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22 février 2017 3 22 /02 /février /2017 12:35

Sondage CEVIPOF du 16 février 2017:

En l'absence de BAYROU, au premier tour des présidentielles: 

Macron: 27,5% des voix en Bretagne (contre 23% dans toute la France)

Hamon: 21% des voix en Bretagne (contre 15,5% dans toute la France)

Fillon: 20% des voix en Bretagne (contre 18% dans toute la France)

Le Pen: 16% des voix en Bretagne (contre 26% dans toute la France) 

Mélenchon: 9% des voix en Bretagne (contre 12% dans toute la France)

 

Avec Bayrou (crédité de 7,5%), Fillon et Hamon descendraient à 11,5%, Macron à 24%  

 

Méthodologie du sondage CEVIPOF: Réalisée du 7 au 12 février, l'enquête du CEVIPOF s'appuie sur 912 personnes inscrites sur les listes électorales, constituant un échantillon représentatif de population de la région Bretagne âgée de 18 ans et plus et inscrite sur les listes électorales. Dont 650 personnes certaines d’aller voter à l’élection présidentielle. 

 

Lire aussi: 

"Macron, tel César dans sa start-up" - un article remarquable sur le télé-évangéliste des politiques capitalistes par Fabien Escalona, Médiapart - 21 février 2017

L'ambiance des meetings de Macron: trucages et artifices au service du discours du vide et du creux

 

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22 février 2017 3 22 /02 /février /2017 11:46
 
L’histoire nous l’a assez enseigné. En politique, quels que soient les moyens pour parvenir à ses fins, il n’y a jamais de plafond de verre. Les sondages ne sont que des sondages, et s’ils ne disent qu’imparfaitement une éventuelle réalité à venir, les derniers en date nous glacent d’effroi, comment le dire autrement ? À deux mois de la présidentielle, Marine Le Pen, favorite du premier tour, réduirait fortement l’écart sur son adversaire au second tour, que ce soit, pour l’instant, Fillon ou Macron. Celle-ci obtiendrait de 42% à 44%. Des scores inédits. Ces temps-ci, ni les casseroles monumentales qu’elle et ses affidés traînent derrière eux, ni son programme de haine, ni les nazillons qui composent son parti, ni même la peur de l’extrême droite enracinée pourtant dans notre trajectoire contemporaine ne semblent freiner ce phénomène. Un phénomène à la fois compréhensible, hélas,  vu la situation de pourrissement du pays, et si irrationnel, qu’il nous révolte à mesure que les semaines passent.
Si le FN n’est que la négation brutale de l’esprit et l’agrégation de tout ce qu’il y a de pire, doit-on néanmoins s’étonner que Marine Le Pen s’avance gaiement, sans complexe et sans vergogne, proférant tout et son contraire, ratissant le plus large possible, quitte à se goinfrer de thèmes de gauche pour mieux semer le confusion, tout en laissant libre court à ses obsessions xénophobes associées à une critique du néolibéralisme de fraîche date ? terrifiante mécanique, propulsée par la droite elle-même depuis quinze ans, alors que la crise sociale nourrit les désespoirs les plus intenses et les catastrophes idéologiques qui vont avec. Que les pauvres, les sans-emploi, les faibles, les salariés ne l’oublient jamais s’ils votent de la sorte, ils voteront d’abord contre eux-mêmes ! Combien de fois faudra-t-il l’écrire ?
 
Le traumatisme d’une France sans dessus dessous et d’une confiance abîmée par un quinquennat d’épouvante suscitera-t-il un sursaut démocratique et citoyen, un surcroît de pensée rationnelle, un combat de tous les instants ? pour le dire autrement la gauche de transformation  a du pain sur la planche et une responsabilité historique. Surtout en ce moment. Et en si peu de jours…
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22 février 2017 3 22 /02 /février /2017 10:13
Libération: quand les ministres communistes changeaient la vie (Michel Etiévent, L'Humanité - 2012)
Libération : quand les ministres communistes changeaient la vie
MICHEL ÉTIÉVENT, ÉCRIVAIN
VENDREDI, 23 NOVEMBRE, 2012
L'HUMANITÉ

1944-1946 : pour la première fois, les communistes participent au pouvoir. Pendant cette période, riche 
de changements politiques profonds, les cinq ministres communistes vont provoquer une véritable cassure dans la manière d’envisager une nouvelle politique au service de l’humain.

Le 31 août 1944, alors que les troupes alliées se battent encore sur le sol français, le général de Gaulle forme le premier gouvernement provisoire. Il compte deux communistes : François Billoux et Charles Tillon. Le 13 novembre 1945, le deuxième gouvernement du général de Gaulle est caractérisé par l’entrée de cinq ministres communistes : Maurice Thorez, Ambroise Croizat, François Billoux, Marcel Paul et Charles Tillon. Les ministres communistes vont devenir acteurs de l’invention sociale, provoquant une véritable cassure dans la manière d’envisager une nouvelle politique au service de l’humain.

Toutes les conditions sont réunies en 1945 pour une rupture : un programme inspiré du Conseil national de la Résistance sous-tendu par la volonté de mettre l’homme au centre de tous les choix ; un rapport de forces pour l’appliquer – 29,9 % des voix au PCF, 5 millions d’adhérents à la CGT ; une classe ouvrière grandie par sa lutte héroïque dans la Résistance ; un patronat déconsidéré par sa collaboration. S’y ajoutent des hommes issus du mouvement ouvrier et capables d’incarner ce mouvement. Des conditions repérables au fil des grands moments de notre histoire sociale et qui fondent tout changement majeur.

Dès la mise en place du deuxième gouvernement de De Gaulle, en novembre 1945, l’objectif est de mettre en application, dans un pays ruiné, les dispositions du programme du CNR. Son préambule résonne aujourd’hui d’une actualité brûlante : « Nous réclamons l’instauration d’une véritable démocratie sociale, impliquant l’éviction des féodalités financières de la direction de l’économie et le retour à la nation des moyens de production, de l’énergie, des richesses du sous-sol… » Empruntons, pour ce faire, le sillage de deux ministres à l’œuvre, sans doute deux des grands innovateurs sociaux du siècle : Ambroise Croizat et Marcel Paul.

Le soir même de sa nomination au ministère du Travail, Croizat, fils de manœuvre, secrétaire de la fédération CGT des métaux, donne le sens de son combat. Ses premiers mots sont pour le peuple : « Ministre du Travail, j’entends demeurer fidèle à mon origine, à mes attaches ouvrières, et mettre mon expérience syndicale au service de la nation. » Son discours signe la force du changement : « Nous mettrons l’homme à l’abri du besoin. Nous en finirons enfin avec les angoisses du lendemain ! » Il lance parallèlement un appel au peuple mobilisé, à l’irruption d’une dynamique sociale nécessaire au changement : « Il n’y a pas de politique efficace sans l’accompagnement d’un peuple vigilant. Rien ne pourra se faire sans vous. Le changement n’est pas qu’une affaire de lois. Il réclame votre participation dans la rue, la cité, l’entreprise. Il demande vos mains ! »

Cet appel s’accompagne d’une forte présence sur le terrain, qui rompt avec la politique clanique et électoraliste de la IIIe République. François Billoux le rappelle dans son livre, Quand nous étions ministres : « L’essentiel du temps de nos ministres se passait en réunions directes au cœur des entreprises, dans les hôpitaux, les municipalités. Il s’agissait de vraies discussions, où les gens apportaient leurs propositions, leurs solutions. » Les premiers pas d’une démocratie participative qui aboutit à la création de 138 caisses de Sécurité sociale gérées par les travailleurs.

Même exigence au ministère de la Production industrielle, où Marcel Paul, le jour de son investiture, s’adresse ainsi aux hauts fonctionnaires : « On ne vous paie pas pour que vous m’indiquiez les articles du Code m’interdisant de réformer, mais pour y trouver ceux qui vont me le permettre ! » Et les électriciens et gaziers, devenus par le biais de la nationalisation, selon les mots de Paul, « acteurs, citoyens, gérants de leur entreprise », redonneront à la France l’énergie qui lui manquait. « À développement économique à la hauteur des ambitions de la nation, il faut un statut social à la hauteur des besoins des hommes. » Cette phrase de Paul, étonnante de modernité, traverse la politique mise en place sous l’inspiration du CNR.

L’objectif est clair : allier l’essor économique au progrès social. D’où le statut des électriciens et gaziers du 22 juin 1946, celui des mineurs, ou, avec Croizat, l’institution d’une vraie « protection sociale » qui offre les moyens d’espérer des lendemains sereins. Là est l’innovation première de la pratique des ministres communistes à la Libération. Il faut y ajouter la capacité à mener de pair deux politiques : l’une faite de grandes idées transformatrices de la société à long terme (l’instauration de la Sécurité sociale, par exemple) ; l’autre, d’une politique de satisfaction immédiate des besoins des gens : doublement du montant des allocations familiales, institution de la retraite, lois sur les heures supplémentaires, augmentation des salaires, création de la fonction publique… Un corpus de lois sociales impressionnant donne au peuple français la dignité de son identité sociale…

(*) Auteur d’Ambroise Croizat ou l’invention sociale, 
suivi de Lettres de prisons 1939-1941.

La Sécurité sociale « Outre le fait qu’elle ouvre le droit à la santé pour tous, la Sécurité sociale a pour objectif de relever la France de ses ruines. Elle offre au salarié une tranquillité sociale qui lui permettra de reconstruire le pays à l’aune de ses besoins. » Ainsi s’exprime Ambroise Croizat, inaugurant le nouveau système de Sécurité sociale en 1945. « Nous bâtirons un plan de sécurité sociale visant à assurer à tous les citoyens des moyens d’existence au cas où ils sont incapables de se les procurer par le travail avec gestion des intéressés et de l’État. » Croizat reprend l’article 21 de la Déclaration des droits de l’homme 
de 1793 qui établissait le droit au travail et à la santé. Cent trente-huit caisses sont édifiées en moins de huit mois sous sa maîtrise d’œuvre par un peuple anonyme après le travail ou sur le temps des congés. Quatre principes charpentent l’institution. L’Unicité : tous les « risques sociaux » sont regroupés dans une seule caisse en proximité des assurés ; la Solidarité : pilier de l’édifice qui est financé par les richesses créées dans l’entreprise ; l’Universalité ; la Démocratie.

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22 février 2017 3 22 /02 /février /2017 09:38
Il y a 60 ans, la guerre d'Algérie: ne pas oublier les guillotinés de François Mitterrand, garde des sceaux en 1956-1957 (une enquête Le Point)
Fernand Iveton - Le 11 février 1957, pour la première fois et la seule fois de la guerre d'Algérie, un « rebelle » européen est guillotiné : Fernand Iveton, tourneur à l’EGA, l’usine de gaz d’Alger, militant communiste condamné à mort pour avoir déposé une bombe qui n’a pas explosé, est exécuté avec deux autres condamnés, Mohamed Lakhnèche et Mohamed Ouenouri. On ne connaîtra pas l’avis donné par François Mitterrand, le dossier n’ayant jamais été versé aux archives...

Fernand Iveton - Le 11 février 1957, pour la première fois et la seule fois de la guerre d'Algérie, un « rebelle » européen est guillotiné : Fernand Iveton, tourneur à l’EGA, l’usine de gaz d’Alger, militant communiste condamné à mort pour avoir déposé une bombe qui n’a pas explosé, est exécuté avec deux autres condamnés, Mohamed Lakhnèche et Mohamed Ouenouri. On ne connaîtra pas l’avis donné par François Mitterrand, le dossier n’ayant jamais été versé aux archives...

Il y a 60 ans, la guerre d'Algérie: ne pas oublier les guillotinés de François Mitterrand, garde des sceaux en 1956-1957 (une enquête Le Point)

(Lu sur le site Bellaciao qui reprend un article du Point)

Après la déclaration de Emmanuel Macron du lundi 13 février 2017 : « La France a apporté la déclaration des droits de l’Homme en Algérie, mais elle a oublié de la lire » un peu d’histoire....

« Avis défavorable au recours » ou encore « Recours à rejeter » : ces deux formules tracées à l’encre bleue ont la préférence de François Mitterrand quand, garde des Sceaux, il décide de donner un avis défavorable au recours en grâce des condamnés à mort du FLN dont les dossiers lui sont soumis. René Coty, président de la République - et décideur ultime -, préfère barrer d’un long trait noir la première page du formulaire administratif et indiquer sur l’autre, d’une écriture ronde d’enfant, qu’il laissera « la justice suivre son cours ». Des expressions qui reviennent tout au long des dossiers de condamnés à mort exécutés durant la guerre d’Algérie que Le Point, au bout de quatre mois d’enquête, a pu consulter.

Pour y avoir accès, il aura fallu obtenir deux dérogations auprès de la direction des Archives de France. La première a permis de consulter le « Registre des grâces », dans lequel sont couchés, à partir de 1950, les noms de l’ensemble des condamnés à mort.

La deuxième a ensuite donné accès à 141 dossiers de condamnés exécutés : les 45 premiers de la guerre d’Algérie - période durant laquelle François Mitterrand administrait la justice - et 96 autres, principalement à d’autres époques de ce conflit, mais aussi quelques droits communs, qui perdirent la tête en métropole ou aux confins de l’empire durant les mêmes années. Le but ? Comparer l’ensemble de ces documents et déterminer exactement quel fut le rôle de François Mitterrand, ministre de la Justice, celui qui, vingt-cinq ans plus tard, allait obtenir l’abolition de la peine de mort.

Mais le plus surprenant, c’est surtout la minceur de ces dossiers liés à la guerre d’Algérie : lorsqu’on les voit pour la première fois, entassés sur la longue table de bois clair du service des archives de la chancellerie, on constate rapidement qu’il faut empiler au moins une vingtaine d’exécutions capitales en Algérie pour obtenir un dossier aussi épais que celui d’un obscur droit commun de métropole. Quelques feuillets, deux ou trois bristols griffonnés de mains illustres ont donc suffi à mener, le plus souvent au terme d’une parodie de justice, 222 hommes à la mort en cinq ans. Ce chiffre - également inédit - est considérable. Il représente le quart de l’épuration officielle de la Seconde Guerre mondiale, et donne à lui seul la mesure du mensonge qui a entouré cette période.

Mais revenons à François Mitterrand : en Algérie, on est en pleine rébellion quand, à 39 ans, il prend ses fonctions de ministre de la Justice, le 2 février 1956, dans le gouvernement de Guy Mollet. C’est un homme politique confirmé, qui a déjà assumé sept portefeuilles ministériels depuis la fin de la guerre.

Il connaît bien le problème algérien, puisqu’il était ministre de l’Intérieur quand l’insurrection a éclaté, quinze mois plus tôt, le 1er novembre 1954. Sa réaction d’alors est connue : « L’Algérie, c’est la France [...] ceux qui veulent l’en dissocier seront partout combattus et châtiés (1) », dira-t-il.

Attention, derrière ces déclarations à l’emporte-pièce, il y a aussi un homme qui a tenté une courageuse réforme de la police en Algérie, visant à muter en métropole les policiers les plus durs envers les musulmans. Mais quand François Mitterrand revient aux affaires, il sait qu’il va falloir donner des gages aux Européens d’Algérie. Ceux-ci, excédés par les actions du FLN, ne demandent qu’une chose : des têtes. Car, si de nombreuses condamnations à mort ont été prononcées, aucune n’a encore été exécutée.

La première concession intervient cinq semaines plus tard, sous la signature de quatre ministres, dont François Mitterrand : le 17 mars 1956 sont publiées au Journal officiel les lois 56-268 et 56-269, qui permettent de condamner à mort les membres du FLN pris les armes à la main, sans instruction préalable.

Pourtant avocat de formation, François Mitterrand accepte d’endosser ce texte terrible : « En Algérie, les autorités compétentes pourront [...] ordonner la traduction directe, sans instruction préalable, devant un tribunal permanent des forces armées des individus pris en flagrant délit de participation à une action contre les personnes ou les biens [...] si ces infractions sont susceptibles d’entraîner la peine capitale lorsqu’elles auront été commises. »

Du coup, le nombre des condamnations à mort va s’envoler. Il y en aura plus de 1 500 durant les « événements ».

Car il ne s’agit pas d’une guerre et on ne reconnaît pas le statut de combattant aux militants du FLN. Ils sont jugés comme des criminels. Mais, à Alger, en ce printemps de 1956, on ne se contente plus de mots. Et le 19 juin, les deux premiers « rebelles » sont conduits à l’échafaud.

Comment ont-ils été choisis parmi les quelque 150 hommes déjà condamnés ? Le 14 janvier 1998, Sylvie Thénault, historienne, a interrogé dans le cadre de sa thèse (2) Pierre NicolaÓ, à l’époque directeur du cabinet de François Mitterrand : « Pierre NicolaÓ témoigne aujourd’hui, écrit-elle, que la décision d’exécuter a été une "décision politique" et qu’il lui fut demandé de choisir parmi les dossiers de recours en grâce un "type" mêlant "crapulerie" et "politique", "un type particulièrement épouvantable" pour "inaugurer la série des exécutions" sans déclencher trop de polémiques. »

Le premier condamné, Abdelkader Ferradj, 35 ans, est un goumier déserteur qui a participé, au sein du commando Ali Khodja, à l’embuscade dressée contre un car de tourisme et deux voitures particulières le 25 février 1956. Six Européens ont été tués, dont une petite fille de 7 ans, Françoise Challe. Pour le « politique », difficile de fournir martyr plus idéal à la révolution algérienne que Mohamed Ben Zabana. Cet ouvrier soudeur de 30 ans est un vieux routier des geôles françaises, dans lesquelles il a passé trois années entre 1950 et 1953 pour ses activités nationalistes. Mais si Mgr Duval, l’archevêque d’Alger, demande à Robert Lacoste, ministre résident en Algérie, de suspendre l’exécution, c’est pour une autre raison : « C’est un infirme que vous allez exécuter (3) », plaide-t-il. Zabana a en effet été capturé lors d’un accrochage près de Saint-Denis du Sig, le 8 novembre 1954, une semaine après le début de l’insurrection. Une balle lui a fracassé l’épaule gauche, une autre l’a touché à la jambe, et, comme il ne voulait pas être pris, il s’est tiré une balle dans la tempe qui, ressortant par son oeil gauche, ne l’a pas tué.

Les représailles du FLN

C’est sa tête que fera tomber la première le bourreau d’Alger à 4 heures du matin, ce 19 juin 1956, dans la cour de la prison de Barberousse, à Alger. Celle d’Abdelkader Ferradj suit sept minutes plus tard.

« Ces premières exécutions, cela signifiait la guerre totale, sans cadeaux ni d’un côté, ni de l’autre », témoigne aujourd’hui, à Alger, Abdelkader Guerroudj, condamné à mort en tant que chef du Parti communiste algérien, rapidement passé au FLN.

Sur 45 dossiers d’exécutés lors de son passage Place Vendôme, François Mitterrand ne donne que sept avis favorables à la grâce (six autres avis étant manquants). A titre de comparaison, Robert Lacoste, ministre résident en Algérie, qui passait pour un homme très dur, a été plus clément : sur 27 de ces exécutions, il a émis 11 avis favorables au recours en grâce, les 7 autres avis ne figurant pas dans les dossiers.

Chacune de ces exécutions va pourtant peser très lourd. Car le FLN a prévenu : si des condamnés à mort sont guillotinés, il y aura des représailles. Dans « Le temps des léopards », deuxième des quatre tomes qui constituent « La guerre d’Algérie », bible sur cette période, Yves Courrière retrace ainsi la vengeance du FLN et les ordres donnés à ses différents chefs : « Descendez n’importe quel Européen de 18 à 54 ans ; pas de femmes, pas de vieux. » En dix jours, 43 Européens vont être tués ou blessés par les commandos du FLN. L’escalade est immédiate : bombes des ultras européens contre un bain maure rue de Thèbes qui tuera 70 musulmans (mais qui ne donnera lieu à aucune poursuite), bombes et assassinats du FLN, exécutions capitales à Oran, Constantine, Alger.

1957 : la guillotine s’emballe

Mais François Mitterrand tient bon.

Pourtant, dès le 22 mai 1956, Pierre Mendès France, en désaccord avec la politique algérienne de Guy Mollet, a démissionné du gouvernement ; Alain Savary claque la porte le 22 octobre, au lendemain du détournement de l’avion qui transporte Ben Bella et quatre autres leaders du FLN de Rabat à Tunis.

Le 7 janvier 1957, un autre pas est franchi par le gouvernement auquel appartient François Mitterrand : il donne tous pouvoirs au général Massu et à sa 10e division parachutiste pour briser le FLN d’Alger. Les militaires gagneront la « bataille d’Alger », mais on sait à quel prix : torture systématique et plus de 3 000 exécutions sommaires. La guillotine, elle, s’emballe : « Chiffre jamais atteint jusqu’ici, 16 exécutions capitales ont eu lieu en Algérie du 3 au 12 février », écrit France-Observateur.

« Il y a eu une déviation de la justice, explique Jean-Pierre Gonon, alors jeune avocat du barreau d’Alger. L’instruction était inexistante et, avec la torture, on parvenait à faire avouer n’importe quoi à n’importe qui. » Le 11 février, pour la première fois, un « rebelle » européen est guillotiné : Fernand Iveton, tourneur à l’EGA, l’usine de gaz d’Alger, militant communiste condamné à mort pour avoir déposé une bombe qui n’a pas explosé, est exécuté avec deux autres condamnés, Mohamed Lakhnèche et Mohamed Ouenouri. On ne connaîtra pas l’avis donné par François Mitterrand, le dossier n’ayant jamais été versé aux archives... Enfin, le 14 février, il signe avec trois autres ministres une loi qui permet d’accélérer les recours en grâce. Quand il quitte son bureau de la place Vendôme, le 21 mai 1957, le gouvernement de Guy Mollet cédant la place à celui de Maurice Bourgès-Maunoury, 45 condamnés à mort ont été exécutés en seize mois.

Les exécutions vont continuer jusqu’à la fin de la guerre : 29 en trois mois de gouvernement Maurice Bourgès-Maunoury, 49 pendant les six mois où Félix Gaillard dirige le pays ; enfin, après une amnistie, de Gaulle puis son chef de gouvernement, Michel Debré, feront exécuter 80 condamnés FLN en quatre ans. La notification de l’exécution de 20 autres se produira durant les vacances de pouvoir entre les différents gouvernements. Pourquoi François Mitterrand n’a-t-il pas démissionné ? Ses biographes, Franz-Olivier Giesbert et Jean Lacouture, apportent la réponse : « Il est clair que dans son esprit la Place Vendôme était l’antichambre de Matignon. » Il espérait, après ce passage à la Justice, avoir été assez dur pour qu’on lui confie la direction du pays.

De cette période en tout cas, François Mitterrand parlait fort peu : « A la fin de sa vie, il restait peu disposé à l’autocritique, écrit Jean Lacouture. Sauf sur un point : cette reddition en rase campagne devant les juges militaires en Algérie. Admettant que cette mesure avait eu pour conséquences des peines capitales et des pertes de vies humaines : "J’ai commis au moins une faute dans ma vie, celle-là (4)" », disait-il. Ses biographes insistent pour dire qu’il tenta, auprès de René Coty, de sauver des têtes. Initiative qui semble démentie par les nombreux avis défavorables contenus dans les dossiers de condamnés à mort, mais également dans d’autres archives, comme le souligne Sylvie Thénault dans son livre « Une drôle de justice (5) », consacré au rôle des magistrats pendant cette guerre : « Son désaccord avec les exécutions est loin de s’exprimer ou d’apparaître dans les documents d’époque. »

Sur la peine de mort elle-même, François Mitterrand restera aussi très silencieux durant les années qui le séparent de la présidence. Peur que ces seize mois passés dans le gouvernement de Guy Mollet ne lui soient rappelés par ses adversaires politiques ? Rien, en tout cas, dans ses livres, ni aux archives de l’Assemblée nationale, où, après la fin de la guerre, une demi-douzaine de propositions d’abolition seront discutées. Robert Badinter, dans plusieurs interviews récentes, a rappelé le souvenir qu’avait laissé cette période de la guerre d’Algérie à François Mitterrand : « Ce souvenir lui était odieux et il évitait d’en parler [...] Par tempérament, il n’était pas partisan de la peine de mort. [...] Mais il n’a pas été un militant de l’abolition, c’est sûr. Je ne me souviens pas d’avoir eu la moindre discussion philosophique ou morale avec lui à ce sujet (6). » Ce n’est qu’à quelques semaines de l’élection présidentielle, le 16 mars 1981, que François Mitterrand se prononce enfin sur le sujet : « Je ne suis pas favorable à la peine de mort [...] ma disposition est celle d’un homme qui ne ferait pas procéder à des exécutions capitales (7). »

1. Journal officiel, « Débats parlementaires », p. 4967-4968, cité dans « Mitterrand, une histoire de Français », de Jean Lacouture, Seuil.

2. « La justice dans la guerre d’Algérie », thèse de doctorat université Paris-X-Nanterre, 1999.

3. « La guerre d’Algérie », volume 1, « Le temps des léopards », d’Yves Courrière, collection « Bouquins », Laffont, p. 705.

4. « Mitterrand, une histoire de Français », Seuil.

5. La Découverte, 2001.

6. « L’abolition », Robert Badinter, Fayard, 2001.

7. Le Monde, 12 mai 1981.

François Mitterrand et Robert Lacoste - 1957

François Mitterrand et Robert Lacoste - 1957

Il y a 60 ans, la guerre d'Algérie: ne pas oublier les guillotinés de François Mitterrand, garde des sceaux en 1956-1957 (une enquête Le Point)

Interview : Abdelkader Guerroudj* « A chaque exécution, toute la casbah hurlait. »

Le 7 décembre 1957, Abdelkader Guerroudj, dit « Lucien », et sa femme, Jacqueline, sont condamnés à mort. Ils seront graciés, puis libérés en 1962. Le Point : Pourquoi avez-vous été condamné à mort ?

Abdelkader Guerroudj : J’ai été condamné pour atteinte à la sécurité de l’Etat et complicité d’assassinat en tant que chef des Combattants de la libération, l’organisme armé créé par le Parti communiste algérien et versé au FLN.

Le Point : Avez-vous été torturé ?

Abdelkader Guerroudj : C’est une question que vous ne devez plus poser. On ne peut pas avoir été condamné à mort sans avoir été torturé. Et parfois copieusement. Je ne connais qu’une personne qui y ait échappé, c’est ma femme. Mais elle était d’origine européenne et d’une famille influente. Après mon arrestation, j’ai été emmené au commissariat central d’Alger, où j’ai subi de la part des policiers et des gendarmes la gamme des différentes tortures : ça commence par les coups, puis il y a la tentative d’asphyxie à la baignoire, ensuite on vous remplit d’eau en se branchant sur le robinet du coin, et puis l’électricité. Trois ou quatre séances, je crois, en plusieurs jours. Ensuite, on m’a envoyé à la prison de Barberousse, où je suis resté vingt jours à l’isolement avant d’être présenté au juge d’instruction.

Le Point : Ce juge, Jean Bérard, est le fameux juge d’instruction dont le général Aussaresses prétend dans son livre qu’il était l’émissaire secret de François Mitterrand auprès des militaires ?

Abdelkader Guerroudj : C’est bien lui. Je me souviens d’un homme féroce, froid, très dur. Il doit être celui des juges qui, pendant cette période, a obtenu le plus d’exécutions capitales. Il m’a dit : « En avril, vous serez condamné à mort ; en mai, vous serez exécuté. »

Le Point : Comment s’est déroulé votre procès ?

Abdelkader Guerroudj : Il a duré quatre jours, au tribunal militaire, l’actuel tribunal d’Alger. Nous étions dix, dont ma femme, ma belle-fille ayant pris le maquis au début de 1956. Ça a été une parodie. J’ai fait une déclaration, expliqué pourquoi nous, Algériens, nous voulions l’indépendance et j’ai revendiqué l’action de mes groupes. Et puis la sentence est tombée.

Le Point : Que ressent-on ?

Abdelkader Guerroudj : Je savais que je serais condamné à mort. Mais on imagine plus facilement qu’on va mourir au combat qu’au petit matin, la tête coupée, dans une cour de prison.

Le Point : Pensiez-vous que vous seriez exécuté ?

Abdelkader Guerroudj : J’en étais certain. Parce qu’à cette période les exécutions capitales étaient nombreuses. Parfois jusqu’à quatre dans la même journée. Pour moi, cela ne faisait aucun doute.

Le Point : Vous souvenez-vous des premières exécutions capitales de la guerre d’Algérie ?

Abdelkader Guerroudj : Bien sûr. Elles avaient créé une émotion immense. Barberousse, la prison d’Alger, est située en haut de la casbah. Tous les habitants vivaient cela dans leur chair. Immédiatement après, les femmes avaient hurlé, fait le youyou pendant que les 2 000 prisonniers tapaient les murs avec leurs gamelles, leurs cuillères. Tout le monde comprenait aussi que nous étions, cette fois, installés dans la guerre totale. Sans cadeaux, ni d’un côté, ni de l’autre.

Le Point : Quelle fut la première exécution à laquelle vous avez assisté ?

Abdelkader Guerroudj : C’était Fernand Iveton, le seul Européen à avoir été guillotiné. Son histoire a fait beaucoup de bruit à l’époque. C’était un camarade, un militant communiste. Il avait déposé une bombe dans son casier de vestiaire de l’usine de gaz d’Alger, où on l’a découverte. Je me souviens seulement des bruits, car j’étais en cellule, donc je ne peux pas dire que j’y ai assisté. Je n’ai rien vu, mais tout entendu. C’était en pleine nuit. Il y a eu un branle-bas de combat terrible vers 4 heures du matin. Immédiatement, les détenus se sont mis à crier quand ils ont compris que la guillotine venait d’entrer dans la prison.

Le Point : Qu’avez-vous ressenti ?

Abdelkader Guerroudj : Une grande haine. Pas contre la France ou les Français, non. Mais contre le système.

Le Point : Avez-vous vu des amis partir pour la guillotine ?

Abdelkader Guerroudj : Oui, mon meilleur ami, Taleb Abderrahmane. Il avait été condamné à mort trois fois. Quand on est venu le chercher, mon compagnon de cellule m’a dit de me préparer, car il pensait que je serais le suivant.

Le Point : Qui étaient ces hommes qu’on exécutait ?

Abdelkader Guerroudj : Ce n’était pas les chefs. L’Histoire nous a enseigné que le système colonial n’exécutait pas les responsables politiques après jugement. On préférait, comme pour Ben M’Hidi, s’en débarrasser avant en les assassinant. Dans la réalité, ce sont surtout des pauvres bougres qu’on a guillotinés. Pour l’exemple, pour faire peur (Propos recueillis par F. M.)

* Ancien chef de la branche armée du Parti communiste algérien

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22 février 2017 3 22 /02 /février /2017 09:26

Il y a 73 ans, le 21 février 1944, les 22 membres du groupe Manouchian sont arrêtés, condamnés à mort et fusillés le même jour au Mont-Valérien. Olga Bancic, la seule femme du groupe, sera envoyée en Allemagne et décapitée le 10 mai 1944. Onze ans plus tard, Louis Aragon leur rend hommage en un magnifique poème Strophes pour se souvenir . En 1959, Léo Ferré le met en musique, le chante et le fais connaître sous le titre l'Affiche Rouge. Le groupe Manouchian, du nom de leur chef Missak Manouchian, était formé de résistants communistes membres des Francs-tireurs et partisans - Main-d’œuvre immigrée (FTP-MOI).

Olga Bancic

Olga Bancic

Olga Bancic « Malgré des tortures ignobles, elle ne céda jamais »
Par Max Weinstein, 
Vice-Président de l’association Mémoire des Résistants Juifs 
de la MOI (MRJ-MOI).
MAX WEINSTEIN
VENDREDI, 16 JUILLET, 2010
L'HUMANITÉ

 

Juive, roumaine et communiste, Olga Bancic a toujours combattu le système fasciste. Seule femme du groupe Manouchian, engagée dans les FTP-MOI, elle fut parmi les premières à organiser des actes de résistance qui 
se transformèrent 
en lutte armée.

C’est un honneur pour la France d’avoir pu compter dans les rangs de la résistance à l’envahisseur nazi une femme de la trempe d’Olga (Golda) Bancic. Elle était d’un courage inébranlable, une grande figure féminine, une mère aimante, qui rehausse avec force le rôle qu’ont joué de très nombreuses femmes et jeunes filles avec l’ensemble des résistants. Et l’on sait que, malgré les tortures ignobles de ses geôliers, elle n’a pas cédé ni concédé le moindre renseignement pouvant les servir dans leurs tristes besognes. On sait aussi que, durant le laps de temps qui s’est écoulé entre la date de sa condamnation et son exécution en Allemagne elle fut de nouveau lourdement harcelée et torturée, sans jamais céder. Une véritable héroïne, communiste, juive et résistante.

Sixième enfant d’un petit fonctionnaire, à quatorze ans, elle a commencé à travailler comme ouvrière. Après une enfance et une jeunesse active et animée en Roumanie, pays où elle est née en mars 1912 dans la ville de Kichinev, alternant travail clandestin et séjours en prison pour ses activités syndicales et revendicatives, à seize ans et demi, elle se marie et part à Bucarest, où elle adhère aux Jeunesses communistes. Recherchée, traquée de toutes parts, elle quitte son pays et arrive en France en 1938 pour suivre des études à la faculté des lettres. Alors âgée de vingt-six ans, elle participe avec un de ses compatriotes, Jacob Salomon, à l’envoi d’armes aux républicains espagnols. Elle épouse Alexandre Jar, ancien des Brigades internationales et écrivain (1911-1988), et donne naissance en 1939 à une petite fille, Dolorès.

1940, c’est la guerre avec l’occupation allemande de la France. Sans la moindre hésitation, Olga s’engage et fait partie des FTP-MOI (Francs-tireurs et partisans de la main-d’œuvre immigrée) dans la lutte contre les nazis. Elle hésite d’autant moins que le système fasciste, sinistre ennemi, elle l’a vécu en Roumanie où elle fut persécutée. Elle fut parmi les premières à organiser et réaliser des actes divers de résistance qui se transformèrent assez rapidement en lutte armée.

Pour être libre de ses mouvements et pouvoir se consacrer entièrement à la Résistance, elle confie sa petite fille à une famille française qui en prendra bien soin.

Elle est chargée de l’assemblage de bombes et divers engins explosifs, de leur transport à destination et également du convoiement d’armes destinées aux opérations, armes qu’elle récupère après chaque opération pour les mettre en lieu sûr.

Le 16 novembre 1943, elle est arrêtée par les brigades spéciales de la préfecture de police de Paris, en même temps que Marcel Rayman et Joseph Sevec, combattants des FTP-MOI, en tout 23 d’entre eux qui donneront à la propagande nazie l’occasion de faire placarder la célèbre Affiche rouge, dite du groupe Manouchian, à Paris et dans toute la France.

Le 21 février 1944, les 23 sont condamnés à mort par une cour martiale allemande, réunie à Paris le 15 février 1944. Les 22 hommes du groupe sont fusillés le jour même de leur condamnation, au mont Valérien, dans la banlieue parisienne. Olga Bancic est transférée en Allemagne. Elle est incarcérée à Karlsruhe puis, le 3 mai 1944, dans la prison de Stuttgart où elle est décapitée le 10 mai, à trente-deux ans, le jour même de son anniversaire.

Avant d’être exécutée, elle fit parvenir à la Croix-Rouge le 9 mai 1944 la lettre à sa fille accompagnant une note rédigée (texte à l’orthographe corrigé) ainsi :

« Chère Madame, je vous prie de bien vouloir remettre cette lettre à ma petite fille Dolorès Jacob après la guerre. C’est le dernier désir d’une mère qui va vivre encore douze heures. Merci. »

Lettre à sa fille (1) :

« Ma chère petite fille, mon cher petit amour,

« Ta mère écrit la dernière lettre, ma chère fille, demain à 6 heures, le 10 mai, je ne serai plus.

« Mon amour, ne pleure pas, ta mère ne pleure pas non plus. Je meurs avec la conscience tranquille et avec toute la conviction que demain tu auras une vie et un avenir plus heureux que ta mère. Tu n’auras plus à souffrir. Sois fière de ta mère, mon petit amour.

« J’ai toujours ton image devant moi.

« Je vais croire que tu verras ton père, j’ai l’espérance que lui aura un autre sort. Dis-lui que j’ai toujours pensé à lui comme à toi. Je vous aime de tout mon cœur.

« Tous les deux vous m’êtes chers. Ma chère enfant, ton père est pour toi une mère aussi. Il t’aime beaucoup.

« Tu ne sentiras pas le manque de ta mère.

« Mon cher enfant, je finis ma lettre avec l’espérance que tu seras heureuse pour toute ta vie, avec ton père, avec tout le monde. Je vous embrasse de tout mon cœur, beaucoup, beaucoup.

« Adieu mon amour.

« Ta mère. »

 

Olga Bancic est devenue le symbole des femmes et jeunes filles étrangères engagées dans la Résistance en France. En 1995, la Ville de Paris lui a rendu hommage en apposant une plaque à sa mémoire sur un des murs du carré des fusillés du cimetière d’Ivry, juste derrière les tombes de ses camarades de combat, Missak Manouchian et Marcel Rayman. Le 26 octobre 1999, sa mémoire fut à nouveau honorée par le Conseil supérieur de la mémoire, avec celle de quatre autres personnalités célèbres : Jean Moulin, Félix Éboué, Pierre Brossolette et Jacques Trolley de Prévaux.

Jamais elle n’inclina son visage devant les bandits tueurs de peuples. Jamais elle ne cessa de lutter. Elle est morte fièrement pour que l’abominable régime fasciste ne puisse triompher ni en France ni en Europe.

Pensons à elle et à toutes ses compagnes !

 

(1) Transcription de la dernière lettre d’Olga Bancic à sa fille. Extrait de la plaquette 
sur l’Affiche rouge d’Adam Rayski publiée 
par la Mairie de Paris/Comité d’histoire 
de la ville de Paris, septembre 2009.

olga bancic

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22 février 2017 3 22 /02 /février /2017 09:07
CHASSAIGNE (PCF) EXHORTE À UNE SEULE CANDIDATURE À GAUCHE (LCP, 21 février 2017)

LCP Assemblée Nationale, 21 février 2017

Le chef de file des députés Front de Gauche, André Chassaigne, a encore exhorté mardi à une seule candidature de "gauche anti-libérale" à la présidentielle, loin du repli sur les ego, pour éviter "une catastrophe" d'un second tour droite-extrême droite. 

***

Le chef de file des députés Front de Gauche, André Chassaigne, a encore exhorté mardi à une seule candidature de "gauche anti-libérale" à la présidentielle, loin du repli sur les ego, pour éviter "une catastrophe" d'un second tour droite-extrême droite. 

Insistant sur "une situation historique de risque terrible d'un second tour sans candidat de gauche - je ne place évidemment pas Emmanuel Macron à gauche - mais avec une droite extrême représentée par François Fillon et l'extrême droite", le député communiste a déclaré en conférence de presse "ne pas pouvoir comprendre qu'on ne fasse pas passer l'intérêt général" avant tout.

Alors qu'un accord entre le candidat socialiste Benoît Hamon et celui de La France insoumise Jean-Luc Mélenchon semble inatteignable, M. Chassaigne a considéré que le "sens de la responsabilité collective devrait balayer tout le reste", mettant en garde "ceux qui se seront repliés sur leurs seuls discours et ego".

Sans union devant "la catastrophe à conjurer", a encore averti cet élu du Puy-de-Dôme, "on regrettera demain si l'histoire s'écrit (...) avec un travail de démolition de toutes les conquêtes sociales et un contexte mondial de montée des populismes".

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22 février 2017 3 22 /02 /février /2017 08:54
Législatives: le PCF et Mélenchon peinent à s'accorder (Ouest-France, 21 février 2017)

C'est pire que ça, Mélenchon a très clairement un projet de construction d'une nouvelle hégémonie politique sur le champ de la gauche de gauche basé sur un parti ultra-présidentialisé, prétendant s'élever au-dessus du clivage droite-gauche et de l'affrontement de classe dans une polarisation entre Peuple et élites, dont une des conditions est de produire un nouvel affaiblissement du PCF, quitte à sacrifier tous les députés PCF et Front de Gauche qui de tout de façon ont fait de l'ombre à Mélenchon pendant 5 ans, ce qu'il déteste, et en détruisant au passage le Front de Gauche qui avait le désavantage d'être non exclusivement soumis à son contrôle et à celui de son clan rapproché.  

Jean-Luc Mélenchon qui, nonobstant ses positionnements anti-libéraux et anti-PS actuels, a bien voté le traité de Maastricht et participé au gouvernement qui a le plus privatisé dans l'histoire de France entre 1997 et 2002, finirait ainsi le travail de son premier mentor François Mitterrand...

Seulement, sur le territoire et dans les circonscriptions, les électeurs savent sur l'ancrage, le sérieux, la sincérité et la constance de qui ils peuvent s'appuyer! D'autres ont voulu la peau du Parti Communiste, et il existe encore, depuis 96 ans... avec le plus grand nombre d'adhérents parmi les partis de gauche, et des milliers d'élus, un lien privilégié avec le monde syndical et associatif, une jeunesse militante importante aussi qui le rejoint dans les grandes villes.      

***

Ouest-France, 21 février 2017:

Le porte-parole du Parti communiste français, Olivier Dartigolles, s'inquiète de la présence de candidats de la France insoumise aux prochaines législatives face à des députés communistes sortants.

Invité de la chaîne parlementaire mardi 21 février, Olivier Dartigolles, porte-parole du PCF juge "pas acceptable" la présence de candidats de la France Insoumise aux prochaines législatives face à des députés communistes sortants.

« C’est une erreur politique et La France Insoumise (LFI) doit réfléchir à la situation, parce qu’on va rentrer dans la zone des parrainages » pour l’élection présidentielle, a mis en garde Olivier Dartigolles porte-parole du parti communiste français sur le plateau de la chaîne parlementaire (LCP), tout en réaffirmant son soutien à Jean-Luc Mélenchon.

« Le climat pourrait être plus favorable », a-t-il glissé comme on lui demandait si la question des investitures aux législatives pourrait être mise en balance pour l’attribution des parrainages d’élus PCF au candidat de La France insoumise à la présidentielle.

« Il y a une rencontre jeudi entre LFI et le PCF, cette question-là est en haut des questions qui seront discutées », a-t-il dit.« Il n’est pas acceptable, je le dis avec un peu de gravité, dans un tel moment de la vie politique nationale, que des candidats de La France Insoumise soient déclarés face à nos députés sortants, ça ne devrait pas exister », a-t-il affirmé.

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22 février 2017 3 22 /02 /février /2017 08:51

Lu sur le Figaro: 

C'est une reconversion surprise. Après avoir été battu lors des primaires de la droite et du centre en novembre, Nicolas Sarkozy rejoint le conseil d'administration d'AccorHotels. Le groupe a officialisé l'information ce mardi par le biais d'un communiqué de presse.

L'ancien président de la République présidera le comité "stratégie internationale" dont les missions doivent encore être précisées. "Cette nomination s'inscrit dans la volonté de poursuivre le déploiement de la stratégie du groupe et la promotion des marques AccorHotels sur tous les continents ainsi que du savoir-faire inégalé de la France en matière de tourisme", commente le groupe hôtelier. Sébastien Bazin, PDG de l'entreprise, a loué "l'expertise internationale" et la "parfaite connaissance des enjeux géopolitiques mondiaux" de Nicolas Sarkozy.

De son côté, Nicolas Sarkozy s'est dit "très heureux de participer au développement et au rayonnement international d'AccordHotels".

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22 février 2017 3 22 /02 /février /2017 08:34
"Macron, tel César dans sa start-up" - un article remarquable sur le télé-évangéliste des politiques capitalistes par Fabien Escalona, Médiapart - 21 février 2017
Macron, tel César dans sa start-up
 PAR FABIEN ESCALONA

Dans un régime à bout de souffle, la candidature Macron présente une double originalité. Elle tient d’abord au type de parti qu’il a créé, sorte de firme dévouée à sa seule personne. Elle réside ensuite dans la tentation césariste de son positionnement, en opposition proclamée à un système dont il doit pourtant prévenir l'implosion. 

 

Le fois l’effet de sidération passé devant les premiers succès sondagiers d’Emmanuel Macron, son positionnement idéologique et sa stratégie politique ont été décryptés. Rapidement, leur originalité a été mise en doute. La jeunesse, l’ambition, la prétention à dépasser l’opposition droite/gauche, la revendication d’une certaine « modernité »… tout ceci a en effet inspiré de nombreuses comparaisons historiques avec des figures anciennes de la vie politique française, qu’il s’agisse de Jean Lecanuet ou de Valéry Giscard d’Estaing.

D’autres observateurs – par exemple Éric Dupin et Claude Askolovitch sur Slate, ou les économistes Frédéric Farah et Thomas Porcher sur Mediapart – ont souligné à quel point le vernis communicationnel de Macron cache mal des solutions néolibérales assez classiques. D’ailleurs, la liste de ses soutiens fournit assez son lot de vieilles gloires de la pensée unique ou de la politique à la papa pour alimenter le scepticisme, voire le ricanement à propos de son caractère « neuf » ou « antisystème ».

Cela dit, il y a bien une double singularité de la candidature Macron. Elle tient d’abord au type de parti qu’il a créé, sorte de firme dévouée à sa seule personne. Si la professionnalisation des organisations partisanes et l’importation des techniques managériales en leur sein n’est pas une nouveauté, leur création ex nihilo selon ce modèle a finalement été assez rare, du moins en Europe occidentale où les vieilles formations politiques sont particulièrement résilientes et obligées de composer avec un passé organisationnel différent.

Or, les précédents existants ne sont guère encourageants quant aux résultats à attendre d’une telle forme de parti, surtout dans le contexte de crise structurelle de l’économie-monde. C’est ce qu’ont notamment montré les politistes Jonathan Hopkin et Caterina Paolucci, affirmant que les « business firm parties » étaient enclins à « l’instabilité électorale, l’incohérence politique et la mise au service d’intérêts particuliers »

D’autre part, l’opération par laquelle le candidat des « gagnants » de la mondialisation tente d’unifier des forces sociales hétérogènes, afin de perpétuer un ordre sociopolitique, balance entre deux registres. On peut les nommer, en s’inspirant des catégories forgées par Gramsci, « transformiste » ou « césariste ». D’un côté, Macron est le candidat rêvé des élites dirigeantes qui, conscientes de l’impéritie de la classe politique, entendent renouveler sa composition interne pour éviter la mise en danger des rapports sociaux existants. D’un autre côté, la centralité de l’élection présidentielle française favorise la tentation du candidat de se présenter comme la personnalité providentielle. Son charisme favoriserait les forces du « progrès » contre les forces de la « réaction », rassemblées par son antithèse Marine Le Pen.

En Marche ! : un parti « attrape-tout » ?

Les politistes n’ont pas été avares de propositions pour classer les partis selon leur « type ». Certains termes, une fois passés dans le débat public, se retrouvent d’ailleurs utilisés de manière plus ou moins pertinente. Pour y voir plus clair, on peut d’abord se mettre d’accord sur ce qu’En Marche ! (EM) n’est effectivement pas, à savoir « antisystème ». On peut même préciser qu’il ne l’est dans aucun des deux sens possibles de ce terme en démocratie libérale. De fait, un parti peut se révéler antisystème sur un plan relationnel et/ou idéologique. D’une part, la position d’un parti sur l’échiquier politique peut l’éloigner radicalement des autres acteurs, au point que toute coopération s’avère inenvisageable. D’autre part, un parti peut porter une hostilité manifeste aux conditions minimales d’un régime démocratique (respect des droits fondamentaux, du pluralisme politique, etc.). L’antisystémisme du parti en question sera plus ou moins pur ou hybride selon qu’il répond à un seul de ces critères ou aux deux à la fois.

À cette aune, EM apparaît comme un parti typiquement pro-système. Il ne défie pas le régime en vigueur ni n’exerce d’effet polarisant en son sein, se posant au contraire en réunificateur des libéraux des deux rives contre le souverainisme identitaire du FN. La revendication d’un tel positionnement « central » par Macron, ses signaux envoyés à droite et à gauche au risque de la contradiction, mais aussi une assise sociologique plus large que les seuls cadres supérieurs, ont d’ailleurs plutôt incité les observateurs à qualifier EM de parti « attrape-tout ». 

C’est notamment le cas de Virginie Martin dans The Conversation. Pointant à juste titre un risque de dérive charismatique, elle veut pour preuves de ce caractère attrape-tout le caractère peu institutionnalisé d’EM, ainsi que son braconnage doctrinal déjouant les frontières habituelles de l’opposition droite/gauche. On ne comprend pas en revanche qu’elle puisse, dans le même article, attribuer le label au FN: tous les travaux sérieux incitent à y renoncer, en raison de l’idéologie radicale de ce parti, de la sociologie spécifique de son électorat, et de l’unification de ce dernier par des attitudes xénophobes et autoritaires.

À l’origine, on doit l’idée de catch-all party à Otto Kirchheimer (1905-1965). Cet universitaire socialiste, issu d’une famille juive allemande, a fui le nazisme en émigrant vers la France puis les États-Unis, où il a poursuivi sa carrière professionnelle. L’homme a été marqué par les processus de dégradation de régimes initialement démocratiques auxquels il a assisté dans son pays d’origine (avec la fin de la République de Weimar), mais également dans ses pays d’accueil (il a analysé la pratique des décrets-lois sous la IIIe République française, et quitté le département d’État américain en réaction au maccarthysme). Forgée dans le second après-guerre, sa notion de parti attrape-tout s’inscrit donc dans une réflexion restée inquiète sur la fragilité de la démocratie libérale.

Un des meilleurs connaisseurs de son œuvre, André Krouwel, souligne à quel point Kirchheimer fut lucide et visionnaire par rapport à ses contemporains des années 1950. Pour lui, la vie politique ne prendrait plus l’aspect conflictuel de l’entre-deux-guerres, ni ne se mènerait à travers des partis de masse porteurs de visions grandioses du futur. Les dirigeants politiques se maintiendraient au pouvoir en cultivant des formes partisanes de plus en plus déconnectées de leur milieu social d’origine, de plus en plus intégrées au régime et ressemblantes sur le plan idéologique, au risque que les antagonismes politiques s’effacent et que les citoyens n’aient d’autre débouché que la révolte minoritaire ou l’apathie.

Le problème est que la définition du parti attrape-tout s’est révélée variable et imprécise dans les écrits de Kirchheimer. Ce dernier envisageait en outre cette notion sous un angle très évolutionniste, comme le résultat d’une métamorphose des partis de masse existants. Dans le cas d’En Marche !, le plus fascinant est pourtant sa création en dehors de toute culture politique anciennement institutionnalisée, dans une période où les partis de gouvernement ont depuis longtemps focalisé leur activité sur la seule préparation des scrutins électoraux.

Autre originalité, même factice, EM prospère sur la dénonciation d’un « système » auquel son dirigeant serait étranger, revendiquant ainsi une extériorité par rapport au pouvoir. Il y a là, concernant le positionnement du parti et le contexte de son émergence, des singularités qui incitent à aller au-delà de la seule caractérisation « attrape-tout ».

Un parti-firme personnaliste

De fait, En Marche ! étonne principalement en raison de la démarche entrepreneuriale qui lui a donné naissance, avec des savoir-faire et un langage plus typiques d’une « culture de boîte » que d’une culture politique (lire l’enquête de Mediapart sur les rouages de la « Macron Company »). D’autres partis plus institutionnalisés ont importé des techniques managériales en politique. Ce fut par exemple le cas de l’UMP à partir de 2004, notamment lors de la campagne de recrutement de nouveaux adhérents (fixation d’objectifs chiffrés, évaluations, classement des fédérations…). La chercheuse Anne-Sophie Petitfils a cependant montré à quel point cette évolution a surtout accompagné, pour la légitimer, la conquête du parti par Nicolas Sarkozy, « prétendant non désigné et non désiré au trône ».

Avec Macron, ces techniques ne sont pas seulement instrumentales. Elles définissent un mode d’institution du parti qui colore fortement son identité, tout en coïncidant parfaitement avec le contenu de son offre politique, valorisant la prise de risque et les vertus d’une concurrence libre et non faussée. De plus, contrairement aux partis installés dont les ressources proviennent largement du financement public, EM doit largement sa naissance et sa puissance de feu médiatique au soutien des milieux d’affaires. Enfin, la confusion entre la cause idéologique portée par le parti et la cause personnelle de son fondateur est portée à son comble, ce que symbolise l’identité entre le sigle de l’un et les initiales de l’autre.

Pour trouver des points de comparaison plus pertinents que dans le cas français, il vaut peut-être mieux porter le regard vers des antécédents étrangers, comme le lancement de Forza Italia. À l’époque, fin 1993, Silvio Berlusconi n’est pas encore le vieux dirigeant pathétique contraint à confesser ses soirées « bunga-bunga », mais un entrepreneur à la tête d’un empire économique, qui en utilisera les ressources pour lancer un parti dont l’image est promue par des professionnels de la communication et des relations publiques, s’appuyant eux-mêmes massivement sur des enquêtes d’opinion. À part l’anticommunisme, l’identité doctrinale de Forza Italia apparaît alors très mince, ce qui n’empêche pas la création de 4 000 clubs de sympathisants, principalement recrutés au sein des classes moyennes des régions « gagnantes » du nord de l’Italie. La campagne des législatives de 1994 est cependant maîtrisée en tout point par un cercle restreint autour de Berlusconi.

Quel que soit le nombre d’adhérents officiellement recensés, voire consultés à l’occasion, l’un des traits du business party réside en effet dans la centralisation très nette de la prise de décision, sans guère d’égards vis-à-vis des sensibilités idéologiques attirées par l’entreprise partisane, ni pour la diversité territoriale des zones d’implantation militante. De fait, en dépit de pratiques de délibération au sein d’EM, l’influence des adhérents sur le programme de Macron et ses orientations stratégiques apparaît bien superficielle. Beaucoup conseillé, leur candidat est en fait peu contraint par une quelconque instance partisane. On retrouve d’ailleurs ces traits dans une formation moins connue que Forza Italia et ancêtre de l’actuelle droite espagnole, à savoir l’Union du centre démocratique (UCD) dirigée par Adolfo Suarez, premier ministre de 1976 à 1981.

Populaire dans l’opinion et puissant dans l’appareil d’État, ce dernier avait besoin d’une organisation grâce à laquelle accomplir la transition postfranquiste. Outre la grande marge de manœuvre dont disposait le dirigeant de l’UCD, les chercheurs Hopkin et Paolucci rapportent des éléments qui font irrésistiblement penser à la campagne menée par Macron. Selon eux, le pouvoir discrétionnaire de l’exécutif partisan découlait d’une volonté d’adaptation très souple à l’état de l’opinion tel qu’il était perçu ou mesuré (« le parti se situe là où se trouvent les électeurs », affirma un proche de Suarez). Il convenait par ailleurs de contenir le plus possible « les contradictions potentielles entre les chrétiens-démocrates, libéraux et sociaux-démocrates » rassemblés par l’UCD, qui attira à l’époque énormément d’électeurs indécis, lesquels s’identifiaient très peu au parti lui-même, ou alors à son fondateur.

Ces deux exemples – Forza Italia et l’UCD – sont intéressants à plusieurs titres. D’abord, ils renseignent sur les failles des partis les plus proches d’un modèle entrepreneurial pur, éventuellement augmenté d’une tendance « personnaliste », lorsque l’organisation est tout entière dévouée aux ambitions du leader. En effet, ces partis se révèlent très dépendants de la figure charismatique dont ils sont le véhicule politique ad hoc, sans forcément s’adosser à un conflit sociopolitique substantiel et donc durable. Les difficultés de Forza Italia ont par exemple été largement corrélées à la perte de crédibilité de Berlusconi lui-même. On observe donc une vulnérabilité particulière de ces partis en fonction des performances et à l’image de leur chef.

Cette vulnérabilité est d’autant plus forte qu’il s’agit de partis faiblement institutionnalisés. À cause des liens très lâches entre l’électorat du parti, ses cadres et son dirigeant, il est très difficile de contenir les conflits internes lorsqu’ils s’expriment, de faire passer efficacement des messages aux sympathisants et d’organiser une remontée fidèle de leurs aspirations ou reproches aux dirigeants. Dans le cas espagnol, une fois les enjeux institutionnels traités sur un mode plutôt consensuel, les enjeux socio-économiques ont suscité des conflits qui ne pouvaient plus être esquivés, au pouvoir aussi bien qu’en période électorale. Si ce genre de problème n’est pas propre à ce type de parti, leur intensité est potentiellement plus forte, et les moyens de les résoudre beaucoup moins codifiés.

En ce sens, que ce soit en cas de défaite au premier tour ou en cas d’accès au pouvoir et de réformes impopulaires, on peut s’interroger sur la capacité de résistance d’En Marche !, qui ne dispose pas encore d’un maillage substantiel du territoire ni d’un noyau électoral loyal à une « marque » politique éprouvée.  Si le destin de l’UDC n’est pas un bon présage, on pourra faire remarquer que Forza Italia est en revanche parvenu plusieurs fois à conquérir et exercer le pouvoir. Il faut toutefois noter que ce parti s’est révélé d’une résilience toute limitée en une vingtaine d’années d’existence, en comparaison de la longévité d’autres partis de gouvernement en Europe. Surtout, les alliances sociales tentées par Berlusconi (entre patronat, rentiers détenteurs de la dette publique et travailleurs non syndiqués) se sont définitivement désagrégées une fois la zone euro entrée en crise. Or, c’est typiquement dans ce contexte de crise, alors que le jeu économique est de plus en plus à somme nulle, que la tentative Macron se produit. 

Transformisme" ou "césarisme" ?

Les partis de ce type n’apparaissent pas à n’importe quel moment. Dans le cas espagnol, il s’agissait de la transition d’un régime à un autre ; dans le cas italien, il s’agissait de la décomposition du système partisan de la Ire République, sur fond d’affaires judiciaires dévastatrices qui ont fini d’achever la puissante Démocratie chrétienne et le Parti socialiste de l’époque. À l’heure où les systèmes partisans européens sont beaucoup plus propices à la déstabilisation que dans les décennies précédentes, les fenêtres d’opportunité augmentent justement pour ce type de partis.

En France, où l’ordre électoral est en pleine recomposition depuis les quinquennats Sarkozy et Hollande, sur fond d’épuisement des promesses de prospérité et de stabilité de la Ve République, EM a pu trouver un terreau particulièrement favorable. Pour le politiste Gaël Brustier, Macron serait même le « candidat de la crise de régime » rampante dans laquelle se déroulerait cette campagne hors normes : « L’expérience Macron suppose (...) la réussite du transformisme qu’il porte : il s’agit de convertir des groupes sociaux à un gigantesque plan de sauvetage idéologique à la fois de la Ve République, de son mariage avec l’intégration européenne et du capitalisme à la sauce californienne. »

Ici, « transformisme » renvoie à une notion forgée par Gramsci. Ce dernier désignait ainsi la façon dont les élites dirigeantes, désireuses de reproduire une adhésion au moins passive à l’ordre social dont elles sont les gardiennes, incorporent la population et ses représentants à un cadre politique « gélatineux », au sein duquel les conflits sont désamorcés. Comment le faire dans le contexte, mentionné plus haut, de l’interminable crise économique de 2008 et de la décomposition des cultures politiques propres aux partis de gouvernement depuis 1981 ?

La réponse tient en trois temps. Premièrement, grâce à un hold-up rhétorique typique d’un populisme des élites ou d’extrême centre, qui consiste à dénoncer un « système » depuis son cœur même, aidé en cela par des puissances économiques trop heureuses de trouver un candidat dont on estime qu’il sera préservé de pressions basistes gênantes pour les affaires, qu’elles soient égalitaristes (à gauche) ou identitaires (à droite). Le tour de passe-passe tient alors dans la réduction du « système » aux seules institutions politiques, le monde économique y échappant implicitement en raison de son statut juridique privé. Cela peut fonctionner le temps d’une campagne, mais plus difficilement tout au long d’un quinquennat.

Deuxièmement, une fois construite cette image d’extériorité, qui permet d’échapper opportunément à la question du bilan des orientations néolibérales suivies depuis trente-cinq ans, une opération plus délicate consiste à imposer comme conflit central celui de « l’ouverture » contre la « fermeture ». Ce match Macron/Le Pen ne serait pas totalement artificiel. Un clivage latent travaille bien le pays, entre d’un côté ceux qui voient d’un œil positif l’exposition croissante des sociétés à la diversité culturelle, ainsi que la gestion supranationale des interdépendances entre pays, et de l’autre côté ceux qui préfèrent se replier sur une identité nationale figée et exclusive.

Le problème est que d’autres conflits structurels parcourent la société, notamment entre ceux qui s’estiment plutôt gagnants d’une mondialisation productive et financière qu’ils ne souhaitent pas attaquer de front, et d’autres qui souhaitent s’attaquer aux inégalités de richesses et de pouvoirs qu’elle génère, à toutes les échelles géographiques.

Troisièmement, on perçoit la tentation de dépasser toutes ces contradictions à travers la prise en charge et l’incarnation par une personne, forcément exceptionnelle, du destin national. Les phrases sibyllines de Macron sur la « transcendance » et sa revendication d’une « dimension christique » pointent dans cette direction, qui n’est plus seulement celle du transformisme au sens de Gramsci, mais d’un épisode césariste. Il faut dire que tout, dans la Ve République et dans la centralité acquise par l’élection présidentielle, pousse à ce tropisme auquel semble se laisser aller le candidat d’En Marche !. Quoiqu’il se revendique de valeurs d’ouverture, ce césarisme peut nourrir des interrogations quant à la préservation d’une démocratie vivante. 

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22 février 2017 3 22 /02 /février /2017 07:30
2016: année terrible pour les droits de l'homme selon "Amnesty International" qui critique fortement l'état d'urgence en France (Ouest-France, 22 février 2017)

L’année 2016 a été une année « terrible » pour les droits de l’Homme dans le monde, et « très préoccupante » en France, estime Amnesty International dans son rapport annuel publié ce mercredi. L’association, qui a exceptionnellement choisi de présenter son rapport à Paris, estime que le contexte pré-électoral « apportait un fort écho » à son analyse. Elle s’alarme en particulier de la montée des discours politiques xénophobes et extrémistes.

Discours de rejets des autres dans le monde

Amnesty International, dans son rapport annuel, pointe les discours de « rejet des autres » qui ont d’après l’association « dominé » le débat politique, notamment en Europe et aux États-Unis, ont « alimenté » un « recul mondial des droits humains » qui risque de se confirmer en 2017, juge-t-elle.

« En 2016, l’utilisation cynique de ces discours rejetant la faute sur les « autres » et distillant la peur et la haine a atteint des niveaux inégalés depuis les années 1930 », estime dans un communiqué Salil Shetty, secrétaire général d’Amnesty International. « Les discours clivants des marchands de peur sont devenus une force dangereuse dans les affaires de la planète », ajoute-t-il, citant notamment le président américain Donald Trump, dont les propos de campagne ont, selon l’organisation, été « particulièrement emblématiques ».

Les réfugiés, premières victimes

« Les discours clivants de Donald Trump, Viktor Orban (Hongrie), Recep Tayyip Erdogan (Turquie), Rodrigo Duterte (Philippines)… s’acharnent sur des groupes entiers de population, les désignent comme boucs émissaires et propagent l’idée selon laquelle certaines personnes sont moins "humaines" que d’autres », les premiers visés étant les réfugiés, dénonce Amnesty international.

Et de citer le décret anti-immigration fermant temporairement les frontières des États-Unis aux réfugiés et aux ressortissants de sept pays à majorité musulmane, suspendu depuis, ou encore l’accord « illégal et irresponsable » conclu entre l’Union européenne et la Turquie, permettant de renvoyer des demandeurs d’asile dans ce pays.

En France, l’état d’urgence et l’accueil des réfugiés pointés du doigt

En France, l’association déplore aussi une année « extrêmement préoccupante » pour les droits humains. Amnesty estime notamment que la prolongation de l’état d’urgence décidé dans la foulée des attentats de 2015, « injustifiable » au regard du droit international, remet « dangereusement » en cause des libertés essentielles.

« Le risque est que la France s’habitue à ce que des droits considérés comme acquis soient remis en cause », écrit l’association, qui s’interroge par ailleurs sur l’efficacité de ces mesures. De fin 2015 à fin 2016, seules 0,3 % des mesures liées à l’état d’urgence ont débouché sur une enquête judiciaire pour des faits de terrorisme, avance-t-elle.

Amnesty fustige également la réponse « inadéquate » de la France en matière d’accueil des réfugiés, et le « climat de stigmatisation » qui a selon elle régné dans le pays, visant notamment les migrants, mais aussi la population musulmane. Plusieurs autres pays d’Europe sont épinglés pour leur accueil des migrants.

Des crimes de guerre dans 23 pays

L’organisation de défense des droits de l’Homme a examiné les situations dans 159 pays. Des crimes de guerre ont été perpétrés dans au moins 23 pays en 2016, et 36 pays ont renvoyé des réfugiés - « boucs émissaires faciles » - dans des pays où leurs droits étaient menacés, assure-t-elle.

 

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