Pierre Dharréville a hésité à enlever la boucle à son oreille gauche. Mais c’est Véronique, son épouse, qui la lui a offerte, et c’est aussi une part de son identité depuis qu’il a 20 ans. « Un choix esthétique », plaide le quadragénaire. Alors, pour la photographie sur son badge à l’Assemblée, il la porte. Il a décidé qu’il ne l’ôtera pas non plus dans l’Hémicycle. Ce matin caniculaire, à la terrasse du café Le Bourbon, le tout jeune élu de Martigues croise le député LR, Thierry Solère, quelques frontistes comme Gilbert Collard et Sébastien Chenu, de nombreux attachés parlementaires en quête d’un poste. Il porte un costume-cravate, comme il se doit, est affublé d’une mallette pleine de documents. Mais il ne ressemble à aucun autre.
Musicien, écrivain, journaliste, il a travaillé à L’Humanité, où il a assuré le suivi de Lionel Jospin lorsqu’il était Premier ministre au début des années 2000, œuvré à la relance du magazine Pif Gadget, été la plume de Marie-George Buffet. En 2014, il a empêché la liquidation judiciaire du journal communiste La Marseillaise et en est devenu le président pendant quelques mois. Encarté au Parti communiste depuis 1999, il s’assume chrétien. Même si, sur ce dernier sujet, il a ses pudeurs. « Je ne cache pas que je suis catholique, mais je veux être le représentant de tous, il y a une dimension laïque à mon engagement », dit-il. Il porte une laïcité ouverte, qui ne nie pas la pluralité des croyances, comme il l’a écrit dans son livre La laïcité n’est pas ce que vous croyez (L’Atelier, 2013). « C’est un homme engagé, travaillé par une spiritualité questionnante. Son inspiration est clairement évangélique », témoigne Bernard Stéphan, directeur des Éditions de l’Atelier, éditeur de plusieurs de ses ouvrages. Son écriture, dans ses romans, est charnelle, flamboyante, et baigne dans un univers d’engagement social et politique. Le titre de son premier livre lui colle d’ailleurs à la peau : Quelque chose dans le ventre.
Il pourrait aussi tout à fait incarner un personnage dans un film de Robert Guédiguian, avec qui il est ami. Ses valeurs ? « Justice, fraternité, dignité, et aussi se montrer capable de pardon, accepter qu’un homme puisse changer au cours de son existence », confie-t-il. Aussi défendra-t-il des sujets au cœur de ses préoccupations et de celles des habitants de sa circonscription : la question industrielle avec les sites pétrochimiques de Martigues et de Fos ; les problématiques institutionnelles avec ses interrogations sur une VIe république ; la défense des services publics. Pendant sa campagne, il a soutenu une pétition de 5000 signataires pour le maintien d’une antenne de la Sécurité sociale à Port-de-Bouc. « Je me bats pour faire droit à des gens broyés par la machine économique. L’affrontement de classes, je sais ce que c’est », résume-t-il.
Ces enjeux sont dans le droit fil de ce pour quoi il a toujours milité. Tout petit, il était membre de l’Action catholique des enfants. « C’était là mon lieu d’église plus que la messe dominicale », se souvient-il. Puis ce Nîmois adhère à la Jeunesse ouvrière chrétienne (Joc) dont il devient permanent national en 1996. C’est là qu’il rencontre sa future épouse, comme ses propres parents, Michel et Hélène s’étaient déjà rencontrés par ce biais. Il les a toujours vu militer à la Mission ouvrière catholique et dans des engagements syndicaux. Sa mère, à la CFDT ; son père, à la CGT. « J’ai eu un choix personnel à faire », sourit-il. Ce fut donc l’adhésion au PC. Une évidence pour ce petit-fils d’un mineur et d’un ouvrier dans une scierie, et d’une grand-mère immigrée italienne, employée de maison : « Je suis porteur d’idéaux forts et je voulais mettre les mains dans le cambouis. »
Ce sont ces idéaux qu’il veut transmettre à ses trois filles de 11, 13 et 15 ans. « Je veux qu’elles soient de belles personnes, admet-il. J’ai un rôle à jouer pour cela, cela crée une exigence. » Il n’hésite pas aussi à nous confier, comme certains jeunes pères de sa génération, la souffrance et la culpabilité de ne pas les voir suffisamment, en raison de ses nombreux engagements, « alors que j’ai tant à apprendre d’elles ». Il n’en dira pas davantage. « Il a un peu de mal à fendre l’armure », regrette Nathalie Lefebvre, sa conseillère.
Ce que je crois :
« Nous sommes dans une crise financière, sociale, écologique, mais je le dis dans mes débats publics : nous sommes aussi dans une crise de sens, une crise anthropologique. »
Passé :
15 juin 1975 : Naissance.
1989 : Entre à la Joc.
1999 : Prend sa carte au PCF.
2000 : Mariage avec Véronique, puis naissance de leurs trois filles en 2002, 2004 et 2006.
2008 : Secrétaire de la fédération PC des Bouches-du-Rhône.
2009 : Premier roman : Quelque chose dans le ventre (Arcane 17 Association).
2013 : Tour de France pour La laïcité n’est pas ce que vous croyez (L’Atelier).
Présent :
Élu député de Martigues avec 62,41% des voix.
Futur :
Il combattra la nouvelle loi travail et défendra, avec les communistes, un code du travail du XXIe siècle qui mette en œuvre le progrès social.