’étais alors.La France est défaite par les armées allemandes. Philippe Pétain, né en 1856, Maréchal de la guerre 14-18, reçoit les pleins pouvoirs. Il conclut un armistice le 22 juin 1940 dans des conditions honteuses, laissant notre alliée, l’Angleterre, seule face à l’ennemi et entre dans une politique de collaboration avec l’Allemagne nationale-socialiste. La « Révolution Nationale », nom donné par Pétain à l’action de son gouvernement de Vichy, est à l’ordre du jour. Interdiction des grèves et promulgation du « Statut des Juifs » dès la fin de l’année 1940.
Depuis septembre 1939, à la suite du Pacte Germano-Soviétique, le Parti Communiste est dissous.
Mais nous, nous ne doutons pas. Nous savons quel combat nous attend. La guerre d’Espagne et son issue tragique nous y a préparés. Staline veut gagner du temps pour s’armer en prévision de l’inéluctable affrontement entre fascisme et socialisme. Bientôt l’Union Soviétique sera à nos côtés.
Le pays est occupé, dépecé, rationné, pillé. Beaucoup d’hommes sont prisonniers de guerre, et bientôt la jeunesse sera requise pour le Service du Travail Obligatoire en Allemagne.
La Bretagne est en zone occupée. Toute la côte est en zone interdite. Brest est pour la Kriegsmarine une position stratégique de la plus haute importance.
Nous entrons dans « le tragique des quatre années maudites »*. Le tout jeune homme que j’étais devra vite grandir.
Pont-de-Buis. Il faut parler d’abord de la famille Berthelot, et en particulier du père, Louis Berthelot. Cet homme qui était une grande figure du mouvement syndical et politique avait appris à lire et à écrire en suivant la scolarité de ses enfants. Il n’était pas allé à l’école. Tout jeune, il était dans les bois à faire des sabots. Un homme formidable. Nous habitions le même quartier, une cinquantaine de mètre séparait nos maisons. Il avait perdu une jambe …et sa religion dans les tranchées. C’était un grand blessé de la guerre 14-18. Je le connaissais bien, et j’ai toujours eu pour lui la plus grande admiration. C’était un père attentif à l’éducation de ses enfants. Il les a formé aux valeurs progressistes et républicaines. Il connaissait les « Histoires de Yann et de Chann », et tous les soirs il les leur racontait.
Ouvrier à la poudrerie, il était secrétaire des Anciens Combattants, militant syndical et politique.
Il fut arrêté fin 42 ainsi que son fils Pierre par les flics de Châteaulin. Ils furent tous deux déportés. Ils revinrent des camps, mais l’épreuve fut si dure que sa femme en perdit la raison, ce dont souffrit beaucoup la plus petite, sa dernière fille.
Il y avait aussi Maurice Cam, qui participera à mes côtés aux premiers sabotages, et Guy, son neveu.
Maurice était ouvrier aux écritures à l’arsenal. Il était avec nous aux Jeunesses Communistes. Il faisait partie du groupe de Brest. Quand ils ont été chassés de Brest, Guy et lui ont rejoint le maquis de Saint-Goazec-Spézet.
Guy Cam a aussi laissé la vie dans ce combat.
Je vois toujours un frère de Maurice. Il vient là en vacances.
2-L’Aigle d’Or
Yves Autret. Brest. 1941. Il faut parler de l’hôtel restaurant de l’Aigle d’Or, 57 rue Jean Jaurès à Brest.
Brest était en zone interdite, mais les Allemands avaient besoin de main-d’œuvre pour la construction de leur Mur de l’Atlantique et le port de guerre. Brest était un immense chantier. Les hommes démobilisés venaient y chercher du travail.
« L’Aigle d’Or » était un restaurant ouvrier, où tous les copains se retrouvaient. Il y avait là Le Rest, Jean-Pierre Le Rest, un gars du bâtiment, de Quimerc’h . Il a disparu au cours d’un transport.
Tous les gars de Pont-de-Buis fréquentaient cet hôtel. Il y avait là Albert Abalain, François Le Gall qui était ingénieur, Yves Gourmelon, mort des suites de tortures. « L’Aigle d’Or » était l’âme. Pierre Corre, tous les chefs se retrouvaient là.
Je me rappelle que Pierre Corre descendait souvent chez Berthelot.
Il y avait aussi des Républicains Espagnols. Un fort groupe.* C’était un grand restaurant ouvrier. On y trouvait aussi des « Bretons émancipés de Paris.» Beaucoup ont été internés puis libérés. L’un d’eux, un Morvan de Douarnenez, dit « La Sardine », m’a servi de planque pendant toute l’occupation.
J’aimerais savoir ce que sont devenues ces femmes qui tenaient le restaurant après la guerre. Elles sont allées voir les copains et leur porter des colis quand ils ont été arrêtés.
NOTE*Ils se sont évadés des CTE, Compagnies de travailleurs Etrangers, soumis par l’occupant à un travail de forçat pour la construction du mur de l’Atlantique et les travaux de la base sous-marine. Ils étaient détenus au Fort de Montbarey. Cf Eugène Kerbaul ( Chronique d’une section communiste de province) et le livre de Antonio Muñoz Zamora ( Mathausen 90 009) racontant « La Resistencia Española contra las hordas nazis en la ciudad de Brest »
NOTE: Eugène Kerbaul cite Claudette Jeanne Cormault dans son Dictionnaire Biographique :
« Née à Brest en 1910. Entre dans la Résistance au Front National et aux F.T.P.. Activité d’hébergement à Brest dans son hôtel de « L’Aigle d’Or », au 57 de la rue Jean Jaurès. Elle « planque » de nombreux résistants, dont Yves Gourmelon de Quimerc’h, Jean-Pierre Le Rest, qui échappera de peu à une arrestation sur ce lieu même. Elle cache aussi des armes, procure de faux papiers et des tickets d’alimentation aux résistants.
4-En fin 1943, lors de la comparution devant le conseil de guerre allemand de Brest, du résistant communiste Jean Hénaff, elle réussit à prendre de ses mains les plans de la prison allemande de Pontaniou, établis pour préparer une évasion qui réussira le 25 octobre1943, libérant Hénaff et six autres résistants dont Jean Nicolas, qui fut tué au combat en juillet 1944 ».
C’est Jean Nicolas qui « reçut de madame Cormault, aidée de son frère Philippe Le Cars et de sa belle-sœur Denise, une mallette à double fond contenant le matériel qui permit l’évasion du 25 novembre 1943 ».
3-Les Jeunesses Communistes
Yves Autret. Je m’occupais des Jeunesses Communistes: Nous avions été formés par les instituteurs. Notre groupe était très soudé.
Je suis entré aux Jeunesses Communistes au moment de la guerre.
Je me rappelle, en 37, en pleine guerre d’Espagne, un grand meeting organisé par Tanguy-Prigent et le Parti Communiste à Pleyben. Je suis parti à bicyclette avec Pierre Berthelot et Maurice Cam. J’avais quarante sous pour faire ma virée. Mon premier geste a été de mettre mes quarante sous dans le drapeau des Républicains Espagnols, le drapeau violet, jaune, rouge .
Nous étions tous les trois à l’école. Nous avions passé le certificat d’études et nous préparions le brevet.
Nos professeurs étaient des hommes très cultivés et de fervents républicains.
Après le certificat d’études nous avions étudié l’antiquité, les civilisations égyptienne, grecque, romaine...
Pont-de-Buis a été une pépinière de normaliens et d’employés des P.T.T.I.(poste….). On en trouvait partout, à toutes les responsabilités. Hascouët, notre instituteur, était fier de nous. Même après la guerre il était fier de l’équipe qu’il avait formée.
Nous avions un professeur de français sur Pont-de-Buis, François Merrien. Il donnait des cours le soir après la classe. C’était un normalien, un brillant élève et de surcroît un sacré beau garçon. Il devait avoir trois ans de plus que nous. Nous étions au parti avec lui.
Il nous faisait étudier « Le Capital » de Marx. Nous lisions et commentions son œuvre. Prix, salaires, profits. Je crois sa pensée toujours d’actualité, seulement il faut que cela reste libre, consenti, compris.
Du fait de l’existence de la poudrerie, nous comptions dans notre environnement des syndicalistes assez solides.
Pont-de-Buis est tout de même le seul patelin où on a fait grève contre la guerre en 1940 ! Le responsable était Jean Masson, militant ouvrier qui mourra en camp de concentration. Cela concernait la poudrerie. Un comble dans une usine d’armement !
La suite de l'article écrit par Anne Friant-Mendrès à partir du témoignage d'Yves Autret à lire sur le site de l'ANACR:
http://www.lesamisdelaresistancedufinistere.com/page221/styled-23/page579/index.html
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