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Le dossier de ce numéro d’Economie&Politique traite de la guerre commerciale qu’a engagée Donald Trump, de ses conséquences possibles mais aussi des perspectives qu’elle pourrait ouvrir. Tout d’abord, comme vous pourrez en prendre connaissance dans un article fouillé et documenté de Frédéric Boccara, il ne faudrait pas tirer des conséquences trop rapides du comportement du président américain. En effet, derrière une apparente attitude désordonnée et fantasque, existent une ligne et un objectif précis. Il s’agit de remettre les États-Unis en ordre de marche afin de leur redonner leur lustre d’avant, c’est-à-dire de continuer dans les conditions actuelles à dominer le monde avec leur monnaie, le dollar, et de demeurer le modèle indépassable d’organisation de la société. C’est dans cette optique qu’il faut situer l’attitude et les choix certes parfois hésitants mais à vocation déstabilisatrice d’un Donald Trump.
Car tout cela n’intervient pas sans raison profonde, tout ne tombe pas comme un coup de tonnerre dans un ciel serein. C’est qu’en arrière-plan, aux États-Unis, c’est-à-dire dans le cœur du capitalisme mondial, se développe une nouvelle étape de la crise de système sans doute plus importante que ce qui a été évalué jusqu’alors et qui fait passer les uns après les autres les voyants au rouge. La base sociale du système US se lézarde, moins de valeur ajoutée se crée sur le sol américain – que voulez-vous, on ne peut aller faire produire en Chine et disposer pour soi-même de la valeur qui est créée sur ce territoire –, le déficit se creuse, la dette se gonfle à un point tel que pour la première fois les dirigeants des institutions financières et bancaires, dont le président de la FED, tirent officiellement la sonnette d’alarme. En règle générale, pour rattraper le déficit, il s’agissait soit de faire varier le cours du dollar, soit de provoquer une réunion de représentants du bloc capitaliste pour leur faire avaler quelques jolies couleuvres visant à sauver le dieu dollar et le tour était joué. Tout repartait à la « normale ».
Un défi à l’hégémonie du dollar
Mais un grain de sable est venu se loger dans ce bel ordonnancement. La donne mondiale a en effet quelque peu changé. Sont entrés sur la scène internationale de nouveaux acteurs, et pas des moindres. En premier lieu la Chine qui, en 2024, selon la Banque mondiale, est devenue le premier pays au monde pour le PIB à parité de pouvoir d’achat. Et comme si cela ne suffisait pas, ce pays qui détient 770 milliards de dollars de bons du trésor américain, ce qui en fait le second créancier des USA, a eu l’idée d’engager un processus visant à se passer du dollar pour réaliser les échanges commerciaux mondiaux. C’est dans cette optique que s’est créé depuis quelques années un groupe de pays, les BRICS. Ce groupe de pays représente aujourd’hui un tiers du commerce mondial et plus de 50 % de la population. Et chacun s’accorde en son sein sur une volonté commune de sortie de la domination du dollar. Comme pour anticiper la nouvelle donne, déjà de nombreux échanges se font dans une autre monnaie, le RMB (renminbi), monnaie chinoise. L’équivalent de 648 milliards de dollars a été ainsi échangé en 2024 entre ces pays. Plus près de nous encore, en mars dernier, 54,3 % des échanges entre ces pays ont été effectués en dehors du dollar. Pour le moins, ce n’est pas tout à fait ce qu’on peut appeler un non-évènement. Et pour couronner le tout, récemment le gouverneur de la banque centrale chinoise a réaffirmé la volonté de son pays de voir se mettre en place une nouvelle monnaie commune mondiale qui serait, on peut l’espérer ainsi à la lumière des travaux de Paul Boccara sur le sujet, d’une nouvelle monnaie commune mondiale issue des DTS, un véritable outil d’échange et de développement au service de tous les peuples du monde et non plus d’un ou de quelques-uns plus particulièrement.
On peut dès lors aisément comprendre l’inquiétude des USA, ainsi que des capitalistes américains (multinationales, fonds d’investissements), incarnation même du capitalisme mondial et de sa domination politique, culturelle, militaire sur le monde, voyant cette dernière sérieusement ébranlée. On peut aussi pressentir en même temps que tout ce joli parterre de milliardaires souhaite stopper au plus vite cette évolution et réinstaller leur domination, car concrètement ou intuitivement ils sentent bien qu’un tournant décisif risque de se prendre assez rapidement. Un tournant qui pourrait ouvrir sur une nouvelle phase des relations mondiales sur les plans financiers, économiques, commerciaux et politiques à partir du contournement engagé actuellement qui, s’il se transformait en un dépassement décisif serait sans possibilité de retour en arrière. Soit une évolution de la société mondiale passant par l’installation d’un nouveau système de régulation de la mondialisation des échanges, des relations et de la coopération entre les pays et les peuples du monde à partir d’une conception visant le co-développement et non la domination et l’exploitation.
Et ce qui se joue au plan mondial, c’est-à-dire, soit une aggravation et une détérioration pouvant conduire à des conflits majeurs voire à une troisième guerre mondiale, soit une évolution progressive et déterminée vers un monde de partage, de respect mutuel pour le développement de chacune et de chacun, se joue également certes à un autre niveau, en de multiples autres domaines.
En France, crise et austérité
Comment en effet ne pas voir que les choix qui se dessinent par exemple en France, en matière budgétaire, soit dans le cadre du projet de loi Finances, soit dans celui de la Sécurité sociale, puisent leur logique dans le même type de contradiction fondamentale ? C’est-à-dire le choix entre la satisfaction des besoins humains, sociaux et écologiques, piliers du vivre ensemble, et celui de la soumission à la politique de prédation imposée par les marchés financiers et leurs logiques de rentabilité et de domination par l’argent. Il en va ainsi de la course folle à la déréglementation du ferroviaire avec l’entrée sur le marché français de compagnies étrangères et vice versa, dans le but de créer à terme les conditions de monopoles européens qui ensuite seront totalement maître du jeu. Il en va de même de la disparition ou de la privatisation de pans entiers de services publics qui devraient découler du projet de réduction de 40 milliards d’euros de la dépense publique. Des services publics pourtant indispensables à la cohésion sociale et nationale, au vivre ensemble et au bien-être de toutes et de tous. Il en va encore de même s’de la politique de santé qui laisse des zones entières sans médecins, qui ferme à tour de bras des lits d’hôpitaux, qui conduit aujourd’hui à une hausse de la mortalité infantile, résultat de plusieurs facteurs croisés que sont la disparition des maternités de proximité, la situation de précarité sociale et économique des mamans, le manque de prise en charge de la prématurité. Et comme si cela ne suffisait pas, la ministre de la Santé annonce vouloir faire 1,8 milliards d’euros d’économies dans le secteur de la santé en 2025. Mais là ne s’arrêtent pas les projets destructeurs puisqu’à la faveur du débat lancé par le conclave sur les retraites, ressortent les vieilles mais tenaces ambitions du MEDEF et de ses dignes représentants que sont Emmanuel Macron et François Bayrou. Pour eux, il y a trop de prélèvements sur le travail. Et quels sont donc ces prélèvements ? Eh bien, les cotisations sociales évidement. Donc maintenant que la branche santé de la Sécurité sociale est financée en quasi-totalité par le l’impôt (CSG et compensation TVA), il s’agit de s’en prendre au gros morceau restant : les cotisations retraites… Ainsi Emmanuel Macron nous ressort le vieux truc de la TVA sociale, un pas supplémentaire dans le sens de la fiscalisation du financement de la protection sociale. Et le MEDEF, lui, tout en nous assurant la main sur le cœur qu’il ne s’agit en aucun cas de toucher à la répartition, nous glisse astucieusement à l’oreille qu’on pourrait avoir recours à une capitalisation complémentaire pour combler le manque de financement résultant du déséquilibre démographique entre actifs et retraités. Et voilà, le vers est dans le fruit, ne reste plus, au gré des questions qui ne manqueront pas à nouveau de se poser quant au financement des retraites, qu’à dire qu’on peut augmenter sans risque la part financée par la capitalisation, jusqu’à ce que cette dernière englobe la totalité. De la sorte, il en serait définitivement fait de la Sécurité sociale qu’Ambroise Croizat nous a léguée. Pour les capitalistes, ce serait une double victoire. Les entreprises ne prélevant plus les cotisations sur la richesse que créent leurs salariés auraient tout le loisir d’orienter ces sommes vers les dividendes alors que les salariés devraient apporter leur argent à des fonds de pensions dont les marchés financiers se servent pour réaliser leurs multiples placements et opérations…
Si par cet exemple on mesure à quel point le patronat est aujourd’hui revanchard, cela ne doit pas nous faire oublier l’état de crise profonde du système capitaliste. Les grandes difficultés auxquelles il est confronté exigent de lui d’accélérer le passage à un autre stade, et par conséquent l’engagement de réformes structurelles permettant d’atteindre ses objectifs en matière de taux de profit tout particulièrement. Voilà pourquoi, dans de telles conditions, il n’a jamais été aussi déterminant, pour l’avenir du peuple de France, que le parti communiste avance avec détermination ses propositions et montre que d’autres issues existent, que face à cette crise, d’autres choix doivent être faits passant par de vraies réponses à la détresse sociale, économique, écologique et politique de nos concitoyennes et concitoyens, engageant ainsi sans plus attendre un processus de dépassement réussi de ce système. L’heure est au changement de paradigme et nous avons les moyens de le réaliser. Dans chaque article du numéro de cette revue, sont pointés les dangers de la période mais sont aussi mises en avant des pistes de réponses et des solutions dont la cohérence en fait un socle programmatique indispensable à une alternative politique qui soit à la fois crédible et radicale. Les échéances électorales qui s’annoncent, à commencer, les élections municipales doivent être des moments forts à saisir pour engager partout le débat sur la transformation sociale avec trois objectifs en tête : la satisfaction des besoins écologiques et sociaux, les moyens nouveaux de financement, et l’intervention démocratique des salariés et de la population pour s’assurer que l’argent mobilisé va au bon endroit et pour les bons projets.
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