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7 août 2019 3 07 /08 /août /2019 05:31

Par Eric Bocquet

 
L’échelon européen est incontestablement le niveau adéquat afin d’appréhender efficacement la lutte contre l’évasion fiscale, même si la France peut et doit avoir un rôle pilote dans cette bataille

LUTTER CONTRE L’EVASION FISCALE, UN CHOIX POLITIQUE (« Cause Commune » - Revue d’action politique du PCF – janvier 2019).

Lutter contre l’évasion fiscale à l’échelon européen

La première mesure à prendre sur le sujet consisterait à remettre en cause la règle de l’unanimité sur les décisions fiscales parmi les membres de l’Union européenne. Sans remettre en cause la souveraineté fiscale des États, il faut dégager, sur le sujet, des coopérations renforcées avec les pays volontaires. Sinon, un seul État, quel que soit son poids, pourra s’opposer aux avancées.

La deuxième mesure serait d’ouvrir le chantier de l’harmonisation fiscale parmi les pays membres, un travail de long terme mais qui est indispensable. Sinon, comment admettre que des États membres comme l’Irlande, le Luxembourg ou les Pays-Bas ne figurent pas sur la liste des paradis fiscaux mondiaux ?

« Faire monter la pression politique afin de pousser les gouvernements à agir dans la lutte contre l’évasion fiscale internationale. […] Organiser le prélèvement de l’impôt à la source pour les multinationales. »

En troisième lieu, il faut avancer sur la transparence des groupes économiques transnationaux, une mesure portée de longue date par de nombreuses organisations non gouvernementales, comme Oxfam, le Comité catholique contre la faim et pour le développement (CCFD), Terre Solidaire ou ATTAC. Exigeons de ces entreprises la communication des données, pays par pays, rendant compte de leur activité sur tous les aspects économiques, fiscaux et sociaux dans tous les pays où elles opèrent.


Pour l’organisation d’une COP fiscale internationale

Une quatrième mesure consisterait à ce que la France popularise et porte à l’échelon européen l’idée d’une COP fiscale internationale, à l’image de ce qui a pu se faire pour le climat avec la COP 21 à Paris il y a trois ans.
Enfin, c’est à une véritable campagne collective citoyenne qu’il faut se livrer au plan politique, associant les consommateurs, les ONG, les citoyens, les syndicats, les lanceurs d’alerte, les journalistes rassemblés dans un mouvement commun visant à faire monter la pression politique afin de pousser les gouvernements à agir dans la lutte contre l’évasion fiscale internationale. Au niveau national, la France peut et doit avoir un rôle pilote, par exemple en relayant, pour qu’elle soit portée dans d’autres pays d’Europe, la proposition de loi des députés communistes pour organiser le prélèvement de l’impôt à la source pour les multinationales.
De nombreuses autres mesures ont été formulées dans les rapports des commissions d’enquête et des missions d’information au Sénat et à l’Assemblée nationale, en France, et pourront être mises en œuvre tant au plan national qu’au niveau international.

Éric Bocquet est sénateur (PCF) du Nord.

Cause commune n°9 • janvier/février 2019

 

 

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Published by Section du Parti communiste du Pays de Morlaix - dans INTERNATIONAL
6 août 2019 2 06 /08 /août /2019 07:11
Rassemblement au Menez Hom en 2015 pour l'interdiction des armes nucléaires  (photo Le Chiffon Rouge)

Rassemblement au Menez Hom en 2015 pour l'interdiction des armes nucléaires (photo Le Chiffon Rouge)

Rassemblement au Menez Hom en 2015  pour l'interdiction des armes nucléaires (photo Le Chiffon Rouge)

Rassemblement au Menez Hom en 2015 pour l'interdiction des armes nucléaires (photo Le Chiffon Rouge)

COLLECTIF  29 (cian29*) Pour l'Interdiction des Armes Nucléaires
 
En 1945, les bombardements d'HIROSHIMA et NAGASAKI ont fait la preuve de la barbarie de l'usage des bombes atomiques.
 
Ce MARDI 6 AOÛT, SOUVENONS NOUS et REDISONS: STOP AU PÉRIL CRIMINEL !
 
Aujourd'hui, soutenons les acteurs du progrès humain qui veulent que les richesses disponibles soient consacrées au bonheur de toutes et tous.
 
Il y a mieux à faire que de financer le gâchis des militarisations de nos territoires et d'en faire des cibles oh combien dangereuses
 
Ni en Presqu'île de Crozon
Ni en rade de Brest
Ni ailleurs...
PLUS UNE SEULE BOMBE NUCLÉAIRE
 
La France doit signer le traité d'interdiction des armes nucléaires voté le 7 juillet 2017 à l'ONU.
 
CLAMONS CE MESSAGE
 
MARDI 6 AOUT
à partir de 10h au MENEZ-HOM
Au programme :
10h : RDV à la stèle de la résistance
face à la chapelle de Sainte-Marie du Menez-hom
Départ de la montée pour la paix 
11h : Rassemblement et prise de paroles au sommet
12h30 : Pique-nique partagé, animations...
 
Le cian29 initié par le mouvement de la paix et l'université européenne de la paix regroupe une quinzaine d'associations et organisations syndicales et politiques du département dont la fédération 29 du PCF.
 
Lire aussi:
Collectif finistérien pour l'interdiction des armes nucléaires:  rassemblement du 6 août, 10H, au Menez Hom en souvenir des bombardements d'Hiroshima et de Nagasaki
Collectif finistérien pour l'interdiction des armes nucléaires:  rassemblement du 6 août, 10H, au Menez Hom en souvenir des bombardements d'Hiroshima et de Nagasaki
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6 août 2019 2 06 /08 /août /2019 07:00
Les militants communistes finistériens présents au Festival du Bout du Monde à Crozon pour annoncer la fête de l'Humanité 2019
Les militants communistes finistériens présents au Festival du Bout du Monde à Crozon pour annoncer la fête de l'Humanité 2019
Les militants communistes finistériens présents au Festival du Bout du Monde à Crozon pour annoncer la fête de l'Humanité 2019

Les militants communistes finistériens, Christian Beaumanoir, Gilbert Sinquin, Glenn Le Saoût, Paul Paimbeni, Maxime Paul, étaient présents au Festival du Bout du Monde à Crozon le samedi 4 août pour faire la promotion de la fête de l'Humanité et vendre la vignette bon de soutien. (Avec une customisation des verres)

Ils ont aussi battu le rappel pour la fête de l'Humanité aux Jeudis du Port à Brest il y a 10 jours.

Photos Glenn Le Saoût

Les militants communistes finistériens présents au Festival du Bout du Monde à Crozon pour annoncer la fête de l'Humanité 2019
Les militants communistes finistériens présents au Festival du Bout du Monde à Crozon pour annoncer la fête de l'Humanité 2019
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6 août 2019 2 06 /08 /août /2019 05:42
Barricade rue de la Mortellerie, juin 1848 - Tableau musée du Louvre

Barricade rue de la Mortellerie, juin 1848 - Tableau musée du Louvre

Karl Marx (1818-1883)

Marx "journaliste" chroniqueur de la guerre des classes en France

Article de la Neue Rheinische Zeitung daté du 28 juin 1848

(éditions sociales)

Le 24 juin (1848)

"Toute la nuit, Paris fut militairement occupé. De forts piquets de troupes se tenaient sur les places et sur les boulevards.

A 4 heures du matin retentit la générale. Un officier et plusieurs hommes de la garde nationale entrèrent dans toutes les maisons pour y aller chercher les gardes de leur compagnie qui ne s'étaient pas présentés volontairement.

Vers le même moment, le grondement du canon retentit à nouveau, avec plus de violence, aux environs du pont Saint-Michel, le point de liaison des insurgés de la rive gauche et de la Cité. Le général Cavaignac, revêtu ce matin de la dictature, brûle d'envie de l'exercer contre l'émeute. La veille, on n'avait employé l'artillerie qu'exceptionnellement et on ne tirait le plus souvent qu'à la mitraille; mais aujourd'hui, on poste sur tous les points de l'artillerie, non seulement contre les barricades, mais aussi contre les maisons; on tire non seulement à mitraille, mais à boulets de canon, avec des obus et avec des fusées à la Congrève.

Dans le haut du faubourg Saint-Denis, un violent combat commença le matin. Les insurgés avaient occupé dans le voisinage de la gare du Nord une maison en construction et plusieurs barricades. La première légion de la garde nationale attaqua sans acquérir toutefois d'avantage quelconque. Elle épuisa ses munitions et elle eut près de cinquante morts et blessés. A peine put-elle conserver sa position jusqu'à l'arrivée de l'artillerie (vers 10 heures) qui rasa la maison et les barricades. Les troupes réoccupèrent la ligne du chemin de fer du Nord. La lutte dans toute cette contrée (appelée Clos Saint-Lazare et que la Kölnische Zeitung transforme en "Cour Saint-Lazare") se poursuivit encore longtemps et fut menée avec un grand acharnement. "C'est une véritable boucherie" écrit le correspondant d'une feuille belge. Aux barrières Rochechouart et Poissonnière s'élevèrent de fortes barricades; le retranchement près de la rue Lafayette fut rétabli également et ne céda que l'après-midi aux boulets de canon. 

Dans les rues Saint-Martin, Rambuteau et du Grand-Chantier, les barricades ne purent être prises également qu'à l'aide des canons. 

Le café Cuisinier, en face du pont Saint-Michel, a été démoli par les boulets de canon.

Mais le combat principal eut lieu l'après-midi vers trois heures sur le quai aux Fleurs où le célèbre magasin de confections "A la Belle Jardinière" fut occupé par 600 insurgés et transformé en forteresse. L'artillerie et l'infanterie de ligne attaquent. Un coin du mur démoli s'écroule avec fracas. Cavaignac qui commande le feu lui-même invite les insurgés à se rendre, sinon il les fera tous passer au fil de l'épée. Les insurgés s'y refusent. La canonnade reprend et, finalement, on y jette des fusées incendiaires et des obus. La maison est complètement démolie; 80 insurgés gisent sous les décombres.

Dans le faubourg Saint-Jacques, aux alentours du Panthéon, les ouvriers s'étaient également retranchés de tous les côtés. Il fallut assiéger chaque maison comme à Saragosse.  Les efforts du dictateur Cavaignac pour prendre d'assaut ces maisons furent si vains que le brutal soldat d'Algérie déclara qu'il y ferait mettre le feu si les occupants ne se rendaient pas. 

Dans la Cité, des jeunes filles tiraient des fenêtres sur les soldats et la garde civile. Il fallut, là aussi, faire agir les obusiers pour obtenir le moindre résultat.

Le 11e bataillon de garde mobile qui voulait passer du côté des insurgés, fut massacré par les troupes de la garde nationale. C'est du moins ce qu'on dit.

Vers midi, l'insurrection avait nettement l'avantage. Tous les faubourgs, les Batignolles, Montmartre, La Chapelle et La Villette, bref toute la limite extérieure de Paris, depuis les Batignolles jusqu'à la Seine, et la plus grande moitié de la rive gauche de la Seine étaient entre ses mains. Ils s'y étaient emparés de 13 canons qu'ils n'utilisèrent pas. Au centre, ils arrivaient dans la Cité et dans la partie basse de la rue Saint-Martin sur l'hôtel de ville qui était couvert par des masses de troupes. Mais cependant, déclara Bastide à la Chambre, il sera pris dans une heure peut-être par les insurgés, et c'est dans la stupeur provoquée par cette nouvelle que la dictature et l'état de siège furent décidés. A peine en fut-il pourvu que Cavaignac recourut aux moyens les plus extrêmes, les plus brutaux, comme jamais encore on ne les avait utilisés dans une ville civilisée, comme Radetzy lui-même hésita à les employer à Milan. Le peuple fut de nouveau magnanime. S'il avait riposté aux fusées incendiaires et aux obusiers par l'incendie, il eût été victorieux le soir. Mais il se garda d'utiliser les mêmes armes que ses adversaires.

Les munitions des insurgés se composaient le plus souvent de coton-poudre qui était fabriqué en grandes quantités dans le faubourg Saint-Jacques et dans le Marais. Sur la place Maubert était installé un atelier pour fondre les balles.

Le gouvernement recevait continuellement des renforts. Durant toute la nuit, des troupes arrivèrent à Paris; la garde nationale de Pontoise, Rouen, Meulan, Mantes, Amiens, Le Havre arriva; des troupes vinrent d'Orléans, de l'artillerie et des pionniers d'Arras et de Douai, un régiment vint d'Orléans. Le 24 au matin, 500.000 cartouches et 12 pièces d'artillerie de Vincennes entrèrent dans la ville; les cheminots de la ligne de chemin de fer du Nord, d'ailleurs, ont arraché les rails entre Paris et Saint-Denis pour qu'aucun renfort n'arrive plus.

C'est avec ces forces conjuguées et cette brutalité inouïe qu'on parvint l'après-midi du 24 à refouler les insurgés.

La fureur avec laquelle la garde nationale se battit et la grande conscience qu'elle avait qu'il y allait de son existence dans ce combat, apparaissent dans le fait que, non seulement Cavaignac, mais la garde nationale elle-même, voulait mettre le feu à tout le quartier du Panthéon!

Trois points étaient désignés comme les quartiers principaux des troupes assaillantes: la porte Saint-Denis où commandait le général Lamoricière, l'hôtel de ville où se tenait le général Duvivier avec 14 bataillons, et la place de la Sorbonne d'où le général Damesne luttait contre le faubourg Saint-Jacques.

Vers midi, les abords de la place Maubert furent pris et la place elle-même cernée. A une heure, la place succombait. Cinquante hommes de la garde mobile y tombèrent! Vers le même moment, le Panthéon, après une canonnade longue et violente, était pris ou plutôt livré. Les quinze cent insurgés qui y étaient retranchés, capitulèrent - probablement à la suite de la menace de M. Cavaignac et des bourgeois, écumant de rage, de livrer tout le quartier aux flammes. 

Vers le même moment, les "défenseurs de l'ordre" avançaient de plus en plus sur les boulevards et prenaient les barricades des rues avoisinantes. Dans la rue du Temple les ouvriers étaient refoulés jusqu'au coin de la rue de la Corderie; dans la rue Boucherat on se battait encore, également de l'autre côté du boulevard, dans le faubourg du Temple. Dans la rue Saint-Martin retentissaient encore des coups de fusil isolés; à la pointe Sainte-Eustache, une barricade tenait encore.

Le soir, vers 7 heures, on amena au général Lamoricière deux bataillons de la garde nationale d'Amiens qu'il employa aussitôt à cerner les barricades derrière le Château-d'Eau. A ce moment, le faubourg Saint-Denis était calme et libre; il en était de même de presque toute la rive gauche de la Seine. Les insurgés étaient cernés dans une partie du Marais et du faubourg Saint-Antoine. Cependant, ces deux quartiers sont séparés par le boulevard Beaumarchais et le canal Saint-Martin, et celui-ci était libre pour la troupe.

Le général Damesme, commandant de la garde mobile, fut atteint, près de la barricade de la rue de l'Estrapade, par une balle à la cuisse. La blessure n'est pas dangereuse. Les représentants Bixio et Dornès ne sont pas non plus blessés aussi dangereusement qu'on le croyait au début.

La blessure du général Bedeau est également légère.

A 9 heures, le faubourg Saint-Jacques et le faubourg Saint-Marceau étaient pour ainsi dire pris. Le combat avait été d'une violence exceptionnelle. C'est le général Bréa qui y commandait maintenant. 

Le général Duvivier à l'hôtel de ville avait eu moins de succès. Cependant les insurgés y avaient été aussi refoulés. 

Le général Lamoricière, après une résistance violente, avait dégagé les faubourgs Poissonnière, Saint-Denis et Saint-Martin jusqu'aux barrières. Les ouvriers ne tenaient encore que dans le Clos Saint-Lazare; ils s'étaient retranchés dans l'hôpital Louis-Philippe.

Cette même nouvelle fut communiquée par le président de l'Assemblée Nationale à 9 heures et demie du soir. Cependant, il lui fallut se rétracter plusieurs fois. Il avoua que l'on tirait encore beaucoup de coups de feu dans le faubourg Saint-Martin.

Les insurgés tenaient encore environ la moitié du terrain qu'ils occupaient le matin du 23. Ce terrain représentait la partie est de Paris, les faubourgs Saint-Antoine, du Temple, Saint-Martin et le Marais. Le Clos-Saint-Lazare et quelques barricades du Jardin des Plantes formaient leurs postes avancés.

Tout le reste de Paris était dans les mains du gouvernement.

Ce qui frappe le plus dans ce combat désespéré, c'est la fureur avec laquelle se battaient les "défenseurs de l'ordre". Eux qui, auparavant, avaient des nerfs si sensibles pour chaque goutte de "sang bourgeois", qui avaient des crises de sentimentalité à propos de la mort des gardes municipaux du 24 février, ces bourgeois abattent les ouvriers comme des animaux sauvages. Dans les rangs de la garde nationale, à l'Assemblée nationale, pas un mot de compassion, de conciliation, pas de sentimentalité d'aucune sorte, mais bien une haine qui éclate avec violence, une fureur froide contre les ouvriers insurgés. La bourgeoisie mène avec une claire conscience une guerre d'extermination contre eux. Qu'elle soit pour l'instant victorieuse ou qu'elle ait immédiatement le dessous, les ouvriers exerceront contre elle une terrible vengeance. Après une lutte comme celle des trois Journées de juin, seul le terrorisme  est encore possible, qu'il soit exercé par l'un ou l'autre des partis. 

(...)

Karl Marx, suite de l'article de Neue Rheinische Zeitung daté du 28 juin 1848 sur les journées révolutionnaires parisiennes du 23 et 24 juin 1848: première partie de l'article: Les grands textes de Karl Marx - 13 - la journée révolutionnaire du 23 juin 1848 racontée dans la Neue Rheinische Zeitung

A lire aussi:

Les grands textes de Karl Marx - 1 : la critique des libertés formelles de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen, dont le pivot est le droit de propriété - une critique des déterminants bourgeois de la Révolution Française

Les grands textes de Karl Marx - 2 - La religion comme opium du peuple

Les grands textes de Karl Marx - 3: l'aliénation produite par la propriété privée et le capitalisme dans les Manuscrits de 1844

Les grands textes de Marx - 4: Les pouvoirs de l'argent (Ebauche d'une critique de l'économie politique, 1844)

Les grands textes de Karl Marx - 5: le matérialisme historique théorisé dans l'Idéologie allemande (1845)

Les grands textes de Karl Marx - 6 - L'idéologie, antagonismes de classes sociales et idées dominantes

Les grands textes de Karl Marx - 7 - Le Manifeste du Parti communiste - Les conditions du communisme se développent dans le développement du capitalisme et de la domination de la bourgeoisie

Les grands textes de Karl Marx - 8 - Qu'est-ce qu'être communiste? - Manifeste du Parti communiste (1848)

Les grands textes de Karl Marx - 9 - Sur le socialisme et le communisme utopique, Manifeste du Parti communiste

Les grands textes de Karl Marx - 10 - La lutte des classes en France - Les raisons de l'échec de la révolution de Février 1848

Les grands textes de Karl Marx - 11 - Les luttes de classe en France - les leçons de la répression du soulèvement ouvrier de juin 1848

Les grands textes de Karl Marx - 12 - l'élection de Louis Napoléon Bonaparte - Les luttes de classe en France

Les grands textes de Karl Marx - 13 - la journée révolutionnaire du 23 juin 1848 racontée dans la Neue Rheinische Zeitung

Marx et Engels: les vies extravagantes et chagrines des deux théoriciens du communisme!

Les grands textes de Karl Marx - 14 -  la journée révolutionnaire du 24 juin 1848 racontée dans la Neue Rheinische Zeitung
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6 août 2019 2 06 /08 /août /2019 05:23

Par Bernard Duterme

 
Depuis avril 2018, le Nicaragua traverse une profonde crise de régime. Fortement contesté, le couple régnant – le président Daniel Ortega et la vice-présidente Rosario Murillo, épouse du premier – s’accroche au pouvoir.

Deux lectures antagoniques des événements et tensions en cours prédominent. Selon les autorités nicaraguayennes, le pays est victime d’une « tentative de coup d’État », « téléguidée depuis Washington » et menée sur le terrain par des « bandes de vandales » et de « terroristes ». Cible de ces « putschistes » ? Le gouvernement « socialiste et souverainiste » Ortega-Murillo. La thèse est relayée par une part significative de la gauche latino-américaine, nord-américaine et européenne.
De l’autre côté, celui notamment des anciens camarades du président, qui ont quitté le Front sandiniste de libération nationale (FSLN) entre 1990 et 2007, déçus ou déchus par « l’ortéguisme », la lecture de l’actualité est tout autre. « Néolibérales et conservatrices », les politiques menées, sous bannière socialiste, par l’ancien leader révolutionnaire Ortega depuis son retour à la tête de l’État en 2007, reposent sur un accaparement et une concentration « autocratique », sinon « dictatoriale » du pouvoir, aujourd’hui contestés légitimement par une majorité des Nicaraguayens. Ce point de vue est lui aussi relayé par une part non moins significative de la gauche latino-américaine, nord-américaine et européenne, opposée donc en cela à leurs alter ego pro-Ortega.

 

Accaparement et concentration autocratique du pouvoir

L’examen des faits tend à donner raison aux dissidents sandinistes et aux critiques de l’ortéguisme, tant en ce qui concerne la caractérisation des orientations et des décisions gouvernementales de ces onze dernières années, qu’au regard des acteurs de la révolte et de la répression disproportionnée dont ils ont fait l’objet. Sur le premier aspect, pas de faux-fuyants possibles. En étendant son emprise sur l’ensemble des pouvoirs, au sein de l’État et en dehors, et en entérinant le modèle économique des trois administrations néolibérales qui l’ont précédé, le régime Ortega-Murillo a délibérément tourné le dos aux idéaux sandinistes d’hier. En matière de redistribution et de justice sociale, comme en matière de démocratisation et de souveraineté nationale.

Politiquement d’abord, il a usé d’un étonnant assortiment de moyens, licites et illicites, pour s’attirer les faveurs de ses ennemis d’hier (à la tête de l’Église catholique, du grand patronat et de la droite politique), se faire élire démocratiquement (38 % en 2006), réélire frauduleusement (62,5 % en 2011), puis plébisciter sans réelle opposition (72,5 % en 2016), chaque fois en un seul tour de scrutin. Économiquement ensuite, l’orthodoxie libre-échangiste de ses politiques lui a valu l’appui continu, voire les félicitations d’une communauté internationale suffisamment rassurée pour ne pas tenir rigueur à l’ancien leader révolutionnaire de ses épisodiques envolées anticapitalistes, les sachant dépourvues d’effets concrets.

« Au Nicaragua, la concentration des richesses au sein d’une caste d’ultraprivilégiés atteint des niveaux sans précédent.»

En réalité, la double allégeance du président Ortega – au sein de l’Alliance bolivarienne pour les Amériques (ALBA) d’un côté, et vis-à-vis et de son principal partenaire commercial, les États-Unis, et du Fonds monétaire international (FMI) de l’autre – lui a permis de profiter des avantages des uns et des autres, dans un contexte international marqué, jusqu’en 2014-2015, par les cours élevés des matières premières produites. Résultat, en dix ans, le Nicaragua est parvenu à doubler son produit intérieur brut (de 6 milliards de dollars en 2006 à 13 milliards en 2016), même si le pays reste le plus pauvre du continent après Haïti. Les exonérations et exemptions fiscales, sociales et environnementales offertes au capital privé ont boosté tant la croissance économique que les investissements étrangers et les exportations ; la terre et la main-d’œuvre nicaraguayen­nes demeurant les moins chères de l’isthme centro-américain. Parallèlement, l’État a investi dans les infrastructures – routes, parcs publics, etc. – et financé plusieurs programmes sociaux ciblés, garantissant une certaine stabilité sociale.

« Le régime Ortega-Murillo a délibérément tourné le dos aux idéaux sandinistes d’hier.»

Comme dans presque toute l’Amérique latine durant cette période de vaches grasses et de regain des politiques extractivistes et agroexportatrices, la pauvreté a baissé. Pas les inégalités par contre. Au Nicaragua, la concentration des richesses au sein d’une caste d’ultraprivilégiés – les nouveaux amis du président « sandiniste » – atteint même des niveaux sans précédent, tandis que la majorité des Nicaraguayens ne peuvent s’offrir l’entièreté de la canasta basica (les produits vitaux du quotidien) et que, selon la Banque centrale, 80 % de la population active vivaient du secteur informel en 2017, 20 % de plus qu’en 2009. L’environnement a aussi fait les frais de ce modèle de développement dominant dans la région, en raison notamment de l’extension des zones dévolues au bétail, principal produit d’exportation du pays, avec l’or, le café et le sucre. Selon l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), le couvert forestier du Nicaragua aurait été réduit de plus d’un tiers depuis le début du siècle et continue à rétrécir aujourd’hui de 2,3 % l’an.

NICARAGA : fin de régime ? (« Cause Commune » - revue d’action politique du PCF – Novembre 2018)

Basculement, normalisation

Le renversement de tendances qui s’est opéré depuis 2015-2016 – cycle déflationniste des matières premières, effondrement de l’aide pétrolière vénézuélienne, menace de la part des États-Unis de sanctions anticorruption – est venu progressivement assombrir le panorama, pour le duo présidentiel Ortega-Murillo. Et surdétermine le conflit et la crise en cours. En avril dernier, la mauvaise gestion gouvernementale d’un vaste incendie de forêts dans le sud-est du pays, puis une réforme des retraites, abrogée par la suite, avaient d’abord mobilisé quel­ques centaines de militants environnementalistes, de retraités et d’étudiants contestataires, mais c’est la brutale répression, inattendue, dont ceux-ci firent l’objet de la part du pouvoir qui mit le feu aux poudres.

En quelques semaines, des centaines de milliers de Nicaraguayens sont descendus dans les rues et des dizaines de barricades ont été dressées à travers le pays, pour exiger la fin de la répression et la destitution du couple présidentiel, qualifié de « corrompu », « népotique » et « dictatorial » par les manifestants. La police anti-émeute, flanquée de « policiers volontaires » (comme les nomma le président Ortega lui-même dans plusieurs entretiens télévisés) munis d’armes de guerre, répondit par davantage de répression, tuant quelque trois cents personnes, blessant et emprisonnant des centaines d’autres, nettoyant les routes des barrages et poursuivant les auteurs (étudiants, paysans, dissidents sandinistes, etc.) de critiques publiques à l’endroit du régime.

Tandis qu’environ 30 000 Nicaraguayens auraient déjà fui le pays à ce jour, le président et son gouvernement se flattent, depuis fin juillet, du retour à la « normalité ». S’ils semblent en effet avoir remporté pour l’instant l’épreuve de force en interne, en pariant sur l’étouffement violent de la contestation, reste qu’une forte majorité des Nicaraguayens souhaite désormais le départ du binôme présidentiel. Pire peut-être pour ce dernier, ces grands alliés d’avant avril ou mai derniers – la hiérarchie catholique (excédée par le sang versé) et la fédération patronale (affectée par la forte détérioration du climat des affaires) – demandent, eux, l’anticipation des prochaines élections présidentielles, de 2021 à 2019. Plus radicale, plus populaire et plus à gauche, l’Articulation des mouvements sociaux, de récente constitution, pose quant à elle la destitution immédiate du régime Ortega-Murillo comme préalable à tout processus de transition, d’élection et de démocratisation du Nicaragua.

À l’extérieur, si les États-Unis ne voyaient jusqu’ici aucun intérêt à s’acharner contre un partenaire qui, contrairement à ses voisins immédiats, garantissait à la fois ouverture économique, paix sociale et fermeté migratoire, ils condamnent désormais haut et fort les agissements des autorités nicaraguayennes et décident de sanctions à leur encontre. De là à ce que l’administration Trump en fasse une priorité, l’imprévisibilité de sa politique étrangère rend difficile tout pronostic. Entre-temps, la communauté internationale – Nations unies et Organisation des États américains en tête – a beau jeu aujourd’hui de multiplier les verdicts de « violations généralisées des droits humains » au Nicaragua, elle qui a salué et financé « l’ortéguisme » ces dernières années pour la responsabilité et la conformité de ses orientations économiques.

Bernard Duterme est sociologue. Il est directeur du Centre tricontinental (CETRI) à Louvain-la-Neuve.

 

 

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À propos de « Cause commune »

La revue « Cause Commune » est la revue d'action politique du PCF.

Aller au-delà des apparences pour mieux comprendre et agir plus efficacement ; suivre les élaborations et les décisions du Parti communiste ; préparer des initiatives militantes efficaces : Cause commune, c'est tout cela et plus encore.

La revue donne la parole aux communistes mais aussi aux chercheurs et artistes de tous horizons. Ils font le point des débats et nous emmènent au-delà des sentiers battus de l'idéologie dominante.

Cette revue paraît tous les deux mois.

Au cours de ce mois d’août notre Blog vous propose quelques articles de « Cause Commune » parus entre novembre 2018 et août 2019.

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6 août 2019 2 06 /08 /août /2019 05:18

Les chroniques Latines de Jean Ortiz portent un regard loin des clichés sur les luttes de libération du continent sud-américains... Toujours un oeil vif sur l'Espagne et les enjeux sous-jacents du quotidien...

 

Il finira par nous coûter plus cher, Franco, « que ese de los camiones ». Brève « de barra » (de comptoir), (brève de « tapeo »), entendue à San Sebastian. Pour le supporter de base de la Real Sociedad, « ese de los camiones », c’est Toutankhamon.

Même mort... physiquement, le dictateur n’en finit pas d’aligner les factures. Le montant du transfert de la momie, du Valle de los Caídos jusqu’au cimetière madrilène de Mingorrubio (un nom à la blondeur touchante) et de quelques aménagements sur sites coûteraient au total 51.520,96 euros, IVA (TVA) comprise.... Plus du double de la somme initialement prévue. Faut-il donc l’enterrer à mi-chemin ? Organiser des soldes géantes ? Offrir le cercueil et les restes aux dirigeants de Vox ? Sur une cheminée, cela risque d’être un peu encombrant... Dans le caveau de Mingoblond repose déjà, depuis 1988, l’impitoyable muse, Carmen Polo, l’épouse que quelques centaines d’espagnols pleurèrent.

Le cortège allait s’ébranler lors ce bon vieux Tribunal Supremo se prononça, sur recours de la famille, à l’unanimité, pour que l’exhumation du dictateur soit stoppée, et que les restes restent (répétition) au Valle de los Caídos pour éviter tout « trouble à l’ordre public » (en espagnol ancien : « les manifs antifascistes »).

Finalement, c’est l’extrême-droite et les intégristes fascistes qui tiennent la corde. Ils viennent de proposer de « faire saint » Franco, certains étant pour la canonisation, et les canons, au dictateur, ça lui parle ; d’autres seulement de le béatifier, pour qu’il reste au Valle. Le meilleur dans tout ceci, c’est que même mort, il aurait réalisé des miracles ! Il aurait sauvé un chat, Yuko ; il aurait permis à la citoyenne d’Álava, María Luisa Ferro, de gagner la somme fabuleuse de 100€ à la Loterie Nationale, il aurait redonné la santé à des malades (ici, avec Lourdes, on connaît !), mais surtout, d’après la très sérieuse extrême-droite espagnole, il aurait permis au Tribunal Suprême de trancher dans le « bon sens ».

Il a bien raison, si l’on fait l’impasse, depuis plus de trente ans, sur les politiques néolibérales menées par la droite et le PSOE, sur l’inféodation aux Etats-Unis, sur l’épuisement du modèle de « la transition », sur la crise des valeurs, sur le creusement des inégalités digne de l’ancien « défilé de Despeñaperros », sur l’impunité des crimes contre l’humanité du franquisme...

La Conférence épiscopale, quant à elle, tient à préciser qu’elle n’y est pour rien, et que l’initiative émane « d’individus ». On oublie si vite que l’Archevêque de Tolède, pendant la guerre, s’écria : « Bénis soient les canons, pourvu que dans la brèche qu’ils ouvrent, fleurisse l’Évangile ». Oui, canonisons Franco et le néo-franquisme... à coups de canons.

 

 

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6 août 2019 2 06 /08 /août /2019 05:14

 

Un « recensement national de citoyenneté » risque de créer plusieurs millions d’apatrides. Les Indiens originaires du Bangladesh sont particulièrement visés.

Madhubala Das vaquait à ses occupations quotidiennes dans son village de Bishnupur lorsqu’elle a été arrêtée par la police locale. C’était en novembre 2016. Du jour au lendemain, elle a été déclarée « immigrée clandestine » par la justice et envoyée aussitôt dans un camp de détention à Kokrajhar, dans l’ouest de l’État de l’Assam, une région située à l’extrême nord-est de l’Inde. En juin dernier, un chef de police, récemment nommé dans la zone, s’est penché sur son cas. Grâce à son enquête, il a permis à cette femme de 59 ans de retrouver enfin la liberté. Malgré tous ses efforts, Madhubala Das n’était pas parvenue à convaincre la police qu’elle était de nationalité indienne. Incapable de s’exprimer en hindi, la langue la plus parlée en Inde, elle a donc été emprisonnée, par erreur, dans un camp pour étrangers. Actuellement, ils sont ainsi 938  détenus répartis dans six centres. Les autorités locales prévoient d’en construire encore dix autres dont les capacités pourront atteindre de 1 000 à 3 000 personnes. Des activistes locaux et des avocats estiment qu’il existe des dizaines de milliers de Madhubala Das. Et il pourrait y en avoir davantage à l’avenir…

En Assam, la reconnaissance de citoyenneté tient parfois à un maigre bout de papier. L’actualité de la région a rappelé que la zone géographique est largement touchée par la mousson et les inondations : régulièrement, ses habitants perdent tous leurs effets personnels, dont les documents prouvant leur nationalité indienne. Sous l’impulsion du gouverneur de cet État, Jagdish Mukhi, membre du BJP (parti nationaliste hindou, au pouvoir), et du Rashtriya Swayamsevak Sangh (RSS), un groupe paramilitaire, également nationaliste hindou d’extrême droite, un recensement national de citoyenneté (RNC) a été lancé il y a quatre ans. Le gouvernement local exige de la population qu’elle prouve que sa présence en Inde date d’avant 1971. Ce choix n’est pas anodin : c’est l’année où le Bangladesh a acquis son indépendance. À l’époque, la guerre a contraint des millions de Bangladais à fuir leur terre natale et à se réfugier en Inde. Selon un « recensement de migration » datant de 2011 et publié cette année, 50 % des migrants de l’Assam seraient originaires du Bangladesh. Ils sont majoritairement de confession musulmane. De nombreuses ONG critiquent ces politiques. « L’Assam cherche à préserver son identité ethnique, mais rendre apatrides des millions de gens n’est pas la solution », a dénoncé l’organisation Human Rights Watch en 2018. Après investigation sur place, des experts américains estiment que le recensement « pourrait alimenter une discrimination religieuse ».

l’internement de force dans des camps pour réfugiés

« Le gouvernement identifiera les migrants illégaux sur chaque parcelle du pays et les fera déporter, selon la loi internationale », a martelé Amit Shah, le ministre de l’Intérieur indien, le 17 juillet dernier. Plus tôt dans le mois, il avait qualifié ces mêmes migrants de « termites ». Le premier ministre indien, Narendra Modi, chantre du nationalisme hindou, assurait pourtant de son côté qu’« aucun Indien ne serait expulsé d’Inde ». Outre le caractère raciste de ce recensement, ce dernier présente de nombreuses zones d’ombre. Le projet a débuté en 2015, mais, faute de rigueur administrative, sa publication officielle a été reportée à plusieurs reprises. Il devait enfin être rendu public le 31 juillet 2019, mais a été renvoyé au 31 août, sur ordre des autorités nationales qui, sous la pression de l’opinion publique, demandent une vérification d’au moins 20 % des noms inscrits sur le registre.

La Cour suprême, elle aussi, a été saisie par plus de 2,5 millions d’habitants de l’Assam qui ont lancé une pétition contestant « l’objectivité » du recensement. Certains constatent leur propre absence tandis que d’autres contestent la légitimité de leurs voisins à y figurer. Tous, en revanche, s’accordent sur un nouveau report de sa publication. Les autorités régionales, prises à défaut, se défendent de toute discrimination et expliquent que leur principal objectif est désormais d’éviter l’inscription abusive de migrants.

Le pouvoir instrumentalise de plus en plus la religion

En 2018, 4,4 millions d’Indiens musulmans ont failli perdre leur nationalité indienne. Aujourd’hui, les ONG alertent sur le sort de centaines de milliers d’habitants de l’Assam – plusieurs millions en Inde – qui pourraient se retrouver dans les limbes de la justice indienne, en devenant des apatrides. Faute de papiers les autorisant à vivre en Inde, les habitants de cette région se verront privés d’accès à l’école, au système de santé, et perdront leur droit de vote. Mais, le risque majeur réside dans l’internement de force dans des camps pour réfugiés. Avant d’être arrêtés, puis enfermés, les Indiens supposés étrangers sont contraints de passer devant des tribunaux spéciaux chargés de traiter ces cas. L’Assam, qui en compte déjà des centaines, ambitionne d’en créer 200 autres avant le 1er septembre. 245 000 affaires sont en attente.

Dans une Inde où le pouvoir instrumentalise de plus en plus la religion, « la plus grande démocratie au monde » commence à battre de l’aile. La politique de recensement se basant sur des origines ethniques et religieuses, les dérives autoritaires de Narendra Modi et de son parti, le BJP, continuent d’exacerber les haines confessionnelles.

Carla Fournet

 

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6 août 2019 2 06 /08 /août /2019 05:11

Par Roland Charlionet et Luc Foulquier

 
Pour affronter les défis écologiques de notre temps, l’approche marxienne est indispensable. Les communistes s'emploient à la mettre en avant.

Selon les conceptions anthropologiques de Marx et Engels, si la nature a produit homo sapiens et homo neanderthalensis, c’est l’humanité qui a produit l’être humain d’aujourd’hui dans un chantier permanent. Nous devons assumer la responsabilité de prolonger l’hominisation biologique d’avant homo sapiens puis sociale depuis, dans un processus d’humanisation de plus en plus civilisée, porteur de sens et respectueux dans ses liens avec la nature, comme l’a montré Lucien Sève dans Commencer par les fins (La Dispute, 1999). C’est une conception dialectique du mouvement fait de rapports et de contradictions.

 

L’apport décisif d’une pensée marxienne en écologie

Marx a montré que le genre humain ne se résume pas à son espèce biologique mais qu’il édifie continûment un monde extérieur aux organismes de chaque individu (processus d’évolution de l’humanité) et que le lien entre l’homme et la nature s’enracine dans le travail et les systèmes de production. La pensée marxienne n’est pas une suite de dogmes ou de règles à appliquer. C’est une méthodologie qui nous impose de réaliser, dans chaque situation concrète, un effort d’analyse théorique et pratique.

Appliquée à l’écologie, elle peut être résumée comme suit :

• inscrire toute activité humaine dans les cycles naturels, car l’humain appartient à la nature ;

• reconnaître le double rôle de l’humain comme producteur et consommateur, lui permettant par l’inter­médiaire de son travail, de rendre la société compatible avec le renouvellement des écosystèmes ;
• analyser concrètement le métabolisme des rapports homme-nature (c’est-à-dire l’ensemble des échanges de matière et d’énergie entre la société humaine et son environnement naturel) pour déceler et combattre à chaque instant toute contradiction entre eux ;

• développer les biens communs de l’humanité en organisant efficacement leur partage et leur gestion entre et par tous les humains.

L’expérience montre que la mise en pratique de cette pensée marxienne ne va pas sans l’organisation d’une lutte de classe acharnée.

« La pensée marxienne n’est pas une suite de dogmes ou de règles à appliquer. C’est une méthodologie qui nous impose de réaliser, dans chaque situation concrète, un effort d’analyse théorique et pratique. »

 

L’usage de Marx que font les communistes pour nourrir leur perspective écologique

Depuis les années 1960, le PCF a produit beaucoup de réflexions, d’analyses et de concrétisation (dans les communes et les départements qu’il dirige) se référant à la pensée marxienne sur l’écologie (cf. l’ouvrage de Guy Biolat, Marxisme et environnement, Les éditions sociales, 1973), même si des difficultés apparaissent pour les intégrer de manière permanente et cohérente à la vie et dans les actions quotidiennes du parti. Cela va de la création de la commission « Cadre de vie, environnement, écologie » en 1969, au rapport de Pierre Juquin « Les communistes et le cadre de vie », lors du comité central de juin 1976 (le PCF est alors le premier parti à consacrer une séance de son instance dirigeante à ce thème), en passant par le traitement de l’écologie dans les textes de congrès du PCF depuis le XXIIe (1976) et dans les différents journaux quotidiens, revues et périodiques qu’il anime (notamment Avancées scientifiques et techniquesProgressistesLa Revue du projet et Cause commune). De nombreux auteurs, communistes engagés ou théoriciens marxistes, participent à ce mouvement. 

Pour aller dans le sens de l’émancipation humaine, il est nécessaire de résoudre un certain nombre de défis. Parmi les principaux, nous en relevons cinq :

  1. Celui du développement des connaissances : comment pouvons-nous utiliser nos connaissances et gérer les applications techniques potentiellement dangereuses qui en résultent, s’adapter aux transformations sociétales qui en découlent dans le respect des hommes et de la nature ?
  2. Celui des obstacles au développement humain durable. Allons-nous continuer à produire en épuisant les ressources naturelles d’un côté et en accumulant de l’autre les déchets ? Marx répondait déjà en partie à la question en utilisant le concept de métabolisme pour décrire l’économie circulaire dans toute la complexité des rapports homme/nature.
  3. Celui de la nécessaire préservation de la biosphère. Elle est notamment altérée par les pollutions massives (les résidus plastiques dans les océans, l’air pollué…) et le réchauffement climatique, qui est déjà visible, dû à l’effet de serre lié à la combustion des ressources carbonées fossiles.

« Notre conception de l’écologie est fondamentalement politique car elle n’est pas coupée des luttes sociales, environnementales, économiques et éthiques. »

  1. Celui du recul observé de la biodiversité, qui constitue un enjeu central car les êtres humains y sont pour quelque chose. Les tentatives de privatisation de ce bien commun se généralisent sous la férule du système capitaliste ainsi que, à l’inverse, la sacralisation d’une nature idéalisée qui exclut l’humain. Ces deux approches conduisent à des catastrophes humaines et environnementales.
  2. Celui de la nécessaire prévention des risques et des pollutions, qui concerne les différents domaines de l’activité productive humaine et qui touche l’ensemble des gens, en particulier les salariés des entreprises. Comme le faisait déjà remarquer Engels dans La Situation de la classe laborieuse en Angleterre au sujet des conditions de vie des ouvriers anglais, les inégalités sociales vont de pair avec les inégalités environnementales et cela se vérifie aussi aujourd’hui !


Dans tous les cas l’application des principes de la dialectique marxienne s’avère judicieuse : ne pas opposer les humains à la nature ; examiner attentivement les ruptures de métabolisme entre la société et la nature et y porter remède ; s’opposer à toute délocalisation de productions polluantes ou dangereuses, mais modifier les modes de production jusqu’à les rendre propres et sans risques en utilisant les techniques les plus modernes et l’intervention des salariés ; ne pas opposer production et consommation car l’une ne va pas sans l’autre ; s’opposer aux privatisations et marchandisations des biens communs et au contraire développer leurs domaines de partage et de gestion collective ; favoriser la convergence des luttes sociales et environnementales comme cela a été fortement le cas lors des conflits engagés par les cheminots pour sauver la SNCF de la privatisation…

Enfin, il est indispensable d’instaurer dans tous les domaines la justice sociale et la démocratie. Les biens communs de l’humanité reposent sur deux piliers indissociables : le partage de leur usage entre tous les êtres humains et la cogestion durable de ces biens par tous les citoyens. Cette conquête apparaît comme la condition indispensable pour que l’humanité puisse se développer sans aliénations ni exploitations, dans le respect des hommes et de la nature. C’est une suite de luttes, une bataille de classe. En ce sens notre conception de l’écologie est fondamentalement politique car elle n’est pas coupée des luttes sociales, environnementales, économiques et éthiques. C’est un des enseignements forts que l’on peut tirer des assises de l’écologie que le PCF organisait les 4 et 5 mai 2018.

« Les biens communs de l’humanité reposent sur deux piliers indissociables : le partage de leur usage entre tous les êtres humains et la cogestion durable de ces biens par tous les citoyens. »

Avec notre approche novatrice de l’écologie politique élaborée autour du concept d’écommunisme, nous contribuons aux actions et aux réflexions nécessaires pour dépasser le capitalisme car nous retrouvons le constat que Marx faisait il y a déjà cent quarante ans : le capitalisme exploite partout avec la même indécence les hommes et la nature. n

Roland Charlionet est chercheur à l’Institut national de la santé et de la recherche médicale. Luc Foulquier est ingénieur et chercheur en écotoxicologie. Ils sont membres de la coordination de la commission écologie du PCF.

Cause commune n°8 • novembre/décembre 2018

 

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À propos de « Cause commune »

La revue « Cause Commune » est la revue d'action politique du PCF.

Aller au-delà des apparences pour mieux comprendre et agir plus efficacement ; suivre les élaborations et les décisions du Parti communiste ; préparer des initiatives militantes efficaces : Cause commune, c'est tout cela et plus encore.

La revue donne la parole aux communistes mais aussi aux chercheurs et artistes de tous horizons. Ils font le point des débats et nous emmènent au-delà des sentiers battus de l'idéologie dominante.

Cette revue paraît tous les deux mois.

Au cours de ce mois d’août notre Blog vous propose quelques articles de « Cause Commune » parus entre novembre 2018 et août 2019.

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6 août 2019 2 06 /08 /août /2019 05:06

 

Ancien combattant de la guerre d’Espagne, Joseph Almudever est à présent l’un des rares survivants des Brigades internationales. Il fête aujourd’hui ses 100 ans.

La Tour-du-Crieu (Ariège), envoyé spécial.

Combien sont-ils encore en vie ? De tous ces combattants venus de 53 pays pour vaincre le fascisme entre 1936 et 1938, 15 000 sont morts en terre d’Espagne. « Por vuestra libertad y la nuestra ! » proclamait la devise des Brigades internationales. Quatre-vingts ans après cette guerre, peut-être Joseph Almudever est-il el ultima brigadista.

Le vieil homme habite une maison blanche construite de ses mains à La Tour-du-Crieu, aux portes de Pamiers, en Ariège. Sur les murs, des photos d’hier et d’aujourd’hui, des drapeaux républicains rouge-jaune-violet, des affiches. Quelques fragments d’une vie longue et tumultueuse. Joseph Almudever est né en 1919 à Marseille de parents espagnols. Il va à l’école en France, puis de l’autre côté des Pyrénées lorsqu’en 1931 la famille revient s’établir à Alcacer, village de son père, dans la province de Valence. « 70 % des villageois étaient illettrés. Alors, je leur faisais la lecture des journaux. » C’est ainsi que Joseph apprend la situation dans les mines d’Asturies, les grandes grèves de 1934 matées dans le sang par un certain général Franco.

L’adolescent a déjà une certitude : « Tant qu’existera le capitalisme, le monde ne sera pas humain. » Ce qui déclenche toute une vie de combat ? « La faim ! Tu sais ce que c’est la faim ? » Peu après la victoire du Frente Popular, en février 1936, il rejoint les Jeunesses socialistes unifiées, d’obédience communiste. Survient le soulèvement militaire, le 18 juillet. Joseph, 17 ans, est trop jeune pour s’engager dans les troupes républicaines. Grâce à un certificat de naissance délivré par la mairie d’Alcacer, qui lui attribue opportunément deux ans supplémentaires, il peut rejoindre le front de Teruel, en Aragon. « Au début, nous avions un fusil mais pas de balles. Alors que les franquistes disposaient de tanks, de canons. C’est pour ça qu’on a perdu la guerre. » Aujourd’hui encore, il s’énerve à la seule évocation de Léon Blum et sa politique de non-intervention : « Ils ont tué la République ! »

Le brigadiste a risqué sa vie sous l’uniforme

Le 25 mai 1938, el Chiquet (le Petit) est blessé sur le front de Teruel par un tir de mortier. Il est évacué, soigné. Huit décennies plus tard, il conserve de cette blessure trois éclats logés dans le ventre. À la sortie de l’hôpital, en juillet 1938, Joseph apprend à sa grande stupeur qu’il n’a plus sa place dans les rangs de l’armée républicaine. « Je ne comprenais pas. » Sans doute, les divisions internes du camp républicain ne sont pas étrangères à la mise à l’écart du jeune sergent.

Joseph s’engage alors dans les Brigades internationales. Ces antifascistes du monde entier savent que l’enjeu de cette guerre dépasse les frontières de l’Espagne. Combattre Franco, c’est combattre ses alliés Hitler et Mussolini. À Silla, près de Valence, Joseph appartient à la 129e brigade, composée de Français, Belges, Suisses, Algériens, tous francophones. « Mais il nous est impossible de rejoindre Teruel ! » Où se joue pourtant une bataille décisive. La 129e brigade est immobilisée. Elle sera bientôt démobilisée. Le gouvernement républicain décide, en octobre 1938, le retrait des Brigades internationales. À Barcelone, Joseph assiste, le 15 novembre, au célèbre adieu de Dolorès Ibarruri aux brigadistes. « La Pasionaria a dit qu’on ne nous oublierait jamais. »

Joseph Almudever a risqué sa vie sous l’uniforme d’une armée républicaine qui ne voulait guère de lui et il n’a pas pu combattre dans les Brigades internationales qui lui ouvraient les bras. Le paradoxe ne s’arrête pas là. Alors que les républicains doivent fuir vers la France, que la guerre d’Espagne semble terminée, el Chiquet, après un court séjour à Marseille, revient à Valence le 7 février 1939 à bord d’un navire britannique transportant de la farine. Les franquistes l’arrêtent deux mois plus tard dans le port d’Alicante. « Juste avant, j’ai jeté mon livret des Brigades à la mer, pour qu’on ne le trouve pas sur moi. » Il n’échappe pas aux geôles des nationalistes, est condamné en 1941 à trente ans de détention. Joseph est pourtant libéré l’année suivante, car les prisons franquistes sont pleines à craquer.

La situation politique actuelle rend pessimiste le vieil homme

S’il sort de prison, c’est pour entrer dans la clandestinité : il rejoint le groupe des guérilleros du Levant. Cette faction poursuit la lutte armée sur le sol espagnol, mais ses chefs sont arrêtés et fusillés. L’étau se resserre. En août 1947, le jeune républicain doit fuir à travers les Pyrénées, de nuit. Pour enfin s’établir à Pamiers.

Toute une matinée passée avec Joseph Almudever ne suffit pas pour épuiser son récit sur la tragédie espagnole. Sur cette guerre qui n’aurait jamais dû être perdue. Carmen, qu’il a épousée en Espagne, est venue le rejoindre en Ariège. Ils ont eu cinq enfants. Joseph a exercé le métier de maçon, milité au PCF et à la CGT.

Avant de rencontrer un homme de cet âge, le visiteur peut redouter des pertes de mémoire, des confusions. Son esprit agile dissipe vite les craintes. Joseph se permet même des voyages en Espagne. Mais la situation politique actuelle le rend pessimiste. Il voit dans « la division de la classe ouvrière » la première cause de la montée de l’extrême droite. Joseph pose un regard indulgent sur ses neuf petits-enfants : « Ils sont moins engagés que moi politiquement, mais ils n’ont pas eu la même vie. » Avec eux, il fêtera, aujourd’hui 30 juillet, son 100e anniversaire. Compleaños feliz, compañero Almudever !

Bruno Vincens

 

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6 août 2019 2 06 /08 /août /2019 05:00
Les grands textes de Karl Marx - 13 -  la journée révolutionnaire du 23 juin 1848 racontée dans la Neue Rheinische Zeitung

Karl Marx (1818-1883)

Marx "journaliste"

Article de la Neue Rheinische Zeitung daté du 28 juin 1848

(éditions sociales)

Le 23 juin (1848)

"La révolution de Juin offre le spectacle d'une lutte acharnée comme Paris, comme le monde n'en ont pas encore vu de pareille. De toutes les révolutions précédentes, ce sont les journées de mars à Milan qui témoignent de la lutte la plus chaude. Une population presque désarmée de 170.000 âmes battit une armée de 20 à 30.000 hommes. Mais les journées de Mars à Milan sont un jeu d'enfants à côté des journées de Juin à Paris. Ce qui distingue la révolution de Juin de toutes les révolutions précédentes, c'est l'absence de toute illusion, de tout enthousiasme.

Le peuple n'est point comme en Février sur les barricades chantant Mourir pour la patrie - les ouvriers du 23 juin luttent pour leur existence, la patrie a perdu pour eux toute signification. La Marseillaise et tous les souvenirs de la grande Révolution ont disparu. Peuple et bourgeois pressentent que la révolution dans laquelle ils entrent est plus grande que 1789 et 1793.

La révolution de Juin est la révolution du désespoir et c'est avec la colère muette, avec le sang-froid sinistre du désespoir qu'on combat pour elle; les ouvriers savent qu'ils mènent une lutte à vie et à mort, et devant la gravité terrible de cette lutte le vif esprit français lui-même se tait.

L'histoire ne nous offre que deux moments ayant quelque ressemblance avec la lutte qui est menée probablement encore en ce moment à Paris: la guerre des esclaves de Rome et l'insurrection lyonnaise de 1834. L'ancienne devise lyonnaise aussi: "Vivre en travaillant ou mourir en combattant", a de nouveau surgi, soudain, au bout de 14 ans, inscrite sur les drapeaux.

La révolution de Juin est la première qui divise vraiment la société tout entière en deux camps ennemis qui sont représentés par le Paris de l'Est et le Paris de l'Ouest. L'unanimité de la révolution de Février a disparu, cette unanimité poétique, pleine d'illusions aveuglantes, pleine de beaux mensonges et qui fut représentée si dignement par le beau phraseur traître Lamartine. Aujourd'hui, la gravité implacable de la réalité met en pièces toutes les promesses séduisantes du 25 février. Les combattants de Février luttent aujourd'hui eux-mêmes les uns contre les autres, et, ce qui n'arriva encore jamais, il n'y a plus d'indifférence, chaque homme capable de porter les armes participe vraiment à la lutte dans la barricade ou devant la barricade.   

(...)

Mais passons à la description de la lutte elle-même.

D'après nos nouvelles d'hier, force nous était de croire que les barricades avaient été disposées d'une façon assez incohérente. Les informations détaillées d'aujourd'hui font ressortir le contraire. Jamais encore les ouvrages de défense des ouvriers n'ont été exécutés avec un tel sang-froid, avec une telle méthode.

La ville était divisée en deux camps. La ligne de partage partait de l'extrémité nord-est de la ville, de Montmartre, pour descendre jusqu'à la porte Saint-Denis, de là, descendait de la rue Saint-Denis, traversait l'île de la Cité et longeait la rue Saint-Jacques, jusqu'à la barrière. Ce qui était à l'Est était occupé et retranché par les ouvriers; c'est de la partie ouest qu'attaquait la bourgeoisie et qu'elle recevait ses renforts.

De bonne heure le matin, le peuple commença en silence à élever ses barricades. Elles étaient plus hautes et plus solides que jamais. Sur la barricade à l'entrée du faubourg Saint-Antoine, flottait un énorme drapeau rouge.

Le boulevard Saint-Denis était très fortement retranché. Les barricades du boulevard, de la rue de Cléry et les maisons avoisinantes, tout à fait transformées en forteresses, constituaient un système de défense complet. C'est là, comme nous le relations hier déjà, que commença le premier combat important. Le peuple se battit avec un mépris indicible de la mort. Sur la barricade de la rue de Cléry, un fort détachement de gardes nationaux fit une attaque de flanc. La plupart des défenseurs de la barricade se retirèrent. Seuls sept hommes et deux femmes, deux jeunes et belles grisettes, restèrent à leur poste. Un des sept monte sur la barricade, le drapeau à la main. Les autres commencent le feu. La garde nationale riposte, le porte-drapeau tombe. Alors une des grisettes, une grande et belle jeune fille, vêtue avec goût, les bras nus, saisit le drapeau, franchit la barricade et marche sur la garde nationale. Le feu continue et les bourgeois de la garde nationale abattent la jeune fille comme elle arrivait près de leurs baïonnettes. Aussitôt, l'autre grisette bondit en avant, saisit le drapeau, soulève la tête de sa compagne, et, la trouvant morte, jette, furieuse, des pierres sur la garde nationale. Elle aussi tombe sous les belles des bourgeois. Le feu devient de plus en plus vif. On tire des fenêtres, de la barricade; les rangs de la garde nationale s'éclaircissent; finalement des secours arrivent et la barricade est prise d'assaut. Des sept défenseurs de la barricade, un seul encore était vivant; il fut désarmé et fait prisonnier. Ce furent les lions et loups-cerviers de la Bourse de la 2e légion qui exécutèrent ce haut fait contre sept ouvriers et deux grisettes. 

La jonction des deux corps et la prise de la barricade sont suivies d'un moment de silence anxieux. Mais il est bientôt interrompu. La courageuse garde nationale ouvre un feu de peloton bien nourri sur des masses de gens désarmés et paisibles qui occupent une partie du boulevard. Ils se dispersent épouvantés. Mais les barricades ne furent pas prises. C'est seulement lorsque Cavaignac arriva lui-même avec la ligne et la cavalerie, après un long combat et vers 3 heures seulement, que le boulevard fut pris jusqu'à la porte Saint-Martin.

Dans le faubourg Poissonnière, plusieurs barricades furent érigées et, notamment, au coin de la rue Lafayette où plusieurs maisons servaient également de forteresse aux insurgés. Un officier de la garde nationale les commandait. Le 7e régiment d'infanterie légère, la garde mobile et la garde nationale avancèrent contre eux. Le combat dura une demi-heure; finalement, les troupes eurent la victoire, mais seulement après avoir perdu près de 100 morts et blessés. Ce combat eut lieu après 3 heures de l'après-midi.

Devant le palais de justice, des barricades furent édifiées également, dans la rue de Constantine et les rues avoisinantes, ainsi que sur le pont Saint6michel où flottait le drapeau rouge. Après un combat plus long, ces barricades furent aussi prises.

Le dictateur Cavaignac posta son artillerie près du pont Notre-Dame. De là, il canonna les rues Planche-Mibray et de la Cité, et il put facilement la faire ranger en batterie contre les barricades de la rue Saint-Jacques.

Cette dernière rue était coupée par de nombreuses barricades et les maisons transformées en vraies forteresses. L'artillerie seule pouvait agir là, et Cavaignac n'hésita pas un instant à l'employer. Tout l'après-midi, retentit le grondement des canons. La mitraille balayait la rue. Le soir, à 7 heures, il ne restait plus qu'une barricade à prendre. Le nombre des morts était très grand.  

Aux abords du pont Saint-Michel et dans la rue Saint-André-des-Arts, on tira également à coups de canon. Tout à l'extrêmité nord-est de la ville, rue Château-Landon où un détachement de troupes se risqua, une barricade fut également démolie à coups de canon.

L'après-midi, le combat devint de plus en plus vif dans le faubourg nord-est. Les habitants des faubourgs de La Villette, de Pantin, etc, vinrent en aide aux insurgés. Toujours, on élève à nouveau les barricades et en très grand nombre. 

Dans la Cité, une compagnie de la garde républicaine s'était glissée entre deux barricades sous prétexte de vouloir fraterniser avec les insurgés et avait ensuite tiré. Le peuple furieux se précipita sur les traîtres et les abattit homme par homme. C'est à peine si 20 d'entre eux eurent le loisir de s'échapper.

La violence de la lutte grandissait sur tous les points. Tant qu'il fit clair, on tira à coups de canon; plus tard on se borna à la fusillade qui se poursuivit bien avant dans la nuit. Encore à 11 heures, la générale retentissait dans tout Paris, et à minuit, on échangeait encore des coups de fusil dans la direction de la Bastille. La place de la Bastille était entièrement au pouvoir des insurgés ainsi que tous ses accès. Le faubourg Saint-Antoine, le centre de leur puissance, était fortement retranché. Sur le boulevard de la rue Montmartre, jusqu'à la rue du Temple, il y avait en masse serrée de la cavalerie, de l'infanterie, de la garde nationale et de la garde mobile.

A 11 heures du soir, on comptait déjà plus de 1.000 morts et blessés.

Telle fut la première journée de la révolution de Juin, une journée sans précédant dans les annales révolutionnaires de Paris. Les ouvriers de Paris combattirent tout à fait seuls la bourgeoisie armée, contre la garde mobile, la garde républicaine réorganisée et contre les troupes de ligne de toutes les armes. Ils ont soutenu la lutte avec une bravoure sans exemple, qui n'a de pareille que la brutalité, également sans exemple, de leurs adversaires. On se prend d'indulgence pour un Hüser, un Radetzky, un Windischgraetz, lorsqu'on voit comment la bourgeoisie de Paris s'adonne, avec un véritable enthousiasme, aux tueries arrangées par Cavaignac.

Dans la nuit du 23 au 24, la Société des droits de l'homme, qui avait été reconstituée le 11 juin, décida d'utiliser l'insurrection au profit du Drapeau rouge et, par conséquent, d'y participer".

Karl Marx, Neue Rheinische Zeitung - 28 juin 1848

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Les grands textes de Marx - 4: Les pouvoirs de l'argent (Ebauche d'une critique de l'économie politique, 1844)

Les grands textes de Karl Marx - 5: le matérialisme historique théorisé dans l'Idéologie allemande (1845)

Les grands textes de Karl Marx - 6 - L'idéologie, antagonismes de classes sociales et idées dominantes

Les grands textes de Karl Marx - 7 - Le Manifeste du Parti communiste - Les conditions du communisme se développent dans le développement du capitalisme et de la domination de la bourgeoisie

Les grands textes de Karl Marx - 8 - Qu'est-ce qu'être communiste? - Manifeste du Parti communiste (1848)

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