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Gérard Le Puill
Jeudi, 28 Juillet, 2016
Alors que la mondialisation capitaliste et spéculative nous promet de loger 75% de la population dans les villes d’ici 2050, le bétonnage nécessaire à cet effet va vite déboucher sur une pénurie de sable qui entre à hauteur de 80% dans le béton. Sur les sites d’extraction les dégâts écologiques deviendront irréparables. Au Laos, la politique d’extraction massive de sable dans le lit du Mékong pose déjà de nombreux problèmes aux pêcheurs. Elle risque aussi d’accélérer la salinité des rizières dans delta de ce fleuve au Vietnam tandis que le réchauffement climatique fait monter le niveau de la mer.
Quand des semaines durant les assassinats perpétrés par des terroristes occupent l’essentiel de l’actualité comme c’est le cas en France depuis le 14 juillet, d’autres informations non dénuées d’importance n’ont plus droit de cité dans les médias, y compris dans la presse écrite. Certaines nous renseignent pourtant sur la dégradation accélérée des écosystèmes quelques mois seulement après la tenue de la Conférence de Paris sur le climat. Une conférence que les principaux décideurs politiques du monde emblent avoir oublié
Le monde, justement, verra sa population approcher les 10 milliards d’individus d’ici 2050 et on nous promet que 75% de la population mondiale vivra alors dans les villes contre environ 50% aujourd’hui. Voilà qui nous conduit à évoquer une dépêche de l’agence France Presse en date du 27 juillet et en provenance du Laos. Elle débute ainsi : « Sable, graviers, galets…Au sud de Vientiane, le Mékong est pillé pour alimenter en matériaux les immenses chantiers chinois. Une exploitation non encadrée qui affecte la vie des Laotiens, déjà en proie à la pauvreté et à de graves répercussions écologiques. Partout sur la planète, sur les plages comme dans les rivières, légalement ou illégalement, le sable est ponctionné. Et en Asie, l’extraction se fait à une échelle colossale, notamment pour répondre aux appétits de construction de la Chine et de Singapour », dit la dépêche.
Ailleurs aussi. Le sable du désert étant trop usé pour être mélangé au ciment, les monarchies pétrolières du Moyen-Orient font venir cette matière première d’Australie pour édifier des constructions pharaoniques. Or le sable entre à hauteur de 80% dans les constructions en béton. En France et en Europe, la volonté de faire des capitales régionales les « pôles de compétitivité » des prochaines décennies nourrit en permanence une spéculation foncière et immobilière gaspilleuse de terres agricoles et gourmande en béton tandis que la campagne ne compte plus ses maisons vides laissées à l’abandon faute de développement économique harmonieux sur le territoire. Et après les campagnes, la déprise immobilière frappe aussi les villes moyennes où les commerces du centre ferment les uns après les autres parce que l’on a développé à la périphérie des zones de chalandise pour les concurrencer jusqu’à les faire mourir.
Faut-il s’étonner dès lors que le sable est aujourd’hui « la deuxième ressource naturelle la plus consommée dans le monde après l’eau avec 30 milliards de tonnes utilisées tous les ans ? Ajoutons que, contrairement à l’eau, le sable ne tombe pas du ciel. Ce sont même les rivières et les fleuves qui le font apparaître et voyager vers la mer via le ruissellement quand leur cours n’est pas trop interrompu par les barrages. En mer aussi, les prélèvements massifs de sable portent préjudice aux côtes dans de nombreux pays dont la France. Ainsi , Emmanuel Macron, ministre de l’Economie, a autorisé en avril 2015, le projet de la Compagnie armoricaine de navigation d’extraction de sable dans baie de Lannion à seulement 7 kilomètres au large de Trébeurden en dépit des dangers pour la faune et pour la flore marines , sans même parler du travail de sape des vagues contre la côte suite à l’exploitation des hauts fonds au large.
Pour revenir au Mékong et au Laos, les témoignages des pêcheurs et des paysans recueillis par l’AFP disent ceci : «La rivière a beaucoup changé. Ici les berges s’effondrent. Cela n’arrivait pas avant. Ca nous oblige à aller plus loin pour pêcher. Aujourd’hui, c’est plus compliqué d’aller chercher de l’eau pour les cultures. Mais nous avons besoin de cette eau ».Tout au long de son parcours, le Mékong produit 20 millions de tonnes de sédiments par an, mais les prélèvements sont de 50 millions de tonnes chaque année. Du coup, de moins en moins de sable chemine jusqu'au delta du fleuve qui se trouve au Vietnam. Comme il s’agit du grenier à riz du pays et que la mer a tendance à monter en raison du réchauffement climatique, la salinisation progressive des eaux risque de tuer les rizières d’ici deux ou trois décennies. Ainsi le sable manquera peut-être avant la fin du pétrole tandis que son extraction massive aura détruit des zones côtières et stérilisé des millions d’hectares de terres agricoles. Sept mois après la conférence de Paris sur le climat, « la maison brûle » toujours pour reprendre une expression devenue célèbre. Mais les décideurs politiques des principaux pays de la planète continuent de regarder ailleurs.