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13 août 2019 2 13 /08 /août /2019 05:55
Les grands textes de Karl Marx - 17 - la révolution de la Commune de Paris et l'Etat bourgeois - La Guerre Civile en France

Karl Marx, 1818-1883

La Guerre Civile en France

Cet essai sur la Commune, adressé aux membres européens et américains de la Première Internationale (regroupant marxistes et anarchistes), rédigé à chaud en mai 1871 figure parmi les chefs d'oeuvre du Karl Marx de la maturité.  Nous avons jugé utile d'en publier de larges extraits pour donner envie de lire cette analyse magistrale d'un événement historique présent de Marx. Comme dans Les luttes de classe en France où Marx analyse à chaud la révolution de 1848 et l'écrasement de l'insurrection ouvrière de juin. On peut lire dans l'analyse concrète de figures historiques déterminées une théorie de l’État, pensé dans son devenir historique, du politique, de la démocratie bourgeoise, des forces motrices de l'évolution historique, théorie qui conserve sa pertinence et une grande part de son actualité. Il y a aussi une analyse de la singularité de l'expérience communarde, qui, si elle ne l'épuise pas, mérite d'être lue et appréciée, surtout qu'elle lui est contemporaine.  Avec Marx, après lui, non la Commune n'est pas morte! 

 

Chapitre 3

À l'aube du 18 mars, Paris fut réveillé par ce cri de tonnerre : Vive la Commune! Qu'est-ce donc que la Commune, ce sphinx qui met l'entendement bourgeois à si dure épreuve ?

Les prolétaires de la capitale, disait le Comité central dans son manifeste du 18 mars, au milieu des défaillances et des trahisons des classes gouvernantes, ont compris que l'heure était arrivée pour eux de sauver la situation en prenant en main la direction des affaires publiques... Le prolétariat... a compris qu'il était de son devoir impérieux et de son droit absolu de prendre en main ses destinées, et d'en assurer le triomphe en s'emparant du pouvoir.

Mais la classe ouvrière ne peut pas se contenter de prendre tel quel l'appareil d'État et de le faire fonctionner pour son propre compte.

Le pouvoir centralisé de l'État, avec ses organes, partout présents : armée permanente, police, bureaucratie, clergé et magistrature, organes façonnés selon un plan de division systématique et hiérarchique du travail, date de l'époque de la monarchie absolue, où il servait à la société bourgeoise naissante d'arme puissante dans ses luttes contre le féodalisme. Cependant, son développement restait entravé par toutes sortes de décombres moyenâgeux, prérogatives des seigneurs et des nobles, privilèges locaux, monopoles municipaux et corporatifs et Constitutions provinciales. Le gigantesque coup de balai de la Révolution française du XVIIIe siècle emporta tous ces restes des temps révolus, débarrassant ainsi, du même coup, le substrat social des derniers obstacles s'opposant à la superstructure de l'édifice de l'État moderne. Celui-ci fut édifié sous le premier Empire, qui était lui-même le fruit des guerres de coalition de la vieille Europe semi-féodale contre la France moderne. Sous les régimes qui suivirent, le gouvernement, placé sous contrôle parlementaire, c'est-à-dire sous le contrôle direct des classes possédantes, ne devint pas seulement la pépinière d'énormes dettes nationales et d'impôts écrasants; avec ses irrésistibles attraits, autorité, profits, places, d'une part il devint la pomme de discorde entre les factions rivales et les aventuriers des classes dirigeantes, et d'autre part son caractère politique changea conjointement aux changements économiques de la société. Au fur et à mesure que le progrès de l'industrie moderne développait, élargissait, intensifiait l'antagonisme de classe entre le capital et le travail, le pouvoir d'État prenait de plus en plus le caractère d'un pouvoir public organisé aux fins d'asservissement social, d'un appareil de domination d'une classe. Après chaque révolution, qui marque un progrès de la lutte des classes, le caractère purement répressif du pouvoir d'État apparaît façon de plus en plus ouverte.

La Révolution de 1830 transféra le gouvernement des propriétaires terriens aux capitalistes, des adversaires les plus éloignés des ouvriers à leurs adversaires les plus directs. Les républicains bourgeois qui, au nom de la Révolution de février, s'emparèrent du pouvoir d'État, s'en servirent pour provoquer les massacres de juin, afin de convaincre la classe ouvrière que la république « sociale », cela signifiait la république qui assurait la sujétion sociale, et afin de prouver à la masse royaliste des bourgeois et des propriétaires terriens qu'ils pouvaient en toute sécurité abandonner les soucis et les avantages financiers du gouvernement aux « républicains » bourgeois. Toutefois, après leur unique exploit héroïque de juin, il ne restait plus aux républicains bourgeois qu'à passer des premiers rangs à l'arrière-garde du « parti de l'ordre », coalition formée par toutes les fractions et factions rivales de la classe des appropriateurs dans leur antagonisme maintenant ouvertement déclaré avec les classes des producteurs. La forme adéquate de leur gouvernement en société par actions fut la « république parlementaire », avec Louis Bonaparte pour président, régime de terrorisme de classe avoué et d'outrage délibéré à la « vile multitude ». Si la république parlementaire, comme disait M. Thiers, était celle qui « les divisait [les diverses fractions de la classe dirigeante] le moins », elle accusait par contre un abîme entre cette classe et le corps entier de la société qui vivait en dehors de leurs rangs clairsemés. Leur union brisait les entraves que, sous les gouvernements précédents, leurs propres dissensions avaient encore mises au pouvoir d'État. En présence de la menace de soulèvement du prolétariat, la classe possédante unie utilisa alors le pouvoir de l'État, sans ménagement et avec ostentation comme l'engin de guerre national du capital contre le travail. Dans leur croisade permanente contre les masses productrices, ils furent forcés non seulement d'investir l'exécutif de pouvoirs de répression sans cesse accrus, mais aussi de dépouiller peu à peu leur propre forteresse parlementaire, l'Assemblée nationale, de tous ses moyens de défense contre l'exécutif. L'exécutif, en la personne de Louis Bonaparte, les chassa. Le fruit naturel de la république du « parti de l'ordre » fut le Second Empire.

L'empire, avec le coup d'État pour acte de naissance, le suffrage universel pour visa et le sabre pour sceptre, prétendait s'appuyer sur la paysannerie, cette large masse de producteurs qui n'était pas directement engagée dans la lutte du capital et du travail. Il prétendait sauver la classe ouvrière en en finissant avec le parlementarisme, et par là avec la soumission non déguisée du gouvernement aux classes possédantes. Il prétendait sauver les classes possédantes en maintenant leur suprématie économique sur la classe ouvrière; et finalement il se targuait de faire l'unité de toutes les classes en faisant revivre pour tous l'illusion mensongère de la gloire nationale. En réalité, c'était la seule forme de gouvernement possible, à une époque où la bourgeoisie avait déjà perdu, - et la classe ouvrière n'avait pas encore acquis, - la capacité de gouverner la nation. Il fut acclamé dans le monde entier comme le sauveur de la société. Sous l'empire, la société bourgeoise libérée de tous soucis politiques atteignit un développement dont elle n'avait elle-même jamais eu idée. Son industrie et son commerce atteignirent des proportions colossales; la spéculation financière célébra des orgies cosmopolites; la misère des masses faisait un contraste criant avec l'étalage éhonté d'un luxe somptueux, factice et crapuleux. Le pouvoir d'État, qui semblait planer bien haut au-dessus de la société, était cependant lui-même le plus grand scandale de cette société et en même temps le foyer de toutes ses corruptions. Sa propre pourriture et celle de la société qu'il avait sauvée furent mises à nu par la baïonnette de la Prusse, elle-même avide de transférer le centre de gravité de ce régime de Paris à Berlin. Le régime impérial est la forme la plus prostituée et en même temps la forme ultime de ce pouvoir d'État, que la société bourgeoise naissante a fait naître, comme l'outil de sa propre émancipation du féodalisme, et que la société bourgeoise parvenue à son plein épanouissement avait finalement transformé en un moyen d'asservir le travail au capital.

L'antithèse directe de l'Empire fut la Commune. Si le prolétariat de Paris avait fait la révolution de Février au cri de « Vive la République sociale », ce cri n'exprimait guère qu'une vague aspiration à une république qui ne devait pas seulement abolir la forme monarchique de la domination de classe, mais la domination de classe elle-même. La Commune fut la forme positive de cette république.

Paris, siège central de l'ancien pouvoir gouvernemental, et, en même temps, forteresse sociale de la classe ouvrière française, avait pris les armes contre la tentative faite par Thiers et ses ruraux pour restaurer et perpétuer cet ancien pouvoir gouvernemental que leur avait légué l'empire. Paris pouvait seulement résister parce que, du fait du siège, il s'était débarrassé de l'armée et l'avait remplacée par une garde nationale, dont la masse était constituée par des ouvriers. C'est cet état de fait qu'il s'agissait maintenant de transformer en une institution durable. Le premier décret de la Commune fut donc la suppression de l'armée permanente, et son remplacement par le peuple en armes.

La Commune fut composée des conseillers municipaux, élus au suffrage universel dans les divers arrondissements de la ville. Ils étaient responsables et révocables à tout moment. La majorité de ses membres était naturellement des ouvriers ou des représentants reconnus de la classe ouvrière. La Commune devait être non pas un organisme parlementaire, mais un corps agissant, exécutif et législatif à la fois. Au lieu de continuer d'être l'instrument du gouvernement central, la police fut immédiatement dépouillée de ses attributs politiques et transformée en un instrument de la Commune, responsable et à tout instant révocable. Il en fut de même pour les fonctionnaires de toutes les autres branches de l'administration. Depuis les membres de la Commune jusqu'au bas de l'échelle, la fonction publique devait être assurée pour un salaire d'ouvrier. Les bénéfices d'usage et les indemnités de représentation des hauts dignitaires de l'État disparurent avec ces hauts dignitaires eux-mêmes. Les services publics cessèrent d'être la propriété privée des créatures du gouvernement central. Non seulement l'administration municipale, mais toute l'initiative jusqu'alors exercée par l'État fut remise aux mains de la Commune.

Une fois abolies l'armée permanente et la police, instruments du pouvoir matériel de l'ancien gouvernement, la Commune se donna pour tâche de briser l'outil spirituel de l'oppression, le pouvoir des prêtres; elle décréta la dissolution et l'expropriation de toutes les Églises dans la mesure où elles constituaient des corps possédants. Les prêtres furent renvoyés à la calme retraite de la vie privée, pour y vivre des aumônes des fidèles, à l'instar de leurs prédécesseurs, les apôtres. La totalité des établissements d'instruction furent ouverts au peuple gratuitement, et, en même temps, débarrassés de toute ingérence de l'Église et de l'État. Ainsi, non seulement l'instruction était rendue accessible à tous, mais la science elle-même était libérée des fers dont les préjugés de classe et le pouvoir gouvernemental l'avaient chargée.

Les fonctionnaires de la justice furent dépouillés de cette feinte indépendance qui n'avait servi qu'à masquer leur vile soumission à tous les gouvernements successifs auxquels, tour à tour, ils avaient prêté serment de fidélité, pour le violer ensuite. Comme le reste des fonctionnaires publics, magistrats et juges devaient être élus, responsables et révocables.

La Commune de Paris devait, bien entendu, servir de modèle à tous les grands centres industriels de France. Le régime de la Commune une fois établi à Paris et dans les centres secondaires, l'ancien gouvernement centralisé aurait, dans les provinces aussi, dû faire place au gouvernement des producteurs par eux-mêmes. Dans une brève esquisse d'organisation nationale que la Commune n'eut pas le temps de développer, il est dit expressément que la Commune devait être la forme politique même des plus petits hameaux de campagne et que dans les régions rurales l'armée permanente devait être remplacée par une milice populaire à temps de service extrêmement court. Les communes rurales de chaque département devaient administrer leurs affaires communes par une assemblée de délégués au chef-lieu du département, et ces assemblées de département devaient à leur tour envoyer des députés à la délégation nationale à Paris; les délégués devaient être à tout moment révocables et liés par le mandat impératif de leurs électeurs. Les fonctions, peu nombreuses, mais importantes, qui restaient encore à un gouvernement central, ne devaient pas être supprimées, comme on l'a dit faussement, de propos délibéré, mais devaient être assurées par des fonctionnaires de la Commune, autrement dit strictement responsables. L'unité de la nation ne devait pas être brisée, mais au contraire organisée par la Constitution communale; elle devait devenir une réalité par la destruction du pouvoir d'État qui prétendait être l'incarnation de cette unité, mais voulait être indépendant de la nation même, et supérieur à elle, alors qu'il n'en était qu'une excroissance parasitaire. Tandis qu'il importait d'amputer les organes purement répressifs de l'ancien pouvoir gouvernemental, ses fonctions légitimes devaient être arrachées à une autorité qui revendiquait une prééminence au-dessus de la société elle-même, et rendues aux serviteurs responsables de la société. Au lieu de décider une fois tous les trois ou six ans quel membre de la classe dirigeante devait « représenter » et fouler aux pieds le peuple au Parlement, le suffrage universel devait servir au peuple constitué en communes, comme le suffrage individuel sert à tout autre employeur en quête d'ouvriers, de contrôleurs et de comptables pour son affaire. Et c'est un fait bien connu que les sociétés, comme les individus, en matière d'affaires véritables, savent généralement mettre chacun à sa place et, si elles font une fois une erreur, elles savent la redresser promptement. D'autre part, rien ne pouvait être plus étranger à l'esprit de la Commune que de remplacer le suffrage universel par une investiture hiérarchique.

C'est en général le sort des formations historiques entièrement nouvelles d'être prises à tort pour la réplique de formes plus anciennes, et même éteintes, de la vie sociale, avec lesquelles elles peuvent offrir une certaine ressemblance. Ainsi, dans cette nouvelle Commune, qui brise le pouvoir d'État moderne, on a voulu voir un rappel à la vie des communes médiévales, qui d'abord précédèrent ce pouvoir d'État, et ensuite en devinrent le fondement. - La Constitution communale a été prise à tort pour une tentative de rompre en une fédération de petits États, conforme au rêve de Montesquieu et des Girondins, cette unité des grandes nations, qui, bien qu'engendrée à l'origine par la violence, est maintenant devenue un puissant facteur de la production sociale. - L'antagonisme de la Commune et du pouvoir d'État a été pris à tort pour une forme excessive de la vieille lutte contre l'excès de centralisation. (...) La Constitution communale aurait restitué au corps social toutes les forces jusqu'alors absorbées par l'État parasite qui se nourrit sur la société et en paralyse le libre mouvement. Par ce seul fait, elle eût été le point de départ de la régénération de la France. La classe moyenne des villes de province vit dans la Commune une tentative de restaurer la domination que cette classe avait exercée sur la campagne sous Louis-Philippe, et qui, sous Louis-Napoléon, avait été supplantée par la prétendue domination de la campagne sur les villes. En réalité, la Constitution communale aurait soumis les producteurs ruraux à la direction intellectuelle des chefs-lieux de département et leur y eût assuré des représentants naturels de leurs intérêts en la personne des ouvriers des villes. L'existence même de la Commune impliquait, comme quelque chose d'évident, l'autonomie municipale; mais elle n'était plus dorénavant un contre-poids au pouvoir d'État, désormais superflu. (...) La Commune a réalisé ce mot d'ordre de toutes les révolutions bourgeoises, le gouvernement à bon marché, en abolissant ces deux grandes sources de dépenses : l'armée et le fonctionnarisme d'État. Son existence même supposait la non-existence de la monarchie qui, en Europe du moins, est le fardeau normal et l'indispensable masque de la domination de classe. Elle fournissait à la république la base d'institutions réellement démocratiques. Mais ni le « gouvernement à bon marché », ni la « vraie république » n'étaient son but dernier; tous deux furent un résultat secondaire et allant de soi de la Commune.

La multiplicité des interprétations auxquelles la Commune a été soumise, et la multiplicité des intérêts qu'elle a exprimés montrent que c'était une forme politique tout à fait susceptible d'expansion, tandis que toutes les formes antérieures de gouvernement avaient été essentiellement répressives. Son véritable secret, le voici : c'était essentiellement un gouvernement de la classe ouvrière, le résultat de la lutte de la classe des producteurs contre la classe des appropriateurs, la forme politique enfin trouvée qui permettait de réaliser l'émancipation économique du travail  .

 

Sans cette dernière condition, la Constitution communale eût été une impossibilité et un leurre. La domination politique du producteur ne peut coexister avec la pérennisation de son esclavage social. La Commune devait donc servir de levier pour renverser les bases économiques sur lesquelles se fonde l'existence des classes, donc, la domination de classe. Une fois le travail émancipé, tout homme devient un travailleur, et le travail productif cesse d'être l'attribut d'une classe.

C'est une chose étrange. Malgré tous les discours grandiloquents, et toute l'immense littérature des soixante dernières années sur l'émancipation des travailleurs, les ouvriers n'ont pas plutôt pris, où que ce soit, leur propre cause en main, que, sur-le-champ, on entend retentir toute la phraséologie apologétique des porte-parole de la société actuelle avec ses deux pôles, capital et esclavage salarié (le propriétaire foncier n'est plus que le commanditaire du capitaliste), comme si la société capitaliste était encore dans son plus pur état d'innocence virginale, sans qu'aient été encore développées toutes ses contradictions, sans qu'aient été encore dévoilés tous ses mensonges, sans qu'ait été encore mise à nu son infâme réalité. La Commune, s'exclament-ils, entend abolir la propriété, base de toute civilisation. Oui, messieurs, la Commune entendait abolir cette propriété de classe, qui fait du travail du grand nombre la richesse de quelques-uns. Elle visait à l'expropriation des expropriateurs. Elle voulait faire de la propriété individuelle une réalité, en transformant les moyens de production, la terre et le capital, aujourd'hui essentiellement moyens d'asservissement et d'exploitation du travail, en simples instruments d'un travail libre et associé. Mais c'est du communisme, c'est l' « impossible» communisme! Eh quoi, ceux des membres des classes dominantes qui sont assez intelligents pour comprendre l'impossibilité de perpétuer le système actuel - et ils sont nombreux - sont devenus les apôtres importuns et bruyants de la production coopérative. Mais si la production coopérative ne doit pas rester un leurre et une duperie; si elle doit évincer le système capitaliste; si l'ensemble des associations coopératives doit régler la production nationale selon un plan commun, la prenant ainsi sous son propre contrôle et mettant fin à l'anarchie constante et aux convulsions périodiques qui sont le destin inéluctable de la production capitaliste, que serait-ce, messieurs, sinon du communisme, du très « possible » communisme ?

La classe ouvrière n'espérait pas des miracles de la Commune. Elle n'a pas d'utopies toutes faites à introduire par décret du peuple. Elle sait que pour réaliser sa propre émancipation, et avec elle cette forme de vie plus haute à laquelle tend irrésistiblement la société actuelle en vertu de son propre développement économique, elle aura à passer par de longues luttes, par toute une série de processus historiques, qui transformeront complètement les circonstances elles-mêmes. Elle n'a pas à réaliser d'idéal, mais seulement à libérer les éléments de la société nouvelle que porte dans ses flancs la vieille société bourgeoise qui s'effondre. Dans la pleine conscience de sa mission historique et avec la résolution héroïque d'être digne d'elle dans son action, la classe ouvrière peut se contenter de sourire des invectives grossières des laquais de presse et de la protection sentencieuse des doctrinaires bourgeois bien intentionnés qui débitent leurs platitudes d'ignorants et leurs marottes de sectaires, sur le ton d'oracle de l'infaillibilité scientifique.

Quand la Commune de Paris prit la direction de la révolution entre ses propres mains; quand de simples ouvriers, pour la première fois, osèrent toucher au privilège gouvernemental de leurs « supérieurs naturels», les possédants, et, dans des circonstances d'une difficulté sans exemple, accomplirent leur oeuvre modestement, consciencieusement et efficacement (et l'accomplirent pour des salaires dont le plus élevé atteignait à peine le cinquième de ce qui, à en croire une haute autorité scientifique, le professeur Huxley, est le minimum requis pour un secrétaire du conseil de l'instruction publique de Londres), le vieux monde se tordit dans des convulsions de rage à la vue du drapeau rouge, symbole de la République du travail, flottant sur l'Hôtel de Ville.

Et pourtant, c'était la première révolution dans laquelle la classe ouvrière était ouvertement reconnue comme la seule qui fût encore capable d'initiative sociale, même par la grande masse de la classe moyenne de Paris - boutiquiers, commerçants, négociants - les riches capitalistes étant seuls exceptés. La Commune l'avait sauvée, en réglant sagement cette cause perpétuelle de différends à l'intérieur même de la classe moyenne : la question des créanciers et des débiteurs. Cette même partie de la classe moyenne avait participé à l'écrasement de l'insurrection ouvrière en juin 1848; et elle avait été sur l'heure sacrifiée sans cérémonie à ses créanciers par l'Assemblée constituante. Mais ce n'était pas là son seul motif pour se ranger aujourd'hui aux côtés de la classe ouvrière. Cette fraction de la classe moyenne sentait qu'il n'y avait plus qu'une alternative, la Commune ou l'empire, sous quelque nom qu'il pût reparaître. L'Empire l'avait ruinée économiquement par Bon gaspillage de la richesse publique, par l'escroquerie financière en grand, qu'il avait encouragée, par l'appui qu'il avait donné à la centralisation artificiellement accélérée du capital, et à l'expropriation corrélative d'une grande partie de cette classe. Il l'avait supprimée politiquement, il l'avait scandalisée moralement par ses orgies, il avait insulté à son voltairianisme en remettant l'éducation de ses enfants aux frères ignorantins, il avait révolté son sentiment national de Français en la précipitant tête baissée dans une guerre qui ne laissait qu'une seule compensation pour les ruines qu'elle avait faites : la disparition de l'Empire. En fait, après l'exode hors de Paris de toute la haute bohème bonapartiste et capitaliste, le vrai parti de l'ordre de la classe moyenne se montra sous la forme de l' « Union républicaine » qui s'enrôla sous les couleurs de la Commune et la défendit contre les falsifications préméditées de Thiers. La reconnaissance de cette grande masse de la classe moyenne résistera-t-elle à la sévère épreuve actuelle ? Le temps seul le montrera.

La Commune avait parfaitement raison en disant aux paysans : « Notre victoire est votre seule espérance ». De tous les mensonges enfantés à Versailles et repris par l'écho des glorieux journalistes d'Europe à un sou la ligne, un des plus monstrueux fut que les ruraux de l'Assemblée nationale représentaient la paysannerie française. Qu'on imagine un peu l'amour du paysan français pour les hommes auxquels après 1815 il avait dû payer l'indemnité d'un milliard . A ses yeux, l'existence même d'un grand propriétaire foncier est déjà en soi un empiètement sur ses conquêtes de 1789. La bourgeoisie, en 1848, avait grevé son lopin de terre de la taxe additionnelle de 45 centimes par franc; mais elle l'avait fait au nom de la révolution; tandis que maintenant elle avait fomenté une guerre civile contre la révolution pour faire retomber sur les épaules du paysan le plus clair des cinq milliards d'indemnité à payer aux Prussiens. La Commune, par contre, dans une de ses premières proclamations, déclarait que les véritables auteurs de la guerre auraient aussi à en payer les frais. La Commune aurait délivré le paysan de l'impôt du sang, elle lui aurait donné un gouvernement à bon marché, aurait transformé ses sangsues actuelles, le notaire, l'avocat, l'huissier, et autres vampires judiciaires, en agents communaux salariés, élus par lui et devant lui responsables. Elle l'aurait affranchi de la tyrannie du garde champêtre, du gendarme et du préfet; elle aurait mis l'instruction par le maître d'école à la place de l'abêtissement par le prêtre. Et le paysan français est, par-dessus tout, homme qui sait compter. Il aurait trouvé extrêmement raisonnable que le traitement du prêtre, au lieu d'être extorqué par le libre percepteur, ne dépendit que de la manifestation des instincts religieux des paroissiens. Tels étaient les grands bienfaits immédiats dont le gouvernement de la Commune - et celui-ci seulement - apportait la perspective à la paysannerie française. Il est donc tout à fait superflu de s'étendre ici sur les problèmes concrets plus compliqués, mais vitaux, que la Commune seule était capable et en même temps obligée de résoudre en faveur du paysan : la dette hypothécaire, qui posait comme un cauchemar sur son lopin de terre, le prolétariat rural qui grandissait chaque jour et son expropriation de cette parcelle qui s'opérait à une allure de plus en plus rapide du fait du développement même de l'agriculture moderne et de la concurrence du mode de culture capitaliste.

Le paysan français avait élu Louis Bonaparte président de la République, mais le parti de l'ordre créa le Second Empire. Ce dont en réalité le paysan français a besoin, il commença à le montrer en 1849 et 1850, en opposant son maire au préfet du gouvernement, son maître d'école au prêtre du gouvernement et sa propre personne au gendarme du gouvernement. Toutes les lois faites par le parti de l'ordre en janvier et février 1850 furent des mesures avouées de répression contre les paysans. Le paysan était bonapartiste, parce que la grande Révolution, avec tous les bénéfices qu'il en avait tirés, se personnifiait à ses yeux en Napoléon. Cette illusion, qui se dissipa rapidement sous le second Empire (et elle était par sa nature même hostile aux « ruraux »), ce préjugé du passé, comment auraient-ils résisté à la Commune en appelant aux intérêts vivants et aux besoins pressants de la paysannerie ?

Les ruraux (c'était, en fait, leur appréhension maîtresse) savaient que trois mois de libre communication entre le Paris de la Commune et les provinces amèneraient un soulèvement général des paysans; de là leur hâte anxieuse à établir un cordon de police autour de Paris comme pour arrêter la propagation de la peste bovine.

Si la Commune était donc la représentation véritable de tous les éléments sains de la société française, et par suite le véritable gouvernement national, elle était en même temps un gouvernement ouvrier, et, à ce titre, en sa qualité de champion audacieux de l'émancipation du travail, internationale au plein sens du terme. Sous les yeux de l'armée prussienne qui avait annexé à l'Allemagne deux provinces françaises, la Commune annexait à la France les travailleurs du monde entier.

Le second Empire avait été la grande kermesse de la filouterie cosmopolite, les escrocs de tous les pays s'étaient rués à son appel pour participer à ses orgies et au pillage du peuple français. En ce moment même le bras droit de Thiers est Ganesco, crapule valaque, son bras gauche, Markovski, espion russe. La Commune a admis tous les étrangers à l'honneur de mourir pour une cause immortelle. - Entre la guerre étrangère perdue par sa trahison, et la guerre civile fomentée par son complot avec l'envahisseur étranger, la bourgeoisie avait trouvé le temps d'afficher son patriotisme en organisant la chasse policière aux Allemands habitant en France. La Commune a fait d'un ouvrier allemand son ministre du Travail. - Thiers, la bourgeoisie, le second Empire avaient continuellement trompé la Pologne par de bruyantes professions de sympathie, tandis qu'en réalité ils la livraient à la Russie, dont ils faisaient la sale besogne. La Commune a fait aux fils héroïques de la Pologne l'honneur de les placer à la tête des défenseurs de Paris. Et pour marquer hautement la nouvelle ère de l'histoire qu'elle avait conscience d'inaugurer, sous les yeux des Prussiens vainqueurs d'un côté, et de l'armée de Bonaparte, conduite par des généraux bonapartistes de l'autre la Commune jeta bas ce colossal symbole de la gloire guerrière, la colonne Vendôme.

La grande mesure sociale de la Commune, ce fut sa propre existence et son action. Ses mesures particulières ne pouvaient qu'indiquer la tendance d'un gouvernement du peuple par le peuple. Telles furent l'abolition du travail de nuit pour les compagnons boulangers; l'interdiction, sous peine d'amende, de la pratique en usage chez les employeurs, qui consistait à réduire les salaires en prélevant des amendes sur leurs ouvriers sous de multiples prétextes, procédé par lequel l'employeur combine dans sa propre personne les rôles du législateur, du juge et du bourreau, et empoche l'argent par-dessus le marché. Une autre mesure de cet ordre fut la remise aux associations d'ouvriers, sous réserve du paiement d'une indemnité, de tous les ateliers et fabriques qui avaient fermé, que les capitalistes intéressés aient disparu ou qu'ils aient préféré suspendre le travail.

Les mesures financières de la Commune, remarquables par leur sagacité et leur modération, ne pouvaient être que celles qui sont compatibles avec la situation d'une ville assiégée. Eu égard aux vols prodigieux commis aux dépens de la ville de Paris par les grandes compagnies financières et les entrepreneurs de travaux publics sous le régime d'Haussmann, la Commune aurait eu bien davantage le droit de confisquer leurs propriétés que Louis Napoléon ne l'avait de confisquer celles de la famille d'Orléans. Les Hohenzollern et les oligarques anglais, qui, les uns et les autres, ont tiré une bonne partie de leurs biens du pillage de l'Église, furent bien entendu, grandement scandalisés par la Commune qui, elle, ne tira que 8.000 francs de la sécularisation.

Alors que le gouvernement de Versailles, dès qu'il eut recouvré un peu de courage et de force, employait les moyens les plus violents contre la Commune; alors qu'il supprimait la liberté d'opinion par toute la France, allant jusqu'à interdire les réunions des délégués des grandes villes; alors qu'il. soumettait. Versailles, et le reste de la France, à un espionnage qui surpassait de loin celui du second Empire; alors qu'il faisait brûler par ses gendarmes transformés en inquisiteurs tous les journaux imprimés à Paris et qu'il décachetait toutes les lettres venant de Paris et destinées à Paris; alors qu'à l'Assemblée nationale les essais les plus timides de placer un mot en faveur de Paris étaient noyés sous les hurlements, d'une façon inconnue même à la Chambre introuvable de 1816; étant donné la conduite sanguinaire de la guerre par les Versaillais hors de Paris et leurs tentatives de corruption et de complot dans Paris, - la Commune n'aurait-elle pas honteusement trahi sa position en affectant d'observer toutes les convenances et les apparences du libéralisme, comme en pleine paix ? Le gouvernement de la Commune eût-il été de même nature que celui de M. Thiers, il n'y aurait pas eu plus de motif de supprimer des journaux du parti de l'ordre à Paris, que de supprimer des journaux de la Commune à Versailles.

Il était irritant, certes, pour les ruraux, que dans le moment même où ils proclamaient le retour à l'Église comme le seul moyen de sauver la France, la mécréante Commune déterrât les mystères assez spéciaux du couvent de Picpus et de l'église Saint-Laurent . Et quelle satire contre M. Thiers : tandis qu'il faisait pleuvoir des grands-croix sur les généraux bonapartistes, en témoignage de leur maestria à perdre les batailles, à signer les capitulations et à rouler les cigarettes à Wilhelmshoehe, la Commune cassait et arrêtait ses généraux dès qu'ils étaient suspectés de négliger leurs devoirs, L'expulsion hors de la Commune et l'arrestation sur son ordre d'un de ses membres qui s'y était faufilé sous un faux nom et qui avait encouru à Lyon une peine de six jours d'emprisonnement pour banqueroute ,simple, n'était-ce pas une insulte délibérée jetée à la face du faussaire Jules Favre, toujours ministre des Affaires étrangères de la France, toujours en train de vendre la France à Bismarck et dictant toujours ses ordres à la Belgique, ce modèle de gouvernement ? Mais, certes, la Commune ne prétendait pas à l'infaillibilité, ce que font sans exception tous les gouvernements du type ancien. Elle publiait tous ses actes et ses paroles, elle mettait le public au courant de, toutes ses imperfections.

Dans toute révolution, il se glisse, à côté de ses représentants véritables, des hommes d'une tout autre trempe; quelques-uns sont des survivants des révolutions passées dont ils gardent le culte; ne comprenant pas le mouvement présent, ils possèdent encore une grande influence sur le peuple par leur honnêteté et leur courage reconnus, ou par la simple force de la tradition; d'autres sont de simples braillards, qui, à force de répéter depuis des années le même chapelet de déclamations stéréotypées contre le gouvernement du jour, se sont fait passer pour des révolutionnaires de la plus belle eau. Même après le 18 mars, on vit surgir quelques hommes de ce genre, et, dans quelques cas, ils parvinrent à jouer des rôles de premier plan. Dans la mesure de leur pouvoir, ils gênèrent l'action réelle de la classe ouvrière, tout comme ils ont gêné le plein développement de toute révolution antérieure. Ils sont un mal inévitable; avec le temps on s'en débarrasse; mais, précisément, le temps n'en fut pas laissé à la Commune.

Quel changement prodigieux, en vérité, que celui opéré par la Commune dans Paris! Plus la moindre trace du Paris dépravé du second Empire. Paris n'était plus le rendez-vous des propriétaires fonciers britanniques, des Irlandais par procuration, des ex-négriers et des rastaquouères d'Amérique, des ex-propriétaires de serfs russes et des boyards valaques. Plus de cadavres à la morgue, plus d'effractions nocturnes, pour ainsi dire pas de vols; en fait, pour la première fois depuis les jours de février 1848, les rues de Paris étaient sûres, et cela sans aucune espèce de police. « Nous n'entendons plus parler, disait un membre de la Commune, d'assassinats, de vols, ni d'agressions; on croirait vraiment que la police a entraîné avec elle à Versailles toute sa clientèle conservatrice ». Les cocottes avaient retrouvé la piste de leurs protecteurs, - les francs-fileurs, gardiens de la famille, de la religion et, par-dessus tout, de a propriété. A leur place, les vraies femmes de Paris avaient reparu, héroïques, nobles et dévouées, comme les femmes de l'antiquité. Un Paris qui travaillait, qui pensait, qui combattait, qui saignait, ou liant presque, tout à couver une société nouvelle, les cannibales qui étaient à ses portes, -radieux dans l'enthousiasme de son initiative historique!

En face de ce monde nouveau à Paris, voyez l'ancien monde à Versailles, - cette assemblée des vampires de tous les régimes défunts, légitimistes et orléanistes, avides de se repaître du cadavre de la nation, - avec une queue de républicains d'avant le déluge, sanctionnant par leur présence dans l'Assemblée la rébellion des négriers, s'en remettant pour maintenir leur république parlementaire à la vanité du vieux charlatan placé à la tête du gouvernement, et caricaturant 1789 en se réunissant, spectres du passé, au Jeu de Paume. C'était donc elle, cette Assemblée, la représentante de tout ce qui était mort en France, que seul ramenait à un semblant de vie l'appui des sabres des généraux de Louis Bonaparte! Paris toute vérité, Versailles tout mensonge; et ce mensonge exhalé par la bouche de Thiers !

Thiers dit à une députation des maires de Seine-et-Oise : «Vous pouvez compter sur ma parole, je n'y ai jamais manqué ». Il dit à l'Assemblée même « qu'elle était la plus librement élue et la plus libérale que la France ait jamais eue»; il dit à sa soldatesque bigarrée qu'elle était « l'admiration du monde et la plus belle armée que la France ait jamais eue »; il dit aux provinces, qu'il ne bombardait pas Paris, que c'était un mythe. « Si quelques coups de canon ont été tirés, ce n'est pas par l'armée de Versailles, mais par quelques insurgés, pour faire croire qu'ils se battent quand ils n'osent même pas se montrer». Il dit encore aux provinces que l' « artillerie de Versailles ne bombardait pas Paris, elle ne faisait que le canonner ». Il dit à l'archevêque de Paris que les prétendues exécutions et représailles ( !) attribuées aux troupes de Versailles n'étaient que fariboles. Il dit à Paris qu'il était seulement désireux « de le délivrer des hideux tyrans qui l'opprimaient », et, qu'en fait, « le Paris de la Commune n'était qu'une poignée de scélérats».

Le Paris de M. Thiers n'était pas le Paris réel de la « vile multitude », mais un Paris imaginaire, le Paris des francs fileurs, le Paris des boulevardiers et des boulevardières, le Paris riche, capitaliste, doré, paresseux, qui encombrait maintenant de ses laquais, de ses escrocs, de sa bohème littéraire et de ses cocottes, Versailles, Saint-Denis, Rueil et Saint-Germain; qui ne considérait la guerre civile que comme un agréable intermède, lorgnant la bataille en cours à travers des longues-vues, comptant les coups de canon et jurant sur son propre honneur et sur celui de ses prostituées que le spectacle était bien mieux monté qu'il l'avait jamais été à la Porte-Saint-Martin. Les hommes qui tombaient étaient réellement morts; les cris des blessés étaient des cris pour de bon; et, voyez-vous, tout cela était si intensément historique !

Tel est le Paris de M. Thiers; de même l'émigration de Coblence était la France de M. de Calonne.

Lire aussi:

Les grands textes de Karl Marx - 1 : la critique des libertés formelles de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen, dont le pivot est le droit de propriété - une critique des déterminants bourgeois de la Révolution Française

Les grands textes de Karl Marx - 2 - La religion comme opium du peuple

Les grands textes de Karl Marx - 3: l'aliénation produite par la propriété privée et le capitalisme dans les Manuscrits de 1844

Les grands textes de Marx - 4: Les pouvoirs de l'argent (Ebauche d'une critique de l'économie politique, 1844)

Les grands textes de Karl Marx - 5: le matérialisme historique théorisé dans l'Idéologie allemande (1845)

Les grands textes de Karl Marx - 6 - L'idéologie, antagonismes de classes sociales et idées dominantes

Les grands textes de Karl Marx - 7 - Le Manifeste du Parti communiste - Les conditions du communisme se développent dans le développement du capitalisme et de la domination de la bourgeoisie

Les grands textes de Karl Marx - 8 - Qu'est-ce qu'être communiste? - Manifeste du Parti communiste (1848)

Les grands textes de Karl Marx - 9 - Sur le socialisme et le communisme utopique, Manifeste du Parti communiste

Les grands textes de Karl Marx - 10 - La lutte des classes en France - Les raisons de l'échec de la révolution de Février 1848

Les grands textes de Karl Marx - 11 - Les luttes de classe en France - les leçons de la répression du soulèvement ouvrier de juin 1848

Les grands textes de Karl Marx - 12 - l'élection de Louis Napoléon Bonaparte - Les luttes de classe en France

Les grands textes de Karl Marx - 13 - la journée révolutionnaire du 23 juin 1848 racontée dans la Neue Rheinische Zeitung

Les grands textes de Karl Marx - 14 - la journée révolutionnaire du 24 juin 1848 racontée dans la Neue Rheinische Zeitung

Les grands textes de Karl Marx - 15 - la journée révolutionnaire du 25 juin 1848 racontée dans la Neue Rheinische Zeitung

Les grands textes de Karl Marx - 16 - La Guerre Civile en France: le petit monde interlope et opportuniste des Versaillais, la carrière d'Adolphe Thiers avant mai 1871

Marx et Engels: les vies extravagantes et chagrines des deux théoriciens du communisme!

Les grands textes de Karl Marx - 17 - la révolution de la Commune de Paris et l'Etat bourgeois - La Guerre Civile en France
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13 août 2019 2 13 /08 /août /2019 05:48

 

La stratégie de Donald Trump d’affrontement commercial et monétaire avec la Chine attise les tensions économiques et diplomatiques. Pékin riposte tout en refusant une escalade. Décryptage.

Droits de douane augmentés sur les produits chinois importés par les États-Unis, monnaie chinoise dévaluée en réaction, Bourses mondiales fébriles sur fond d’accumulation historique de liquidités, d’argent quasi gratuit et de « bulles » gorgées comme jamais : en déclenchant une nouvelle étape de la guerre commerciale, Donald Trump a craqué une allumette au-dessus de multiples barils de poudre. Comment, pourquoi et jusqu’où ?

1Pourquoi Donald Trump a-t-il repris la guerre commerciale ?

Dès son entrée en fonction, Donald Trump a tenté d’extorquer, mesures punitives à l’appui, aux principaux partenaires commerciaux, à commencer par la Chine, un nouveau mode de relations commerciales, dans l’espoir de passer avec chacun d’entre eux un nouveau « deal » plus bénéfique pour les États-Unis.

Pourquoi à ce moment-là ? Trump a sans doute interprété la décision de la FED de baisser les taux d’intérêt comme un alignement de la banque centrale, pourtant indépendante, sur ses desiderata politiques. Elle ferait bien de même en cas de nouvelle guerre commerciale qu’il déclenche aussitôt en annonçant l’établissement de nouveaux droits de douane sur des produits chinois au point que ceux-ci « ont retrouvé les niveaux que nous associons avec le protectionnisme d’avant les années 1930 », selon Paul Krugman, prix Nobel d’économie.

Mais la guerre commerciale relève principalement de l’argument de campagne électorale permanente qu’entretient Trump. Il sait que sa réélection tient aux quelques dizaines de milliers d’électeurs qui l’ont fait roi dans trois États du Midwest, sensibles à sa rhétorique de nationalisme économique (« America First »).

2 Le « protectionnisme » de Trump favorise-t-il l’emploi américain ?

Les politiques commerciales de Donald Trump sont frappées du sceau du « protectionnisme » ; tous les indicateurs de l’économie sont au vert, donc le nationalisme économique a engendré une nouvelle phase de croissance : voilà le dernier sophisme à la mode.

Si le président en exercice ne valorise pas outrageusement (ce qui ne correspond évidemment pas à son caractère) l’apparente bonne santé de l’économie, c’est aussi parce que les Américains savent ce qui se cache derrière : l’accentuation des inégalités sociales et la faiblesse de la mobilité sociale. Quant aux mesures virilement annoncées de protectionnisme, leur effet concret apparaît nul, voire contre-productif. Le fardeau de l’augmentation des tarifs douaniers ne pèse pas sur la Chine mais sur les consommateurs américains. Les entreprises voient le coût des « biens intermédiaires » s’alourdir. Par ailleurs, la guerre commerciale entraîne des représailles qui minent les exportations américaines. Enfin, ce qui n’est plus importé de Chine l’est du Vietnam. Au final, le déficit commercial des États-Unis continue de se creuser.

3 La Chine a-t-elle manipulé sa monnaie ?

Depuis lundi, la guerre commerciale lancée par Donald Trump a entraîné celle de la monnaie. Pour la première fois depuis onze ans, la valeur de la devise chinoise a dévissé au point de franchir un seuil symbolique de 7 yuans pour 1 dollar. Contrairement à ses habitudes, la Chine a laissé jouer le marché. Habituellement, sa banque centrale intervient pour soutenir sa monnaie lorsque son cours fluctue au-delà des 2 %. C’est d’ailleurs ce qu’elle a fait dès le lendemain, mardi, en intervenant sur le taux pivot – la devise n’étant pas totalement convertible. Pékin s’est défendu de vouloir utiliser l’arme monétaire dans la guerre commerciale. La baisse de la valeur du yuan permet à la Chine de faire baisser le prix de ses produits vendus en dollars et donc d’absorber les droits de douane supplémentaires. Reste que la deuxième puissance mondiale a envoyé un sérieux avertissement : elle dispose des moyens de « résister », pour reprendre les propos du président chinois Xi Jinping. « En dévaluant de façon temporaire, ils ont montré habilement de quoi ils pourraient être capables », confirme l’économiste et membre du conseil scientifique d’Attac Dominique Plihon. D’autant que le pays, grâce à ses excédents commerciaux, est assis sur une montagne de dollars. Il peut donc intervenir et fixer la valeur du yuan comme et quand il le souhaite.

4 Une guerre perdant-perdant pour Pékin et Washington ?

Les deux principales puissances économiques mondiales n’ont aucun intérêt à se lancer dans une telle escalade. Même si Xi Jinping assure que « le navire de l’économie chinoise (peut) affronter les vagues », en enregistrant une croissance de 6,2 % au second trimestre, soit sa plus faible performance depuis vingt-sept ans, la Chine a montré que sa situation économique se dégradait. D’ailleurs, le premier ministre Li Keqiang a appelé la semaine dernière à prendre davantage de mesures pour soutenir l’emploi et prévenir « les risques de licenciements massifs et de chômage ». « La Chine est d’autant plus vulnérable qu’elle est très ouverte, (les États-Unis étant le premier débouché de ses exportations – NDLR) même si, depuis la crise de 2008, elle tente de changer son modèle de croissance, en mettant davantage l’accent sur la consommation intérieure », analyse Dominique Plihon. En jouant sur le yuan, la Chine prendrait également le risque de perdre des investisseurs, ce qui pourrait freiner son développement.

Les stratégies de Donald Trump pourraient également se retourner contre son pays. « Les États-Unis sont en fin de cycle économique. Après neuf ans de croissance, celle-ci devrait également s’essouffler », estime David Cayla, maître de conférences à l’université d’Angers et membre des Économistes atterrés. Depuis quelques mois, les économistes entrevoient un ralentissement. Dans de nombreux secteurs, la politique commerciale agressive aura des effets négatifs. Dans l’agriculture par exemple, Pékin a d’ailleurs suspendu tous ses achats de produits agricoles américains et n’exclut pas d’imposer des taxes sur l’importation de produits agricoles issus des États-Unis et achetés après le 3 août. Dans l’industrie, la Chine est le premier sous-traitant des entreprises américaines. L’augmentation du prix des biens intermédiaires chinois entraînerait un renchérissement des produits finis américains, une baisse des exportations, une baisse de production et in fine une hausse du chômage.

5 La croissance mondiale est-elle menacée ?

L’affaiblissement de ces deux puissances accentuerait le ralentissement de la croissance mondiale. Depuis plusieurs mois, les institutions internationales comme le FMI et l’OCDE alertent et revoient à la baisse leurs prévisions en la matière. Dans sa note de conjoncture, le FMI constatait mi-juillet que l’évolution des échanges commerciaux stagnait à 0,5 % au premier trimestre et qu’elle ne devrait pas dépasser les 2,5 % en 2019, contre 5,5 % en 2017. Dans ce contexte morose, les Européens seront les premières victimes. La crise industrielle allemande, totalement dépendante de ses exportations, en est révélatrice. « L’effet de l’augmentation des droits de douane pourrait être amplifié dans la mesure où une proportion importante de marchandises passe les frontières à de multiples reprises au cours du processus de production », avait également averti en juin le président de la BCE. Mais, surtout le climat d’incertitude pourrait créer une rupture du cycle de croissance. Les entreprises, par exemple, en manque de visibilité préféreront reporter leurs investissements ou les embauches prévues, au risque de gripper la machine.

6 Y a-t-il un risque de krach financier ?

La tempête semblait s’éloigner, mardi, sur les places financières, après l’annonce du patron de la banque centrale chinoise, Yi Gang, d’une stabilisation du yuan. Mais le fort tangage des Bourses mondiales de ces derniers jours a rappelé combien la planète était à la merci d’un nouveau krach majeur semblable à celui de 2008, alors que les bulles spéculatives se sont reformées, comme en témoignent les records battus, semestre après semestre, par les principaux indices. Un tel scénario noir pourrait-il se produire, plongeant le monde dans une nouvelle crise ? Personne ne peut le dire à l’avance. Mais les signaux d’alerte se sont allumés dès l’annonce des mesures de Trump. La réplique de Pékin a amplifié la crispation des marchés. Le CAC 40 avait perdu 300 points (– 5 %) entre le 1er et le 6 août, et le Nasdaq américain 500 points (– 6 %).

Si l’accès de panique est passé, de nombreux voyants restent au rouge vif. L’excès de monnaie déversée sans contrepartie par les banques centrales à des taux historiquement bas pour soutenir à tout prix l’investissement et l’inflation, surfant sur l’illusion d’une ère sans fin d’« argent gratuit ». Ce qui favorise le gonflement des bulles boursières déconnectées du réel, tandis que les leviers budgétaires publics restent grippés et que la fin du cycle de croissance guette aux États-Unis. « Pour une crise financière il faut un terrain favorable : beaucoup de liquidités, un ralentissement de l’activité, et un choc, une étincelle. La dévaluation du yuan pourrait provoquer ce choc sur le marché des changes et entraîner cela », met en garde l’économiste Dominique Plihon.

7 Pourquoi l’Europe est-elle aux abonnés absents ?

Prise au dépourvu par le krach économique et financier en 2008, l’Europe est censée avoir tiré les enseignements de cette période noire, avec un arsenal anticrise renforcé grâce à la mise sur pied de l’union bancaire et de mécanismes budgétaires destinés à assurer la solidarité de ses États dans la tempête. Mais au moment où une nouvelle menace surgit, ses dirigeants paraissent singulièrement manquer de voix et d’initiative pour la contrer. « L’Union européenne n’a pas trouvé de moteur interne pour compenser la baisse de ses exportations. Elle n’a ni politique économique, ni politique commerciale. Même si elle signe des accords de libre-échange dangereux, elle laisse passer les trains », estime l’économiste David Cayla.

Du fait, notamment, de la dépendance aux exportations de l’Allemagne, première économie de l’UE, toute nouvelle restriction du commerce mondial risquerait d’entraîner le continent dans la récession. Une tragédie, alors que la croissance, poussive en comparaison des États-Unis, fait l’objet d’un soutien aussi massif que son efficacité est contestable de la part de la Banque centrale européenne (BCE). Avec un curseur bloqué en position maximum en matière de rachats de dette et de baisse des taux d’intérêt, la BCE n’a plus de marge de manœuvre pour réagir en cas de survenue d’un nouveau choc, tandis que les États sont prisonniers de dogmes qui empêchent toute réelle politique de relance. Pour Dominique Plihon, « les mesures qu’a prises la BCE pour endiguer la crise de 2008 ont créé les conditions d’une nouvelle crise. Quant aux États, ils restent dans un attentisme coupable face aux salaires trop faibles et aux immenses besoins d’investissements dans la transition écologique et les services publics ».

Sébastien Crépel, Christophe Deroubaix et Clotilde Mathieu

 

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13 août 2019 2 13 /08 /août /2019 05:46

 

Jeux d’influence, pressions, implication des pouvoirs publics, omerta … Fruit de trois ans d’enquête sur le terrain, l’album Algues vertes, l’histoire interdite, d’Inès Léraud et Pierre Van Hove, paru en juin, jette une lumière crue sur « un demi-siècle de fabrique du silence » en Bretagne.

 

Peu de temps après la parution, l’actualité vous a rattrapée : début juillet, deux hommes sont morts en Bretagne, dans deux zones envahies par des algues vertes, dont la décomposition peut dégager un gaz toxique, potentiellement mortel. L’histoire n’est donc pas terminée ?

INÈS LÉRAUD Il y a encore beaucoup de choses à dévoiler. On a enquêté jusqu’à la veille de l’envoi du livre à l’impression. Même après, nous avons eu de nouveaux éléments en main.

Chaque signature donne lieu à des files d’attente interminables. À chaque rencontre publique, les gens nous apportent des témoignages, des documents. Des inspecteurs du travail sont venus nous trouver à ce sujet. On sent que cette histoire, étouffée pendant un demi-siècle, réactive la mémoire des habitants. Et leur conscience. Ils réalisent qu’il y a possibilité d’agir.

 

D’où, dans le titre, « histoire interdite » ?

INÈS LÉRAUD En Bretagne, ce sujet est encore tabou. À chaque fois qu’il y a eu des victimes, la justice et l’État semblent vouloir écarter la thèse des algues vertes. Aucune prise de sang ni autopsie n’est réalisée pour détecter l’hydrogène sulfuré (le gaz toxique produit par les algues en décomposition). Malgré les alertes répétées du médecin urgentiste de Lannion Pierre Philippe, malgré la mort de Thierry Morfoisse, en 2009, lorsque le corps d’un joggeur est découvert en 2016 à Hillion, dans une vasière connue pour sa dangerosité, où étaient morts trente-six sangliers, aucune analyse n’a été faite. Pire, certains lanceurs d’alerte ont reçu des pressions, des menaces.

Ceux qui essaient de mettre en lumière ce problème, comme le médecin urgentiste de Lannion ou les scientifiques de l’Ifremer, sont considérés comme des ennemis par les industriels et l’administration bretonne. On l’a encore vu avec la réaction des élus locaux, qui m’accusent de critiquer les agriculteurs. C’est faux. Je n’ai une démarche critique qu’à l’encontre des décideurs. Mes enquêtes aboutissent à des imbrications complexes entre les pouvoirs publics, les industriels et leurs représentants. L’économie principale de Bretagne repose sur l’agro-industrie. Quand on a une telle hégémonie, tout le monde est indirectement financé par ces entreprises.

 

Difficile pourtant de nier le lien entre algues vertes et agriculture intensive. Les preuves scientifiques sont-là…

INÈS LÉRAUD Il y a trois ans, le doute était généralisé. À l’époque, quand je suis venue m’installer en Centre Bretagne, la plupart des gens me disaient que les algues n’avaient jamais tué. Aujourd’hui, le ­travail au long cours s’impose. C’est une certaine victoire. Mais dans la profession agricole, et parmi les autorités, l’administration, on entend ­encore ce discours sur l’absence de lien…

 

Comment est-ce encore possible aujourd’hui ?

INÈS LÉRAUD Tout est invisibilisé : les algues sont ramassées au petit matin, les plages sont propres. Les corps ne sont pas autopsiés. Comme dans tous les grands scandales sanitaires, un travail de désinformation a été mené sur le sujet des algues vertes, des contre-discours ont été orchestrés par les groupes agroalimentaires, couverts par les politiques… Ils ont leurs propres experts, avec des versions alternatives. Pour certains syndicats agricoles, cela vient des stations d’épuration et du phosphate, pas des nitrates… Ce discours est tellement répété, repris par les médias qu’il finit par être intégré…

 

Comment passe-t-on de la radio à la bande dessinée ?

INÈS LÉRAUD C’est un hasard. Un des fondateurs de la Revue dessinée, Kris, m’a proposé d’en faire un reportage dessiné et m’a mise en contact avec Pierre. La bande dessinée est un médium qui ouvre plus de portes. Il y a beaucoup de méfiance vis-à-vis des médias, qu’on peut voir trop proches des écolos ou en chiens de garde du pouvoir. J’ai pu rencontrer la famille du joggeur, qui ne souhaitait pas parler à des journalistes, parce que c’était une bande dessinée. Cela touche aussi un public plus large : j’ai vu des enfants l’offrir à leurs parents agriculteurs. Les gens me disent s’y plonger comme dans un film !

 

Comment avez-vous travaillé avec Pierre Van Hove ?

INÈS LÉRAUD Je pensais qu’il opterait pour des planches illustratives, avec un commentaire journalistique. Je lui ai envoyé énormément de textes, comme un synopsis : je détaillais l’action, le déroulé factuel de ce qui se passait, avec des flash-back. Pierre, de son côté, a réécouté tous les rushs non montés de mes émissions de radio. Il a intégré des dialogues, apporté de l’humour, de l’ironie. Pour les visages, les paysages, on s’est inspiré de photos. Quelquefois, on est retourné sur le terrain. André Ollivro (coprésident de Halte aux marées vertes) nous a emmenés sur les lieux de la mort du joggeur. Nous sommes allés aux urgences pour adopter le bon champ lexical et rendre crédibles les scènes se déroulant à l’hôpital. On a vu des personnes qui ne sont pas dans l’album, mais cela a permis à Pierre de ne pas avoir que mon point de vue, qu’il se rende compte par lui-même de cette omerta.

 

Algues vertes, l’histoire interdite, d’Inès Léraud et Pierre Van Hove, Éditions Delcourt, 144 pages, 19,99 euros.

Entretien réalisé par Alexandra Chaignon

 

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13 août 2019 2 13 /08 /août /2019 05:41

Par Anthony Gonçalves

 
Mettre à la disposition de toutes et tous les innovations thérapeuthiques actuelles et produire les médicaments essentiels à la santé est encore un combat à gagner au niveau de l’Europe. 
Par Anthony Gonçalves

Les trente dernières années ont vu l’émergence de grands progrès dans le traitement d’un certain nombre de maladies graves. 

Dans le domaine des cancers par exemple, des approches réellement innovantes (thérapies ciblées, immuno­thérapies) ont commencé à révolutionner le pronostic de ces affections, et ce mouvement se poursuit avec plusieurs centaines de nouvelles molécules actives en développement. Permettre et maintenir la mise à disposition de ces avancées pour tous est cependant un combat qui reste à gagner en Europe. Ainsi, l’augmentation exponentielle du prix des nouveaux médicaments, qui est imposée aux États par les grandes compagnies pharmaceutiques, met en danger l’accès de chacun à l’innovation thérapeutique. En Europe, ce phénomène se traduit par des défauts ou des retards de remboursement, et par la mise en tension croissante des systèmes de sécurité sociale, voire des décisions de restric­tion sanitaire basées sur des critères purement économiques.

Contrairement au discours des industriels, ces prix exorbitants ne sont pas justifiés par les coûts en recherche et développement (bien souvent inférieurs aux coûts en marketing de ces entreprises), mais sont en grande partie déterminés par les exigences de rentabilité des actionnaires, qui sont parmi les plus élevées du monde économique (les dividendes versés dans ce domaine sont fréquemment supérieurs à ce qui se voit dans l’industrie du luxe, du numérique, de la finance). De plus, bien souvent, les découvertes en matière de médicament sont issues directement ou indirectement de travaux réalisés dans les laboratoires de recherche publics, et cet apport irremplaçable de la recherche académique n’est jamais pris en compte dans la discussion des prix.

Pour une autre politique du prix du médicament

Sur cette question, il est nécessaire de porter le combat à l’échelle du pays et de l’Union européenne en imposant :

• la prise en compte des coûts réels en recherche et développement et la part prise par le soutien public dans leur mise au point ;

• des négociations de prix avec l’industrie transparente à l’échelle européenne ;

• une réévaluation régulière de ces prix en fonction des profits dégagés et des dividendes versés aux actionnaires ;

• une obligation pour les compagnies pharmaceutiques de contribuer financièrement à la recherche clinique académique indépendante, concernant l’utilisation optimale des médicaments nouvellement enregistrés.

 

Produire les médicaments essentiels

Le développement d’un pôle public du médicament au niveau européen, dans le cadre d’une coopération choisie avec les pays de l’Union qui le souhaiteront, pourrait aider à changer la donne, à regagner du pouvoir sur la finance et à éviter la marchandisation de la santé. Il permettrait par exemple :

• de produire les médicaments essentiels, c’est-à-dire ceux de la liste prioritaire établie par l’Organisation mondiale de la santé et qui sont considérés comme indispensables aux besoins humains de santé ;

• de faire face aux pénuries récurrentes dès lors que l’espérance du profit n’est pas suffisante pour faire frissonner les actionnaires ;

• d’être capable, le cas échéant, de dégainer l’arme absolue de la licence d’office, celle qui permet aux États, lorsqu’ils considèrent que leurs intérêts vitaux en santé publique sont menacés, de casser les brevets et de produire eux-mêmes les médicaments dont l’industrie refuse de négocier les prix ;

• de redonner du poids à la recherche clinique publique dans le domaine pharmaceutique, puisque celle-ci a été totalement abandonnée par le modèle néolibéral qui gouverne l’Europe depuis plus de soixante-dix ans.
 

Anthony Gonçalves est cancérologue. Il est professeur à l'université Aix-Marseille.

Cause commune n° 10 • mars/avril 2019

 

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13 août 2019 2 13 /08 /août /2019 05:39
UN AN D'ORDONNANCES MACRON : HARO SUR LES DROITS COLLECTIFS (Revue "Progressistes" - Octobre, Novembre, Décembre 2018)
UN AN D'ORDONNANCES MACRON : HARO SUR LES DROITS COLLECTIFS (Revue "Progressistes" - Octobre, Novembre, Décembre 2018)
UN AN D'ORDONNANCES MACRON : HARO SUR LES DROITS COLLECTIFS (Revue "Progressistes" - Octobre, Novembre, Décembre 2018)
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12 août 2019 1 12 /08 /août /2019 07:44
35 nouvelles adhésions au PCF dans le Finistère et 47 nouveaux adhérents dans notre fédération depuis janvier 2019

35 nouvelles adhésions au parti communiste français dans le Finistère depuis le début de l'année 2019, dont beaucoup de jeunes, plus 12 camarades arrivés d'autres départements (pour un départ dans une autre fédération).

Nous sommes bien partis pour arriver a nos objectifs de 10 pour cent d'adhérents et cotisants en plus en deux ans!
La fédération du Finistère et notre Parti se renforcent et c'est heureux.
Adhérer au PCF permet de faire progresser et diffuser ses idées et ses combats, pour la justice sociale, l'égalité des droits, le respect et l'émancipation des travailleurs, la lutte contre la pauvreté et la précarité, les discriminations, l'anti-racisme, la paix, la lutte contre l'impérialisme et le néo-colonialisme. D'être acteur d'une lutte pluri-séculaire pour le progrès social et humain, contre l'arrogance et la domination exclusive des riches et du capital!
Une adhésion a d'autant plus de valeur chez nous qu'elle s'assortit d'une cotisation mensuelle ou annuelle, qui donne des droits de vote et de co-construction des décisions, et qu'elle se fait dans un contexte où, malgré une influence électorale à reconstruire, le PCF est redevenu le premier parti de France en nombre d'adhérents.

Nous sommes actuellement à 880 adhérents, dont 550 environ à jour de cotisations.

En 2018, c'est 40 nouvelles adhésions qui avaient été réalisées dans le Finistère. Nous sommes bien partis pour dépasser les 40 adhésions de l'année 2018 dans la fédération du Finistère. Notamment avec la fête de l'Humanité et la rentrée sociale qui approchent qui sont souvent de grands moments d'adhésion et de renforcement.

La moyenne de cotisations par adhérent chaque année est de l'ordre de 145 euros. C'est avec les cotisations de nos adhérents, les indemnités de nos élus (une trentaine dans le Finistère), bien plus qu'avec l'argent public, que nous touchons beaucoup moins que d'autres partis (c'est lié à l'influence électorale... aux remboursements des frais de campagne, pas à la vigueur militante sur le terrain), que nous pouvons mener des batailles politiques. 

Le dynamisme de notre campagne des européennes, notre présence constante sur le terrain, nos initiatives militantes et d'éducation populaire, et un souffle nouveau apporté par Ian Brossat et Fabien Roussel n'y sont sans doute pas pour rien.

Le communisme est toujours une idée neuve, qui n'a rien perdu de son actualité et de son caractère subversif, et surtout une pratique politique de générosité accordant les actes à notre idéal de Paix, d'entente et de partage entre les peuples, de société meilleure, avec une dignité de vie pour tous, plus humaine, égalitaire et réellement civilisée.

La fête de l'humanité sera encore un grand moment d'adhésion, comme la rentrée universitaire. Face aux capitalistes et aux fachos, la nécessité de s'organiser pour résister et proposer une véritable alternative à la société du fric, des inégalités et de la haine.

Adhérer au PCF, c'est aussi faire le choix d'intégrer un collectif solidaire et fraternel d'action et de réflexion pour aider à un changement véritable dans la société, pour l'Humain et la planète, et à faire reculer la loi de l'argent et du capitalisme.  Un parti qui a 98 ans d'histoire, avec une conception de la pratique politique et de la défense des intérêts populaires peu commune.

Ismaël Dupont, secrétaire départemental du PCF - fédération du Finistère

12 août 2019

federation@29.pcf.fr - Fédération du PCF du Finistère/ 5 rue Henri Moreau/ 29 200 BREST

Page Facebook: Parti Communiste Français du Finistère

Stand du Finistère - Fête de l'Huma 2019

35 nouvelles adhésions au PCF dans le Finistère et 47 nouveaux adhérents dans notre fédération depuis janvier 2019
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12 août 2019 1 12 /08 /août /2019 07:06
Les grands textes de Karl Marx - 16 - La Guerre Civile en France: le petit monde interlope et opportuniste des Versaillais, la carrière d'Adolphe Thiers avant mai 1871

Les grands textes de Karl Marx - 17

Karl Marx 1818-1883

Marx pamphlétaire

Portrait au vitriol de Adolphe Thiers, La Guerre Civile en France (mai 1871) - chapitre 1
 

" Ces hommes, donc, ne pouvaient trouver que dans les ruines de Paris leur billet d'élargissement conditionnel, ils étaient bien les hommes mêmes qu'il fallait à Bismarck.

Quelques tours de passe-passe, et Thiers, jusque-là le conseiller secret du gouvernement, apparut à sa tête avec ses élargis pour ministres.

Thiers, ce nabot monstrueux, a tenu sous le charme la bourgeoisie française pendant plus d'un demi-siècle, parce qu'il est l'expression intellectuelle la plus achevée de sa propre corruption de classe.

Avant de devenir homme d’État il avait déjà fait la preuve, comme historien, de sa maîtrise dans le mensonge. La chronique de sa vie publique est l'histoire des malheurs de la France. Allié des républicains avant 1830, il se faufile au ministère sous Louis-Philippe, en trahissant son protecteur, Laffitte. Il s'insinue dans les bonnes grâces du roi en provoquant des émeutes contre le clergé, au cours desquelles l'église Saint-Germain-l’Auxerrois et l'archevêché furent pillés, et en se faisant l'espion-ministre, puis l'accoucheur-geôlier de la duchesse de Berry. Le massacre des républicains, rue Transnonain, et les infâmes lois de septembre contre la presse et le droit d'association, qui l'ont suivi, furent tous deux son œuvre. Quand il reparut comme président du Conseil en mars 1840, il étonna la France par son plan de fortifications de Paris. Aux républicains, qui dénonçaient ce plan comme un complot perfide contre la liberté de Paris, il répliqua de la tribune de la Chambre des députés :

«Eh quoi! s'imaginer que des fortifications puissent jamais mettre la liberté en péril! Et d'abord, on calomnie un gouvernement, quel qu'il soit, quand on suppose qu'il puisse un jour tenter de se maintenir en bombardant la capitale...Mais ce gouvernement-là serait cent fois plus impossible après sa victoire.»

Certes, aucun gouvernement n'aurait jamais osé tourner contre Paris le feu de ses forts, si ce n'est le gouvernement même qui avait au préalable livré ces forts aux Prussiens.

Quand le roi Bomba se fit la main sur Palerme en janvier 1848, Thiers, depuis longtemps sans portefeuille, surgit à nouveau à la Chambre des députés.

«Vous savez, Messieurs, ce qui se passe à Palerme : vous avez tous tressailli d'horreur [parlementairement parlant] en apprenant que, pendant quarante-huit heures, une grande ville a été bombardée. Par qui? Était-ce par un ennemi étranger, exerçant les droits de la guerre? Non, Messieurs,par son propre gouvernement. Et pourquoi? Parce que cette ville infortunée réclamait ses droits. Eh bien,pour avoir réclamé ses droits, Palerme eut quarante-huit heures de bombardement! Permettez-moi d'en appeler à l'opinion européenne. C'est rendre un service à l'humanité que de venir, du haut de la plus grande tribune peut-être de l'Europe, faire retentir des paroles [des paroles en effet] d'indignation contre de tels actes... Quand le régent Espartero, qui avait rendu des services à son pays [ce que M. Thiers, lui,n'a jamais fait], prétendit, pour réprimer l'insurrection, bombarder Barcelone, il s'éleva de toutes les parties du monde un grand cri d'indignation.»

Dix-huit mois plus tard, M. Thiers était parmi les plus farouches défenseurs du bombardement de Rome par une armée française. En fait, le roi Bomba ne semble avoir eu d'autre tort que de limiter son bombardement à quarante-huit heures.Quelques jours avant la révolution de Février, irrité du long exil loin du pouvoir et de ses bénéfices,auquel l'avait condamné Guizot, et flairant dans l'air l'odeur d'un soulèvement populaire prochain,Thiers, dans ce style pseudo-héroïque qui lui a valu le surnom de Mirabeau-mouche, déclara à la Chambre des députés:

«Je suis du parti de la révolution, non seulement en France, mais en Europe. Je souhaite que le gouvernement de la révolution reste entre les mains des modérés; mais si le gouvernement tombait entre les mains des ardents, fût-ce des radicaux, malgré cela je n'abandonnerais pas ma cause. Je serais toujours du parti de la révolution.»

Survint la révolution de Février.

Au lieu de remplacer le cabinet Guizot par un cabinet Thiers, comme le petit homme l'avait rêvé, elle remplaça Louis-Philippe par la république. Au premier jour de la  victoire populaire, il se cacha soigneusement, oubliant que le mépris des travailleurs le mettait à l'abri de leur haine.

Pourtant, avec son courage légendaire, il continua de fuir la scène publique, jusqu'à ce que les massacres de Juin l'eussent nettoyée pour son genre d'activité. Alors, il devint le cerveau dirigeant du «parti de l'Ordre» et de la République parlementaire, cet inter-règne anonyme pendant lequel toutes les factions rivales de la classe dirigeante conspiraient ensemble pour écraser le peuple, et l’une contre l’autre pour restaurer chacune la monarchie de son choix. Alors, comme aujourd'hui, Thiers dénonçait les républicains comme le seul obstacle à la consolidation de la république; alors,comme aujourd'hui, il parlait à la république comme le bourreau à Don Carlos:

«Je vais te tuer, mais c'est pour ton bien».

Aujourd'hui, comme alors, il pourra s'écrier au lendemain de sa victoire: «L'empire est fait!»

En dépit de ses hypocrites homélies sur les «libertés nécessaires» et de sa rancune personnelle contre Louis Bonaparte qui avait fait de lui sa dupe et flanqué dehors le parlementarisme,et hors de son atmosphère factice, ce petit homme, il le sait bien, se ratatine et rentre dans le néant,Thiers a trempé dans toutes les infamies du Second Empire, de l'occupation de Rome par les troupes françaises, jusqu'à la guerre avec la Prusse, à laquelle il poussa par ses farouches invectives contre l'unité allemande,non pas parce qu'elle servirait de façade au despotisme prussien, mais parce qu'elle serait une atteinte au droit traditionnel de la France au morcellement de l'Allemagne.

Aimant à brandir à la face de l'Europe, avec ses bras de nain, l'épée de Napoléon Ier dont il était devenu le cireur de bottes historique, sa politique étrangère a toujours eu pour couronnement l'humiliation totale de la France, depuis la Convention de Londres en1841 jusqu'à la capitulation de Paris en 1871 et à la guerre civile actuelle où il lance contre Paris les prisonniers de Sedan et de Metz avec la haute autorisation de Bismarck.

Malgré la souplesse de son talent et l'inconstance des desseins qu'il poursuit, cet homme a été enchaîné sa vie entière à la routine la plus fossile.

Il est évident que les courants profonds de la société moderne devaient lui demeurer à jamais cachés; mais même les changements les plus manifestes à sa surface répugnaient à une cervelle dont toute la vitalité s'était réfugiée dans la langue.

Aussi ne se lassa-t-il jamais de dénoncer comme un sacrilège tout écart du désuet système du protectionnisme français. Ministre de Louis-Philippe, il dénigra les chemins de fer comme une folle chimère ; et, plus tard, dans l'opposition sous Louis Bonaparte, il stigmatisa comme une profanation toute tentative pour réformer le système pourri de l'armée française. Jamais, au cours de sa longue carrière politique,il ne s'est rendu coupable d'une seule mesure, si minime fût-elle, de quelque utilité pratique.

Thiers n'a été conséquent que dans son avidité de richesse, et dans sa haine des hommes qui la produisent. Entré pauvre comme Job dans son premier ministère sous Louis-Philippe, il le quitta millionnaire. Son dernier ministère sous le même roi (celui du1er mars 1840) l'exposa à des accusations publiques de concussion à la Chambre des députés, auxquelles il se contenta de répondre par des larmes, denrée qu'il prodigue avec autant de facilité que Jules Favre ou tout autre crocodile.

A Bordeaux, sa première mesure pour sauver la France d'une ruine financière imminente fut de se doter lui-même de trois millions par an, premier et dernier mot de la «république économe», qu'il avait fait miroiter à ses électeurs de Paris en 1869. Un de ses anciens collègues à la Chambre des députés de 1830, capitaliste lui-même et néanmoins membre dévoué de la Commune, M. Beslay, apostrophait dernièrement Thiers dans une affiche publique:

«L'asservissement du travail au capital a toujours été la pierre angulaire de votre politique, et depuis le jour où vous avez vu la république du travail installée à l'Hôtel de Ville, vous n'avez jamais cessé de crier à la France: Ce sont des criminels!»

Passé maître dans la petite fripouillerie politique, virtuose du parjure et de la trahison, rompu à tous les bas stratagèmes, aux expédients sournois et aux viles perfidies de la lutte des partis au parlement, toujours prêt, une fois chassé du ministère, à allumer une révolution, pour l'étouffer dans le sang une fois qu'il y est revenu, avec des préjugés de classe en guise d'idées, de la vanité en guise de cœur, menant une vie privée aussi abjecte que sa vie publique est méprisable, - il ne peut s'empêcher, même maintenant où il joue le rôle d'un Sylla français, de rehausser l'abomination de ses actes par le ridicule de ses fanfaronnades.

La capitulation de Paris, en livrant à la Prusse non seulement Paris, mais la France entière, a clos la longue série d'intrigues et de trahisons avec l'ennemi que les usurpateurs du 4 Septembre avaient inaugurée, comme Trochu en personne l'avait dit, le soir même. D'autre part, elle ouvrait la guerre  civile qu'ils allaient maintenant engager avec l'aide de la Prusse contre la république et Paris.

Le traquenard était tendu dans les clauses mêmes de la capitulation. A ce moment, plus d'un tiers du territoire était aux mains de l'ennemi, la capitale était coupée des départements, toutes les communications étaient désorganisées. Élire dans de telles circonstances une véritable représentation de la France était impossible sans prendre largement le temps nécessaire aux préparatifs.

C'est précisément pourquoi la capitulation stipula qu'une Assemblée nationale devait être élue dans les huit jours, de sorte qu'en bien des parties de la France la nouvelle des élections à faire n'arriva qu'à la veille du scrutin. En outre, cette assemblée, selon une clause expresse de la capitulation, ne devait être élue que dans le seul but de décider de la paix ou de la guerre, et, éventuellement, de conclure un traité de paix. La population ne pouvait pas ne pas sentir que les termes mêmes de l'armistice rendaient la continuation de la guerre impossible, et que, pour ratifier la paix imposée par Bismarck, les pires hommes de France étaient les meilleurs.

Mais, non content de toutes ces précautions, Thiers, avant même que le secret de l'armistice ait été divulgué dans Paris, était parti en tournée électorale à travers les départements pour y galvaniser et y rappeler à la vie le Parti légitimiste, qui devait désormais, à côté des orléanistes, prendre la place des bonapartistes, que l'on n'eût pas tolérés. Il n'en avait pas peur. Impossibles comme gouvernants de la France moderne, et par suite, rivaux méprisables, pouvait-il y avoir, comme instrument de la réaction, un parti préférable à celui dont l'action, suivant les paroles de Thiers lui-même (Chambre des députés, 5 janvier 1833) «s'était toujours confinée aux trois ressources de l'invasion étrangère,de la guerre civile et de l'anarchie?».

Ils croyaient vraiment, ces légitimistes, à l'avènement de ce millénaire rétrospectif si longtemps attendu. Il y avait la France sous la botte de l'invasion étrangère; il y avait la chute d'un empire, et la captivité d'un Bonaparte; enfin, il y avait eux-mêmes. La roue de l'histoire avait visiblement tourné à l'envers pour s'arrêter à la «Chambre introuvable» de 1816.

Dans les Assemblées de la République, de 1848 à 1851, ils avaient été représentés par leurs champions parlementaires, instruits et exercés; c'étaient les simples soldats du parti qui s'y ruaient maintenant: tous les Pourceaugnacs de France.

Dès que cette Assemblée de «ruraux» se fut réunie à Bordeaux, Thiers lui fit entendre nettement que les préliminaires de paix devaient être agréés sur-le-champ, sans même avoir les honneurs d'un débat parlementaire; à cette condition seulement la Prusse leur permettrait d'ouvrir les hostilités contre la république et Paris, sa place forte. La contre-révolution, en effet, n'avait pas de temps à perdre.

Le Second Empire avait plus que doublé la dette nationale et lourdement endetté toutes les grandes villes.La guerre avait enflé les charges d'une manière effrayante et ravagé sans pitié les ressources de la nation. Pour compléter la ruine, le Shylock prussien était là, exigeant l'entretien d'un demi-million de ses soldats sur le sol français, son indemnité de cinq milliards et l'intérêt à 5 % des échéances en retard.

Qui allait payer la note? Ce n'est qu'en renversant la république par la violence, que ceux qui s'appropriaient la richesse pouvaient espérer faire supporter aux producteurs de cette richesse les frais d'une guerre qu'ils avaient eux-mêmes provoquée. Ainsi, c'est précisément l'immense ruine de la France qui poussait ces patriotiques représentants de la propriété terrienne et du capital, sous les yeux mêmes et sous la haute protection de l'envahisseur, à greffer sur la guerre étrangère une guerre civile,une rébellion de négriers. Barrant la route au complot, il y avait un grand obstacle: Paris.

Désarmer Paris était la première condition du succès. Paris fut donc sommé par Thiers de rendre ses armes. Puis Paris fut harcelé parles frénétiques manifestations antirépublicaines de l'Assemblée «des ruraux» et par les déclarations équivoques de Thiers lui-même sur le statut légal de la république; par la menace de décapiter et de décapitaliser Paris; la nomination d'ambassadeurs orléanistes; les lois de Dufaure sur les échéances commerciales et les loyers, qui menaçaient de ruine le commerce et l'industrie parisiens; la taxe de Pouyer-Quertier, de deux centimes sur chaque exemplaire de toutes les publications quelles qu'elles soient; les sentences de mort contre Blanqui et Flourens; la suppression des journaux républicains; le transfert de l'Assemblée nationale à Versailles; le renouvellement de l'état de siège proclamé par Palikao, et aboli le 4 septembre; la nomination de Vinoy, le décembriseur, comme gouverneur de Paris, celle de Valentin, le gendarme de l'empire, comme préfet de police, enfin celle de d'Aurelle de Paladines, le général jésuite, comme commandant en chef de la Garde nationale.

Et maintenant, nous avons une question à poser à M. Thiers et aux hommes de la Défense nationale,ses sous-ordres. On sait que, par l'entremise de M. Pouyer-Quertier, son ministre des Finances, Thiers avait contracté un emprunt de deux milliards, payable immédiatement.

Eh bien, est-il vrai ou non :

1° Que l'affaire était arrangée de telle sorte qu'un pot-de-vin de plusieurs centaines de millions tombât dans les poches de Thiers, Jules Favre, Ernest Picard, Pouyer-Quertier et Jules Simon?

2° Qu'il ne serait fait de versement, qu'après la «pacification» de Paris?En tout cas il faut que la chose ait été très urgente, car Thiers et Jules Favre, au nom de la majorité de l'Assemblée de Bordeaux, sollicitèrent sans vergogne l'occupation de Paris par les troupes prussiennes. Mais cela n'entrait pas dans le jeu de Bismarck, comme il le dit publiquement et en ricanant, aux philistins admiratifs de Francfort, à son retour en Allemagne" 

Fin du Chapitre 1.

 

Les grands textes de Karl Marx - 1 : la critique des libertés formelles de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen, dont le pivot est le droit de propriété - une critique des déterminants bourgeois de la Révolution Française

Les grands textes de Karl Marx - 2 - La religion comme opium du peuple

Les grands textes de Karl Marx - 3: l'aliénation produite par la propriété privée et le capitalisme dans les Manuscrits de 1844

Les grands textes de Marx - 4: Les pouvoirs de l'argent (Ebauche d'une critique de l'économie politique, 1844)

Les grands textes de Karl Marx - 5: le matérialisme historique théorisé dans l'Idéologie allemande (1845)

Les grands textes de Karl Marx - 6 - L'idéologie, antagonismes de classes sociales et idées dominantes

Les grands textes de Karl Marx - 7 - Le Manifeste du Parti communiste - Les conditions du communisme se développent dans le développement du capitalisme et de la domination de la bourgeoisie

Les grands textes de Karl Marx - 8 - Qu'est-ce qu'être communiste? - Manifeste du Parti communiste (1848)

Les grands textes de Karl Marx - 9 - Sur le socialisme et le communisme utopique, Manifeste du Parti communiste

Les grands textes de Karl Marx - 10 - La lutte des classes en France - Les raisons de l'échec de la révolution de Février 1848

Les grands textes de Karl Marx - 11 - Les luttes de classe en France - les leçons de la répression du soulèvement ouvrier de juin 1848

Les grands textes de Karl Marx - 12 - l'élection de Louis Napoléon Bonaparte - Les luttes de classe en France

Les grands textes de Karl Marx - 13 - la journée révolutionnaire du 23 juin 1848 racontée dans la Neue Rheinische Zeitung

Les grands textes de Karl Marx - 14 - la journée révolutionnaire du 24 juin 1848 racontée dans la Neue Rheinische Zeitung

Les grands textes de Karl Marx - 15 - la journée révolutionnaire du 25 juin 1848 racontée dans la Neue Rheinische Zeitung

Marx et Engels: les vies extravagantes et chagrines des deux théoriciens du communisme!

Les grands textes de Karl Marx - 16 - La Guerre Civile en France: le petit monde interlope et opportuniste des Versaillais, la carrière d'Adolphe Thiers avant mai 1871
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12 août 2019 1 12 /08 /août /2019 06:35
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12 août 2019 1 12 /08 /août /2019 05:48
GERDA TARO, LE SOURIRE CACHÉ D’UNE JEUNESSE IMMORTELLE (L’HUMANITE - Lundi 5 Août 2019 - Magali Jauffret)

 

Les lanceurs d'alerte en 1939 11/29. 

Morte en 1937 lors de la guerre d’Espagne et inhumée au mur des Fédérés au Père-Lachaise, elle s’est servie de son appareil photo pour défendre la République contre Franco et Hitler.

« La camarade Gerda Taro nous a assistés de sa présence à trois de nos plus durs combats – stop – Nous regrettons profondément sa mort, survenue à l’avant-garde de la lutte antifasciste et envoyons aux camarades de France nos condoléances les plus émues – stop – Signé : les soldats, officiers et commissaires de la 39e division », stipule le télégramme bleu d’El Major Jofe, qui rend ainsi hommage à la photographe de 27 ans, compagne de Robert Capa, écrasée par un char d’assaut républicain lors de la bataille de Brunete et décédée le 26 juillet 1937 au matin.

On voit, à la teneur de ces lignes, à quel point l’engagement de la photographe, première femme tombée au champ d’honneur du photojournalisme, était total. Gerda, toujours sur la ligne de front avec les Brigades internationales et les républicains qui la surnomment « la Petite Rousse » – visage mutin, silhouette frêle, courts cheveux dorés, tout petits pieds – décide de couvrir le bombardement de Valence. Lors de la bataille de Brunete près de Madrid, alors que la propagande nationaliste affirme que la région est sous contrôle, elle est la seule à témoigner de la réalité de la situation. N’hésitant pas à se mettre en danger pour prendre des clichés, au plus près des combats et des opérations militaires, elle saute sur le marchepied d’un camion qui emmène des blessés à l’hôpital. Mais le camion entre en collision avec un char.

Alberti, Nizan, Aragon, Neruda, présents à ses obsèques

Le 1er août, les obsèques, au mur des Fédérés, de cette fille d’une famille juive d’origine polonaise, qui avait fui l’Allemagne à l’arrivée d’Hitler pour le combattre sur le terrain, rassemblent plus de 10 000 personnes et tournent à la manifestation antifasciste. Les poètes communistes, qui fréquentaient le couple qu’elle formait avec Robert Capa, sont présents : Rafael Alberti qui, avec sa femme, reconnaît son corps, évoque son « sourire d’une jeunesse immortelle » ; Paul Nizan rapatrie son corps à Paris ; Pablo Neruda et Louis Aragon prononcent son éloge funèbre. Ce dernier déclarera : « Le peuple de Paris fit à la petite Taro un enterrement extraordinaire, où toutes les fleurs du monde s’étaient donné rendez-vous. Capa, à mes côtés, pleurait et aux haltes du cortège cachait ses yeux contre mon épaule. »

Sa volonté de s’engager, militer, rassembler, alerter les consciences, se manifeste dès 1930, à Leipzig, lorsque Gerda se joint à des groupes de gauche opposés au nazisme. En 1933, elle est arrêtée pour distribution de tracts anti-nazis et fait l’expérience de la prison. À la fin de la même année, face à la montée de la répression contre les opposants politiques, elle doit quitter l’Allemagne pour Paris. Elle ne reverra plus sa famille.

À Paris, elle fréquente le quartier du Montparnasse ; elle dirige, au café Capoulade, au coin de la rue Soufflot et du boulevard Saint-Michel, dans le Quartier latin, le groupe révolutionnaire Leipziger Kreis et retrouve les membres du SAP (parti socialiste allemand) en exil. C’est là, en septembre 1934, qu’elle fait la connaissance d’un photographe chassé de Hongrie. Ils se présentent l’un à l’autre sous les noms d’André Friedmann et de Gerta Pohorylle, et entament une liaison amoureuse à l’été 1935.

Des pseudonymes créant un mythe

Les temps sont durs. Ses photos à lui se vendent mal. Heureusement, c’est l’époque où la presse est friande de reportages : Regards leur passe commande, mais aussi Ce soir, dirigé par Louis Aragon, et le magazine de photographies Vu, par le père de Marie-Claude Vaillant-Couturier.

Bientôt ce couple, qui est aussi une équipe, a l’idée, sur le modèle du cinéma hollywoodien de Capra et Garbo, de se donner des pseudonymes américains : il signera ses photos Robert Capa et elle, Gerda Taro. Ainsi les retrouve-t-on, en mai 1936, couvrant l’accession au pouvoir du Front populaire, puis aux avant-postes dès que la guerre civile éclate en Espagne.

Travaillant ensemble, leurs clichés sont mélangés et signés Capa. Il faut dire qu’ils partagent la même conception du reportage de guerre : montrer, avant la guerre du Vietnam qui consacrera la proximité entre le photoreporter et ses acteurs, le journaliste « embarqué », aux premières loges pour voir, témoigner, rapporter. À l’époque, ils ne cherchent pas à apparaître neutres. C’est même le contraire. L’appareil photo est leur arme. Ils se battent pour la république, développent sans s’en cacher leurs images dans les laboratoires du commissariat à la Propagande du gouvernement de Catalogne.

Le temps passe. La tombe de Gerda Taro, sculptée par Alberto Giacometti, est profanée par les nazis en 1942. La photographe tombe dans l’oubli, cependant que Capa, qui gagne une reconnaissance mondiale, saute sur une mine en 1954 en Indochine. Dès lors, son frère Cornell et l’agence Magnum, par lui cofondée, font vivre tous ses tirages parfois pris par Taro… jusqu’à ce que réapparaissent, au Mexique, dans des conditions rocambolesques, les 4 500 négatifs de la guerre d’Espagne, contenus dans ce que l’on a appelé la « valise mexicaine » et signés Capa, Stein, Chim et Taro. L’occasion de découvrir que la jeune femme, qui n’a disposé que de onze mois pour s’exprimer, avait un vrai style et une puissance expressionniste qui la singularisaient déjà des trois autres pointures

Magali Jauffret

 

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12 août 2019 1 12 /08 /août /2019 05:45

 

RÉFORME DES RETRAITES. LE FONDS DE RÉSERVE DES RETRAITES, DES CASINOS DE LAS VEGAS AUX ENTREPÔTS D’AMAZON (l’humanite - Mercredi 31 Juillet 2019 - Aurélien Purière)

Une tribune d'Aurélien Purière

Dire que nos retraites sont investies dans des casinos serait bien sûr un raccourci, une exagération, mais quelques millions d’euros du Fonds de réserve des retraites français sont bel et bien placés dans des sociétés qui gèrent des casinos à Las Vegas et à Macao. Cinq millions d’euros exactement (1). Outre ces participations dans des casinos, on trouve, dans le portefeuille du Fonds de réserve, des actions de groupes pétroliers comme Total (150 millions), Amazon (44 millions), Coca-Cola (24 millions), le groupe chimique Bayer qui commercialise le glyphosate (23 millions), des banques, des assurances et beaucoup d’industries automobiles de Peugeot à Porsche. Cela devrait nous alerter sur l’utilisation qui est faite des excédents passés de nos régimes de retraite issus de nos cotisations sociales, autrement dit la part de notre salaire socialisée à l’échelle du pays. Plus largement, cela devrait nous interroger sur cette croyance dans la nécessité de recourir à la détention de capitaux pour garantir l’avenir de nos retraites.

Pour tordre le cou à cette idée, il suffit de regarder le résultat du fonds en 2018, sa « performance » dans le langage de la finance. Cette année-là, la performance est dite négative, autrement dit la valeur du portefeuille a perdu 1,7 milliard d’euros. En 2008, au moment de la crise financière, le portefeuille avait perdu un quart de sa valeur, soit près de 9 milliards. Certes, les autres années sont positives, mais ces résultats illustrent bien le caractère précaire de la valeur détenue par le fonds, plus exactement une promesse de valeur tant que les titres restent des titres. L’expérience désastreuse des régimes de retraite par capitalisation, qui confient le financement des pensions à des fonds d’investissement, est là pour nous rappeler le risque encouru. De la même façon qu’il est difficile de compter à titre individuel sur son entreprise pour financer un coup dur en matière de santé, il est impossible de compter sur un quelconque fonds d’investissement pour financer sa pension. Seule une socialisation, par définition collective, à grande échelle et en flux continu, peut financer de tels montants-.

Alors, comment une petite part de l’argent destiné à nos retraites se retrouve-t-elle à Las Vegas ou chez Amazon ? À l’origine, ce fonds est une création du gouvernement de Lionel Jospin, en 1999, pour mettre de côté de l’argent en vue de l’arrivée à la retraite des générations du baby-boom, à partir des excédents constatés à l’époque, d’une taxe déjà existante qui lui est affectée et de l’argent issu des privatisations à venir. Une idée si ingénieuse que, depuis lors, la question du financement des retraites n’a plus jamais été posée ! En fait, ce fonds ne pouvait rien résoudre à partir du moment où les pouvoirs publics avaient renoncé, depuis le début des années 1990, à toute augmentation significative du taux de cotisation (2). Une hausse d’un à deux points permettrait de rétablir l’équilibre financier (3). Les réserves du fonds sont mobilisées, depuis 2011, pour alimenter tous les ans, à hauteur de deux milliards d’euros, un autre monstre financier créé à la fin des années 1990, la Caisse d’amortissement de la dette sociale. Son rôle est d’emprunter de l’argent sur les marchés financiers pour financer les déficits de la Sécurité sociale et rembourser ensuite ces emprunts et les intérêts… en utilisant les cotisations spécifiques que sont la contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS) et une part de la contribution sociale généralisée (CSG) ! (4)

La promesse de valeur du Fonds de réserve des retraites est évaluée à 33 milliards d’euros. Il est composé, pour une moitié, d’obligations, autrement dit des titres d’emprunt émis par l’État français et des entreprises et, pour une autre moitié, d’actions d’entreprises. C’est là qu’on trouve nos actions Total ou Amazon. Qui a fait le choix d’acheter de telles actions ? L’État ? Le Fonds de réserve ? En fait, ce sont des sociétés intermédiaires qui réalisent ces opérations pour le compte du fonds, des traders, pour la modique somme de 70 millions d’euros annuels.

Pourquoi un tel choix ? Les traders cherchent la performance et appliquent leur propre logique qui passe par différents modèles de gestion de portefeuille. Dans notre cas, cela aboutit à une forte diversification des titres détenus. Pour prendre de la hauteur, il faut revenir à l’objectif assigné à ce fonds : faire « fructifier » l’argent (5). « Fructifier » comme s’il s’agissait d’un processus naturel. Le capital crée-t-il de la valeur comme un arbre donne des fruits ? Marx avait moqué cette vision, à propos du capital porteur d’intérêts : « L’argent acquiert la propriété de créer de la valeur (…) tout aussi naturellement que le poirier porte des poires » (6). C’est là l’illusion des titres financiers. En fait, pour que s’accomplisse cette promesse de valeur, du travail devra être mis en mouvement, précisément du travail de femmes et d’hommes (le travail vivant) dans une combinaison à la nature ou à des outils et des machines (le travail mort). Or le capital est indifférent aux conditions de travail : la valeur peut donc provenir de l’exploitation de travailleurs dans les entrepôts d’Amazon. Le capital est indifférent à la préservation des ressources naturelles : la valeur peut être issue de l’extraction de pétrole par Total. Le capital est indifférent à la valeur d’usage produite : la valeur peut provenir de la production de Coca-Cola ou de glyphosate.

Ce fonds n’est pas, fort heureusement, au cœur de notre système de retraite. Chaque année, notre système permet de financer 300 milliards d’euros de pensions directement, sans passer par ce fonds, sans passer par les marchés financiers. Si le devenir à long terme du fonds n’est pas connu, on sait que sa promesse de valeur, aujourd’hui de l’ordre de 33 milliards, devrait progressivement diminuer à mesure qu’il sera mobilisé pour rembourser les emprunts de la Caisse d’amortissement évoquée plus haut, d’autant qu’il n’est plus alimenté en ressources. Mais le récent rapport Delevoye réaffirme la nécessité de disposer d’un tel fonds et, comme tout devient universel ces temps-ci, il propose qu’il soit désormais nommé « Fonds de réserve universel des retraites » à l’occasion d’une réforme des retraites qui vise avant tout à détruire notre modèle actuel, en remplaçant des pensions basées sur nos meilleurs salaires par un cumul individuel de points.

Aurélien Purière

Ancien élève de l’École nationale supérieure de Sécurité sociale

(1)  Participations dans les sociétés Las Vegas Sands et Sands China.

(2) Augmentation du taux de cotisation vieillesse de 1,4 point en près de trente ans (1992-2019), à comparer aux 7,8 points sur une durée à peine équivalente  (1967-1991). Avant 1967, il existait une cotisation globale qui comprenait aussi la maladie.

(3) Chiffre variable en fonction des hypothèses de taux de croissance et de taux de chômage retenues. « Rapport annuel du Conseil d’orientation des retraites », juin 2019, p. 122. Le rapport comporte une erreur : lire « 1,5 point » et non « 1,5 % ». Une hausse plus forte sera nécessaire pour abaisser l’âge de départ à la retraite.

(4) 260 milliards d’euros d’emprunts contractés, dont 140 milliards ont été remboursés, auxquels s’ajoutent 50 milliards d’intérêts payés, tout cela alimenté par la CSG, la CRDS et le Fonds de réserve des retraites.

(5) « Rapport annuel du Fonds de réserve des retraites », 2003, p. 7. (6) Le Capital, livre III, tome II,  les Éditions sociales. 1978, p. 56.

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