Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
14 août 2019 3 14 /08 /août /2019 07:03
Les grands textes de Karl Marx - 18 - Le Capital, Livre I, 2e section, chapitre 6: Achat et vente de la force de travail

Karl Marx (1818-1883)

Le Capital, I. Deuxième section, chapitre 6: "Achat et vente de la force de travail"

" L'accroissement de valeur par lequel l'argent doit se transformer en capital, ne peut pas provenir de cet argent lui même. S'il sert de moyen d'achat ou de moyen de paiement, il ne fait que réaliser le prix des marchandises qu'il achète ou qu'il paye.

S'il reste tel quel, s'il conserve sa propre forme, il n'est plus, pour ainsi dire, qu'une valeur pétrifiée.

Il faut donc que le changement de valeur exprimé par A M A', conversion de l'argent en marchandise et reconversion de la même marchandise en plus d'argent, provienne de la marchandise. Mais il ne peut pas s'effectuer dans le deuxième acte M-A', la revente, où la marchandise passe tout simplement de sa forme naturelle à sa forme argent. Si nous envisageons maintenant le premier acte A M, l'achat, nous trouvons qu'il y a échange entre équivalents et que, par conséquent, la marchandise n'a pas plus de valeur échangeable que l'argent converti en elle. Reste une dernière supposition, à savoir que le changement procède de la valeur d'usage de la marchandise c’est à dire de son usage ou sa consommation. Or, il s'agit d'un changement dans la valeur échangeable, de son accroissement. Pour pouvoir tirer une valeur échangeable de la valeur usuelle d'une marchandise, il faudrait que l'homme aux écus eût l'heureuse chance de découvrir au milieu de la circulation, sur le marché même, une marchandise dont la valeur usuelle possédât la vertu particulière d'être source de valeur échangeable, de sorte que la consommer, serait réaliser du travail et par conséquent, créer de la valeur.

Et notre homme trouve effectivement sur le marché une marchandise douée de cette vertu spécifique, elle s'appelle puissance de travail ou force de travail.

Sous ce nom il faut comprendre l'ensemble des facultés physiques et intellectuelles qui existent dans le corps d'un homme dans sa personnalité vivante, et qu'il doit mettre en mouvement pour produire des choses utiles.

Pour que le possesseur d'argent trouve sur le marché la force de travail à titre de marchandise, il faut cependant que diverses conditions soient préalablement remplies. L'échange des marchandises, par lui même, n'entraine pas d'autres rapports de dépendance que ceux qui découlent de sa nature. Dans ces données, la force de travail ne peut se présenter sur le marché comme marchandise, que si elle est offerte ou vendue par son propre possesseur. Celui-ci doit par conséquent pouvoir en disposer, c'est à dire être libre propriétaire de sa puissance de travail, de sa propre personne. Le possesseur d'argent et lui se rencontrent sur le marché et entrent en rapport l'un avec l'autre comme échangistes au même titre. Ils ne diffèrent qu'en ceci : l'un achète et l'autre vend, et par cela même, tous deux sont des personnes juridiquement égales.

Pour que ce rapport persiste, il faut que le propriétaire de la force de travail ne la vende jamais que pour un temps déterminé, car s'il la vend en bloc, une fois pour toutes, il se vend lui même, et de libre qu'il était se fait esclave, de marchand, marchandise. S'il veut maintenir sa personnalité, il ne doit mettre sa force de travail que temporairement à la disposition de l'acheteur, de telle sorte qu'en l'aliénant il ne renonce pas pour cela à sa propriété sur elle.

La seconde condition essentielle pour que l'homme aux écus trouve à acheter la force de travail, c'est que le possesseur de cette dernière, au lieu de pouvoir vendre des marchandises dans lesquelles son travail s'est réalisé, soit forcé d'offrir et de mettre en vente, comme une marchandise, sa force de travail elle-même, laquelle ne réside que dans son organisme.

Quiconque veut vendre des marchandises distinctes de sa propre force de travail doit naturellement posséder des moyens de production tels que matières premières, outils, etc. Il lui est impossible, par exemple, de faire des bottes sans cuir, et de plus il a besoin de moyens de subsistance. Personne, pas même le musicien de l'avenir, ne peut vivre des produits de la postérité, ni subsister au moyen de valeurs d'usage dont la production n'est pas encore achevée; aujourd'hui, comme au premier jour de son apparition sur la scène du monde, l'homme est obligé de consommer avant de produire et pendant qu'il produit. Si les produits sont des marchandises, il faut qu'ils soient vendus pour pouvoir satisfaire les besoins du producteur. Au temps nécessaire à la production, s'ajoute le temps nécessaire à la vente.

La transformation de l'argent en capital exige donc que le possesseur d'argent trouve sur le marché le travailleur libre, et libre à un double point de vue. Premièrement le travailleur doit être une personne libre, disposant à son gré de sa force de travail comme de sa marchandise à lui; secondement, il doit n'avoir pas d'autre marchandise à vendre; être, pour ainsi dire, libre de tout, complètement dépourvu des choses nécessaires à la réalisation de sa puissance travailleuse.

Pourquoi ce travailleur libre se trouve t il dans la sphère de la circulation ? C'est là une question qui n'intéresse guère le possesseur d'argent pour lequel le marché du travail n'est qu'un embranchement particulier du marché des marchandises; et pour le moment elle ne nous intéresse pas davantage. Théoriquement nous nous en tenons au fait, comme lui pratiquement. Dans tous les cas il y a une chose bien claire : la nature ne produit pas d'un côté des possesseurs d'argent ou de marchandises et de l'autre des possesseurs de leurs propres forces de travail purement et simplement. Un tel rapport n'a aucun fondement naturel, et ce n'est pas non plus un rapport social commun à toutes les périodes de l'histoire. Il est évidemment le résultat d'un développement historique préliminaire, le produit d'un grand nombre de révolutions économiques, issu de la destruction de toute une série de vieilles formes de production sociale.

De même les catégories économiques que nous avons considérées précédemment portent un cachet historique. Certaines conditions historiques doivent être remplies pour que le produit du travail puisse se transformer en marchandise. Aussi longtemps par exemple qu'il n'est destiné qu'à satisfaire immédiatement les besoins de son producteur, il ne devient pas marchandise. Si nous avions poussé plus loin nos recherches, si nous nous étions demandé, dans quelles circonstances tous les produits ou du moins la plupart d'entre eux prennent la forme de marchandises, nous aurions trouvé que ceci n'arrive que sur la base d'un mode de production tout à fait spécial, la production capitaliste. Mais une telle étude eût été tout à fait en dehors de la simple analyse de la marchandise. La production et la circulation marchandes peuvent avoir lieu, lors même que la plus grande partie des produits, consommés par leurs producteurs mêmes, n'entrent pas dans la circulation à titre de marchandises. Dans ce cas là, il s'en faut de beaucoup que la production sociale soit gouvernée dans toute son étendue et toute sa profondeur par la valeur d'échange. Le produit, pour devenir marchandise, exige dans la société une division du travail tellement développée que la séparation entre la valeur d'usage et la valeur d'échange, qui ne commence qu'à poindre dans le commerce en troc, soit déjà accomplie. Cependant un tel degré de développement est, comme l'histoire le prouve, compatible avec les formes économiques les plus diverses de la société.

De l'autre côté, l'échange des produits doit déjà posséder la forme de la circulation des marchandises pour que la monnaie puisse entrer en scène. Ses fonctions diverses comme simple équivalent, moyen de circulation, moyen de payement, trésor, fonds de réserve, etc., indiquent à leur tour, par la prédominance comparative de l'une sur l'autre, des phases très diverses de la production sociale. Cependant l'expérience nous apprend qu'une circulation marchande relativement peu développée suffit pour faire éclore toutes ces formes. Il n'en est pas ainsi du capital. Les conditions historiques de son existence ne coïncident pas avec la circulation des marchandises et de la monnaie. Il ne se produit que là où le détenteur des moyens de production et de subsistance rencontre sur le marché le travailleur libre qui vient y vendre sa force de travail et cette unique condition historique recèle tout un monde nouveau. Le capital s'annonce dès l'abord comme une époque de la production sociale.

Il nous faut maintenant examiner de plus près la force de travail. Cette marchandise, de même que toute autre, possède une valeur. Comment la détermine t on ? Par le temps de travail nécessaire à sa production.

En tant que valeur, la force de travail représente le quantum de travail social réalisé en elle. Mais elle n'existe en fait que comme puissance ou faculté de l'individu vivant. L'individu étant donné, il produit sa force vitale en se reproduisant ou en se conservant lui même. Pour son entretien ou pour sa conservation, il a besoin d'une certaine somme de moyens de subsistance. Le temps de travail nécessaire à la production de la force de travail se résout donc dans le temps de travail nécessaire à la production de ces moyens de subsistance; ou bien la force de travail a juste la valeur des moyens de subsistance nécessaires à celui qui la met en jeu.

La force de travail se réalise par sa manifestation extérieure. Elle s'affirme et se constate par le travail, lequel de son côté nécessite une certaine dépense des muscles, des nerfs, du cerveau de l'homme, dépense qui doit être compensée. Plus l'usure est grande, plus grands sont les frais de réparation. Si le propriétaire de la force de travail a travaillé aujourd'hui, il doit pouvoir recommencer demain dans les mêmes conditions de vigueur et de santé. Il faut donc que la somme des moyens de subsistance suffise pour l'entretenir dans son état de vie normal.

Les besoins naturels, tels que nourriture, vêtements, chauffage, habitation, etc., diffèrent suivant le climat et autres particularités physiques d'un pays. D'un autre côté le nombre même de soi disant besoins naturels, aussi bien que le mode de les satisfaire, est un produit historique, et dépend ainsi, en grande partie, du degré de civilisation atteint. Les origines de la classe salariée dans chaque pays, le milieu historique où elle s'est formée, continuent longtemps à exercer la plus grande influence sur les habitudes, les exigences et par contrecoup les besoins qu'elle apporte dans la vie. La force de travail renferme donc, au point de vue de la valeur, un élément moral et historique; ce qui la distingue des autres marchandises. Mais pour un pays et une époque donnés, la mesure nécessaire des moyens de subsistance est aussi donnée.

Les propriétaires des forces de travail sont mortels. Pour qu'on en rencontre toujours sur le marché, ainsi que le réclame la transformation continuelle de l'argent en capital, il faut qu'ils s'éternisent, « comme s'éternise chaque individu vivant, par la génération.» Les forces de travail, que l'usure et la mort viennent enlever au marché, doivent être constamment remplacées par un nombre au moins égal. La somme des moyens de subsistance nécessaires à la production de la force de travail comprend donc les moyens de subsistance des remplaçants, c'est à dire des enfants des travailleurs, pour que cette singulière race d'échangistes se perpétue sur le marché.

D'autre part, pour modifier la nature humaine de manière à lui faire acquérir aptitude, précision et célérité dans un genre de travail déterminé, c'est à dire pour en faire une force de travail développée dans un sens spécial, il faut une certaine éducation qui coûte elle-même une somme plus ou moins grande d'équivalents en marchandises. Cette somme varie selon le caractère plus ou moins complexe de la force de travail. Les frais d'éducation, très minimes d'ailleurs pour la force de travail simple, rentrent dans le total des marchandises nécessaires à sa production.

Comme la force de travail équivaut à une somme déterminée de moyens de subsistance, sa valeur change donc avec leur valeur, c'est à dire proportionnellement au temps de travail nécessaire à leur production.

Une partie des moyens de subsistance, ceux qui constituent, par exemple, la nourriture, le chauffage, etc., se détruisent tous les jours par la consommation et doivent être remplacés tous les jours. D'autres, tels que vêtements, meubles, etc., s'usent plus lentement et n'ont besoin d'être remplacés qu'à de plus longs intervalles. Certaines marchandises doivent être achetées ou payées quotidiennement, d'autres chaque semaine, chaque semestre, etc. Mais de quelque manière que puissent se distribuer ces dépenses dans le cours d'un an, leur somme doit toujours être couverte par la moyenne de la recette journalière. Posons la masse des marchandises exigée chaque jour pour la production de la force de travail = A, celle exigée chaque semaine = B, celle exigée chaque trimestre = C, et ainsi de suite, et la moyenne de ces marchandises, par jour, sera (365 A + 52 B + 4 C)/365, etc.

La valeur de cette masse de marchandises nécessaire pour le jour moyen ne représente que la somme de travail dépensée dans leur production, mettons six heures. Il faut alors une demi-journée de travail pour produire chaque jour la force de travail. Ce quantum de travail qu'elle exige pour sa production quotidienne détermine sa valeur quotidienne. Supposons encore que la somme d'or qu'on produit en moyenne, pendant une demi-journée de six heures, égale trois shillings ou un écu. Alors le prix d'un écu exprime la valeur journalière de la force de travail. Si son propriétaire la vend chaque jour pour un écu, il la vend donc à sa juste valeur, et, d'après notre hypothèse, le possesseur d'argent en train de métamorphoser ses écus en capital s'exécute et paye cette valeur.

Le prix de la force de travail atteint son minimum lorsqu'il est réduit à la valeur des moyens de subsistance physiologiquement indispensables, c'est à dire à la valeur d'une somme de marchandises qui ne pourrait être moindre sans exposer la vie même du travailleur. Quand il tombe à ce minimum, le prix est descendu au dessous de la valeur de la force de travail qui alors ne fait plus que végéter. Or, la valeur de toute marchandise est déterminée par le temps de travail nécessaire pour qu'elle puisse être livrée en qualité normale.

C'est faire de la sentimentalité mal à propos et à très bon marché que de trouver grossière cette détermination de la valeur de la force de travail et de s'écrier, par exemple, avec Rossi : « Concevoir la puissance de travail en faisant abstraction des moyens de subsistance des travailleurs pendant l’œuvre de la production, c'est concevoir un être de raison. Qui dit travail, qui dit puissance de travail, dit à la fois travailleurs et moyens de subsistance, ouvrier et salaire»

Rien de plus faux. Qui dit puissance de travail ne dit pas encore travail, pas plus que puissance de digérer ne signifie pas digestion. Pour en arriver là, il faut, chacun le sait, quelque chose de plus qu'un bon estomac. Qui dit puissance de travail ne fait point abstraction des moyens de subsistance nécessaires à son entretien; leur valeur est au contraire exprimée par la sienne. Mais que le travailleur ne trouve pas à la vendre, et au lieu de s'en glorifier, il sentira au contraire comme une cruelle nécessité physique que sa puissance de travail qui a déjà exigé pour sa production un certain quantum de moyens de subsistance, en exige constamment de nouveaux pour sa reproduction. Il découvrira alors avec Sismondi, que cette puissance, si elle n'est pas vendue, n'est rien.

Une fois le contrat passé entre acheteur et vendeur, il résulte de la nature particulière de l'article aliéné que sa valeur d'usage n'est pas encore passée réellement entre les mains de l'acheteur. Sa valeur, comme celle de tout autre article, était déjà déterminée avant qu'il entrât dans la circulation, car sa production avait exigé la dépense d'un certain quantum de travail social; mais la valeur usuelle de la force de travail consiste dans sa mise en œuvre qui naturellement n'a lieu qu'ensuite. L'aliénation de la force et sa manifestation réelle ou son service comme valeur utile, en d'autres termes sa vente et son emploi ne sont pas simultanés. Or, presque toutes les fois qu'il s'agit de marchandises de ce genre dont la valeur d'usage est formellement aliénée par la vente sans être réellement transmise en même temps à l'acheteur, l'argent de celui-ci fonctionne comme moyen de payement, c'est à dire le vendeur ne le reçoit qu'à un terme plus ou moins éloigné, quand sa marchandise a déjà servi de valeur utile. Dans tous les pays où règne le mode de production capitaliste, la force de travail n'est donc payée que lorsqu'elle a déjà fonctionné pendant un certain temps fixé par le contrat, à la fin de chaque semaine, par exemple? Le travailleur fait donc partout au capitaliste l'avance de la valeur usuelle de sa force; il la laisse consommer par l'acheteur avant d'en obtenir le prix; en un mot il lui fait partout crédit.  Et ce qui prouve que ce crédit n'est pas une vaine chimère, ce n'est point seulement la perte du salaire quand le capitaliste fait banqueroute, mais encore une foule d'autres conséquences moins accidentelles. Cependant que l'argent fonctionne comme moyen d'achat ou comme moyen de paiement, cette circonstance ne change rien à la nature de l'échange des marchandises. Comme le loyer d'une maison, le prix de la force de travail est établi par contrat, bien qu'il ne soit réalisé que postérieurement. La force de travail est vendue, bien qu'elle ne soit payée qu'ensuite.

Provisoirement, nous supposerons, pour éviter des complications inutiles, que le possesseur de la force de travail en reçoit, dès qu'il la vend, le prix contractuellement stipulé.

Nous connaissons maintenant le mode et la manière dont se détermine la valeur payée au propriétaire de cette marchandise originale, la force de travail. La valeur d'usage qu'il donne en échange à l'acheteur ne se montre que dans l'emploi même, c'est à dire dans la consommation de sa force. Toutes les choses nécessaires à l'accomplissement de cette œuvre, matières premières, etc., sont achetées sur le marché des produits par l'homme aux écus et payées à leur juste prix. La consommation de la force de travail est en même temps production de marchandises et de plus value. Elle se fait comme la consommation de toute autre marchandise, en dehors du marché ou de la sphère de circulation. Nous allons donc, en même temps que le possesseur d'argent et le possesseur de force de travail, quitter cette sphère bruyante où tout se passe à la surface et aux regards de tous, pour les suivre tous deux dans le laboratoire secret de la production, sur le seuil duquel il est écrit : No admittance except on business.  Là, nous allons voir non seulement comment le capital produit, mais encore comment il est produit lui-même. La fabrication de la plus value, ce grand secret de la société moderne, va enfin se dévoiler.

La sphère de la circulation des marchandises, où s'accomplissent la vente et l'achat de la force de travail, est en réalité un véritable Eden des droits naturels de l'homme et du citoyen. Ce qui y règne seul, c'est Liberté, Egalité, Propriété et Bentham. Liberté ! car ni l'acheteur ni le vendeur d'une marchandise n'agissent par contrainte; au contraire ils ne sont déterminés que par leur libre arbitre. Ils passent contrat ensemble en qualité de personnes libres et possédant les mêmes droits. Le contrat est le libre produit dans lequel leurs volontés se donnent une expression juridique commune. Egalité ! car ils n'entrent en rapport l'un avec l'autre qu'à titre de possesseurs de marchandise, et ils échangent équivalent contre équivalent. Propriété ! car chacun ne dispose que de ce qui lui appartient. Bentham ! car pour chacun d'eux il ne s'agit que de lui-même. La seule force qui les mette en présence rapport est celle de leur égoïsme, de leur profit particulier, de leurs intérêts privés. Chacun ne pense qu'à lui, personne ne s'inquiète de l'autre, et c'est précisément pour cela qu'en vertu d'une harmonie préétablie des choses, ou sous les auspices d'une providence tout ingénieuse, travaillant chacun pour soi, chacun chez soi, ils travaillent du même coup à l'utilité générale, à l'intérêt commun.

Au moment où nous sortons de cette sphère de la circulation simple qui fournit au libre échangiste vulgaire ses notions, ses idées, sa manière de voir et le critérium de son jugement sur le capital et le salariat, nous voyons, à ce qu'il semble, s'opérer une certaine transformation dans la physionomie des personnages de notre drame. Notre ancien homme aux écus prend les devants et, en qualité de capitaliste, marche le premier; le possesseur de la force de travail le suit par derrière comme son travailleur à lui; celui-là le regard narquois, l'air important et affairé; celui-ci timide, hésitant, rétif, comme quelqu'un qui a porté sa propre peau au marché, et ne peut plus s'attendre qu'à une chose : à être tanné"."

Lire aussi:

Les grands textes de Karl Marx - 1 : la critique des libertés formelles de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen, dont le pivot est le droit de propriété - une critique des déterminants bourgeois de la Révolution Française

Les grands textes de Karl Marx - 2 - La religion comme opium du peuple

Les grands textes de Karl Marx - 3: l'aliénation produite par la propriété privée et le capitalisme dans les Manuscrits de 1844

Les grands textes de Marx - 4: Les pouvoirs de l'argent (Ebauche d'une critique de l'économie politique, 1844)

Les grands textes de Karl Marx - 5: le matérialisme historique théorisé dans l'Idéologie allemande (1845)

Les grands textes de Karl Marx - 6 - L'idéologie, antagonismes de classes sociales et idées dominantes

Les grands textes de Karl Marx - 7 - Le Manifeste du Parti communiste - Les conditions du communisme se développent dans le développement du capitalisme et de la domination de la bourgeoisie

Les grands textes de Karl Marx - 8 - Qu'est-ce qu'être communiste? - Manifeste du Parti communiste (1848)

Les grands textes de Karl Marx - 9 - Sur le socialisme et le communisme utopique, Manifeste du Parti communiste

Les grands textes de Karl Marx - 10 - La lutte des classes en France - Les raisons de l'échec de la révolution de Février 1848

Les grands textes de Karl Marx - 11 - Les luttes de classe en France - les leçons de la répression du soulèvement ouvrier de juin 1848

Les grands textes de Karl Marx - 12 - l'élection de Louis Napoléon Bonaparte - Les luttes de classe en France

Les grands textes de Karl Marx - 13 - la journée révolutionnaire du 23 juin 1848 racontée dans la Neue Rheinische Zeitung

Les grands textes de Karl Marx - 14 - la journée révolutionnaire du 24 juin 1848 racontée dans la Neue Rheinische Zeitung

Les grands textes de Karl Marx - 15 - la journée révolutionnaire du 25 juin 1848 racontée dans la Neue Rheinische Zeitung

Les grands textes de Karl Marx - 16 - La Guerre Civile en France: le petit monde interlope et opportuniste des Versaillais, la carrière d'Adolphe Thiers avant mai 1871

Les grands textes de Karl Marx - 17 - la révolution de la Commune de Paris et l'Etat bourgeois - La Guerre Civile en France

Marx et Engels: les vies extravagantes et chagrines des deux théoriciens du communisme!

Les grands textes de Karl Marx - 18 - Le Capital, Livre I, 2e section, chapitre 6: Achat et vente de la force de travail
Partager cet article
Repost0
14 août 2019 3 14 /08 /août /2019 06:54
Communiqué du PCF Bretagne - 13 août 2019
Le PCF Bretagne apporte son soutien à Vincenzo Vecchi qui ne doit pas être extradé en Italie
 
Vincenzo Vecchi, citoyen italien vivant depuis 8 ans à Rochefort-en-Terre, militant altermondialiste et antifasciste, a été condamné en Italie à 11 ans et 8 mois de prison en vertu d'une loi inique pour participation aux manifestations contre le libre-échange et le capitalisme financier au G8 à Gênes en 2001. La répression féroce de ces manifestations par le gouvernement de Berlusconi avait été caractérisée à l’époque par Amnesty International comme « la plus grande violation des droits humains et démocratiques dans un pays occidental depuis la Seconde Guerre mondiale»:  un jeune homme, Carlo Giuliani, avait été abattu et des centaines d’altermondialistes tabassés, blessés, torturés ou détenus arbitrairement. 
 
Et pourtant Vincenzo Vecchi est convoqué ce jeudi 14 août à la chambre d'instruction de Rennes qui pourrait décider de son extradition dans l'Italie de Salvini, où les droits humains sont de plus en plus bafoués et où il deviendrait un prisonnier politique, un prisonnier d'opinion.
 
10 manifestants du contre-sommet du G8 à l'issue des violences déclenchées par la police et les brigades spéciales du gouvernement avaient été condamnés à des peines de 6 à 15 ans  en recourant au délit de « dévastation et saccage ». Un élément du Code pénal italien, introduit par les fascistes de Mussolini en 1930, et remis au goût du jour par Berlusconi, qui permet, dans les faits, au nom de la notion de simple « concours moral » aux événements, de sanctionner avec des peines de 8 à 15 ans de prison la simple présence et la participation à des manifestations considérées comme insurrectionnelles.
 
Il faut dire que la justice italienne reproche aussi à Vincenzo Vecchi la participation à une manifestation interdite contre l'extrême-droite à Milan en mars 2006.
 
Ce serait une entorse grave aux droits de l'homme et au droit d'asile d'extrader Vincenzo Vecchi en Italie, dans un contexte où l'extrême-droite a pris le pouvoir et en abuse sans respect des droits humains. 
 
Le PCF Bretagne soutient Vincenzo Vecchi et se félicite de l'élan rencontré par son comité de soutien et du rassemblement citoyen en solidarité avec lui à 9h devant la cour d'appel de Rennes le mercredi 14 août. 
 
Vincenzo ne doit pas être extradé en Italie"
Le PCF Bretagne apporte son soutien à Vincenzo Vecchi qui ne doit pas être extradé en Italie
Partager cet article
Repost0
14 août 2019 3 14 /08 /août /2019 06:52

 

La « police des polices », mise en doute pour son dernier rapport sur la mort de Steve Maia Caniço, a toujours été visée pour sa consanguinité avec ceux qu’elle contrôle.

En 1880, on écrit déjà à la police pour se plaindre d’elle, en l’occurrence d’un « sergot », un sergent de ville. L’auteur de la lettre est un certain Paul Verlaine, et son voisin de palier l’« insulte et (le) menace en dehors du service ». Si l’on ignore les suites données à la lettre du poète, une « Inspection générale des services » de la police existe bel et bien depuis 1854. Elle est compétente seulement pour Paris et la petite couronne, et il faudra attendre Charles Pasqua à l’Intérieur pour que soient fusionnées l’Inspection générale de la police nationale (IGPN) et l’Inspection générale des services (IGS). La création d’un corps de contrôle est concomitante à la visibilité donnée à la police, depuis qu’en 1829 ceux que l’on appelle les sergents de ville sont dotés d’un uniforme bleu et d’un chapeau à cornes.

«Des policiers au-dessus des lois »

L’IGPN, dont le dernier rapport sur la mort de Steve Caniço soulève un tollé, avec ses responsables affirmant n’avoir « jamais eu la volonté de blanchir qui que ce soit », a souvent été sous le feu des critiques. Les « bœuf-carottes », surnommés ainsi car censés cuisiner longuement leurs interlocuteurs, sont longtemps restés hors du champ de l’opinion publique. C’est singulièrement une série de bavures à l’été 1986 puis la mort de Malik Oussekine, sous les coups des voltigeurs le 5 décembre de la même année, qui vont mettre en lumière la « police des polices ». En 1984, 14 % seulement des affaires communiquées à l’IGS étaient le fait de citoyens, contre 30 % aujourd’hui, selon le dernier rapport concernant l’année 2018. La mise en place d’une plateforme de signalement en ligne facilite, il est vrai, la prise en compte de plaintes quand, dans les commissariats, on répugne à incriminer des collègues.

C’est tout le problème d’un corps dont les membres sont des collègues. Loin d’un Jean Rochefort campant avec droiture à la télévision le commissaire Venturi de l’IGPN dans les années 1990, les bœuf-carottes ont aussi reçu en interne le surnom moins glorieux de « cimetière des éléphants ». Là où l’administration nomme ceux dont elle ne sait que faire, des galonnés en fin de carrière guère désireux de bousculer l’institution policière ou de déplaire. À l’étranger, comme l’a relevé un article du site Arrêt sur images, « les organismes de contrôle des policiers sont plus transparents ou plus indépendants », même si « leur efficacité est fréquemment remise en cause » également. Il a fallu attendre 2017, en France, pour que la police des polices soit dotée d’un outil institutionnel de recensement des « personnes blessées ou décédées à l’occasion des missions de police par l’usage des armes, par l’emploi de la seule contrainte physique ou encore du seul fait de la personne elle-même ».

Pour l’inspection, « pas de faute » quand 151 lycéens de Mantes-la-Jolie, en novembre dernier, sont alignés en rang, genoux à terre et mains sur la tête. Ni pour la poursuite mortelle de Zyed et Bouna en 2005 à Clichy-sous-Bois, la mort de Zineb Redouane à Marseille fin 2018, et tant d’autres. En février 2017, l’IGPN conclut à un « accident » dans l’affaire Théo, quand le juge poursuit le policier pour viol. En 2012, l’IGPN est accusée d’avoir sanctionné par des mutations les sept maîtres-chiens de la brigade canine de Seine-et-Marne qui avaient eux-mêmes accusé des membres de leur unité d’alcoolisme, vols, dégradations ou corruption. L’IGPN fut même accusée de barbouzerie en 2007, où des policiers catalogués à gauche furent pointés du doigt pour du trafic de titres de séjour. Parmi eux, l’officier de sécurité de Daniel Vaillant. L’ex-ministre de l’Intérieur socialiste n’hésita pas à dénoncer au sein de l’IGPN un « coup monté pour complaire au pouvoir dans le contexte de l’élection de 2007 ». Tous furent blanchis en appel en 2011. L’un des avocats, David Lepidi, dénoncera « la totale impunité (de l’IGPN) en cas de dysfonctionnement ». « France, des policiers au-dessus des lois », dénonçait Amnesty International au début des années 2000.

De trop nombreuses plaintes sont écartées

Pourtant, la question des violences policières ne permet pas de se retrancher, comme le fait l’IGPN dans le cas de son premier rapport sur Steve, derrière les limites d’une enquête administrative. De trop nombreuses plaintes sont écartées. Au détour de son rapport 2018, l’IGPN décrit bien son mode de pensée : « L’usager ignore souvent que le fait de ne pas respecter l’ordre de dispersion justifie légalement l’usage de la force (…). Cela peut parfois conduire à des divergences avec une analyse médiatique qui part du principe, erroné, que l’usage de la force dépend de la motivation ou du mobile du manifestant. »

L’IGPN n’a en outre pas de pouvoir de sanction direct. En 2018, selon le dernier rapport, sur 1 447 enquêtes, elle a proposé à l’administration 337 sanctions. En 1987, sur un volume traité comparable (1 306 affaires instruites), la police des polices, selon les informations du livre éponyme de Jean-Marc Ancian, avait mis en cause 748 policiers. 58 avaient été condamnés par la justice, 54 exclus de la police. Paradoxe d’une époque où le ministre de l’Intérieur, Charles Pasqua, pouvait affirmer aux policiers : « Je vous couvrirai », tout en se montrant sévère envers les « ripoux ». Prenant ses fonctions en 1986, le nouveau directeur de l’IGPN, Marcel Leclerc, dit au Figaro que « les bavures ne sont pas les plus graves défaillances », ne mettant pas en cause « l’honorabilité de la police ». « Les policiers marrons en revanche doivent être éliminés. » La doctrine ne semble pas avoir véritablement changé depuis.

Lionel Venturini

 

Partager cet article
Repost0
14 août 2019 3 14 /08 /août /2019 06:50
LES CERTIFICATS D'ECONOMIE D'ENERGIE : UN EXEMPLE D'ESCROQUERIE DU CAPITALISME VERT
LES CERTIFICATS D'ECONOMIE D'ENERGIE : UN EXEMPLE D'ESCROQUERIE DU CAPITALISME VERT
Partager cet article
Repost0
14 août 2019 3 14 /08 /août /2019 06:48

 

Exposé des motifs du projet de loi déposé à l’Assemblée nationale le 8 janvier 2019 par les députées et députés du groupe Gauche démocrate et républicaine.

par la rédaction de Cause commune

 

Optimisation fiscale 


L’expression claque comme une ode à la débrouillardise, à l’astuce, à la recherche de la performance. Si c’était un jeu télévisé, il s’appellerait « Qui veut gagner des milliards ? » La réalité, hélas, est nettement moins débonnaire. Derrière l’euphémisme inventé par les champions de la mondialisation se dissimule une sourde entreprise de démolition du consentement à l’impôt. En refusant de s’acquitter de leurs obligations, dans une quête obsessionnelle de l’évitement fiscal, les multinationales tournent délibérément le dos aux principes fondateurs de la démocratie. Non seulement elles s’affranchissent du pacte social sur lequel repose toute société éclairée, mais elles siphonnent avec cynis­me les recettes des États, par centaines de milliards de dollars chaque année. Concrètement, le manque à gagner représente des routes mal entretenues, des ponts menacés, des écoles en moins, des hôpitaux en souffrance, des services publics supprimés… Cet abandon nourrit la colère des peuples, soumis à des politiques d’austérité d’autant plus injustes qu’elles prennent source dans l’égoïsme des plus fortunés. Sur un champ de bataille, une telle attitude porterait un nom : la désertion. Mais, sur le vaste terrain du capitalisme débridé, tous les coups sont permis, dans la négation désinvolte du patriotisme économique et de toute notion de solidarité. Or le consentement à l’impôt, rappelons-le encore une fois, est non seulement au cœur de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789 mais aussi au centre des revendications des révolutionnaires américains de 1776. Ferment des sociétés modernes, il garantit la légitimité fiscale et assure que chacun doit participer à l’effort collectif. L’impôt sert ainsi à financer nos infrastructures, la formation, l’éducation, le soutien au développement économique, social et territorial. Il joue donc un rôle clé dans notre pacte social. Depuis le scandale UBS en 2008, jusqu’aux Paradise Papers (révélations publiées) révélés en 2017, le panorama de la triche fiscale planétaire se dévoile dans une dimension effrayante. Les millions de documents accumulés signent un constat accablant, synthétisé en 2018 par les économistes Thomas Torslov, Ludvig Wier et Gabriel Zucman : 40 % des profits des multinationales, soit 600 milliards de dollars (529,5 milliards d’euros) échappent à l’impôt grâce au transfert artificiel dans des paradis fiscaux. L’évasion est d’autant plus massive qu’elle s’appuie sur des failles juridiques béantes et des techniques éprouvées, parfois présentées à tort comme complexes. Les prêts intragroupes et la manipulation des prix de transfert, pour ne citer que les deux principales, n’ont en effet rien de mystérieux. Ces mécanismes sont désormais bien connus et analysés. Leur efficacité est un camouflet infligé publiquement aux États : en 2016, les entreprises américaines ont ainsi enregistré plus de profits en Irlande qu’en Chine, au Japon, au Mexique, en Allemagne et en France réunis. Et sur ces profits colossaux, elles se sont vu infliger le taux redoutable de… 5,7 %. Résultat, avec de telles pratiques, l’Union européenne perd chaque année l’équivalent de 20 % du montant de l’impôt sur les sociétés. Le capital voyage librement et s’installe là où il est le moins taxé. Le constat est sans appel : les plus mobiles, c’est-à-dire les plus riches et les grands groupes, tirent profit de la mondialisation.

« 40 % des profits des multinationales, soit 600 milliards de dollars (529,5 milliards d’euros) échappent à l’impôt grâce au transfert artificiel dans des paradis fiscaux. »

 

Un exemple dévastateur pour les citoyens

Contrairement à Apple, Nike ne passe pas par l’Irlande mais par les Pays-Bas pour échapper au paiement de plusieurs milliards d’impôts en Europe. Depuis 2014, Nike utilise un circuit extrêmement judicieux grâce à une nouvelle entité hollandaise : Nike Innovate CV (Commanditaire Vernootschap, société en commandite néerlandaise). Une initiative simple mais redoutablement efficace car ce nouveau « CV » rend Nike tout simplement invisible pour les administrations fiscales américaine et batave. Pour les Néerlandais, au regard de la réglementation CV-BV (Besloten Vennootschap, société à responsabilité limitée), cette structure doit être taxée aux États-Unis, où la firme possède son siège social. Mais pour les Américains, elle doit être imposée aux Pays-Bas ! Résultat, Nike Innovate CV ne paye pas un centime d’impôt, ni aux États-Unis, ni aux Pays-Bas. Ni vu, ni connu. Ainsi, sur les 7,5 milliards de recettes annuelles hors du territoire américain, Nike paye moins de 2 %. Nike, mais aussi Starbucks, McDonald’s, Apple, Fiat, Coca Cola, Amazon, Total, LVMH… Qui, parmi les grandes firmes mondiales, n’a pas aujourd’hui recours au transfert de ses bénéfices dans des paradis fiscaux, parfois implantés au cœur de l’Europe ? « Les Pays-Bas sont aujourd’hui le paradis fiscal numéro un pour les centaines de milliards de dollars de profit réalisés par les multinationales américaines hors des États-Unis, déplore l’économiste Gabriel Zucman. Ils se positionnent devant les Bermudes, le Luxembourg, la Suisse, Hong Kong, Singapour ou les îles Caïmans… » Les possibilités de dérobade sont telles qu’il faut vraiment une bonne dose de civisme et chérir les fondements de notre pacte républicain pour s’acquitter de ses impôts dans les règles quand on affiche un certain de niveau de fortune. Faudra-t-il un jour décerner une médaille à ceux qui continuent à jouer le jeu ? Champion du monde avec l’équipe de France de football en juillet 2018, N’Golo Kanté offre un exemple saisissant. Selon les calculs du journal The Sun, le milieu de terrain des Bleus est en passe de payer « plus d’impôts au fisc britannique qu’Amazon et Starbucks réunis ». Le joueur de 27 ans, qui vient de signer un nouveau contrat avec Chelsea, à hauteur de 290 000 livres par semaine (environ 330 000 euros), a refusé d’être rémunéré via une société offshore, comme le lui conseillaient pourtant instamment les « experts » du club. Le tabloïd britannique a ainsi calculé qu’avec son nouveau salaire, N’Golo Kanté devra payer environ 7,5 millions d’euros annuels au fisc.

 

Des conséquences budgétaires et sociales considérables

Si les estimations peuvent parfois diverger, elles ont toutes en commun l’énormité des sommes en jeu et le rôle joué par les paradis fiscaux. S’agissant de la seule imposition des bénéfices des sociétés, l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) estime la perte de recettes mondiales due à l’érosion des bases imposables et au transfert de bénéfices à une fourchette allant de 4 % à 10 % des recettes, soit de 100 à 240 milliards de dollars. Sur la base de ces chiffres, le conseil des prélèvements obligatoires (CPO) évalue la perte de recettes d’impôt sur les sociétés pour la France entre 2,4 et 6 milliards d’euros. Des études américaines retiennent pour leur part un chiffre français de 13,5 milliards d’euros, soit plus de deux fois l’estimation du CPO. Et 37,8 % du produit total de l’impôt sur les sociétés.

« En refusant de s’acquitter de leurs obligations, dans une quête obsessionnelle de l’évitement fiscal, les multinationales tournent délibérément le dos aux principes fondateurs de la démocratie. »

Si seuls les paradis fiscaux sont pris en compte, les chiffres continuent de donner le vertige. Le volume des transactions transitant par les paradis fiscaux se situe dans une fourchette allant de 16 000 à 26 000 milliards d’euros, entraînant une perte de recettes fiscales annuelle de 189 milliards de dollars pour les pays en développement. En outre, environ 2 600 milliards de dollars de profits des sociétés américaines dormiraient aux Bermudes et aux Caïmans, échappant à toute im­po­sition. En tout, 8 500 milliards de dollars seraient logés dans l’ensemble des paradis fiscaux. Enfin, selon Oxfam, 25 milliards d’euros de bénéfices seraient déclarés artificiellement dans les paradis fiscaux par les vingt plus grandes banques européennes, ces dernières invitant en outre leurs clients à y créer des milliers de sociétés offshore. Mais, au-delà des seuls aspects budgétaires et fiscaux, se pose aussi la question de l’utilisation de cet argent dans le cadre d’activités criminelles (notamment des trafics de drogues, d’organes, d’êtres humains). Selon Éric Vernier, le volume « d’argent noir » correspondant au blanchiment de sommes issues du crime se monterait à 1 500 milliards de dollars. La majorité de ce montant exploitant les services offerts par les paradis fiscaux. De tels dégâts, à l’origine des nombreux mouvements de contestation qui se lèvent un peu partout dans le monde, du Brésil à la Hongrie en passant par la France, auraient dû inciter les pouvoirs publics à prendre de fortes décisions. Plutôt que de combattre la source de l’évitement fiscal, de nombreux États préfèrent jouer le jeu d’une concurrence exacerbée en diminuant drastiquement le taux de leur impôt sur les bénéfices des entreprises. Ainsi, alors que le taux légal de l’impôt sur les bénéfices des pays du G20 était de 40 % en 1990, il était descendu à moins de 30 % vingt-cinq ans après (28,7 % en 2015). Parmi les pays de l’OCDE, le taux légal est passé de 30,4 % en 2000 à 22,3 % en 2017. Les États-Unis ont ainsi amorcé une baisse du taux de l’impôt fédéral sur les sociétés de 35 % à 21 %, tout en prévoyant une imposition à taux réduit des actifs logés dans des paradis fiscaux et rapatriés sur le territoire américain. La France verra son taux nominal passer de 33 % à 25 % d’ici 2022. Plus symptomatique, la Hongrie, qui affichait un taux de 19 %, déjà en deçà de la moyenne européenne établie à 21,9 % en 2017, a basculé cette même année à seulement 9 % – un tel taux paraissant difficilement soutenable pour les finances publi­ques hongroises. Si le mouvement de réduction des taux se poursuit, la coalition internationale Eurodad juge que, à l’horizon 2052, le taux de l’impôt sur les bénéfices des entreprises sera de… zéro. Il est profondément regrettable qu’à la place d’une réponse ambitieuse et volontariste contre la concurrence fiscale dommageable, dénoncée d’ailleurs par le président de la République lui-même dans son discours à la Sorbonne en septembre 2017, les États choisissent de s’y abandonner et de jouer un jeu non coopératif si délétère. Le siphonnage des recettes fiscales des États réduit leurs marges de manœuvre budgétaires, limitant la mise en œuvre de politiques publi­ques ambitieuses, telles que la fourniture de services publics de qualité et accessibles à tous, le financement d’infrastructures collectives performantes, la redistribution des richesses et l’octroi d’aides financières destinées à assurer à tous, et notamment aux plus modestes, des conditions de vie décentes. Si les États veulent disposer des ressources indispensables à la mise en œuvre de ces politiques, le seul moyen, tant que la lutte contre les paradis fiscaux et l’évitement fiscal ne produira pas de résultats suffisants, est d’alourdir les impôts. Cette solution est non seulement injuste mais inefficace à moyen terme. Les hausses fiscales frappent ceux qui jouent le jeu et assument leur part à l’effort collectif (telles les TPE et les PME) ainsi que les classes moyennes et les plus mo­destes : elles ne sont donc ni équitables, ni justes, ni acceptables et conduisent à faire payer les moins privilégiés pour les plus riches. Les salariés des entreprises se livrant à l’évitement fiscal font eux aussi les frais de ces choix contestables. En manipulant les flux financiers entre entreprises liées, les groupes peuvent, par exemple, rendre de manière artificielle une entité déficitaire ou minorer ses résultats alors qu’en réalité l’activité est bonne et prospère et que, à l’échelle du groupe, les résultats sont bénéficiaires. Peuvent pourtant s’ensuivre des plans de suppression d’emplois injustifiés, les salariés payant le prix de l’avidité fiscale des dirigeants. La minoration, artificielle elle aussi, des bénéfices réduit automatiquement la participation et l’intéressement des salariés, puisque ces données sont calculées en fonction du résultat déclaré de l’entreprise. À cet égard, l’exemple de McDonald’s est édifiant. Selon l’étude d’une coalition internationale de syndicats (McProprio, mars 2017), la majorité des bénéfices du groupe américain provient non de la vente de nourriture mais d’opérations immobilières : si McDonald’s exploite directement certains de ses restaurants, environ 80 % le sont sous forme de franchise. Or les contrats de franchise du groupe sont particulièrement 
dé­sé­quilibrés. Là où un contrat de franchise traditionnel prévoit que le franchisé verse des redevances au franchiseur et conclut avec un tiers un bail immobilier, McDonald’s prévoit la conclusion parallèle du contrat de franchise et d’un bail. Le contrôle et le poids pesant sur le franchisé ont un effet important sur les salariés : pour pouvoir dégager une marge, le franchisé est souvent contraint de verser des rémunérations faibles, certains allant jusqu’à violer le droit du travail en vigueur afin d’être rentables. La limitation des bénéfices, parallèlement, réduit les montants des participations salariales. L’évitement fiscal a aussi pour effet de compromettre le financement de la Sécurité sociale, soit indirectement en diminuant les cotisations et autres charges sociales dues par les entreprises, soit directement en facilitant l’évasion sociale.

 

Modifier complètement le paysage de la concurrence fiscale

Que faire face à un phénomène mondial, dont l’ampleur semble littéralement tétaniser les États depuis des décennies, à l’image de la taxe Google, Amazon, Facebook et Apple (GAFA), maintes fois annoncée et sans cesse remise à plus tard ? L’Union européenne n’est certes pas restée les bras croisés, mais les initiatives qu’elle prend, comme la taxe sur les transactions financières ou le projet de réforme de l’imposition des sociétés, assiette commune consolidée pour l’impôt des sociétés (ACCIS), butent invariablement sur la règle de l’unanimité. L’Irlande, les Pays-Bas et d’autres États membres, qui ont fait de la fiscalité un avantage concurrentiel au détriment de leurs voisins, ont un intérêt certain pour le statu quo. Même si le commissaire européen chargé de la fiscalité vient récemment de plaider pour un assouplissement de cette règle, au rythme où avancent les réformes, on peut encore attendre cent ans ! Et pourtant, il est urgent d’agir, tant est palpable l’exaspération des peuples vis-à-vis de l’injustice fiscale, sous peine de voir le financement de l’action publique supporté par les seuls concitoyens et les inégalités continuer de se creuser. Sans parler de la défiance croissante à l’égard du projet européen.

« Le manque à gagner représente des routes mal entretenues, des ponts menacés, des écoles en moins, des hôpitaux en souffrance, des services publics supprimés. »

Dans un tel contexte, la France peut parfaitement agir de son côté et montrer le chemin d’une fiscalité en phase avec son époque. Les mécanismes d’évitement fiscal, largement décrits, mettent en lumière une fiscalité dépassée, symbolisée par un impôt sur les sociétés acculé, daté, inadapté aux enjeux du XXIe siècle. Un impôt qui n’est pas apte à fiscaliser à leur juste mesure ces entreprises qui font fi des frontières pour réduire au maximum leur contribution au financement de l’action publique. La proposition formulée ici, inspirée par les travaux d’économistes, de chercheurs et d’experts, s’articule autour d’un principe simple, juste et compréhensible par tous : les multinationales doivent payer leurs impôts là où elles réalisent leur activité, et non dans les paradis fiscaux. Pour le calcul des bénéfices imposables de ces entreprises internationales, nous proposons de partir du niveau des profits réalisés au niveau mondial. Ces profits mondiaux seraient pour la France au prorata de la part des ventes réalisées par l’entreprise dans notre pays par rapport aux ventes réalisées par celle-ci dans le monde entier. La traçabilité ne pose pas de problème majeur puisque l’information fournie sur le montant des ventes faites en France pourra être vérifiée et utilisée en utilisant les relevés de TVA. Prenons ainsi l’exemple d’une entreprise active dans la vente en ligne. Elle réalise 50 milliards de bénéfices au niveau mondial et 15 % de son chiffre d’affaires en France. Ce taux – 15 % – sera appliqué aux bénéfices mondiaux (50 milliards d’euros). Ainsi, les bénéfices imposables s’élèveront à 7,5 milliards d’euros pour cette entreprise. Un montant de bénéfices imposables qui serait plus conforme à la réalité économique de cette entreprise. Ces 7,5 milliards d’euros constitueraient naturellement une base imposable, à laquelle s’appliqueraient ensuite les différents crédits et réductions d’impôts puis, in fine, le taux d’imposition sur les sociétés. Ce calcul permettra de relocaliser des bénéfices artificiellement transférés à l’étranger, notamment dans les paradis fiscaux, et de porter ainsi un coup d’arrêt sévère à la concurrence fiscale mortifère entre les États. Pour garantir le fonctionnement de ce dispositif, les entreprises seront soumises à une obligation de transmission d’informations à l’administration fiscale. En cas de refus de se soumettre à cette obligation, il y aura lieu de prendre les mesures qui s’imposent, en l’espèce l’interdiction d’exercer sur le territoire français. Cette proposition de loi entraîne une modification du mode de calcul de l’assiette de l’impôt sur les sociétés sans en changer le taux. Le système décrit ici fonctionne déjà parfaitement ailleurs, dans des pays comme les États-Unis, l’Allemagne ou le Canada, où un impôt sur les sociétés peut aussi être perçu au niveau local. L’État de Californie établit ainsi son propre impôt sur les sociétés à un taux d’environ 10 %, qui s’ajoute à l’impôt américain sur les sociétés, désormais fixé à 21 %. Si Coca-Cola fait 10 % de ses ventes en Californie, alors 10 % de ses profits sont taxables en Californie. En clair, la France peut parfaitement appliquer à l’échelle d’un pays un mécanisme qui a déjà fait ses preuves au niveau local. Une telle réforme modifierait complètement le paysage de la concurrence fiscale. Elle rendrait caducs les mécanismes de délocalisation artificielle des profits et indiquerait aux États le chemin à suivre pour récupérer des recettes injustement détournées.

Les signataires : Fabien Roussel, Huguette Bello, Moetai Brotherson, Alain Bruneel, Marie-George Buffet, André Chassaigne, Pierre Dharréville, Jean-Paul Dufrègne, Elsa Faucillon, Sébastien Jumel, Manuéla Kéclard-Mondésir, Jean-Paul Lecoq, Jean-Philippe Nilor, Stéphane Peu, Gabriel Serville & Hubert Wulfranc, députés du groupe GDR.

Cause commune n° 10 • mars/avril 2019

 

Partager cet article
Repost0
14 août 2019 3 14 /08 /août /2019 06:45

Par Michaël Orand

 

 

Source : Institut des politiques publiques.

Comme le veut la sagesse populaire, une image vaut parfois mille mots. Ce graphique publié récemment par l’Institut des politiques publiques ne déroge pas au proverbe, et résume parfaitement la politique budgétaire du gouvernement d’Emmanuel Macron. On y voit l’énorme gain de revenu des 1 % de ménages les plus riches suite aux mesures prises dans les budgets 2018 et 2019, pendant que la majorité des ménages se contentent de hausses bien plus modestes, voire constatent une baisse de leur revenu disponible pour les 10 % de ménages les plus pauvres.

Ce sont bien évidemment la suppression de l’ISF et la mise en place du prélèvement forfaitaire unique qui expliquent cette hausse de revenu pour les 1 %. Le revenu moyen de ce ménage étant de plus de 10 000 euros par mois, cela représente donc 700 € de plus par mois, et plus de 8 000 supplémentaires par an. À titre de comparaison, le gain de revenu pour les ménages au revenu médian est d’un peu plus de 300 € par an.
Les auteurs de cette étude ont même réalisé l’exercice d’aller voir plus en détail ce qui se passe au sein des ménages les plus riches. Si les résultats sont moins précis, ils n’en montrent pas moins que les 0,1 % de ménages les plus riches ont encore mieux tiré leur épingle du jeu macronien, avec un gain de revenu disponible de plus de 15 %. Les ménages qui voient leur revenu baisser sont essentiellement les retraités, qui ont subi la hausse de la CSG sans bénéficier de la contrepartie de baisses de cotisations sociales salariés. La sous-indexation des retraites, qui augmentent en 2019 moins vite que l’inflation, contribue également à diminuer le revenu disponible des retraités. Le revenu disponible augmente au contraire pour la plupart des ménages actifs, même si cette hausse reste très modeste (moins de 1 %) pour les 10 % de ménages les plus pauvres.

Cause commune n° 10 • mars/avril 2019

 

Haut du formulaire

 

 

Partager cet article
Repost0
13 août 2019 2 13 /08 /août /2019 07:00
Morbihan: un comité de soutien pour empêcher l'extradition de l'activiste italien arrêté Vincenzo Vecchi condamné pour participation aux manifestations contre le G8 de Gênes grâce à une loi mise en place par Mussolini et réactivée par Berlusconi (France 3 et L'Humanité, article Thomas Lemahieu)
Morbihan: un comité de soutien pour empêcher l'extradition de l'activiste italien arrêté
 
 
Par Maylen Villaverde
 
Depuis l'arrestation de Vincenzo Vecchi un groupe de quatre-vingts habitants du pays de Rochefort-en-terre se réunit pour discuter et échanger sur les actions possibles pour empêcher le renvoi du militant qui habitait dans ce coin de Bretagne depuis 8 ans.
 
 
Ils se retrouvent tous les jours en petits groupes ou en session plénière pour discuter et réfléchir aux actions à mener. "Ils" se sont des amis, des voisins ou de simples connaissances de Vincenzo qui le fréquentent pour certains depuis 8 ans, depuis qu'il avait posé ses valises dans ce coin du Morbihan. Ils ont donc décidé de créer un collectif de soutien pour empêcher le renvoi vers l'Italie de l'activiste.
 

Colère et détermination des soutiens de Vincenzo


"Après l'étonnement de découvrir le passé de Vincenzo nous sommes aujourd'hui dans la colère et la détermination" explique Jean-Pierre, un membre du collectif  "Soutien à Vincenzo". Pour ce dernier il n'est pas question que Vincenzo soit renvoyer en Italie. "Le chef d'inculpation nous parait injuste et disproportionné ! Il a pris 13 ans pour avoir été au mauvais endroit au mauvais moment, cela nous révolte" s'indigne Jean-Pierre. 

Condamné grâce à une loi mise en place par Mussolini et réactivée par Berlusconi


Selon le collectif, Vincenzo Vecchi a été condamné en Italie pour "dévastation et saccage" au G8 de Gênes. "Cette condamnation a été rendue possible sur la base d'une loi adoptée en 1930 sous Mussolini et réactivée par Silvio Berlusconi" à l'occasion du sommet économique de 2001. 

La justice italienne lui reproche aussi sa participation à une manifestation antifasciste, non autorisée, à Milan en mars 2006.

Pour le collectif morbihannais "il est impensable que la France renvoie cet homme vers l'Italie", pays qui a pour ministre de l'intérieur Salvini, un élu d'extrême droite. "Il va vouloir en faire un exemple" redoutent ses amis.

Ils rappellent aussi que "le G8 de Gênes a valu une lourde condamnation de l'Italie par la Cour européenne des droits de l'homme du fait des violences policières commises contre les manifestants, certaines ayant été assimilées à des "actes de torture", restait "une blessure ouverte en Italie".
 

Appel au soutien devant le tribunal de Rennes Mercredi


Mercredi Vincenzo Vecchi doit passer devant la Chambre d'Instruction de Rennes. Les membres du collectif ont prévu de venir manifester leur soutien pacifiquement et espèrent que d'autres personnes se joindront à eux. Ils ne souhaitent cependant pas qu'il y ait le moindre débordement car cela pourrait pénaliser leur ami.

Le collectif a fait appel à deux avocats afin d'avoir plus d'information sur le dossier et d'envisager une démarche en justice.

Morbihan: un comité de soutien pour empêcher l'extradition de l'activiste italien arrêté Vincenzo Vecchi condamné pour participation aux manifestations contre le G8 de Gênes grâce à une loi mise en place par Mussolini et réactivée par Berlusconi (France 3 et L'Humanité, article Thomas Lemahieu)
Répression. En Italie, la vengeance d’État se mange froide
Mardi, 13 Août, 2019

Menacé d’extradition, Vincenzo Vecchi, installé dans un bourg du Morbihan, a été condamné à près de douze ans de prison ferme en Italie pour sa participation au contre-G8 de Gênes en 2001.

 

Gênes persistante. Dix-huit ans après les manifestations contre le G8 dans le grand port de Ligurie (Italie), ensanglantées par la police de Silvio Berlusconi – un jeune homme, Carlo Giuliani, avait été abattu et des centaines d’altermondialistes tabassés, blessés, torturés ou détenus arbitrairement –, les hoquets de l’histoire n’en finissent jamais. Cette fois, c’est à Rochefort-en-Terre, dans le Morbihan, que les spectres de cette répression, caractérisée à l’époque par Amnesty International comme « la plus grande violation des droits humains et démocratiques dans un pays occidental depuis la Seconde Guerre mondiale », sont réapparus ces derniers jours. Vincenzo Vecchi a été arrêté jeudi, et il se retrouve menacé d’extradition vers l’Italie. Sur place, parmi ses amis et ses voisins, la stupeur est totale : installé en Bretagne depuis huit ans et parfaitement intégré, l’homme participait régulièrement aux activités culturelles et sociales d’un café associatif (la Pente). « Il était très sympathique et discret, il ne faisait pas de vagues, mais il était là », témoigne un membre du collectif de soutien qui se met en place localement.

À Rome, la presse dominante le présente comme un « fugitif »

Qu’a bien pu faire cet Italien de 46 ans pour mériter ce sort de criminel en puissance ? Dans la presse dominante à Rome ou à Milan, reprenant les fanfaronnades du gouvernement et déroulant à l’envi la minutieuse traque policière ayant abouti à son interpellation, Vincenzo Vecchi est présenté comme un « fugitif », le dernier « black bloc » en cavale à l’étranger après sa condamnation par la justice italienne pour des exactions commises lors du G8 de Gênes. Dans cette logique, ce n’est plus vraiment un homme, c’est un symbole ou, mieux encore, pour l’extrême droite au pouvoir dans la capitale italienne, un trophée.

Selon une sentence de la Cour de cassation italienne, prononcée en juillet 2012 après deux jugements, en première instance puis en appel, Vincenzo Vecchi a, le 20 juillet 2001, à Gênes, « endommagé, détruit, incendié des biens mobiliers et immobiliers, parmi lesquels des banques, des voitures et un supermarché, en s’emparant des marchandises exposées à ­l’intérieur ». Toujours selon cette reconstruction judiciaire, Vecchi s’est « opposé avec violence aux forces de l’ordre, exhortant les autres manifestants à passer à l’attaque, lançant des bouteilles, des pierres et faisant exploser quelques cocktails Molotov…, non sans déplacer des caissons pour les poubelles et les renverser au milieu des rues ».

Des faits constitutifs d’une émeute, en somme, sans violences envers des personnes, qui vont valoir à dix manifestants du contre-G8 de Gênes des peines allant de 6 à 15 ans de prison ferme. De quoi susciter une pétition signée par des intellectuels comme l’écrivain Erri De Luca, le metteur en scène Ascanio Celestini, le prix Nobel de littérature Dario Fo, l’actrice Franca Rame et des centaines d’autres, pour demander l’absolution de ces quelques boucs émissaires commodes pour une vengeance d’État en Italie… Vincenzo Vecchi est, lui, condamné définitivement à 11 ans et 6 mois de prison.

Deux poids, deux mesures. D’un côté, les policiers, les gendarmes et les militaires qui, au plus haut niveau de leurs chaînes de commandement lors du G8 de Gênes, s’étaient rendus coupables de violences multiples contre des manifestants, puis avaient organisé leur défense en produisant des documents falsifiés, ont tous, ou presque, bénéficié de non-lieux ou échappé aux ennuis grâce à la prescription. Le gendarme qui a abattu Carlo Giuliani d’une balle dans la tête a rapidement pu compter sur la thèse de la légitime défense. De l’autre, pour les manifestants présentés comme les « animateurs » d’un black bloc, décrit, de manière fallacieuse, comme homogène, les peines, de toute évidence totalement disproportionnées, ont été rendues possibles par le choix de la justice italienne de poursuivre une poignée de militants anti-G8 – plusieurs centaines d’entre eux avaient été arrêtés en 2001 et quasiment tous relâchés sans chef d’inculpation – en recourant au délit de « dévastation et saccage ». Un élément du Code pénal italien, introduit par les fascistes en 1930, qui permet, dans les faits, au nom de la notion de simple « concours moral » aux événements, de sanctionner avec des peines de 8 à 15 ans de prison la simple présence et la participation à des manifestations considérées comme insurrectionnelles.

Il a largement payé par ce long exil subi, séparé des siens

Lors de l’une des multiples audiences de ses procès, Vincenzo Vecchi avait lancé ces mots : « Je m’honore d’avoir participé en homme libre à une journée de contestation contre l’économie capitaliste. » À Rochefort-en-Terre, parmi le comité de soutien qui découvre ces jours-ci la machine à broyer qui rattrape leur ami et voisin, on s’organise pour préserver cette « liberté » : un rassemblement sera organisé mercredi à 9 heures à Rennes devant la chambre d’instruction qui doit statuer sur son extradition. « Il n’avait parlé à personne de ce passé, souffle-t-on sur place. Ce qui est sûr, c’est que Vincenzo a déjà largement payé par ce long exil forcé, séparé de sa femme et de son enfant. Cela suffit, il ne doit en aucun cas être renvoyé en Italie… »

Thomas Lemahieu
Partager cet article
Repost0
13 août 2019 2 13 /08 /août /2019 06:53

Conférence des mardis de l’éducation populaire du PCF Morlaix le mardi 14 mai à Morlaix. L’historien douarneniste Jean-Paul Sénéchal a décortiqué et raconté avec maestria les logiques de bloc sociaux et politiques du Finistère du Front Populaire (1934-1938), s’inspirant de la méthode marxiste de Gramsci et s’appuyant sur le travail d’années de recherche dans les archives, y compris sur le monde paysan.  Passionnant !  37 personnes ont suivi sa conférence débat au local du PCF Morlaix.  Mikaël Theng de l'équipe communication du PCF Finistère a filmé cette conférence-débat qui a rencontré un vif succès. Vous trouverez-ci joint la vidéo de ce mardi de l'éducation populaire consacré à l'histoire.

Mardi de l'éducation populaire, 14 mai 2019 - au local du PCF Morlaix, l'historien douarneniste Jean-Paul Sénéchal raconte le Front Populaire dans le Finistère et la société finistérienne au temps du Front Populaire

Le Front Populaire dans le Finistère: C'était 1936, le Front Populaire vu de Bretagne

Mardi de l'éducation populaire, PCF Morlaix: vidéo de la conférence de l'historien Jean-Paul Sénéchal sur le Finistère du Front Populaire (14 mai 2019)
Partager cet article
Repost0
13 août 2019 2 13 /08 /août /2019 05:55
Les grands textes de Karl Marx - 17 - la révolution de la Commune de Paris et l'Etat bourgeois - La Guerre Civile en France

Karl Marx, 1818-1883

La Guerre Civile en France

Cet essai sur la Commune, adressé aux membres européens et américains de la Première Internationale (regroupant marxistes et anarchistes), rédigé à chaud en mai 1871 figure parmi les chefs d'oeuvre du Karl Marx de la maturité.  Nous avons jugé utile d'en publier de larges extraits pour donner envie de lire cette analyse magistrale d'un événement historique présent de Marx. Comme dans Les luttes de classe en France où Marx analyse à chaud la révolution de 1848 et l'écrasement de l'insurrection ouvrière de juin. On peut lire dans l'analyse concrète de figures historiques déterminées une théorie de l’État, pensé dans son devenir historique, du politique, de la démocratie bourgeoise, des forces motrices de l'évolution historique, théorie qui conserve sa pertinence et une grande part de son actualité. Il y a aussi une analyse de la singularité de l'expérience communarde, qui, si elle ne l'épuise pas, mérite d'être lue et appréciée, surtout qu'elle lui est contemporaine.  Avec Marx, après lui, non la Commune n'est pas morte! 

 

Chapitre 3

À l'aube du 18 mars, Paris fut réveillé par ce cri de tonnerre : Vive la Commune! Qu'est-ce donc que la Commune, ce sphinx qui met l'entendement bourgeois à si dure épreuve ?

Les prolétaires de la capitale, disait le Comité central dans son manifeste du 18 mars, au milieu des défaillances et des trahisons des classes gouvernantes, ont compris que l'heure était arrivée pour eux de sauver la situation en prenant en main la direction des affaires publiques... Le prolétariat... a compris qu'il était de son devoir impérieux et de son droit absolu de prendre en main ses destinées, et d'en assurer le triomphe en s'emparant du pouvoir.

Mais la classe ouvrière ne peut pas se contenter de prendre tel quel l'appareil d'État et de le faire fonctionner pour son propre compte.

Le pouvoir centralisé de l'État, avec ses organes, partout présents : armée permanente, police, bureaucratie, clergé et magistrature, organes façonnés selon un plan de division systématique et hiérarchique du travail, date de l'époque de la monarchie absolue, où il servait à la société bourgeoise naissante d'arme puissante dans ses luttes contre le féodalisme. Cependant, son développement restait entravé par toutes sortes de décombres moyenâgeux, prérogatives des seigneurs et des nobles, privilèges locaux, monopoles municipaux et corporatifs et Constitutions provinciales. Le gigantesque coup de balai de la Révolution française du XVIIIe siècle emporta tous ces restes des temps révolus, débarrassant ainsi, du même coup, le substrat social des derniers obstacles s'opposant à la superstructure de l'édifice de l'État moderne. Celui-ci fut édifié sous le premier Empire, qui était lui-même le fruit des guerres de coalition de la vieille Europe semi-féodale contre la France moderne. Sous les régimes qui suivirent, le gouvernement, placé sous contrôle parlementaire, c'est-à-dire sous le contrôle direct des classes possédantes, ne devint pas seulement la pépinière d'énormes dettes nationales et d'impôts écrasants; avec ses irrésistibles attraits, autorité, profits, places, d'une part il devint la pomme de discorde entre les factions rivales et les aventuriers des classes dirigeantes, et d'autre part son caractère politique changea conjointement aux changements économiques de la société. Au fur et à mesure que le progrès de l'industrie moderne développait, élargissait, intensifiait l'antagonisme de classe entre le capital et le travail, le pouvoir d'État prenait de plus en plus le caractère d'un pouvoir public organisé aux fins d'asservissement social, d'un appareil de domination d'une classe. Après chaque révolution, qui marque un progrès de la lutte des classes, le caractère purement répressif du pouvoir d'État apparaît façon de plus en plus ouverte.

La Révolution de 1830 transféra le gouvernement des propriétaires terriens aux capitalistes, des adversaires les plus éloignés des ouvriers à leurs adversaires les plus directs. Les républicains bourgeois qui, au nom de la Révolution de février, s'emparèrent du pouvoir d'État, s'en servirent pour provoquer les massacres de juin, afin de convaincre la classe ouvrière que la république « sociale », cela signifiait la république qui assurait la sujétion sociale, et afin de prouver à la masse royaliste des bourgeois et des propriétaires terriens qu'ils pouvaient en toute sécurité abandonner les soucis et les avantages financiers du gouvernement aux « républicains » bourgeois. Toutefois, après leur unique exploit héroïque de juin, il ne restait plus aux républicains bourgeois qu'à passer des premiers rangs à l'arrière-garde du « parti de l'ordre », coalition formée par toutes les fractions et factions rivales de la classe des appropriateurs dans leur antagonisme maintenant ouvertement déclaré avec les classes des producteurs. La forme adéquate de leur gouvernement en société par actions fut la « république parlementaire », avec Louis Bonaparte pour président, régime de terrorisme de classe avoué et d'outrage délibéré à la « vile multitude ». Si la république parlementaire, comme disait M. Thiers, était celle qui « les divisait [les diverses fractions de la classe dirigeante] le moins », elle accusait par contre un abîme entre cette classe et le corps entier de la société qui vivait en dehors de leurs rangs clairsemés. Leur union brisait les entraves que, sous les gouvernements précédents, leurs propres dissensions avaient encore mises au pouvoir d'État. En présence de la menace de soulèvement du prolétariat, la classe possédante unie utilisa alors le pouvoir de l'État, sans ménagement et avec ostentation comme l'engin de guerre national du capital contre le travail. Dans leur croisade permanente contre les masses productrices, ils furent forcés non seulement d'investir l'exécutif de pouvoirs de répression sans cesse accrus, mais aussi de dépouiller peu à peu leur propre forteresse parlementaire, l'Assemblée nationale, de tous ses moyens de défense contre l'exécutif. L'exécutif, en la personne de Louis Bonaparte, les chassa. Le fruit naturel de la république du « parti de l'ordre » fut le Second Empire.

L'empire, avec le coup d'État pour acte de naissance, le suffrage universel pour visa et le sabre pour sceptre, prétendait s'appuyer sur la paysannerie, cette large masse de producteurs qui n'était pas directement engagée dans la lutte du capital et du travail. Il prétendait sauver la classe ouvrière en en finissant avec le parlementarisme, et par là avec la soumission non déguisée du gouvernement aux classes possédantes. Il prétendait sauver les classes possédantes en maintenant leur suprématie économique sur la classe ouvrière; et finalement il se targuait de faire l'unité de toutes les classes en faisant revivre pour tous l'illusion mensongère de la gloire nationale. En réalité, c'était la seule forme de gouvernement possible, à une époque où la bourgeoisie avait déjà perdu, - et la classe ouvrière n'avait pas encore acquis, - la capacité de gouverner la nation. Il fut acclamé dans le monde entier comme le sauveur de la société. Sous l'empire, la société bourgeoise libérée de tous soucis politiques atteignit un développement dont elle n'avait elle-même jamais eu idée. Son industrie et son commerce atteignirent des proportions colossales; la spéculation financière célébra des orgies cosmopolites; la misère des masses faisait un contraste criant avec l'étalage éhonté d'un luxe somptueux, factice et crapuleux. Le pouvoir d'État, qui semblait planer bien haut au-dessus de la société, était cependant lui-même le plus grand scandale de cette société et en même temps le foyer de toutes ses corruptions. Sa propre pourriture et celle de la société qu'il avait sauvée furent mises à nu par la baïonnette de la Prusse, elle-même avide de transférer le centre de gravité de ce régime de Paris à Berlin. Le régime impérial est la forme la plus prostituée et en même temps la forme ultime de ce pouvoir d'État, que la société bourgeoise naissante a fait naître, comme l'outil de sa propre émancipation du féodalisme, et que la société bourgeoise parvenue à son plein épanouissement avait finalement transformé en un moyen d'asservir le travail au capital.

L'antithèse directe de l'Empire fut la Commune. Si le prolétariat de Paris avait fait la révolution de Février au cri de « Vive la République sociale », ce cri n'exprimait guère qu'une vague aspiration à une république qui ne devait pas seulement abolir la forme monarchique de la domination de classe, mais la domination de classe elle-même. La Commune fut la forme positive de cette république.

Paris, siège central de l'ancien pouvoir gouvernemental, et, en même temps, forteresse sociale de la classe ouvrière française, avait pris les armes contre la tentative faite par Thiers et ses ruraux pour restaurer et perpétuer cet ancien pouvoir gouvernemental que leur avait légué l'empire. Paris pouvait seulement résister parce que, du fait du siège, il s'était débarrassé de l'armée et l'avait remplacée par une garde nationale, dont la masse était constituée par des ouvriers. C'est cet état de fait qu'il s'agissait maintenant de transformer en une institution durable. Le premier décret de la Commune fut donc la suppression de l'armée permanente, et son remplacement par le peuple en armes.

La Commune fut composée des conseillers municipaux, élus au suffrage universel dans les divers arrondissements de la ville. Ils étaient responsables et révocables à tout moment. La majorité de ses membres était naturellement des ouvriers ou des représentants reconnus de la classe ouvrière. La Commune devait être non pas un organisme parlementaire, mais un corps agissant, exécutif et législatif à la fois. Au lieu de continuer d'être l'instrument du gouvernement central, la police fut immédiatement dépouillée de ses attributs politiques et transformée en un instrument de la Commune, responsable et à tout instant révocable. Il en fut de même pour les fonctionnaires de toutes les autres branches de l'administration. Depuis les membres de la Commune jusqu'au bas de l'échelle, la fonction publique devait être assurée pour un salaire d'ouvrier. Les bénéfices d'usage et les indemnités de représentation des hauts dignitaires de l'État disparurent avec ces hauts dignitaires eux-mêmes. Les services publics cessèrent d'être la propriété privée des créatures du gouvernement central. Non seulement l'administration municipale, mais toute l'initiative jusqu'alors exercée par l'État fut remise aux mains de la Commune.

Une fois abolies l'armée permanente et la police, instruments du pouvoir matériel de l'ancien gouvernement, la Commune se donna pour tâche de briser l'outil spirituel de l'oppression, le pouvoir des prêtres; elle décréta la dissolution et l'expropriation de toutes les Églises dans la mesure où elles constituaient des corps possédants. Les prêtres furent renvoyés à la calme retraite de la vie privée, pour y vivre des aumônes des fidèles, à l'instar de leurs prédécesseurs, les apôtres. La totalité des établissements d'instruction furent ouverts au peuple gratuitement, et, en même temps, débarrassés de toute ingérence de l'Église et de l'État. Ainsi, non seulement l'instruction était rendue accessible à tous, mais la science elle-même était libérée des fers dont les préjugés de classe et le pouvoir gouvernemental l'avaient chargée.

Les fonctionnaires de la justice furent dépouillés de cette feinte indépendance qui n'avait servi qu'à masquer leur vile soumission à tous les gouvernements successifs auxquels, tour à tour, ils avaient prêté serment de fidélité, pour le violer ensuite. Comme le reste des fonctionnaires publics, magistrats et juges devaient être élus, responsables et révocables.

La Commune de Paris devait, bien entendu, servir de modèle à tous les grands centres industriels de France. Le régime de la Commune une fois établi à Paris et dans les centres secondaires, l'ancien gouvernement centralisé aurait, dans les provinces aussi, dû faire place au gouvernement des producteurs par eux-mêmes. Dans une brève esquisse d'organisation nationale que la Commune n'eut pas le temps de développer, il est dit expressément que la Commune devait être la forme politique même des plus petits hameaux de campagne et que dans les régions rurales l'armée permanente devait être remplacée par une milice populaire à temps de service extrêmement court. Les communes rurales de chaque département devaient administrer leurs affaires communes par une assemblée de délégués au chef-lieu du département, et ces assemblées de département devaient à leur tour envoyer des députés à la délégation nationale à Paris; les délégués devaient être à tout moment révocables et liés par le mandat impératif de leurs électeurs. Les fonctions, peu nombreuses, mais importantes, qui restaient encore à un gouvernement central, ne devaient pas être supprimées, comme on l'a dit faussement, de propos délibéré, mais devaient être assurées par des fonctionnaires de la Commune, autrement dit strictement responsables. L'unité de la nation ne devait pas être brisée, mais au contraire organisée par la Constitution communale; elle devait devenir une réalité par la destruction du pouvoir d'État qui prétendait être l'incarnation de cette unité, mais voulait être indépendant de la nation même, et supérieur à elle, alors qu'il n'en était qu'une excroissance parasitaire. Tandis qu'il importait d'amputer les organes purement répressifs de l'ancien pouvoir gouvernemental, ses fonctions légitimes devaient être arrachées à une autorité qui revendiquait une prééminence au-dessus de la société elle-même, et rendues aux serviteurs responsables de la société. Au lieu de décider une fois tous les trois ou six ans quel membre de la classe dirigeante devait « représenter » et fouler aux pieds le peuple au Parlement, le suffrage universel devait servir au peuple constitué en communes, comme le suffrage individuel sert à tout autre employeur en quête d'ouvriers, de contrôleurs et de comptables pour son affaire. Et c'est un fait bien connu que les sociétés, comme les individus, en matière d'affaires véritables, savent généralement mettre chacun à sa place et, si elles font une fois une erreur, elles savent la redresser promptement. D'autre part, rien ne pouvait être plus étranger à l'esprit de la Commune que de remplacer le suffrage universel par une investiture hiérarchique.

C'est en général le sort des formations historiques entièrement nouvelles d'être prises à tort pour la réplique de formes plus anciennes, et même éteintes, de la vie sociale, avec lesquelles elles peuvent offrir une certaine ressemblance. Ainsi, dans cette nouvelle Commune, qui brise le pouvoir d'État moderne, on a voulu voir un rappel à la vie des communes médiévales, qui d'abord précédèrent ce pouvoir d'État, et ensuite en devinrent le fondement. - La Constitution communale a été prise à tort pour une tentative de rompre en une fédération de petits États, conforme au rêve de Montesquieu et des Girondins, cette unité des grandes nations, qui, bien qu'engendrée à l'origine par la violence, est maintenant devenue un puissant facteur de la production sociale. - L'antagonisme de la Commune et du pouvoir d'État a été pris à tort pour une forme excessive de la vieille lutte contre l'excès de centralisation. (...) La Constitution communale aurait restitué au corps social toutes les forces jusqu'alors absorbées par l'État parasite qui se nourrit sur la société et en paralyse le libre mouvement. Par ce seul fait, elle eût été le point de départ de la régénération de la France. La classe moyenne des villes de province vit dans la Commune une tentative de restaurer la domination que cette classe avait exercée sur la campagne sous Louis-Philippe, et qui, sous Louis-Napoléon, avait été supplantée par la prétendue domination de la campagne sur les villes. En réalité, la Constitution communale aurait soumis les producteurs ruraux à la direction intellectuelle des chefs-lieux de département et leur y eût assuré des représentants naturels de leurs intérêts en la personne des ouvriers des villes. L'existence même de la Commune impliquait, comme quelque chose d'évident, l'autonomie municipale; mais elle n'était plus dorénavant un contre-poids au pouvoir d'État, désormais superflu. (...) La Commune a réalisé ce mot d'ordre de toutes les révolutions bourgeoises, le gouvernement à bon marché, en abolissant ces deux grandes sources de dépenses : l'armée et le fonctionnarisme d'État. Son existence même supposait la non-existence de la monarchie qui, en Europe du moins, est le fardeau normal et l'indispensable masque de la domination de classe. Elle fournissait à la république la base d'institutions réellement démocratiques. Mais ni le « gouvernement à bon marché », ni la « vraie république » n'étaient son but dernier; tous deux furent un résultat secondaire et allant de soi de la Commune.

La multiplicité des interprétations auxquelles la Commune a été soumise, et la multiplicité des intérêts qu'elle a exprimés montrent que c'était une forme politique tout à fait susceptible d'expansion, tandis que toutes les formes antérieures de gouvernement avaient été essentiellement répressives. Son véritable secret, le voici : c'était essentiellement un gouvernement de la classe ouvrière, le résultat de la lutte de la classe des producteurs contre la classe des appropriateurs, la forme politique enfin trouvée qui permettait de réaliser l'émancipation économique du travail  .

 

Sans cette dernière condition, la Constitution communale eût été une impossibilité et un leurre. La domination politique du producteur ne peut coexister avec la pérennisation de son esclavage social. La Commune devait donc servir de levier pour renverser les bases économiques sur lesquelles se fonde l'existence des classes, donc, la domination de classe. Une fois le travail émancipé, tout homme devient un travailleur, et le travail productif cesse d'être l'attribut d'une classe.

C'est une chose étrange. Malgré tous les discours grandiloquents, et toute l'immense littérature des soixante dernières années sur l'émancipation des travailleurs, les ouvriers n'ont pas plutôt pris, où que ce soit, leur propre cause en main, que, sur-le-champ, on entend retentir toute la phraséologie apologétique des porte-parole de la société actuelle avec ses deux pôles, capital et esclavage salarié (le propriétaire foncier n'est plus que le commanditaire du capitaliste), comme si la société capitaliste était encore dans son plus pur état d'innocence virginale, sans qu'aient été encore développées toutes ses contradictions, sans qu'aient été encore dévoilés tous ses mensonges, sans qu'ait été encore mise à nu son infâme réalité. La Commune, s'exclament-ils, entend abolir la propriété, base de toute civilisation. Oui, messieurs, la Commune entendait abolir cette propriété de classe, qui fait du travail du grand nombre la richesse de quelques-uns. Elle visait à l'expropriation des expropriateurs. Elle voulait faire de la propriété individuelle une réalité, en transformant les moyens de production, la terre et le capital, aujourd'hui essentiellement moyens d'asservissement et d'exploitation du travail, en simples instruments d'un travail libre et associé. Mais c'est du communisme, c'est l' « impossible» communisme! Eh quoi, ceux des membres des classes dominantes qui sont assez intelligents pour comprendre l'impossibilité de perpétuer le système actuel - et ils sont nombreux - sont devenus les apôtres importuns et bruyants de la production coopérative. Mais si la production coopérative ne doit pas rester un leurre et une duperie; si elle doit évincer le système capitaliste; si l'ensemble des associations coopératives doit régler la production nationale selon un plan commun, la prenant ainsi sous son propre contrôle et mettant fin à l'anarchie constante et aux convulsions périodiques qui sont le destin inéluctable de la production capitaliste, que serait-ce, messieurs, sinon du communisme, du très « possible » communisme ?

La classe ouvrière n'espérait pas des miracles de la Commune. Elle n'a pas d'utopies toutes faites à introduire par décret du peuple. Elle sait que pour réaliser sa propre émancipation, et avec elle cette forme de vie plus haute à laquelle tend irrésistiblement la société actuelle en vertu de son propre développement économique, elle aura à passer par de longues luttes, par toute une série de processus historiques, qui transformeront complètement les circonstances elles-mêmes. Elle n'a pas à réaliser d'idéal, mais seulement à libérer les éléments de la société nouvelle que porte dans ses flancs la vieille société bourgeoise qui s'effondre. Dans la pleine conscience de sa mission historique et avec la résolution héroïque d'être digne d'elle dans son action, la classe ouvrière peut se contenter de sourire des invectives grossières des laquais de presse et de la protection sentencieuse des doctrinaires bourgeois bien intentionnés qui débitent leurs platitudes d'ignorants et leurs marottes de sectaires, sur le ton d'oracle de l'infaillibilité scientifique.

Quand la Commune de Paris prit la direction de la révolution entre ses propres mains; quand de simples ouvriers, pour la première fois, osèrent toucher au privilège gouvernemental de leurs « supérieurs naturels», les possédants, et, dans des circonstances d'une difficulté sans exemple, accomplirent leur oeuvre modestement, consciencieusement et efficacement (et l'accomplirent pour des salaires dont le plus élevé atteignait à peine le cinquième de ce qui, à en croire une haute autorité scientifique, le professeur Huxley, est le minimum requis pour un secrétaire du conseil de l'instruction publique de Londres), le vieux monde se tordit dans des convulsions de rage à la vue du drapeau rouge, symbole de la République du travail, flottant sur l'Hôtel de Ville.

Et pourtant, c'était la première révolution dans laquelle la classe ouvrière était ouvertement reconnue comme la seule qui fût encore capable d'initiative sociale, même par la grande masse de la classe moyenne de Paris - boutiquiers, commerçants, négociants - les riches capitalistes étant seuls exceptés. La Commune l'avait sauvée, en réglant sagement cette cause perpétuelle de différends à l'intérieur même de la classe moyenne : la question des créanciers et des débiteurs. Cette même partie de la classe moyenne avait participé à l'écrasement de l'insurrection ouvrière en juin 1848; et elle avait été sur l'heure sacrifiée sans cérémonie à ses créanciers par l'Assemblée constituante. Mais ce n'était pas là son seul motif pour se ranger aujourd'hui aux côtés de la classe ouvrière. Cette fraction de la classe moyenne sentait qu'il n'y avait plus qu'une alternative, la Commune ou l'empire, sous quelque nom qu'il pût reparaître. L'Empire l'avait ruinée économiquement par Bon gaspillage de la richesse publique, par l'escroquerie financière en grand, qu'il avait encouragée, par l'appui qu'il avait donné à la centralisation artificiellement accélérée du capital, et à l'expropriation corrélative d'une grande partie de cette classe. Il l'avait supprimée politiquement, il l'avait scandalisée moralement par ses orgies, il avait insulté à son voltairianisme en remettant l'éducation de ses enfants aux frères ignorantins, il avait révolté son sentiment national de Français en la précipitant tête baissée dans une guerre qui ne laissait qu'une seule compensation pour les ruines qu'elle avait faites : la disparition de l'Empire. En fait, après l'exode hors de Paris de toute la haute bohème bonapartiste et capitaliste, le vrai parti de l'ordre de la classe moyenne se montra sous la forme de l' « Union républicaine » qui s'enrôla sous les couleurs de la Commune et la défendit contre les falsifications préméditées de Thiers. La reconnaissance de cette grande masse de la classe moyenne résistera-t-elle à la sévère épreuve actuelle ? Le temps seul le montrera.

La Commune avait parfaitement raison en disant aux paysans : « Notre victoire est votre seule espérance ». De tous les mensonges enfantés à Versailles et repris par l'écho des glorieux journalistes d'Europe à un sou la ligne, un des plus monstrueux fut que les ruraux de l'Assemblée nationale représentaient la paysannerie française. Qu'on imagine un peu l'amour du paysan français pour les hommes auxquels après 1815 il avait dû payer l'indemnité d'un milliard . A ses yeux, l'existence même d'un grand propriétaire foncier est déjà en soi un empiètement sur ses conquêtes de 1789. La bourgeoisie, en 1848, avait grevé son lopin de terre de la taxe additionnelle de 45 centimes par franc; mais elle l'avait fait au nom de la révolution; tandis que maintenant elle avait fomenté une guerre civile contre la révolution pour faire retomber sur les épaules du paysan le plus clair des cinq milliards d'indemnité à payer aux Prussiens. La Commune, par contre, dans une de ses premières proclamations, déclarait que les véritables auteurs de la guerre auraient aussi à en payer les frais. La Commune aurait délivré le paysan de l'impôt du sang, elle lui aurait donné un gouvernement à bon marché, aurait transformé ses sangsues actuelles, le notaire, l'avocat, l'huissier, et autres vampires judiciaires, en agents communaux salariés, élus par lui et devant lui responsables. Elle l'aurait affranchi de la tyrannie du garde champêtre, du gendarme et du préfet; elle aurait mis l'instruction par le maître d'école à la place de l'abêtissement par le prêtre. Et le paysan français est, par-dessus tout, homme qui sait compter. Il aurait trouvé extrêmement raisonnable que le traitement du prêtre, au lieu d'être extorqué par le libre percepteur, ne dépendit que de la manifestation des instincts religieux des paroissiens. Tels étaient les grands bienfaits immédiats dont le gouvernement de la Commune - et celui-ci seulement - apportait la perspective à la paysannerie française. Il est donc tout à fait superflu de s'étendre ici sur les problèmes concrets plus compliqués, mais vitaux, que la Commune seule était capable et en même temps obligée de résoudre en faveur du paysan : la dette hypothécaire, qui posait comme un cauchemar sur son lopin de terre, le prolétariat rural qui grandissait chaque jour et son expropriation de cette parcelle qui s'opérait à une allure de plus en plus rapide du fait du développement même de l'agriculture moderne et de la concurrence du mode de culture capitaliste.

Le paysan français avait élu Louis Bonaparte président de la République, mais le parti de l'ordre créa le Second Empire. Ce dont en réalité le paysan français a besoin, il commença à le montrer en 1849 et 1850, en opposant son maire au préfet du gouvernement, son maître d'école au prêtre du gouvernement et sa propre personne au gendarme du gouvernement. Toutes les lois faites par le parti de l'ordre en janvier et février 1850 furent des mesures avouées de répression contre les paysans. Le paysan était bonapartiste, parce que la grande Révolution, avec tous les bénéfices qu'il en avait tirés, se personnifiait à ses yeux en Napoléon. Cette illusion, qui se dissipa rapidement sous le second Empire (et elle était par sa nature même hostile aux « ruraux »), ce préjugé du passé, comment auraient-ils résisté à la Commune en appelant aux intérêts vivants et aux besoins pressants de la paysannerie ?

Les ruraux (c'était, en fait, leur appréhension maîtresse) savaient que trois mois de libre communication entre le Paris de la Commune et les provinces amèneraient un soulèvement général des paysans; de là leur hâte anxieuse à établir un cordon de police autour de Paris comme pour arrêter la propagation de la peste bovine.

Si la Commune était donc la représentation véritable de tous les éléments sains de la société française, et par suite le véritable gouvernement national, elle était en même temps un gouvernement ouvrier, et, à ce titre, en sa qualité de champion audacieux de l'émancipation du travail, internationale au plein sens du terme. Sous les yeux de l'armée prussienne qui avait annexé à l'Allemagne deux provinces françaises, la Commune annexait à la France les travailleurs du monde entier.

Le second Empire avait été la grande kermesse de la filouterie cosmopolite, les escrocs de tous les pays s'étaient rués à son appel pour participer à ses orgies et au pillage du peuple français. En ce moment même le bras droit de Thiers est Ganesco, crapule valaque, son bras gauche, Markovski, espion russe. La Commune a admis tous les étrangers à l'honneur de mourir pour une cause immortelle. - Entre la guerre étrangère perdue par sa trahison, et la guerre civile fomentée par son complot avec l'envahisseur étranger, la bourgeoisie avait trouvé le temps d'afficher son patriotisme en organisant la chasse policière aux Allemands habitant en France. La Commune a fait d'un ouvrier allemand son ministre du Travail. - Thiers, la bourgeoisie, le second Empire avaient continuellement trompé la Pologne par de bruyantes professions de sympathie, tandis qu'en réalité ils la livraient à la Russie, dont ils faisaient la sale besogne. La Commune a fait aux fils héroïques de la Pologne l'honneur de les placer à la tête des défenseurs de Paris. Et pour marquer hautement la nouvelle ère de l'histoire qu'elle avait conscience d'inaugurer, sous les yeux des Prussiens vainqueurs d'un côté, et de l'armée de Bonaparte, conduite par des généraux bonapartistes de l'autre la Commune jeta bas ce colossal symbole de la gloire guerrière, la colonne Vendôme.

La grande mesure sociale de la Commune, ce fut sa propre existence et son action. Ses mesures particulières ne pouvaient qu'indiquer la tendance d'un gouvernement du peuple par le peuple. Telles furent l'abolition du travail de nuit pour les compagnons boulangers; l'interdiction, sous peine d'amende, de la pratique en usage chez les employeurs, qui consistait à réduire les salaires en prélevant des amendes sur leurs ouvriers sous de multiples prétextes, procédé par lequel l'employeur combine dans sa propre personne les rôles du législateur, du juge et du bourreau, et empoche l'argent par-dessus le marché. Une autre mesure de cet ordre fut la remise aux associations d'ouvriers, sous réserve du paiement d'une indemnité, de tous les ateliers et fabriques qui avaient fermé, que les capitalistes intéressés aient disparu ou qu'ils aient préféré suspendre le travail.

Les mesures financières de la Commune, remarquables par leur sagacité et leur modération, ne pouvaient être que celles qui sont compatibles avec la situation d'une ville assiégée. Eu égard aux vols prodigieux commis aux dépens de la ville de Paris par les grandes compagnies financières et les entrepreneurs de travaux publics sous le régime d'Haussmann, la Commune aurait eu bien davantage le droit de confisquer leurs propriétés que Louis Napoléon ne l'avait de confisquer celles de la famille d'Orléans. Les Hohenzollern et les oligarques anglais, qui, les uns et les autres, ont tiré une bonne partie de leurs biens du pillage de l'Église, furent bien entendu, grandement scandalisés par la Commune qui, elle, ne tira que 8.000 francs de la sécularisation.

Alors que le gouvernement de Versailles, dès qu'il eut recouvré un peu de courage et de force, employait les moyens les plus violents contre la Commune; alors qu'il supprimait la liberté d'opinion par toute la France, allant jusqu'à interdire les réunions des délégués des grandes villes; alors qu'il. soumettait. Versailles, et le reste de la France, à un espionnage qui surpassait de loin celui du second Empire; alors qu'il faisait brûler par ses gendarmes transformés en inquisiteurs tous les journaux imprimés à Paris et qu'il décachetait toutes les lettres venant de Paris et destinées à Paris; alors qu'à l'Assemblée nationale les essais les plus timides de placer un mot en faveur de Paris étaient noyés sous les hurlements, d'une façon inconnue même à la Chambre introuvable de 1816; étant donné la conduite sanguinaire de la guerre par les Versaillais hors de Paris et leurs tentatives de corruption et de complot dans Paris, - la Commune n'aurait-elle pas honteusement trahi sa position en affectant d'observer toutes les convenances et les apparences du libéralisme, comme en pleine paix ? Le gouvernement de la Commune eût-il été de même nature que celui de M. Thiers, il n'y aurait pas eu plus de motif de supprimer des journaux du parti de l'ordre à Paris, que de supprimer des journaux de la Commune à Versailles.

Il était irritant, certes, pour les ruraux, que dans le moment même où ils proclamaient le retour à l'Église comme le seul moyen de sauver la France, la mécréante Commune déterrât les mystères assez spéciaux du couvent de Picpus et de l'église Saint-Laurent . Et quelle satire contre M. Thiers : tandis qu'il faisait pleuvoir des grands-croix sur les généraux bonapartistes, en témoignage de leur maestria à perdre les batailles, à signer les capitulations et à rouler les cigarettes à Wilhelmshoehe, la Commune cassait et arrêtait ses généraux dès qu'ils étaient suspectés de négliger leurs devoirs, L'expulsion hors de la Commune et l'arrestation sur son ordre d'un de ses membres qui s'y était faufilé sous un faux nom et qui avait encouru à Lyon une peine de six jours d'emprisonnement pour banqueroute ,simple, n'était-ce pas une insulte délibérée jetée à la face du faussaire Jules Favre, toujours ministre des Affaires étrangères de la France, toujours en train de vendre la France à Bismarck et dictant toujours ses ordres à la Belgique, ce modèle de gouvernement ? Mais, certes, la Commune ne prétendait pas à l'infaillibilité, ce que font sans exception tous les gouvernements du type ancien. Elle publiait tous ses actes et ses paroles, elle mettait le public au courant de, toutes ses imperfections.

Dans toute révolution, il se glisse, à côté de ses représentants véritables, des hommes d'une tout autre trempe; quelques-uns sont des survivants des révolutions passées dont ils gardent le culte; ne comprenant pas le mouvement présent, ils possèdent encore une grande influence sur le peuple par leur honnêteté et leur courage reconnus, ou par la simple force de la tradition; d'autres sont de simples braillards, qui, à force de répéter depuis des années le même chapelet de déclamations stéréotypées contre le gouvernement du jour, se sont fait passer pour des révolutionnaires de la plus belle eau. Même après le 18 mars, on vit surgir quelques hommes de ce genre, et, dans quelques cas, ils parvinrent à jouer des rôles de premier plan. Dans la mesure de leur pouvoir, ils gênèrent l'action réelle de la classe ouvrière, tout comme ils ont gêné le plein développement de toute révolution antérieure. Ils sont un mal inévitable; avec le temps on s'en débarrasse; mais, précisément, le temps n'en fut pas laissé à la Commune.

Quel changement prodigieux, en vérité, que celui opéré par la Commune dans Paris! Plus la moindre trace du Paris dépravé du second Empire. Paris n'était plus le rendez-vous des propriétaires fonciers britanniques, des Irlandais par procuration, des ex-négriers et des rastaquouères d'Amérique, des ex-propriétaires de serfs russes et des boyards valaques. Plus de cadavres à la morgue, plus d'effractions nocturnes, pour ainsi dire pas de vols; en fait, pour la première fois depuis les jours de février 1848, les rues de Paris étaient sûres, et cela sans aucune espèce de police. « Nous n'entendons plus parler, disait un membre de la Commune, d'assassinats, de vols, ni d'agressions; on croirait vraiment que la police a entraîné avec elle à Versailles toute sa clientèle conservatrice ». Les cocottes avaient retrouvé la piste de leurs protecteurs, - les francs-fileurs, gardiens de la famille, de la religion et, par-dessus tout, de a propriété. A leur place, les vraies femmes de Paris avaient reparu, héroïques, nobles et dévouées, comme les femmes de l'antiquité. Un Paris qui travaillait, qui pensait, qui combattait, qui saignait, ou liant presque, tout à couver une société nouvelle, les cannibales qui étaient à ses portes, -radieux dans l'enthousiasme de son initiative historique!

En face de ce monde nouveau à Paris, voyez l'ancien monde à Versailles, - cette assemblée des vampires de tous les régimes défunts, légitimistes et orléanistes, avides de se repaître du cadavre de la nation, - avec une queue de républicains d'avant le déluge, sanctionnant par leur présence dans l'Assemblée la rébellion des négriers, s'en remettant pour maintenir leur république parlementaire à la vanité du vieux charlatan placé à la tête du gouvernement, et caricaturant 1789 en se réunissant, spectres du passé, au Jeu de Paume. C'était donc elle, cette Assemblée, la représentante de tout ce qui était mort en France, que seul ramenait à un semblant de vie l'appui des sabres des généraux de Louis Bonaparte! Paris toute vérité, Versailles tout mensonge; et ce mensonge exhalé par la bouche de Thiers !

Thiers dit à une députation des maires de Seine-et-Oise : «Vous pouvez compter sur ma parole, je n'y ai jamais manqué ». Il dit à l'Assemblée même « qu'elle était la plus librement élue et la plus libérale que la France ait jamais eue»; il dit à sa soldatesque bigarrée qu'elle était « l'admiration du monde et la plus belle armée que la France ait jamais eue »; il dit aux provinces, qu'il ne bombardait pas Paris, que c'était un mythe. « Si quelques coups de canon ont été tirés, ce n'est pas par l'armée de Versailles, mais par quelques insurgés, pour faire croire qu'ils se battent quand ils n'osent même pas se montrer». Il dit encore aux provinces que l' « artillerie de Versailles ne bombardait pas Paris, elle ne faisait que le canonner ». Il dit à l'archevêque de Paris que les prétendues exécutions et représailles ( !) attribuées aux troupes de Versailles n'étaient que fariboles. Il dit à Paris qu'il était seulement désireux « de le délivrer des hideux tyrans qui l'opprimaient », et, qu'en fait, « le Paris de la Commune n'était qu'une poignée de scélérats».

Le Paris de M. Thiers n'était pas le Paris réel de la « vile multitude », mais un Paris imaginaire, le Paris des francs fileurs, le Paris des boulevardiers et des boulevardières, le Paris riche, capitaliste, doré, paresseux, qui encombrait maintenant de ses laquais, de ses escrocs, de sa bohème littéraire et de ses cocottes, Versailles, Saint-Denis, Rueil et Saint-Germain; qui ne considérait la guerre civile que comme un agréable intermède, lorgnant la bataille en cours à travers des longues-vues, comptant les coups de canon et jurant sur son propre honneur et sur celui de ses prostituées que le spectacle était bien mieux monté qu'il l'avait jamais été à la Porte-Saint-Martin. Les hommes qui tombaient étaient réellement morts; les cris des blessés étaient des cris pour de bon; et, voyez-vous, tout cela était si intensément historique !

Tel est le Paris de M. Thiers; de même l'émigration de Coblence était la France de M. de Calonne.

Lire aussi:

Les grands textes de Karl Marx - 1 : la critique des libertés formelles de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen, dont le pivot est le droit de propriété - une critique des déterminants bourgeois de la Révolution Française

Les grands textes de Karl Marx - 2 - La religion comme opium du peuple

Les grands textes de Karl Marx - 3: l'aliénation produite par la propriété privée et le capitalisme dans les Manuscrits de 1844

Les grands textes de Marx - 4: Les pouvoirs de l'argent (Ebauche d'une critique de l'économie politique, 1844)

Les grands textes de Karl Marx - 5: le matérialisme historique théorisé dans l'Idéologie allemande (1845)

Les grands textes de Karl Marx - 6 - L'idéologie, antagonismes de classes sociales et idées dominantes

Les grands textes de Karl Marx - 7 - Le Manifeste du Parti communiste - Les conditions du communisme se développent dans le développement du capitalisme et de la domination de la bourgeoisie

Les grands textes de Karl Marx - 8 - Qu'est-ce qu'être communiste? - Manifeste du Parti communiste (1848)

Les grands textes de Karl Marx - 9 - Sur le socialisme et le communisme utopique, Manifeste du Parti communiste

Les grands textes de Karl Marx - 10 - La lutte des classes en France - Les raisons de l'échec de la révolution de Février 1848

Les grands textes de Karl Marx - 11 - Les luttes de classe en France - les leçons de la répression du soulèvement ouvrier de juin 1848

Les grands textes de Karl Marx - 12 - l'élection de Louis Napoléon Bonaparte - Les luttes de classe en France

Les grands textes de Karl Marx - 13 - la journée révolutionnaire du 23 juin 1848 racontée dans la Neue Rheinische Zeitung

Les grands textes de Karl Marx - 14 - la journée révolutionnaire du 24 juin 1848 racontée dans la Neue Rheinische Zeitung

Les grands textes de Karl Marx - 15 - la journée révolutionnaire du 25 juin 1848 racontée dans la Neue Rheinische Zeitung

Les grands textes de Karl Marx - 16 - La Guerre Civile en France: le petit monde interlope et opportuniste des Versaillais, la carrière d'Adolphe Thiers avant mai 1871

Marx et Engels: les vies extravagantes et chagrines des deux théoriciens du communisme!

Les grands textes de Karl Marx - 17 - la révolution de la Commune de Paris et l'Etat bourgeois - La Guerre Civile en France
Partager cet article
Repost0
13 août 2019 2 13 /08 /août /2019 05:48

 

La stratégie de Donald Trump d’affrontement commercial et monétaire avec la Chine attise les tensions économiques et diplomatiques. Pékin riposte tout en refusant une escalade. Décryptage.

Droits de douane augmentés sur les produits chinois importés par les États-Unis, monnaie chinoise dévaluée en réaction, Bourses mondiales fébriles sur fond d’accumulation historique de liquidités, d’argent quasi gratuit et de « bulles » gorgées comme jamais : en déclenchant une nouvelle étape de la guerre commerciale, Donald Trump a craqué une allumette au-dessus de multiples barils de poudre. Comment, pourquoi et jusqu’où ?

1Pourquoi Donald Trump a-t-il repris la guerre commerciale ?

Dès son entrée en fonction, Donald Trump a tenté d’extorquer, mesures punitives à l’appui, aux principaux partenaires commerciaux, à commencer par la Chine, un nouveau mode de relations commerciales, dans l’espoir de passer avec chacun d’entre eux un nouveau « deal » plus bénéfique pour les États-Unis.

Pourquoi à ce moment-là ? Trump a sans doute interprété la décision de la FED de baisser les taux d’intérêt comme un alignement de la banque centrale, pourtant indépendante, sur ses desiderata politiques. Elle ferait bien de même en cas de nouvelle guerre commerciale qu’il déclenche aussitôt en annonçant l’établissement de nouveaux droits de douane sur des produits chinois au point que ceux-ci « ont retrouvé les niveaux que nous associons avec le protectionnisme d’avant les années 1930 », selon Paul Krugman, prix Nobel d’économie.

Mais la guerre commerciale relève principalement de l’argument de campagne électorale permanente qu’entretient Trump. Il sait que sa réélection tient aux quelques dizaines de milliers d’électeurs qui l’ont fait roi dans trois États du Midwest, sensibles à sa rhétorique de nationalisme économique (« America First »).

2 Le « protectionnisme » de Trump favorise-t-il l’emploi américain ?

Les politiques commerciales de Donald Trump sont frappées du sceau du « protectionnisme » ; tous les indicateurs de l’économie sont au vert, donc le nationalisme économique a engendré une nouvelle phase de croissance : voilà le dernier sophisme à la mode.

Si le président en exercice ne valorise pas outrageusement (ce qui ne correspond évidemment pas à son caractère) l’apparente bonne santé de l’économie, c’est aussi parce que les Américains savent ce qui se cache derrière : l’accentuation des inégalités sociales et la faiblesse de la mobilité sociale. Quant aux mesures virilement annoncées de protectionnisme, leur effet concret apparaît nul, voire contre-productif. Le fardeau de l’augmentation des tarifs douaniers ne pèse pas sur la Chine mais sur les consommateurs américains. Les entreprises voient le coût des « biens intermédiaires » s’alourdir. Par ailleurs, la guerre commerciale entraîne des représailles qui minent les exportations américaines. Enfin, ce qui n’est plus importé de Chine l’est du Vietnam. Au final, le déficit commercial des États-Unis continue de se creuser.

3 La Chine a-t-elle manipulé sa monnaie ?

Depuis lundi, la guerre commerciale lancée par Donald Trump a entraîné celle de la monnaie. Pour la première fois depuis onze ans, la valeur de la devise chinoise a dévissé au point de franchir un seuil symbolique de 7 yuans pour 1 dollar. Contrairement à ses habitudes, la Chine a laissé jouer le marché. Habituellement, sa banque centrale intervient pour soutenir sa monnaie lorsque son cours fluctue au-delà des 2 %. C’est d’ailleurs ce qu’elle a fait dès le lendemain, mardi, en intervenant sur le taux pivot – la devise n’étant pas totalement convertible. Pékin s’est défendu de vouloir utiliser l’arme monétaire dans la guerre commerciale. La baisse de la valeur du yuan permet à la Chine de faire baisser le prix de ses produits vendus en dollars et donc d’absorber les droits de douane supplémentaires. Reste que la deuxième puissance mondiale a envoyé un sérieux avertissement : elle dispose des moyens de « résister », pour reprendre les propos du président chinois Xi Jinping. « En dévaluant de façon temporaire, ils ont montré habilement de quoi ils pourraient être capables », confirme l’économiste et membre du conseil scientifique d’Attac Dominique Plihon. D’autant que le pays, grâce à ses excédents commerciaux, est assis sur une montagne de dollars. Il peut donc intervenir et fixer la valeur du yuan comme et quand il le souhaite.

4 Une guerre perdant-perdant pour Pékin et Washington ?

Les deux principales puissances économiques mondiales n’ont aucun intérêt à se lancer dans une telle escalade. Même si Xi Jinping assure que « le navire de l’économie chinoise (peut) affronter les vagues », en enregistrant une croissance de 6,2 % au second trimestre, soit sa plus faible performance depuis vingt-sept ans, la Chine a montré que sa situation économique se dégradait. D’ailleurs, le premier ministre Li Keqiang a appelé la semaine dernière à prendre davantage de mesures pour soutenir l’emploi et prévenir « les risques de licenciements massifs et de chômage ». « La Chine est d’autant plus vulnérable qu’elle est très ouverte, (les États-Unis étant le premier débouché de ses exportations – NDLR) même si, depuis la crise de 2008, elle tente de changer son modèle de croissance, en mettant davantage l’accent sur la consommation intérieure », analyse Dominique Plihon. En jouant sur le yuan, la Chine prendrait également le risque de perdre des investisseurs, ce qui pourrait freiner son développement.

Les stratégies de Donald Trump pourraient également se retourner contre son pays. « Les États-Unis sont en fin de cycle économique. Après neuf ans de croissance, celle-ci devrait également s’essouffler », estime David Cayla, maître de conférences à l’université d’Angers et membre des Économistes atterrés. Depuis quelques mois, les économistes entrevoient un ralentissement. Dans de nombreux secteurs, la politique commerciale agressive aura des effets négatifs. Dans l’agriculture par exemple, Pékin a d’ailleurs suspendu tous ses achats de produits agricoles américains et n’exclut pas d’imposer des taxes sur l’importation de produits agricoles issus des États-Unis et achetés après le 3 août. Dans l’industrie, la Chine est le premier sous-traitant des entreprises américaines. L’augmentation du prix des biens intermédiaires chinois entraînerait un renchérissement des produits finis américains, une baisse des exportations, une baisse de production et in fine une hausse du chômage.

5 La croissance mondiale est-elle menacée ?

L’affaiblissement de ces deux puissances accentuerait le ralentissement de la croissance mondiale. Depuis plusieurs mois, les institutions internationales comme le FMI et l’OCDE alertent et revoient à la baisse leurs prévisions en la matière. Dans sa note de conjoncture, le FMI constatait mi-juillet que l’évolution des échanges commerciaux stagnait à 0,5 % au premier trimestre et qu’elle ne devrait pas dépasser les 2,5 % en 2019, contre 5,5 % en 2017. Dans ce contexte morose, les Européens seront les premières victimes. La crise industrielle allemande, totalement dépendante de ses exportations, en est révélatrice. « L’effet de l’augmentation des droits de douane pourrait être amplifié dans la mesure où une proportion importante de marchandises passe les frontières à de multiples reprises au cours du processus de production », avait également averti en juin le président de la BCE. Mais, surtout le climat d’incertitude pourrait créer une rupture du cycle de croissance. Les entreprises, par exemple, en manque de visibilité préféreront reporter leurs investissements ou les embauches prévues, au risque de gripper la machine.

6 Y a-t-il un risque de krach financier ?

La tempête semblait s’éloigner, mardi, sur les places financières, après l’annonce du patron de la banque centrale chinoise, Yi Gang, d’une stabilisation du yuan. Mais le fort tangage des Bourses mondiales de ces derniers jours a rappelé combien la planète était à la merci d’un nouveau krach majeur semblable à celui de 2008, alors que les bulles spéculatives se sont reformées, comme en témoignent les records battus, semestre après semestre, par les principaux indices. Un tel scénario noir pourrait-il se produire, plongeant le monde dans une nouvelle crise ? Personne ne peut le dire à l’avance. Mais les signaux d’alerte se sont allumés dès l’annonce des mesures de Trump. La réplique de Pékin a amplifié la crispation des marchés. Le CAC 40 avait perdu 300 points (– 5 %) entre le 1er et le 6 août, et le Nasdaq américain 500 points (– 6 %).

Si l’accès de panique est passé, de nombreux voyants restent au rouge vif. L’excès de monnaie déversée sans contrepartie par les banques centrales à des taux historiquement bas pour soutenir à tout prix l’investissement et l’inflation, surfant sur l’illusion d’une ère sans fin d’« argent gratuit ». Ce qui favorise le gonflement des bulles boursières déconnectées du réel, tandis que les leviers budgétaires publics restent grippés et que la fin du cycle de croissance guette aux États-Unis. « Pour une crise financière il faut un terrain favorable : beaucoup de liquidités, un ralentissement de l’activité, et un choc, une étincelle. La dévaluation du yuan pourrait provoquer ce choc sur le marché des changes et entraîner cela », met en garde l’économiste Dominique Plihon.

7 Pourquoi l’Europe est-elle aux abonnés absents ?

Prise au dépourvu par le krach économique et financier en 2008, l’Europe est censée avoir tiré les enseignements de cette période noire, avec un arsenal anticrise renforcé grâce à la mise sur pied de l’union bancaire et de mécanismes budgétaires destinés à assurer la solidarité de ses États dans la tempête. Mais au moment où une nouvelle menace surgit, ses dirigeants paraissent singulièrement manquer de voix et d’initiative pour la contrer. « L’Union européenne n’a pas trouvé de moteur interne pour compenser la baisse de ses exportations. Elle n’a ni politique économique, ni politique commerciale. Même si elle signe des accords de libre-échange dangereux, elle laisse passer les trains », estime l’économiste David Cayla.

Du fait, notamment, de la dépendance aux exportations de l’Allemagne, première économie de l’UE, toute nouvelle restriction du commerce mondial risquerait d’entraîner le continent dans la récession. Une tragédie, alors que la croissance, poussive en comparaison des États-Unis, fait l’objet d’un soutien aussi massif que son efficacité est contestable de la part de la Banque centrale européenne (BCE). Avec un curseur bloqué en position maximum en matière de rachats de dette et de baisse des taux d’intérêt, la BCE n’a plus de marge de manœuvre pour réagir en cas de survenue d’un nouveau choc, tandis que les États sont prisonniers de dogmes qui empêchent toute réelle politique de relance. Pour Dominique Plihon, « les mesures qu’a prises la BCE pour endiguer la crise de 2008 ont créé les conditions d’une nouvelle crise. Quant aux États, ils restent dans un attentisme coupable face aux salaires trop faibles et aux immenses besoins d’investissements dans la transition écologique et les services publics ».

Sébastien Crépel, Christophe Deroubaix et Clotilde Mathieu

 

Partager cet article
Repost0

Présentation

  • : Le chiffon rouge - PCF Morlaix/Montroulez
  • : Favoriser l'expression des idées de transformation sociale du parti communiste. Entretenir la mémoire des débats et des luttes de la gauche sociale. Communiquer avec les habitants de la région de Morlaix.
  • Contact

Visites

Compteur Global

En réalité depuis Janvier 2011