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2 février 2020 7 02 /02 /février /2020 07:48
Pierre Guéguin, fusillé le 22 octobre 1941 dans la carrière de Châteaubriant - Ancien conseiller général et maire communiste de Concarneau, acteur majeur du Front Populaire

Pierre Guéguin, fusillé le 22 octobre 1941 dans la carrière de Châteaubriant - Ancien conseiller général et maire communiste de Concarneau, acteur majeur du Front Populaire

1920-2020: 100 ans d'engagements communistes en Finistère:

33/ Pierre Guéguin (1896-1942)

Né le 18 août 1896 à Quimerc'h, Pierre Guéguin est un fils d'instituteur. Mobilisé pendant la première guerre mondiale avec la classe 1916, il restera profondement marqué moralement et politiquement les ravages et l'idiotie profonde de la guerre.  Il devient professeur de mathématiques à l'EPS après avoir été instituteur (il est issu lui-même d'une famille d'instituteurs laïcs), militant laïc, n'a pas quarante ans quand il est élu au Conseil Général du Finistère en 1934.

Il adhère à la SFIO en 1919, se trouvant encore dans l'armée.  Démobilisé en 1920 avec le grade de lieutenant, il devint membre du Parti communiste et de la CGTU après le congrès de Tours.

"Nommé instituteur à Quimperlé, il y créa une section de l’Association républicaine des anciens combattants dont il fut le président. Lors de l’inauguration d’un monument aux morts, le 3 juillet 1921, il prononça un discours, jugé « particulièrement violent » par les autorités, qui lui valut d’être frappé d’une sanction disciplinaire et d’être inscrit au Carnet B du Finistère. Il enseigna comme professeur de mathématiques à l’école primaire supérieure de Lorient, d’octobre 1924 à octobre 1926, date à laquelle il fut nommé à l’EPS de Concarneau (Finistère). Marié en janvier 1918 à Brest avec une employée de bureau, il eut un fils, Pierre Guéguin, instituteur également.
L’activité de Pierre Guéguin s’exerça autant dans le domaine syndical, à la Fédération unitaire de l’enseignement rattachée à la Confédération générale du travail unitaire, que sur le plan politique où il devint l’un des principaux animateurs du Parti communiste dans la région. Il parcourut le département, comme conférencier de son syndicat, traitant, en particulier, des problèmes agricoles et de la guerre. Son esprit critique l’entraîna à manifester dans le parti des opinions qui ne concordaient pas toujours avec la ligne officielle, voire à combattre avec vigueur cette ligne, dans les années 1929 et 1931 notamment. Plus tard, il défendit certes, dans le débat de tendances à l’intérieur du syndicat, les positions du parti envers la critique du courant révolutionnaire de l’École émancipée, animée par son jeune ami Marc Bourhis, mais il lui fut reproché de ne pas le faire sur un ton assez acerbe et de conserver des liens amicaux avec Marc Bourhis.
Ses contributions très denses et vigoureuses font apparaître l’auteur comme le maître à penser de son syndicat. Cependant, l’indépendance d’esprit de Pierre Guéguin se heurta souvent à la ligne du parti engagé dans un cours « gauchiste ». Il s’ensuivit fréquemment des rapports conflictuels bien connus à l’intérieur du parti mais aussi à l’extérieur. Les désaccords étaient importants aussi bien sur la question syndicale que sur celle de la laïcité. Mais ils prirent une ampleur particulière lorsque Guéguin signa avec plusieurs instituteurs communistes, le 19 novembre 1931, à Quimper, un texte qui prenait tout simplement la défense des oppositionnels exclus du parti. " " (Rodolphe Prager, Maitron en ligne).

Élu au conseil municipal de Concarneau lors du renouvellement général de 1929, il obtint plus de suffrages que le maire sortant, mais resta minoritaire.

C'est le premier et le seul élu cantonal du Parti communiste avant guerre dans le Finistère et l'un des sept conseillers généraux du PCF avant 1939. Il a mené une campagne comme candidat unique de la gauche dès le premier tour et a été élu avec un peu plus de 50% des voix au second. La victoire de Pierre Guéguin aux élections départementales à Concarneau symbolise et récompense l'unité retrouvée du monde ouvrier et de ses représentants politiques. Sa profession de foi est cosignée par la SFIO et le PCF. Elle marque aussi la reconnaissance d'un élu engagé dans les luttes sociales car il s'est fortement impliqué dans les grèves de 1929. Avec lui, le PCF a doublé son score dans l'arrondissement de Concarneau. 

Dans la foulée, Pierre Guéguin gagne les élections municipales de Concarneau en mai 1935. Concarneau fait partie des 4 communes emportées par le PCF dans le Finistère avec Beuzec-Conq, Le Guilvinec, Tréffiagat quand le PCF perd Pouldavid. A Douarnenez, la liste Le Flanchec est passée au 1er tour avec 1175 voix en moyenne contre 807 à la droite et 248 pour la liste dissidente. Mais Daniel Le Flanchec, en train de s'éloigner du PCF, est élu en avant-dernière position sur la liste.

A Concarneau, la progression de la tête de liste Pierre Guéguin qui passe de 47 voix (35,1% des exprimés) au premier tour de 1929 à 701 voix en 1935 (53,% des exprimés) lui permet d'être le seul élu au premier tour de la liste unique de la gauche. Le 10 avril, une réunion PCF-SFIO s'était tenue à Concarneau avec Guéguin, Tanguy Prigent, Le Normand pour préparer les municipales. 

Pour les élections législatives de mai 1936, la SFIO ne présente personne face à Pierre Guéguin sur la circonscription de Quimper 1. Le comité de Concarneau du Front Populaire organise des soirées radiophoniques pour écouter les les leaders du Front Populaire, Maurice Thorez, Léon Blum, Edouard Daladier, comme dans le pays Bigouden, où 200 personnes écoutent le discours de Maurice Thorez sous les Halles de Pont l'Abbé le 17 avril 1936.

Au premier tour des législatives à Quimper 1, Pierre Guéguin arrive en tête, battant le radical-socialiste sortant de près de 300 voix. Les communistes doublent leur base électorale par rapport aux législatives de 1932, en recueillant 13 226 voix contre 8 169 quatre ans plus tôt. Le score le plus important du PCF est obtenu au Relecq-Kerhuon avec 54,46% des voix exprimées. Il s'y présentait seul à gauche face au PDP et à une candidature du front paysan.

"Mais ce sont les résultats de Quimper 1, écrit Jean-Paul Sénéchal dans Finistère du Front populaire. 1934-1938. Lutte pour l'hégémonie et logique de blocs (PUR, 2017) qui créent l'évènement. Pour la première fois, en Bretagne, le PC arrive en tête d'une élection législative. Pierre Guéguin réussit à tripler les scores communistes en quatre ans. Il y fait progresser largement son parti au-delà même de l'augmentation moyenne nationale.... Dans la circonscription de Quimper-Concarneau, Guéguin obtient 4609 voix et améliore le score du PC avec 19,1% des inscrits contre 6,4% quatre ans auparavant. 

Le 3 mai, Pierre Guéguin aurait pu devenir le premier député communiste de Bretagne envoyé à l'Assemblée Nationale.  "Le radical Pierre Pouchus n'a pas réussi à effrayer les électeurs de Guéguin et à récupéré leurs voix. C'est le contraire qui se passe. 53,81% de ses électeurs ont choisi le candidat communiste au second tour.  Mais le maintien du radical hostile au Front Populaire a causé la défaite du maire communiste de Concarneau.  En juin, Guéguin va aider les ouvriers des établissements Trellu à se mettre en grève et à exposer leurs revendications. A l'été 1937, l'entente avec la SFIO se fissure et Pierre Guéguin dénonce vigoureusement devant les socialistes la politique de non-intervention du gouvernement Blum en Espagne, à l'occasion d'un Banquet à Carhaix le 25 juillet où était présent le ministre de l'agriculture Georges Monnet.  En 1937 toujours, Guéguin dénonce dans la fête des Filets Bleus organisée par le député de droite Hervé Nader avec l'appui de l'église (Monseigneur Duparc) et des élites locales, une entreprise de récupération politique et religieuse. Le Préfet commente: "M. le maire et conseiller général communiste, M. Guéguin, considère que la fête de la mer organisée par des éléments de droite et le clergé est purement politique et religieuse. Je dois reconnaître que ces affirmations sont en partie exactes".    

Membre du comité régional du parti communiste (Finistère-Morbihan), Pierre Guéguin remplit les fonctions de directeur du journal La Bretagne communiste.

Après que le pacte germano-soviétique ait été rendu public, Pierre Guéguin fera partie des militants communistes qui vont démissionner du PCF. Le groupe communiste au conseil municipal de Concarneau est alors scindé:

"Sa rupture avec le Parti communiste fut complète après le Pacte germano-soviétique. À la séance du conseil municipal du 1er septembre, il condamna sévèrement le pacte. Certains conseillers communistes prirent le maire vivement à partie, le traitant de « lâche » et de « dégonflé », et Pierre Guéguin dut se frayer un passage vers la sortie protégé par quelques amis. Le Parti communiste dénonça son comportement dans un tract annonçant qu’il n’avait plus rien de commun avec le parti ni avec le communisme.
Incorporé le 5 septembre au 337e Régiment d’infanterie à Quimper, il fut néanmoins déchu de ses mandats de maire et de conseiller général par arrêté du 10 février 1940, les rapports de police et du préfet le désignant comme un élément redoutable qui n’avait nullement renié ses convictions malgré ses difficultés avec le Parti. Il avait affirmé en effet lui-même, le 2 février, à des conseillers généraux socialistes qui envisageaient d’intercéder en sa faveur « que s’il était anti-stalinien, il restait communiste ». Il s’éleva contre sa déchéance, dans une lettre datée du 11 mars 1940 au président du conseil général, rappelant sa protestation contre « le pacte de trahison » qui entraîna « nul ne l’ignore ma rupture immédiate et complète avec le Parti communiste » mais ajoutant aussi « si le Parti communiste, sur l’ordre de Staline, a brusquement renié tous ses principes, je leur suis demeuré fidèlement attaché . Les autorités n’avaient aucune raison de le ménager dans ces conditions et le lui firent bien sentir. Le préfet Angély suggéra de muter Pierre Guéguin dans une autre garnison, « la présence du lieutenant communiste à Quimper créant un malaise certain ». Il fut donc affecté, en mai 1940, à Guingamp. Récidivant, le préfet demanda au ministre de l’Éducation nationale de le nommer dans un autre département, ce qui conduisit à sa révocation le 2 octobre 1940. Guéguin en fut réduit à donner des leçons particulières pour subsister jusqu’à son arrestation le 2 juillet 1941 et son internement au camp Choisel à Châteaubriant  (Rodolphe Prager, Maitron en ligne)". Camp de Choisel où Pierre Guéguin sera tenu à l'écart par les autres internés communistes, comme Marc Bourhis. 

"Le 13 septembre, dix-neuf internés bien sélectionnés, dont Pierre Guéguin et Marc Bourhis, furent transférés dans la baraque 19. On l’appela la baraque des intellectuels ou encore celle des otages.
À titre de représailles contre un attentat commis sur la personne d’un commandant des Feldgendarmes exécuté à Nantes, vingt-sept prisonniers de Châteaubriant furent fusillés le 22 octobre dans la carrière de La Sablière"  (Rodolphe Prager, Maitron en ligne)

Révoqué de ses fonctions d'enseignant en 1939 en pleine répression anti-communiste (voir document exclusif ci-joint, confié par Piero Rainero), interné au camp de Choisel, Pierre Guéguin, le maire et conseiller général de Concarneau, sera fusillé par les Allemands avec les 26 autres otages, dont Marc Bourhis, son adjoint à Concarneau le 22 octobre 1941 à Châteaubriant.

Sources: Jean-Paul Sénéchal, Finistère du Front populaire (PUR, 2017)

Rodolphe Prager, Maitron en ligne - https://maitron.fr/spip.php?article75186

Pierre Le Rose: une trajectoire communiste en Finistère

"A propos d'une ignominie: être dignes des 27": Pierre Le Rose rend hommage à Pierre Guéguin et Marc Bourhis, fusillés de Chateaubriant concarnois (L'Unité, journal communiste de Concarneau, novembre-décembre 1979)

Nous n'oublierons jamais! : le 22 octobre 1941, à Châteaubriant, 27 otages choisis par Vichy pour être fusillés par l'armée allemande parce qu'ils étaient communistes et cégétistes

Le Front Populaire dans le Finistère: C'était 1936, le Front Populaire vu de Bretagne

Un document inédit: la copie de l'acte de révocation de ses fonctions de professeur à l'école primaire de Pierre Guéguin par le préfet du Finistère - le 26 octobre 1940 (Archives Piero Rainero)

Un document inédit: la copie de l'acte de révocation de ses fonctions de professeur à l'école primaire de Pierre Guéguin par le préfet du Finistère - le 26 octobre 1940 (Archives Piero Rainero)

Lire aussi nos autres publications pour l'année du centenaire du Parti communiste dans la série "100 ans d'engagements communistes en Finistère":

Lire aussi:

1920-2020: 100 ans d'engagements communistes en Finistère: 32/ Jean-Louis Primas (1911-1943)

1920-2020: 100 ans d'engagements communistes en Finistère: 31/ François Paugam (1910-2009)

1920-2020: 100 ans d'engagements communistes en Finistère: 30/ Angèle Le Nedellec (1910-2006)

1920-2020: 100 ans d'engagements communistes en Finistère: 29/ Jules Lesven (1904-1943)

1920-2020: 100 ans d'engagements communistes en Finistère: 28: Raymonde Vadaine, née Riquin

1920-2020: 100 ans d'engagements communistes en Finistère: 27/ Jeanne Goasguen née Cariou (1901-1973)

1920-2020: 100 ans d'engagements communistes en Finistère: 26/ Gabriel Paul (1918-2015)

1920-2020: 100 ans d'engagements communistes en Finistère: 25/ François Bourven (1925-2010)

1920-2020: 100 ans d'engagements communistes en Finistère: 24/ Yves Autret (1923-2017)

1920-2020: 100 ans d'engagements communistes en Finistère: 23/Pierre Jaouen (1924-2016)

1920-2020: 100 ans d'engagements communistes en Finistère: 22/ André Berger (1922-1943)

1920-2020: 100 ans d'engagements communistes en Finistère: 21/ Joseph Ropars (1912-1943)

1920-2020: 100 ans d'engagements communistes en Finistère: 20/ Paul Monot (1921-1943)

1920-2020: 100 ans d'engagements communistes en Finistère: 19/ Jean-Désiré Larnicol (1909-2006)

1920-2020: 100 ans d'engagements communistes en Finistère: 18/ Jean Le Coz (1903-1990)

1920-2020: 100 ans d'engagements communistes en Finistère: 17/ Alain Cariou (1915-1998)

1920-2020: 100 ans d'engagements communistes en Finistère: 16/ Jean Nédelec (1920-2017)

1920-2020: 100 ans d'engagements communistes en Finistère: 15/ Alain Le Lay (1909-1942)

1920-2020: 100 ans d'engagements communistes en Finistère: 14/ Pierre Berthelot (1924-1986)

1920-2020: 100 ans d'engagements communistes en Finistère: 13/ Albert Abalain (1915-1943)

1920-2020: 100 ans d'engagements communistes en Finistère: 12/ Andrée Moat (1920-1996)

1920-2020: cent ans d'engagements communistes en Finistère: 11/ Jean Le Brun (1905-1983)

1920-2020: 100 ans d'engagements communistes en Finistère - 10/ Denise Larzul, née Goyat (1922-2009)

1920-2020: 100 ans d'engagements communistes en Finistère: 9/ Pierre Le Rose

1920-2020: 100 ans d'engagements communistes en Finistère: 8/ Marie Salou née Cam (1914-2011)

1920-2020: 100 ans d'engagements communistes en Finistère: 7/ René Vautier (1928-2015)

1920-2020: 100 ans d'engagements communistes en Finistère: 6/ Denise Firmin née Larnicol (1922-2019)

1920-2020 - 100 ans d'engagements communistes en Finistère: 5/ Fernand Jacq (1908-1941)

1920-2020: 100 ans d'engagements communistes en Finistère: 4/ Corentine Tanniou (1896-1988)

1920-2020 - 100 ans d'engagements communistes en Finistère: 3/ Albert Rannou (1914-1943)

1920-2020 - 100 ans d'engagements communistes en Finistère - 2/ Marie Lambert (1913-1981)

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