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25 avril 2024 4 25 /04 /avril /2024 06:59

 

Proposition de résolution européenne pour une contribution européenne exceptionnelle sur le patrimoine des contribuables les plus riches afin de financer la transition écologique. (Renvoyée à la commission des affaires européennes)

présentée par Mesdames et Messieurs

Nicolas SANSU, Édouard BÉNARD, Soumya BOUROUAHA, Jean‑Victor CASTOR, Steve CHAILLOUX, André CHASSAIGNE, Pierre DHARRÉVILLE, Elsa FAUCILLON, Sébastien JUMEL, Karine LEBON, Jean‑Paul LECOQ, Tematai LE GAYIC, Frédéric MAILLOT, Yannick MONNET, Marcellin NADEAU, Mereana REID‑ARBELOT, Stéphane PEU, Fabien ROUSSEL, Jean‑Marc TELLIER.

députés et députées.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Huit ans après l’accord de Paris qui fixait pour objectif de limiter le réchauffement climatique à 1,5° celsius, la COP 28 s’est tenue du 30 novembre au 13 décembre 2023 à Dubaï. À l’issue des travaux, l’accord a permis de réaffirmer cet objectif alors même que, de l’avis de très nombreux scientifiques, celui‑ci semble de plus en plus inatteignable. Les émissions de dioxyde de carbone (CO2) fossile ont encore augmenté en 2023 et s’élèvent à 36,8 milliards de tonnes, soit une hausse de 1,1 % par rapport à 2022.

L’action mondiale visant à réduire les combustibles fossiles n’est pas assez rapide pour empêcher un changement climatique dangereux. Elle doit pourtant s’accélérer afin de pouvoir tenir l’objectif ou, à minima, limiter la hausse des températures à 2° celsius.

Sur ce point, l’accord de la COP 28 reste clairement insuffisant, en préférant évoquer « un éloignement des énergies fossiles dans les systèmes énergétiques », plutôt qu’une nécessaire sortie pour parvenir à une baisse réelle de 40 % des émissions de CO2 d’ici à 2030.

Les choix que feront les pays en voie de développement, en raison de leur poids démographique, vont être déterminants pour le futur : il faut se donner les moyens financiers et de coopération pour que tous ces pays puissent assurer leur développement tout en sortant des énergies fossiles.

À l’échelle de l’Union européenne, décarboner l’économie est plus que jamais l’urgence qui doit mobiliser l’ensemble des pays. En juin 2021, l’Europe a réaffirmé l’objectif d’atteindre la neutralité carbone à horizon 2050, renforçant au passage la cible à atteindre pour 2030, de ‑40 % à ‑55 % (par rapport à 1990) d’émissions de gaz à effet de serre (GES).

Atteindre ces objectifs nécessite une mobilisation totale de toutes les parties. Pour maintenir un écosystème viable pour les années à venir et pour limiter le réchauffement climatique, la transition écologique impose par une transformation radicale de notre modèle de développement.

Elle impliquera une modification profonde des modes de consommation, la décroissance de certains secteurs d’activité et également des investissements massifs du secteur privé, mais surtout de la puissance publique.

Ces investissements massifs sont chiffrés et convergent désormais vers des estimations proches. L’Institut de l’économie pour le climat (I4CE) ([1]) estime ainsi le besoin d’investissement annuel pour l’Europe à 813 milliards d’euros en moyenne, chaque année d’ici à 2030, au lieu des 407 milliards atteint en 2022. Le rapport Pisani‑Ferry / Mahfouz ([2]) donne lui une fourchette semblable puisqu’il estime que les montant d’investissement devraient être doublés.

Il faut ajouter à ces investissements les dépenses d’adaptation aux effets du changement climatique, mais aussi celles liées à la protection de la biodiversité, la lutte contre l’artificialisation des sols et les aides à la conversion agroécologique de notre agriculture.

La moitié au moins de ces investissements devront provenir de la puissance publique :

– L’investissement dans les infrastructures de transport ferroviaire, dans les transports publics et les mobilités douces, afin de redonner notamment leur attractivité aux transports ferroviaires de voyageurs et de marchandises.

– Les investissements dans la rénovation énergétique des logements sociaux et des bâtiments publics, mais aussi le soutien pour les logements privés.

– Les investissements dans la transformation de notre modèle agricole afin en particulier de réduire la dépendance de notre agriculture aux engrais azotés et aux pesticides et tendre vers la souveraineté protéique.

– Les investissements dans la formation et la recherche publique en faveur des métiers et des technologies d’avenir.

Ces investissements publics engendreront un besoin de financement. À cette fin, le levier de l’endettement public doit jouer pleinement son rôle. Dans cette perspective, il faudra bien entendu revenir sur les modalités d’endettement des États, afin de sortir du système de domination actuel des marchés financiers. De nouveaux canaux de financement doivent être mis en place autour de la Banque centrale européenne, dont les objectifs et les statuts devront être revus pour être en adéquation avec les enjeux de la transition écologique.

Il faudra également revenir sur la prise en compte des investissements mentionnés plus hauts dans le calcul des déficit publics utilisés pour l’application des critères de convergence budgétaires européens, comme le proposait la proposition de résolution européenne de nos collègues MM. André Chassaigne et Hubert Wulfranc ([3]).

Pour autant, l’endettement public ne suffira pas à lui seul. Il devra être complété par des recettes nouvelles, avec un impératif à respecter qu’elles soient justement réparties entre tous. Partout en Europe, les citoyens réaffirment la nécessité que les prélèvements obligatoires dévolus à la transition écologique corrigent les inégalités et non les exacerbent.

À ce titre, deux données importantes doivent nous guider. Aujourd’hui, le mode de vie des 10 % les plus riches engendre des émissions de CO2 dix fois plus élevé que le mode de vie des 10 % les plus pauvres ([4]). Dans le même sens, les inégalités économiques ne cessent de croitre depuis de nombreuses années, tant au niveau des revenus que des patrimoines. Ainsi, entre 1990 et 2020, la part du patrimoine brut des 10 % les plus riches dans le patrimoine total est passé de 34,3 % à 37 % ([5]).

Ces deux données démontrent que la question de la juste répartition de l’effort, tant au niveau de l’impact du mode de vie de chacun sur le dérèglement climatique que sur leurs facultés financières, constitue un enjeu central dans la lignée de l’article 13 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789.

L’acception des efforts et le consentement à l’impôt nécessaires à la réussite du financement de la transition écologique passent donc nécessairement par une contribution financière des plus aisés. Ces dernières années, certaines expériences ont été mises en place, ou au moins annoncées. Fin 2020, l’Argentine a instauré un prélèvement unique de 2 % sur les 10 000 ménages du pays dont le patrimoine dépasse l’équivalent de deux millions d’euros.

En septembre 2023, M. Joe Biden avait une nouvelle fois plaidé pour une taxation des plus riches aux États‑Unis.

Si nous pensons qu’un dispositif national est souhaitable, nous pensons également que sa mise en place à une échelle plus importante permettrait de rendre le dispositif plus efficace. D’une part en générant des recettes plus importantes dans plusieurs pays, il permettra d’entreprendre plus d’investissements, générant des externalités positives pour tous. En outre, la mise en place d’un dispositif commun réduirait les points de fuite des contribuables voulant se soustraire à l’impôt. D’autre part, la contribution des patrimoines pourrait répondre aux enjeux de solidarité internationale, à des fins de redistribution mondiale des richesses entre les pays.

C’est l’objet de différents travaux, comme celui de M. Gabriel Zucman ([6]) qui vise à instaurer un impôt minimum mondial sur les milliardaires équivalant à 2 % de leur patrimoine ou ceux du Global Redistribution Advocates ([7]) qui préconisent une contribution progressive dont une partie des recettes serait redistribuée entre les pays selon leurs capacités. Ces travaux ont été à l’origine d’une proposition de résolution ([8]).

L’échelle européenne semble à ce titre une strate intéressante pour mettre en place cette contribution. La construction de l’Union Européenne a été marquée par l’avènement comme principe fondamental de la concurrence libre et non faussée, et ce même au niveau fiscal. Les échéances européennes à venir doivent constituer une opportunité pour porter des mesures de progrès social, de solidarité entre les peuples et une réponse commune et ambitieuse pour respecter les accords de Paris.

C’était d’ailleurs le sens d’une des propositions d’un rapport de la commission des finances de l’Assemblée nationale sur la fiscalité du patrimoine ([9]).

L’article unique de cette proposition de résolution invite donc le Gouvernement à mettre en œuvre une négociation avec ses partenaires européens afin de mettre en place, au niveau européen, un prélèvement exceptionnel, progressif et temporaire sur le patrimoine des contribuables les plus riches, dont le montant et la durée seraient calibrés ex ante en fonction du coût anticipé pour les finances publiques des investissements publics à entreprendre pour la transition écologique.

PROPOSITION DE RESOLUTION EUROPENNE

Article unique

L’Assemblée nationale,

Vu l’article 88‑4 de la Constitution,

Vu l’article 151‑5 du Règlement de l’Assemblée nationale,

Vu l’article 13 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen,

Vu la Charte de l’environnement de 2004, composante du bloc de constitutionnalité depuis la révision constitutionnelle de 2005,

Vu le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne,

Vu l’accord de Paris adopté le 12 décembre 2015 en vertu de la Convention‑cadre des Nations unies sur les changements climatiques,

Vu la recommandation de la Commission européenne du 6 février 2024 sur l’objectif de réduction des émissions à l’horizon 2040 afin d’ouvrir la voie vers la neutralité climatique en 2050

Vu le rapport d’information n° 1678 de la commission des finances de l’Assemblée nationale du 27 septembre 2023,

Vu le rapport France Stratégie portant sur les incidences économiques de l’action pour le climat de mai 2023,

Vu le rapport sur les inégalités mondiales 2022 du laboratoire sur les inégalités mondiales,

Vu les travaux de l’association pour la redistribution des richesses,

Considérant qu’il faut parvenir au niveau européen à une réduction de 92 % des émissions de gaz à effet de serre brutes d’ici à 2040 pour atteindre l’objectif de limiter le réchauffement climatique à +1,5° celsius,

Considérant la nécessité d’une sortie des énergies fossiles,

Considérant que les pays de l’Union européenne sont responsables de 6,67 % des émissions de gaz à effet de serre,

Considérant que la mise en place d’investissements publics dans la transition écologique au niveau européen engendrera des externalités positives pour l’ensemble des pays de l’Union européenne,

Estimant que le respect des accords de Paris nécessite des moyens financiers qui doivent être répartis en raison des facultés de chacun,

Invite le Gouvernement à initier au niveau européen des négociations pour la mise en place d’un prélèvement exceptionnel, progressif et temporaire sur le patrimoine des contribuables les plus riches, dont le montant et la durée seront fixés de sorte à financer les besoins d’investissements relatifs à la transition écologique.

([1]) European Climate Investment Deficit report, an investment pathway for Europe’s future, I4CE, février 2024

([2]) Jean Pisani-Ferry et Selma Mahfouz, Les incidences économiques de l’action pour le climat, France Stratégie, Mai 2023

([3]) Proposition de résolution Européenne n°457, relative au financement de la transition écologique.

([4]) Lucas Chancel et Thomas Piketty, Carbon and inequality. From Kyoto to Paris. Trends in the global inequality of carbone emissions (1998-2013) & prospects for an equitable adaptation fund, Paris School of Economics, novembre 2015.

([5]) Données du World Inequality lab

([6]) Gabriel Zucman, Global tax evasion report 2024

([7]) Global redistribution advocate, 23 juin 2023, A global wealth tax. Policy brief

([8]) Proposition de résolution n°2164 visant à mettre en place un impôt mondial sur le patrimoine détenu par les ménages les plus riches, afin de financer des aides aux pays les plus pauvres, février 2024

([9]) Jean-Paul Mattei et Nicolas Sansu, Rapport d’information relative à la fiscalité du patrimoine, novembre 2023

 

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