Réunion des candidats du Front de Gauche à la mairie de Morlaix le 19 mars -
Depuis un mois et demi, nous faisons cette campagne des départementales en travaillant en étroite collaboration entre candidats et militants des cantons de Morlaix et de Plouigneau. L'entente a été parfaite. Nous avons mené ensemble 8 réunions publiques où souvent, l'ensemble des candidats des deux cantons étaient présents: Plourin les Morlaix, Plougonven, Lanmeur, Pleyber-Christ, Plounéour-Menez, Locquénolé, Plouigneau, Morlaix.
Nous avons un comité de campagne qui a beaucoup travaillé dans l'ombre à la préparation des documents de campagne, du programme, des réunions publiques.
Anne Caradec et Christophe Ducourant, nos graphistes, Annie Le Calvez, qui nous a accueilli pendant un mois au lancement de la campagne pour nos réunions hebdomadaires du mercredi et qui s'est occupé de trouver tous les assesseurs dans le canton de Morlaix, Alain David, François Rippe, Bruno Fichou, Yann Guéméné, Daniel Ravasio, Christian Corre, Nicole Labelle, Yves Abramovicz, sont là pour en témoigner. Et d'autres encore qui ont beaucoup donné dans cette campagne: Michel Lespagnol, Michel Prigent, Annie Morel, Babeth Gaud, Babeth Racapé...
Des dizaines de militants ont parcouru les deux nouveaux cantons – 28 communes tout de même – pour distribuer des dizaines de milliers de tracts et de flyers, échanger avec les habitants, convaincre qu'il y avait de la place dans ce département et dans ce pays pour une gauche fidèle à ses valeurs, soucieuse de partage des richesses, d'affrontement vis à vis du libéralisme et des intérêts capitalistes, de solidarité, d'écologie et de participation citoyenne.
Si les électeurs vont être nombreux à nous accorder leur suffrage et leur confiance, c'est aussi grâce à tous ces militants qui cette fois-ci ne sont pas sur les affiches et qui s'investissent néanmoins totalement, y compris financièrement, car nous n'avons pas les moyens des partis de gouvernement.
Je ne les remercie pas car nous ne faisons chacun de bon cœur que si ce qui nous semble souhaitable et nécessaire pour le bénéfice de la collectivité et de la progression de nos idées communes mais je tenais néanmoins à saluer ces efforts et ces dévouements partagés.
Le Front de Gauche, c'est aussi ça, un collectif militant constitué de nombreux citoyens, et d'adhérents des différents partis qui composent notre coalition – PCF, Parti de Gauche, Ensemble. Un collectif où chacun sait travailler et se rendre utile à sa place.
Un collectif où la politique n'est pas vécue comme d'abord une concurrence pour le pouvoir mais comme une urgence sociale et humaine, un lieu d'épanouissement de possible réalisation de soi par le partage, la générosité dans l'effort et l'ouverture aux autres, la solidarité.
C'est pour ça que ce qui reste de nos campagnes électorales, au-delà du résultat brut, qui ne dépend pas que de nous, qui nous décevra toujours tant que nous laisserons aux manettes des partis dont on ne connaît que trop les politiques et les pratiques, c'est d'abord de belles expériences humaines, un capital de fraternité et de confiance pour l'avenir, pour continuer à travailler et se battre sur d'autres terrains que ceux de l'électoralisme.
Car le Front de Gauche, contrairement au PS ou à l'UMP, vous ne le voyez pas qu'à travers des élus ou lors des élections : il continue, avec ses moyens humains, qui ne sont pas illimités, tout au long de l'année à organiser des réunions publiques d'éducation populaire, des assemblées citoyennes sur des débats politiques de fond, il milite dans les quartiers populaires, aux portes des entreprises, sur les marchés, pour maintenir un contact régulier avec les citoyens, tenter d'accompagner chez eux l'esprit de révolte, de mobilisation, et surtout les faire sortir de la résignation et du dégoût passif. C'est notre but: rien ne se fera sans les citoyens. A nous seuls, sans la mobilisation du peuple, nous ne pourrons pas faire bouger le système de domination en place qui est bien installé pour protéger les intérêts de quelques privilégiés.
Le Front de Gauche exerce son droit d'alerte par ses communiqués, son journal L'Humain d'abord. Il assiste avec ses militants aux conseils municipaux et aux conseils communautaires.
En dehors du Front de Gauche qui fait ce travail pour restaurer la dignité de l'engagement et de la participation politique, pour expliquer aux gens qu'on peut penser hors du cadre dominant : celui du libéralisme et du capitalisme triomphants, celui de la délégation de pouvoir ?
Personne ou presque!
Les Verts se mobilisent à peu près exclusivement, avec un nombre de militants assez faibles, il est vrai, sur des questions écologiques. Importantes, certes, mais le social l'est aussi !
Quand il s'agit de mobiliser contre la réforme des retraites, l'ANI, la loi Macron, le TSCG, le Traité Transatlantique, quand il s'agit de défendre les services publics, le droit au travail et le droit du travail des salariés, nous sommes bien seuls, nous, militants et sympathisants du Front de Gauche, avec les syndicalistes qui ne sont pas dans l'accompagnement libéral du capitalisme comme la CFDT.
J'ai lu ce matin la profession de foi d'EELV : on pourrait pratiquement tout signer. Mais il manque tout de même des éléments importants : la référence à la montée des inégalités et de la pauvreté, de la précarité dans le travail. La dénonciation de la politique européenne et gouvernementale d'austérité et de soumission aux dogmes libéraux.
A se demander si les Verts localement ne ménagent leurs alliés des municipales socialistes.
Ce ne serait pas si étonnant quand on se souvient de ce qui s'est passé en 2012 : un parti qui fait 2 % aux présidentielles et obtient 18 élus grâce à ses accords d'avant présidentielles avec le PS. Le Front de Gauche, avec 11% aux présidentielles, obtient 11 députés un mois plus tard sans accord avec le PS.
Un parti avec deux ministres au gouvernement qui ont justifié par leur présence la mise en place de la politique d'austérité et de soumission aux directives ordo-libérales de Bruxelles, dont les députés pendant 2 ans, du temps du gouvernement Ayrault, non pas voté contre les budgets d'austérité, l'ANI (abstention).
Cécile Duflot a compris que continuer à soutenir cette politique et à la mettre en œuvre était une impasse sociale, économique et surtout pour EELV un suicide politique. Elle s'est depuis nettement démarquée de la politique de Hollande et Valls, a esquissé un début de réorientation des alliances dans la perspective de 2017 avec le Front de Gauche (45 % des listes EELV aux départementales se font avec le FDG, une ou certaines de ses composantes). Cécile Duflot a soutenu comme le front de gauche Syrisa. Elle a accepté avec Nouvelle Donne et des frondeurs du PS de participer aux "Chantiers d'espoir" pour construire une alternative au libéralisme à gauche pour les présidentielles de 2017.
Mais comme il y a une partie des élus écolos qui sont clairement sociaux-démocrates ou libéraux- centristes (la ligne de Rugy, Jean-Vincent Placé, Cohn-Bendit) et que ce n'est pas précisément un parti de militants (parmi ses 10000 adhérents déclarés, un certain nombre d'élus), EELV est d'ailleurs au bord de la scission.
En Bretagne, dans le Finistère : les écolos ont choisi la stratégie du Ni – Ni. Ni Parti Socialiste, ni Front de Gauche.
A Pont Labbé, Brest, et Morlaix-Plouigneau, ils ont refusé la main tendue du Front de Gauche.
Nous respectons leur choix, ils ont leur propres objectifs et intérêts politiques mais ce choix pourrait empêcher de passer devant le PS et d'avoir des élus autres que PS au Conseil Départemental pour faire vivre le pluralisme et le débat politique.
Or, il y a un enjeu très fort dans ces élections : montrer que la gauche aux responsabilités, ça peut être autre chose que le PS qui soutient et applique la politique d'austérité et la politique libérale du gouvernement. Cela ne peut qu'être autre chose que le PS, qui bien souvent, dans ses choix objectifs, ne se conduit plus en parti de gauche.
Il n'a pas dénoncé par exemple à travers sa majorité au Conseil Général la baisse des moyens à hauteur de 118 millions d'euros d'ici 2017 qui se traduira pas une augmentation de la fiscalité locale, des suppressions d'emplois dans les associations dépendantes du Conseil Général, les services sociaux et les autres services du Conseil Général, une dégradation des services publics et de l'action sociale en lien avec les compétences du Conseil Général.
Il soutient la réforme territoriale anti-démocratique qui veut adapter les territoires aux exigences de la concurrence capitaliste en éloignant les lieux de décision du citoyen et affaiblissant les solidarités et redistributions entre territoires.
S'il y a quelque chose qui doit nous convaincre que le PS s'est clairement coupé du peuple, c'est l'interview donné par François Hollande à Challenge, le journal très libéral des cadres, quand il dit qu'il ne changera rien à sa politique, qu'il ne changera pas de premier ministre, quelque soit le désaveu et le signe de profond désaccord et de volonté de sanction que les Français donneront le 22 et 29 mars.
C'est une raison suffisante pour ne pas appeler à voter PS au second tour si nous n'y accédons pas, pour ne pas donner de consigne de vote, pour laisser libres nos électeurs de choisir en conscience. Nous ne pouvons plus accepter que les représentants du peuple méprisent la volonté de peuple, qu'ils la dénaturent, qu'ils la confisquent.
Ce n'est pas ça la République. Pour nous, la République, c'est la chose du peuple, la res publica, pas celle des élites auto-proclamées qui gouvernent sans le peuple et contre lui.
Les dirigeants du parti socialiste devraient relire Jaurès qui est venu au socialisme car il ne séparait pas la république politique, entendue comme l'affirmation du suffrage universel et de la loi votée par les représentants du peuple, de la république sociale qui était son prolongement, souveraineté du peuple dans le domaine des relations économiques et sociales de manière à garantir les conditions minimales d'une égalité de bonheur pour tous.
Notre projet, c'est précisément de reconstruire cette gauche humaniste, transformatrice, volontariste, populaire, à mille lieux de celle qui n'est qu'une étiquette électorale pour conserver les intérêts du système et d'une coterie de carriéristes.
La république, notion à la mode, particulièrement depuis le 11 janvier et son fameux esprit saint d'oecuménisme républicain en trompe l'oeil.
L'UMP veut se rebaptiser "les républicains". Républicains à l'américaine, à la Reagan certes: ceux qui veulent garder l'ordre discriminatoire dans l'inégalité et mettre la force de l'Etat au service des privilégiés et des intérêts du capitalisme.
Quand nous disons que nous ne donnerons pas de consigne de vote au second tour, ce n'est pas pour dire qu'une victoire de la droite aux départementales nous indiffère. Au contraire. Mais seule la construction d'une alternative à vocation majoritaire de gauche anti-libérale claire sur ses objectifs et sa stratégie peut durablement faire échec à la droite et à l'extrême-droite.
Celles-ci sont d'ailleurs de plus en plus proches. Le maire UMP de Quimper, Mr Jollivet, ne qualifie t-il pas le FN de parti tout à fait républicain. Qualification qui en dit plus sur ce qu'est une partie de l'UMP aujourd'hui et ses arrière-pensées électorales que sur le FN!
L'UMP, on le sait, c'est la proposition d'un plan d'austérité dément de 150 milliards d'euros (trois fois plus que ce qui est fait aujourd'hui, avec déjà des conséquences catastrophiques sur l'économie, la montée des inégalités et la détérioration des services publics), la politique de l'argent roi, le passage à 40h travaillés dans le privé (payées 35), 38h travaillés dans le public (payées 35), la baisse des impôts pour les riches et les grosses entreprises, la culpabilisation et la réduction de droits pour les chômeurs, les précaires, les allocataires des minimas sociaux, la suppression de l'aide médicale d'urgence pour les sans-papiers.
Une vague bleue aux départementales ne nous rejouira aucunement, même si nous y verrons une conséquence logique de la politique libérale dirigée contre les travailleurs et les intérêts de la population de Hollande et de Valls. Nous connaissons cette droite sarkozyste qui ne reviendrait en grâce que par le biais du désaveu infligé aux socialistes et de l'absention. Nous savons de quoi elle est capable...
Nous savons que le risque de ces départementales est aussi qu'à force d'annoncer son ascension inexorable, le FN devienne, pas en Bretagne, mais dans beaucoup d'endroits en France, le nouveau venu des seconds tours.
Le FN ne sait qu'exploiter le ressentiment, le mal de vivre et les préjugés de citoyens déboussolés, frustrés, cherche à faire le buzz avec des slogans basiques et primaires, se complaît dans le culte de la personnalité : le Bleu Marine qui dissimule, si près derrière, le brun qui sent toujours aussi mauvais.
Il affiche partout en ville et sur la voix express des affiches d'auto-célébration mais on ne le voit pas exposer ses arguments et ses propositions dans des réunions publiques, dans des tracts, au contact avec les citoyens. Ses candidats sont parachutés à 50%, beaucoup n'ont strictement aucune crédibilité politique, ils n'ont pas conçu une ligne de programme, on recrute des mamies de plus de 90 ans sans craintre de prendre les électeurs pour des imbéciles.
Vous me direz, il n'a pas besoin d'avoir des candidats crédibles ou des propositions annoncées !
Ses prétendus adversaires de droite et du PS, par la nocivité de leurs politiques pour les classes populaires, travaillent pour lui, et parfois de manière tout à fait délibérée, comme Manuel Valls, comme les médias qui préfèrent poser en adversaires du système un parti d'extrême-droite national-populiste qui divise les pauvres et le monde du travail, alimente le vote utile au service des partis qui défendent les intérêts du système, ne remet pas en cause les conditions de l'accumulation capitaliste, bien au contraire puisqu'il s'attaque aux syndicats, aux acquis sociaux, stigmatise une partie des prétendus « assistés ». N'oublions pas que Jean-Marie Le Pen avait un portrait de Reagan sur son bureau...
Le FN se professionnalise, ratisse l'électorat populaire, principalement de droite, sur des thématiques anti-européennes, anti-libérales, lisse son discours, mais en Off, c'est toujours le même fond de commerce, celui de la xénophobie, de la stigmatisation de l'autre et de l'intolérance, et dans les municipalités qu'il dirige, ce sont des attaques contre l'action sociale, les pauvres et les quartiers populaires, les associations humanistes.
Le FN au pouvoir, avec les institutions de cette monarchie présidentielle qu'est la Ve République, avec son programme de sélection des bons et des mauvais français, d'explusion des résidents d'origine étrangère, c'est une aventure dont on sait par avance qu'elle est pas bonne à vivre. Mais le FN n'est pas encore aux portes du pouvoir, même si ses scores grimpent à la faveur de l'abstention.
René Perez, dans le Télégramme du lundi 16 mars, rappelait qu'entre les présidentielles de 2012 et les européennes de 2014, le FN était passé de 13% à 17% en Bretagne tout en perdant 80 000 électeurs: la prétendue montée inexorable du FN n'est qu'un effet du désaveu de plus en plus massif des français vis à vis des politiques, et de la montée de l'abstention due au sentiment que les alternances se suivent sans véritable changement de politique.
Je crois qu'il faut avoir la même attitude vis à vis du FN que Jaurès devant la montée en puissance de l'anti-républicanisme nationaliste et antisémite du général boulanger à la fin des années 1880: se dire que c'est l'indice d'une crise de régime, ne pas s'implimer dénoncer les conséquences mais s'intéresser aux causes, y voir "une aspiration confuse vers un monde meilleur" autant qu'"un acte de désespoir", y voir "un grand mélange de socialisme dévoyé" qui explique la capacité actuelle du FN à progresser dans les classes populaires désorientées par l'impuissance du politique, les conséquences du libéralisme européen et de la mondialisation financière et capitaliste. Et le FN n'est pas une exception en Europe: partout les partis d'extrême-droite ou nationaux-populistes progressent face aux politiques anti-populaires des droites et des sociaux-démocrates aux pouvoirs, soumis aux intérêts financiers et aux règles du libéralisme. Seule la reconstruction d'une gauche forte et ambitieuse, prête à sortir du "prêt-à- penser" libéral et capitaliste, à rompre avec les logiques austéritaires, comme elle émerge avec Syrisa en Grèce ou Podémos en Espagne, peut nous faire sortir des ornières de la montée des inégalités et de l'extrême-droite.
Ces élections départementales sont un moment important pour gagner ou perdre du temps sur ce chemin. Le Front de Gauche doit pouvoir continuer à grandir, et bien sûr à rassembler et se rassembler bien au-delà de ses rangs, avec les citoyens, les partis, les associations, les syndicats qui veulent d'un vrai changement économique, social, écologique, citoyen mettant l'humain au centre des décisions.
Ismaël Dupont -
Introduction au débat, réunion Front de Gauche à la mairie de Morlaix, le 19 mars 2015.