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13 décembre 2022 2 13 /12 /décembre /2022 06:57

 

 

Ils promettaient d’agir contre la déforestation importée pendant que se tenait la COP 27 en Egypte. Mais aujourd’hui, la Commission européenne, les pays membres de l’Union et les parlementaires européens sont en train de finaliser un texte qui prévoit d’exclure de toute taxe carbone les produits agricoles importés des pays tiers.

  

L’Humanité de ce jour évoque en pages 14 et 15 des faits de corruption au Parlement européen et à la Commission européenne, dans la cadre de la préparation de la coupe du monde de football au Qatar.  Voilà quelques jours, nous évoquions, ici même, la négociation engagée entre le la Commission européenne, les Etats membres de l’Union et le Parlement européen sur la mise en place d’une « taxe carbone » aux frontières de l’Union afin de réduire les importations de produits agricoles favorisant la déforestation dans certains pays tiers. Bruxelles indiquait que ces importations étaient à l’origine de 16% de la déforestation mondiale et laissait entendre qu’il s’agissait avant tout de produits comme les viandes bovines, ovines, porcines et de volailles en provenance de plusieurs continents, mais aussi la nourriture du bétail via les importations européennes de soja et de maïs notamment.

Ce lundi, 12 décembre à 3H du matin, une dépêche de l’Agence France Presse (AFP) nous indique que « l’UE finalise les modalités d’une « taxe carbone » à ses frontières ».En voici quelques extraits que l’on peut qualifier de révélateurs sur les magouilles  qui se discutent à Bruxelles :

« Verdir les importations industrielles en faisant payer les émissions carbones liées à leur production : l’UE finalise lundi les modalités d’un mécanisme inédit, qui doit aussi signer la fin des « droits à polluer » gratuits alloués aux industriels. Avec l’envolée du prix de la tonne de CO2, l’idée d’éviter un « dumping écologique » qui verrait les industriels délocaliser leur production hors d’Europe, tout en encourageant le reste du monde  à adopter les standards européens».

Réduire la taxation et repousser les dates d’application

Au terme de cette présentation, la dépêche de l’AFP fait la démontre que la réalité na pas grand-chose à voir avec cet affichage de bonnes intentions. Ce que révèle cet extrait de la dépêche :

« L’appellation populaire de « taxe carbone » est trompeuse : il ne s’agit pas véritablement d’une taxe, mais d’un « ajustement » aux frontières (« CBAM » en anglais) consistant à appliquer aux importations les critères du marché du carbone européen, où les industriels de l’UE sont tenus d’acheter des « droits à polluer ». L’importateur devra déclarer les émissions directement liées au processus de production, et si celles-ci dépassent le standard européen, acquérir un « certificat d’émission » au prix du CO2 dans l’UE. Si un marché carbone existe dans le pays exportateur, il paiera seulement la différence. Commission et Etats défendent une application progressive du mécanisme sur dix ans à partir de 2026. Les eurodéputés, eux, demande une mise en œuvre gratuite entre 2027 et 2032 (…) La proposition de la Commission européenne, reprise par les Etats, vise les importations dans les cinq secteurs jugés les plus polluants (acier, aluminium, ciment, engrais, électricité) ».

Alors que les importations de soja, de maïs, de carburants agricoles et de viande sont responsables de la déforestation, il n’est plus question à Bruxelles de leur appliquer une taxe carbone. Pour le reste, la dépêche de l’AFP aborde aussi le sujet ayant trait aux règles de l’OMC en ces termes :

« A mesure que montera en puissance « l’ajustement aux frontières », les quotas gratuits distribués aux secteurs concernés seront supprimés progressivement. Un point crucial : en traitant à égalité importations et production locale, Bruxelles estime rester dans les clous des règles de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) et contrer les accusations de protectionnisme. Mais le calendrier reste âprement discuté. Les eurodéputés réclament une suppression très progressive, permettant aux entreprises de recevoir 50% d’allocations gratuites en 2030, avant la disparition en 2032. Les Etats veulent en maintenir jusqu’en 2035 ».

Et en même temps on importera plus de volailles

Ainsi donc, les importations européennes des produits agricoles qui favorisent la déforestation dans les pays exportateurs ne semblent plus concernées par la taxe carbone aux frontières communes des pays membres de l’Union européenne. Voilà qui nous renvoie au communiqué publié le 9 décembre les producteurs français de volailles dont voici le premier paragraphe :

« Ce vendredi, au moment où l’Union européenne s’apprête à signer un nouvel accord commercial avec le Chili, l’Interprofession des volailles françaises -ANVOL- appelle le Gouvernement français à tenir ses promesses. Il lui a en effet assuré à de multiples reprises se positionner contre un tel accord. La filière rappelle en effet que cette ratification doublerait le quota de poulets importés chaque année depuis le Chili de 18.000 tonnes à 40.000 tonnes, ce qui représenterait 45 millions de poulets par an. Alors qu’un poulet sur deux est déjà importé en France et que les professionnels luttent pour le maintien de leurs activités dans un contexte très difficile d’influenza aviaire et de flambée des coûts de production, la conclusion de cet accord leur infligerait de graves difficultés supplémentaires ».

Quand trois ministres affichent leur priorité !

 Si toutes les importations françaises de volailles ne proviennent pas des pays tiers, celle en provenance du Brésil et d’Ukraine ont respectivement augmenté de 120% et 181% sur les six premiers mois de 2022. Par ailleurs, la nourriture des volailles qu’on élève en Espagne et aux Pays Bas pour être vendues en France provient surtout des céréales et des tourteaux produits en Amérique du Sud. Le 9 décembre aussi, un communiqué commun de trois ministères français montrait que la priorité du gouvernement ne portait pas sur la déforestation importée. Titré « Lutte contre l’emballage plastique des fruits et légumes », son premier paragraphe était ainsi rédigé : « M. Marc Fesneau , ministre de l’Agriculture et de la Souveraineté Alimentaire, M. Christophe Béchu , ministre de la Transition écologique  et de la Cohésion des territoires , et Bérangère  Couillard, secrétaire d’Etat chargée de l’Ecologie, réaffirment  que la lutte contre les plastiques à usage unique  est une priorité ».

Ce ne sont donc pas ces trois ministres qui demanderont des comptes à Bruxelles sur la déforestation importée !

 

 

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23 novembre 2022 3 23 /11 /novembre /2022 06:26

 

La 27ème conférence sur les changements climatiques vient de se terminer à Charm el-Cheikh (COP 27). Elle aurait dû être au rendez-vous de l'histoire et l'occasion d'un grand pacte de solidarité climatique mondial. C'est finalement un tout autre scénario qui est imposé aux peuples du monde, à la biodiversité, à la planète.

 

 

Alors que cette COP devait enregistrer des engagements très ambitieux de baisse d'émissions de CO2, compatible avec l'accord de Paris, et limiter ainsi le réchauffement climatique à 1,5 degré, nous nous retrouvons au même point qu'à l'issue de la COP26, et le monde se dirige tout droit vers un réchauffement de plus de 2,5 degrés.

La planète connaît déjà un réchauffement global de 1,2 degré, conséquence d'un usage encore massif des énergies fossiles. Les négociations n'ont même pas abouti à la mention explicite de la sortie du pétrole et du gaz dans l'accord final, et le charbon est quant à lui à peine mentionné. Les grands pays producteurs de gaz et de pétrole en tête, ainsi que la présence de nombreux lobbies représentant des multinationales américaines et européennes ont eu raison de cette mention.

Nous avons assisté à un exercice de procrastination climatique, avec de grands pays émetteurs renvoyant leurs objectifs de neutralité carbone à l'horizon de 2050-2070 et refusant obstinément de s'engager à court terme. Ainsi, l'engagement d'une baisse des émissions mondiales de CO2 avant 2025, pour suivre les conclusions du dernier rapport du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC), n'a pas été pris. Le capitalisme et sa logique à court terme consistant à sécuriser les rentes et les installations en place liées aux énergies fossiles, ont encore joué à plein ! Pire, cette COP, par la présence de nombreux lobbies, a été l'occasion, en coulisses du sommet, de signatures de nombreux contrats gaziers !

C'est un tout autre chemin que l'Humanité doit prendre : comme le souligne l'AIE (Agence internationale de l'énergie), l'objectif de limitation à 1,5 degré nécessite de renoncer à 60 % des réserves de pétrole et de gaz déjà connues et à ne plus investir dans de nouvelles exploitations. Il s'agit aussi de décroître nos émissions de 40% d'ici 2030 par rapport au niveau d'aujourd'hui. C'est un effort colossal, effort que le capitalisme n'est pas prêt à engager, soucieux de sécuriser les profits des activités fortement émettrices. Le seul agenda du capitalisme n'est pas celui du climat mais celui des actionnaires!

Le PCF salue malgré tout la mention explicite d'un fonds destiné aux réparations et dommages pour les pays directement victimes du changement climatique, qui sont parmi les plus faibles émetteurs de CO2. Les modalités de financement de ce fonds restent encore à préciser pour la prochaine COP28. Si la taxation des profits des grands groupes pétroliers et gaziers doit contribuer à cette solidarité, les besoins en investissements pour l'atténuation, l'adaptation et les réparations, sont immenses et nécessitent de changer profondément le rôle des institutions financières internationales, en premier lieu le FMI, la banque mondiale, la BCE, et des banques. Ces institutions doivent résolument oeuvrer au développement et à la lutte pour le climat, plutôt que de satisfaire les logiques financières du capitalisme financier.

 

Le temps presse, cette décennie sera déterminante : chaque dixième de degré de réchauffement évité compte. Le PCF appelle toutes les forces progressistes et la société civile à se mobiliser pour faire respecter l'accord de Paris et tenir sur l'objectif d'un réchauffement limité à 1,5 degré.

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20 novembre 2022 7 20 /11 /novembre /2022 06:42

 

La guerre, comme la compétition économique intra-impérialiste, va à l'encontre des enjeux qui se discutent au sommet pour le climat, en ce moment en Égypte.

Tous les indicateurs montrent que les émissions de gaz à effet de serre continuent de progresser dangereusement, à tel point que les bornes de limitation des changements climatiques posées lors de la conférence de Paris pourraient être atteintes non pas en 2050, mais dans seulement neuf années. 

 

Pour le climat, un autre projet politique

La lutte contre les bouleversements climatiques est un projet politique en soi. Il appelle de tourner le dos au capitalisme mondialisé et financiarisé. On ne peut, en effet malheureusement, que constater conférence après conférence sur le climat, que les seuils d’alerte sont sans cesse dépassés.

Les espoirs nés de la signature de l’Accord de Paris, voilà maintenant sept ans, se sont largement évanouis dans les brouillards des pollutions et des maltraitances infligées aux êtres humains et à la planète.

Contenir la hausse des températures à 1,5°C d’ici 2100 apparaît désormais illusoire. Les experts prédisent que ce seuil fatidique serait atteint dès 2035, soit dans treize années. Déjà, les impacts des bouleversements sont là et ils sont colossaux, notamment dans les pays du Sud. Canicule record en Inde, plus de mille personnes mortes au Pakistan en septembre dernier, victimes d’inondations monstrueuses, sécheresse intense en Afrique de l’Ouest, Ouragan meurtrier aux États-Unis, inondations au Nigéria ; migrations amplifiées sous l’effet du manque d’eau et de nourriture. Ce mois d’octobre on aura relevé des températures dépassant 30°C dans les départements du sud de la France, après un été ou 40 000 personnes ont dû être évacuées de leur domicile à cause de gigantesques incendies particulièrement en Gironde. L’INSEE évalue à 11 000 le nombre de décès « vraisemblablement » liés à la canicule. Il y a donc urgence. Une urgence totale.

Dans un tel contexte, la réunion d’une nouvelle Conférence sur le climat en Égypte doit être utile et peser en faveur de décisions strictes pour fermer le chemin qui mène à l’abîme. Remarquons que dans ce moment de guerres et de tensions géopolitiques et militaires, de conflictualités croissantes entre grandes nations, une telle conférence réunissant tous les pays du monde est positive. Elle permet de maintenir des dialogues, de faire connaître des propositions et des actions coopératives possibles. Cela ne suffit évidemment pas.

Pas plus que ne peuvent suffire les injonctions permanentes adressées aux citoyens sur leur comportement. Cette propagande à sens unique fait croire que tout dépend de l’automobiliste qui se rend au travail, de la famille qui a du mal à se chauffer, du petit paysan qui n’en peut déjà plus.

Toutes ces prescriptions, même si elles ne sont pas totalement inutiles, visent surtout à masquer les responsabilités des États et des grandes multinationales, particulièrement celles qui s’engraissent avec les énergies carbonées.

Leurs profits sont partout au zénith. Or, tous les scientifiques convergent désormais pour montrer qu’il est impossible de contenir le réchauffement climatique en deçà de 2°C sans remettre en cause les énergies fossiles à l’origine de 90% des émissions mondiales de gaz carbonique.

Continuer à discuter sans cesse des symptômes, l’augmentation des gaz à effets de serre dans l’atmosphère sans traiter les causes c’est-à-dire le gaz, le pétrole et le charbon fait perdurer les bases du capitalisme mondial destructeur.

Ce sont les rapports du GIEC et de l’agence internationale de l’énergie qui préconisent un moratoire sur ces sources d’énergie et l’interdiction de l’exploitation de nouveaux gisements. Mais, au nom du profit, les États au service des multinationales et les fonds financiers continuent de développer la production et l’utilisation de ces ressources. Il est temps, pourtant, de pousser des systèmes productifs et de consommation à partir de nouvelles sources d’énergies. La préservation du climat appelle aussi le partage, la coopération entre États, entre les pays du Nord et ceux du Sud qui ne sont en rien responsable des actuels fléaux. Or, seulement quatorze pays ont soumis à l’ONU leur plan climat décidé à la précédente conférence.

On ne peut qu’être révolté. Ni la France ni l’Union européenne n’ont transmis de projet, pourtant indispensable, pour répondre aux objectifs définis par les scientifiques. Les cent milliards d’euros qui devaient abonder le fonds climat destiné à aider les pays pauvres ne sont toujours pas au rendez-vous.

Paradoxe ! Cent milliards, c’est exactement le fonds que débloque l’Allemagne en plus de l’augmentation de son budget militaire pour se réarmer.

Les combats pour le désarmement et la paix et ceux pour le vivant, le climat ont partie liée. La conférence qui s’ouvre devrait permettre, grâce aux actions populaires, d’ouvrir un processus mêlant initiatives pour la paix, actions pour le progrès social et écologique, développement des coopérations avec les pays du sud, conditionnement des flux financiers et des aides publiques à des avancées sociales et environnementales, arrêt des subventions aux énergies fossiles.

Le gouvernement français a le devoir de relancer les transports publics, de construire un vaste plan de rénovation des logements, d’aider à une transformation agroécologique de la production agricole… Faire respecter l’accord de Paris ne peut s’accommoder de la compétition, de la concurrence, de la militarisation inhérente au capitalisme à son stade actuel de déploiement.

Cela appelle au contraire un monde commun, où le primat est l’être humain et son environnement, l’avenir de l’humanité.

On ne peut prétendre sauver la planète tout en opprimant ses habitants et en surexploitant la nature. Les défenseurs du capitalisme ont tout fait pour que les conférences climat ne prennent aucune décision contraignante contrecarrant leur système ou régulant simplement l’économie mondiale.

L’article 35 de la Convention-cadre des Nations Unies pour le changement climatique indique qu’elles ne peuvent prendre de décisions qui « soient des discriminations arbitraires ou injustifiables sur le plan du commerce international ou des entraves déguisées à ce commerce ».

Il est donc interdit de limiter les facteurs de la mondialisation capitaliste et encore moins de les transformer. Or, ce sont bien les traités de libre-échange, en faisant circuler de plus en plus de marchandises sur toute la planète, produites avec la surexploitation des travailleurs et des terres, des sous-sols, des océans, des forêts, de l’accaparement des eaux et de la pollution de l’air, qui alimentent l’infernale machine à réchauffer la planète.

Il faut sortir du schéma capitaliste qui réduit les terres, les forêts, les océans, la nourriture, le travail et de la création à des actifs économiques à rentabiliser au seul profit de la minorité dominante.

Les combats pour un nouveau sens du travail, rémunérateur et protecteur de l’environnement, ainsi que ceux pour la conquête de nouveaux pouvoirs des travailleurs créateurs de richesses, le juste partage des savoirs et des avoirs, sont les deux jambes d’un nouveau projet politique pour l’écologie et le travail. C’est un processus communiste au sens originel du terme.

 

 

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19 novembre 2022 6 19 /11 /novembre /2022 06:42

 

 

 

 

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16 novembre 2022 3 16 /11 /novembre /2022 09:32

Le diester et l’éthanol sont qualifiés d’énergies renouvelables. Le diester provient essentiellement du soja, du palmier à huile, du colza et du tournesol. On obtient de l’éthanol à partir de la canne à sucre, de la betterave, du blé et du maïs. Mais la production de « carburants verts » entre en concurrence avec celle de nos aliments. Comme la trituration est énergivore, la hausse du prix du gaz et de l’électricité fait chuter leur rentabilité actuellement.

Selon les informations officielles que l’on peut lire sur les enjeux climatiques avec la tenue de la COP 27, en 2021 les concentrations dans l’atmosphère en dioxyde de carbone (CO2) s’élevaient à 416 parties par million (ppm). Celles du méthane étaient de 1.098 ppm et celles du protoxyde d’azote de 335 ppm. Cela donnait des progressions respectives de 149 %, 262 % et 124 % pour ces trois gaz à effet de serre par rapport à la période préindustrielle du début du XIXe. Alors que les forêts tropicales sont des puits de carbone, leur superficie globale ne cesse de diminuer et pas seulement en Amazonie. C’est également le cas dans des pays comme l’Indonésie, la Thaïlande et sur le continent africain.

Au Brésil, la déforestation précède surtout la mise en culture de la canne à sucre et du soja. En Indonésie, comme dans d’autres pays, on produit de plus en plus d’huile de palme. Dans la filière de la canne à sucre, la matière première est aussi utilisée pour produire de l’éthanol pour les véhicules à moteur thermique. Dans les deux filières on travaille à produire toujours plus de carburants d’origine agricole puisque leur combustion est moins émettrice de CO2 que celle d’une énergie fossile comme le pétrole. Mais ce bilan est trompeur.

Se payer à manger ou remplir le réservoir ?

Pour semer du soja et planter des palmiers à huile, on arase chaque année des millions d’hectares de forêts primaires qui captaient beaucoup de carbone et contribuaient ainsi à freiner le réchauffement en cours. Pour produire du blé et du maïs on laboure en consommant du carburant et on épand des engrais azotés dont la production est très gourmande en gaz. Transformer les végétaux en carburant passe ensuite par une activité industrielle gourmande en énergie. Cela est encore plus vrai quand on utilise des végétaux à faible rendement énergétique comme le blé et le maïs pour produire de l’éthanol, le colza et le tournesol pour produire du diester, ce qui est le cas en France et en Europe.

Avec l’envolée des prix du pétrole, du gaz et de l’électricité au niveau mondial, toutes les conditions semblaient réunies pour augmenter la production de carburants agricoles dans les pays européens producteurs de blé, de maïs, de colza et de tournesol. D’autant que la demande en bioéthanol augmente avec les immatriculations de véhicules hybrides fonctionnant au carburant subventionné E85. Mais sa production recule actuellement car le prix de l’énergie, et notamment du gaz utilisé pour la trituration des céréales débouche sur des marges faibles, voire négatives, pour les industriels. Du coup, la consommation de céréales par ce secteur sera en baisse de 7 % cette année, celle du maïs pouvant chuter de 20 %. Mais « à quelque chose malheur est bon », nous rappelle un vieux dicton. Alors que le prix du blé avait dépassé les 400€ la tonne au mois de mai, son prix s’est stabilisé autour de 335€ depuis le mois de juillet. Les difficultés que rencontrent les boulangers sont beaucoup plus imputables à la hausse du prix de l’énergie au moment de chauffer le four qu’à celui de la farine au moment de pétrir la pâte à pain.

Promotion des chaudières à bois et triplement du prix des pellets !

En France, le chauffage au bois redevient tendance depuis que la hausse du prix du gaz et du fioul fait grimper la facture énergétique des ménages. Les chaînes de la télévision en font souvent un sujet au journal de 20 heures. Tous types confondus, les ventes d’appareils de chauffage à bois ont augmenté de 34 % depuis 2020. Les installations de chaudières à granulés ou à bûches ont même augmenté de 95 %. Mais une fois installées, il faut les alimenter en bois. Comme la demande ne cesse de croître, le prix du bois énergie ne cesse de grimper. Ainsi, le prix du sac de pellets de bois de 15 kg a subi une forte hausse en 18 mois. Alors qu’il ne coûtait que 5 euros l’unité début 2021, il s’affichait à 10 euros en moyenne cet été et on le trouve désormais à 15€ dans les grandes surfaces de bricolage, les jardineries et les hypermarchés.

Avec la hausse du prix de l’énergie, la production et l’ensachage de ces pellets souvent issus des rebuts des scieries sont de plus en plus coûteux. Il faut alimenter les presses qui fonctionnent à l’électricité, ensacher puis transporter ces pellets. Il reste aussi à voir comment évoluera le stock de matières premières pour fournir des bûches et des pellets si la demande en bois de chauffage continue d’augmenter en France.

Trop de talus ont été détruits en France

Depuis le remembrement des terres effectué au moment de la mise en place du marché commun agricole il y a soixante ans, beaucoup de haies et de talus ont été arasés pour agrandir les parcelles au nom de la compétitivité. Il y a, de ce fait, beaucoup moins de bois disponible dans les campagnes françaises. Comme le bois des haies et des talus stocke du carbone, abattre ou élaguer des arbres en quantités croissantes pour accroître la production de bois de chauffage aboutira aussi à réduire le stock de carbone dans les champs. Il en ira de même, si on augmente les prélèvements dans les forêts. Car nous n’avons pas, parallèlement, des politiques dynamiques de replantation en Europe, que ce soit dans les forêts ou en agroforesterie dans les champs.

Tout comme la fuite en avant dans la construction des voitures dotées d’un moteur électrique, le recours au bois pour le chauffage des maisons et des appartements risque de relancer les émissions de CO2 via l’extraction et la consommation accrue de matières premières dont le cuivre, le bois et bien d’autres matières premières.

 

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15 novembre 2022 2 15 /11 /novembre /2022 06:49

 

Le gouvernement vient de confirmer la mise en place des zones à faibles émissions, avec l’interdiction des véhicules de Crit’Air 3, 4 et 5 au 1er janvier 2025 sur le territoire de 43 métropoles.

 

 

Il est indispensable d’améliorer la qualité de l’air. C’est une urgence en matière de santé publique, alors que 40 000 décès prématurés sont constatés chaque année. Mais la mise en œuvre de cette mesure sans mesures d’accompagnement revient à allumer une vraie bombe sociale !

14 millions de véhicules sont concernés, c’est énorme. Or, la plupart des propriétaires sont des ménages à bas revenus, qui n’ont pas les moyens de changer de voiture. Pour nombre d’entre eux qui n’ont pas d’autre choix que de prendre leur voiture pour travailler, l’instauration d’une ZFE sans un accompagnement de qualité pour changer de voiture pourrait être dramatique.

Les aides actuelles accordées par l’État sont très insuffisantes. La prime de 7 000 euros ne concerne que l’achat de véhicules électriques neufs, qui sont encore beaucoup trop chers pour un ménage à bas revenu.

Il faut des aides ciblées pour acheter des véhicules abordables. Le PCF propose qu’une aide de 10 000 euros soit offerte comme prime à la conversion pour les propriétaires de vieux véhicules pour acheter des véhicules moins polluants, y compris des véhicules d’occasion de Crit’Air 1. Cela nécessite évidemment un budget de l’État pour ces aides beaucoup plus important. Mais c’est indispensable pour que les ZFE n’entraînent pas de drames humains.

Le système d’aide prévu actuellement par l’État est tellement insuffisant que les ZFE risquent d’être complètement inapplicables au 1er janvier 2025. Pour l’amélioration de la qualité de l’air, pour sauver des milliers de vies, il y a urgence à offrir des aides à un bon niveau, et à dégager les budgets nécessaires, d’au moins 5 milliards supplémentaires par an.

Enfin, en même temps que le gouvernement et les métropoles mettent en place des ZFE, la SNCF supprime des TER, des trains et prive nos concitoyens de transports doux, non polluants.

La mise en place des ZFE doit s’accompagner d’un vrai plan Marshall en faveur du train, du TER, des transports collectifs. C’est le sens du projet du PCF.

Fabien Roussel

Secrétaire national du PCF, député du Nord

Paris, le 25 octobre 2022

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14 novembre 2022 1 14 /11 /novembre /2022 09:29

 

Tandis que l’on discute à Charm El-Cheikh des différentes manières de réduire les émissions de CO2, la population mondiale devrait passer à 8 milliards de personnes avant la séance de clôture de la Cop 27. On apprend en même temps que la production mondiale de riz est en baisse sensible cette année en raison des aléas climatiques. La hausse des prix alimentaires devrait donc perdurer dans les prochains mois.

 

Avec l’ouverture le dimanche 6 novembre de la Cop 27 sur le climat à Charm El-Cheikh, en Égypte, la presse écrite et les médias audiovisuels multiplient les articles, les reportages et les débats sur cet enjeu majeur du XXIe siècle. Dans un document remis à la presse, Agnès Pannier-Runacher affirme que « l’Union européenne vient à Charm El-Cheikh avec le programme le plus ambitieux du monde : une trajectoire contraignante de réduction des gaz à effet de serre (GES) qui touche tous les secteurs d’activité. Elle doit permettre de réduire d’au moins 55 % les émissions de GES d’ici 2030 et d’atteindre la neutralité carbone en 2050. En dépit de la guerre en Ukraine et de la crise énergétique la plus grave depuis cinquante ans, nous ne lâchons rien de cette ambition et notre continent continue de baisser ses émissions », affirme la ministre.

Les doutes de Thierry Breton sur la voiture électrique

Mais en page 23 du Figaro daté du 5 novembre, on pouvait lire que « le prix du charbon australien n’a jamais été aussi élevé. Il s’échange actuellement à 383 dollars américains la tonne, un prix record, deux fois plus élevé qu’il y a un an ». Ce prix élevé est tiré par une augmentation de la demande, tandis que le manque de main-d’œuvre dans les mines ne permet pas d’y répondre totalement. En page 22 dans le même journal, sous le titre « Automobiles : Thierry Breton sème le doute sur 2035 », on apprenait que le commissaire européen en charge du marché intérieur, doute fortement de la possibilité de respecter la date de 2035 pour interdire en Europe la vente des voitures neuves équipées d’un moteur thermique. Il entend mettre en place un groupe de travail dont l’objectif sera « d’identifier et de traiter les difficultés pour mettre en œuvre cette méga transformation ».

Des doutes sur la conversion au tout électrique

La conversion à la voiture électrique nous est présentée comme une recette miracle pour réduire rapidement les émissions de gaz à effet de serre des transports sur route. Mais dans la mesure où on ne cherche pas à réduire la circulation en Europe, la conversion à la voiture électrique, au-delà d’être désastreuse pour l’emploi, sera aussi très émettrice de CO2 dans sa phase de construction en raison d’une consommation massive de métaux en voie de raréfaction. Et si on accroît le recours au charbon pour produire de l’électricité le bilan carbone ne va pas beaucoup reculer. Nous reviendrons demain sur ce sujet.

Dans le document du gouvernement français transmis aux journalistes, Christophe Béchu, ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, y va aussi de son argumentaire dont voici le dernier paragraphe : « La France est à la pointe de la lutte convergente contre le réchauffement climatique et la perte de biodiversité. Elle porte sous l’impulsion du président de la République, un objectif clair : celui d’une protection mondiale de 30 % des terres et de 30 % des mers à l’horizon 2030. C’est nécessaire pour stopper la perte de biodiversité, c’est nécessaire pour respecter la trajectoire de l’accord de Paris et limiter le réchauffement climatique à 1,5 degré. C’est le message que je vais porter à la COP27 ».

8 milliards de personnes à nourrir dès ce 15 novembre 2022

Tous les observateurs sérieux et compétents disent que cette limitation à +1,5°C est devenue inatteignable en 2100 et que ce chiffre sera probablement dépassé avant 2035. Ce 7 novembre, à 3 h 45, une dépêche de l’Agence France Presse (AFP) débutait ainsi : « La population mondiale passera symboliquement le cap des 8 milliards le 15 novembre, selon l’ONU, un jalon qui interpelle à l’heure de l’adaptation au réchauffement climatique et des interrogations autour de la consommation des ressources de la terre (…). L’Inde, pays de 1,4 milliard d’habitants devrait connaître une explosion de sa population urbaine ces prochaines décennies, alors qu’elle est déjà confrontée aux problèmes de surpopulation de ses mégalopoles, qui manquent d’infrastructures essentielles et où les conditions de vie seront de plus en plus pénibles en raison du changement climatique ».

Le cap des 8 milliards d’habitants sur notre planète sera donc franchi trois jours avant la clôture officielle de la Cop 27. Cette nouvelle arrive tandis que l’hebdomadaire « La France Agricole » du 4 novembre livre, à propos du riz, cette information recueillie auprès du cabinet Agritel qui observe l’évolution des marchés : « Cette année, l’Inde a connu des difficultés de récolte en raison des températures extrêmement élevées. Il en était de même au Pakistan, avant que les inondations ne prennent le relais. Par ailleurs, un déficit hydrique marqué aux États-Unis a aussi fait baisser la production ».

Quand une denrée vient à manquer, la spéculation à la hausse intervient rapidement dans les salles de marché. L’Inde a commencé à taxer ses exportations de riz à hauteur de 20 %. Mais un riz plus cher peut se traduire par une demande accrue de blé tendre et de blé dur dans les pays importateurs nets de céréales. Ce n’est donc pas le moment de mettre 30 % des terres agricoles sous cloche, comme le propose Christophe Béchu.

 

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13 septembre 2022 2 13 /09 /septembre /2022 07:00
Valérie Masson-Delmotte, du Giec : « L’été 2022 a montré à quel point nous sommes vulnérables »

Après deux mois caniculaires, parmi les plus chauds jamais enregistrés en France, la coprésidente du groupe n° 1 du Giec Valérie Masson-Delmotte, présente samedi 10 septembre à la Fête de l’Humanité, était invitée à Matignon le 31 août pour présenter les enjeux de la lutte contre le réchauffement. La climatologue alerte sur son intensification : « Nous ne sommes pas prêts. »

Elle est l’une des 100 personnalités les plus influentes du monde selon « Time », mais doit se contenter de travailler dans un préfabriqué mal isolé. C’est là, sur le plateau de Saclay (Essonne), que Valérie Masson-Delmotte, paléoclimatologue de renom et coprésidente du groupe de travail n° 1 du Giec, a reçu « l’Humanité magazine ». L’occasion de revenir sur les catastrophes climatiques de l’été, de parler des jets privés et de sa venue à la Fête de l’Humanité.

Quel regard portez-vous sur l’été que nous venons de vivre ?

Nous avons vécu avec sévérité trois des quatre grands risques majeurs identifiés pour l’Europe de l’Ouest : les extrêmes chauds, avec leurs effets sur nos conditions de vie, la santé au travail, les écosystèmes aquatiques et les forêts ; les pénuries d’eau, avec des taux d’humidité des sols pires qu’en 2003, entraînant des chocs sur les rendements agricoles mais également sur le transport de marchandises à cause de fleuves à sec ; les inondations enfin, avec des pluies intenses, un fort ruissellement, le débordement des cours d’eau mais également la hausse du niveau de la mer, qui touche notamment les zones de basse terre. Tout ceci nous a montré à quel point nous sommes vulnérables, que nous ne sommes pas prêts.

Est-ce pour autant un tournant ?

Si des enquêtes d’opinion montrent que les préoccupations climatiques sont de plus en plus prégnantes parmi le grand public, les travaux scientifiques nous apprennent aussi que certains facteurs peuvent conduire – ou pas – à agir. Et, paradoxalement, ni le degré d’information ou de connaissance, ni même l’expérience vécue d’événements extrêmes ne sont nécessairement des facteurs déclenchant l’action. En revanche, la dynamique collective est porteuse.

Après celui de 2003, l’été 2022 est le deuxième plus chaud jamais enregistré en France. Pouvons-nous parler d’accélération des événements ?

Je n’utilise pas ce mot. Accélération signifie mathématiquement que les choses vont de plus en plus vite. Or, du point de vue du climat, la seule chose qui s’accélère stricto sensu, c’est la montée du niveau de la mer. Je préfère parler d’intensification. Cet été, en France, la température moyenne a été de 2,3 °C supérieure à celle des 30 dernières années. Cela ressemble aux conditions estivales attendues autour de 2050 si rien ne change en termes de politiques publiques. Il existe une tendance lourde, liée à l’influence humaine sur le climat, à laquelle s’ajoutent des variabilités spontanées, internes au climat et qui peuvent tantôt exacerber, tantôt masquer temporairement cette tendance de long terme. C’est la superposition de ces deux phénomènes qu’il faut déchiffrer.

Quel rôle les médias ont-ils à jouer ?

La chaleur continue d’être associée au bien-être. Or, cela alimente un imaginaire en décalage avec les effets réels de ces événements climatiques : ne pas pouvoir se reposer la nuit, travailler dans des conditions infectes, souffrir davantage lorsque l’on est en situation de vulnérabilité. Des journaux ont parlé d’un « bel été ». Ça a choqué beaucoup de monde, y compris moi, en tant que scientifique. Non, ce n’était pas un bel été. Nous venons de vivre la fin de l’insouciance.

Icon QuoteLA SITUATION EST TRÈS GRAVE ; NOUS AVONS BESOIN DE TISSER DES PONTS ENTRE LES CONNAISSANCES ET LES DÉCIDEURS, ET DE FAIRE MONTER LE NIVEAU DE CULTURE SCIENTIFIQUE DU GRAND PUBLIC. 

Vous avez « formé le gouvernement aux enjeux climatiques ». Y a-t-il vraiment un problème de connaissance ou juste de volonté politique ?

Parmi les obstacles à l’action, on constate souvent un manque de littératie (NDLR, aptitude à lire, à comprendre) : connaître les causes, les mécanismes et les implications pour bien comprendre les liens causes-conséquences et définir les leviers d’action. Comment peut-on réduire les rejets de gaz à effet de serre, préserver la biodiversité, comment le faire de manière juste ? Comment limiter les risques en tenant compte des vulnérabilités, en évitant de dégrader les écosystèmes pour préserver certaines activités ? Ce sont des compétences qu’il faut avoir. Ce n’est pas toujours le cas. Ces moments d’échange permettent une certaine appropriation des enjeux. Et puis, face à l’action pour le climat – structurelle et de long terme –, il y a toujours d’autres urgences économiques, sanitaires, géopolitiques, qui font rebasculer le climat en sous-priorité.

Nous ne sommes « pas prêts », dîtes-vous. Quel regard portez-vous sur les politiques d’adaptation en France ?

Si nous savons qu’aujourd’hui deux tiers des Français vivent dans des zones exposées aux aléas climatiques, la vulnérabilité en fonction de l’âge, de l’état de santé, de la situation économique et sociale, manque en revanche d’évaluation. C’est un point crucial pour construire une véritable stratégie d’adaptation. Nous ne sommes pas tous égaux dans notre capacité à faire face aux impacts d’un climat qui change. Par ailleurs, nous avons souvent le sentiment de courir d’une crise à l’autre, ce qui révèle un manque de vision intégrée. Un manque de moyens aussi, criant à l’échelle des territoires et dans tous les organismes compétents. À l’ONF, au Cerema, à Météo France, partout, les effectifs se sont effondrés. C’est un frein énorme à l’adaptation. Enfin, il faut être attentif à ce que j’appelle la mal-adaptation, qui retarde les risques et augmente les dommages. C’est par exemple le cas lorsqu’en moyenne montagne, où l’enneigement diminue, on utilise la ressource en eau et les moyens pour les canons à neige au lieu de diversifier les activités touristiques. Ou lors de fortes chaleurs lorsqu’on allume la clim pour pouvoir dormir. À l’échelle individuelle, c’est de l’adaptation mais, en réalité, cela augmente la consommation électrique et rejette l’air chaud dehors, accentuant le phénomène d’îlots de chaleur urbain.

On entend beaucoup parler de sobriété. Qu’est-ce que cela recouvre ? Comment la mettre en œuvre ?

La sobriété est définie par le Giec comme une baisse de la demande en énergie, en matériaux non renouvelables, en eau et en sol tout en permettant à chacun de vivre décemment. Cette notion a été introduite particulièrement dans le secteur du bâtiment, et c’est l’un des points clés. Mais la sobriété, c’est également agir sur la demande et les services, en favorisant des styles de vie sobres en carbone : éviter les suremballages, favoriser le télétravail, éviter les vols longue distance, remplacer les voitures thermiques, etc. Ce seul levier, à l’échelle mondiale, peut permettre de diminuer les émissions de gaz à effet de serre de 40 à 60 % d’ici à 2050. Il s’agit d’ailleurs moins de choix individuels que d’une organisation collective.

Faut-il légiférer sur les jets privés ?

C’est symbolique mais révélateur. Ces questions sont très souvent abordées de façon binaire et sont utilisées par certains secteurs pour se dédouaner de leur capacité à agir. Derrière, il y a aussi, bien sûr, la notion d’exemplarité. Si les plus aisés valorisent ce type de déplacement et communiquent l’image de la réussite sociale par ce genre d’activité, ça donne une impression de dissonance, d’inégalité, d’injustice.

Icon Quote NE PAS POUVOIR SE REPOSER LA NUIT, TRAVAILLER DANS DES CONDITIONS INFECTES, SOUFFRIR DAVANTAGE LORSQUE L’ON EST EN SITUATION DE VULNÉRABILITÉ… VOILÀ LES EFFETS RÉELS DES ÉVÉNEMENTS CLIMATIQUES.

Sentez-vous un poids particulier sur vos épaules en tant que coprésidente du groupe de travail n° 1 du Giec ?

Moins qu’au début, car une grosse partie du travail est faite. Dans mon rôle, ce qui était important était de m’assurer que le travail scientifique soit rigoureux. S’il y a une faille, c’est ma responsabilité. À chaque fois, il y a la peur d’une erreur, d’être à côté de la plaque, que ce ne soit pas clair, etc. Au moment de la COP21, j’ai senti une énorme pression, car le Giec avait été invité à faire un rapport spécial sur la hausse des températures de 1,5 °C. Les attentes de la société civile et du monde politique étaient très fortes. C’était un marathon et l’approbation du rapport a été atroce. Il a été rejeté, à la COP24, par les États-Unis de Trump, la Russie, l’Arabie saoudite et le Koweït. C’était lourd.

Après la fin du sixième cycle de rapports du Giec, nous savons précisément ce vers quoi se dirige la planète. Le Giec sert-il encore à quelque chose ?

Oui, car nous passons en revue les méthodologies scientifiques pour définir ce qui est crédible ou non. Je ne connais aucun équivalent. L’Europe de l’Ouest, les États-Unis ou la Chine pourraient très bien fonctionner sans, grâce à leur communauté scientifique. Mais, pour beaucoup de régions du monde, ce socle de connaissances n’est pas disponible. De même, concernant les leviers d’action, il existe tant d’intérêts contradictoires et de jeux de pouvoir qu’avoir une instance qui les étudie reste pertinent. Il reste une question : qui évalue les politiques mises en œuvre ? C’est le sujet qui, à mon sens, va monter concernant les questions d’adaptation.

La communauté scientifique doit-elle s’engager davantage ?

Le changement climatique n’est pas neutre : ce sont des sujets à l’interface entre la science et la société. Le reconnaître signifie que nous avons une place dans la vie publique. La situation est très grave ; nous avons besoin de tisser des ponts entre les connaissances et les décideurs, et de faire monter le niveau de culture scientifique du grand public. En Corée du Sud, en Allemagne, à Singapour, au Royaume-Uni, les scientifiques ont leur place dans les rouages des gouvernements afin d’éclairer la prise de décision. En France, quelque chose ne fonctionne pas.

Pourriez-vous vous engager politiquement ?

Je n’ai jamais trouvé d’offre politique qui m’aurait permis de rester moi-même. Mais je me rends disponible pour dialoguer avec ceux qui le souhaitent. Depuis 2015 et ma prise de responsabilités au Giec, je me suis mise en retrait pour protéger l’institution. Je sais produire des recherches fondamentales ou évaluer les politiques publiques françaises avec le Haut Conseil pour le climat. Et, en faisant cela, je mesure tout ce que je ne connais pas. Voilà venu le temps de la mise en œuvre : il faut des personnes capables pour travailler à l’articulation entre l’État et les régions, à l’aménagement du territoire, pour mettre en place des politiques d’adaptation. Je n’ai pas ces compétences. La recherche de consensus n’est pas faite pour moi. Il y a aussi un équilibre à trouver entre vie professionnelle et vie personnelle. Avec une vie de ministre, c’est impossible.

Icon Quote LE FAIT QUE DES ACTEURS DE LA SOCIÉTÉ CIVILE S’IMPLIQUENT EST UNE PREUVE DE L’INTÉGRATION DES ENJEUX CLIMATIQUES DANS LA VIE DÉMOCRATIQUE.

Diriez-vous que vous êtes écoanxieuse ?

Je préfère dire que je suis lucide. Nous ne sommes pas dans une tragédie grecque : les choses ne sont pas écrites. L’évolution future du climat dépend de ce que nous allons faire. Des solutions existent, mais sommes-nous capables de les actionner vite et fort, et de manière juste ? L’écoanxiété vient du sentiment d’un décalage entre ce qui est mis en place et ce qu’il est nécessaire de faire, mais aussi d’un sentiment d’impuissance. Pour ma part, j’ai en tête les choses à venir, mais surtout les rencontres que j’ai faites dans différentes régions du monde, par exemple, les témoignages de ceux qui ont vécu d’intenses cyclones aux îles Fidji. Et leur inquiétude sur la transmission d’une culture ancrée dans un lieu aujourd’hui menacé par la montée des eaux.

Le salut viendra-t-il des jeunes générations ?

C’est atroce de faire peser la charge mentale de l’action pour le climat sur les plus jeunes, qui n’ont pas les moyens d’agir. Il existe un effet d’âge très net dans la prise de conscience, car des générations entières ont grandi avec la fonte des glaciers, la disparition des animaux, etc. Les jeunes ont intégré le changement climatique de plusieurs façons : certains le tiennent à l’écart pour se soulager, d’autres sont submergés par une angoisse permanente, d’autres en font le déterminant d’une action collective. Le dialogue intergénérationnel, notamment dans les familles, est très intéressant, car la prise de conscience de certains peut faire évoluer les pratiques d’autres.

Que pensez-vous du mouvement climat ?

Il faut des gens qui s’approprient cette matière pour faire évoluer les rapports de forces dans la société. Beaucoup de personnes influentes n’ont pas intérêt au changement. Le fait que des acteurs de la société civile s’impliquent est une preuve de l’intégration des enjeux climatiques dans la vie démocratique. C’est une lutte contre des intérêts particuliers au détriment de l’intérêt général.

Le 10 septembre (à l'Agora, à 19 heures), vous interviendrez à la Fête de l’Humanité. Pourquoi avoir accepté notre invitation ?

Je suis nulle pour être drôle. Je suis sérieuse, mais j’essaie d’éviter le jargon en essayant de me mettre à la place des autres pour arriver à partager le savoir scientifique. Le dialogue direct est important. La plupart des gens voient le changement climatique comme un tableau impressionniste. Quand on est trop près, on ne voit que des taches de couleur. Il y a un incendie, une négociation internationale, un projet de loi... Pour beaucoup, il est compliqué de donner du sens à chaque actualité. L’échange me permet d’aider les gens à situer ces taches de couleur dans une image d’ensemble : le constat, les causes, les conséquences, les leviers d’action. La Fête de l’Humanité attire un public jeune et le fait de se sentir membre d’une dynamique collective, dans un cadre festif, fait du bien.

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8 septembre 2022 4 08 /09 /septembre /2022 05:42

 

Une première version de ce texte a été publiée dans le numéro d’octobre 2021 de Science et Pseudo-Sciences, la revue de l’Association française pour l’information scientifique.

Dévoilé en août 2021, le rapport du GIEC sur la physique du climat confirme la gravité et l’ampleur du réchauffement climatique. L’occasion de revenir sur ses principaux enseignements et de nous plonger sur le fonctionnement original du GIEC.

Par François-Marie Bréon, physicien-climatologue

UNE MISE À JOUR DES RAPPORTS PRÉCÉDENTS

Ce 6e rapport sur la physique du climat a été rendu public en août 2021, après plusieurs années d’élaboration1. On rappelle que le rapport complet repose sur le travail de trois groupes : le premier sur les sciences du climat, le deuxième sur les impacts du changement climatique, le troisième sur les actions possibles pour limiter ce changement climatique et ses impacts.

Le précédent rapport fut publié en septembre 2013. Depuis, le réchauffement climatique s’est amplifié, les recherches sur les climats passés ont permis une meilleure connaissance des variabilités naturelles et la modélisation du climat a progressé. C’est donc une évolution significative de la compréhension du changement climatique qui est synthétisée dans ce rapport. Pourtant, sa diffusion n’a rien apporté de révolutionnaire. Ses messages principaux sont essentiellement une mise à jour de ceux du rapport précédent. Il y a cependant un focus plus important sur l’échelle régionale : les surfaces terrestres ont été découpées en 45 régions, et le rapport décrit l’évolution des principaux paramètres climatiques (températures, précipitations, sécheresses) à cette échelle. Le rapport est associé à un atlas interactif permettant de visualiser l’évolution du climat observé et anticipé par les différents modèles.

Le changement climatique affecte déjà toutes les régions de la planète, et la contribution humaine à ce phénomène est établie.

On rappelle aussi que le GIEC ne fait pas de recherche mais réalise une synthèse des connaissances sur la base des publications scientifiques. Ainsi, il ne peut pas y avoir de révolution dans le rapport du GIEC puisque tout ce qu’on y trouve a déjà été publié d’une manière ou d’une autre. Pourtant, la synthèse des connaissances et la caution apportée par l’analyse collective confère un poids particulièrement important aux messages portés par ses rapports.

 

ÉLÉMENTS CLÉS DU RAPPORT

Le rapport, rédigé par 216 scientifiques issus de 65 pays, fait la synthèse de 14 000 publications, et les versions successives du rapport ont donné lieu à 78 000 commentaires, qui ont été pris en compte. Notez que le processus est transparent puisque les commentaires reçus sont mis en ligne à l’issue du processus. Les commentaires faits sur le 6e rapport seront en ligne ; on trouvera aussi ceux du 5e rapport3.

Le changement climatique affecte déjà toutes les régions de la planète, et la contribution humaine à ce phénomène est établie. La température moyenne de la Terre est l’indicateur le plus mis en avant pour quantifier le réchauffement climatique. On prend désormais comme référence la période 1850-1900, pendant laquelle l’influence humaine sur le climat était négligeable comparée à aujourd’hui. En moyenne de la dernière décennie, l’indicateur est à + 1,1 °C, et chacune des quatre dernières décennies a été plus chaude que toutes les décennies précédentes depuis la période de référence. La Terre a certes connu dans le passé des changements climatiques naturels, or le rythme actuel de réchauffement observé est sans précédent depuis au moins 2 000 ans (et probablement beaucoup plus, mais la formulation est prudente en absence d’observations fiables).

Variations de températures observées (dernière décennie en référence à 1950-1970). Le réchauffement n’est pas homogène : il est plus rapide sur les terres que sur les océans, et plus rapides aux hautes latitudes.

Cette hausse des températures est la conséquence directe de la hausse des concentrations de gaz à effet de serre dans l’atmosphère. Ainsi, la concentration de CO2 a augmenté de près de 50 % depuis l’ère pré­industrielle. Dans le même temps, le méthane et le protoxyde d’azote, autres gaz à effet de serre, ont augmenté respectivement de 150 et 23 %. Les actuels niveaux de CO2 dans l’atmosphère (418 ppm) n’ont pas été atteints sur les derniers 2 millions d’années.

Cette hausse des gaz à effet de serre conduit à un forçage radiatif, à un apport d’énergie dans le système climatique. Ce chauffage additionnel est partiellement compensé par l’impact des aérosols, des particules en suspension dans l’atmosphère qui renvoient une partie du rayonnement solaire vers l’espace. Les activités humaines ont d’autres impacts sur le bilan énergétique de la Terre, via par exemple les traînées d’avion ou l’urbanisation des surfaces, qui changent son albedo, mais elles sont de plus faible importance. Au final, le GIEC estime que les différentes perturbations humaines sur le climat apportent une énergie supplémentaire de 2,72 Wm–2, avec une gamme d’incertitude de 1,96 à 3,48. En ordre de grandeur, c’est 1 % de l’énergie solaire absorbée par la Terre. Intégré sur toute la surface de la Terre, c’est l’équivalent de l’énergie dissipée par 500 000 réacteurs nucléaires (de 1 GW électrique ou 3 GW thermiques).

 

CONFIRMATION DE L’ORIGINE ANTHROPIQUE DU RÉCHAUFFEMENT

Pour les climatologues du GIEC, il ne fait pas de doute que cette énergie additionnelle dans le système est responsable de la hausse des températures observée depuis la fin du XIXe siècle, hausse parfaitement compatible avec ce qui est attendu du fait de l’augmentation de l’effet de serre, compensée en partie par les émissions d’aérosols. Ainsi, le GIEC dit dans le 6e rapport que la hausse des températures est entièrement d’origine humaine et ne relève pas de la variabilité naturelle du climat. Cette hausse des températures moyennes est associée à de nombreuses perturbations climatiques.

Commençons par souligner le fait que la hausse des températures n’est pas homogène : les terres se réchauffent plus vite que les mers, et le réchauffement est beaucoup plus rapide aux hautes latitudes

On observe un recul mondial des glaciers depuis les années 1990, une diminution de 40 % de la glace dans l’Arctique depuis 1979 et la diminution de la couverture neigeuse au printemps depuis les années 1950.

Le réchauffement a un impact sur le niveau des mers. Il y a deux mécanismes principaux : le premier est la dilatation des océans sous l’effet de l’augmentation des températures (à masse d’eau constante) ; le second est la fonte des glaciers de montagne et des calottes polaires (apport d’eau supplémentaire). Sur la période écoulée depuis 1970, le premier effet do­mine. À l’inverse, sur une période plus récente (depuis 2008), la fonte des glaces s’est accélérée : c’est désormais le second effet qui domine, et le rythme de hausse du niveau des mers s’est accru pour atteindre ≈ 4 mm/an. Sur le dernier siècle, le niveau des mers s’est élevé à un rythme plus rapide qu’au cours des 3 000 ans précédents. Ce rythme était néanmoins plus rapide pendant la dernière déglaciation (entre il y a 20 000 et 10 000 ans). De même, la surface de la banquise arctique (qui montre de fortes variations saisonnières) a fortement diminué et est inférieure, à son minimum de fin d’été, à ce qu’elle a été depuis au moins 1 000 ans. Le recul des glaciers de montagne est aussi anormalement rapide et est, en moyenne mondiale, sans précédent depuis au moins 2 000 ans.

Au-delà des valeurs moyennes, ce rapport du GIEC se focalise aussi sur les extrêmes, qui sont par définition peu fréquents mais qui ont un impact considérable sur les infrastructures, la biodiversité et les sociétés. Depuis les années 1950, les extrêmes chauds (y compris les vagues de chaleur au-dessus des continents et en mer) sont devenus plus fréquents et plus intenses dans la plupart des régions ; il en est de même pour les événements de fortes précipitations ; enfin, on cons­tate une augmentation de la fréquence des sécheresses dans certaines régions, même si la variabilité météorologique de ces phénomènes est trop importante pour détecter un signal clair. Ces conditions de chaleur extrêmes et de sécheresse sont favorables à l’occurrence des incendies, comme on le constate régulièrement, hélas.

LES PROJECTIONS POUR LE FUTUR

Ce sont là des variations observées des paramètres climatiques. Le rapport du GIEC fait aussi la synthèse sur ce qui est attendu. Pour cet objectif, il se base sur un ensemble de modèles développés indépendamment par plusieurs groupes de recherche dans le che dans le monde. La comparaison des résultats des modèles permet d’évaluer une incertitude sur les variations climatiques à venir.

Les modèles de climat sont évalués pour plusieurs trajectoires de concentration des gaz à effet de serre. Certaines supposent que l’on sera capable de diminuer très rapidement les émissions de CO2 et autres gaz à effet de serre ; d’autres anticipent une hausse continue des émissions pendant quelques décennies avant d’amorcer une décrue plus tardive. Bien évidemment, ces différentes trajectoires d’émission conduisent à des climats différents, mais cela après environ deux décennies du fait de l’inertie du système.

Exemple d’une analyse régionale de l’évolution du climat dans le dernier rapport du GIEC. Les surfaces terrestres sont découpées en 45 régions. On montre ici l’évolution des précipitations extrêmes. Les zones vertes indiquent où une augmentation est observée. Les zones hachurées indiquent les régions où aucune modification significative n’est observée, alors que les zones grises indiquent un manque d’observation pour conclure.

L’Accord de Paris visait à limiter le réchauffement à 1,5 °C. Même si cet objectif apparaît encore physiquement possible, il nécessiterait une décroissance des émissions extrêmement rapide, qui paraît peu compatible avec l’inertie des sociétés. Il est probable que le réchauffement de 1,5 °C (en moyenne globale), mesuré en référence à la fin du XIXe siècle, sera dépassé au cours des vingt prochaines années.

Pour une trajectoire de décroissance moins rapide, conduisant néanmoins à des émissions nulles en 2050 (avec prise en compte des puits qui compenseraient les émissions restantes), le réchauffement resterait inférieur à 2 °C ; et on peut même viser une légère diminution des températures pendant la seconde moitié du XXIe siècle, ce qui permettrait de revenir à la cible de 1,5 °C. Par contre, si les émissions de gaz à effet de serre restent au niveau actuel, le niveau + 2 °C sera atteint vers 2050, et dépassé pendant la seconde moitié du siècle. Bien évidemment, l’évolution des indicateurs climatiques – et en particulier la fréquence et l’intensité des extrêmes – va de pair avec l’augmentation des températures moyennes.

 

UNE PRÉCISION À L’ÉCHELLE RÉGIONALE

Ce 6e rapport est beaucoup plus précis que les précédents pour les échelles régionales. Près d’un tiers du rapport est consacré aux impacts du changement climatique, différents suivant les régions du monde. C’est aussi pour cette raison qu’a été développé l’atlas interactif qui permet à chacun d’analyser ce qui est déjà observé et ce qui est anticipé sur sa région d’intérêt.

À côté de la hausse des températures, c’est le cycle de l’eau qui a le plus d’impact sur les sociétés humaines et l’environnement. Avec l’augmentation du réchauffement, le cycle de l’eau s’intensifie : pour chaque degré supplémentaire, l’atmosphère peut contenir 7 % de plus de vapeur d’eau ; ce réchauffement conduit à une augmentation de l’évaporation ainsi qu’à des extrêmes de précipitations encore plus intenses, mais aussi à un renforcement des saisons sèches et à des sécheresses.

Le réchauffement a aussi un impact à plus long terme sur les calottes polaires, dont la fonte s’est accélérée pendant la dernière décennie. Avec le réchauffement de l’océan, cela va conduire à une élévation du niveau des mers, qui est irréversible pendant plusieurs centaines d’années. Ainsi, le rapport montre que la température de l’océan mondial augmentera de 2 à 8 fois plus au cours de ce siècle qu’elle n’a augmenté depuis le début des années 1970, avec un impact direct sur l’effet de dilatation des océans, et donc sur le niveau des mers. Par ailleurs, la fonte des calottes glaciaires du Groenland et de l’Antarctique – la perte de leur masse a été multipliée par 4 au cours des trente dernières années – se poursuivra pendant des milliers d’années, même dans les scénarios les plus ambitieux de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Pourtant, il reste de grosses incertitudes sur la dynamique des calottes de glace, et c’est pourquoi le rythme d’évolution du niveau des mers reste très incertain. Pour 2100, le rapport du GIEC indique une hausse (en référence à la fin du XIXe siècle) entre 0,5 et 1 m, mais sans exclure des valeurs plus fortes compte tenu des incertitudes sur l’instabilité des calottes polaires. La hausse du niveau des mers se poursuivra au-delà de 2100, même dans les scénarios les plus optimistes de stabilisation du climat, et atteindra probablement plusieurs mètres en 2300.

Le rapport reconnaît de grandes incertitudes sur la dynamique des calottes polaires et indique que des évolutions plus rapides que ce qui est indiqué ne peuvent pas être exclues. L’augmentation du niveau des mers se poursuivra après 2100, même en cas de stabilisation du climat, et pourrait être de plusieurs mètres en 2300.

Comme dit plus haut, le rapport du groupe 1 ne s’intéresse qu’à la physique du climat. Les impacts sur les écosystèmes, l’agriculture, la santé, les infrastructures sont traités dans le rapport du groupe 2, qui est en cours de finalisation. Les mesures qui peuvent être prises pour limiter le changement climatique sont discutées dans le rapport du groupe 3. Cette séparation des sujets traités a des vertus puisqu’elle permet de bien cerner le domaine de compétence de chacun ; mais la séparation temporelle de sortie des rapports conduit à des difficultés : lors de la sortie du rapport, les questions des journalistes portaient vite sur les solutions à apporter, qui restent sous embargo.

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27 août 2022 6 27 /08 /août /2022 08:00
Écologie. Été 2022, une répétition générale ?

Les catastrophes climatiques des dernières semaines ont mis en lumière les défaillances dans la gestion des crises. Des cataclysmes dont il faut tirer les leçons.

Le futur est déjà là, ou presque. Incendies à répétition, canicules à la chaîne, sécheresses durables, tempêtes imprévisibles, inondations soudaines, effondrement d’un glacier de l’autre côté des Alpes… L’été 2022 a été un avant-goût des prochaines décennies. « Les projections montrent que les températures pourraient augmenter de 1 degré d’ici à 2050 et que les événements climatiques extrêmes seront plus intenses, explique le climatologue Jean Jouzel. Un été comme celui qu’on connaît aujourd’hui sera un été moyen des années 2040. » Et, à l’heure actuelle, nous sommes loin d’être prêts à y faire face.

Les défaillances sont nombreuses sur l’ensemble de la chaîne d’intervention, de la prévention à l’adaptation en passant par la prévision et les secours. « L’État néolibéral entre en contradiction avec les nécessaires politiques d’adaptation et de lutte contre le réchauffement climatique. C’est la première des leçons à tirer », pense Clément Sénéchal, porte-parole de Greenpeace. Et Jean Jouzel de renchérir : « J’espère que cet été a marqué un tournant, mais le risque est que tout soit oublié dans un mois et demi. » Or demain commence aujourd’hui, avec de prochains cataclysmes écologiques tels les épisodes cévenols, qui pourraient survenir dès le début de l’automne.

1. Les secours ont besoin d’aide

Les pompiers sont « au bord de la rupture », selon une tribune parue mi-août. Tout comme l’ensemble des services de secours (pilotes de Canadair, fonctionnaires hospitaliers…). « La sécurité civile repose sur le don de soi, avec 40 000 sapeurs-pompiers professionnels et environ 200 000  volontaires. Quand ils partent en renfort sur les incendies dans le Sud, c’est sur leur temps de vacances. Avec la généralisation du risque climatique, nous doutons de notre capacité à répondre sur le long terme, s’il n’y a pas d’embauches et de moyens supplémentaires, alors que, parfois, nous sommes en difficulté face aux risques courants », dénonce Peter Gurruchaga, secrétaire général CGT du service départemental d’incendie et de secours du Val-d’Oise.

D’ici à 2050, les mégafeux augmenteront de 30 % ; les sécheresses, de plus en plus fréquentes, continueront de favoriser les inondations soudaines. Bref, le risque s’accroît et les moyens ne suivent pas, voire rabougrissent. Côté effectifs, un gradé évoque un « problème d’attractivité » conduisant à « une baisse des vocations ». « Avec l’accumulation des sinistres, nous risquons d’atteindre une rupture capacitaire », ajoute-t-il. Côté matériel, ce n’est guère mieux : entre 2006 et 2020, le nombre de camions-citernes pour feux de forêt a diminué de 1 014 unités. Concernant les moyens aériens de la sécurité civile (12 Canadair et 7 Dash), trop peu nombreux et mal entretenus, la France a dû compter sur la solidarité européenne. Or le gouvernement ne semble pas avoir pris la mesure de l’ampleur du problème. Le ministre de l’Intérieur n’a, pour l’heure, annoncé que la création de « 3 000 postes de gendarmes verts ».

2. S’adapter ou continuer à subir

Quoi qu’il arrive, le réchauffement climatique produira ses effets « irréversibles », selon le Giec, et nous ne pourrons pas tout empêcher. C’est bien qu’il faut s’adapter, apprendre à vivre avec. L’été 2022 l’a montré : la France est loin d’être parée pour les catastrophes à venir. Face au manque d’anticipation et de changement des pratiques, les collectivités ont dû réagir dans l’urgence.

Pourtant, « des plans d’adaptation existent », rappelle Jean Jouzel. Le pays a déjà commencé à s’adapter mais trop lentement. « Ces plans ne sont pas vraiment déclinés au niveau régional. Les besoins ne sont pas les mêmes pour une ville côtière ou une station de ski. On ne va pas assez dans le détail », s’inquiète le climatologue, qui note que la végétalisation des villes – qui permet d’adoucir les canicules et de faciliter l’absorption de l’eau lors de pluies torrentielles – « n’est pas à la hauteur ». Là encore, l’exécutif est trop timoré avec ses 500 millions d’euros pour la « renaturation » des centres urbains.

« L’État doit être renforcé ; il n’est pas assez équipé. On le voit avec le démantèlement de l’Office national des forêts (lire page 4 – NDLR), par exemple. De même dans la santé, le système hospitalier est-il prêt à faire face à l’intensification des vagues de chaleur ? » alerte Clément Sénéchal, de Greenpeace.

3. Météo France pris dans la tempête

C’est l’un des contrecoups de la tempête meurtrière qui a ravagé la Corse, le 18 août. Pointé du doigt pour le déclenchement tardif de l’alerte orange, Météo France est depuis au centre des critiques. Premier maillon de la chaîne d’alerte, l’établissement public ne semble pourtant pas avoir failli dans sa mission. « Un système orageux d’une telle ampleur comporte par nature des éléments imprévisibles », rappelle ainsi Cédric Birien, prévisionniste et syndicaliste CGT à Météo France. « Au poste de prévision comme dans les autres services, l’ensemble de la chaîne a assuré, abonde José Chevalier, le prévisionniste, coporte-parole de Solidaires météo, et ce malgré la complète dégradation de nos moyens et de nos conditions de travail. »

Depuis plus d’une décennie, les salariés de Météo France travaillent au gré des réorganisations, au rythme des coupes budgétaires et des suppressions de postes. « On a de plus en plus de données à disposition, d’éléments d’expertise, de retours satellites, mais de moins en moins de monde pour les analyser », résume José Chevalier. « On perd chaque année 100 postes depuis dix ans », détaille Cédric Birien. Sur le pont de jour comme de nuit, les 2 500 salariés de l’établissement public – dont une part grandissante de contractuels – s’épuisent. D’autant plus que les semaines qui viennent de s’écouler ont été lourdes de pressions. « Avec la sécheresse, les canicules, les feux de forêt à répétition, les préfectures nous ont mis sous pression pour donner des informations ajustées, régulières. Nous sommes le premier interlocuteur lorsqu’une cellule de crise se met en place », détaille Cédric Birien. Las, les syndicats exigent d’avoir les moyens humains et financiers d’honorer leurs missions de service public. Les prévisions sont essentielles, elles le seront de plus en plus.

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