RESUME D'INFORMATIONS SUR LES TRANSPORTS PUBLICS AU SEIN DE MORLAIX-COMMUNAUTE
L'ensemble des transports publics sur le territoire des 28 communes est principalement de la compétence de la Communauté d'Agglomération.
Au siège de Morlaix-Communauté on peut consulter (après demande écrite !) deux documents : d'une part le budget transport de l'année écoulée, d'autre part le bilan d'activité annuel de Kéolis pour la délégation de service public qui lui a été attribuée (essentiellement les bus urbains TIM), mais pour l'année N-1 (donc 2012 actuellement).
Certaines données ne sont pas mises à disposition du public : les marchés de service public pour les lignes périurbaines, leur fréquentation, et en particulier la distinction entre public scolaire (le principal) et public non scolaire (en progrès, mais on part de très très bas). De même pour la ligne Morlaix-Lannion gérée en commun avec Lannion-Trégor-Communauté. De même pour les lignes interurbaines gérées par le Conseil Général du Finistère (Carhaix-Morlaix, Quimper-Morlaix…).
On peut trouver quelques informations complémentaires sur le site de Morlaix-Communauté, et parfois dans la presse, mais c'est très lacunaire.
RESUME DU BUDGET TRANSPORT 2013 DE MORLAIX COMMUNAUTE (données chiffrées arrondies au millier d'€, et donc données en milliers d'€…vous ajoutez les trois zéros vous-mêmes).
Il s'équilibre à 8 449 (milliers d'€), dont 7 244 pour la partie "Exploitation" et 1 205 pour la partie "Investissement".
Je limite la suite des données à la partie "Exploitation", la partie "Investissement" étant par nature très variable d'une année à l'autre, puisqu'elle dépend principalement des achats de véhicules et des constructions ou aménagements de locaux de service, et nécessiterait d'aborder les données relatives aux amortissements et aux emprunts.
Ayons simplement en tête que Morlaix-Communauté a les moyens d'une politique d'investissement beaucoup plus ambitieuse et plus pertinente en la matière. C'est une question de choix budgétaires et de volonté politique.
Revenons à la partie "Exploitation".
Principaux postes de dépense en 2013 (toujours en milliers d'€ arrondis) :
-Rémunération des transporteurs, 3 859. Il s'agit des sommes versées aux entreprises qui assurent les lignes périurbaines et interurbaines, et d'une participation aux lignes gérées par le conseil général, donc toutes lignes à usage principalement scolaire de fait.
-Subvention d'exploitation à Kéolis, 2 050. Donc principalement pour les bus urbains.
L'essentiel est donc déjà là. Notons en plus 327 (toujours en milliers d'€) virés à la section d'investissement, 340 virés à d'autres sections du budget de Morlaix-Com (lesquelles ? Pourquoi? Je n'en sais pas plus) et seulement 191 pour les charges de personnel (normal, il n'y a probablement que du personnel de bureau dans le service transport, puisque l'exécution est entièrement confiée à des entreprises).
Principaux postes de recettes en 2013 (milliers d'€ arrondis) :
-Produits issus de la fiscalité, 2 200. Il s'agit du Versement transport (V.T.) versé par toutes les entreprises (et administrations ?) de dix salariés et plus sur l'ensemble du territoire communautaire, au taux maximum (pour les collectivités de notre taille) de 0,6 % de leur masse salariale.
-Produits exceptionnels, 4 448. Il s'agit de "subventions exceptionnelles" en terme comptable, expression particulièrement non pertinente en réalité, puisque c'est le plus gros poste et qu'il est renouvelé tous les ans pour des montants certes variables, mais toujours très importants. Ces subventions proviennent principalement du budget principal de Morlaix-Communauté, et d'une participation du conseil Général au titre du transport scolaire (environ 1 800 en 2013).
-On trouve en plus de ces deux lignes principales une autre ligne intitulée "subventions d'exploitation" pour 336, provenant principalement d'un "groupement de collectivités" (Morlaix-Communauté et Lannion-Trégor-communauté ? A vérifier), et un tout petit peu de l'Etat et des communes (Probablement Carantec pour son service estival. A vérifier). La ligne "vente de produits et services" est modestement à 242 : elle correspond aux titres de transports (scolaires et non scolaires) vendus sur les lignes périurbaines et interurbaines, donc hors réseau urbain TIM.
Bien évidemment, il y a quelques différences d'une année à l'autre. Le budget était globalement plus faible en 2012, il l'est également en 2014, puisque l'Exploitation s'équilibre à 6 268, principalement du fait d'une diminution du poste "rémunération des transporteurs" à 3 342, qui résulte probablement de la renégociation des contrats périurbains et interurbains (depuis le 1er septembre 2013 pour le "ramassage scolaire" déjà évoqué, et plus récemment pour la ligne Morlaix-Lannion). De plus, le virement à la section d'investissement a quasiment disparu (il reste 579 d'investissements à réaliser au titre du budget de l'année 2013, autrement dit il reste de l'argent en caisse pour cela)
Corrélativement, en recettes pour 2014, le "produit exceptionnel" décrit plus haut est en diminution sensible à 3 286, alors que le V.T. ne change guère, à 2 170.
RAPPORT D'ACTIVITE 2012 DE LA DELEGATION DE SERVICE PUBLIC A KEOLIS
Kéolis-Morlaix aligne des contrats de DSP depuis 1991, et à chaque renouvellement le type précis de contrat change ! Actuellement, depuis le 1er septembre 2009, et jusqu'au 30 juin 2017, c'est un "contrat à prix forfaitaires aux risques et périls du délégataire".
Ce contrat porte principalement sur les quatre lignes de transport urbain TIM, plus la ligne scolaire Morlaix-Plouvorn (confiée en sous-traitance au transporteur Merer de Plouézoc'h…), plus les services baptisés "Flexo" de Transport A la Demande (TAD), qui ont fait l'objet d'avenants au contrat principal postérieurement à la signature de celui-ci.
Je commence volontairement par ces avenants, c'est-à-dire par le petit bout de la lorgnette, car c'est instructif sur ce qui peut se passer avec des DSP (Délégation de Service Public).
Il y a eu un avenant pour le transport en véhicule spécifique des PMR (Personnes à Mobilité Réduite), effectué maintenant avec deux petits véhicules. C'est là une dépense logique, car il est assez évident que les personnes concernées ne trouvent pas forcément un service adéquat avec le réseau urbain et interurbain proposé à l'ensemble de la population. Il est évident, par exemple, que le service de type principalement scolaire ne leur convient pas, et tout aussi évident que tous les véhicules et tous les points d'arrêts ne peuvent leur convenir. Cela restera vrai à l'avenir. Pour autant, l'examen détaillé des comptes serait à faire, au regard des 2442 voyages effectués.
C'est pour tous les autres services "Flexo" qu'il y a beaucoup à dire, et que l'on peut comprendre que les TAD (réservation obligatoire la veille ou même trois jours à l'avance pour le lundi, fréquence ridicule, accès conditionné aux capacités du taxi utilisé...) peuvent être une arnaque totale (sauf bien sûr dans des cantons à très faible population du centre Bretagne).
En effet, pour les services "Flexo" destinés à Ste-Sève, Plourin, Le Cloître et le Binigou, assurés par Kéolis en partenariat avec des taxis, et pour la "gestion administrative" de services du même type pour d'autres communes de la communauté d'Agglomération (Plougasnou, Botsorhel, loc-Eguiner…), Kéolis reçoit forfaitairement 106 (milliers d'€), en valeur octobre 2008 (c'est présenté comme ça). S'y ajoute des recettes commerciales ridicules, de l'ordre de 2 (milliers d'€), vu la fréquentation plus que modeste : 2156 voyages pour toute l'année 2012.
En face, quelle dépenses pour Kéolis ? Ce n'est pas dit dans le rapport. Il faut donc essayer de déduire. Il y a eu 1226 courses de taxis à payer (1,7 client par courses), courses d'une distance moyenne de 6,2 km, pour un kilométrage total de 6924 km.
Si on connaît le prix d'une course de taxi sur cette distance, de jour et en jour ouvrable, et si on peut penser qu'un km de taxi ne revient pas à plus de 3 € du km (pour les bus urbains, on est à un coût de 4,08 €/km), on en déduit une dépense pour Kéolis d'environ 20 (milliers d'€). Quoi de plus ? Il faudrait nous le dire !
Voilà le bilan (sous réserve d'informations complémentaires) de "Flexo" : 2156 voyages, soit 41 voyages par semaine, 106 en recettes forfaitaires aux prix de 2008, et environ 20 en dépenses en face…soit cinq fois plus de recettes que de dépenses. Qui dit mieux ?
Ce qui précède aide à comprendre le compte d'exploitation global 2012 de Kéolis-Morlaix, qui s'équilibre à 2 330 (toujours en milliers d'€).
Les recettes proviennent pour 1 862 de la contribution forfaitaire versée par Morlaix-Communauté (je passe sur les petites différences qu'on peut observer d'une page à l'autre du rapport, et je signale que c'est cohérent avec le budget 2012 du service transport de Morlaix-communauté), pour 108 d'un poste "autres recettes", et pour 360 des recettes usagers (vente de tous les types de titres de transport, qui représentent donc environ 15 % des recettes).
Les dépenses sont pour presque moitié les dépenses en frais de personnel : 1 120. C'est usuel dans ce type d'activité. Dans le reste, il y a le gazole, les assurances, la sous-traitance à d'autres transporteurs (évoquée plus haut)…toutes choses normales. Mais il y a aussi 39 en "frais généraux", non détaillés. Les frais généraux, ça existe, mais on aimerait un peu plus de détail. Il y a aussi 134 de "quote-part de résultat transféré"…pour aboutir en bas du compte d'exploitation à un résultat positif de 26.
A priori, si on ne regarde que ce dernier nombre, on peut se dire que le bénéfice ne représente guère plus qu'un pour cent du chiffre d'affaire annuel…à peine de quoi fouetter un chat !
Si on quitte le compte d'exploitation pour regarder la présentation analytique des charges d'exploitation, on retrouve les frais généraux, sans plus de détail, les 134 de "quote-part du bénéfice transféré", 55 pour les" frais de siège" et 43 pour les "frais de direction régionale", ces deux postes ne donnant lieu à aucune précision, alors que le tableau-type de présentation des comptes prévoit plusieurs lignes possibles de détail. Bien sûr, les frais de siège social, ça existe (loyers, électricité…), et bien sûr aussi qu'une filiale locale d'un grand groupe peut avoir recours à certains services (analyse comptable ou autre…) fournis par sa direction régionale. Mais on aimerait en savoir un peu plus.
Quant aux 134 (milliers d'€) de quote-part du résultat (bénéfice) transféré, sauf explication plus précise, ça ne peut à mon avis que correspondre à un versement fait par Kéolis-Morlaix à sa maison mère KEOLIS, siège social 9 rue de Caumartin à Paris, dont elle est filiale à 100 %. L'année précédente, c'était plus de deux fois moins…Ces choses-là, ça va, ça vient ! L'essentiel est ailleurs : au-delà du bénéfice conservé localement de 26, il y a un bénéfice transféré de 134, et possiblement de l'argent transféré à Paris via la direction régionale du groupe. L'argent, principalement public, qui quitte le pays de Morlaix pour Paris représente donc probablement plus près de 10 % que de 1 % du chiffre d'affaire de Kéolis-Morlaix.
Qui est en bout de circuit bénéficiaire de cet argent ? Les actionnaires de KEOLIS, soit la SNCF pour un peu plus de la moitié, AXA Private Equity, la Caisse des Dépôts et Consignations, et des fonds de placement…du Québec !
J'aime bien les québécois, mais quand même ! Pas besoin de parler d'Axa, compagnie d'assurance privée. Quand à la SNCF, que nous donne-t-elle en échange en matière de service de proximité ?
ELEMENTS DE BILAN ET PERSPECTIVES
Depuis 2008, la seule nouveauté réelle et positive dans les services de transport de Morlaix-Communauté, ce sont les navettes estivales (juillet et août, tous les jours) à forte fréquence à Carantec. Leur attrait provient probablement plus de leur quotidienneté et de leur fréquence que de la gratuité (inconcevable en année entière pour des services du même type sur les 28 communes de la communauté d'Agglomération).
Il sera intéressant d'observer (et de participer !) l'été prochain à la mise en place de services du même type à Locquirec et Plougasnou.
Tout le reste, en dépit de ravalement de façades (soit-disant "nouvelles lignes", "lignes expérimentales", nouvelles couleurs pour les véhicules…), c'est toujours médiocre, lacunaire, peu attrayant, et la gratuité n'y changerait rien (même gratuit, qui va prendre le bus pour arriver à la gare 20 mn ou une demi-heure avant le train…ou quelques minutes après son passage ?).
Il faut une volonté politique, une réorganisation complète à partir du périurbain, et une régie publique pour remplacer la DSP (les transporteurs locaux peuvent bien sûr être associés aux services, on a vu que c'est Kéolis qui pose problème).
La volonté politique et la participation citoyenne, c'est le point de départ. On a un projet cohérent, pas les autres. Mettons-le en avant devant les citoyens. Dénonçons les aberrations actuelles : les bus urbains d'une centaine de places à Morlaix-St-Martin consomment 40,7 litres de gazole aux 100 km(vous avez bien lu : 40,7 !), alors même que leur taux de remplissage est souvent dérisoire et qu'ils n'évitent pratiquement aucun trafic automobile (leur public est principalement un public captif de jeunes et de personnes assez agées). Autrement dit, leur pollution s'ajoute à celle des 12 000 automobiles qui traversent Morlaix tous les jours. Avec un réseau construit depuis les communes périphériques et assuré par des véhicules de 20 à 30 places assises (plus quelques places debout en zone urbaine), on diminuerait la consommation de gazole par trois ou quatre, et même plus puisque nous préconisons des navettes électriques en zone centrale, et même beaucoup plus si ce nouveau réseau réduit progressivement l'usage de l'automobile individuelle, tant pour les habitants de l'agglomération que pour ceux des communes voisines.
Il faut un réseau effectué principalement en régie publique, il faudra mettre fin à la DSP. L'aspect "vache à lait" de la DSP en faveur d'actionnaires lointains, qu'on a décrit plus haut, même s'il n'est pas négligeable, n'est pas l'essentiel. L'opacité et la complexité des comptes qui en résulte (et pourtant, j'ai simplifié au maximum) joue évidemment contre toute participation citoyenne, et berne les élus. Enfin, on gaspille de l'énergie et du temps de travail. Il y a des doublons de type administratifs : à Morlaix-Communauté, quelques salariés et deux ou trois élus font face à trois ou quatre personnes de Kéolis…pour négocier un contrat de DSP, y ajouter des avenants plus ou moins compliqués, en surveiller l'exécution (?)…Autrement dit, c'est du temps passé en activité juridique, du personnel dans la paperasserie (il en faut, mais moins il y en a, mieux c'est), alors que l'essentiel devrait être l'analyse des besoins et leur satisfaction. Mieux vaudrait moins de personnes dans les bureaux, et plus de conducteurs dans des véhicules appropriés, avec un taux de remplissage de 50 % en moyenne (c'est possible), en faveur des 65 000 habitants des 28 communes.
Un conducteur, c'est correctement payé, c'est utile et non délocalisable, et pourtant ça coûte moins cher qu'un bureaucrate (sans pour autant utiliser ce terme de façon péjorative) : 42 356 € par an en 2012 chez Kéolis, soit un coût mensuel (donc toutes charges comprises) de 3530 €. Ce dernier nombre peut permettre d'actualiser les estimations de coût d'un nouveau réseau de transport telles qu'esquissées dans les documents du groupe de travail l'an dernier, documents dont beaucoup parmi vous disposent.
H.P. Plourin lès Mx, 12 mars 2014.