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12 août 2016 5 12 /08 /août /2016 07:21

Précarité à la SNCF: les prud’hommes plutôt que le CDI

11 AOÛT 2016 | PAR MATHILDE GOANEC

À la SNCF, entreprise publique, la précarité gagne les salariés. Comme ailleurs, les CDD à répétition deviennent un mode de gestion du personnel, quitte pour la direction à payer des indemnités prud’homales plutôt que d’embaucher.

L’action tient de la bravade. Farid (nom d’emprunt), soutenu par une grappe de militants FO et CGT, s’est présenté au travail comme d’habitude le 31 juillet dernier, au pôle opérationnel Paris-Nord-Picardie de la SNCF. Le service, qui jouxte la gare du Nord, gère les arrivées et les départs de trains, ainsi que la régularité du trafic. Mais l’entrée de la petite troupe dans le bâtiment est stoppée illico. Le badge du jeune homme a été désactivé depuis la veille au soir et Farid est refoulé dès le rez-de-chaussée.

L’ex-employé garde un sourire quasi permanent accroché au visage, enchaîne les« merci, merci beaucoup » et les poignées de main aux syndicalistes qui l’accompagnent. Son amertume est pourtant réelle. Farid a enchaîné sept CDD à la SNCF depuis janvier 2015. Il faisait, selon ses collègues, très bien l’affaire, à tel point qu’il était programmé au « planning » pour tout l’été. La direction de la SNCF commet cependant une erreur, qui grippe la machine. Au mois de juillet, un huitième CDD parvient à Farid, mais avec du retard. Cela fait une quinzaine de jours que l’employé travaille sans contrat, ce qui le requalifie automatiquement en CDI, selon une jurisprudence ancienne de la Cour de cassation.

« Faut croire que je suis un optimiste naïf car, quand j’ai appris qu’il y avait un problème avec mon contrat, je n’étais pas du tout dans une logique d’affrontement, raconte Farid.Les syndicats eux-mêmes espéraient que l’on trouverait une solution à l’amiable, comme cela avait pu arriver dans le passé. » Ils y croient d’autant plus que des documents et des mails circulant en interne font état, à plusieurs reprises, du salarié comme d’un excellent élément. Une prime, non obligatoire et attribuée aux résultats, lui a même été offerte les mois passés.

« J’ai attendu un peu que mon chef rentre de vacances, j’étais prêt à accepter un poste en 3×8, à aller travailler en Picardie si besoin, l’essentiel étant de continuer à faire un métier qui me plaisait », poursuit Farid. Mais la réponse de la SNCF à cette erreur manifeste est un énième contrat antidaté, un neuvième CDD pour le mois d’août, ainsi que cette phrase, en forme de fin de non-recevoir : « Ils m’ont dit que je n’avais qu’à attaquer aux prud’hommes, pour toucher des indemnités supplémentaires. » Interrogée sur ce cas précis, la direction de la SNCF n’a pas répondu à nos questions.

Les syndicats maison n’en reviennent pas. « C’est d’autant plus révoltant que l’erreur est manifeste et que derrière ils produisent un faux, assure Christophe Jocquel, secrétaire fédéral FO Cheminots. Dix ans plus tôt, la SNCF l’aurait passé direct en CDI, surtout que son travail correspond à un besoin. Lorsque j’ai plaidé son cas cette fois-ci, la direction juridique m’a envoyé sur les roses. » Un autre salarié de la SNCF a subi le même sort l’an passé : il a été mis dehors après avoir effectué une dizaine de CDD, et ce, malgré plusieurs jours passés en CDI de facto faute de contrat. « Des gens qui travaillent sans contrat après la date d’échéance de leur CDD, c’est très fréquent, souligne le secrétaire fédéral. La SNCF fait comme les autres, elle s’assoit sur le droit du travail et pense que ça se réglera par une indemnisation aux prud’hommes. »

Le secrétaire général de la fédération cheminots de FO pose le même diagnostic que son collègue, accusant la SNCF de jouer sciemment avec la règle : « Même si elle perd aux prud’hommes, elle préfère payer une amende pour non-exécution de la sanction plutôt que de réintégrer les gens, estime François Graza. La SNCF compte également sur l’usure. Les procédures sont longues, les salariés se lassent et cherchent du boulot ailleurs. »

Pour les syndicats, la filière RH (ressources humaines) de l’entreprise publique « est cassée », ce qui entraînerait une flopée d’erreurs. « Depuis la réforme ferroviaire [votée en 2014 – ndlr], la SNCF a explosé en mille morceaux, explique un délégué syndical CGT.La pénurie de personnel touche aussi la RH, l’encadrement, avec des gens qui ne sont pas toujours correctement formés ou qui n’ont plus la culture maison. » En effet, depuis la mise en œuvre de la modernisation de la SNCF, l’un des objectifs de la direction était d’atteindre un effectif de 40 % de cadres contractuels (CDD ou CDI), et donc « non statutaires », selon la CGT citée par L’Humanité en 2012. « Résultat, aujourd’hui, ils ont un jeune qui bosse, qui fait bien son travail, et on le fout dehors. Le manque de responsabilité, de solidarité, qu’ils nous reprochent à longueur de temps, ils l’appliquent », peste un militant.

La SNCF n’est plus, depuis longtemps, une entreprise 100 % cheminots. La part des recrutements des salariés en contrat de droit privé a augmenté ces dernières années pour se stabiliser autour de 26 % selon les chiffres de 2014. Le recours à l’intérim a lui aussi beaucoup augmenté. L’entreprise dispose même, depuis 2011, de sa propre agence d’intérim filialisée (SNCF InterServices). La direction, dans sa communication officielle, assure cependant que le recrutement « au statut » restera prioritaire. Cette question a d'ailleurs fait l'objet d'un accord majoritaire signé en 2015 par la CGT et Sud rail.

Farid a, lui, tenté deux fois de passer en CDI, en passant les concours interne et externe de la SNCF. Son doctorat en sciences sociales a vraisemblablement posé problème. « J'ai dit que j'étais prêt à signer une renonciation de diplôme pour être embauché quand même, mais la direction n'a pas voulu. Finalement, en juin et juillet, deux CDI ont été recrutés en externe, à bac +2 et bac +3. Tout le mois d'août, je devais d'ailleurs en former un sur mon poste. » La même mésaventure, racontée par Midi Libre, est arrivée à Séverine Chalbos. Tout en cumulant des dizaines de CDD durant plusieurs années, la jeune femme prépare un doctorat en sociologie. Au moment d’être titularisée en 2013, la sanction tombe : elle est surqualifiée pour le poste. « Paradoxalement, je reste toujours motivé pour travailler à la SNCF, conclut Farid. J'y ai découvert une forme de solidarité qui n'existe pas forcément ailleurs, des gens que je ne connaissais pas sont venus m'aider. C'est tout un monde qui est mis à mal, et qu'il faut préserver. »

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11 août 2016 4 11 /08 /août /2016 05:50

Licenciements chez Molex: «Le jugement nous donne raison, mais c’est trop tard»

10 AOÛT 2016 | PAR MATHILDE GOANEC

Victoire au goût amer pour les anciens salariés de Molex, en Haute-Garonne. La justice a reconnu mardi que leur licenciement n'était pas justifié par des raisons économiques. Entretien avec un ancien syndicaliste de chez Molex, Thierry Bonhoure.

Mardi 9 août, la cour d’appel de Bordeaux a reconnu que le licenciement des 191 salariés de l’usine Molex de Villemur-sur-Tarn, en Haute-Garonne, intervenu en 2009, était injustifié. Un jugement qui confirme la décision des prud’hommes, en 2014, mais réduit le montant des indemnités versées au titre des dommages et intérêts à 7 millions d’euros, au lieu des 10 millions d’origine. Victoire en demi-teinte donc, puisque la cour d’appel a également suivi un jugement précédent de la Cour de cassation, qui a refusé de reconnaître dans le groupe Molex Inc le co-employeur des salariés du site de Villemur-sur-Tarn, le dégageant ainsi de sa responsabilité dans cette affaire.

Cette décision, saluée par les salariés eux-mêmes, n’en pose pas moins question quant à l’incapacité des pouvoirs publics à peser sur le devenir de la plupart des grands sites industriels, a fortiori quand ils sont détenus par des capitaux étrangers. Continental, Goodyear, Moulinex, Mory-Ducros, la liste est longue de ces sociétés qui ferment des usines, sans réelle justification économique, avec pour seule conséquence une sanction judiciaire, forcément a posteriori. Le gouvernement, malgré la fréquence de ces procès gagnés par les salariés, a même assoupli les règles du licenciement économique dans la loi présentée par Myriam El Khomri, adoptée en juillet. En prenant le problème dans l’autre sens : si ces groupes perdent leur procès, c’est que la loi est mal faite.

Thierry Bonhoure était technicien qualité chez Molex. Il assure que cette décision prouve que « la cause était juste ». L’ancien délégué syndical FO (Force ouvrière), cheville ouvrière du combat mené un an durant par les salariés contre la fermeture de l’usine, se fait néanmoins peu d’illusion : « Ça se reproduira, même si on a fait, en se serrant les coudes, un peu bouger les lignes. » Entretien.

Quelle est l’importance d’un tel jugement, au-delà de la réparation financière ?

Thierry Bonhoure : C’est la question de fond qu’il pose. Est-ce qu’il y avait un motif économique à la fermeture de l’usine ? Est-ce que la société était en danger en termes de compétitivité ? Le tribunal a répondu « non ». Le licenciement était « sans cause réelle et sérieuse » et qu’en aucun cas nous ne mettions en danger le groupe Molex. Le jugement nous donne raison, mais c’est trop tard. Même si par ce jugement, on reconnaît aussi le combat que nous avons mené pour nos emplois. Pour nous, c’est quand même une victoire, même si elle a un goût amer.

Notre combat, depuis le début, était de faire reconnaître le co-emploi et que les motifs pour la fermeture ne tenaient pas ; que ceux qui ont pris la décision de fermer l’usine soient condamnés, ce que les prud’hommes de Toulouse ont fait dans un premier temps, au titre du co-emploi. La cour d’appel de Toulouse a fait de même, mais cette décision a été cassée en Cour de cassation. L’affaire est donc repartie à zéro et a été délocalisée à Bordeaux. Cette fois-ci, le licenciement a bel et bien été reconnu injustifié, même si la cour d’appel, conformément à la Cour de cassation, n’a pas retenu le groupe Molex comme co-employeur.

Elle a aussi diminué le montant des indemnités de 10 à 7 millions d’euros versés en indemnités au titre des dommages et intérêts ?

Il y a deux raisons à cela selon moi : la société américaine Molex a donc été dédouanée du « co-emploi », et comme la filiale a été depuis liquidée, ce sont les AGS [organisme patronal qui garantit les salaires en cas de disparition de sociétés – ndlr] qui vont payer. Cela a pu jouer sur la clémence de la cour d’appel sur le montant des indemnités. Ensuite, c’est une vision personnelle mais la loi sur le travail, avec cette idée de plafonner les indemnités, était quand même en toile de fond de ce jugement.

Pourquoi la cour d’appel n’a-t-elle pas retenu le groupe Molex.Inc comme employeur ?

C’est lié à un revirement de la jurisprudence. Mais là encore, je crois que le contexte politique joue un rôle. Nous sommes dans une période très impactée par le chômage et le gouvernement craint tout ce qui peut être un frein à l’investissement des sociétés étrangères en France. Cette histoire du co-emploi, on le sait, fait grincer des dents, les entreprises souhaitent pouvoir licencier sans que cela ne leur coûte trop cher. Sauf que les AGS, c’est plafonné, ce qui explique peut-être que le montant des dommages et intérêts ait été revu à la baisse. Les salariés recevront environ six mois de salaires en plus, ce qui n’est pas énorme pour une société comme Molex. Mais surtout, ce n’est pas en définitive Molex Inc. qui va payer car la filiale qui nous employait a été, depuis, liquidée par le groupe.

Dans toute cette histoire, qu’est-ce que Molex a finalement dû payer pour la fermeture de votre ancienne usine ?

Dans le genre, c’est un cas d’école. Une enveloppe d’une trentaine de millions d’euros avait été déterminée pour le plan social en 2009. Mais quand le groupe a liquidé sa filiale, l’intégralité du plan n’avait pas encore été financée. Et donc Molex n’a pas payé les 4 ou 5 millions restants. Et ce, même s’il y avait eu un engagement du groupe auprès du gouvernement, à l’époque représenté dans ce dossier par Christian Estrosi et Christine Lagarde. Sur le plan de la revitalisation, Molex s’était engagé à laisser une partie des machines et de l’usine aux futurs repreneurs, et à leur fournir au début un certain nombre de commandes pour garantir du chiffre d’affaires, ce qui a été fait.

La reprise par d’anciens salariés a donc fonctionné ?

Oui, des cadres et des techniciens ont monté un projet de reprise de l’activité, au départ avec une douzaine de personnes. Aujourd’hui, ils sont une soixantaine, avec 45 ex-Molex qui ont été embauchés.

Pourquoi le raisonnement sur le motif économique, que tient le tribunal aujourd’hui, n’a-t-il pas pu empêcher les licenciements à l’époque ?

On touche là aux limites du système. Une entreprise, c’est de la propriété privée. Même si pour pouvoir licencier, il faut justifier de motifs économiques, la loi est mal faite. On doit attendre le jugement a posteriori pour reconnaître que les critères n’y sont pas. Est-ce qu’il ne pourrait pas y avoir une juridiction pour examiner la situation en aval ? À chaque fois, nous sommes condamnés à attendre une réparation financière, quand l’entreprise a déjà plié bagages.

La direction générale du travail est quand même censée donner son point de vue ?

Seulement sur les moyens mis en place pour le plan social, au regard des moyens de l’entreprise ! Sur le motif, elle n’a rien à dire. Avec nos experts, nous avons fait valoir nos arguments à tout le monde, à la justice, au gouvernement, pour qu’ils fassent contrepoids de cette décision prise aux États-Unis. On travaillait par exemple pour PSA, pour Renault, eh bien, on aurait pu mettre la pression par le biais des clients ! On a essayé, on s’est bien battus mais c’est usant. Nous avons tenu un an. À un moment, tu te retrouves avec le couteau sous la gorge. Soit tu rentres dans le jeu pour négocier un bon PSE, soit tu continues avec le risque de tout perdre ! Un combat comme ça c’est long, ça met les nerfs à vif.

Ce qui est compliqué à gérer pour les syndicats, c’est la concomitance du combat contre la fermeture et du processus de négociation d’un plan social le plus honorable possible…

Oui, le risque, c’est qu’ils se mettent tout de suite en liquidation. Et là, t’as plus que tes yeux pour pleurer parce que les salariés vont toucher le minimum. Sans compter le risque de faire aussi capoter la reprise d’activité. Donc même si on n’était pas d’accord, il a bien fallu que l’on donne, en tant que CE, notre avis sur le plan social. Et c’est ça qui enclenche le processus de fermeture. Ce qu’on voulait, c’était récupérer toute l’activité, et ça, on n’a pas réussi. Mais savoir qu’une soixantaine de personnes travaillent toujours, c’est mieux que rien. Ce qui nous semblait impossible, c’est que l’outil de production meure. On ne sait jamais, peut-être qu’un gros marché peut arriver, c’est pour ça que c’est important de ne pas détruire complètement le potentiel industriel.

La loi « Florange », sur l’obligation de reprise des sites rentables, adoptée en 2014, version allégée de la proposition de loi sur l’interdiction des licenciements boursiers, aurait-elle, en 2009, changé la donne ?

Non. Même aujourd’hui, si un employeur veut fermer, il peut fermer. Ça lui coûtera seulement plus ou moins cher, selon le combat que vont mener les salariés. Nous avons aussi eu la chance d’avoir les médias avec nous, ce qui nous a bien encouragés. Et à un moment aussi le gouvernement a pris les choses en main. Sans ça, ça aurait été la bérézina.

Qu’est-ce que vous avez obtenu à l’époque de ce PSE ?

Pas moins de 36 000 euros pour chacun des salariés, même avec peu d’ancienneté. Et neuf mois de reclassement. En moyenne, les salariés sont partis avec deux ans de salaires. Ça s’explique aussi parce qu’une grosse partie des employés avaient pas loin de trente ans de maison. Sur le reclassement, ce n’était pas trop mal, mais une quarantaine de salariés au moins n’ont pas pu retrouver un emploi, même si certains sont à la retraite aujourd’hui. En clair, cela a été très difficile pour ceux qui avaient une cinquantaine d’années, surtout que beaucoup n’avaient connu qu’un seul employeur et étaient autodidactes. Dans ce contexte, c’est compliqué de retrouver un emploi qualifié. Beaucoup ont retravaillé mais au prix de sacrifices : une grosse baisse de salaire, ou des kilomètres pour aller au boulot à Toulouse ou Montauban.

Est-ce que les politiques ont fait ce qu’il fallait ?

Non, je ne crois pas. À cette époque, de l’argent avait été versé à Peugeot et Renault dans le cadre d’un plan de réindustrialisation. Notre usine faisait partie de leurs sous-traitants. Nous pensions qu’il aurait fallu insister pour que, en échange de cet argent, il soit aussi fait pression pour passer commande à Molex. C’était quand même de très gros clients pour l’entreprise, ça avait du poids. Mais nous étions constamment dans l’urgence, c’était difficile de prendre du recul. À vrai dire, avant d’être Molex, l’usine appartenait à Snecma, aujourd’hui Safran. Or l’état était actionnaire à 30 % de la Snecma. Quand elle a décidé de vendre notre site, Molex l’a emporté. Mais si le gouvernement avait eu une vision industrielle, il aurait peut-être dû s’opposer à ce rachat. On aurait pu constituer un groupe de connectique de taille critique, avec Framatom (aujourd’hui Areva) par exemple, pour résister aux fluctuations du marché.

Vous pensez toujours que la fermeture aurait pu être évitée ?

Honnêtement, nous, les salariés, restons convaincus que Molex voulait nous lâcher dès le début. Quand Snecma a vendu, officiellement, ils ont accepté de jouer le jeu et de ne pas fermer tout de suite. Mais c’est Ponce Pilate ce groupe, en réalité, ils s’en lavaient les mains. Il n’y a jamais eu de développement de l’activité. On nous a transformés en vilains petits canards, et la décision de fermer l’entreprise a donc ensuite été plus facile à faire avaler. Le site ne les a jamais intéressés, tout ce qu’ils voulaient, c’était notre portefeuille de clients, pour rentrer chez PSA notamment. Et c’est exactement ce qu’il s’est passé.

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11 août 2016 4 11 /08 /août /2016 05:45

PASSANT OUTRE LA JUSTICE ET L'INSPECTION DU TRAVAIL, MYRIAM EL KHOMRI A VALIDÉ LE LICENCIEMENT D'UN DÉLÉGUÉ CGT. LIBERTÉS Délégué CGT licencié d'Air France: El Khomri valide les yeux fermés

L'HUMANITE
Mercredi 10 août 2016
KAREEN JANSELME ET CÉCILE ROUSSEAU

La décision de la ministre du Travail de valider le licenciement de Vincent Martinez, suite à «l'affaire de la chemise», a suscité un tollé. Irrité par la contestation contre la loi Travail, le gouvernement franchit un cap supplémentaire dans sa croisade antisyndicale.

Pas de trêve estivale dans l'acharnement antisyndical. Lundi, la décision du ministère du Travail de valider le licenciement de Vincent Martinez, magasinier et délégué syndical CGT chez Air France, à la suite de la fameuse affaire de la « chemise déchirée » de l'ancien DRH Xavier Broseta, le 5 octobre dernier lors de manifestations contre 2 900 suppressions d'emplois annoncées dans la compagnie, a fait l'effet d'une bombe. En plein été, le gouvernement a donc choisi de franchir un nouveau cap dans la répression antisyndicale, en allant à l'encontre de la décision de l'inspection du travail du 20 janvier 2015 qui avait annulé ce licenciement. Dans cette affaire ultramédiatisée, le gouvernement a d'emblée choisi son camp

Peu après les échauffourées, Manuel Valls n'avait pas hésité à qualifier les syndicalistes de « voyous », demandant « des sanctions exemplaires » pour certains participants, faisant monter d'un cran la tension sociale. Philippe Martinez, secrétaire général de la CGT, s'est immédiatement indigné de cette décision du ministère, jugeant cet avis favorable « proprement scandaleux », y voyant même une « attitude revancharde » du gouvernement après la bataille menée par le premier syndicat français contre la loi travail, promulguée ce même 8 août par François Hollande et le gouvernement.

L'ombre de la loi El Khomri et du mouvement social pour réclamer sa suppression planent bel et bien sur cette décision. Pour Pascal Bouvier, membre du bureau confédéral de la CGT, « le gouvernement veut faire passer le message aux salariés qu'on peut licencier sans peine leurs représentants. Ils veulent leur faire peur, c'est le même principe avec la multiplication des gardes à vue lors des manifestations contre la loi travail ». Céline Verzeletti, chargée de la question des libertés syndicales à la CGT, embraie : « C'est une attaque envers un syndicalisme de lutte et force de proposition. » Pour le PCF, « il s'agit bien d'une décision à caractère politique, bafouant d'une part l'avis très argumenté de l'inspection du travail, et d'autre part piétinant le Code du travail, le délai pour recours étant épuisé

Les attaques ciblées du gouvernement contre certains syndicats restent en travers de la gorge. Pour Karim Taïbi, responsable FO chez Air France, « l'exécutif, dans sa toute-puissance, se substitue à la justice en pleines vacances d'été. Il criminalise les hommes et rallume le feu ». Car le dossier contre Vincent Martinez est désespérément vide. C'est en tout cas l'avis des inspecteurs du travail qui avaient estimé qu'« il n'y avait aucune preuve matérielle de l'implication directe du délégué CGT » (voir article ci-contre). Mais Air France, refusant cet avis, avait alors formulé un recours auprès du ministère le 4 février. Le ministère avait ensuite procédé à un complément d'instruction et devait statuer sous quatre mois. Sans réponse de leur part, le 3 juin, le licenciement était implicitement rejeté. Ce qui n'a pas pourtant pas empêché Myriam El Khomri de prendre cette décision inique. Dans la notification, le ministère a estimé que le syndicaliste, dan « un acte délibéré non résultant d'un mouvement de foule ou de toute autre pression, a poussé l'un des deux vigiles soutenant M. Broseta, entraînant la chute de ce dernier et des deux vigiles, que cet agissement conscient non provoqué constitue une faute lourde ».

Pour le ministère, cette décision est donc « cohérente » avec le licenciement des quatre autres salariés impliqués.

« C'est une décision sans queue ni tête »

Le ministère fait aussi cette étrange mention, assurant que pour ce licenciement, il ne « relève aucun indice quant à l'existence d'un éventuel lien entre la demande d'autorisation de licenciement et les mandats exercés par M. Martinez ». Mehdi Kemoune, secrétaire général adjoint de la CGT Air France, ajoute que « le ministère reconnaît aussi que Vincent Martinez a protégé la direction et on en arrive là ! On assiste à un 49-3 antisyndical. L'affaire de la chemise, c'est l'exemple de la violence sociale par rapport à la violence économique, un catalyseur aussi du conflit sur la loi travail ».

Vincent Martinez, encore sous le coup de la nouvelle, attend désormais la lettre de licenciement d'Air France. Sans baisser les bras. « C'est une décision sans queue ni tête. Je ne laisserai pas cette victoire au gouvernement. » Salarié depuis dix ans, le jeune homme de 28 ans estime que « cette histoire est très politique ». Lors de l'enquête menée par le ministère, il note qu'« Air France n'a pas fourni de preuves supplémentaires par rapport à (l'enquête) menée par l'inspection du travail. La compagnie n'a même pas porté plainte contre moi. Si j'ai eu un mauvais geste envers le vigile, je ne regrette pas de m'être mobilisé avec mes collègues ». Face à la colère suscitée par la validation du licenciement, l'exécutif a été contraint de dégainer les statistiques. Selon la direction générale du travail (DGT), cette décision du ministère d'invalider une décision de l'inspection générale du travail n'a « rien d'exceptionnel »: le ministère annulerait environ un tiers des 1900 décisions contestées dont il est saisi chaque année.

Quoi qu'en dise le ministère du Travail, une telle prise de position allant à l'encontre de l'inspection du travail reste théoriquement rare. Mais sous l'ère de François Hollande, dans le contexte de contestation sociale exacerbée, les cas ont effectivement une fâcheuse tendance à se multiplier. À la Sodexo, le 27 juin dernier, le ministère du Travail infirmait une décision de l'inspection du travail dans un cas similaire. Après une grève menée dans l'entreprise à Marseille, 18 chauffeurs-livreurs avaient été mis à pied puis licenciés. 17 ont été réintégrés ou ont négocié financièrement leur départ. Seul le délégué CGT Yvon Caprice a été viré. « J'ai été réintégré par l'inspection du travail, qui a estimé la grève licite et conclu que le blocage des cuisines était une conséquence de la grève. »

Dans ce climat tendu , la CGT a interpellé la France devant l'ONU pour dénoncer les violences anti-syndicales.

Pourtant, le ministère du Travail revient sur cette décision en plein été... « Ils ont attendu l'été, la fermeture des écoles et des cantines pour prendre des décisions, relève Nordine Ziani, délégué syndical. Ça arrange notre direction, elle est sûre qu'il n'y aura pas de vagues syndicales. C'est la même situation qu'à Air France. Le ministère prend tous les dossiers CGT et les traite en direct. » La fédération du commerce et des services CGT a écrit un courrier le 8 juillet à la ministre du Travail exigeant la « réintégration immédiate du délégué syndical » et demandant une rencontre à la ministre. Ces démarches sont restée lettre morte.

Le gouvernement a choisi sans états d'âme la voie de la sanction

Dans un autre registre, l'affaire des Goodyear avait au début de l'année 2016 aussi déclenché une onde de choc. Alors que les plaintes de la direction avaient été retirées, le parquet avait quand même décidé de poursuivre certains salariés pour avoir retenu des cadres dans l'entreprise. Neuf d'entre eux avaient été aussi condamnés à de la prison ferme, une sentence très lourde, quasi inédite. Dans ce climat tendu, la CGT a d'ailleurs interpellé la France devant l'ONU pour dénoncer la répression et les violences antisyndicales.

Pressé de faire plier l'échine aux syndicats réfractaires, en échec sur sa politique dite de relance de l'emploi, le gouvernement a choisi sans états d'âme la voie de la sanction pour faire taire la fronde. Peine perdue, les représentants des salariés ne sont pas décidés à se laisser faire. Vincent Martinez va formuler un recours auprès du tribunal administratif pour contester son licenciement. Une procédure qui pourrait traîner de un à deux ans. Il comparaîtra également avec quatre autres salariés les 27 et 28 septembre prochains au tribunal correctionnel de Bobigny pour violence en réunion. Ces épreuves n'entament pas ses convictions. « Ce n'est pas facile à vivre, mais je ne vais pas me résigner », explique le syndicaliste mobilisé contre les suppressions d'emplois dans la compagnie et contre la loi travail.

Car la promulgation de ce texte de loi est loin d'avoir effacé le mécontentement massif des Français. Après une pause estivale, une journée d'action intersyndicale est prévue le 15 septembre prochain. Les nuages s'accumulent sur le gouvernement et présagent d'une rentrée sociale orageuse.

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11 août 2016 4 11 /08 /août /2016 05:32

"Pikachu dans la guerre du clic entre le gouvernement et les groupes anti-IVG":

Lien avec l'article du Monde (9 août 2016): où l'on voit que les intégristes catholiques et mouvements d'extrême-droite affiliés à la Manif pour tous et aux combats anti-féministes restent très actifs, jusqu'à être en mesure, grâce à leurs moyens matériels et leur sens de la com, de laisser croire qu'ils présentent une information objective sur l'IVG sur internet à des femmes et souvent des jeunes qui ne sont pas forcément prévenues du caractère tendancieux d'un site qui est longtemps apparu en premier dans les référencements Google.

http://www.lemonde.fr/pixels/article/2016/08/09/gouvernement-et-groupes-hostiles-a-l-avortement-se-livrent-une-guerre-du-clic_4980544_4408996.html

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10 août 2016 3 10 /08 /août /2016 07:38

Air France : Le ministère du travail s'acharne contre le monde du travail (Isabelle De Almeida - PCF)

La ministre du travail a validé le licenciement de Vincent Martinez, délégué CGT d'Air France accusé d'avoir participé à l'épisode de la "chemise arrachée", a annoncé hier son ministère dans un communiqué, alors même que l'inspection du Travail avait pris une décision inverse en janvier.

Le PCF apporte toute sa solidarité aux salariés d'Air France comme à tous les salarié-es victimes de criminalisation et exprime son soutien à Vincent Martinez .

Il s'agit bien d'une décision à caractère politique, bafouant d'une part l'avis très argumenté de l'Inspection du travail, et d'autre part, piétinant le Code du travail, le délai pour recours étant épuisé.

A nouveau, avec cette décision prise en plein été, s'exprime une volonté politique de ce gouvernement de faire taire toute contestation sociale dans le pays et d'affaiblir le mouvement syndical avec une criminalisation des hommes et des femmes qui s'engagent et luttent pour défendre des conquêtes sociales et améliorer les conditions de travail et de vies des travailleur-euses.

Le gouvernement a d'abord, en début de quinquennat, refusé l'amnistie sociale pour les militants. Puis il a mené une campagne de stigmatisation contre les responsables syndicaux et une répression sans précédent du mouvement social comme nous l'avons vécu durant ces derniers mois avec les manifestations contre la loi dite « travail ». Comment alors croire les paroles de François Hollande prononcées samedi dernier « Il faut changer la démocratie, pas la restreindre » ?

Effectivement il faut donner un nouveau souffle à la démocratie dans notre pays.

Il faut pour cela écouter et respecter les citoyens et le débat parlementaire en renonçant à l'utilisation du 49-3.

Cela passe par la démocratie sociale, avec des nouveaux droits et pouvoirs pour les salarié-es et leurs représentant-es.

Cela passe également par le retrait de la loi « travail » pourtant promulguée aujourd'hui.

Le PCF participera, à l'appel de plusieurs syndicats et organisations de jeunesse, à la journée de mobilisation du 15 septembre.

Dès maintenant le PCF invite les salarié-es, les citoyens en lutte contre cette loi régressive à participer à la Fête de L'Humanité les 9, 10 et 11 septembre, pour échanger afin de construire une alternative de gauche à cette loi.

Affaire de la "chemise" à Air France: El Khomri valide le licenciement du délégué CGT (Médiapart- 8 août)

Air France: le ministère du travail s'acharne contre le monde du travail (PCF)
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10 août 2016 3 10 /08 /août /2016 06:05

Par Yves Housson

Mardi, 9 Août, 2016

L'Humanité

L'éditorial de Michel Husson : "À l’échelle macroéconomique, le premier anniversaire de la loi Macron, qui devait « doper » la croissance, coïncide avec l’annonce d’une croissance zéro au deuxième trimestre, et un rebond du chômage ces derniers mois."

Déréglementons, et tout ira mieux. Avant d’être celui de la loi El Khomri, ce fut le credo de la loi Macron, dite « pour la croissance et l’activité ». Un an après son adoption, le ministre de l’Économie claironne une « réussite » qui aurait commencé à « changer le quotidien » des Français. Au concours des invraisemblances, lancé par le fameux « ça va mieux » de Hollande, qui l’emportera ? L’enflure des mots ne cache pas la misère des résultats. Principal titre de gloire avancé, le succès des transports interurbains par autocar a été obtenu, sans surprise dans un contexte de pouvoir d’achat en berne, grâce à des tarifs excessivement bas… dont les patrons des compagnies avouent, maintenant qu’ils ont raflé le marché, qu’ils ne vont pas durer. Et, quand les prix du bus auront remonté, le service public ferroviaire, lui, sera un peu plus affaibli, entre la mise à mort gouvernementale des trains de nuit et les menaces sur les trains Intercités…

Quant à l’extension du travail du dimanche, prétendument très attendue par les salariés du commerce, ceux-ci l’ont heureusement mise en échec en nombre d’endroits. Et, là où elle est appliquée, le miracle n’a pas eu lieu : selon les retours des commerçants, « il n’y a pas eu de hausse significative du chiffre d’affaires », constate un économiste. Les quelques emplois créés risquent fort, du coup, d’être à durée très limitée.

À l’échelle macroéconomique, le premier anniversaire de la loi Macron, qui devait « doper » la croissance, coïncide avec l’annonce d’une croissance zéro au deuxième trimestre, et un rebond du chômage ces derniers mois. Symbole, après le pacte de responsabilité, avant la loi travail, de la dérive libérale de la présidence Hollande, la loi Macron le démontre encore une fois : la déréglementation n’est pas le remède, mais bien une impasse économique. Socialement cher payée. Et propice aux pires aventures politiques. Il est encore temps d’en tirer les conséquences

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10 août 2016 3 10 /08 /août /2016 05:59
«Il faut s'attaquer aux origines sociales de la violence»

L'HUMANITE

Entretien avec Olivier DARTIGOLLES

Le porte-parole du PCF, Olivier Dartigolles, revient sur les attentats et les réponses à opposer au terrorisme. L'heure est selon lui à la réflexion et au débat démocratique, à la prise en compte des causes sociales plutôt qu'à l'enfermement sécuritaire.

La France a été frappée cet été par des attentats. La polémique a suivi celui de Nice. Que pensez-vous de l'attitude des habitants de SaintÉtienne-du-Rouvray à la suite de l'assassinat du père Hamel?

OLIVIER DARTIGOLLES

Après un tel choc, alors qu'un nouveau palier a été franchi dans l'abomination, il ne faut pas oublier une chose essentielle: le but ultime des terroristes est le basculement dans la haine pour créer un processus de division allant jusqu'à l'affrontement. La population de SaintÉtienne-du-Rouvray a réagi de manière remarquable, dans le respect de tous. Je crois que les paroles du maire ont marqué les esprits. Alors qu'après le massacre de Nice, le débat public était monopolisé par les surenchères indécentes et indignes de la droite, Hubert Wulfranc a parlé de l'État de droit et de la prochaine rentrée scolaire. Ce n'est pas rien de parler de la réponse éducative dans un tel moment. Il a appelé au discernement, à prendre le temps de la réflexion. Les solutions pour faire reculer les impasses sécuritaires, autoritaires et guerrières viendront aussi des territoires, des citoyens, des élus locaux, des associations. L'orientation de ces politiques publiques de proximité et les moyens pour les mener sont une question essentielle.

Que pensez-vous de la surenchère que certains alimentent à droite ?

OLIVIER DARTIGOLLES

Surenchère, oui, attisée par la compétition des primaires, mais qui dessine un choix de société qui n'est pas celle dans laquelle nous vivons. Le problème, c'est que cette droite a été confortée et renforcée par l'exécutif au cours des derniers mois, et le 21 juillet dernier avec le vote sans débat d'une nouvelle loi « antiterroriste » qui, en plus de la prorogation de six mois l'état d'urgence ¬ ce qui est déjà très préoccupant ¬, reprend des demandes de la droite, puisées dans le programme du FN, jusque-là repoussées. Cela est d'une exceptionnelle gravité. Notre pays mérite mieux.

Cet enfermement vers le tout-sécuritaire représente-t-il un danger pour l'État de droit et la démocratie ?

OLIVIER DARTIGOLLES

Après Charlie, le gouvernement n'a pas voulu tirer le meilleur de ce que notre société et notre République sont capables. Après le 13 novembre, le débat sur la déchéance de nationalité a ouvert les vannes au pire. Cela a été mis en échec, mais que de temps perdu. Après les derniers attentats, le pouvoir accentue ce qui jusque-là n'a apporté aucune solution: un état d'urgence inefficace, une fuite en avant sécuritaire et guerrière, une politique d'austérité qui provoque des dégâts considérables pour les vies et les territoires. Ce terreau est favorable à la propagande de haine des terroristes. Ça ne va pas mieux pour notre pays et c'est pourtant un chantier prioritaire pour faire reculer les menaces. Pas mieux quand on voit la dernière note de conjoncture de l'Insee, pas mieux avec les conditions de la mort du jeune Adama Traoré et le comportement inadmissible du parquet en réponse à une famille qui demande que la vérité soit faite, pas mieux avec les provocations du patronat ¬ des annonces faites par Patrick Drahi pour SFR à la caissière d'Auchan licenciée pour 85 centimes.

«Le pouvoir accentue une fuite en avant guerrière, une politique d'austérité qui provoque des dégâts considérables pour les vies et les territoires.» Que propose le PCF face au terrorisme, sur les plans national et international ?

OLIVIER DARTIGOLLES

Le débat démocratique et pluraliste est légitime et ne peut plus être à ce point cadenassé et empêché. Nos groupes parlementaires ont fait des propositions qui tiennent non pas au renforcement de l'arsenal législatif après chaque attentat, mais à des moyens renforcés et adaptés pour la sécurité, le renseignement de proximité, la justice. L'exécutif et la droite ne parlent que de répression alors que tous les spécialistes de ces questions insistent depuis des mois, sans que leurs avis ne soient pris en considération, sur la prévention et la réinsertion. Rien ne sera réglé si on ne s'attaque pas aux origines sociales de la violence ; c'est pourquoi le secrétaire national du PCF a proposé de déclarer un état d'urgence social afin de stopper les politiques d'austérité en déployant des moyens sans précédent de l'État et des services publics dans tous les territoires de la République. Il faut dans le même temps réaffirmer, avec plus de force et de constance, que la paix est la solution. La France doit changer en profondeur sa politique internationale pour bâtir la paix, apporter des solutions pacifiques et politiques durables au Proche-Orient et en Afrique, sous maîtrise de l'ONU.

«Les décisions prises par le PCF priorisent l'irruption dans le paysage politique d'un mandat populaire.» Comment le PCF prépare-t-il la rentrée alors que se profilent la présidentielle et les législatives de 2017 ?

OLIVIER DARTIGOLLES

Pierre Laurent s'exprimera lors de l'université du PCF qui se tiendra à Angers du 26 au 28 août. Cette intervention sera importante pour la prochaine période. La grande consultation citoyenne lancée par notre parti est plus que jamais un outil qui permet d'écouter et d'échanger. Quasiment systématiquement, les personnes qui ont consacré une vingtaine de minutes pour répondre au questionnaire nous disent merci... Pour 2017, il n'y aura pas de raccourcis, de « sauveur », de formule miracle. Les décisions prises par le PCF lors de son dernier congrès priorisent l'intervention citoyenne, l'irruption dans le paysage politique d'un mandat populaire. La prochaine Fête de l'Humanité en sera le cœur battant. Ça va se voir... et surtout se vivre partout dans les allées, les stands, les débats. Ce mandat populaire trouvera sa traduction dans un pacte d'engagements communs puis dans une votation citoyenne partout dans le pays.

Je mesure bien que cette façon de faire ne rentre pas dans la manière dont la présidentielle se présente. Raison de plus, car le présidentialisme, et tout ce qu'il provoque, est un verrou au changement et à un récit émancipateur qui dépasse 2017. La droite et le Front national peuvent être mis en difficulté et être battus en 2017. Le simple fait de fixer cet objectif est une bouffée d'oxygène face aux « fatalités » qui privent notre peuple d'imaginaire et d'espérance. Il va falloir oser.

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10 août 2016 3 10 /08 /août /2016 05:44

Reportage

Paris : les migrants chassés sans relâche

Depuis plusieurs semaines, démantèlements et contrôles d’identité se multiplient dans la capitale. Les associations accusent de harcèlement les forces de l’ordre.

Les tractopelles sont arrivées peu de temps après les forces de l’ordre. Mardi, à l’heure du déjeuner, les quelque 200 réfugiés qui dormaient à même le trottoir de l’avenue de Flandre, dans le XIXe arrondissement de Paris, ont été emmenés dans quatre bus de la préfecture de police. Le campement de fortune a été rasé dans la foulée. Une «opération de contrôle», à ne pas confondre avec les évacuations de «mise à l’abri», menées jusqu’ici avec la mairie. Et dont la dernière remonte au 22 juillet, sur le camp situé entre les stations de métro Jaurès et Colonel-Fabien. Depuis, la stratégie de la préfecture, contactée parLibération, est tout autre :«Eviter la stagnation de migrants.» Certes,«certains réfugiés se verront proposer des solutions d’hébergement à l’issue de ces contrôles administratifs». Mais pour la plupart, la police le sait,«ils vont revenir». Autrement dit,«c’est comme vider la mer à la petite cuillère». Agathe, membre du Collectif parisien de soutien aux exilé-e-s, s’en désole :«On ne sait pas combien d’entre eux seront vraiment relogés. Et, comme d’habitude, certains iront au commissariat pour identification et seront ensuite remis à la rue. Sans parler de la situation déplorable réservée aux mineurs.»

Agathe était présente la veille, lundi, quand dix camions de CRS ont débarqué«discrètement» boulevard de la Villette, selon ce modus operandi utilisé depuis une dizaine de jours.«J’étais en train de discuter avec un jeune mineur, sur un banc, raconte-t-elle.Et là, d’un coup, nous nous sommes retrouvés entourés par la police qui est arrivée sans bruit, sur la pointe des pieds. Certains réfugiés ont sauté par-dessus la barrière du boulevard pour échapper à l’interpellation.» Une vingtaine de minutes, des contrôles d’identité et une nasse plus tard, environ 30 personnes de nationalité afghane ont été placées dans deux camions de CRS. Seuls 20 d’entre eux ont été relogés depuis dans un Formule 1, la préfecture assurant que«c’est le chiffre moyen de personnes à qui [elle] propose un hébergement» dans le cadre de ces opérations. Une sélection opérée selon«leurs dossiers et situations individuelles».

Si quelques-uns se voient donc proposer des solutions - souvent précaires - depuis une dizaine de jours, de nombreuses associations dénoncent le traitement par les pouvoirs publics de ces personnes originaires du Soudan, d’Erythrée, d’Ethiopie ou encore d’Afghanistan. En cause, ces interventions policières quasi quotidiennes, souvent qualifiées de«violentes» par les demandeurs d’asile. Les bénévoles, parlent, eux, d’un«véritable harcèlement». Un programme bien rodé, que la mairie de Paris - qui préfère prendre ses distances - qualifie de«stratégie de dispersion de la part de la préfecture»(lire ci-dessous) : les réfugiés délogés sont emmenés au commissariat où ils subissent un contrôle d’identité et de situation administrative. Certains y reçoivent alors des obligations de quitter le territoire français sous trente jours… Puis sont relâchés dans la rue, sans véritables solutions alternatives.

Une version corroborée par Ahmad, la vingtaine et d’origine soudanaise. Le document le sommant de quitter la France est soigneusement plié dans sa poche. Il n’en a cure :«Je ne vais pas retourner dans une zone que j’ai quittée à cause de la guerre. Je veux juste être aidé.» A ses côtés, Jad, 26 ans, qui vient lui aussi du Soudan. En France depuis deux mois, il vit dans une insécurité permanente. Régulièrement délogé, il bouge constamment, passe d’un bout d’asphalte à un autre :«Il n’y a nulle part où aller, la police vient tout le temps nous dire de partir, on se fait gazer.» Même chose pour Ali, 18 ans, qui a quitté le camp de Jaurès puis le boulevard de la Villette, après que les policiers lui ont crié«leave, leave !» Hatheam, 22 ans, a choisi pour sa part de s’installer sur une parcelle d’herbe de la Rotonde, place Stalingrad. Il a peur :«On se dispatche, car quand on est un groupe trop gros, la police vient nous déloger.» Il se dit également amer d’avoir«quitté [son] pays en guerre pour [se] retrouver dans cette situation».

Abdou, 25 ans, a eu, lui, plus de chance : il est actuellement logé à l’hôtel, après sept mois d’errance. Mais ce Soudanais aux chaussettes jacquard et lunettes de soleil sur le nez est las :«Parfois, la vie est tellement difficile que je me dis que j’aimerais mourir, comme ça, le calvaire serait terminé.» Sur son téléphone portable, il montre une photo de la manif des migrants de samedi, bloquée par les CRS. Sur l’image, une pancarte :«Honte à la France.»

Les associatifs, eux aussi, sont à vif.«Ces interventions quotidiennes, c’est vraiment pour décourager les gens, explique l’un d’eux.Elles ralentissent les réfugiés dans leurs démarches administratives et les empêchent de s’installer.» Pierre Henry, président de France terre d’asile, se désole de la situation mais parle aussi d’un phénomène «attendu, au plein cœur du mois d’août» : «On savait que les arrivées seraient plus nombreuses, avec 50 à 100 primo-arrivants par jour à Paris et en Ile-de-France.» Aline Pailler, ex-députée européenne apparentée PCF et productrice à France Culture, est elle aussi effarée :«C’est comme ce qui s’est passé pour les Roms, personne ne leur propose de solution et on les chasse violemment de lieu en lieu… Il n’y a aucune logique dans cette manière de procéder, puisqu’ils s’installent 20 mètres plus loin. Forcément, ils n’ont pas d’autre choix.» Elle est venue, avec sa fille, apporter des vêtements -«visiblement il y a besoin de chaussures d’hommes ici !» - et ne semble pas en revenir :«C’est une honte qu’on en soit arrivé là.»

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9 août 2016 2 09 /08 /août /2016 07:15

En juillet, les prisons françaises comptaient 69 375 détenus pour une capacité de 58 311 places. Un record qui n’avait pas été atteint depuis avril 2014.

La mission de la prison républicaine est en partie mais inséparablement de réintégrer le détenu au terme de sa détention dans la communauté civique. Quelle possibilité pour cela si les conditions de détention sont indignes et génèrent du stress, de la violence? De manière générale, le degré de civilisation d'une société se mesure à la manière dont elle traite ses êtres les plus vulnérables: vieux, enfants, bêtes, fous, prisonniers... On est loin du compte!

Cela interroge aussi sur la législation pénale: sachant qu'une bonne proportion des prisonniers sont des trafiquants de cannabis, et que la prison ne les rend souvent pas plus honnêtes et pas plus tendres, mais surtout pas plus en mesure de s'intégrer économiquement et socialement par des voies légales, n'y a t-il pas urgence à remettre en débat la dépénalisation du cannabis, pour mettre fin à toute cette économie illégale de la drogue, cet argent facilement et mal gagné pour les jeunes, qui génère aussi beaucoup de criminalité, de danger par rapport à la santé publique, en envisageant une légalisation sous contrôle public comme aux Pays-Bas?

Les partisans du "tout répressif", motivés souvent par la démagogie puisque que l'instinct populaire veut souvent semble t-il, surtout quand le discours médiatique célèbre les victimes et surmédiatise les drames indépendamment des explications rationnelles, la punition exemplaire et la plus sévère pour autrui, devraient se rendre à l'évidence: la prison, surtout quand elle est surpeuplée et manque de moyens, ne fait pas suffisamment revenir les citoyens qui ont fauté dans le droit chemin, et ne protège pas suffisamment la société.

Par ailleurs, ne faut-il pas reconnaître que la prison est aujourd'hui un moyen de gérer, très mal et de manière très inefficace et contre-productive, les conséquences pathologiques d'un système social et économique inégalitaire, qui rejette dans la marginalité sociale des périphéries urbaines et des enfants de l'immigration pour lesquels l'accès au travail et à des conditions de vie décentes est très compliqué? Ce n'est pas être angélique de rappeler que la prison est toujours un échec pour la société et que c'est une société d'intégration basée sur la justice et une volonté d'égalité d'accès aux droits, mais aussi sur des valeurs communes solides, autre chose que le capitalisme sauvage et l'argent roi, qui peuvent réduire les crimes et délits.

I. D

En juillet, les prisons françaises comptaient 69 375 détenus pour une capacité de 58 311 places. Un record qui n’avait pas été atteint depuis avril 2014. 11 000 détenus de trop!

Dans la région parisienne par exemple, celles de Fresnes ou de Fleury enregistrent des taux d’occupation de 200 %.

Adeline Hazan décrit bien les conséquences de cette surpopulation carcérale: "Que ce soit pour la société ou pour l’individu incarcéré, elle a des conséquences catastrophiques. L’administration pénitentiaire ne dispose pas d’assez de moyens pour préparer des projets de réinsertion. En outre, la forte proximité crée de la violence et des tensions entre les codétenus, mais aussi entre détenus et surveillants.

Aujourd’hui, les droits fondamentaux des détenus ne sont pas respectés, comme le droit aux liens familiaux ou le droit à la santé, puisqu’il n’y a pas assez de médecins pour voir tout le monde. Les prisons françaises sont des cocottes-minute, il pourrait se passer n’importe quoi".

" Plus on construit de places dans les prisons, plus elles se remplissent. Il faut créer un certain nombre de places, mais pas au niveau qu’on entend aujourd’hui dans la bouche de certaines personnalités politiques. L’ancienne garde des sceaux, Christiane Taubira, avait annoncé 6 000 places supplémentaires, c’est amplement suffisant.

La bonne solution face à la surpopulation carcérale, c’est de développer des alternatives à l’incarcération, comme les contraintes pénales, ou des libérations sous contrainte."

A lire en intégralité, cet article du journal Le Monde constitué d'un entretien avec Adeline Hazan, contrôleuse générale des prisons, ancienne députée socialiste: Surpopulation : « Les prisons françaises sont des cocottes-minute »

Surpopulation : « Les prisons françaises sont des cocottes-minute »
http://www.lemonde.fr/police-justice/article/2016/08/08/surpopulation-carcerale-le-numerus-clausus-une-question-de-courage-politique-adeline-hazan-controleure-generale-des-lieux-de-privation-de-liberte-surpopulation-les-p_4980010_1653578.html

En juillet, les prisons françaises comptaient 69 375 détenus pour une capacité de 58 311 places. Un record qui n’avait pas été atteint depuis avril 2014.

Surpopulation carcérale: "les prisons françaises sont des cocottes-minute" (Marine Forestier/ Adeleine Hazan: Le Monde, 8 août 2016): 69 375 détenus pour 58 311 places, des prisonniers qui dorment sur des matelas à même le sol!
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9 août 2016 2 09 /08 /août /2016 06:50
Histoire secrète du Patronat, 23€ aux éditions La Découverte (2014): Fréderic Charpier, Benoît Collombat, Martine Orange, Erwan Seznec, David Servenay: un usuel à se procurer de toute urgence!

Histoire secrète du Patronat, 23€ aux éditions La Découverte (2014): Fréderic Charpier, Benoît Collombat, Martine Orange, Erwan Seznec, David Servenay: un usuel à se procurer de toute urgence!

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