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18 février 2025 2 18 /02 /février /2025 15:00
André Moine (photo Maitron)

André Moine (photo Maitron)

Histoires d'Algérie : Blanche et André Moine, militants communistes du PCA pendant la guerre d'Algérie 
 
Née à Fos-sur-Mer, Blanche Masson quitte les Bouches-du-Rhône et arrive avec sa mère à Alger à la fin de 1939 après l’ouverture de la guerre. 
 
Elle travaille à la fabrication des boîtes à l’usine d’allumettes Caussemille située au quartier Belcourt à Alger ; « c’était un travail très dur, on faisait 11 heures par jour, debout ».
 
Après sa libération du camp de Djenien-Bou-Rezg en mai 1943, le cadre communiste français, André Moine est employé à cette usine. Blanche Masson monte et anime le syndicat CGT de l’entreprise ; en 1947, elle devient déléguée CGT du personnel ; elle épouse, André Moine cette année-là.
 
André Moine est né dans le département de la Loire, il avait une formation d'ajusteur de précision effectuée à l'école professionnelle de Saint-Chamond. Il commença à travailler en 1924-25 à Berck-Plage (Pas-de-Calais) : c’est là qu’il « acquit ses idées révolutionnaires ». Entre 1925 et 1927, il travailla dans une entreprise d’outillage de Saint-Étienne tout en étudiant la mécanique et l’électricité. Il adhéra en 1925 à la Jeunesse communiste. Il a été responsable des Jeunesses communistes, élève de l’École léniniste internationale de Moscou, puis secrétaire régional du Parti communiste dans les Basses-Pyrénées. Arrêté en 1939 après l'approbation par la direction du PCF du pacte germano-soviétique, il est interné en Algérie (1941-1943). 
 
Libéré le 1er juin 1943, il travailla dans une fabrique d’allumettes et fut détaché par la délégation du Comité central du PCF auprès du Parti communiste algérien afin de l’aider à se réorganiser. Resté fin 1944 à Alger avec Johanny Berlioz pour expédier les affaires courantes de la délégation, il ne rentra en France qu’en octobre 1946 pour être instructeur du PCF. En mars 1947, sur proposition de Mauvais et Feix, il fut envoyé à Alger, pour être parmi les dirigeants du Parti communiste algérien, membre de son comité central (de 47 à 62) et c'est là qu'il se marie avec Blanche Masson en 47. 
 
Pour mieux s’intégrer comme « algérien d’origine européenne », André Moine travailla sur l’histoire de l’Algérie et de la civilisation arabe, multiplia les conférences et publia en 1950-1951 des articles de fond dans "Liberté" le journal du PCA, sur les questions de la nationalité et de la culture algériennes.
 
Blanche Moine adhère au PCA en 1949. Elle fait son entrée au Bureau syndical de la CGT de l’Algérois et devient secrétaire de l’UD en 1953.
 
Elle conduit particulièrement les grèves de femmes, dans le secteur bancaire à majorité européenne, au Monoprix d’Alger en mars 1952 pour protester contre un licenciement ; elle mord le doigt d’un policier qui lui arrache les tracts syndicaux.
 
Condamnée aussitôt, elle est la première femme syndicaliste emprisonnée. Elle sort au bout de huit jours après une grève de la faim et un grand meeting, gagnant en exemple auprès des femmes algériennes. Elle intervient aux usines Bastos à Bab-el-Oued où la grève des ouvrières des tabacs à composante algérienne, tient un mois. En juin 1952, candidate du PCA aux élections à l’Assemblée algérienne, dans son quartier de Belcourt, elle monte à 42 % des suffrages exprimés au second tour dans le 1er collège. Elle fait partie du Comité central du PCA.
 
Son militantisme est fondé sur une prise de conscience sociale forte à la vue de la misère algérienne ; la cité Mahieddine, qui est plus un bidonville qu’un habitat urbain, est à proximité de la place du Champ de manœuvre où se situe le siège de la CGT au Foyer civique.
 
À la transformation de la CGT en UGSA, en juin 1954, elle est la dirigeante femme auprès du secrétariat général double de Lakhdar Kaïdi promu et d’André Ruiz, l’ancien.
 
En faisant passer en premier les luttes sociales, elle a toujours été proche d’André Ruiz, non sans partager une animosité à l’égard des responsables nationalistes qui, à la CGT, pensent à la finalité nationale en renâclant sur les mots d’ordre pro-soviétiques de guerre froide et la priorité donnée au Mouvement de la paix qui met en avant l’action contre le réarmement allemand.
 
Chargé du camp de vacances de l’UGSA, en 1955, l’instituteur communiste Gaston Donnat qui a de longs entretiens avec eux, est surpris de cette rigidité alors que se développe la lutte de libération.
 
En septembre 1955, Blanche Moine fait la connaissance de Annick Pailler, de Carantec, qui travaille alors à l’Union départementale UGSA (CGT). Annick Pailler - Castel sera également interrogée et torturée par les paras pendant la guerre d'Algérie, en juillet 1957 au centre de Birtraria.
 
Comme son mari André Moine, chargé de l’imprimerie du PCA, de 1955 à 1956, Blanche Moine est vouée à la clandestinité même si ses responsabilités sont essentiellement syndicales.
 
André Moine ne fait pas partie au sein du PCA de ceux qui veulent rentrer dans l'action armée à côté du FLN. Ceux-ci sont menés par l'union des étudiants communistes, et le jeune docteur Hadjérès, de 28 ans. 
 
Le PCA, depuis le 1er novembre 1954, contraint à la clandestinité, divisé sur la ligne à suivre, connaît une crise importante. Il ne regroupe plus que 3000 à 4000 membres selon Yves Courrière (La guerre d'Algérie. Tome 2, Le Temps des léopards), européens, juifs algériens, pieds-noirs et musulmans mêlés, disséminés à Alger, Oran, Bel-Abbès et Constantine. Néanmoins, les milieux pro-coloniaux, qui avait accueilli à bras ouvert le régime de Vichy et Pétain en 40, et l'armée exagèrent de beaucoup le "danger" et l'influence des communistes en Algérie. Yves Courrière note "qu'il avait fallu toute la discipline des membres du PCA pour qu'il n'éclate pas en deux tendances: l'une représentée par Bachir Hadj Ali, Akkache, et le Dr Hadjérès, favorable à la révolution nationale algérienne, l'autre représentée par André Moine et son épouse Blanche, qui voulait freiner la participation. Moine jouait un rôle particulièrement important, étant le lien avec le PC français. Le comité central de juillet 55 vit la victoire des plus "durs". Le PCA décida de participer à la révolution mais avec sa propre organisation. Le FLN se semblait pas encore structuré, le PCA se sentait en position de supériorité, en tout cas, d'égalité. Les Combattants de la liberté étaient nés. Un maquis "rouge" se forma dans l'Orléansvillois où le FLN n'avait guère d'implantation. Duperré, une petite bourgade, fut choisie comme centre. On l'appela vite "le Petit Moscou". Une trentaine de maquisards communistes, en majorité des "Européens", s'implantèrent dans la région. C'est à ce groupe que l'aspirant Maillot, militant des jeunesses communistes, destinait le chargement d'armes avec lequel il venait de déserter... Ce maquis rouge était dirigé par un instituteur, Maurice Laban, ancien des Brigades internationales. " (Yves Courrière, Le Temps des Léopards, le livre de Poche, p.340)
 
William Sportisse, dans "Le Camp des Oliviers. Parcours d'un communiste algérien" (éditions El-Ijitihad, Alger, entretiens avec Pierre-Jean Le Foll-Luciani) raconte qu'après le Comité Central du PCA du 20 juin 1955 où la décision avait été prise de soutenir la lutte armée et d'envoyer des communistes dans les maquis de l'ALN ou des organisations armées communistes (les Combattants de la Libération), il y avait une divergence de vue profonde entre le FLN qui souhaitait la dissolution du PCA et l'adhésion individuelle à l'ALN et le PCA qui souhaitait conserver l'indépendance du Parti communiste algérien et lutter aux côtés du FLN en donnant sa couleur à la révolution. C'est la désertion d'Henri Maillot le 4 avril 1956 qui permettait au PCA d'obtenir en partie satisfaction auprès du FLN. Henri Maillot, qui connaissait le dirigeant communiste juif du PCA dans le constantinois, William Sportisse, depuis les années 1947-1948 d'engagement à l'UJDA d'Alger, avait parlé de son plan à Sportisse au cours d'une soirée où il était venu le voir clandestinement: "Comme nous étions amis, je pense qu'il se sentait particulièrement en confiance avec moi. Il m'a expliqué qu'il ne pouvait plus continuer à être dans l'armée française: il était Algérien, et il ne fallait pas qu'il se trouve dans une situation impossible. Il voulait participer à la lutte de libération. Il m'a dit qu'il convoyait des armes jusqu'à Alger, et qu'il lui était possible de les détourner. Je lui ai dit que je transmettrais cette information à la direction, mais que je ne savais pas si je serais encore là pour lui apporter la réponse... Le fait qu'il y ait des communistes européens comme Henri Maillot, Maurice Laban ou Georges Raffini qui ont pris les armes pendant la guerre de libération prouve que le PCA a joué un rôle. Parce que cette participation des Européens a été un facteur très important pour affirmer, contre ceux qui voulait travestir la vérité, que notre guerre de libération n'avait pas un caractère racial. Les Algériens luttaient pour libérer leur pays du joug colonial, d'un système. Pas autre chose. Les colonialistes n'ont pas pardonné à ces Européens d'être du côté des Algériens, car pour eux tout reposait sur la division entre communautés. Les politiciens au pouvoir en France qui ont accepté que Fernand Iveton soit guillotiné, ont refusé de prendre en compte le fait que sa bombe n'avait pas explosé et qu'elle n'aurait fait aucune victime, car l'usine était vide. François Mitterrand, alors ministre de la Justice, et René Coty, qui avaient pris la décision de l'exécution malgré la demande de grâce de l'avocat, voulaient donner un exemple à ces Européens qui avaient rejoint la lutte: "voilà le sort qu'on vous réserve. Vous êtes des traîtres". (William Sportisse, PUR 2012 et édition El-Ijtihad, Alger, 2013 - Parcours d'un communiste algérien. Le Camp des Oliviers, p. 198-199).
 
Les militants du PCA vont rester suspects du point de vue de la direction du FLN et le PCA sera lui-même très critiqué dans les documents internes du FLN. Plusieurs communistes ont été liquidés dans les maquis.
Un autre groupe s'était formé autour du journal d'Henri Alleg "Alger Républicain", avec Yahia Briki, Abdelkader Guerroudj dit "Lucien", et sa femme Jacqueline Guerroudj dont la fille Danièle Minne, née d'un premier mariage, partageait les idées, un correcteur d'Alger Républicain, Omar Oussedik, et le tourneur de l'E.G.A Fernand Yveton. Tous étaient décidés à entrer dans la Résistance à Alger. "A l'université, les étudiants communistes luttaient aux côtés des chrétiens progressistes du professeur Mandouze et des étudiants U.G.E.M.A de tendance FLN, emmenés par le futur ministre de l'information, le jeune Ben Yahia" (Yves Courrière, Le Temps des Léopards, le livre de Poche, p.341).
 
Le FLN qui prenait actes des réserves du PCA sur la lutte armée acceptait les adhésions à la révolution nationale algérienne militaire, mais à titre individuel.
 
Les armes du camion d'armes volé par l'aspirant Maillot furent finalement dirigées vers un maquis FLN à Palestro par deux voitures américaines rutilantes conduits par de grands bourgeois d'Alger, Mustapha Ben Cherchali et Mme Bachir, née Royer, non sans que le PCA ait préalablement conservé pour lui des armes et des cartouches. Le FLN se rend compte que le PCA l'a floué d'une partie des armes et ordonne une liquidation du maquis rouge.
 
Yves Courrière laisse entendre que le maquis de Henri Maillot et Maurice Laban aurait pu faire l'objet d'une dénonciation à l'armée française venue du FLN lui-même. Maillot et Laban sont tués dans l'engagement.
À la mi-août 1956, Blanche Moine est envoyée poursuivre l’action à Oran ; elle arrive juste au moment de la vague d’arrestations qui démantèle le réseau communiste et conduit une quarantaine de militants communistes dont deux filles Larribère, Gaby Gimenez, etc… en détention dans les « caves du trésor » d’Oran (anciens locaux du trésor public) puis à la prison de la ville.
 
Blanche Moine est aussitôt arrêtée et subit les pires tortures traversées d’évanouissements ; l’acharnement sadique s’exerce sur elle, femme d’André Moine, comme sur le syndicaliste des dockers, Mohamed Boualem, rescapé du Maquis rouge, pour leur notoriété de communistes vraisemblablement.
14 octobre 1956 : Rapport de Blanche Moine-Masson remis à son avocat: 
 
« Mardi, dès 7h30, on me remit sur la table en me disant : on va rigoler aujourd’hui, tu parleras, on s’en charge. Après m’avoir installée, mise nue et installée sur la table, l’électricité reprit, mais cette fois sur les seins, la gorge, les bras, le ventre, les douleurs étaient intolérables. »
 
(Cité par Nils Andersson dans un article du Club Médiapart: Pourquoi la responsabilité de l’État est-elle engagée par le recours à la torture lors de la guerre d’Algérie ? )
 
Comme Blanche Moine, nombre de militantes ou sympathisantes communistes "européennes" ou "musulmanes", seront emprisonnées, torturées, certaines violées, par les militaires, pendant la guerre d'Algérie, dont Eliette Loup, Claudine Lacascade, Lucette Puycervère, Colette Chouraqui, Lucie Coscas, Nelly Poro, Colette Grégoire (la future poétesse Anna Gréki), Annick Pailler-Castel, Jacqueline Guerroudj. Elles retrouveront en prison des militantes chrétiennes anticolonialistes comme Nelly Forget, Denis Walbert, Eliane Goutron, et des moudjahidates du FLN, Djamila Bouhired, Djamila Bouazza, Zahia Kharfallah, les soeurs Malika et Louisa Ighilahriz, etc. La liste est interminable.
 
Blanche Moine va rejoindre une grande partie de ces militantes à la prison Barberousse au-dessus de la Casbah d'Alger, où les exécutions de militants sont très nombreuses dans les années 57 - 58.  
 
222 Algériens ont été officiellement exécutés pendant la guerre d’Algérie suite à des peines capitales délivrées par des tribunaux militaires. 142 l’ont été sous la IVe République : 45 pendant que François Mitterrand était garde des Sceaux (ce sont les premières), soit une exécution tous les 10 jours en moyenne. La plus forte fréquence revient au gouvernement Bourgès-Maunoury, qui a commis 29 exécutions en trois mois (soit une tous les trois jours). 80 exécutions ont eu lieu sous de Gaulle (soit une tous les 20 jours), bien qu’il ait amnistié 209 condamnés à mort en janvier 1959, commuant leur condamnation en peine de prison à vie, notamment grâce au travail de recours en grâce d'avocates comme Gisèle Halimi. Avant cette date, la guillotine a continué de fonctionner ; après, les militaires ont changé de mode opératoire : ils ont eu recours aux pelotons d’exécution.
 
Le journal algérien "L'expression" retenait en octobre 2023 dans un article d'hommage à Eliette Loup, née en 1934 à Birtouta, dans la Mitidja, étudiante communiste au service du PCA clandestin en 1955, travaillant au courrier comme agent de liaison du PCA clandestin, s’occupant du courrier, des tracts, de l’imprimerie, travaillant auprès d’André Moine, secrétaire français du PCA, et d’Ahmed Akkache, secrétaire du PCA chargé du journal "Liberté", ce témoignage de la militante torturée à la Villa Sésini en 57:
 
" Eliette Loup était une femme dotée d'un courage exemplaire, elle faisait face à la torture et aux méthodes barbares utilisées par ses bourreaux, avec une témérité si rare. Dans ce sens, elle a rappelé cette période dans ses témoignages en soulignant: «J'étais le dernier maillon de la chaîne, avant que ne soient pris les deux dirigeants, un camarade ayant parlé sous la torture. (...). À la villa Sesini, le régime était la torture systématique pour faire parler. (...) J'ai subi la torture pendant quatre jours et quatre nuits. J'étais attachée, c'est-à-dire liée aux pieds et aux mains comme un mouton (...). «Au bout de quatre jours, ils n'ont rien obtenu, je ne servais plus à rien, ils m'ont transférée à la prison de Barberousse actuelle Serkadji. Il y avait Anna Grecki, Colette Chouraqui, Blanche Moine, l'épouse d'André Moine que j'avais accompagnée jusqu'à la gare de Blida lorsqu'elle dut partir à Oran, rejoindre l'ALN le 15 août. Elle sera arrêtée, torturée avec Gaby Jimenez, Joséphine Carmona, dans les «Coffres du trésor» d'Oran, Jacqueline Guerroudj, condamnée à mort, était également là. Je sortais de la torture, j'étais complètement déboussolée», disait-elle sur sa période passée en prison, subissant la torture."
 
D'autres comme Raymonde Peschard mourront au maquis, exécutée, après avoir été désarmée, par des militaires en novembre 57 pour Raymonde Peschard.
 
En juin 57, c'est le mathématicien communiste de 25 ans, l'assistant à la faculté des sciences Maurice Audin, arrêté dans son HLM de la rue Gustave Flaubert, qui va disparaître (être liquidé) après avoir été torturé par l'armée française au centre de tri d'El-Biar. Pendant la "bataille d'Alger", il y eut probablement 4000 exécutions extra-légales après torture commises par l'armée selon Yves Courrière selon une comptabilité macabre tenue par Paul Teitgen. Personne ne devait revoir Audin vivant, lui qui avait une fiancée, Josette, et trois enfants, si ce n'est Henri Alleg, le directeur d'"Alger Républicain", détenu et torturé avec lui, qui laissera un témoignage éblouissant de la barbarie de la politique coloniale française dans "La question".
 
Au procès des communistes pour association de malfaiteurs, un premier jugement du Tribunal militaire d’Oran, le 25 juillet 1957, la condamne à dix ans de prison.
 
Le jugement est renvoyé, et les femmes qui sont françaises, dont Blanche Moine et Jacqueline Guerroudj, sont transférées dans des prisons en France, aux Baumettes à Marseille, puis à la Petite Roquette à Paris, et enfin à la prison de Laval dont Blanche Moine sort au milieu de 1961. La CGT en fait la gérante de sa librairie parisienne tandis qu’André Moine reprend place dans les organismes du PCF.
 
Totalement clandestin dès février 1956, André Moine fut arrêté par les parachutistes le 25 juillet 1957, interrogé par la P J, par la DST et par les militaires, brutalisé mais non torturé comme l’avait été sa femme. Il fut condamné à 5 ans puis à 20 ans de prison et sa femme à dix ans de travaux forcés. Ils furent libérés en avril 1962 au lendemain des accords d'Evian.
 
Chargé de mettre en route le service de documentation du PCF, André Moine se vit confier en 1964 un rapport au Bureau politique sur Vatican II et fut engagé dans les rapports avec les milieux chrétiens. Il poursuivit cette réflexion dans le cadre du CERM (Centre d’études et de recherches marxistes) et devint en 1966 administrateur de l’Institut d’histoire Maurice Thorez.
 
Retiré au Boucau, André Moine multiplia les entretiens avec de vieux militants, des chrétiens, publia des livres de souvenirs comme des réflexions politiques et philosophiques et collabora aux revues de l’Institut de recherches marxistes. Sa grande liberté de parole comme sa vivacité intellectuelle en faisaient un témoin apprécié par les historiens.
Blanche Moine est décédée à Le Boucau (Pyrénées-Atlantiques) en 1983 et André Moine est mort à l'automne 1994, lui aussi au Boucau
Le journal L'Humanité rapporte, sous la plume d'Arnaud Spire, à son décès qu'il avait adhéré au Parti communiste à Saint-Etienne en 1925, à 16 ans:

"André Moine sera successivement artisan du Front populaire, contrebandier d’armes pour l’Espagne, bagnard aux portes du désert, déporté. Libéré à Alger en 1942, il reprend sa vie de militant de base et ne rentre en France qu’en 1946. Un an plus tard, on lui demande de retourner en Algérie pour être intégré au Parti communiste algérien. Ce Français de France deviendra communiste algérien et participera à la direction de son parti, le PCA. C’est à ce titre qu’il sera arrêté en 1957, emprisonné et libéré au lendemain des accords d’Evian. Cet être exceptionnel incarnera longtemps l’intérêt commun des peuples algérien et français contre le colonialisme, pour l’indépendance nationale et de vraies coopérations.

A sa découverte de l’islam et de la civilisation arabe, s’ajoute, à son retour, l’apprentissage du métier d’historien, notamment de l’histoire des religions. C’est ainsi qu’il anime bientôt, avec tact et efficacité, le secteur des relations avec les chrétiens. Il a été l’un des tout premiers communistes français à mesurer la portée de la conception marxiste de la religion, qui n’a rien d’un athéisme de principe et qui est la seule à reconnaître à la foi sa singularité irremplaçable. Jusqu’à sa mort, il envoyait au journal de son parti des articles destinés à attirer l’attention de ses camarades de combat sur le renouvellement des convergences entre communistes et croyants.

Dans la dernière partie de son autobiographie intitulée «Drames personnels et renouvellement», il avait raconté avec émotion la mort de Blanche, sa compagne de quarante ans de luttes communes et le bouleversement de sa vie personnelle qui s’en était suivi. Il habitait une petite maison nommée «Lagunzatik», ce qui signifie en basque «fait par les camarades».

Il est mort en cohérence, avec les siens, son existence, et son idéal.

(1) «Une vie exceptionnelle dans le siècle. Un chemin de combats et d’espérances pour les hommes. Témoignage.» Préface de Charles Fiterman. Editions J & D."

 
Sources:
 
- Journal L'Humanité, article d'Arnaud Spire au décès d'André Moine
 
- Article du journal Le Monde au décès d'André Moine
 
- Journal algérien L'Expression
 
- Nils Andersson, article du Club Médiapart: Pourquoi la responsabilité de l’État est-elle engagée par le recours à la torture lors de la guerre d’Algérie ? (4 mars 2024)
 
- Yves Courrière, Le Temps des Léopards (La guerre d'Algérie, tome 2)
 
- William Sportisse, Parcours d'un communiste algérien, Le Camp des Oliviers (entretiens avec Pierre-Jean Le Foll-Luciani), Editions El Ijtihad-Alger, 2013 (Et presse universitaire de Rennes, 2012)
 
- Anna Gréki: Les mots d'amour, les mots de guerre, de Abderrahmane Djelfaoui (Casbah éditions, 2016)
 
- Articles du Maitron, dictionnaire du Mouvement ouvrier, sur André et Blanche Moine:
https://maitron.fr/spip.php?article162055, notice MASSON Blanche [Dictionnaire Algérie] par René Gallissot, version mise en ligne le 1er août 2014, dernière modification le 1er août 2014.
https://maitron.fr/spip.php?article50762, notice MOINE André. Pseudonyme à l'ELI : BOULOGNE Marcel par Jean-Paul Scot, version mise en ligne le 28 juin 2009, dernière modification le 24 février 2022.
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