"Quand on demande aux Français s'ils préfèrent mourir dans des souffrances insupportables ou être euthansiés, l'écrasante majorité des sondés choisit la deuxième option... Comment répondre autrement? On en déduit benoitement qu'il faudrait l'aide active à mourir. C'est là un raisonnement un peu court... L'euthanasie ne "complète" pas les soins palliatifs, elle les interropt... Elle ne couronne pas l'accompagnement, elle le stoppe... Elle ne soulage pas le patient, elle l'élimine". Jacques Ricot, philosophe (Ouest-France, 04/10/2012)
En 2011, un directeur de l'Agence Régionale de Santé de Bretagne déclarait: "Dépenser 200 000€ pour un patient n'est plus possible... les enveloppes budgétaires sont fermées et limitées! ... Il faudra choisir entre des budgets accordés pour les maternités ou pour la dépendance."
Christiane Caro (membre de la commission nationale Santé du PCF et, avec Alain David notamment, de l'Atelier Citoyen de Bretagne "De la naissance à la fin de vie: l'Humain d'abord) a eu l'excellente idée d'organiser un débat sur la dépénalisation de l'euthanasie à la fête de l'Humanité Bretagne de Lanester le dimanche 25 novembre.
Il y avait trois intervenants (le psychanalyste et clinicien en CMPP Etienne Rabouin n'ayant finalement pas pu venir) pour animer ce débat, suivi par 80 personnes environ :
- Hervé Messager, le kinésithérapeuthe de Vincent Humbert à Berck/ Mer qui a vu de près la manipulation médiatique qui a entourée sa mort provoquée. Hervé Messager a dénoncé "l'avalanche médiatique" avec la "répétition en boucle d'une multitude de mensonges...". Tout comme le généticien Axel Kahn, membre du Comité national d'éthique qui rapporte que "Chantal SEBIRE avait refusé aussi bien une opération, qui aurait eu de fortes chances de réussite, que toute forme de médicament (y compris la morphine), qu'elle considérait comme "du poison" pour leur préferer la seule hompéopathie. Lui aussi "regrette que cette vérité ait été occultée par le "tsunami médiatique"".
- Simone Fayaud, infirmière, membre du Conseil National et de la Commission Nationale Santé du PCF, Sécrétaire fédérale du PCF de la Charente.
- Docteur Eric Fossier, président de la Coordination Bretonne des Soins Palliatifs (http://www.bretagnesoinspalliatifs.com).
Tous les trois, comme Christiane Caro, sont opposés à une dépénalisation de l'euthanasie (pratiquée par injection létale par les médecins) ou légalisation du suicide assisté.
Ils ont présenté des arguments extrêmement forts, basés sur leur expérience du terrain, leur perception des manques actuels énormes de la prise en charge publique des personnes en fin de vie et extrêmement dépendantes ainsi que sur leur analyse partagée des dérives eugénistes contenues dans une société qui sacrifie tout à la performance, à l'individualisme, au narcissisme (je ne m'accepte qu'en bon état tant je suis soucieux de mon image), pour contrebalancer le discours ambiant justifiant une dépénalisation de l'euthanasie au nom de l'autonomie individuelle, du droit à avoir une vie digne et décente, du devoir de soulager la souffrance par compassion.
Leurs interventions furent rationnelles, profondes, émouvantes, à mille lieux des débats un peu simplistes relayés par les médias le plus souvent.
Cela ne clôt évidemment pas le débat, sur lequel il n'est pas simple de se faire un avis, les partisans de la dépénalisation de l'euthanasie ayant eux aussi quelques arguments de poids à faire valoir, mais ces interventions méritent d'être connues et lues pour pouvoir se poser toutes les bonnes questions avant de justifier la dépénalisation de l'euthanasie au nom du progrès, de la sortie de la religion, du droit à l'auto-détermination des individus.
C'est pourquoi nous remercions chaleureusement Simone Fayaud et Eric Fossier d'avoir bien voulu nous communiquer leurs textes d'introduction et espérons vivement être en mesure bientôt d'organiser un atelier citoyen de réflexion et dé débat à Morlaix qui soit aussi riche que celui de Lanester.
Pour eux, la justification ou la valorisation de l'euthanasie, c'est d'abord un recours de paresse et un symptôme du fait que la société (les médecins, l'hôpital, l'Etat, les familles) ne parvient pas assez à alléger la souffrance morale et physique des malades, des vieux, des personnes en grande dépendante, notamment au travers d'une présence humaine digne de ce nom à leurs côtés.
Christiane Caro et Simone Fayaud soulignent qu'une bonne prise en charge humaine des malades et des personnes en perte d'autonomie permettrait de réduire leur désespoir et leurs souffrances qui bien souvent justifient la valorisation de l'euthanasie, et qu'elles ne posent au fond qu'uyn problème de répartition des richesses, pour que l'on prenne véritablement en charge la perte d'autonomie et que l'on remette des moyens dignes de ce nom à l'hôpital, sans vouloir en faire une entreprise rentable.
..........................................................................................................................................................................................................................
"Une loi sur l’euthanasie est-elle la solution ?"
par Simone Fayaud, secrétaire fédérale du PCF de la Charente
Le débat sur l’euthanasie a pris de l’ampleur avec les évènements douloureux et très fortement médiatisés concernant Chantal Sébire ou Vincent Humbert. Toute la vérité n’a pas été dite à leur sujet.
Il a atteint un certain degré de provocation lors de la campagne présidentielle lorsque l’association pour le droit à mourir dans la dignité a publié des affiches montrant trois candidats en situation de fin de vie. Cette publicité tapageuse préoccupante ne permet pas un débat serein. Il est dommageable qu’elle cherche à faire pression sur les citoyens en faisant appel à l’émotion plus qu’au raisonnement. Ainsi, cette présentation mortifère de personnalités politiques relève de la manipulation de l’opinion publique, c’est problématique pour la démocratie.
Mourir dans la dignité, être libre de choisir sa mort : ces mots dignité et liberté recouvrent de nombreuses réalités complexes qui nécessitent un débat public apaisé. Il doit permettre de dépasser les a- priori, les méconnaissances et les préjugés. Il doit poser les responsabilités et les devoirs de la société vis-à-vis des personnes vulnérables. Il doit nous aider à revisiter nos principes d’humanité.
Selon Paul Ricoeur, la dignité est « quelque chose qui est due à l’être humain du seul fait qu’il est humain ». C’est la culture face à l’animalité !
Le rapport de chacun à l‘idée de sa mort est une question intime, complexe, qui ne peut pas être débattue sous l’angle de la parodie ou du discours binaire. Une chose est de se projeter en situation de fin de vie lorsque l’on est bien portant, une autre est de vivre ce moment dont on ne sait pas quand il adviendra ni comment il se réalisera. Il s’agit d’un droit et d’une situation très personnels : comment une loi de portée générale peut –elle traiter de cas particuliers ? Pour Robert Badinter « il est dangereux de légiférer à partir d’un cas particulier pour un cas particulier. La loi est normative et universelle, elle dit la règle et s’applique à tous. »
Pourquoi une loi accorderait-elle le pouvoir de donner la mort ?
Si c’est pour combattre la douleur ou l’acharnement thérapeutique, la loi Léonetti donne une définition claire du traitement de la fin de vie. Avant d’écrire une loi nouvelle, il est indispensable de faire l’évaluation des lois de 2002 et de 2005 pour mieux faire le bilan de leur application. A la lumière de l’expérience et des pratiques soignantes, il s’agit de mieux connaître les problématiques de la fin de vie, s’interroger sur les moyens humains et financiers, sur la formation des soignants, sur les structures d’accueil afin de réussir l’accompagnement des mourants !
Pour la société française d’accompagnement et de soins palliatifs, la plupart des patients souhaitent vivre leur vie jusqu’au bout et les soins palliatifs sont là pour les y aider.
Il faut prendre en compte l’ambivalence des patients : un jour, ils veulent en finir, le lendemain, ils pensent que leur vie vaut d’être vécue jusqu’à son terme. Ce qui est important quand on est face à une demande d’euthanasie, c’est accepter d’en parler. De façon majoritaire, les demandes disparaissent quand les personnes soignées sont bien accompagnées !
Donner la mort ne relève pas de la médecine ! Cependant, le débat sur l’euthanasie s’organise autour du rôle du médecin. C’est paradoxal ! Toutes les propositions qui militent pour la dépénalisation de l’euthanasie censées donner plus de liberté aux patients, renforcent en réalité le pouvoir médical dans tous les dispositifs : c’est le médecin qui fait l’expertise, qui décide, qui fait l’acte !
Pourquoi associer le médecin à un geste qui relève de l’autodétermination ? Est-ce qu’une personne peut demander à l’Etat d’organiser sa mise à mort? C’est une question qui interroge la société au-delà du champ médical !
Selon le rapport de l’inspection générale des affaires sociales 2010 sur les soins palliatifs, seules, 20% des personnes qui devraient bénéficier des soins palliatifs, sont prises en charge. L’organisation des soins est insuffisante, la moitié des départements seulement, disposent d’unités de soins palliatifs. C’est peut-être dans cette pénurie de structures compétentes et de moyens que réside le débat ?
Selon le sondage d’opinion way, 68% des français ignorent qu’il existe une loi interdisant l’acharnement thérapeutique ce qui relativise le sondage d’octobre 2010, selon lequel 91% des français sont favorables à une loi sur l’euthanasie. Nous avons besoin d’un vrai débat nourri par les enquêtes sur la réalité des pratiques soignantes et non basé sur les sondages d’opinion.
Face à la dégradation physique, à la souffrance morale des patients en fin de vie, ceux qui en sont les témoins, pensent que cette vie n’a pas de sens ! N’est-ce pas leur propre peur qu’ils projettent dans l’autre ? « Car c’est moins la mort d’un autre que nous ressentons lors d’un deuil que la disparition de lambeaux de nous-mêmes » nous dit Claude Levi-Strauss.
Pour Françoise Dolto, « demander la mort et la donner, c’est une communication manquée, une déception de communication. Les humains ne communiquent pas assez les uns avec les autres. Ils sont pris dans les fantasmes de la mort de l’autre qui ne sont pas des pulsions de mort mais des pulsions d’agressivité visant l’autre qui déçoit. Il y a toujours une agressivité inconsciente dans la demande de mort, une immense déception…Celui qui la reçoit ne la perçoit pas toujours consciemment. Mis en échec par celui qui réclame la mort, le soignant se sent coupable et tente d’échapper à cette culpabilité en prenant la fuite ou au contraire en s’exécutant. Tous ces mécanismes inconscients viennent pervertir la relation. ».
Il faut également, placer le débat sur l’euthanasie dans le contexte économique français et européen. Les choix politiques sont des choix de société et, le choix de l’austérité qui préside à l’élaboration des budgets de la nation, des collectivités locales et de la protection sociale est mortifère. Qui peut assurer que les abus ne l’emporteront pas pour garantir la satisfaction des intérêts économiques ?
Pour Jacques Attali « dès qu’il dépasse 60/65 ans, l’homme vit plus longtemps qu’il ne produit et il coûte alors cher à la société. Il est bien préférable que la machine humaine s’arrête brutalement plutôt qu’elle ne se détériore progressivement » ! Est-ce l’annonce d’une logique décomplexée justifiant l’euthanasie ?
Cette idéologie de négation de l’humain tisse sa toile d’araignée en France, en Europe à travers la gouvernance des marchés qui du traité de Maastricht au traité de stabilité, de coordination et de gouvernance, dépossède les peuples de leur souveraineté, met à mal la démocratie.
Sous le quinquennat précédent, la campagne de stigmatisation et de culpabilisation des personnes vulnérables (les malades, les assistés, les immigrés, les chômeurs) a ouvert la voie aux dérives les plus dangereuses : la haine de l’autre, l’égoïsme, le racisme et la xénophobie décomplexés, l’exclusion, le recul des solidarités collectives.
La réforme hospitalière menée sous Nicolas Sarkozy englobant la tarification à l’activité et la loi HPST (hôpital, patient, santé, territoires) a transformé en profondeur l’hôpital public géré selon les critères de l’entreprise et du profit : il n’est question que de rentabilité des soins, de productivité des actes. Les emplois sont la variable d’ajustement budgétaire, des services utiles aux besoins de santé sont fermés, des tragédies humaines se vivent dans les déserts médicaux. A quand la sélection des malades face à la pénurie des moyens budgétaires ?
La tarification à l’activité pousse à la rentabilité financière, à la multiplication d’actes inutiles mais lucratifs, joue contre la prise en charge des patients aux pathologies lourdes et coûteuses.
L’année 2013 s’inscrit dans la continuité d’une politique de dégradation de la santé publique. Au nom de l’austérité et sous le contrôle de la commission européenne, l’évolution des dépenses de santé reste en dessous des besoins réels…L’objectif national des dépenses de l’assurance maladie c'est-à-dire l’ONDAM hospitalier 2013 est porté à 2,7% contre 2,5% en 2012 alors que la FHF (fédération hospitalière de France) l’évalue à 3,2% pour permettre aux hôpitaux d’assumer leurs charges fixes.
Peut-on imaginer dans quelles conditions de travail se trouvent les soignants ? Dans l’hôpital où j’ai travaillé plus de 30 ans, il n’y a que deux aides-soignants en gérontologie, la nuit pour soigner 68 personnes, sur deux étages. Ils n’ont que 3 minutes à leur consacrer, à la limite de la maltraitance !
Le Parti communiste français place l’humain au cœur de son projet de société. Le programme du Front de Gauche s’intitule « l’humain d’abord ». Il propose des alternatives à l’ordre capitaliste, prédateur d’humanité.
Dans cette société à la dérive, il convient d’accueillir la revendication d’euthanasie avec une extrême prudence.
Le débat sur l’euthanasie est un débat sur la société ! Dans quelle société voulons-nous vivre ? Quelle humanité voulons-nous être ?
Dans le huis clos de l’hôpital-entreprise, rien ne serait plus terrifiant si l’euthanasie devenait un moyen de réguler les dépenses de santé.
...........................................................................................................................................................................................................................
Intervention Dr Eric FOSSIER Président de la Coordination Bretonne de Soins Palliatifs www.bretagnesoinspalliatifs.com
Dépénaliser l’euthanasie ? Fête de l’Humanité Bretagne – Lanester 25/11/12
Je vais essayer de vous apporter quelques point de repère, en m’appuyant sur ma pratique de 25 années auprès des patients atteints de maladies graves et incurables, Pour tenter de répondre à la question « Etes-vous pour légaliser l’euthanasie ? »
Je pense pouvoir dire comme président de la coordination bretonne de soins palliatifs, qui réunit tous les professionnels des équipes spécialisées en Bretagne, que ma position est unanimement partagée par mes collègues
-
C’est une Question d’une extrême complexité ne pouvant se réduire à un débat pour/contre et à une loi
-
Et ce n’est sûrement pas à un débat droite/gauche comme voudraient le laisser penser quelques raccourcis médiatiques, opposant liberté/autonomie/progressistes (de gauche) et archaïques/conservateurs/catholiques…(de droite)
« L’aide active à mourir ou la demande de « légaliser une assistance médicalisée pour terminer sa vie dans la dignité » sont des expressions floues source de confusion
chaque jour, comme médecin de soins palliatifs, j’ « aide » mes malades à mourir le moins mal possible « sans les faire mourir » pour autant, et je mets tout en œuvre pour en qu’ils terminent leur vie dans la dignité, c'est-à-dire sans souffrir.
Les professionnels et bénévoles auprès des personnes en fin de vie sont les mieux placés pour témoigner de ce ces patients expriment.
Nous ne sommes pas en croisade contre l’euthanasie, nous sommes des professionnels qui travaillons journellement auprès de malades en fin de vie et nous rapportons ce qu’ils nous disent et ce que nous voyons.
Je parle de mon expérience de médecin. Ce n’est pas à partir d’idées philosophiques ou religieuses mais bien à partir de cette expérience clinique quotidienne au chevet de patients gravement malades.
J’ai accompagné et pris en charge des centaines de personnes en fin de vie et seules quelques-unes, un jour m’ont demandé à mourir.
Je peux affirmer que la dépénalisation de l’euthanasie n’est pas la réponse à un problème aussi complexe que celui de la prise en charge des personnes en fin de vie.
Ce que ces patients nous demandent dans leur immense majorité est :
De les soulager de symptômes pénibles
De les entendre
D’être sûrs que nous respecterons leur choix s’ils décident d’arrêter les traitements qu’ils ne supportent plus
D’être à leur cotés parce qu’ils sont effrayés de cette fin de vie qui s’annonce
Quel paradoxe ce malade qui nous dit j’ai peur de mourir (dans de mauvaises conditions), tuez-moi !!
Car outre le droit de choisir sa mort, ce qui nous est rapporté comme argument principal justifiant la dépénalisation de l’euthanasie serait les conditions inacceptables de certaines fins de vie.
Ayant travaillé pendant 10 ans en EMSP, allant dans tous les services, je peux témoigner, qu’effectivement dans certaines situations, la prise en charge de ces patients arrivant au bout de leur vie est inacceptable.
Il est effectivement indispensable de s’obstiner pour élever le niveau de compétences des équipes qui prennent en charge ces patients
En 2011 : 7 Français sur 10 ne savent pas encore que l'acharnement thérapeutique est interdit
Sur les cinq dernières années il n'y a eu que trois médecins sur 100 qui ont reçu une formation sur les soins palliatifs
Le rapport de l’observatoire national de la fin de vie confirme l’ expérience des professionnels et bénévoles : presque 2/3 des malades dont l’état requiert une prise en charge palliative ne reçoit pas les soins appropriés !!
Dans de nombreuses situations, un médecin décide seul, alors que la loi Leonetti l’oblige depuis 2005 à s’appuyer sur une réflexion collégiale prenant en compte l’avis du patient, des proches, et des autre professionnels en charge du patient
La plupart des patients que je rencontre souhaite vivre leur vie jusqu'au bout, à une condition : celle de ne pas souffrir.
Dans fin de vie, ce qui est important n’est pas FIN, mais VIE !
Notre métier du soin c’est la solidarité, la prise en charge de la fragilité, la sollicitude : je crois que vous partagez ces valeurs
Il ne faudrait pas qu’une dépénalisation de l’euthanasie finisse par s’imposer simplement du fait d’un accès insuffisant à des professionnels compétents ou à une mauvaise application de la loi.
Dépénaliser l’euthanasie est inutile et dangereux dans ce contexte.
Ce que je vois, c’est que moins on est compétent pour prendre en charge les symptômes de ces patients, symptômes physiques ou souffrance morale, plus on a de risque de trouver dans ces services des patients réclamant d’en finir, et plus ces services incompétents seront tentés de répondre à la demande de mort, par une euthanasie si elle est légale alors qu’il s’agissait surtout une demande de soulagement.
L’euthanasie n’est pas le complément des soins palliatifs, elle les interrompt.
a titre personnel, je n’ai pas souvenir de patients qui chaque jour m’ait demandé l’euthanasie au point d’être confronté à une impasse. De façon majoritaire, ces demandes disparaissent quand les personnes sont prises en charge par des soignants formés aux soins palliatifs.
La loi actuelle, bien appliquée et sans hypocrisie permet de soulager l’immense majorité des personnes concernées.
J’ai une responsabilité envers les personnes seules, vulnérables ou très âgées, se sentant un poids pour la société. L’interdit de tuer les protège, nous protège collectivement.
Certains nous disent que la loi Leonetti est hypocrite, que les limitations de traitement laissent les malades mourir de faim et de soif, sans soins
Dire que les personnes « meurent de faim et de soif » est une malhonnêteté qui joue sur la peur. Cette expression choque le public à juste titre mais elle est un mensonge.
Les personnes qui meurent dans le cadre de l’évolution d’une maladie qu’on ne peut pas guérir ou lorsque on suspend un traitement qui maintient artificiellement leur vie ne ressentent pas la faim.
Nous en faisons tous une expérience, moins dramatique bien sûr, lorsque nous avons tout simplement la grippe.
Dans tous les cas, les personnes ne ressentent pas la sensation de faim, et la soif est totalement supprimée par des traitements efficaces.
Ils y a quelques dizaines d’années nos anciens finissaient leurs jours à la maison, entourés des leurs, en s’éteignant doucement : mourraient t’ils de faim et de soif ?
Arrêter de boire et de manger fait partie du processus naturel du mourir
Par ailleurs Il existe une nuance fondamentale entre provoquer la mort d’un malade à l’aide d’une injection létale et s’assurer qu’il ne souffre pas en acceptant que les doses nécessaires de médicaments pour le soulager puissent éventuellement précipiter un décès inéluctable.
C’est le fondement même de la médecine que de soulager le malade, c’est le même fondement que de ne pas le tuer.
C’est la base du contrat de confiance entre le patient et son médecin
La différence entre l’euthanasie et la limitation de traitement est très claire :
Dans un cas on demande au médecin de provoquer la mort par une injection,
Dans l’autre on lui demande d’accéder à la demande d’un patient d’arrêter les traitements qui le maintiennent en vie au prix de désagréments que ce patient juge disproportionnés et ne veut plus subir..
Le progrès, ce n’est pas de légaliser l’euthanasie au nom d’une pseudo liberté avec ses risques de dérives,
Le progrès c’est poursuivre les améliorations des traitements que nous faisons depuis 30 ans pour que toutes les personnes en fin de vie de notre société meurent sans douleurs, sereinement et entourés.
Le progrès c’est d’obliger les équipes soignantes à appliquer une loi équilibrée qui nous aide à réfléchir aux cotés des patients.
Le progrès c’est d’améliorer l’accès aux soins palliatifs y compris pour les plus vulnérables.
Il serait terrible d’arriver au paradoxe qui ferait que les plus démunis, les plus vulnérables, ceux qui ont le moins accès à une médecine de qualité ne trouvent d’autres voies que de devoir demander l’euthanasie pour ne plus souffrir.
Dépénaliser l’euthanasie apporte plus de risques pour la société que de solutions à la demande d’un petit nombre de malades.
Prendre en compte la dignité ne consiste pas à provoquer la mort mais accompagner la vie qui se termine et à soulager le malade : c'est le rôle de la médecine et des soins palliatifs
Mourir dignement c’est mourir sans souffrir,
Mourir dignement c’est mourir en étant accompagné,
Mourir dignement c’est mourir là où je souhaite et non mourir sur un lit d'hôpital alors que je voulais mourir chez moi entourés des miens
Mourir dignement c’est être entendu de l’équipe de soins et ne pas subir d’obstination déraisonnable
Mourir dignement c’est avoir accès à une équipe rodée à la prise en charge des symptômes pénibles
Mourir dignement ce n’est sûrement pas être tué par un soignant missionné pour cela.
« Bénéficier d’une assistance médicalisée pour terminer sa vie dans la dignité » ce n’est pas provoquer la mort c’est au contraire prodiguer les soins médicaux indispensables pour que ce patient ne souffre pas !
C’est la définition des soins palliatifs !!
Alors si c’est cela la proposition figurant au programme de notre président, j’ai grand espoir qu’il poursuive plutôt le développement des soins palliatifs !
Comme médecin de soins palliatifs j’ai quelques certitudes :
-
Je n'ai pas remède contre la tristesse
-
Je crois qu’anticiper la mort pour éviter la souffrance est une utopie
-
Je crois que vouloir supprimer la souffrance est une utopie.
-
Je crois qu’on ne fera pas taire la souffrance par des lois.
-
Je suis sûr qu’une loi dépénalisant l’euthanasie ne fera pas disparaitre la souffrance de perdre un être cher.
-
Je suis sûr que La fin de la vie d’un être cher EST et RESTERA un moment intime et tragique
Il est totalement illusoire d’envisager une nouvelle loi, au prétexte que la précédente (la loi Leonetti) n’est pas appliquée !
Quelles garanties avons-nous que cette loi serait mieux appliquée ?
Nous avons connu de tous temps et jusqu’à aujourd’hui une frontière naturelle entre la vie et la mort.
-
Dépénaliser l’euthanasie, c’est modifier cette limite pour la transformer en une frontière entre la vie qui vaut la peine, et celle qui ne vaudrait plus la peine d’être vécue.
-
Cette frontière serait inévitablement mouvante, dans un sens prévisible (voir les pays bas ou un lobby réclame d’étendre la loi a toute personne de plus de 75 ans en faisant la demande….) qui serait un éloignement de la mort naturelle…vers une limite ténue que serait par exemple l’apparition d’une dépendance, d’une perte de discernement…et bientôt quoi d’autre !!
Peut-on décider socialement qu’il y a des vies qui ne valent pas la peine d’être vécues ?
Peut-on construire un « vivre ensemble » sur la seule valeur de « liberté » comprise au sens de l’autonomie et de l’individualisme ?
De mon point de vue de médecin confronté chaque jours aux humains les plus fragiles je pense que l’immense majorité d’entre eux ne nous demandent pas cela, mais de les entendre, de les assurer de notre soutien, de les assurer que nous resterons présents à leur coté quoi qu’il arrive
Je crois que Karl Marx disait la nécessité de s’occuper prioritairement de l’être humain…
Faut-il nous aligner sur une vision de la société « esthétique », ou l’individualisme, la hantise de notre image, l’exigence d’autonomie, nous convoquerons à apporter une réponse à ceux qui estiment leur image altérée ??
Ne peut-on considérer encore qu’une société pourrait être éthique et solidaire en accordant de l’attention à cet autre fragilisé, autrement qu’en acquiesçant à sa demande de mort ?
Légaliser l’euthanasie est une mauvaise réponse à une vraie question : que fera demain la société pour soutenir les plus fragiles d’entre nous ?
L’euthanasie ne soulagerait pas le patient, elle l’éliminerait.
Fondement de la médecine
La loi leonetti
-
La loi Léonetti ce n’est pas laisser mourir c'est accompagner la personne qui meurt en évitant qu'elle souffre.
-
La sédation en phase terminale existe déjà dans la loi, il faut mieux l’appliquer et mieux la mise en œuvre
-
Pour la sédation s'est assuré le patient que lorsque je limiterai un soin il ne se réveillera pas au risque de souffrir
-
La sédation n'est pas hypocrite elle ne vise pas à provoquer la mort mais il vise à soulager le malade afin qu'il ne vive pas à l'effroi d'une situation qui ne souhaite pas. C’est un geste d’humanité et de sollicitude
Les soins palliatifs
Et si vous voulez en savoir un peu plus sur les soins palliatifs en Bretagne, allez sur le site Internet, où vous pourrez trouver entre autre:
la video de Leonetti expliquant sa loi (dans l'onglet "documentation 1")
l'intervention video du sociologue Patrick Baudry pour la journée CBSP de 2011, très éclairante
et bientôt l’intervention de Jacques Ricot à notre congrès de vendredi dernier
site CBSP
-
Les soins palliatifs et la médecine en général ne hâte ni ne retient la mort : ils accompagnent les patients pour qu’ils ne souffrent pas
-
Il y a une totale contradiction entre les soins palliatifs et l’euthanasie. Il n’y a aucune complémentarité. Dans le cas des soins palliatifs nous sommes dans le champ de la médecine c'est-à-dire de soulager et cela nous savons faire dans l’autre il s’agit d’un autre champs qui est de provoquer la mort : ce n’est pas le rôle de la médecine
-
Les soins palliatifs sont la réponse médicale efficace à la souffrance des malades en fin de vie et pourtant, sur le terrain, nous constatons quotidiennement qu’en dépit des progrès réalisés depuis 20 ans, l’accès aux soins palliatifs, à ce progrès de la médecine, reste très largement insuffisant.
-
Nous avons en France une médecine efficace et des lois qui garantissent l’accès aux soins palliatifs : la loi de 1999 sur le droit à l’accès aux soins palliatifs et la loi de 2005 sur le droit des malades en fin de vie, qui a fait école dans 6 pays.
-
Il nous reste à appliquer l’une et l’autre à l’ensemble des malades et non plus seulement à quelques uns !!
-
Cela est légitime et c'est le rôle des soins palliatifs et de la médecine en général que de s'assurer qu'ils ne souffriront pas. Aujourd'hui des progrès remarquables ont été faits en ce sens.
-
L’objectif de la médecine et des soins palliatifs n’est Ni de hâter la mort ni de la retenir mais bien de soulager les malades.
-
Les soins palliatifs sont un droit reconnu aux Français mais ils sont encore insuffisamment connus et insuffisamment appliqués.
-
La première chose que les français demandent avant de dépénaliser l’euthanasie c’est avant tout d’améliorer et de développer les soins palliatifs