Ce fut un conseil communautaire presque entièrement consacré au PADD, le plan d'aménagement et de développement durable, qui accompagne le PLU-I, et qui a été présenté sur le volet aménagement du territoire par Marc Madec, sur le volet plan local de l'habitat par François Girotto, et sur le plan des applications pratiques pour les PLU et de la remontée des conseils communaux par Yvon Le Cousse.
Les trois ont mis en perspective le document de manière plutôt claire et intéressante, sans en épuiser le contenu.
S'en est suivi un débat de 1h30 où ont pris la parole successivement Ismaël Dupont, Agnès Le Brun, Solange Creignou, Guy Pennec, Jean-Paul Vermot, Yves Moisan et Bernard Le Vaillant, premier adjoint de Plouigneau, qui a rompu le consensus en regrettant les mesures du PLU-I pour limiter l'extension de l'urbanisation sur des terres agricoles et l'emprise foncière des habitations dans les communes, en s'inscrivant en faux contre l'obligation de généraliser le logement social dans toutes les communes, en disant que ces principes présidant au PLU-I allaient déprimer le bâtiment, accroître encore la réduction de population sur le territoire de Morlaix-Co au profit des métropoles. Avant d'entrer dans des considérations sur la mise en crise ou la transformation du commerce,de la production locale par le numérique, et des modes de vie, non prise suffisamment en compte par le document selon lui, il a eu un long développement complètement hors sujet sur l'explosion démographique de l'Afrique, les risques "d'invasion" de réfugiés et d'immigrés sur notre territoire, et de remplacement des populations de "souche", autant de fantasmes qu'il avait déjà pu développer dans les voeux de la municipalité de Plouigneau à l'occasion de discours à teneur d'extrême-droite qu'avaient lu la maire Rolande Le Houérou, ou dans des articles du journal municipal de Plouigneau.
Immédiatement après son intervention, j'ai dénoncé l'arrière-fond de peurs nourries et agitées, de fantasmes xénophobes portés par ce propos complètement hors sujet, et j'ai marqué la nouveauté qu'il y avait d'entendre un discours inspiré par Valeurs actuelles, professant les théories du grand remplacement, portant les thématiques du Front National, au sein de l'enceinte communautaire, en disant que, si je reconnaissais à chacun le droit de s'exprimer en liberté, en assumant ses propos, le contenu de ces propos étaient profondément choquant et affligeant. J'ai également contré les propos de Bernard Le Vaillant en disant qu'avant de construire toujours plus de maisons neuves en participant à l'étalement urbain et à la disparition des surfaces agricoles et zones humides, il était préférable de rénover l'ancien, d'aider à la renovation énergétique les propriétaires, notamment les personnes âgées, et qu'il y avait déjà énormément de maisons et appartements vides et vacants à Morlaix-Communauté: le parc de logement est vieillissant (71% des résidences principales construites avant 1975à, avec 3800 logements recensés vacants en 2013 (le chiffre est ancien mais cela représentait +64% par rapport à 2008) et 1468 en 2016 sur la seule ville de Morlaix, soit 15% de son parc de logements.
Dans ma première intervention, j'ai développé le propos suivant:
"Tout d'abord, le diagnostic de territoire montre que, en même temps qu'une diminution légère du nombre d'habitants se fait sentir sur le territoire de Morlaix-Communauté, beaucoup d'autres indicateurs sont au rouge et que la situation socio-économique du pays de Morlaix est difficile, inquiétante:
- le taux de chômage à Morlaix-Communauté, selon les chiffres officiels qui sont sous-estimés, on le sait, car ils n'englobent pas toutes les formes de chômage, est plus élevé que la moyenne départementale (8,9%) et régionale (8,6%) avec un chiffre alarmant de 9,5% au 2nd trimestre 2016.
- le nombre d'emplois publics et privés continue à diminuer depuis 2008, dans le secteur privé cette diminution atteint le taux de 9% entre 2008 et 2015. Le secteur public représente 37% des emplois dans le territoire de Morlaix-Communauté.
- la part des retraités et du vieillissement de la population est plus importante dans le pays de Morlaix que dans le reste du Finistère, alors que le Finistère est lui-même un département vieillissant.
- les revenus de la population de Morlaix-Communauté sont singulièrement plus faibles que dans le reste du département et la Bretagne: 50% des ménages imposables en 2012, contre 55,9% au niveau du Finistère, et 56,2% en Bretagne".
Tout cela rend notre territoire plus fragile, plus sensible aux dégâts des politiques libérales et d'austérité, aux logiques de renforcement des métropoles au détriment des petites et moyennes villes, à la crise de l'agro-alimentaire.
Parmi les objectifs que l'on se donne, je note que dans la construction du projet d'aménagement d'un territoire à 27 (Partie 1), on place à toute première place l'objectif "d'intégrer le phénomène de vieillissement de la population et de ralentir la dépendance".
C'est en effet un enjeu central, a fortiori dans un territoire vieillissant comme le nôtre, mais quelles politiques concrètes met-on derrière? Quelle traduction concrète quand Morlaix-Communauté se refuse pour l'instant à soutenir une association comme l'Office des Retraités Public (l'ORPAM), qui travaille à combattre l'isolement, la dépendance, à favoriser le lien sociale, l'éducation tout au long de la vie des personnes âgées et qui peine à financer ses missions et son poste de salarié alors que près de la moitié de ses usagers ne sont pas morlaisiens? Peut-on dire que la communauté s'investit réellement dans le développement d'une offre de transport public adaptée pour les personnes âgées, notamment vers les communes périphériques de Morlaix? Quel investissement dans des centres de santé? Comment la communauté et ses élus se bougent pour la création de nouvelles places en maison de retraite (l'ancien préfet du Finistère a dit qu'il en manquait 2000 dans le département lors d'un déplacement à Lanmeur il y a quelques années)? A des prix accessibles pour les résidents et leurs familles, et avec un personnel travaillant avec suffisamment d'effectifs pour s'acquitter de ses missions de manière satisfaisante? Quel effort public pour structurer le secteur de l'aide à domicile?
J'ai pointé le fait que la mise en œuvre de la politique transport, avec la stagnation du budget transports, un schéma de transport public manquant d'ambition de développement et de prise en compte des enjeux de mobilité dans les communes périphériques, notamment du sud de l'agglomération, était en décalage avec les ambitions affirmées dans le PADD, et c'est évidemment un enjeu fondamental, de « garantir une desserte locale de qualité et de lutter contre les fractures territoriales en favorisant une offre de transport en commun de qualité ».
J'ai regretté surtout l'absence de références à la sauvegarde et au développement des services publics de proximité, alors qu'ils sont gravement remis en cause par les politiques libérales et austéritaires de l’État, dans la partie économie du PADD. Curieuse absence alors que l'emploi public concerne 37 % des emplois du territoire, et que cet emploi est en régression comme l'emploi privé, et que l'hôpital, notamment, plus gros employeur du territoire, fait la une de l'actualité locale pratiquement toutes les semaines, avec des personnels qui dénoncent les sous-effectifs, les fermetures de lit et d'activité, les menaces sur la maternité, la dégradation des conditions de travail et d'accueil des malades et usagers. Mais bien sûr, c'est tous les services publics, au-delà de la santé, qui sont nécessaires à l'accès aux droits des populations, à la vie quotidienne, et au maintien de l'emploi non délocalisable, de sorte qu'il faudrait corriger cette absence dans le document du PADD.
Enfin, toujours sur la partie économie, j'ai regretté que sur les questions agricoles, on parle d'accompagner l'évolution des systèmes d'exploitation agricole et de conforter les outils de production agricole sur le territoire intercommunal sans insister sur la nécessité de favoriser avec volontarisme la transition vers une agriculture respectueuse de la santé publique, de qualité, écologiquement responsable, raisonnée ou bio, se dirigeant vers le zéro pesticide. Une telle agriculture, possible aussi si l’État garantit des prix et rémunérations convenables aux paysans avec un encadrement des marges de la grande distribution, créerait plus d'emploi et renforcerait les atouts de notre territoire en termes de qualité de l'environnement naturel.
De manière générale, j'ai salué tout de même dans le document du PADD l'objectif de réduction de l'emprise foncière et de l'urbanisation sur les zones agricoles et humides, ainsi qu'un certain nombre d'objectifs stratégiques, mis clairement sur le papier, et qu'il faut maintenant progressivement atteindre avec des politiques volontaristes et des solutions de mise en œuvre.