Service public Face à la multiplication et à l’étendue des incendies, les soldats du feu sont à bout de souffle. Ils réclament des moyens humains et financiers.
Même le record de l’été 2003 vient de tomber. Avec près de 62 000 hectares partis en fumée depuis le mois de juin – dont 45 000 de forêts et de garrigues –, l’été 2022 demeurera comme tristement remarquable. Au 15 août à peine, 269 incendies ont déjà été recensés sur le territoire métropolitain, selon le Système européen d’information sur les feux de forêt (Effis). Un phénomène particulièrement violent, attisé par trois canicules et propagé sur des sols d’une extrême sécheresse. Fixés pour la plupart grâce à l’arrivée des orages, les feux de ces derniers jours ont laissé place aux inondations, entre autres dans l’Hérault, qui laissent présager une fin d’été tout aussi compliquée.
Exceptionnelle quant à la virulence des incendies, cette saison des feux de forêt l’est aussi de par leur étendue. Pour la première fois, pratiquement toutes les régions ont été concernées. Sur le terrain, les pompiers, à pied d’œuvre depuis des semaines, sont à bout de souffle. La difficulté des interventions et le manque de moyens humains et financiers épuisent les équipes. Cosignée par les présidents de la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France (FNSPF), de l’Association nationale des directeurs des services d’incendie et de secours (Andsis) et de la Confédération nationale des services départementaux d’incendie et de secours (Cnsis), une tribune, publiée ce lundi dans le Journal du Dimanche, tire la sonnette d’alarme. « Tous les voyants sont au rouge, écrivent-ils. Les sapeurs-pompiers et l’ensemble des forces de la Sécurité civile sont au bord de la rupture. » Dans un contexte où « le changement climatique va s’inscrire dans la durée et nous frapper tous de plus en plus fort, les moyens doivent s’accroître, c’est une certitude », affirment les signataires, qui demandent à l’État de « revoir la clé de répartition » de la TSCA, une taxe spéciale sur les conventions d’assurance censée financer, entre autres, les services départementaux d’incendie et de secours (Sdis).
Une profession en crise
Mais, pour Sébastien Delavoux, pompier et animateur du collectif CGT des Sdis, c’est le fonctionnement global de la Sécurité civile qu’il faut interroger. « Aujourd’hui, les pompiers travaillent trois mille heures par an, sont payés au lance-pierre, et il y a des secteurs où les ambulances sont en intervention vingt-deux heures sur vingt-quatre », dénonce le syndicaliste. Les feux estivaux s’ajoutent à la longue liste des difficultés d’une profession en crise et régulièrement en lutte. « Le système est en surchauffe, il va falloir arrêter de faire des plans et mettre les moyens en face des beaux discours », exhorte Sébastien Delavoux. Actuellement, la France compte 42 000 pompiers professionnels, épaulés par 193 000 volontaires. Et si « on a besoin des volontaires, note le cégétiste, il faut augmenter le nombre de pompiers professionnels pour que la colonne vertébrale ne fasse pas défaut ». Or, de coupes budgétaires en révisions du maillage territorial, 2 700 centres de secours ont été fermés depuis 2000.
Résultat, « notre capacité de réponse a tendance à s’amoindrir », résume Sébastien Delavoux. Certes, poursuit-il, « les pompiers répondront toujours aux sollicitations. Mais si demain il devait y avoir, en plus des feux en Gironde, un incendie massif dans les Bouches-du-Rhône, on ne pourrait plus faire face ».