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3 février 2018 6 03 /02 /février /2018 06:17
Volonté de Macron de dynamiter le statut des fonctionnaires, Anicet Le Pors l'avait prédit: CAP 22, une machine de guerre contre les services publics
GUERRE CONTRE LA FONCTION PUBLIQUE : 
UN TEXTE D'ANICET LE PORS
Après l'annonce du gouvernement, jeudi 1er février, relisons cette tribune d'Anicet Le Pors, ancien ministre communiste de la Fonction publique, publié dans l'Humanité en novembre dernier... JED
Une machine de guerre contre le service public
VENDREDI, 3 NOVEMBRE, 2017
L'HUMANITÉ

Après la présentation du comité action publique 2022 (cap 22). Par Anicet Le Pors, ancien ministre de la Fonction publique.

Le premier ministre, Édouard Philippe, a présenté, le 13 octobre 2017, le Comité action publique 2022, le CAP 22. C’est l’expression, selon lui, d’une méthode « radicalement différente ». Mais de quoi ?

Vu l’allégeance au libéralisme du président de la République et de son gouvernement, une méthode certainement différente de celle qui conduirait à la valorisation du service public dans notre pays sur la base des principes républicains qui le fondent. Mais il faut sans doute l’entendre aussi comme différente de la démarche adoptée par Nicolas Sarkozy, qui, quatre mois après son élection, avait appelé, le 19 septembre 2007, à une « révolution culturelle » dans la fonction publique – une attaque frontale contre le statut général des fonctionnaires. Il échouera néanmoins en raison de la crise financière qui se développera l’année suivante, au cours de laquelle chacun se félicitera de pouvoir disposer en France d’un service public étendu, jouant dans la crise le rôle d’un « amortisseur social » efficace.

Le gouvernement d’Édouard Philippe a tiré les leçons de l’expérience. Il met en place une stratégie d’application progressive. Les objectifs affichés sont d’une extrême banalité : il s’agit de tenir compte simultanément des intérêts des usagers (amélioration des services et de la confiance), des agents (modernisation des conditions de travail) et des contribuables (accompagnement de la réduction des dépenses publiques). Le premier ministre met en garde contre trois écueils surprenants qui laissent pointer des intentions plus vraisemblables. La première mise en garde concerne une pratique trop comptable de l’action publique, ce qui ne peut manquer de surprendre concernant un gouvernement qui a placé la fonction publique dans le ministère des… Comptes publics. Le deuxième avertissement critique des analyses qui seraient trop idéologiques. On peut craindre que ce point ne vise les principes républicains fondateurs du service public et de la fonction publique (égalité, indépendance, responsabilité). Le troisième met en garde contre des visions trop théoriques. On peut y voir une conception du service de l’intérêt général ramenée, comme il est dit, « à hauteur d’homme », c’est-à-dire d’un simple pragmatisme du new public management.

Le comité CAP 22 comprend 34 membres, dont la moitié sont d’anciens énarques. On y trouve, selon une récente analyse de Mediapart, de nombreux experts qui figuraient déjà dans la commission Attali réunie en 2008 par Nicolas Sarkozy, ainsi que plusieurs membres de l’Institut Montaigne, connu pour ses publications ultralibérales. Il y a aussi des hauts fonctionnaires, dont beaucoup ont eu des fonctions importantes dans le privé. Y figurent également des dirigeants d’importantes entreprises privées et de start-up. Quelques élus de droite ou socialistes ralliés en font également partie. En revanche, n’en font pas partie des experts indiscutables de la justice administrative, des institutions et de la recherche, des élus de l’opposition, des représentants des organisations syndicales. Le comité doit remettre un rapport, fin mars 2018. C’est un délai trop court pour un travail sérieux sur l’ensemble de l’action publique et des structures administratives, ce qui jette un sérieux doute sur la sincérité de l’opération. Vingt et un domaines devront être explorés. Le comité disposera de 700 millions pour conduire son action sur le quinquennat.

Ces modalités apparaissent bien conformes avec ce que l’on sait des visions macroniennes. Emmanuel Macron avait, pendant la campagne présidentielle, jugé le statut général des fonctionnaires « inadapté », puis fustigé, dans une interview au Point du 31 août 2017, les personnels à statuts, les « insiders ». C’est sans doute la députée LREM, vice-présidente de l’Assemblée nationale, Cendra Motin, qui a exprimé le plus clairement la conception officielle, assimilant, dans le Monde du 4 août 2017, les fonctions publiques à autant d’entreprises d’un même groupe financier. Au-delà de ces préliminaires, il ne fait donc pas de doute que le pouvoir exécutif a déjà une idée précise des réformes qu’il a décidé d’entreprendre en ce qui concerne l’action publique. Le CAP 22 n’est là que pour préparer le terrain. La lettre aux différents ministres du premier ministre, en date du 28 juillet 2017, est assez explicite, évoquant « des transferts au secteur privé, voire des abandons de missions ».

Considérant ce qui précède, la stratégie d’Emmanuel Macron pourrait comporter trois phases.

Une première serait la mise en place de CAP 22 dont la banalité des objectifs affichés est de nature à rassurer. Les travaux du comité se rallient aux mesures prédéfinies de réduction des missions du secteur public, tout en mettant l’accent sur le caractère inapproprié de sa gestion par une intense communication. La deuxième phase consisterait à la réduction du périmètre du secteur public par privatisations, économie mixte, dérégulation et délégation de service public. Cela permet le développement des contrats de recrutement de droit privé négociés de gré à gré. La contractualisation des emplois devient dominante dans de nombreux domaines du service public.

Enfin, la troisième phase s’appuierait sur la réduction du service public aux seules fonctions régaliennes de l’État, dont les agents sont les seuls à être placés dans une position statutaire. Cela comprend la généralisation des conventions collectives dans le reste des activités de service public.

Mais il y a loin de la coupe aux lèvres. Deux facteurs sont de nature à faire échec à cette stratégie. D’une part, la longueur du processus au cours duquel des aléas peuvent survenir et le fait que la politique d’Emmanuel Macron sera de plus en plus contestée. D’autre part, la prise de conscience des agents du service public et plus particulièrement des fonctionnaires, décidés à défendre la conception française du service public et de la fonction publique. Mais rien n’est acquis non plus…

A notamment coécrit avec Gérard Aschieri la Fonction publique du XXIe siècle (L’Atelier, 2015).
Cap 22 « changer d’ère » ?

« Notre pays change d’ère, nos services publics le doivent aussi », a expliqué le ministre de l’Action et des Comptes publics, Gérald Darmanin, lors du lancement officiel, le vendredi 13 octobre, par le premier ministre Édouard Philippe, du Comité action publique 2022. Le CAP 22 est censé mener « une réflexion sur la transformation ambitieuse de l’action publique ».

Anicet Le Pors, ministre communiste de la Fonction publique et des Réformes administratives de 1981 à 1984

Anicet Le Pors, ministre communiste de la Fonction publique et des Réformes administratives de 1981 à 1984

1946 : le statut général des fonctionnaires, un « socle progressiste »
Histoire
ANICET LE PORS ANCIEN MINISTRE, CONSEILLER D’ÉTAT HONORAIRE
VENDREDI, 21 OCTOBRE, 2016
L'HUMANITÉ
À partir de 1946, plus d’un million d’agents publics de l’État, comme ici, aux PTT, ont acquis le statut de fonctionnaires protégés par la loi.
À partir de 1946, plus d’un million d’agents publics de l’État, comme ici, aux PTT, ont acquis le statut de fonctionnaires protégés par la loi.
Photo : M. Zalewski/Adoc-Photos

Issue du mouvement de progrès social impulsé par la Résistance, une loi sera promulguée le 19 octobre 1946. Contrairement au système hiérarchique en vigueur, les agents publics de l’État sont considérés comme fonctionnaires, protégés par un statut.

Le 5 octobre 1946, la deuxième Assemblée ­nationale constituante examine son dernier projet de loi avant le référendum sur la Constitution de la IVe République. Il s’en est fallu de peu que ce texte relatif au statut général des fonctionnaires ne puisse venir en discussion avant la fin de la session ; un ultime accord entre le président du gouvernement provisoire, Georges Bidault, et le vice-président du Conseil, chargé de la fonction publique, Maurice Thorez, également secrétaire général du Parti communiste français, a tranché d’âpres débats qui n’en finissaient pas. En quatre heures, sans discussion générale, les 145 articles du texte sont votés à l’unanimité. Plus d’un million d’agents publics de l’État sont considérés comme fonctionnaires, protégés par la loi, même si seulement 47 % d’entre eux sont effectivement titularisés dans le cadre de ce statut. La loi sera promulguée le 19 octobre 1946.

C’était l’aboutissement d’une longue histoire de la fonction publique. L’Ancien Régime avait connu la vénalité et la patrimonialité des charges administratives. La Révolution française supprima ces privilèges et posa des principes d’égalité d’accès aux emplois publics et de probité des agents publics. Mais c’est une fonction publique dominée par le pouvoir hiérarchique qui prévalut au XIXe siècle et pendant la première moitié du XXe. Au point que le premier statut des fonctionnaires vit le jour sous Vichy, un texte du 14 septembre 1941 inspiré par l’antidémocratique « charte du travail ». Les associations, puis les syndicats de fonctionnaires n’avaient cessé de dénoncer jusque-là les tentatives de « statut carcan » que tentaient de leur imposer les gouvernements conservateurs. Ils réclamaient un « contrat collectif ».

Un premier projet de statut démocratique

Une telle situation met en valeur la lucidité et l’intelligence dont firent preuve les responsables progressistes de l’époque, issus pour la plupart de la Résistance. À l’exemple de Jacques Pruja, un dirigeant de la Fédération générale des fonctionnaires (FGF-CGT), révoqué, arrêté, puis réintégré, qui prit l’initiative d’élaborer un premier projet de statut démocratique avec lequel il finit par vaincre les réserves qui s’exprimaient au sein même de son organisation syndicale. La FGF adopta finalement un projet de statut lors de son congrès de mars 1945. Les forces syndicales de la CGT, majoritaire, et de la CFTC prirent alors une part active dans la promotion des nouvelles dispositions. Le projet retenu par le ministre de la Fonction publique suscita de très vives oppositions. Venant de hauts fonctionnaires qui admettaient difficilement le recul de l’ordre hiérarchique antérieur, les oppositions s’accentuèrent au fil du temps de la part de la CFTC et du MRP, parti démocrate-chrétien, qui finirent par élaborer leur propre projet ; ou encore de ministres socialistes de la SFIO. Le rejet du premier projet de Constitution par ­référendum du 5 mai 1946 menaça de tout faire capoter. Mais, combinant esprit de compromis (abandon de la création d’une fonction de secrétaire général de l’administration, par exemple) et fermeté sur les principes, Maurice Thorez parvint à ses fins.

Une grande référence sociale pour tous les salariés, du public comme du privé

Le statut mit dans la loi de très nombreuses garanties pour les fonctionnaires en matière de rémunération (voir dans l’encadré ci-contre la définition du « minimum vital », l’ancêtre du Smic), d’emploi, de carrière, de droit syndical, de protection sociale et de retraite. Il a été abrogé par l’ordonnance du 4 février 1959 lors de l’avènement de la ­Ve République. Statut fondateur, il a ainsi ouvert la voie au statut fédérateur de 1983 d’une fonction publique « à trois versants » : de l’État, territoriale et hospitalière, regroupant aujourd’hui 5,5 millions de salariés du service public, soit 20 % de la population active de la France, exemple sans équivalent dans le monde. Protégés par la loi plutôt que par le contrat, le statut général indique une voie inverse de celle de la loi El Khomri ; c’est une grande référence sociale pour tous les salariés, du public comme du privé. En 2011, la CGT déclarait à ce sujet : « Dans la fonction ­publique, même s’il subit des attaques sans précédent, le statut général des fonctionnaires demeure un socle progressiste pour des millions d’agents et autant de garanties pour les citoyens. Le caractère unifié doit en être renforcé. » Offensives frontales ou dénaturations sournoises, les attaques contre le statut des fonctionnaires n’ont jamais cessé, ce qui lui a permis de faire la preuve de sa solidité et de son adaptabilité. Nul doute que l’on en reparlera au cours de la campagne présidentielle.

Pour aller plus loin : lire la Fonction publique du XXIe siècle, d’Anicet Le Pors et de Gérard Aschieri. Éditions de l’Atelier, 2015.
Une loi et un statut

Extrait de la loi n° 46-2 294 du 19 octobre 1946 relative au statut général des fonctionnaires. « Chapitre Ier. Dispositions statutaires : Art. 1er. – Le présent statut s’applique aux personnels qui, nommés dans un emploi permanent, ont été titularisés dans un grade de la hiérarchie des cadres d’une administration centrale de l’État, des services extérieurs en dépendant ou des établissements publics de l’État. Art. 32. – Le traitement fixé pour un fonctionnaire nommé à un emploi de début doit être calculé de telle façon que le traitement net perçu ne soit pas inférieur à 120 p. 100 du minimum vital. (…) Par minimum vital, il faut entendre la somme au-dessous de laquelle les besoins individuels et sociaux de la personne humaine considérés comme élémentaires et incompressibles ne peuvent plus être satisfaits. »

Repères

  • 22 avril 1905 La loi prescrit la communication du dossier aux fonctionnaires faisant l’objet d’une sanction disciplinaire.
  • 1911-1913 Une première loi fixe des règles relatives à l’avancement, une seconde les règles du détachement.
  • 19 octobre 1946 Promulgation par la loi du premier statut général des fonctionnaires (de l’État).
  • 1983 Réforme sous la houlette du ministre Anicet Le Pors comprenant un nouveau statut des fonctionnaires.
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3 février 2018 6 03 /02 /février /2018 06:10
Contre la guerre, stop Erdogan! - Francis Wurtz, député européen honoraire dans L'Humanité Dimanche

La première chose à rappeler à propos de l’offensive militaire turque contre la région de Syrie tenue par les Kurdes, c’est qu’il s’agit d’une « violation flagrante des principes du droit international » et d’un « acte d’agression pour lequel Erdogan et d’autres fonctionnaires de l’Etat (turc) devraient être tenus pénalement responsables » (1)

Circonstance aggravante: elle n’est pas le résultat d’une crise conjoncturelle, mais s’inscrit dans un projet stratégique affirmé du Président turc : empêcher à tout prix, dans cette région kurde du nord de la Syrie, la jonction de l’enclave d’Afrin (500 000 civils dont un grand nombre de réfugiés d’autres régions syriennes) avec les deux autres districts peuplés majoritairement de Kurdes, Kobané et Qamishli. L’émergence d’une entité autonome gérée par les Kurdes du Parti PYD, proche du PKK , à proximité de la Turquie, est le cauchemar d’Erdogan.

Ces combattants -que les Etats-Unis eux-mêmes considèrent être le meilleur rempart contre les « djihadistes » de Daesh, au point de vouloir les intégrer dans une force de 30 000 hommes chargés d’empêcher le retour de « l’Etat islamique »-, le dictateur d’Ankara n’y voit qu’une « armée de terroristes » qu’il s’est juré de « tuer dans l’œuf ».

En outre, tout opposant à cette guerre en Turquie-même subira le même sort : « Nous écraserons quiconque se dressera contre nous dans cette lutte nationale » avait prévenu Erdogan ! De fait, nombre de « traitres à la patrie » sont arrêtés, tandis que des « recommandations » sont transmises à la presse pour qu’elle livre à l’opinion un « journalisme patriotique »…Un vent de folie ultra-nationaliste et militariste souffle sur tout le pays.

Mais le maître d’Ankara ne limite pas ses menaces à ses compatriotes : « Si la France ou un autre pays porte l’affaire devant le Conseil de sécurité de l’ONU, la Turquie considèrera qu’elle prend parti pour une organisation terroriste et agira en conséquence », a-t-il froidement asséné à l’adresse de la communauté internationale, pourtant, à ce jour, fort mesurée dans ses critiques.

Ajoutons que cette aventure sanglante , non seulement perturbe la poursuite des combats anti-Daesh en Syrie -les Kurdes défendant désormais prioritairement leur propre territoire contre l’armée turque et ses supplétifs-, mais risque de compromettre les tentatives de négociations (dites d’Astana) en vue d’une transition politique entre Damas, les rebelles et les puissances engagées dans la tragédie syrienne. « Des zones de désescalade redeviennent des zones de conflits. Donc, naturellement, cela pose un problème au processus d’Astana » affirme le Général Trinquand, ancien chef de mission militaire de la délégation française à l’ONU.

Un dernier rappel s’impose: la France et l’Allemagne comptent parmi les pourvoyeurs d’armes du sinistre promoteur de l’opération « rameau d’olivier » ! Comme l’a souligné , non sans courage, un quotidien turc : pour les Occidentaux, « Les armes et l’argent sont prioritaires. Si l’on rappelle des principes politiques du bout des lèvres, c’est uniquement pour sauver les apparences ». (2) Assez d’hypocrisie ! Stop Erdogan !

———-
(1) Déclaration de l’Association internationale des juristes démocrates.
(2) Hürriyet Daily News 8/1/2018

Contre la guerre, stop Erdogan! - Francis Wurtz, député européen honoraire dans L'Humanité Dimanche
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3 février 2018 6 03 /02 /février /2018 06:00
Oya Baydar : « La Turquie ressemble au monde de George Orwell dans 1984 »
ENTRETIEN RÉALISÉ PAR SOPHIE JOUBERT ET STÉPHANE AUBOUARD
MERCREDI, 31 JANVIER, 2018
L'HUMANITÉ
«	J’ai peur et je suis pessimiste. Dès le début de l’état d’urgence, le quotidien est devenu insupportable.	» Bertrand Gaudilliere/Item
« J’ai peur et je suis pessimiste. Dès le début de l’état d’urgence, le quotidien est devenu insupportable. » Bertrand Gaudilliere/Item
 

La romancière Oya Baydar publie Dialogues sous les remparts, la conversation entre une intellectuelle de gauche turque et une amie kurde. Un examen de conscience lucide et le témoignage du durcissement du régime d’Erdogan.

Qui est cette interlocutrice mystérieuse avec qui vous dialoguez ?

Oya Baydar Cette femme kurde ou ces femmes avec qui je poursuis un dialogue sont l’addition de plusieurs amies kurdes rencontrées depuis de nombreuses années. L’une d’elles, sur qui je me suis particulièrement appuyée pour écrire ce livre, a été arrêtée la semaine dernière par les autorités turques après l’attaque sur Afrin, dans le Rojava (Kurdistan syrien). Elle est poursuivie pour ses articles et ses tweets mais je ne veux pas dire son nom pour ne pas la compromettre davantage.

Quel accueil a reçu votre livre en Turquie, risquez-vous aussi quelque chose avec ce roman ?

Oya Baydar Je l’avais écrit pour les Turcs, mais ils ne l’ont pas lu. Les Kurdes du PKK n’étaient pas contents non plus. Ils ont dit que je n’étais pas légitime car je suis la voix des Turcs de l’Ouest. Nous avions l’intention, avec mon amie emprisonnée, de faire une pièce de théâtre à partir de mon texte. Notamment à Izmir, à Istanbul… mais c’est actuellement impossible. Aujourd’hui, on risque davantage en écrivant sur les réseaux sociaux, ou en tant que journaliste, qu’en publiant des romans. Cependant, écrire un roman de la sorte est plus risqué aujourd’hui qu’il y a quelques mois. Quand on sort du territoire, on ne sait jamais ce qui va se passer. On peut nous prendre notre passeport, être assigné à résidence de manière parfaitement arbitraire. Mais il ne faut pas y penser. Je bouge tant que je peux, sinon je ne pourrais pas vivre. Comme on dit, « que sera, sera »…

Le point de départ de ce livre est une forme d’examen de conscience fait en intégrant l’autre, comme s’il y avait deux personnes en vous, une sorte de conscience kurde chez les Turcs. Est-ce le cas ?

Oya Baydar Quand je suis allée au Kurdistan turc avec une délégation de 156 intellectuels le 31 décembre 2015, ce fut d’abord une confrontation avec moi-même et un questionnement qui concerne tous les Turcs de l’Ouest. Mais, mis à part les Turcs de gauche, je ne crois pas que les Turcs aient cette conscience kurde. À leurs yeux, les Kurdes n’existent pas. Mon père était colonel dans l’armée et lorsqu’on abordait le sujet à la maison, il disait que les Kurdes étaient de bonnes personnes parce qu’ils étaient fidèles. Mais dès qu’ils affirmaient leur identité, leur langue, leur culture, alors ils n’étaient plus fidèles. Pour moi, c’était au départ une position purement politique, théorique. Mais ensuite, lorsque je suis allée sur place et que j’ai rencontré les Kurdes, je me suis mise à parler avec le cœur et tout a changé.

Le livre parle de l’aveuglement des Turcs de gauche. Cette femme kurde vous dit, en reprenant la phrase du film Hiroshima mon amour : « Tu n’as rien vu à Sur, tu n’as rien vu à Cizre... »

Oya Baydar Les intellectuels ne voient pas, ne voient plus… c’est en partie vrai. Mais depuis quelques jours, si vous dites simplement : « il y a une guerre », vous risquez gros. Il faut employer le terme d’« opération de sécurité nationale » ! Le pays est coupé en deux, c’est une réalité. L’Ouest ne voit pas. Quand je demande à des amis turcs de venir voir ce qui se passe là-bas, ils me répondent : « Non je ne veux pas y aller, sinon je risque de penser différemment, je serai moins tranquille… »

Il y a, pour la femme de gauche que vous êtes, un constat d’inefficacité totale de vos démarches politiques, pacifistes. Vous dites mêmes que la lutte des classes, l’anti-impérialisme sont aujourd’hui moins importants que la lutte pour l’identité…

Oya Baydar Nous ne pouvons pas dire que nos rêves de gauche sont morts. L’utopie perdure. Je pense en revanche que nous avons fait beaucoup de fautes, même si le chemin était juste. Je pense que la classe ouvrière n’est plus la force première de la révolution. Mais si l’identitarisme peut faire le lit de la dictature, l’identité est le fait des peuples. On dit que c’est un feu attisé par les grandes puissances. Je crois que le besoin d’identité repose aussi sur une réalité humaine, sur la psychologie. Au Kurdistan turc – je n’ai pas le droit d’employer ce mot aujourd’hui en Turquie –, il y a des paysans et une bourgeoisie, mais leur lutte ne se situe pas au niveau des classes, c’est une lutte identitaire et nationale. Naturellement, je suis farouchement opposée aux nationalismes – et au nationalisme turc en premier – mais quand il s’agit de peuples oppressés, sans patrie, on peut comprendre.

Comment votre regard a-t-il changé ?

Oya Baydar J’étais à Berlin après l’effondrement du mur. J’allais aussi à Moscou. Je sentais bien que l’Union soviétique allait s’effondrer d’un moment à l’autre. Alors je me suis mise à penser autrement, en interrogeant la dictature sous toutes ses formes, en essayant de comprendre ce qui n’allait pas. Quand je suis revenue en Turquie après quelques années passées en Allemagne, j’ai fait connaissance d’amis kurdes. Nous avons fondé ensemble des initiatives de paix, contre la guerre et l’intervention américaine en Irak. Puis peu à peu, je suis allée au Kurdistan. Et là-bas j’ai vu que le besoin d’identité était nécessaire. Vouloir combattre pour son identité culturelle, sa langue, c’est l’honneur du peuple kurde. Ce n’est pas de l’identitarisme.

Mais la frontière est ténue entre les deux notions, n’est-ce pas un piège ?

Oya Baydar, L’identité turque n’existe pas. Il y a 60 minorités. C’est le nationalisme, sur lequel repose la Turquie moderne depuis Kemal, qui pose problème. Avec Erdogan et l’islamisme politique, d’aucuns pensaient que la communauté prendrait le pas sur le nationalisme. Mais aujourd’hui, c’est de pire en pire… Ce qui me désespère, c’est qu’Erdogan a réussi à diffuser ce nationalisme malsain dans le peuple, dans la tête des gens. Et il est largement soutenu.

Comment voyez-vous l’évolution du régime ?

Oya Baydar La situation est encore pire que ce que vous voyez d’ici. La culture de la guerre d’Erdogan est devenue un mode de gouvernance. J’ai peur et je suis devenue pessimiste. Dès le début de l’état d’urgence, le quotidien est devenu insupportable. C’est très arbitraire, la loi n’existe plus. L’un de mes amis d’enfance, un journaliste turc, a été mis en prison sans accusation, sans jugement. Mon mari, ancien journaliste de Cumhuriyet, ne doit sa liberté qu’à son âge. Il tente de faire vivre le journal avec d’autres anciens car tous nos collègues plus jeunes sont en prison. Mais c’est encore pire au Kurdistan. À Diyarbakir, les policiers sont venus arrêter l’amie dont je vous parlais en cassant sa porte, sans sommation… C’est la loi martiale. Plus de 150 000 personnes ont été chassées de leur poste, les académiciens sont en procès. Ce qu’on vit aujourd’hui est un cauchemar. La Turquie ressemble au monde imaginé par George Orwell dans 1984.

Dans votre livre, vous employez la métaphore de la maison pour parler des Turcs et des Kurdes : ils sont comme des gens qui ne peuvent plus vivre sous le même toit. Le collectif est-il encore possible ? Peut-on construire des ponts ?

Oya Baydar C’est devenu très difficile. Au moment où j’ai écrit ce livre, il était peut-être encore possible de vivre ensemble. Mais la situation a changé. Même avec mes amis kurdes de gauche. Quand j’arrive là-bas, on boit un raki et puis la conversation est un peu vague. La confiance a disparu. Il y a des années, nous avons construit des ponts. Je ne suis pas sûre qu’on puisse encore le faire. Une fracture est apparue. Les Kurdes de l’Ouest ne veulent pas du séparatisme. Mais ils disent qu’ils ne peuvent aller nulle part et que la Turquie n’est pas leur pays. C’est tragique. Le vrai séparatiste, c’est l’État turc. Dans un État unitaire, on peut avoir des zones autonomes. Mais ce n’est plus possible. Avant il y avait des journaux, des télévisions en langue kurde. Maintenant tout est fermé. Des maires kurdes sont en prison.

Erdogan est-il génocidaire ? On le voit maintenant envoyer l’armée dans le Rojava. Il y a une forme d’acharnement.

Oya Baydar Oui. Son mot d’ordre, c’est de faire la guerre jusqu’au dernier terroriste. C’est-à-dire jusqu’au dernier kurde. En 1915, l’État turc s’acharnait sur les Arméniens. Un siècle plus tard, les Kurdes sont les nouvelles victimes. Certains disent qu’il faut tuer les femmes kurdes qui portent en elles un terroriste en puissance. J’ai peur que tous les prisonniers kurdes meurent en détention. Beaucoup refusent de porter la combinaison orange extrêmement humiliante qu’on leur impose. Selahattin Demirtas (le chef du HDP) lui-même a dit qu’il préférait le linceul à cette tenue.

Biographie

Oya Baydar est née à Istanbul en 1940. Élève d’un lycée français, elle a publié son premier roman à 17 ans, puis s’est engagée dans le militantisme marxiste. Diplômée du département de sociologie d’Istanbul, elle a été arrêtée en 1971 et a fait deux ans de prison. À la suite du coup d’État de 1980, elle s’est exilée en Allemagne. Rentrée en Turquie en 1992, elle a publié huit romans dont Parole perdue (2010), Et ne reste que des cendres (prix France-Turquie 2016). Elle écrit des articles pour le site indépendant T24, très critique envers le régime turc.

Oya Baydar: "La Turquie ressemble au monde de George Orwell dans 1984" (L'Humanité, 31 janvier 2018)
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2 février 2018 5 02 /02 /février /2018 19:05
Péages sur les autoroutes: les députés communistes déposent une proposition de loi pour faire cesser le racket (1er février 2018)

Péages : les députés communistes déposent une proposition de loi pour faire cesser le racket !

Aujourd'hui les tarifs des péages sur autoroute ont augmenté de 0,87% à 2,04% suivant les réseaux d'autoroute concernés. Une hausse encore plus élevée que l'an passé. 
Un cadeau fait aux concessionnaires d'autoroutes qui va se renouveler encore pour de nombreuses années. Le 9 avril 2015, Emmanuel Macron, alors ministre de l'Economie, avait en effet signé un accord secret, au nom de l'Etat avec les sociétés d'autoroute. Dévoilé deux ans plus tard, sous contrainte du Tribunal administratif, cet accord prévoit une clause allongeant la durée des concessions, et surtout, pour compenser le gel des tarifs en 2015, des hausses de tarifs additionnelles chaque année de 2019 à 2023.
Cette hausse pour les usagers est d'autant plus injuste que les bénéfices des concessionnaires autoroutiers explosent. Des bénéfices qui avoisinent les 1,5 milliard d'euros par an. La distribution des dividendes aux actionnaires a, elle, été multipliée par dix depuis 2007.
Pourtant, en juin dernier, l’Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières (Arafer) pointait dans un rapport que « les augmentations des tarifs de péages prévues excèdent le juste niveau qu’il serait légitime de faire supporter aux usagers », estimant que « le niveau de rémunération des sociétés concessionnaires devrait être plus conforme aux risques supportés». 
Dans ce contexte, les députés communistes vont redéposer leur proposition de loi sur la nationalisation des autoroutes.

André Chassaigne

André Chassaigne

André Chassaigne

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2 février 2018 5 02 /02 /février /2018 19:02
Emprisonnement arbitraire et torture contre les militants saharaouis - l'Acat honore le militant contre la colonisation du Sahara Occidental Naâma Asfari (Rosa Moussaoui, L'Humanité - 29 janvier 2018)
Sahara occidental. L’Acat honore le prisonnier Naâma Asfari
ROSA MOUSSAOUI
LUNDI, 29 JANVIER, 2018
L'HUMANITÉ
C’est l’épouse, française, du militant sahraoui, Claude Mangin Asfari, qui a reçu la distinction en son nom. PhotoPQR/Le Parisien/MaxPPP
 

L’ONG de lutte contre la torture dénonce les « crimes de guerre » perpétrés par le Maroc au Sahara occidental occupé.

C’est une distinction qui s’inscrit dans le combat remarquable, mené par l’Action des chrétiens pour l’abolition de la torture (Acat), contre les violations des droits humains et du droit international au Sahara occidental occupé. Samedi, cette fondation a remis le prix Engel-du-Tertre des droits de l’homme 2017 à Naâma Asfari, militant sahraoui kidnappé lors du violent démantèlement du camp de protestation de Gdeim Izik, en 2010, condamné sans preuve par le Maroc à trente ans d’emprisonnement pour « meurtre », l’été dernier, à l’issue d’une parodie de procès. Torturé durant sa garde à vue, il avait signé des aveux sous la contrainte, comme les 24 autres militants sahraouis qui partagent son sort. Fait inédit, le royaume chérifien avait été condamné le 12 décembre 2016 par le Comité de l’ONU contre la torture, dans le cadre de la plainte déposée par l’Acat au nom de Naâma Asfari.

Rendre sa dignité et son indépendance à tout un peuple

C’est l’épouse, française, du militant sahraoui, Claude Mangin-Asfari, qui a reçu la distinction en son nom. Plusieurs fois expulsée du Maroc, interdite de visite, elle s’est exprimée avec beaucoup d’émotion, appelant à amplifier le combat « pour rendre sa dignité à tout un peuple qui se bat pour la liberté et son indépendance ». Responsable des programmes Maghreb et Moyen-Orient à l’Acat, Hélène Legeay, à sa suite, a accusé le Maroc de se rendre coupable de « crimes de guerre », insistant sur la nécessité d’inscrire la lutte contre la torture et les violations des droits humains au Sahara occidental dans le combat pour le droit à l’autodétermination de la dernière colonie d’Afrique. Elle s’en explique en ces termes dans la revue de l’Acat, Humains : « Le Sahara occidental est un territoire occupé illégalement par le Maroc. Par conséquent, il doit être régi par le droit international humanitaire (DIH), qui régit les situations d’occupation telles que celle de la Palestine. Dans ce cadre, le DIH fixe notamment les interdictions de la puissance occupante, dont le transfert de population de la puissance occupante vers le territoire occupé, ainsi que le pillage des ressources naturelles. Le statut de Rome, qui institue la Cour pénale internationale (CPI), fait de ces deux interdictions des crimes de guerre passibles de sanctions pénales. Le transfert de population et le pillage des ressources sont d’autant plus graves qu’ils sont les moteurs de l’occupation : la colonisation éloigne les espoirs d’autodétermination (…), tandis que le pillage des ressources naturelles rend rentable cette situation d’occupation et, ce faisant, l’encourage. »

Journaliste à la rubrique Monde
Emprisonnement arbitraire et torture contre les militants saharaouis - l'Acat honore le militant contre la colonisation du Sahara Occidental Naâma Asfari (Rosa Moussaoui, L'Humanité - 29 janvier 2018)
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2 février 2018 5 02 /02 /février /2018 17:46
Un big bang annoncé dans la fonction publique (L'Humanité, 3 février 2018)

Réforme. « Atteinte frontale », « stupéfaction », « dynamitage de la fonction publique » : les syndicats réagissent vivement aux annonces surprises du gouvernement, qui propose un plan de départs volontaires pour les fonctionnaires et l’usage accru de contractuels.

«Un plan de départs volontaires » dans la fonction publique : la formule est explosive, et la déflagration provient alors même que le grand chantier de réflexion pour la transformation de l’action publique commence à peine. Jeudi, au sortir du premier comité interministériel qui devait enclencher une réflexion dans les ministères jusqu’en avril sur des réformes structurelles, le ministre de l’Action et des Comptes publics a lâché la bombe tout en tentant d’atténuer son effet : « Il ne s’agit pas de faire un plan de départs volontaires pour tout le monde, bien évidemment. Il s’agit d’adapter nos services publics et de le faire avec et pour les agents publics », a assuré M. Darmanin. Pour autant, Édouard Philippe a ajouté vouloir étendre « largement » le recours aux contractuels, et développer davantage la rémunération au « mérite » des fonctionnaires. Une provocation, une semaine après la lettre de 8 des 9 organisations syndicales de fonctionnaires réclamant l’ouverture d’une concertation en vue d’un nouveau plan de titularisation des agents contractuels.

« C’est hallucinant, a réagi Jean-Marc Canon, secrétaire général de l’union fédérale des syndicats de l’État CGT. Ces annonces sont une atteinte frontale à la fonction publique. Rappelons le contexte : le 10 octobre 2017, l’ensemble des organisations syndicales de la fonction publique avaient appelé à la grève ; dernièrement, il y a eu des luttes sectorielles importantes, avec la mobilisation historique de l’administration pénitentiaire, le mouvement dans les Ehpad, etc. Et maintenant, nous apprenons par voie de presse, à la sortie de ce comité, un “plan de départs volontaires”, une rémunération qui sera plus individualisée et un recours aux contrats largement étendu pour les métiers qui ne relèvent pas “d’une spécificité propre aux services publics”. » « C’est la stupéfaction, confirme Philippe Soubirous (FO), on apprend par voie de presse un certain nombre d’orientations du gouvernement alors que cela n’était pas à l’agenda social. Ils veulent dégrader les services publics et transférer les missions au privé. Or, c’est au Parlement qu’un débat doit avoir lieu pour savoir si nos écoles, nos hôpitaux, nos services doivent être publics ou privés. » Pour l’Union syndicale Solidaires, il s’agit d’un « dynamitage de la fonction publique », car « la gestion des personnels sera traitée sans attendre les annonces structurantes, qui seront dépendantes du rapport du comité d’experts et des réflexions menées actuellement au sein des ministères pour déterminer quelles missions ils gardent et quelles missions ils jettent ». Le gouvernement a également annoncé vouloir « un dialogue social plus fluide et recentré sur les enjeux les plus importants, sur le modèle de ce qui a été fait dans le cadre des ordonnances “Travail” ». Un « modèle » de dialogue social que n’avaient pas vraiment apprécié les syndicats, descendus pour la plupart le manifester dans la rue. Une nouvelle décision unilatérale qui passe d’autant plus mal que les élections professionnelles auront lieu en décembre de cette année.

Depuis le lancement, en octobre, de son programme « Action publique 2022 », le gouvernement a prétendu organiser commissions, forums régionaux et chantiers transverses pour « moderniser » en discutant et concertant. Mais la méthode ne convainc pas. Ni les formules avancées par le ministre Darmanin, assurant en octobre vouloir simplement « améliorer la qualité de service » et « offrir un environnement de travail modernisé aux agents ». Car, une note interne a révélé un objectif bien plus pragmatique. Le 27 septembre 2017, le premier ministre s’adressait aux secrétaires généraux de ministères avec des objectifs clairs et chiffrés : « Pour l’État et des opérateurs, 10 milliards d’euros d’économies à documenter pour 2020-2022, en supplément des mesures qui seront mises en place d’ici à 2019, et plus de 37 000 ETP (équivalents temps plein – NDLR) à supprimer sur la même période pour atteindre l’objectif de - 50 000 ETP sur 2018-2022. » Pour les administrations de sécurité sociale, les économies doivent atteindre « 10 milliards d’euros, à trouver sur-le-champ hors objectif national de dépenses d’assurance-maladie » ; pour les collectivités territoriales « 16 milliards d’euros, dont 3 milliards d’euros pour la société du Grand Paris et une réduction de - 70 000 ETP sur la période ».

Édouard Philippe a nommé 34 « experts » au profil homogène

Très vite, tous les syndicats de la fonction publique et des associations comme la Convergence des services publics, portant la parole d’élus, d’associations et d’usagers, ont dénoncé cette réforme construite comme une machine de guerre contre la fonction publique et le service public. Et ce n’est pas la nomination du Comité d’action publique, ou CAP 22, qui les a rassurés. Plutôt que de faire appel aux professionnels du secteur, aux syndicats représentatifs, aux responsables de l’aménagement du territoire, aux associations d’usagers, aux spécialistes de l’environnement ou des transports, Édouard Philippe a nommé des « experts » au profil homogène : 17 des 34  membres ont usé les bancs de l’École nationale d’administration. On y dénombre moult hauts fonctionnaires passés au privé, des créateurs d’entreprises numériques, des dirigeants de fonds d’investissement qui pourraient être intéressés par la privatisation de marchés publics, des anciens de la commission Attali. Celle-ci, en son temps, proposait déjà d’abandonner des missions pour les donner au privé, de diminuer la dépense publique, de supprimer 120 000 postes de fonctionnaires… Autant de points que l’on retrouve dans la feuille de route actuelle de l’action publique 2022. Même Philippe Laurent, maire (UDI) de Sceaux et membre du CAP 22, remarque que « beaucoup de membres de CAP 22 sont de formation économique ou issus du monde financier, ce qui replace chaque discussion sous l’angle financier ». Et, comme le relèvent 7 associations de cadres territoriaux, aucun fonctionnaire territorial n’y siège. Quant à la plateforme numérique lancée en parallèle pour sonder agents et usagers, seules 3 200 contributions y ont été recensées ! Peu de personnes croient encore à ce simulacre d’échanges… Devant cette « tarte à la crème de la concertation », dénoncée par Jean-Marc Canon, l’intersyndicale des fonctionnaires, prévue le 6 février, est plus que jamais d’actualité. Et la volonté de la confédération d’organiser à la mi-mars une grande journée d’action devrait toucher plus d’une organisation.

Journaliste, rubrique social
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2 février 2018 5 02 /02 /février /2018 16:18
Pierre Darhéville

Pierre Darhéville

e député communiste Pierre Dharréville, rapporteur d’une mission sur les aidants, met au jour « l’immensité du travail gratuit » effectué par les 8,3 millions d’aidants en France. Sa proposition de loi préconise notamment d’indemniser le congé de proche aidant à hauteur de 43 € par jour.

Faire Face. Dans les conclusions de votre mission sur les aidants, mercredi 24 janvier à la commission des Affaires sociales de l’Assemblée nationale, vous avez parlé de « situation globale latente de crise ». Qu’est-ce que cela signifie ?

Pierre Dharréville : Aujourd’hui, une part significative du soutien à l’autonomie repose sur les épaules de proches aidants. Cette solidarité familiale masque les carences de notre société. Or, en France, le recours aux aidants est massif. En 2008, la Drees estimait leur nombre à 8,3 millions : ce chiffre a nécessairement progressé depuis dix ans. Selon certains économistes, leur travail représente de 12 à 16 milliards d’euros, soit de 0,6 à 0,8 % du PIB.   

Ces personnes témoignent elles-mêmes des difficultés croissantes que cela provoque dans leur existence au quotidien. Nous avons aussi des chiffres sur la moindre espérance de vie des personnes aidantes par rapport à celles qui ne le sont pas. Également sur les logiques d’épuisement et d’isolement dans lesquelles elles sont conduites et sur l’ampleur des tâches qu’elles affrontent au quotidien. 

Nous sommes dans une situation qui devient intenable à l’échelle individuelle et collective : il y a une responsabilité sociale qui n’est pas assumée. La société doit donner les moyens aux aidants d’assumer leur rôle. Nous devons donc, et c’était l’ambition de cette mission, avancer vers une reconnaissance sociale du travail des personnes aidantes.

« Le congé du proche aidant doit être indemnisé. »

FF : Que proposez-vous pour mieux accompagner et reconnaître ce travail des aidants ?

P.D : Nous devons mettre en œuvre un statut des aidants, qui leur confère un certains nombre de droits. En effet, trois besoins essentiels doivent être satisfaits. D’abord, un besoin de temps, de ressources et d’accompagnement. Nous devons ensuite permettre à ceux qui travaillent de bénéficier effectivement du congé de proche aidant. Celui-ci doit être indemnisé et adapté aux situations auxquelles ils sont confrontés. Il s’agit enfin de leur garantir un véritable droit au répit.

Cela passe d’abord par un investissement dans des services publics de qualité. Objectif : mieux prendre en charge les aidés, notamment en augmentant le nombre de places d’hébergement temporaire. Un véritable service public de l’autonomie doit être développé pour accompagner les aidants. Le travail matériel et organisationnel qu’ils assument aujourd’hui, c’est autant d’énergie soustraite à la relation humaine. Or, celle-ci est décisive dans le développement de l’autonomie de la personne aidée.

« Le congé du proche aidant doit être attaché à la personne aidée, pas au salarié. »

FF : Quelle va être la suite législative donnée à cette mission ?

P.D : J’ai déposé une proposition de loi (PPL) pour la reconnaissance sociale des aidants qui sera examinée le 8 mars dans la niche parlementaire du groupe de la Gauche démocrate et républicaine (GDR) auquel j’appartiens. Cette PPL préconise de créer un droit à indemnisation du congé de proche aidant. Le montant pourrait être identique à celui de l’allocation journalière de présence parentale (AJPP), soit 43,14 euros par jour.

Cette proposition inscrit aussi un droit opposable de fractionnement de ce congé, sans que l’accord de l’employeur soit nécessaire. Elle propose enfin d’attacher ce congé à chaque personne aidée et non au salarié. Cela permettra de prendre plusieurs congés si on doit aider plusieurs personnes au cours de sa carrière. Enfin, nous proposons d’étendre la majoration de l’assurance vieillesse dont bénéficient les proches aidants de personnes handicapées (1) aux aidants de personnes âgées en perte d’autonomie. – Propos recueillis par Aurélia Sevestre

(1) Faire Face, dans son dossier de mars-avril 2016 sur les aidants, y a consacré un article.

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2 février 2018 5 02 /02 /février /2018 16:04
Le PCF condamne les pratiques du gouvernement israélien et exige la libération d'Ahed Tamimi et de tous les enfants palestiniens
Le PCF condamne les pratiques du gouvernement israélien et exige la libération d'Ahed Tamimi et de tous les enfants palestiniens
Mercredi, 31 Janvier, 2018
Humanite.fr

Communiqué du Parti communiste français

Le procès d'Ahed Tamimi, qui devait débuter ce 31 janvier 2018, jour de ses 17 ans, a été reporté à la demande de son avocate au 6 février prochain, date également prévue pour le procès de sa mère, Nariman Tamimi. L'armée israélienne a énoncé 12 chefs d'inculpation, dont « jet de pierres, incitation, agression et menace à un soldat », contre l'adolescente qui vient de passer un mois et demi à la prison militaire d’Ofer près de Ramallah, en Cisjordanie. Si elle est reconnue coupable, Ahed Tamimi risque jusqu'à 10 ans d'emprisonnement.

Arrêtée le 19 décembre dernier à la suite d'une altercation quelques jours auparavant, au cours de laquelle Ahed et sa cousine, Nour, ont tenté de repousser les soldats israéliens qui s'étaient introduits dans la cour de la maison de ses parents après avoir blessé son cousin Mohammed, âgé de 15 ans, d'une balle en caoutchouc tirée en pleine tête.

La scène a été filmée par la mère d'Ahed, elle-même emprisonnée depuis ce jour, et a tourné sur les réseaux sociaux, provoquant une vague de protestation face à la violence utilisée par le gouvernement israélien et son armée contre les enfants palestiniens. Cette vidéo montre que la jeune fille, désarmée face à deux soldats armés et portant un équipement de protection, ne représentait aucune menace réelle.

Rien ne justifie le maintien de la jeune fille en prison. Israël continue de bafouer impunément le droit international, et notamment la convention de l'ONU relative aux droits de l'enfant qu'Israël a ratifiée.

Le cas d'Ahed est loin d'être isolé, 350 enfants palestiniens sont à ce jour incarcérés dans les geôles israéliennes.

Le PCF condamne une nouvelle fois les pratiques du gouvernement israélien et exige la libération d'Ahed Tamimi ainsi que de tous les enfants palestiniens.

Il exige également la libération de notre compatriote Salah Hamouri, en détention administrative depuis 162 jours.

Le gouvernement français doit exiger leur libération immédiate et agir au sein de l'Union européenne pour que des sanctions contre Israël soient enfin prises. L'accord d'association entre l'Union européenne et Israël doit être suspendu tant qu'il ne se conformera pas au droit international et qu'il n'appliquera pas les résolutions de l'ONU.

Le PCF condamne les pratiques du gouvernement israélien et exige la libération d'Ahed Tamimi et de tous les enfants palestiniens
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2 février 2018 5 02 /02 /février /2018 10:51
Les députés communistes mobilisés sur tous les fronts: aidants familiaux, lutte contre le temps partiel imposé, pour l'égalité professionnelle femmes-hommes, contre les marchands de sommeil et la fraude fiscale
Le 8 mars, les députés communistes présenteront une série de textes

vendredi 2 février 2018

Le groupe GDR à l’Assemblée nationale présentera, le 8 mars prochain, plusieurs textes :

- contre le travail partiel imposé ;
- pour l’égalité professionnelle ;
- une proposition de loi sur les aidants familiaux, soutenue par beaucoup d’associations ;
- une sur la lutte contre les marchands de sommeil, véritable plaie dans certaines de nos villes ;
- une autre encore sur la fraude fiscale.

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2 février 2018 5 02 /02 /février /2018 10:49
Départs volontaires pour les fonctionnaires : Des mesures contre les agents, le statut, le service public
Départs volontaires pour les fonctionnaires : Des mesures contre les agents, le statut, le service public

vendredi 2 février 2018

Lors d’un Comité interministériel de la transformation publique qui s’est tenu le 1er février, le gouvernement a annoncé qu’il envisageait un plan de départs volontaires pour les fonctionnaires afin "d’accompagner la réforme de l’État".

Devant la presse, le ministre de l’Action et des Comptes publics Gérald Darmanin a déclaré qu’il s’agit "d’imaginer avec les agents publics un plan de départs volontaires pour ceux qui souhaiteraient partir, en conséquence de la réforme de l’État".

Plusieurs syndicats dénoncent déjà une "attaque". Pour Jean-Marc Canon de la CGT : "nous avons affaire à un président de la République et à un gouvernement qui sont en train de s’attaquer frontalement à la fonction publique" pour "se conformer aux prévisions d’Emmanuel Macron de supprimer 120.000 emplois dans la fonction publique". (lire le communiqué)

De son côté Édouard Philippe a annoncé vouloir étendre "largement" le recours aux contractuels ne bénéficiant pas de l’emploi à vie, "notamment pour les métiers ne relevant pas d’une spécificité propre au service public". "On ne répare pas un pays, on ne vise pas haut, sans avoir conscience qu’il faut parfois bousculer et modifier ces équilibres", a expliqué le Premier ministre, pour qui il faut "adapter", "assouplir" le statut de la fonction publique.

La presse du jour en fait ses Unes et précise que "lors de son déplacement à Tunis Emmanuel Macron a défendu cette réforme en affirmant que cette modernisation inévitable allait garantir la "pérénité véritable" de la fonction publique. "Ce n’est pas la fin de la fonction publique"... "Bien sûr, nous garderons leur statut, mais il faut avoir une souplesse de gestion, car c’est une bonne manière d’avoir une gestion contemporaine". "Car, avec une organisation qui remonte à 1947, des éléments de bon sens de la gestion de la fonction publique ne sont plus appliqués à cause des rigidités. Il faut donc permettre à l’État de se "réorganiser plus vite comme le font les entreprises". "Sinon vous gérez tout par le statut, y compris l’impossibilité de bouger" a-t-il estimé.

 Le dossier de presse du premier ministre

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