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8 décembre 2024 7 08 /12 /décembre /2024 11:59
" Les luttes des Penn Sardin, quelques souvenirs…." - par Piero Rainero

Les luttes des Penn Sardin, quelques souvenirs….

Ma mère Marie-Thérèse Moulac avait 14 ans à l’époque et travaillait aux Établissements Bézier. Le Bézier qui était alors le responsable du syndicat patronal des industriels de la conserve et dont le Préfet du Finistère, dans une note au Ministère du Travail qui fut rendue publique par le journal « Le Temps » , disait qu’il était « Le plus impopulaire et détesté de tous. »

Ma mère, comme les autres Penn Sardin, n’avait rien oublié.

Elles parlaient toutes de ce mouvement avec une légitime fierté. Évoquant « les conditions de travail très dures », les « petits salaires » et « la misère des gens », « l’autoritarisme flirtant avec la violence du patronat », leur participation aux manifestations, aux confrontations avec les gendarmes à cheval dans les petites rues du port, la tentative d’assassinat du maire communiste, Daniel le Flanchec, par des malfrats recrutés à Paris et grassement payés par les industriels pour semer le désordre dans la ville, les meetings aux Halles et les chants entonnés en chœur dans les usines et qu’elles chantaient encore, 50 ans après, avec la même émotion et la même colère qu’au temps de leur jeunesse. Je me souviens d’une réunion de la section du PCF de Douarnenez, au tout début des années 70, où une Penn Sardin entonna plusieurs de ces chansons reprises par l’assemblée dont le maire Michel Mazéas.

Lorsque certaines d’entre elles étaient surprises dans les ateliers à chanter, elles étaient immédiatement « mises à la porte ». Dans le pays bigouden, des chefs d’entreprise allaient jusqu’à faire signer des engagements à ne pas chanter des chansons comme par exemple ce chant ouvrier né dans le Nord de la France dans la seconde moitié du 19ème siècle et devenu emblématique de la lutte des sardinières :

 

« Saluez, riches heureux,

Ces pauvres en haillons,

Saluez, ce sont eux

Qui gagnent vos millions. »

 

Lorsque la fatigue et le manque de sommeil font tomber les paupières, que les gestes mécaniques ininterrompus, mille fois répétés pendant des heures, engourdissent les doigts et rendent les mains maladroites, chanter faisait oublier la dureté du travail dans le froid, l’humidité, le bruit incessant des machines, et les odeurs âcres, irritant les yeux et la gorge, de l’huile de friture et des viscères de poissons qui imprégnaient les vêtements.

Chanter donnait de l’énergie, de l’espoir, faisait vivre la solidarité, la confiance, comme un support, un moteur, de la conscience entre ces ouvrières, tout en étant l’affirmation d’une forme de résistance.

Le chant est un moyen d’expression universel pour porter la colère, la tristesse, la joie, l’espérance.

Les esclaves noirs chantaient dans les champs de coton aux USA.

«  On se battait pour notre dignité, tout simplement, et la dignité c’était pour nous des salaires décents qui nous permettent de vivre normalement et des conditions de travail plus humaines. » Combien de fois n’ai-je pas entendu cela dans les propos de ces Penn Sardin douarnenistes que j’ai rencontrées. Le mot qui revenait le plus dans leurs récits était celui de « dignité ».

Cette grève dont on parlait peu jusque dans les années 70, sinon que dans les familles de ses derniers acteurs et témoins, eut en son temps, un grand retentissement national.

Marcel Cachin alors député de la Seine et directeur de « L’Humanité » se déplaça à Douarnenez où il s’adressa aux grévistes en breton. Ma mère et d’autres s’en souvenaient très bien. Une ouvrière me dit un jour à ce propos : « Ça nous avait marqué un Parisien qui parlait breton. » Elles ignoraient alors que Marcel Cachin était un Breton bretonnant de Paimpol.

Ce mouvement des Penn Sardin est, depuis quelques années, l’objet d’études et de travaux universitaires. Sociologues, historiens, chercheurs, étudiants publient livres et articles qui rencontrent un large écho. Des journalistes recherchent les documents d’époque pour en faire des documentaires. Des conférences sont organisées, des cercles culturels montent des spectacles, de jeunes musiciens écrivent des chansons sur lesquelles dansent les générations nouvelles.

Il n’y a pas de plus bel hommage qui puisse être rendu à toutes ces combattantes pour le respect des droits humains qui ont écrit, il y a un siècle, cette belle page des luttes ouvrières en Bretagne.

Au front du profit « des capitalistes de la conserve » ainsi que Marcel Cachin nomma dans une intervention à la tribune de l’Assemblée Nationale les patrons d’usines de Douarnenez, elles opposèrent, pendant 46 jours, le front uni des luttes sociales pour la justice et le progrès.

Et elles furent victorieuses.

 

Piero Rainero.

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8 décembre 2024 7 08 /12 /décembre /2024 11:03
Décembre 2024: le maire communiste de Douarnenez, Daniel Le Flanchec, destitué (Ouest-France, 8 décembre 2024)
Décembre 2024: le maire communiste de Douarnenez, Daniel Le Flanchec, destitué (Ouest-France, 8 décembre 2024)
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22 novembre 2024 5 22 /11 /novembre /2024 06:21
Il y a cent ans, les Sardinières de Douarnenez entrent en révolte... jusqu'à la victoire - Bernard Frederic, L'Humanité, 15 novembre 2024
Il y a cent ans, les Sardinières de Douarnenez entrent en révolte... jusqu'à la victoire

Hiver 1924, à Douarnenez, dans le Finistère. La révolte des femmes « pour les sous » a mis le premier port sardinier de France à l’arrêt. La partie semble perdue face au patronat des conserveries. Mais, soutenue par la municipalité et le jeune PCF, la grève s’organise, se durcit, jusqu’à prendre une dimension nationale. Après quarante-six jours de combat, elles arracheront bien plus que la victoire.

Le port de Douarnenez est, en France, depuis le XIXe siècle, le principal centre sardinier de la côte ouest et la capitale de l’industrie de la conserve. Les hommes sont des pêcheurs, leur mère, leur femme ou leurs filles travaillent dans les conserveries qu’on appelle les « fritures », car il faut faire frire les sardines dans l’huile avant la mise en boîte. Ces ouvrières, on les appelle, en breton, les « Penn Sardin » : « têtes de sardine », à cause de la coiffe qu’elles portent lorsqu’elles travaillent.

La fabrication des boîtes en fer et la conserverie se sont développées de concert. Issu de la campagne bretonne, tout un prolétariat s’y consacre. Les hommes s’occupant de la pêche, on y trouve, à part les soudeurs, surtout des femmes, tant dans la métallurgie que dans la conserverie. Dans ces usines, l’exploitation est terrible. Elle est source d’une lutte de classe souvent violente, comme en 1905, quand les sardinières, alors payées au mille de sardines travaillées – le mille ! –, exigent d’être payées à l’heure. Elles sont 2 000, un jour de juin 1905, à se réunir pour adhérer au syndicat qui luttera pour le travail à l’heure. Elles sont, encore, 2 000 à manifester derrière le drapeau rouge. Et elles gagnent !

L’histoire de Douarnenez s’en trouve durablement marquée. En décembre 1919, les socialistes, très influents en cette cité ouvrière depuis l’avant-guerre, accèdent à la mairie. Mais une majorité de conseillers rejoignent la SFIC (Section française de l’Internationale communiste). En 1921, Sébastien Velly, un communiste, est élu maire. Une première en France ! Hélas, ce tapissier de 43 ans meurt d’une phtisie galopante le 18 juillet 1924.

« Pemp real a vo ! » : 1,25 franc de l’heure

Les candidats communistes remportent au début de l’automne les nouvelles élections partielles. Parmi les élus, le secrétaire départemental du parti, Daniel Le Flanchec. Il est élu maire de Douarnenez, le 7 octobre 1924. À 43 ans, Le Flanchec, né à Trédrez, près de Lannion, a un passé anarchiste dont il reste plus que des traces. Il a soutenu, jadis, la bande à Bonnot. Borgne, il arbore deux tatouages : « Mort aux vaches » sur la main droite et « Entre quatre murs, j’emmerde la sûreté » sur la main gauche. Mais il est surtout un remarquable orateur, qu’il s’exprime en breton ou en français. Il est proche des gens ; les ouvrières le vénèrent.

Le 21 novembre 1924, 100 ouvrières et 40 manœuvres de l’usine Carnaud, la « Méta » comme on l’appelle, parce qu’on y fabrique les petites boîtes en fer dans lesquelles sont rangées les sardines, débrayent. En cause, les salaires. Par petits groupes, souvent en chantant, les grévistes vont d’une usine à l’autre propager leur revendication, 1,25 franc de l’heure : « Pemp real a vo ! » (25 sous nous aurons !).

Les sardinières gagnent alors entre 64 et 72 francs par semaine. Elles effectuent jusqu’à 80 heures de travail en cinq jours. Les heures de nuit et celles du jour sont payées à l’identique. Le temps d’attente n’est pas intégré au salaire. Or, c’est le poisson qui décide du travail. Pas de poisson, pas de travail, pas de salaire. Quand les bateaux déchargent leur cargaison, de nuit comme de jour, les sirènes retentissent. Il faut alors courir vers les ateliers. Là, c’est la puanteur, le mélange de l’huile bouillante et du poisson. « C’est du Zola ! » dira Charles Tillon, le responsable de la CGTU.

Le 23 novembre, un dimanche, les sardinières marchent toute la journée dans la ville. Le 25, toutes les usines débrayent. On en compte 21 : 3 000 grévistes, plus de 70 % de femmes. Douarnenez n’est qu’un cri : « Pemp real a vo ! » Chaque jour, les grévistes se rassemblent dans les halles de la ville afin de discuter de la suite des événements. Un comité de grève est élu, comptant 6 femmes sur 15 membres. Il cherche à négocier avec les représentants du patronat.

Une dimension nationale

À la mairie, Le Flanchec est mobilisé. Il faut organiser la solidarité. Les hommes dont les femmes, les mères ou les filles, parfois les trois, sont grévistes, apportent le poisson. On fait la soupe. La municipalité ouvre aux grévistes ses cantines scolaires. Le Flanchec n’est pas seul. Charles Tillon, le représentant régional de la CGTU, est là. À 28 ans, il s’est déjà fait un nom. Il a participé aux mutineries des marins de la mer Noire quand ils refusèrent de tirer sur les bolcheviques en 1919 ; il a été condamné au bagne militaire au Maroc. Libéré, il a adhéré au PCF naissant. Ajusteur à Rennes, il rejoint la CGTU, dont il devient « permanent » en cette année 1924.

À Douarnenez, Tillon, est rejoint par Marie Le Bosc, déléguée syndicale des tabacs, puis par deux « Parisiens », Maurice Simonin, du syndicat de l’alimentation, et Lucie Colliard, institutrice révoquée, responsable du travail des femmes à la CGTU, membre du comité directeur du Parti communiste. Lucie Colliard est très connue et respectée. Elle a été déléguée au 3e congrès de l’Internationale communiste, avec Souvarine et Vaillant-Couturier. Elle connaît Lénine. Elle sait ce qu’est le « travail d’organisation ».

Les patrons ne cèdent rien. Béziers, par exemple, est à la tête de 11 usines, dont 6 dans le Finistère. Amieux dirige 14 fritures, Saupiquet 10. Pour eux, le manque à gagner d’une grève à Douarnenez est compensé par un travail à plein rendement dans un autre port. Le 4 décembre, un charretier tente de déposer des stocks de conserves à la gare située au bout du pont qui, enjambant la ria du Port-Rhu, relie Douarnenez à Tréboul. Des grévistes barrent le pont.

Le Flanchec et Arthur Henriet, député communiste de la 2e circonscription de la Seine, ceints de leurs écharpes, essayent de s’opposer au déchargement. Le préfet du Finistère estime qu’il y a là entrave à la liberté du travail. Le 5 décembre, à 18 heures, il suspend Le Flanchec pour un mois. Son adjoint, Le Cossec, assure l’intérim. L’affaire est grave. La grève prend une dimension nationale. Daniel Renoult, journaliste à « l’Humanité », arrive à Douarnenez. Chaque jour, il y alimente la chronique des événements. Souvent, ses articles font la une.

« C’était une grève pour le besoin, on n’était pas politique »

À Douarnenez « la Rouge », les jours passent, rythmés par les « processions » (les manifestations quotidiennes). Lucie Colliard raconte : « Il y a 200 ouvriers environ dans les usines de sardines. Mais les femmes, soutenues par les marins pêcheurs, furent l’âme de ce beau mouvement. Il y eut des manifestations de 4 000 à 5 000 personnes, dans cette ville de 12 250 habitants. Et c’étaient les jolis bonnets blancs des femmes qui dominaient. Quand les marins les accompagnaient, avec leurs costumes de toile rouge imperméabilisée, on aurait dit, le long de la mer, une longue guirlande de pâquerettes et de coquelicots. Et les chants ne cessaient pas. Et sur l’air des lampions : « Pem rel avo ! Pem rel avo ! Pem rel ! » (C’est 25 sous, c’est 25 sous, qu’il faut !).

– Il faut nous copier « l’Internationale » : nous ne savons que le refrain.
– C’est entendu, Marie. Vous aurez votre « Internationale ». »

Elle fut copiée, puis tirée à l’imprimerie à 2 000 exemplaires, vendus 2 sous. Il n’en resta pas un. Sous la halle, à la fin des meetings et dans les manifestations, 2 000 femmes et plusieurs milliers d’hommes chantaient le bel hymne d’Eugène Pottier d’un bout à l’autre, religieusement. Et c’était beau, beau comme les foules russes quand elles chantent ! » 1

Les patrons et la droite dénoncent une « grève révolutionnaire », parlent du comité de grève comme d’un « soviet ». Le ressenti des ouvrières est bien autre : « C’était une grève pour le besoin. On n’était pas politique. On allait à la messe de 9 heures. Chacun avait son opinion, mais on n’avait pas l’opinion des riches, par exemple ! 2 »

À la suite des incidents du 4 décembre, Justin Godard, ministre du Travail du Cartel des gauches alors au pouvoir, décide de convoquer à son bureau patrons et grévistes. Le 15 décembre, 3 000 personnes accompagnent la délégation qui prend le train pour Paris. La délégation comprend trois femmes : Anna Julien, caoutchouteuse chez Carnaud, Mme Morvan et Alexia Pocquet. Elles sont accompagnées par deux secrétaires locaux de la CGTU, Jequel et Vigouroux. Lucie Colliard et Maurice Simonin sont également de la partie. Tous posent pour la une de « l’Humanité ».

1 franc pour les femmes et à 1,50 franc pour les hommes

Entre-temps, les sardinières ont reçu une bonne nouvelle : le 13 décembre, Mme Quéro, propriétaire d’une friture, a accepté les demandes d’augmentation salariale des grévistes. Une belle victoire et une brèche dans le front patronal. Mais à Paris, rien ! Les patrons ne lâchent rien. Le quotidien communiste titre : « Incroyable bravade des patrons ». Sur les quais du Rosmeur, la colère est immense, la tension très vive.

Le 20 décembre, au Pré-Saint-Gervais, un grand meeting national est organisé par le Parti communiste, « pour l’unité syndicale, contre le fascisme ». La lutte des Penn Sardin est de tous les discours : Jacques Doriot, Paul Vaillant-Couturier, Marcel Cachin. Daniel Le Flanchec est ovationné. « L’Humanité » a compté 20 000 participants. Le 22, le contrat entre Mme Quéro et les sardinières est signé. Il porte l’heure à 1 franc pour les femmes et à 1,50 franc pour les hommes, avec 50 % d’augmentation après minuit ou après la dixième heure de travail. L’usine Quéro ouvre à nouveau ses portes le 23 décembre.

Bientôt arrive Cachin. « Le père Cachin parlait breton. Il était du pays et du temps de Jaurès… Les femmes de Douarnenez raffolaient de Cachin, qui émaillait ses discours de mots qui faisaient rire », raconte Tillon3. C’est le jour de l’An. Dans les cafés, on chante, on boit et puis, surtout, on discute. Vont-ils céder ? Qui va céder ?

Raynier, du syndicat « jaune » l’Aurore syndicale, est en ville avec 15 de ses amis. Ils affirment qu’ils vont « casser » la grève. Il est 18 heures, ce 1er janvier 1925, au bistrot l’Aurore. Le Flanchec fête le Nouvel An avec son neveu et ses amis, comme Henriet, le député parisien. Et ils chantent. Soudain, on le demande. Des « jaunes » l’attendent dehors. Le Flanchec sort, il s’approche. Des coups de feu claquent. Il s’écroule. Son neveu est allongé près de lui, gravement blessé. Le maire est transporté à Quimper.

Après 46 jours de grève, les Penn Sardin ont gagné

À Douarnenez, la colère explose. La foule envahit l’hôtel de France, où les patrons ont leurs habitudes. Les lieux sont mis à sac. Les dirigeants syndicaux font alors preuve d’un remarquable sang-froid, d’un grand esprit de responsabilité. Ils improvisent un grand meeting aux halles, pour empêcher la foule de s’en prendre aux maisons des patrons. Plus tard, le préfet saluera l’« attitude responsable des leaders communistes » après le drame. Le 3 janvier, « l’Humanité » titre sur six colonnes : « À Douarnenez : première flaque de sang fasciste ! » Toute la une est consacrée à cette « journée sanglante, la tragédie de Douarnenez ».

Alors que les nouvelles de Le Flanchec sont plutôt rassurantes, on apprend que Béziers et Jacq, les deux grands patrons des conserveries, avaient, en décembre, rencontré les « briseurs de grève » et demandé leur intervention. On saura bientôt qu’ils leur ont versé de l’argent. Le 5 janvier, Le Flanchec revient. Une balle lui a traversé la gorge, il ne peut presque plus parler. À la gare, 10 000 manifestants l’applaudissent. 

Le 8 janvier, le syndicat patronal accepte de signer un accord. Les Penn Sardin ont gagné au terme de 46 jours de grève. « Il y a des moments où il fait bon vivre », écrit Daniel Renoult, dans « l’Humanité ». Le 10 mai 1925, pour la première fois, une femme est élue conseillère municipale sur la liste communiste de Le Flanchec : Joséphine Pencalet, veuve de marin, ouvrière aux conserveries. L’élection sera invalidée mais un grand pas vient d’être fait.

  1. « Une Belle Grève de femmes : Douarnenez », de Lucie Colliard, librairie de l’Humanité, 1925. ↩︎
  2. « Les Ouvrières de la mer. Histoire des sardinières du littoral breton », d’Anne-Denes Martin, Paris, l’Harmattan, 1994. ↩︎
  3. « On chantait rouge », de Charles Tillon, Paris, Robert Laffont, 1977. ↩︎
Il y a cent ans, les Sardinières de Douarnenez entrent en révolte... jusqu'à la victoire - Bernard Frederic, L'Humanité, 15 novembre 2024
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18 septembre 2024 3 18 /09 /septembre /2024 05:22
Invitation conférence sur Joséphine Pencalet les candidatures féminines du parti communiste aux élections dans l'entre-deux guerres, avec Fanny Bugnon et Louise Bur Palmieri
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8 septembre 2024 7 08 /09 /septembre /2024 12:17
Hommage du PCF à Jean Dréan, notre camarade, aux obèques de Jean le 6 septembre 2024

Aux obsèques de Jean Dréan ce 6 septembre, nous avons lu cet hommage après l'intervention d'Hélène Fosset Dréan la fille de Jean et avant celle, très émouvante aussi, de Marion et Vincent, les petits-enfants de Jean et d'Annick.

Hommage à notre camarade Jean Dréan

Chers Hélène, cher Vincent, chère Marion, chers petits-enfants, et arrières-petits-enfants, chère famille et chers amis et camarades de Jean,

Et toi, notre cher Jean,

On t’aimait tant.

Tu étais toujours là, dans notre vie militante, homme d’action et de terrain, avec tellement d’aventures rocambolesques et de morceaux de bravoure au compteur, tellement d’entrain, d’humour.

Tu étais un roc, un socle solide sur lequel s’appuyer et continuer à bâtir, un passeur de mémoire, d’engagement et de savoir-faire militant pour les plus jeunes, un homme pour qui la retraite de l’implication sociale et politique et le repos étaient inenvisageables face à l’ampleur des injustices, des souffrances sociales, des attaques infligées aux services publics.

Jean le passionné, l’intranquille. Jean le têtu, l’homme libre et obstiné. Jean l’attentionné et le généreux aussi qui aidaient les autres.

Jusqu’au bout, à Morlaix et Plouigneau, à 80 ans encore, tu était toujours vert, toujours jeune et combatif, prêt à te battre pour tes idées, le droit à la santé, le droit à l’autonomie des personnes âgées, les conditions de vie dans les EHPAD, les services publics de proximité comme la Poste, la perception de Plouigneau.

Même si tu étais en maison de retraite depuis près de 10 ans, on pensait très souvent à toi. Tu nous manquais dans notre quotidien militant.

Comment t’oublier? Tu m’écrivais très souvent jusqu’à il y a un an et demi, deux ans environ. Avec des revues de presse sur la santé, les EHPAD, les cris d’alarme et de détresse des personnels, des usagers, des associations, la vie du rail, et des argumentaires personnels, les copies de tes lettres à la direction du parti, de la CGT, de l’Humanité, aux ministres et parlementaires, et même à l’Élysée.

Tu ne te décourageais pas. Tu étais infatigable. Tu avais pour toi le droit, la justice, la lucidité, et même si tu t’adressais aux autorités poliment, tu les mettais face à leurs responsabilités, et tu avais raison. J’ai gardé tes lettres, tes dossiers de presse – ils remplissent mes classeurs, mes étagères et mes placards - et ils ont été pour moi des guides en continu pour mes interventions dans les réunions nationales du Parti, les Congrès, et dans les assemblées d’élus, conseil municipal et conseil départemental où j’interviens très souvent sur les personnes âgées et les mobilités ferroviaires, la ligne Morlaix-Roscoff, toujours en pensant à toi, pour qui j’avais une très grande affection, un immense respect.

Tu incarnais un modèle d’intégrité et d’activisme.

« Jean c'était aussi Annick, jamais l'un sans l'autre et c'était beau de les voir ensemble » ont écrit nos camarades de la CGT et de la section PCF Morlaix Annie et Jean-Luc Le Calvez, qui connaissent Jean et Annick depuis le début des années 80 et qui s’excusent de ne pas être présents aujourd’hui, en vacances en Dordogne. D’autres aussi s’excusent comme Jean-Yvon Ollivier, camarade cheminot de la CGT, et sa femme Dominique, retenus par un rendez-vous médical. Gilbert Sinquin et Christian Beaumanoir, en réunion CGT.

Mais nous sommes ici nombreux, néanmoins, militants du Parti et de la CGT, de la CGT Cheminots, avec son secrétaire général finistérien Claude Le Page, présents pour exprimer notre sympathie pour Jean, notre reconnaissance pour ses décennies d’engagement sans relâche, d’implication au même niveau pour sa CGT et son Parti, deux organisations pour lui complémentaires et aux combats inséparables.

Christiane Caro, animatrice de l’atelier citoyen santé Bretagne, qui a fait un beau portrait de Jean Dréan dans le journal santé du Parti communiste A cœur ouvert, en mai 2019, et qui admirait beaucoup Jean, a aussi témoigné de son chagrin, comme Didier Le Reste, ancien secrétaire de la CGT Cheminots et camarade du PCF Paris, qui connaissait bien Jean lui aussi, comme du reste Laurent Brun, ancien secrétaire général de la CGT Cheminots, qui était venu voir Jean dans son EHPAD Thérèse Rondeau il y a quelques années, avec Christian Beaumanoir ici présent.

Signe que la fraternité, ça signifie quelque chose chez les camarades cheminots de la CGT.

Pensons aussi à notre camarade cheminot rennais Serge Brognard qui a écrit en apprenant la disparition de Jean : « c’est un personnage hors norme : sa stature, sa gouaille, son bon sens politique, ses manifs à Paris auront marqué tous les cheminots bretons. Jean, c’est un moment de notre histoire qui a marqué par son empreinte toute notre région. Je suis effondré de cette disparition ».

Saluons aussi le bel hommage rendu par la presse régionale, le Télégramme et le Ouest-France, et par L’Humanité mardi 3 septembre, son journal, qui écrit page 13, et puisque c’est dans L’Huma, c’est forcement vrai :

« Jean Dréan, militant infatigable, était doté d’un solide sens de l’humour, d’une gouaille et d’une détermination sans faille, malicieux, généreux, fraternel, toujours solide dans ses convictions sans être sectaire ».

Parlons donc de Jean Dréan militant. On ne dira pas tout, on ne connaît pas tout, même si Jean nous a raconté pas mal de choses, à Morlaix, dans son EHPAD de Quimper, et par écrit, et nous avions recopié certains de ses témoignages pour le Chiffon Rouge, le blog du PCF Morlaix.

Jean Dréan a été élu d’opposition communiste à Plouigneau, de 1986 à 1995, la première fois en remplacement de son ami Michel Prigent. Une grande joie pour lui de voir et savoir Plouigneau revenir à gauche après 40 ans de disette, avec notre camarade Roger Héré premier adjoint de la maire socialiste Joëlle Huon ! Jean n’aimait que modérément les socialistes mais était dans l’ensemble pour l’unité à gauche, au nom de l’efficacité et de la meilleure satisfaction des besoins de la population.

Bien avant cela, Jean a adhéré à 20 ans au PCF et à la CGT il y a 71 ans, en 1953, en pleine guerre froide, pendant la guerre d’Indochine, et un conflit social pour la défense du statut des cheminots. A l’époque 80 % des cheminots étaient à la CGT et le chef de gouvernement Joseph Laniel voulait supprimer leur régime particulier, déjà. La grève a duré un mois, le pays était totalement bloqué, et le décret a été annulé, Laniel a été contraint à la démission. Jean qui avait été licencié (apprenti, il était hors statut), a finalement été réintégré à la SNCF.

Apprentissage de la lutte des classes, mais le père de Jean était déjà cheminot communiste.

Jean m’écrivait il y a quelques années :

«Durant la guerre 39-45, quoique très jeune (il était né en 33) j'ai pratiqué la débrouillardise, le chapardage, le hors la loi. Il fallait survivre: on allait mon frère et moi traire les vaches pendant la nuit, étrangler les poules. Père cheminot – il entretenait les voies près de Rosporden – il a modestement participé au sabotage de son outil de travail. Ma mère était garde-barrière: les trains ravitaillant la troupe allemande à Brest s'arrêtaient devant chez nous: des cheminots complices nous indiquaient les wagons intéressants à piller: nous récupérions de l'huile, des matières premières que nous échangions ensuite avec les paysans, parfois contre des cochons que nous envoyons en boîte de conserve à des camarades de résistance parisiens. En 44, mes parents nous envoyaient mon frère et moi avec nos deux chiens ravitailler le maquis avec une brouette: en arrivant dans les bois auprès des résistants, quelle n'a pas été ma surprise en voyant que leur commandant était mon instituteur, Mr Le Corre. Celui-ci n'a même pas eu besoin de me faire promettre de garder le secret. L'ennemi: le boche. Les cheminots résistants de toujours ont été les premiers a déclencher la Grève insurrectionnelle. »

A la fin de la guerre d’Indochine, et au début de la guerre d’Algérie, appel sous les drapeaux. En caserne pendant son service militaire au Mont Valérien, Jean colle des affichettes avec 3 appelés cheminots et semble t-il des militants du FLN « pour la paix en Indochine » et « la paix en Algérie ». Lui et ses camarades sont dénoncés 3 mois après par des soldats du contingent. Ils écopent de 4 mois de prison. Jean est transféré à Guingamp, grâce à l’aide d’un commandant, dont Jean saura 10 ans plus tard qu’il était le fils d’un cheminot communiste, lui aussi, commandant qui écourte son séjour en prison et lui évite de partir faire la guerre en Algérie, en l’envoyant faire des tests aux appelés.

Après les accords d’Evian, en 1964, Jean s’engage en Algérie, avec Annick, et qui devient enseignante détachée en Algérie, enseignant à quarante gamins disciplinés, pour cinq années de coopération technique en Algérie, détaché de la SNCF à la « SNCFA », entre Constantine et Annaba. Seul européen parmi 600 cheminots algériens.

Ce sera une expérience de fraternité avec le peuple arabe et kabyle d’Algérie qui rendront toujours Jean résolument hostile à toute forme de racisme ou de nostalgie coloniale. Il gardera de la compréhension et de l’intérêt pour la culture arabe.

De retour en France en 69, Jean est transféré à Trappes (78). L'homme n'a pas froid aux yeux. Pour revenir en Bretagne, il écrit au président du Conseil. « Quinze jours après, j'étais transféré à Morlaix où j'ai pu rejoindre les camarades ».

D'autres batailles Parmi les « milliers » de manifestations à son actif, voici les plus marquantes : 1970, il se bat pour la défense de la ligne Morlaix/Roscoff. « On a fait grève trois semaines en décembre ». 1986-87: il lutte avec les cheminots. « On bloquait des trains en gare de Morlaix. À l'époque on était 300 ». 2010 : les retraites, c’est ma première bataille avec Jean, moi qui suis arrivé vivre et militer à Morlaix 6 mois plus tôt.

Sa femme Annick, épousée en 56, décédée en août 2018, militante de l’éducation populaire, de la pédagogie nouvelle et progressiste, à l’origine de l’école Jean Piaget de Kerfraval, qui a adhéré au PCF en 75 après avoir été compagne de route pendant des années, est restée catholique croyante et c’est dans un EHPAD catholique que Jean a accompagné quand elle a perdu son autonomie. A la maison de retraite Thérèse Rondeau allée de Kernisy à Quimper, il est devenu proche de l’aumônier Louis Biannic. Celui-ci est venu le saluer au bout de deux jours. "Tu es communiste, j'ai été curé à Huelgoat. Mon meilleur ami était le maire communiste Alphonse Penven, député-maire à la Libération. Une page d'histoire".

« Celui qui croyait au ciel, celui qui n’y croyait pas »… Vous connaissez les vers fameux d’Aragon dans « La Rose et le réséda ».

Dans sa maison de retraite Jean a continué à se battre pour améliorer le financement de la prise en charge des personnes âgées en perte d’autonomie, pour humaniser les maisons de retraite, améliorer les conditions de travail des personnels, comme les conditions de vie et de restaurations des résidents, combats d'une actualité plus que criante.

Il y aurait tant à dire : les fêtes du Viaduc, les fêtes de l’Humanité, de l’Unité, de la Terre, les batailles homériques de Jean à Guerlesquin avec le patron Tilly et ses sbires, les batailles pour garder et sauver l’outil industriel, les contacts avec le milliardaire rouge Jean-Marie Doumeng, les voyages à Cuba, les épopées des grèves cheminotes.

Jean a laissé des traces de toutes ses belles heures de militantisme, mais rien ne remplacera jamais sa faconde, sa manière inimitable de raconter.

Aujourd’hui cher Jean nous sommes réunis avec toi et avec ta famille pour partager sa peine et la nôtre. Mais nous ne t’oublierons pas ! Ton souvenir restera toujours avec nous et cher à notre cœur. Et plus que ça, une source d’inspiration et de motivation.

Adieu camarade !

Pour toi, pour notre commun espoir et idéal, et comme toi, nous resterons toujours débout à lutter !

Ismaël Dupont, pour la fédération PCF du Finistère et la section de Morlaix du PCF

 

Hommage du PCF à Jean Dréan, notre camarade, aux obèques de Jean le 6 septembre 2024
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20 août 2024 2 20 /08 /août /2024 07:08
Affiche de l'exposition "La révolte des sardinières" au port-musée de Douarnenez avec le tableau de Charles Tillon (1926)

Affiche de l'exposition "La révolte des sardinières" au port-musée de Douarnenez avec le tableau de Charles Tillon (1926)

Photo de la manifestation des sardinières bigoudènes de Lesconil jusqu'au Guilvinec à l'été 1926 avec Charles Tillon, ce sera l'inspiration de son tableau peint en 1926 (source Le Chant des Sardinières de Marie-Aline Lagadic et Klervi Rivière, Coop Breizh, 2022)

Photo de la manifestation des sardinières bigoudènes de Lesconil jusqu'au Guilvinec à l'été 1926 avec Charles Tillon, ce sera l'inspiration de son tableau peint en 1926 (source Le Chant des Sardinières de Marie-Aline Lagadic et Klervi Rivière, Coop Breizh, 2022)

Entrée du port-musée de Douarnenez avec le mot slogan Pemp real a vo! (Cinq sous il y aura)

Entrée du port-musée de Douarnenez avec le mot slogan Pemp real a vo! (Cinq sous il y aura)

A Douarnenez, on célèbre les 100 ans de la grève des sardinières
Douarnenez en 1924: première commune de France gérée par un maire communiste - Grève des sardinières de Douarnenez (Finistère), 1924 : « le cortège des grévistes » - Source : CEDIAS-Musée social La « grève de la misère » des sardinières est soutenue par la municipalité communiste et son maire, Le Flanchec (à gauche sur la photo), nouvellement élu. Une manifestation, la « procession », a lieu chaque jour dans la ville.

Douarnenez en 1924: première commune de France gérée par un maire communiste - Grève des sardinières de Douarnenez (Finistère), 1924 : « le cortège des grévistes » - Source : CEDIAS-Musée social La « grève de la misère » des sardinières est soutenue par la municipalité communiste et son maire, Le Flanchec (à gauche sur la photo), nouvellement élu. Une manifestation, la « procession », a lieu chaque jour dans la ville.

A Douarnenez, on célèbre les 100 ans de la grève des sardinières
Le comité de grève du mouvement de Douarnenez (novembre 1924-Janvier 1925)

Le comité de grève du mouvement de Douarnenez (novembre 1924-Janvier 1925)

A Douarnenez, on célèbre les 100 ans de la grève des sardinières
A Douarnenez, on célèbre les 100 ans de la grève des sardinières

A Douarnenez, on célèbre les 100 ans de la grève des sardinières

Autour d’un tableau de Charles Tillon : la révolte des sardinières

Depuis le 6 juillet, et jusqu’au 1er février 2025, on peut aller découvrir gratuitement au port-musée de Douarnenez une très belle exposition sur la révolte des sardinières.

On y trouve plusieurs kakemonos explicatifs très bien faits avec des éclairages d'historiens et de nombreuses photos d’époque, dont certaines du fonds personnel de l’ancien maire communiste Michel Mazéas (1928-2013), par ailleurs prof d’histoire, à l’origine de l’aménagement du Port-Rhu et de la création du Port-Musée (1993), des reproductions d’archives de la presse communiste et régionale, des enregistrements sonores, faits en 1977, d’ouvrières, actrices du mouvement social, par Nicole Le Garrec (« Des pierres contre des fusils », « Avoir vingt dans les Aurès », avec René Vautier), des costumes d’ouvrières de l’époque de Douarnenez et du pays bigouden.

Le centre de cette exposition conçue par une équipe pluridisciplinaire avec notamment Sarah Chanteux, la directrice par intérim du port-musée, sur une idée originale de Kellig-Yann Cotto, avec le soutien de Fanny Bugnon, maîtresse de conférences en histoire contemporaine à l’université  de Rennes 2, spécialiste des questions de genre dans le rapport au pouvoir, à la politique et au mouvement social, autrice d’une biographie remarquée de Joséphine Pencalet, une des premières femmes élues en France (1925), présentée par le parti communiste à Douarnenez, est le prêt et la présentation du tableau « La révolte des sardinières » (1926).

Appartenant au musée de Bretagne de Rennes, c’est le tableau célèbre d’un peintre amateur, le rennais Charles Tillon, futur grand résistant et dirigeant communiste à l’origine du premier appel du 17 juin 1940 à la Résistance intérieure « luttant contre le fascisme hitlérien (…) pour l’indépendance nationale et prenant des mesures contre les organisations fascistes » et de la création des FTP, et trois fois ministre communiste (de l’Air, de l’Armement, de la Reconstruction et de l’Urbanisme) dans les gouvernements issus du CNR à la Libération.

Sorte de réplique bretonne en mode mineur du  « Il Quarto Stato » (« le quatrième état » : le prolétariat), du peintre Giuseppe Pellizza, qui se suicidera en 1907, immense tableau réaliste présent au musée Novecento de Milan, on y voit une foule résolue d’ouvrières bretonnes en coiffes blanches porter fièrement le drapeau rouge en avançant vers nous le long de la grève, se détachant progressivement à l’arrière-plan et en queue de cortège d’une falaise, comme si leur force venait du granit, celui dont on forge les têtes dures des « Penn sardin ».

Charles Tillon ne fit pas peu pour rappeler la nouveauté et la fécondité des grèves gagnantes des sardinières finistériennes de 1924 à 1927 dans son livre : « On chantait rouge » (Robert Laffont, 1977).

En novembre 1924, quand commence la grève des sardinières de Douarnenez, pour gagner 5 sous supplémentaires (une augmentation réclamée de 25 centimes par heure : passer de 80 centimes de l’heure à 1,05 pour les ouvrières), Charles Tillon a 27 ans.

Ajusteur à l'arsenal de Brest en 1916, il s'est embarqué comme matelot mécanicien sur le croiseur "Guichen". En 1919, par solidarité avec la révolution bolchevique que combat l'armée française, il provoque une mutinerie sur le "Guichen" en Méditerranée. Il est condamné au bagne pour 5 ans et envoyé au Maroc. Bénéficiant finalement d'une amnistie comme les mutins de la mer Noire, il devient ouvrier ajusteur à Nantes, puis adhère au Parti Communiste en 1921. Adhérent à la CGT, il soutient la scission avec la création de la CGTU en 1923 et devient permanent de la CGTU en 1924.

La grève des sardinières de Douarnenez constitue sa première grande mission sur le terrain pour organiser un mouvement social, avec pour associées l’institutrice savoyarde féministe, antimilitariste et communiste de la CGTU Lucie Colliard, puis Alice Brisset qui succédera à cette dernière.

Charles Tillon continuera son œuvre de « gréviculteur » comme il le disait dans la revue Bretagnes dans un très bel entretien accordé en 1978 au regretté journaliste morlaisien et militant syndical Michel Kerninon, l’organisation du mouvement de lutte des ouvrières bretonnes et pêcheurs à Lesconil et dans tout le pays bigouden en 1925 et 1926 : le tableau est d’ailleurs inspiré d’une photo noir et blanc d’une manifestation de sardinières bigoudènes à l’été 1926 entre le port de Lesconil et celui du Guilvinec. Charles Tillon accompagnait les 60 ouvrières chantant l’Internationale en cortège auprès des murets de pierre de la côte bretonne*.

 

Saluez, riches heureux

« Saluez, riches heureux

Ces pauvres en haillons

Saluez, ce sont eux

Qui gagnent vos millions »

 

Cette chanson anarchiste de la Belle époque est restée attachée au mouvement de grève des ouvrières de la sardine à Douarnenez, des sardinières ayant été licenciées après avoir chantée à l’usine cette chanson de lutte que leur avait apprise Charles Tillon. Cette chanson interdite, bréviaire de lutte des classes, contre l’exploitation capitaliste, deviendra une sorte d’« hymne national » douarneniste. Elle fut aussi connue et prisée des ouvrières bigoudènes.

Rembobinons un peu …

Dans le sud du Finistère, les années 1920 ont été marquées par de grands conflits sociaux dans l’univers de l’industrie de la sardine. Déjà, au tout début du siècle, les ferblantiers se sont mobilisés pour défendre des revendications salariales. Ils n’ont pas obtenu les résultats espérés. En revanche, entre 1905 et 1910, les ouvrières de conserverie du littoral finistérien exigent d’être payées à l’heure et non plus au rendement et au mille de sardines travaillées. Elles obtiennent gain de cause. Première victoire. Douarnenez, haut lieu de l’essor de la conserverie de poisson en Europe, est donc déjà une ville de lutte.

Il y avait à Douarnenez 2100 employés des conserveries, dont 1600 femmes. Celles-ci, vêtues de longues jupes épaisses et de sabots, pouvaient travailler jusqu’à 18 heures par jour sans interruption, rentrant chez elles à minuit pour être rappelées parfois à 4 heures du matin, quand la flottille de pêche rentrée au port déchargeait sa cargaison.

Douarnenez, port communiste de Bretagne depuis 1921

Quand s’engage la révolte des sardinières, Douarnenez, premier port sardinier de France depuis 1850, et premier site de mise en boîtes de sardines depuis le début du 20e siècle, travaillant en connexion avec le capitalisme et la métallurgie de la région nantaise, est déjà ce que l’Humanité de l’époque appelle un "port rouge".  Sa dépendance à la mono-industrie de la pêche rend la ville sensible aux crises de misère liées à la conjoncture économique.

En mai 1921, Sébastien Velly, tapissier, condamné par le conseil de guerre de Nantes en août 1917 pour désertion à deux ans de travaux forcés, trésorier de la nouvelle section communiste de Douarnenez, est élu maire de Douarnenez par le Conseil Municipal contre la tête de liste qui vient d’emporter les élections partielles, Fernand Le Goïc, professeur à Nantes, à qui l’on reproche son hostilité à l’adhésion à la IIIe Internationale et sans doute aussi sa présence insuffisante dans sa ville.

Douarnenez fut donc une des premières municipalités françaises à faire élire un maire communiste. Même si en Bretagne et dans le Finistère, le premier maire communiste est bien Louis Jacques Lallouet, maire de Huelgoat, ancien élu SFIO ayant fait le choix de l’Internationale communiste dès 1921.

Sébastien Velly prend des mesures symboliques : en août 1922, il fait baptiser une rue « Louise Michel » : cela devient une véritable affaire qui oppose gauche et droite et qui débouche sur un refus du ministre de l‘Intérieur. Les conservateurs ironisent : « Quant à Pasteur, on verra plus tard, quand on aura épuisé le calendrier rouge. Il reste encore Lénine, Trotski et quelques autres... ».

Le 18 juillet 1924, Sébastien Velly meurt d’une tuberculose galopante.

C’est Daniel Le Flanchec, ancien ouvrier et employé municipal, passé par l’anarcho-syndicalisme à Brest avant de rejoindre le parti communiste, qui est élu maire de Douarnenez en octobre 1924.

Il était depuis 1923 le secrétaire fédéral du PCF dans le Finistère.

 

Pemp real a vo ! (« 5 sous il y aura ! »)

Cette « grève de la misère » éclate donc pour obtenir un salaire horaire de 1,05 francs pour les ouvrières au lieu des 80 centimes payés, et s’étend aux vingt usines implantées dans la ville. 25 centimes d’augmentation, à rapporter aux prix de l’époque. Un kilo de pain valait 1,60 franc, la douzaine d’œufs 9 francs, le kilo de bœuf 23 francs. Le personnel des conserveries était sous-payé et les femmes à travail égal gagnait 40 % de moins que les hommes qui gagnaient 1,30 francs de l’heure. La grève, portée à 70 % par des femmes, voulait porter le salaire à 1,50 francs de l’heure pour les hommes.

Ces salaires sont près de trois fois inférieurs au salaire moyen des ouvriers au niveau national. Beaucoup de femmes et de familles vivent à crédit, tout en travaillant à la chaîne au gré des arrivages 10 à 14 heures par jours pour une paye minuscule versée par des industriels dont même le ministre du travail dira dans sa rencontre à Paris avec une délégation d’ouvriers et de sardinières emmenés par la syndicaliste Lucie Colliard en décembre 1924 qu’ils sont « des brutes et des sauvages ».

La réglementation du travail n’est pas appliquée : les heures de nuit ne sont pas majorées, le droit syndical n’est pas respecté, ni le code du travail avec notamment ce qu’il contient de garanties pour la protection de l’enfance. Dans les usines ni chauffées ni isolées, à même la terre battue, les filles d’usines enchaînent les heures de travail dans des conditions désastreuses, sous l’autorité intransigeante des contremaîtresses. Beaucoup d’entre elles sont malades.

Le 21 novembre 1924, un patron refuse de recevoir des ouvrières exténuées. Cet évènement met le feu aux poudres.

Elles vont être une centaine à se mobiliser immédiatement, avec 40 manœuvres de l’usine métallurgique Carnaud qui débrayent avec elles, suivies par d’autres les jours suivant dans les 20 conserveries de la ville aux côtés de leurs maris, artisans-pêcheurs, de leur maire. Une lutte de 7 semaines et 46 jours de grève générale s’engage, rythmée par des manifestations et des meetings, où s’expriment de nombreux dirigeants nationaux du PCF et de la CGTU venus sur place. 2000 grévistes sont recensés, aux trois quart des femmes. Le 26 novembre, un comité de grève se met en place sous l’impulsion des cadres communistes de la CGTU venus organiser le mouvement et unifier ses revendications.

Les réunions publiques du soir regroupent de 2000 à 4000 participants. Des soupes populaires et caisses de solidarité sont organisées par la CGTU, le PCF, la mairie. On y distribue jusqu’à 2000 repas. Les vivres proviennent de dons de toute la France. En décembre, les marins rejoignent le mouvement, en soutien à leurs femmes, et donnent une partie de leur pêche au comité de grève.

Le syndicat des usiniers refuse d’aller à la négociation, dénonçant une « grève communiste, révolutionnaire, politique », sauf Mme Quéro, propriétaire d’une usine qui accorde satisfaction à certaines revendications des ouvriers en lutte en décembre.

La lutte douarneniste est spectaculaire et symbolique, notamment parce que des femmes et des travailleuses en sont le fer de lance.

Charles Tillon, permanent régional de la CGTU est à la manœuvre. Le PCF missionne aussi d’autres cadres dirigeants, comme Lucie Colliard et Marie Le Bosc. L’implication politique de ces deux femmes marque d’autant plus les esprits qu’elles ne sont pas citoyennes c’est-à-dire qu’elles n’ont pas le droit de vote.

Mais dans le port sardinier, ce sont bien les femmes qui sont en première ligne : au comité de grève elles sont 6 sur 15 membres. Parmi les responsables communistes, le Breton Marcel Cachin, directeur de l’Humanité, député communiste de la Seine, vient en décembre 1924 apporter « le salut de la classe ouvrière parisienne pour la grève si sympathique des sardinières ». Il dira aussi : « Là où est la femme est la victoire ».

Le maire communiste est aux côtés des grévistes : Le Flanchec défile en tête de cortège, ceinturé de son écharpe tricolore, et l’Internationale en bouche. Le maire met en place un fonds de chômage. Mais les patrons de conserverie ne veulent rien lâcher. Deux d’entre eux financent l’intervention violente de briseurs de grève. Le 1er janvier 1925 ces hommes tirent sur le maire : une balle lui traverse la gorge. La presse militante s’écrie : « On a voulu tuer notre camarade Le Flanchec et l’on voulait aussi tuer la grève ». L’émotion est très forte au plan national. On en débat à la Chambre des députés. Des députés de gauche criant : « Assassins ! », « Assassins ! », ceux de droite répondant : « Nous ne laisserons pas saboter la République ».

L’Humanité, dont un journaliste, Daniel Renoult, est sur place à Douarnenez depuis décembre pour suivre le conflit social au jour le jour, titre début janvier à la Une: « A Douarnenez : première « flaque de sang fasciste » ». La quasi totalité de la Une, reproduite à l’entrée de l’exposition, est consacrée à la description de la « Journée sanglante » à Douarnenez, à la description de la misère des ouvrières et pêcheurs de Douarnenez, et à l’appel de la CGTU à l’action de l’État pour faire plier les patrons d’usine.

Le Flanchec sort de l’hôpital le 5 janvier 1925. Plus de 1500 grévistes l’escortent jusqu’au centre-ville au son de l’Internationale.

Le préfet exige finalement des industriels une sortie du conflit : le 8 janvier les revendications salariales sont satisfaites. Le lendemain, les usiniers acceptent les mêmes conditions négociées dans l’usine de Madame Quero, la première patronne a avoir satisfait une partie des revendications des ouvriers en décembre : une augmentation de 20 centimes de l’heure, la majoration des heures supplémentaires et des heures de nuit, le respect du droit syndical ainsi que l’interdiction du renvoi du personnel gréviste.

La ville est en fête. Une gigantesque manifestation est organisée sur le port du Rosmeur. Le travail reprend le 8 janvier.

La grève des sardinières chantant « Pemp real a vo ! » est aussi le symbole de l’engagement citoyen et social autonome des femmes pour leurs droits, même si l’on n’est pas encore sur une revendication d’égalité salariale absolue, ce qu’aurait souhaité Lucie Colliard (cette grève féminine inspiratrice du féminisme n’est pas encore à proprement parler une grève féministe) mais aussi de la fin d’une résignation qui n’est plus de mise face aux magnats de l’industrie qui emploient et exploitent, les grandes dynasties industrielles comme Chancerelle ou la famille Béziers représentant une bourgeoisie vivant dans le luxe et l’ostentation. Appuyées par un clergé très réactionnaire, qui pesait encore beaucoup en Bretagne sur les consciences, elles dominaient un large prolétariat d’ouvriers et d’ouvrières des conserveries, et de marins pêcheurs.

Ces semaines de lutte, relayées au plan national, sont un succès pour le jeune PCF et la CGTU. Douarnenez est désormais un phare du communisme en France. Son maire, devenu célèbre, est autant admiré des marins et des usinières qu’il est détesté des puissants. L’élection municipale de 1925 se transforme en plébiscite en faveur de Le Flanchec. Le Flanchec a incarné, de 1924 à 1940, un communisme municipal original faisant honneur à la réputation douarneniste de « turbulence et d’audace téméraire » (Michel Mazéas). La suite est plus complexe. Électron libre en position tendue avec la direction départementale et régionale du PCF dès le début des années 1930, il est exclu en 1937 et rejoint le parti de Doriot, le PPF. Resté patriote, après avoir symboliquement refusé de retirer le drapeau tricolore de l’Hôtel-de-ville de Douarnenez à l’arrivée des troupes allemandes, il est destitué comme maire de Douarnenez. En 1941, après avoir été dénoncé par sa compagne, une comtesse collaborationniste, pour « propagande communiste », Daniel Le Flanchec est arrêté. Il est déporté par les Allemands en mars 1944 et il meurt en camp de concentration dans des conditions mystérieuses, peut-être exécuté par la résistance communiste du camp.

Au final, ces luttes sociales et politiques auront néanmoins ancré pour longtemps le communisme à Douarnenez et ouvert la voie, après-guerre, à ses maires PCF : Joseph Pencalet, Yves Caroff, Joseph Trocmé et surtout à Michel Mazéas qui dirigea la ville de 1971 à 1995.

A la suite du mouvement de grève, Joséphine Pencalet, ouvrière mobilisée dans la grève, est présentée en quatrième position sur la liste communiste (Bloc ouvrier et paysan) aux élections municipales et élue conseillère municipale en mai 1925. L’élection de Joséphine Pencalet fut annulée par arrêté préfectoral le 16 juin 1925, décision confirmée cinq mois plus tard par le Conseil d’État. Signalons que la décision du Conseil d’État du 27 novembre 1925 concerna également l’annulation de l’élection de Charles Tillon pour non-résidence à Douarnenez.

On peut saluer dans cette exposition un très bel éclairage sur l’histoire sociale de la ville de Douarnenez, et plus généralement des ports ouvriers du sud-Finistère, avec une mise en avant particulière de l’histoire ouvrière et du rôle des femmes dans celle-ci, mais aussi une reconnaissance tout à fait significative du rôle joué par les militants communistes pour ces luttes pour la dignité au travail et l’émancipation des ouvriers et des femmes.

Ismaël Dupont,

 

* A Michel Kerninon, qui m'a fait découvrir cette interview il y a quelques années pour la publier dans le Chiffon Rouge, dans la revue Bretagnes, en 1978, il dit avec passion l'importance dans sa vie de ces combats avec les pêcheurs et les ouvrières du pays Bigouden et de Douarnenez:

"J'ai donc appris à devenir ce que le "Comité des Forges" de l'époque appelait un "gréviculteur". La plus belle des grèves, la plus héroïque et la plus empreinte de sentiment populaire fut certainement pour moi la grève de Douarnenez. Alors j'en ai fait d'autres, au milieu de ceux qui parlaient la langue bretonne, je suis vraiment devenu non seulement un Breton de la région des fortifications qui défendaient la Bretagne autrefois, c'est à dire de l'Ille-et-Vilaine mais de cette Bretagne plus profonde, moins connue et si vivante, celle du Finistère, des Côtes-du-Nord, cette Bretagne "qui va au-devant de la mer" (...) En Bretagne, "il y avait une grande misère, le long des côtes surtout. Pour le reste, il n'y avait pratiquement pas d'industrie. Sur la côte, la pêche nourrissait l'industrie de la conserve; à la fois la pêche du 19e siècle et le début d'une industrialisation de la conserve. Les pêcheurs étaient des artisans. Ils allaient à la mer et ne connaissaient qu'elle. Mais, à terre, ils se défendaient mal. Les tempêtes ne leur faisaient pas peur, mais ils restaient désarmés devant les préfectures et leurs moyens de police. Soutenus par l'appareil d’État, les acheteurs s'entendaient pour contraindre les pêcheurs à vendre le moins cher possible. Mais voilà bientôt qu'en Bretagne, la grande grève des usines de Douarnenez rayonnait de la juste fierté d'avoir vaincu le patronat le plus rapace qu'on puisse trouver puisqu'il avait osé aller jusqu'à l'organisation du crime pour terroriser la population et faire tuer, s'il l'avait pu, le maire communiste Le Flanchec! Avant la grève, les pêcheurs n'étaient pas syndiqués, il fallait donc organiser dans le même syndicat le patron de la barque qui gagnait un peu plus, et ses matelots, ses compagnons de tempêtes et de souffrances. Ce n'était pas simple et c'est sans doute pourquoi il n'y avait pas eu, jusque là, de syndicat durable. Mais les femmes avaient le leur. Et la fierté qui les avaient animées gagnait en 1925 tous les ports de Bretagne. La colère déferlait parmi les ouvrières les plus exploitées, comme à Pont-l'Abbé ou à Concarneau, où une jeune fille d'usine sur quatre ou cinq était tuberculeuse... Le mouvement victorieux des femmes d'usine a entraîné les pêcheurs à mieux prendre conscience de leurs droits, et qu'en labourant la mer, ils étaient la source de tout. Mais le patronat de la côte aussi s'organisait. Et, au lieu de petits syndicats locaux, les patrons jusqu'à Saint-Jean-de-Luz, s'unissaient en un énorme Comptoir d'achat soutenu par le Comité des armateurs de la marine marchande et par l'Administration maritime. Alors commença leur grande offensive pour rationaliser l'industrie de la pêche, pour exporter des capitaux et des usines au Portugal, au Maroc, là où les salaires sont les plus misérables. Une "révolution" sur le dos des salariés et qui dure encore.. Nous avions été heureux pendant deux ans. Mais viendraient les défaites! Rationaliser l'industrie de la pêche pousserait à rationaliser l'industrie de la conserve. Aussi, commençait une autre histoire de la mer…"

(Charles Tillon, entretien avec Michel Kerninon dans la Revue « Bretagnes. Littérature. Art. Politique », daté de mars 1978, dont le siège se trouvait à Morlaix, impasse de la Fontaine-au-lait)

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7 novembre 2023 2 07 /11 /novembre /2023 06:27
Francette Lazard nous a quittés - Elle suivait la fédération du Finistère pour la direction du PCF -L'hommage du Parti communiste
Francette Lazard nous a quittés

C’est une perte majeure pour le parti communiste tant Francette Lazard n’aura cessé d’apporter son énergie, son intelligence et sa longue expérience pour que vive et grandisse une perspective communiste en France et dans le monde. Elle l’aura fait continûment, avec discrétion souvent mais une inébranlable détermination.

Issue d’une lignée de la grande bourgeoisie, elle avait tôt plongé dans le combat communiste. À 15 ans, elle rejoint le PCF et l’Union des jeunes filles de France côtoyant chez elle Benoît Frachon, secrétaire général de la CGT que la guerre froide contraignit un temps à la clandestinité et accueilli dans ce cadre par la famille Lazard. Agrégée d’histoire, elle veut tout comprendre pour tout changer, dévore Le Capital, rejoint une section économique du PCF en pleine ébullition théorique, découvre Paul Boccara avec lequel une amitié durable se nouera vite. Appelée à la tête de la section du 6e arrondissement de Paris, peuplée de nombreux ouvriers mais aussi d’étudiants et d’intellectuels, elle est de plain-pied dans les combats du temps. Bientôt chargée de responsabilités dans l’univers de la presse communiste, elle met sa plume et sa vivacité d’esprit au service d’Économie et politique, France nouvelle, L’Humanité.

En 1979, elle entre au Bureau politique avec la mission de réorganiser le pôle d’analyse et d’élaboration théorique communiste. Elle préside ainsi à la création de l’institut de recherches marxistes et s’affirme, en ces temps de grandes difficultés pour le communisme, comme une dirigeante de premier plan, alliant une boussole fermement fixée sur l’ambition communiste et un sens de la mobilité, de l’ouverture. C’est elle qui, avec Georges Marchais, initie ce mouvement pionnier pour un parti politique national : l’ouverture des archives du PCF. Ce sera aussi l’annulation solennelle des exclusions brutales opérées en des temps révolus.

Au mitan des années 1990, elle fut de celles qui accompagnèrent la transformation de l’IRM en Espaces Marx avant de quitter ses responsabilités nationales. Depuis lors, elle demeurait toujours disponible pour un conseil, une conférence, un échange, les yeux grands ouverts sur notre monde avec la volonté intacte de le voir changer pour de bon.

Au nom des communistes, je salue sa mémoire avec une vive peine. J’adresse mes sincères condoléances à sa famille, à ses proches, aux nombreux camarades qui ont eu la chance de la connaître et de partager leur engagement avec elle.

Fabien Roussel,
Secrétaire national du PCF

Francette Lazard dont je viens d’apprendre le décès avait avec la Bretagne et le Finistère en particulier des liens étroits.

Par sa maison de famille surplombant la mer à Morgat où elle aimait séjourner quand ses responsabilités au PCF le lui permettaient, et où j’ai eu le plaisir de la rencontrer plusieurs fois.

C’est dans cette villa que Benoît Frachon, secrétaire général de la CGT, trouva refuge de mars à novembre 1953, il était poursuivi par le gouvernement de l’époque en raison de son engagement auprès des salariés de la Fonction Publique d’État en grève pour défendre leur statut acquis en octobre 1946 grâce au ministre communiste, Maurice Thorez.

Par aussi sa présence active auprès des communistes de toute notre région dans les années 80-90.

Elle était chargée, comme membre du Bureau Politique du PCF, d’apporter son concours aux fédérations communistes bretonnes, puis parallèlement à celle du Finistère-nord jusqu’à sa réunification, en mai 1986, avec celle du Sud du département. Secrétaire régional et fédéral, j’ai eu le bonheur de militer à ses côtés pendant toutes ces années. C’était une dirigeante à l’écoute des autres, attentive, bienveillante, n’imposant jamais mais argumentant toujours avec patience et passion. C’était une intellectuelle intimidante malgré sa modestie et sa présence sur le terrain auprès des militants, toujours disponible malgré ses multiples activités pour répondre aux sollicitations que nous ne manquions pas de lui adresser.

Dans cette période politique complexe, elle plaçait en toutes circonstances le débat d’idées sur les questions de fond.

Les communistes bretons lui doivent beaucoup et garderont longtemps le souvenir de cette grande dame qui fut une dirigeante nationale de leur parti.

Piero Rainero, ancien secrétaire départemental du PCF dans le Finistère, membre du CN et conseiller régional, adjoint au maire à Quimper.

Le 6 novembre 2023.

 

Francette Lazard est morte.
Petite-fille de Max Lazard, le fondateur de la banque Lazard, Francette Lazard, née en 1937, est issue d'une famille de la grande bourgeoisie: son grand père Max Lazard est le fondateur de la banque Lazard.
En 1940, et dès l'occupation de la zone libre par la Wehrmacht, son père rejoint la France combattante en Afrique du Nord. Réfugiée dans un premier temps à Carpentras (Vaucluse), la famille fuit les persécutions contre les juifs. Francette Lazard et sa grande sœur Claudine sont cachées au village cévenol du Chambon-sur-Lignon, devenu Juste parmi les nations. Quelques années après la Libération, les deux parents adhèrent au Parti communiste français (PCF). Elle-même milite à l'Union des jeunes filles de France (UJFF) et au PCF dès 1952.
Professeure agrégée d'histoire et géographie en 1960, Francette Lazard enseigne à Orléans, puis au Lycée Fénelon à Paris. Fortement impliquée dans l'activité de la Section économique de son parti, elle est élue au Comité central en 1969. Elle apporte sa contribution à la revue Économie & Politique dont elle devient rédactrice en chef adjointe en 1966.
Elle participe à la direction de l'hebdomadaire France nouvelle (1970-1976) avant d'être nommée rédactrice en chef adjointe de L'Humanité (1976-1979). Élue membre du bureau politique de 1979 à 1996, elle est chargée de créer l'Institut de recherches marxistes, dont elle est en 1979 la première directrice, puis anime le lancement d'Espaces Marx en 1995.
Une grande figure du PCF disparaît.
 
Catherine Vieu-Charier
 
 
Triste de cette nouvelle, la disparition de Francette Lazard. Je me souviens il y a une dizaine d’années d’avoir accompagné Francette et René Piquet autre grand dirigeant du PCF lors de la sortie de leur livre d’échanges : Les vérités du matin comme ils avaient choisi, non sans humour, de l’intituler était un regard croisé, un dialogue revenant sur leur parcours et leur engagement communiste respectif, échangeant sur les constats et enseignements du passé, ses échecs aussi comme sur la nécessité de poursuivre avec vigueur le combat pour l’émancipation. Ils se projetaient ainsi ensemble vers l’énergie d’un avenir qu’il nous revient de réenchanter. Ils n’étaient pas toujours d’accord, loin de là mais leurs débats étaient fraternels et si joyeux, un hymne à la vie et à l’engagement
 
Laurence Patrice
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3 septembre 2023 7 03 /09 /septembre /2023 10:46
Tredudon-le-Moine: 1er village résistant de France (Article Ouest-France, 1er septembre 2023)

Merci à Ouest-France qui le 1er septembre 2023 nous rappelle les actions héroïques des habitants de ce village magnifique des Mont d'Arrée, Tredudon-le-Moine, en Berrien, non loin de La Feuillée, village de la montagne rouge, premier village résistant de France.

Dès le 16 juin 1940, ces villageois solidaires organisent la résistance avec l'organisation clandestine (interdite) du parti communiste français.

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30 août 2023 3 30 /08 /août /2023 06:46
Le 18 septembre 2023, Brest rend hommage aux 19 resistants FTP, communistes et cégétistes, fusillés au Mont Valérien il y a 80 ans, le 17 septembre 1943
Le 18 septembre 2023, Brest rend hommage aux 19 resistants FTP, communistes et cégétistes, fusillés au Mont Valérien il y a 80 ans, le 17 septembre 1943
Le 18 septembre 2023, Brest rend hommage aux 19 resistants FTP, communistes et cégétistes, fusillés au Mont Valérien il y a 80 ans, le 17 septembre 1943

Lundi 18 septembre 2023

Cérémonies d'hommage organisées par la ville de Brest, l'ANACR, l'ARAC, le comité du souvenir.

Pour nos camarades tombés au Mont Valérien il y a 80 ans:

Jardin des 19 fusillés - Rue Georges Mélou, à 11h30

et Rue Coat ar Gueven, devant la plaque en hommage aux FTPF, 14h30

Plus de mille résistants tombèrent dans la clairière du mont Valérien, parmi eux de très nombreux résistants communistes.

Ces 19 héros, ces 19 camarades communistes brestois et finistériens fusillés au Mont Valérien par l'armée allemande le 17 septembre 1943, étaient:

Albert Abalain

Lucien Argouarc'h

André Berger

Louis Departout

Yves Giloux

Eugène Lafleur

Louis Le Bail

Paul Le Gent

Louis Leguen

Paul Monot

Henri Moreau

Jean-Louis Primas

Jean Quintric

Albert Rannou

Albert Rolland

Etienne Rolland

Joseph Ropars

Jean Teuroc

Charles Vuillemin

Il faut relire les biographies et les dernières lettres de condamnés à mort de ces fusillés, résistants exécutés par l'armée allemande d'occupation le 17 septembre 1943, il y a 80 ans, des militants communistes finistériens (ou originaires de Lanester pour Louis Le Bail et Jean-Louis Primas, mais actifs dans le Finistère au moment de leur arrestation) qui furent ne l'oublions pas, traqués, arrêtés, et interrogés et torturés par la police française de la collaboration:

Résistance finistérienne - l'inauguration du monument aux 19 fusillés - résistants communistes brestois - du Mont Valérien (17 septembre 1943) à Brest au jardin du Guelmeur en présence de François Tournevache, du maire de Brest, et de Marie Salou

Résistance communiste finistérienne - la dernière lettre de Joseph Ropars, fusillé au Mont Valérien le 17 septembre 1943 avec 18 autres camarades finistériens

Albert Rannou: Lettres de prison d'un résistant communiste brestois né à Guimiliau fusillé le 17 septembre 1943 au Mont-Valérien

Dernière lettre de Paul Monot, résistant brestois fusillé au Mont-Valérien le 17 septembre 1943 avec Albert Rannou et 17 autres résistants brestois dont André Berger et Henri Moreau

Dernière lettre à sa femme de Jules Lesven, dirigeant de la résistance communiste brestoise, ouvrier et syndicaliste à l'Arsenal, fusillé le 1er juin 1943,

Résistance et répression des communistes brestois de 1939 à 1943 (à partir des souvenirs et des enquêtes d'Eugène Kerbaul, résistant communiste)

Résistance: les derniers écrits d'un guimilien, Albert Rannou, dévoilés par Jacques Guivarc'h, de Pleyber-Christ (Le Télégramme, 3 mai 2017) - des lettres bouleversantes et une histoire de la résistance communiste de Brest à connaître à lire sur Le Chiffon Rouge

1920-2020: 100 ans d'engagements communistes en Finistère: 13/ Albert Abalain (1915-1943)

Lettre à ses parents de la prison de Rennes du résistant communiste brestois Albert Abalain, fusillé au Mont-Valérien le 17 septembre 1943 (fonds d'archives ANACR 29)

1920-2020: 100 ans d'engagements communistes en Finistère: 32/ Jean-Louis Primas (1911-1943)

1920-2020: 100 ans d'engagements communistes en Finistère: 105/ Charles Vuillemin (1918-1943)

1920-2020: 100 ans d'engagements communistes en Finistère: 22/ André Berger (1922-1943)

1920-2020: 100 ans d'engagements communistes en Finistère: 36/ Henri Moreau (1908-1943)

Louis Le Bail, de Lanester à Brest, ce résistant communiste a été fusillé au Mont-Valérien à 21 ans avec 18 autres camarades le 17 septembre 1943 (Maitron des fusillés)

1920-2020: 100 ans d'engagements communistes en Finistère: 104/ Louis Le Guen (1907-1943)

1920-2020: 100 ans d'engagements communistes en Finistère: 106/ Louis Departout (1916-1943)

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21 août 2023 1 21 /08 /août /2023 06:09
Il y a 51 ans, la fête de l'Humanité 1972: Photo de notre camarade de Morlaix Jean-Yvon Ollivier sur le stand du Mouvement de la Jeunesse Communiste Nord Finistère, avec Angela Davis à l'honneur (c'était pendant son emprisonnement de 22 mois et les communistes exigeaient la libération de la militante communiste et féministe américaine).  Cette année 2023, au moins 13 membres de la JC du Finistère monteront à la fête de l'Humanité.  En 1972, la fête de l'Humanité mettait à l'honneur Paul Eluard, pour le 20e anniversaire de sa mort, le Ballet "Roméo et Juliette" de Maurice Béjart, un concert mythique des Who, transformant la fête de l'Humanité en petit Woodstock

Il y a 51 ans, la fête de l'Humanité 1972: Photo de notre camarade de Morlaix Jean-Yvon Ollivier sur le stand du Mouvement de la Jeunesse Communiste Nord Finistère, avec Angela Davis à l'honneur (c'était pendant son emprisonnement de 22 mois et les communistes exigeaient la libération de la militante communiste et féministe américaine). Cette année 2023, au moins 13 membres de la JC du Finistère monteront à la fête de l'Humanité. En 1972, la fête de l'Humanité mettait à l'honneur Paul Eluard, pour le 20e anniversaire de sa mort, le Ballet "Roméo et Juliette" de Maurice Béjart, un concert mythique des Who, transformant la fête de l'Humanité en petit Woodstock

"La Bretagne lutte pour une terre de bonheur dans une France démocratique" - le slogan (correspondant à un projet étoffé et cohérent des communistes bretons pour leur région et son développement humain) en exergue de l'auberge bretonne de la section de Morlaix (PCF et MJCF) pour la fête de l'Humanité 1974.  Giscard a remporté les élections présidentielles mais le parti communiste, en implantation militante et locale, est plus fort que jamais depuis la Libération, et peut nourrir des espoirs de lendemain qui chantent, d'autant que le marxisme et les idées de révolution sociale et économique et d'égalité sont très présentes dans la société, en Bretagne comme ailleurs.

"La Bretagne lutte pour une terre de bonheur dans une France démocratique" - le slogan (correspondant à un projet étoffé et cohérent des communistes bretons pour leur région et son développement humain) en exergue de l'auberge bretonne de la section de Morlaix (PCF et MJCF) pour la fête de l'Humanité 1974. Giscard a remporté les élections présidentielles mais le parti communiste, en implantation militante et locale, est plus fort que jamais depuis la Libération, et peut nourrir des espoirs de lendemain qui chantent, d'autant que le marxisme et les idées de révolution sociale et économique et d'égalité sont très présentes dans la société, en Bretagne comme ailleurs.

La crêperie bretonne du mouvement de la Jeunesse communiste, 8 et 9 septembre 1973. On était 3 jours avant le coup d'Etat de Pinochet au Chili. Angela Davis, libérée, était présente à la fête de l'Humanité, la veuve de Picasso, Jacqueline, également. Le groupe de percussion de Chuck Berry avait donné un concert mythique sur la grande scène: https://www.ina.fr/.../video/caf97034320/fete-de-l-humanite - Photo de notre camarade de Morlaix Jean-Yvon Ollivier

La crêperie bretonne du mouvement de la Jeunesse communiste, 8 et 9 septembre 1973. On était 3 jours avant le coup d'Etat de Pinochet au Chili. Angela Davis, libérée, était présente à la fête de l'Humanité, la veuve de Picasso, Jacqueline, également. Le groupe de percussion de Chuck Berry avait donné un concert mythique sur la grande scène: https://www.ina.fr/.../video/caf97034320/fete-de-l-humanite - Photo de notre camarade de Morlaix Jean-Yvon Ollivier

Photo souvenir - L'Auberge bretonne à la fête de l'Humanité dans les années 70. Archives de Jean-Luc Le Calvez

Photo souvenir - L'Auberge bretonne à la fête de l'Humanité dans les années 70. Archives de Jean-Luc Le Calvez

Bretagne Nouvelle... 11 août 1968, photo du stand de la federation PCF Finistère de la fête de l'humanité de Vincennes... On invite les sections a s'emparer de l'exemple des initiatives de la section de Saint-Pol-de-Leon qui confectionne des poupées, des cartes postales, décore des coquillages vendus à la fête de l'humanité.

Bretagne Nouvelle... 11 août 1968, photo du stand de la federation PCF Finistère de la fête de l'humanité de Vincennes... On invite les sections a s'emparer de l'exemple des initiatives de la section de Saint-Pol-de-Leon qui confectionne des poupées, des cartes postales, décore des coquillages vendus à la fête de l'humanité.

La photo du stand de la JC Finistère de 1961, réutilisée par le journal communiste Bretagne Nouvelle le 11 août 1968.

La photo du stand de la JC Finistère de 1961, réutilisée par le journal communiste Bretagne Nouvelle le 11 août 1968.

Les JC du Finistère a la fête de l'Huma. Photo de la fête de l'humanité 1965 sur le stand du Finistère des jeunesses communistes avec une centaine de camarades de la JC. Préparation de la fête de l'humanité 1966 les 10 et 11 septembre sur Vincennes avec Gilbert Bécaud, Johnny Halliday, Mireille Mathieu, Hugues Auffray. Humanite-Dimanche, 7 août 1966. Supplément Notre Finistère.

Les JC du Finistère a la fête de l'Huma. Photo de la fête de l'humanité 1965 sur le stand du Finistère des jeunesses communistes avec une centaine de camarades de la JC. Préparation de la fête de l'humanité 1966 les 10 et 11 septembre sur Vincennes avec Gilbert Bécaud, Johnny Halliday, Mireille Mathieu, Hugues Auffray. Humanite-Dimanche, 7 août 1966. Supplément Notre Finistère.

D'ici les semaines qui nous séparent de la fête de l'Humanité, nous vous proposons de partagez vos photos souvenirs des stands du Finistère (sections - fédérations - Jeunesses communistes) à la fête de L'Humanité, des années 50 aux années 90, avec les récits et anecdotes qu'elles évoquent.

dupont.ismael@yahoo.fr / federation@29.pcf.fr 

Publications à venir dans "Le Chiffon Rouge" et "Rouge Finistère" et sur la page Facebook Stand du Finistère - Fête de l'Humanité

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