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8 août 2023 2 08 /08 /août /2023 08:00
Justice restaurative : « Ce dispositif offre une écoute qui se fait rare »

Chercheuse à l’université de Paris-Nanterre, Delphine Griveaud a consacré sa thèse de doctorat à la justice restaurative. Depuis, elle codirige une étude sur ses effets auprès des participants. Sans oublier les professionnels. 

Comment la justice restaurative, importée du Canada, se déploie- t-elle en France ?

Elle se déploie dans des conditions diverses et précaires. Certains territoires vont être très ­actifs, comme le Vaucluse, et d’autres hors jeu, comme les Côtes-d’Armor. S’il existe bien une politique publique de la justice restaurative (JR), elle ne bénéficie pas de moyens proportionnés à ce que serait une politique systématique (408 000 euros alloués en 2021).

En outre, il n’y a pas de décharge de temps ou de dossiers pour les conseillers pénitentiaires d’insertion et de probation et les éducateurs de la protection judiciaire de la jeunesse qui les mettent en œuvre aux côtés des associations d’aide aux victimes. En somme, tout repose sur les bonnes volontés individuelles des travailleurs judiciaires et parajudiciaires convaincus de la justice restaurative.

Pourquoi les professionnels sont-ils néanmoins de plus en plus nombreux à se tourner vers cette pratique ?

C’était effectivement un résultat très marquant de mon enquête doctorale : comment expliquer l’engouement de ces professionnels alors même qu’ils doivent la pratiquer à moyens constants, sachant qu’elle s’ajoute à un quotidien particulièrement surchargé : les conseillers pénitentiaires d’insertion et de probation (CPIP) suivent en moyenne le double de dossiers par rapport au nombre recommandé par le Conseil de l’Europe.

J’ai découvert qu’ils s’investissent dans la justice restaurative parce qu’elle offre en quelque sorte un « supplément d’âme » à leur métier. Bon nombre de professionnels judiciaires voient dans ce dispositif un nouvel outil, certes, mais surtout une source de motivation et d’élan, un sens professionnel, ou encore une échappatoire aux contradictions vécues sur le terrain. Un CPIP m’a expliqué en 2019 que faire de la justice restaurative, « c’est une histoire d’idéal, la justice punitive apportant de la frustration ». Il m’a parlé de « peps et de sens » pour son métier.

Quels sont les avantages et les limites de ce dispositif pour les victimes et les auteurs ?

La principale limite réside dans le fait que la majorité des auteurs et des victimes ne souhaitent pas, ou ne peuvent pas (parce qu’ils ne reconnaissent pas les faits, par exemple), entrer dans des mesures de justice restaurative. Les mesures restauratives ne sont pas imposées par un juge, elles ne fonctionnent qu’avec des gens qui sont volontaires, et donc prêts à cela. À partir de là, pour celles et ceux qui sont accompagnés dans les mesures, il y a assez peu de désavantages. Certes, cela exige une certaine disponibilité physique et mentale, mais cela offre sur de longues durées une considération et une écoute – d’abord de la part des animateurs, puis en second lieu des autres participants – qui se font rares aujourd’hui, y compris dans le service public. Ensuite, la justice restaurative offre des ressources sociales pour sortir de l’isolement, pour les auteurs comme pour les victimes, et pour renouer avec une image valorisante de soi-même. Et enfin, tout cela est gratuit : pas d’avocat, pas de frais de justice, pas de frais de déplacement.

A-t-elle des effets sur la récidive ?

Il faut maîtriser un grand nombre de biais méthodologiques et obtenir un financement de recherche sur une durée plus longue que celle communément accordée aux projets de recherche actuellement, qui durent généralement deux ans, pour espérer approcher une mesure de ­l’efficacité sur la récidive d’un programme spécifique. Pour l’instant, en France, nous n’avons pas d’étude ambitieuse en la matière, même si des appels ont été récemment lancés dans ce sens. Il faudrait un financement de recherche sur une durée plus longue que des projets qui n’excèdent pas deux ans. à l’exemple de l’étude que je codirige sous l’égide de l’Institut des études et de la recherche sur le droit et la justice (CNRS-ministère de la Justice) depuis novembre 2020.

En attendant, on peut se tourner vers le service correctionnel du Canada, qui réalise une évaluation tous les ans depuis 1992 de son programme de rencontres auteur-victime « Possibilités de justice réparatrice ». Selon ses derniers chiffres, une telle rencontre permet de réduire de 7 points le taux de récidive des participants sur cinq ans.

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