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7 août 2015 5 07 /08 /août /2015 05:53
Europe: la fuite en avant vers un fédéralisme autoritaire

Humanité Dimanche

La chronique de Francis Wurtz (*) :

Règles budgétaires renforcées, contrôles automatisés: le nouveau projet franco-allemand est défendu depuis plus de 20 ans par le brutal ministre allemand Schäuble.

Dans son allocution du 14 juillet, François Hollande a relancé l’idée d’un « gouvernement économique » de la zone euro et annoncé l’élaboration d’un « document partagé avec nos amis allemands». La première réaction de la plupart des commentateurs à cette déclaration – intervenue au lendemain du diktat scélérat imposé par le pouvoir de Berlin à la Grèce – fut d’ironiser sur la resucée d’une proposition déjà maintes fois évoquée depuis François Mitterrand. Je suggérerais, à l’inverse, de prêter une grande attention à cette annonce, d’exiger des éclaircissements sur ce projet et d’engager un débat public sur les enjeux qui se cacheraient derrière cette réforme d’apparence anodine.

En effet, un premier « détail » devrait nous alerter.

Longtemps, il s’agissait d’une idée française, dont le gouvernement allemand ne voulait pas entendre parler, car il y voyait la volonté, prêtée à Paris, d’instituer une instance politique permettant de faire contrepoids à la Banque centrale européenne. Puis, début 2010, à la surprise générale, la chancelière a repris l’idée à son compte ... mais en précisant le contenu qu’elle entendait lui donner.

Un spécialiste du sujet le résume en ces termes: « Un renforcement des règles de discipline budgétaire associé à la mise en place de mécanismes de contrôle plus automatiques » (1). Une conception aussitôt agréée par la France et ses partenaires de la zone euro puisqu’elle a inspiré la mise en place d’une première étape de ce pseudo- « gouvernement européen »: à savoir les dispositions obligeant chaque État membre à soumettre à Bruxelles son projet de budget avant son examen par le Parlement national.

On a quelques sueurs froides à imaginer les étapes suivantes d’un tel processus et leurs effets sur la souveraineté dans chaque pays. Surtout après la traumatisante expérience que vient de subir le peuple grec!

L’affaire est à prendre d’autant plus au sérieux que le président de la République a cru utile de compléter ses « propositions » par l’idée de créer au sein de la zone euro « une avant-garde », un groupe de pays – dont le noyau serait constitué par le « couple franco-allemand». Or, cette notion est défendue depuis plus de vingt ans par ... Wolfgang Schäuble, le tristement célèbre ministre d’outre-Rhin (2).

François Hollande avait sans doute anticipé les craintes légitimes que cette référence susciterait parmi les forces démocratiques puisqu’il s’est senti obligé de préciser (de façon très défensive) qu’il s’agissait, à ses yeux, « non pas (de) brider des peuples » mais de « donner à l’Europe des moyens d’action plus forts pour endiguer les crises »...

C’est bien là que le bât blesse: le « plus d’Europe » n’est rien d’autre qu’une fuite en avant dans le sens d’un fédéralisme autoritaire.

Il s’agit de centraliser le pouvoir européen pour vaincre les résistances des peuples ... C’est l’irruption de Syriza et la peur de la contagion qui ont poussé les dirigeants européens à relancer ce débat: un rapport sur le sujet a d’ailleurs été rendu public avant l’été par les présidents de la Commission, du Conseil, du Parlement européen, de l’Eurogroupe et de la BCE – excusez du peu! Leur seul problème est la quasi-impossibilité de faire passer le traité que nécessiterait leur projet funeste.

Ne leur laissons aucune chance: relançons le débat progressiste et solidaire sur « une autre Europe », autrement dit sa refondation.

(*) Député honoraire du Parlement européen.

(1) Jean-François Jamet, porte-parole d’EuropaNova dans « Questions et Entretien d’Europe » - Fondation Robert-Schuman (10 octobre 2011).

(2) « Réflexions sur une politique européenne », 1 er septembre 1994.

http://www.humanite.fr/europe-la-fuite-en-avant-vers-un-federalisme-autoritaire-580584

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7 août 2015 5 07 /08 /août /2015 05:33
6 août 1945, 8H15: Hiroshima! N'oublions pas, débarrassons le monde de la menace mortelle des armes atomiques.

Le dossier de l'Humanité du 6 août 2015:

http://www.humanite.fr/6-aout-1945-8-h-14-hiroshima-580989

http://www.humanite.fr/albert-camus-sur-hiroshima-leditorial-de-combat-du-8-aout-1945-580990

http://www.humanite.fr/liberer-le-monde-des-armes-nucleaires-581038

6 Août 1945, 8 H 14, Hiroshima

BERNARD FREDERICK

JEUDI, 6 AOÛT, 2015

HUMANITÉ DIMANCHe

hiroshima-ap2.jpg

Il n’y avait pourtant plus grand-chose à détruire du Japon depuis la « pluie de destruction » engagée en mars 1945 par Truman. Mais, pour tester les effets du feu atomique et étaler sa puissance face à Moscou, avec un niveau de cynisme et de monstruosité inouï, Washington choisit le pire.

Ils l’ont appelée « Little Boy». Petit bonhomme, quoi! C’était un joli nom pour la mort. À l’époque, en 1945, elle avait déjà pas mal de pseudonymes, la mort: Dachau, Auschwitz, Oradour ... Tout a commencé en 1938. Le chimiste nucléaire allemand Otto Hahn et son jeune assistant, Fritz Strassmann, découvrent ce qu’on appellera la « fission nucléaire».
Cette découverte fait rapidement le tour de la terre.
Elle suggère des développements pacifiques: l’énergie nucléaire. Mais des chercheurs imaginent qu’elle puisse aussi servir à des fins militaires redoutables.
Quand la Seconde Guerre mondiale commence, ils s’inquiètent qu’Hitler puisse y recourir. En octobre 1939, certains de ces scientifiques prient Albert Einstein d’écrire au président américain Theodore Roosevelt afin de l’avertir du danger.

Trois ans plus tard, en juin 1942, l’Amérique lance le « projet Manhattan » sous la direction du général Leslie Groves et Robert Oppenheimer pour la partie scientifique. Le 16 juillet 1945, sur la base aérienne d’Alamogordo, dans le désert du Nouveau-Mexique, l’acte de naissance de « Little Boy » était signé. Le même jour, il était embarqué à bord de l’Indianapolis et quittait San Francisco. Pour l’île de Tinian, dans l’archipel des Mariannes. De là, il ferait son dernier voyage à bord d’un B-29 baptisé par son commandant, Paul Tibbets, « Enola Gay». Le nom de sa mère!
La date de l’essai du Nouveau-Mexique et du départ précipité du colis sur l’Indianapolis, le 16 juillet, ne devait rien au hasard. Un peu plus de deux mois après la capitulation allemande, signée les 8-9 mai 1945, les vainqueurs de la coalition anti-hitlérienne, Churchill, Truman – qui avait succédé à Roosevelt, décédé en avril – et Staline, se rencontraient à Potsdam, près de Berlin. Truman n’avait pas voulu que la conférence commençât avant qu’il n’ait les résultats du test de la bombe. On verra pourquoi. Mais avant, continuons de suivre « Little Boy » dans son voyage au bout de la nuit.

Le 6 août 1945 à 2 h 45, le colonel Tibbets décolle. Le temps est clair. À 8 h 14, Little Boy est larguée. Encore une poignée de secondes, et la première bombe atomique de l’histoire explose à 580 mètres au-dessus d’Hiroshima. En un millionième de seconde, l’énergie thermique libérée dans l’atmosphère transforma l’air en une boule de feu d’un kilomètre de diamètre. Au sol, la température atteint plusieurs milliers de degrés.
Bâtiments et habitants prennent feu instantanément. « Soudain, raconte le docteur Michihiko Hachiya, il y a un éclair, puis un autre(...). Ombres et reflets, tout a disparu. Il n’y a plus qu’un nuage de poussière(...). Instinctivement, je me mets à courir. Ou du moins j’essaie. Inutilement. Des poutres jonchent déjà le sol.

J’ai grand peine à atteindre le jardin. Et là, tout à coup, je me sens extraordinairement faible. Je dois m’arrêter pour reprendre des forces. C’est là que je m’aperçois que je suis complètement nu! Où sont donc passés mon pantalon et mon maillot ? Qu’est-il arrivé ? Je regarde mon côté droit: il est tout ensanglanté; j’ai également une blessure à la cuisse. L’éclat de bois qui l’a produite y est resté fiché. Quelque chose de chaud coule dans ma bouche: ma joue est déchirée. Enfin, en passant la main sur mon cou, j’en ramène un morceau de verre de belle taille que j’examine avec autant de détachement que si j’étais dans mon laboratoire, penché sur un microscope ».
Ayant retrouvé sa femme en loques et ensanglantée, le médecin veut rejoindre son hôpital. Il n’y parvient pas. Son épouse tente de trouver des secours. Pendant ce temps, il observe: « Tout se passe comme dans un mauvais rêve, je vois venir des ombres, des espèces de fantômes qui marchent les bras écartés, je me demande pourquoi. Tout à coup je comprends qu’ils sont brûlés et qu’ils se tiennent les bras écartés pour éviter le contact de leur propre peau. Puis vient une femme nue tenant un enfant nu dans ses bras. Ils ont dû être surpris pendant le bain, me dis-je. Mais il vient ensuite un homme nu, puis une autre femme. Ils marchent sans dire un mot. Ce silence enveloppant toutes choses donne une impression de cauchemar. » Parvenu à l’hôpital, un collègue du Dr Michihiko Hachiya, le docteur Katsutani, lui raconte: « Ce matin, en passant (un) pont, j’ai vu une chose incroyable. Il y avait là un homme assis sur une bicyclette. Appuyé au parapet du pont, il avait l’air de regarder au loin. Il était mort. L’explosion l’avait transformé en statue. »

Le 9 août, le jour où la seconde bombe atomique est larguée, sur Nagasaki, le médecin témoin note dans son journal: « Hier, un de nos malades s’est plaint toute la journée de douleurs dans la bouche. Aujourd’hui, de nombreuses petites hémorragies commencent à apparaître dans sa bouche et sous sa peau. Quand cet homme est arrivé à l’hôpital, il se plaignait seulement d’une grande faiblesse. En apparence, il n’avait aucune blessure. Ce matin, d’autres malades commencent à avoir de ces hémorragies sous-cutanées auxquelles s’ajoutent des vomissements de sang. Pourtant, parmi eux, aucun ne présente de symptômes connus(...).

Si bizarres que soient les symptômes présentés, nous rattacherions ceux-ci aux blessures reçues. Mais, justement, la plupart de ces malades ne présentent aucune blessure ou brûlure apparente. »
En août 1945, le docteur Hachiya ignore les effets spécifiques à la bombe A : ceux des rayonnements. Ils vont, pendant de longues années après l’explosion, entraîner chez les victimes les « hibakusha », des cancers, des leucémies, des naissances de bébés atteints de malformations. Au total, 250 000 personnes ont été tuées dans les bombardements à Hiroshima et à Nagasaki ; 313 000 ont été irradiées. Jusqu’en 1952, et la fin de l’occupation américaine, Washington imposa un embargo total sur les conséquences humaines du bombardement.

Le Japon capitula le 14 août 1945 (la cérémonie officielle aura lieu le 2 septembre – NDLR). L’empereur Hirohito annonça la reddition en personne. Dès lors naquit un mythe : le bombardement atomique d’Hiroshima avait mis fin à la guerre du Pacifique. Pour le professeur Ward Wilson, auteur d’un remarquable ouvrage sur les « mythes » liés aux armes nucléaires, « l’explication traditionnelle du bombardement d’Hiroshima est commode émotionnellement – pour les Américains, bien sûr, mais aussi pour les Japonais » (2). Aux premiers, elle offre l’occasion d’affirmer leur supériorité ; aux seconds, elle permet de dissimuler leurs responsabilités dans l’effroyable guerre menée en Asie pendant quatorze ans et, au final, dans la défaite.
Mais, s’il y a « mythe », que recouvre-t-il ? Pour nombre de chercheurs et même de personnalités américaines, ce ne sont pas tant les bombes d’Hiroshima et de Nagasaki qui ont contraint les Japonais à capituler que l’entrée en guerre de l’URSS en Asie le 9 août 1945, trois mois après la capitulation allemande et comme Staline s’y était engagé devant Roosevelt puis devant son successeur. « Les services de renseignement japonais affirment que les forces américaines ne seront pas en mesure d’envahir le Japon avant plusieurs mois (ils avaient prévu d’attaquer le 1er novembre – NDLR), affirme Ward Wilson. Les troupes soviétiques pourraient quant à elles mettre le pied sur l’archipel du Japon dans les dix jours à venir. L’invasion de la Mandchourie et de Sakhaline par les Soviétiques fait soudainement de la décision de mettre un terme aux hostilités une question d’une brûlante actualité ».

L’amiral William Leahy, chef d’état-major particulier du président Truman, estimait, en 1950, dans ses Mémoires que « les Japonais étaient déjà battus et prêts à capituler. » Le général Eisenhower, commandant en chef des forces alliées en Europe, s’opposa au bombardement pour les mêmes raisons en juillet 1945. Quant au secrétaire d’État James Byrnes, Leo Szilard (un savant émigré juif hongrois qui avait travaillé à la confection de l’arme atomique aux États-Unis avant de créer en 1946, avec Albert Einstein, le Comité d’urgence des scientifiques atomistes) rapporte qu’il lui confia en 1945 qu’il « ne prétendait pas qu’il était nécessaire d’utiliser la bombe contre les villes japonaises pour gagner la guerre. Son idée était que la possession et l’usage de la bombe rendraient la Russie plus contrôlable ».
Après le bombardement, Churchill fut euphorique. « Le maréchal Alan Brooke pensait que l’enthousiasme infantile du premier ministre devenait dangereux : il se voyait déjà capable d’éliminer les centres industriels de la Russie » (4). « Depuis que j’ai dirigé le projet, je n’ai jamais eu d’illusion que la Russie puisse être autre chose que notre ennemi et le projet a été exécuté sur cette base », déclarait lui-même le général Groves en 1954. Propos confirmé le 17 juillet 1985 dans le « Times » par le chimiste anglais Joseph Rotblat : « En 1944, le général Groves m’a dit qu’il est clair… que l’objectif réel de la bombe est de soumettre notre ennemi principal, les Russes. Jusque-là, j’avais cru que notre travail devait empêcher une victoire des nazis, mais l’arme que nous étions en train de préparer était orientée contre la Russie »

Voilà pourquoi, quand l’un des chercheurs, le Danois Niels Bohr (prix Nobel de physique en 1922), prie le 26 août 1944 Churchill et Truman d’informer les Soviétiques de la mise au point de la bombe atomique afin de prévenir toute course aux armements, non seulement sa proposition est rejetée mais l’Anglais et l’Américain décident secrètement de « faire des recherches et prendre des mesures pour s’assurer qu’il (Bohr) n’ébruite pas d’informations, surtout auprès des Russes » (6).
Alors, qu’est-ce qu’il prit à Truman d’informer en personne Staline le 21 juillet 1945, pendant la conférence de Potsdam ? La fille du président américain se trouve alors sur place. Elle raconte : « Mon père avait soigneusement réfléchi à la manière selon laquelle il devait informer Staline de l’existence de la bombe atomique. Il s’approcha du leader soviétique et lui fit savoir que les États-Unis avaient réalisé une nouvelle arme dotée d’un pouvoir de destruction extraordinaire. Le premier ministre Churchill et le secrétaire d’État Byrnes firent quelques pas vers eux et observèrent attentivement la réaction de Staline. Il garda le calme le plus complet » (7). « J’ai eu l’impression qu’il voulait nous impressionner », dira le ministre soviétique des Affaires étrangères, Viatcheslav Molotov (8), « Staline a réagi avec un tel calme que Truman, qui n’avait pas prononcé les mots bombe atomique, a cru qu’il ne comprenait pas ». Grâce à un fils de pasteur protestant, adhérent à la Jeunesse communiste allemande en 1932, réfugié aux États-Unis, Klaus Fuchs, Staline avait eu connaissance des travaux sur la bombe bien avant… Truman !

http://www.humanite.fr/6-aout-1945-8-h-14-hiroshima-580989

http://www.humanite.fr/albert-camus-sur-hiroshima-leditorial-de-combat-du-8-aout-1945-580990

http://www.humanite.fr/liberer-le-monde-des-armes-nucleaires-581038

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7 août 2015 5 07 /08 /août /2015 05:28
Stathis Kouvélakis, membre de l'aile gauche de Syrisa, analyse les évènements grecs dans un entretien pour le site de "Ballast"

Résumons à très grands traits. Le 25 janvier 2015, Syriza remporte les élections législatives grecques sur un programme de rupture ; le 5 juillet, c’est un tonitruant « OXI », à 61 %, qui envoie les petits barons de l'ordre européen dans les cordes ; le lendemain, Yánis Varoufákis, ministre des Finances grec, est poussé vers la sortie ; le lundi 13 juillet, le tout-venant apprend que les dix-huit heures de bataille psychologique, à la fameuse « table des négociations », ont eu raison des espoirs mis dans le gouvernement grec : capitulation en rase campagne, entend-on. La couleuvre de l’austérité avalée contre un hypothétique rééchelonnement de la dette. « J’assume la responsabilité d’un texte auquel je ne crois pas », affirme Tsipras à la télévision publique grecque. Mercredi, le comité central de Syriza rejette l’accord et dénonce « un coup d’État contre toute notion de démocratie et de souveraineté populaire ». Les ministères démissionnaires partent en claquant la porte, le texte passe avec les voix de la droite et de la social-démocratie grecques, les grèves générales repartent et la place Syntagma s’enflamme. « Trahison » ; la messe est dite.

Pour Stathis Kouvélakis, philosophe francophone, membre du Comité central de Syriza et figure de la Plateforme de gauche, l’équation s'avère toutefois plus complexe, si l'on tient à prendre toute la mesure de ces récents événements. Entretien pour y voir plus clair et, surtout, organiser la riposte.

Vous émettez des réserves quant à la critique de Tsipras en termes de « trahison », qui revient pourtant fréquemment dans les gauches radicales européennes depuis l’accord du 12 juillet. Pourquoi la considérez-vous comme inefficace ?

Je ne nie pas que le terme de « trahison » soit adéquat pour traduire une perception spontanée de l’expérience Syriza. Il est évident que les 62 % qui ont voté « non » au référendum et les millions de gens qui ont cru en Syriza se sentent trahis. Néanmoins, je nie la pertinence analytique de la catégorie de trahison car elle repose sur l’idée d’une intention consciente : consciemment, le gouvernement Tsipras aurait fait le contraire de ce qu’il s’était engagé à faire. Je pense que cette catégorie obscurcit la réalité de la séquence en cours, qui consiste dans la faillite d’une stratégie politique bien précise. Et quand une stratégie fait faillite, les acteurs qui en étaient les porteurs se retrouvent uniquement face à de mauvais choix ou, autrement dit, à une absence de choix. Et c’est très exactement ce qui s’est passé avec Tsipras et le cercle dirigeant du gouvernement. Ils ont cru possible de parvenir à un compromis acceptable en jouant cette carte de la négociation – qui combinait une adaptation réaliste et une fermeté quant à des lignes rouges, dans le but d’obtenir un « compromis honorable ».

« La notion de "trahison" empêche d’analyser et de remettre en cause la stratégie ; elle rabat tout sur les "intentions des acteurs" et se fonde sur l’illusion naïve selon laquelle ceux-ci sont maîtres de leurs actes. »

Or la Troïka des créanciers n’était nullement disposée à céder quoi que ce soit, et a immédiatement réagi, en mettant dès le 4 février le système bancaire grec au régime sec. Tsipras et le gouvernement, refusant toute mesure unilatérale, comme la suspension du remboursement de la dette ou la menace d’un « plan B » impliquant la sortie de l’euro, se sont rapidement enfermés dans une spirale qui les amenait d’une concession à une autre et à une détérioration constante du rapport de force. Pendant que ces négociations épuisantes se déroulaient, les caisses de l’État grec se vidaient et le peuple se démobilisait – réduit à un état de spectateur passif d’un théâtre lointain sur lequel il n’avait prise. Ainsi, quand Tsipras affirme le 13 juillet qu’il n’avait pas d’autre choix que de signer cet accord, il a en un sens raison. À condition de préciser qu’il a fait en sorte de ne pas se retrouver avec d’autres choix possibles. Dans le cas précis de la Grèce, on assiste à une faillite flagrante de cette stratégie pour la simple raison qu’elle n’avait prévu aucune solution de repli. Il y a un véritable aveuglement de Tsipras et la majorité de Syriza dans l’illusion européiste : l’idée qu’entre « bons européens », nous finirons par nous entendre même si, par ailleurs, demeurent des désaccords importants ; une croyance dure comme fer que les autres gouvernements européens allaient respecter le mandat légitime de Syriza. Et, pire encore, l’idée de brandir l’absence de « plan B » comme un certificat de bonne conduite européiste, qui fut le comble de cet aveuglement idéologique...

La notion de « trahison » empêche d’analyser et de remettre en cause la stratégie ; elle empêche de parler en termes d’analyse stratégique et point aveugle idéologique ; elle rabat tout sur les « intentions des acteurs » – qui resteront toujours une boîte noire – et se fonde sur l’illusion naïve selon laquelle ceux-ci sont maîtres de leurs actes. Par ailleurs, elle empêche de saisir le cœur du problème, à savoir l’impuissance de cette politique : la violence de la réaction d’un adversaire a été sous-estimée alors même que le gouvernement Syriza, par son existence même, était allé suffisamment loin pour la déclencher.

De plus en plus de voix s’élèvent dans l’Europe du Sud pour dénoncer le carcan de la monnaie unique. Ce débat a-t-il sérieusement eu lieu au sein du gouvernement Tsipras et de Syriza ? Yánis Varoufákis, après avoir démissionné, a affirmé avoir proposé un plan de sortie de l’euro ou, du moins, la mise en circulation d’une monnaie nationale au plus dur des négociations.

Ce débat n’a jamais véritablement eu lieu — ou, plutôt, il n’a eu lieu que de façon limitée, au sein de Syriza, pendant les cinq dernières années. Et ce fut toujours contre la volonté de la majorité de la direction du parti, par une sorte d’état de fait créé par le positionnement d’une minorité substantielle en faveur d’une sortie de l’euro, comme condition nécessaire pour la rupture avec les politiques d’austérité et le néolibéralisme. La majorité de la direction du parti n’a jamais vraiment accepté la légitimité de ce débat. La sortie de l’euro n’était pas présentée comme une option politique critiquable avec des inconvénients qui justifiaient un désaccord. Elle était purement et simplement identifiée à une catastrophe absolue. Systématiquement, il nous était reproché que si nous défendions la sortie de l’euro, nous étions des crypto-nationalistes ou que la sortie de l’euro entraînerait un effondrement du pouvoir d’achat des classes populaires et de l’économie du pays. En réalité, c’étaient les arguments du discours dominant qui était repris par nos camarades. Ils ne cherchaient donc pas un véritable débat argumenté mais à nous disqualifier symboliquement, à disqualifier la légitimité de nos arguments à l’intérieur de Syriza et de la gauche radicale. Ainsi, quand Syriza est arrivé au pouvoir, la question s’est posée par la logique même de la situation, puisqu’il est rapidement devenu évident que ces négociations n’aboutissaient à rien. Déjà, l’accord du 20 février indiquait bien que Syriza était contraint de reculer au cours de ce bras de fer. Mais cette discussion s’est déroulée à huis clos : jamais de façon publique et jamais avec le sérieux nécessaire — si l’on excepte bien sûr les prises de position de la Plateforme de gauche de Syriza.

Yánis Varoufákis, de son côté, avait posé à divers moments la question d’un plan B. Panayótis Lafazánis et la Plateforme de gauche mettaient régulièrement sur la table ces propositions. Il faut préciser que le plan B ne se limite pas simplement à la reprise d’une souveraineté monétaire. Il met en avant l’interruption du remboursement des créanciers, le placement des banques sous contrôle public et un contrôle de capitaux au moment du déclenchement de l’affrontement. C’était, d’une façon générale, prendre l’initiative plutôt que d’être à la traîne de négociations qui amenaient un recul après l’autre. Le gouvernement n’a même pas fait les gestes minimaux afin d’être en mesure de tenir bon quand les Européens appuyèrent sur le bouton nucléaire, c’est-à-dire en arrêtant totalement l’approvisionnement en liquidité avec l’annonce du référendum. Le référendum lui-même aurait pu être conçu comme le « volet politique » du plan B : il a donné une idée d’un scénario réaliste conduisant à la rupture avec les créanciers et la zone euro. Le raisonnement aurait pu être le suivant : Le mandat initial de Syriza, celui issu des urnes du 25 janvier, était de rompre avec l’austérité dans le cadre de l’euro ; nous avons bien vu que c’était impossible dans ce cadre ; donc nous nous présentons de nouveau devant le peuple ; le peuple confirme son mandat en disant « Non à l’austérité et faites le nécessaire ». C’est effectivement ce qui s’est passé avec la victoire écrasante du « non », lors du référendum du 5 juillet, mais il était déjà trop tard ! Les caisses étaient déjà vides et rien n’avait été fait pour préparer une solution alternative.

Vous soulignez les rapports de force qui ont traversé Syriza depuis 2010. Comment expliquer que la frange acquise à l’Union européenne et l’euro l’ait emporté ?

Il faut replacer ces débats dans un cadre plus large : celui de la société grecque, et d’une façon plus générale, celui des sociétés de la périphérie européenne. Avant la crise de 2008-2010, les pays les plus europhiles au sein de l’Union européenne étaient précisément ceux du sud et de la périphérie. Il faut bien comprendre que, pour ces pays, l’adhésion à l’UE signifie une certaine modernité, à la fois économique et politique, une image de prospérité et de puissance que l’euro vient valider à un niveau symbolique. C’est l’aspect fétichiste de la monnaie que Karl Marx a souligné : en ayant la monnaie commune dans sa poche, le Grec accède symboliquement au même rang que l’Allemand ou le Français. Il y a ici quelque chose de l’ordre du « complexe du subalterne ». C’est notamment ce qui nous permet de comprendre pourquoi les élites dominantes grecques ont constamment joué avec la peur de la sortie de l’euro — leur carte maîtresse depuis la début de la crise. Tous les « sacrifices » sont justifiés au nom du maintien dans l’euro. La peur du Grexit est étrangère à la rationalité économique. Elle ne repose pas sur les conséquences éventuelles d’un retour à la monnaie nationale ; par exemple : les difficultés pour les importations ou, à l’inverse, les nouvelles facilitées à l’exportation. Au niveau du « sens commun », la sortie de l’euro charrie une sorte de tiers-mondisation symbolique. Pour le Grec moyen qui résiste à l’idée d’une sortie de la zone euro, la justification de son refus renvoie à la peur d’une régression du pays au rang de nation pauvre et retardataire – qui était effectivement le sien il y a quelques décennies. N’oublions pas que la société grecque a évolué très rapidement et que le souvenir de la misère et de la pauvreté est encore présent dans les couches populaires et dans les générations âgées.

« Une foule enthousiaste s’est formée derrière lui et l’a conduit en triomphateur jusqu’à la marée humaine de la place du Parlement. Quelle a été la réaction de Tsipras ? Il a pris peur et a abrégé les trois quarts du discours qu’il avait préparé. »

Ce que je viens de dire explique aussi l’apparent paradoxe du vote massif du « non » chez les jeunes. Le journal Le Monde fait son reportage en disant : « Toutes ces générations des 18-30 ans qui ont grandi avec l’euro et l’Union européenne, qui ont bénéficié des programmes Erasmus et des études supérieures [le niveau d’accès à l’enseignement supérieur en Grèce est parmi les plus élevés d’Europe], comment se fait-il qu’elles se retournent contre l’Europe ? » La raison est en fait que les jeunes générations ont moins de raisons que les autres de partager ce complexe de la subalternité ! Cet « européisme » ambiant de la société grecque est resté toutefois hégémonique, y compris dans les forces d’opposition aux politiques néolibérales — à l’exception du Parti communiste, très isolé et sectaire. Et cela explique pourquoi Syriza a choisi, dès le début, de s’adapter à l’européisme et d’avoir une stratégie électoraliste à court terme plutôt que d’entrer dans un travail de pédagogie qui consisterait à dire : « Nous ne sommes pas contre l’Europe ou l’euro par principe, mais si eux sont contre nous, et qu’ils nous empêchent d’atteindre nos objectifs, il nous faudra riposter. » C’est un discours qui demandait un certain courage politique, chose dont Tsipras et la majorité de la direction de Syriza s’est révélée être totalement dépourvue.

Le référendum n’était donc en rien la possibilité d’une rupture mais un simple mouvement tactique afin de renforcer Tsipras dans les négociations ?

Tsipras est un grand tacticien. Penser que tout ce qui s’est passé est conforme à un plan préétabli serait se tromper lourdement. C’est une gestion au jour le jour de la situation qui a prévalu, sans vision stratégique autre que celle de la recherche de l’illusoire « compromis honorable » dont j’ai parlé auparavant. Le référendum a été conçu, d’emblée, comme un geste tactique, comme une issue à une impasse dans laquelle le gouvernement s’est trouvé à la fin du mois de juin, lorsque le plan Juncker a été présenté sous la forme d’un ultimatum. Mais, en annonçant le référendum, Tsipras a libéré des forces qui sont allées bien au-delà de ses intentions. Il faut ici souligner le fait que l’aile droite du gouvernement et de Syriza ont très bien perçu, elles, le potentiel conflictuel et de radicalisation que comportait objectivement la dynamique référendaire, et c’est pour cela qu’elles s’y sont fortement opposées. Je vais vous livrer une anecdote. Le jour du grand rassemblement du vendredi [3 juillet], une foule immense s’était rassemblée dans le centre-ville d’Athènes. Tsipras est allé à pied de la résidence du Premier ministre à la place Syntagma, séparées par quelques centaines de mètres. C’est une scène de type latino-américaine qui s’est produite : une foule enthousiaste s’est formée derrière lui et l’a conduit en triomphateur jusqu’à la marée humaine de la place du Parlement. Quelle a été la réaction de Tsipras ? Il a pris peur et a abrégé les trois quarts du discours qu’il avait préparé.

Vous racontez qu’Euclide Tsakalotos, ministre des Finances grecques après la démission de Yánis Varoufákis, préparait son intervention devant l’Eurogroupe comme un professeur d’université prépare sa contribution à un colloque. Ne pointez-vous pas ici un des problèmes de la gauche radicale : une parfaite analyse des phénomènes mais une incapacité à mener des rapports de force, à établir des stratégies gagnantes, à jouer sur les contradictions de l’adversaire ? Est-ce dû à la promotion des savoirs académiques au sein de la gauche radicale au détriment d’autres profils ?

Je suis très réticent par rapport aux explications sociologistes : je ne pense pas qu’elles permettent de comprendre la situation. Dans un entretien à Mediapart¹, Tsakalotos expliquait en effet que, lorsqu’il est allé à Bruxelles, il avait préparé ses argumentaires de façon très sérieuse. Il s’attendait à entendre des contre-arguments et, au lieu de cela, il s’est retrouvé face à un mur de technocrates répétant des règles et des procédures. Il avait été choqué du faible niveau de la discussion – comme s’il s’agissait d’un colloque universitaire où le meilleur argument l’emporte. Or tout en étant moi-même universitaire, et même un ancien camarade de parti de Tsakalotos (nous avons milité dans le Parti eurocommuniste grec dans les années 1980), je n’en suis pas moins en désaccord profond avec lui. Par ailleurs, s’il y avait un reproche à lui faire, c’est justement un défaut d’analyse ! La gauche, dans son ensemble, a considérablement sous-estimé la nécessité d’analyser sérieusement l’Union européenne. Au lieu de cela, nous avons eu droit, pendant des décennies, au recours à une longue litanie de vœux pieux : « l’Europe sociale », « l’Europe des citoyens », « faire bouger les lignes en Europe », etc. Ce genre de discours sont répétés inlassablement depuis des décennies alors qu’ils ont fait la preuve flagrante de leur impuissance et de leur incapacité à avoir la moindre prise sur le réel.

Une dernière remarque à propos du statut sociologique du discours européiste : je fais partie d’un département d’Études européennes dans une université britannique. Je peux vous assurer que mes collègues, qui sont du côtémainstream, qui sont donc universitaires mais qui connaissent de façon intime la machine européenne, ont toujours refusé de prendre au sérieux la vision de Syriza. Ils n’arrêtaient pas d’ironiser sur les naïfs qui pensaient qu’à coups de négociations et d’échanges de bons arguments on arriverait à rompre avec le cadre des politiques européennes, c’est-à-dire avec l’austérité et le néolibéralisme. Personne n’a pris ce discours au sérieux chez les gens informés, alors, qu’à l’inverse, il déclenchait une sorte d’extase parmi les cadres et bon nombre de militants des formations de la gauche radicale européenne. Nous avons ici affaire à une question de politique avec un grand « P », à la puissance de l’idéologie dominante et à une déficience d’analyse et de pensée stratégique, loin de toute explication réductrice en termes de position sociologique des acteurs.

Slavoj Žižek a écrit le 20 juillet que « Syriza devrait exploiter, en montrant un pragmatisme impitoyable, en pratiquant le calcul le plus glacial, les fêlures les plus minces de l’armure de l’adversaire. Syriza devrait instrumentaliser tous ceux qui résistent à la politique hégémonique de l’Union européenne, des conservateurs britanniques à l’UKIP, le parti pour l’indépendance du Royaume-Uni. Syriza devrait flirter effrontément avec la Russie et la Chine, elle devrait caresser l’idée de donner une île à la Russie afin que celle-ci en fasse sa base militaire en Méditerranée, juste pour effrayer les stratèges de l’OTAN. Paraphrasons un peu Dostoïevski: maintenant que le Dieu-Union européenne a failli, tout est permis². » Y souscrivez-vous ?

Il y a ici deux questions en une. Tout d’abord, il s’agit de s’interroger sur les contradictions internes à l’Union européenne et, ensuite, de se demander que faire en dehors de ce cadre. Quant à la première, la stratégie du gouvernement Tsipras consistait justement à exploiter ses contradictions internes, réelles ou, surtout, supposées. Ils pensaient pouvoir jouer sur l’axe Hollande-Renzi – vus comme des gouvernements plus « ouverts » à une approche anti-austérité –, Mario Draghi – vu également sur une ligne divergente de l’orthodoxie rigoriste deWolfgang Schäuble [Ministre allemand des Finances] – et, enfin, sur le facteur américain – perçu comme pouvant faire pression sur le gouvernement allemand. Tout cela s’est révélé une illusion complète. Bien entendu, il ne s’agit pas de nier l’existence de contradictions dans le bloc adverse : le FMI, par exemple, a une logique de fonctionnement et des priorités en partie distinctes de celles de la Commission européenne. Ceci dit, toutes ces forces convergent sur un point fondamental : dès qu’une menace réelle émerge, et Syriza en était une car il remettait en cause l’austérité et le néolibéralisme, toutes ces forces ont fait bloc pour la détruire politiquement. Voyons le numéro de François Hollande. Il essaie d’endosser auprès de l’opinion française un rôle soi-disant amical vis-à-vis des Grecs. En réalité, il n’a été qu’un facilitateur de l’écrasement du gouvernement grec par le gouvernement allemand : ces acteurs-là sont d’accord sur l’essentiel, à savoir sur une stratégie de classe — les divergences ne portent que sur des nuances.

« Hollande n’a été qu’un facilitateur de l’écrasement du gouvernement grec par le gouvernement allemand : ces acteurs-là sont d’accord sur l’essentiel, à savoir sur une stratégie de classe. »

Que faire maintenant, en dehors du cadre de l’Union européenne ? Penser pouvoir s’appuyer sur l’administration Obama est une fausse bonne idée, on l’a vu. Quant à la Russie, c’était sans doute une carte à explorer. Syriza l’a tentée sans vraiment y croire ; en réalité, la diplomatie russe est très conservatrice. Elle ne vise pas du tout à favoriser des ruptures dans le bloc européen. La Russie, dans ses pourparlers avec Syriza, souhaitait un gouvernement dissonant quant à l’attitude antirusse des Occidentaux suite à l’affaire ukrainienne et aux sanctions économiques. Mais à condition de rester dans le cadre de l’Union européenne et de l’euro ! En dépit de quelques bonnes paroles, la Russie n’a été, à aucun moment, un allié du gouvernement Syriza : il me semble douteux de croire qu’elle serait disposée à faire davantage si les choses étaient allées jusqu’à la rupture.

D’aucuns avancent que Tsipras temporise et attend les élections générales espagnoles de novembre pour avoir le soutien de Pablo Iglesias – en pariant sur une victoire de Podemos. Cela vous semble-t-il crédible ?

Ce genre de propos relève d’une tromperie manifeste. En signant cet accord, la Grèce est soumise à un carcan qui va bien au-delà de celui imposé par les mémorandums précédents. C’est un véritable mécanisme institutionnalisé de mise sous tutelle du pays et de démembrement de sa souveraineté. Il ne s’agit pas simplement d’une liste – comme les naïfs peuvent le croire – de mesures d’austérité très dures, mais de réformes structurelles qui remodèlent le cœur de l’appareil d’État : le gouvernement grec perd en effet le contrôle des principaux leviers de l’État. L’appareil fiscal devient une institution dite « indépendante » ; elle se retrouve en fait dans les mains de la Troïka. Un conseil de politique budgétaire est mis en place, qui est habilité à opérer des coupes automatiques sur le budget si le moindre écart est signalé par rapport aux objectifs en matière d’excédents, fixés par les mémorandums. L’agence des statistiques devient elle aussi « indépendante » ; en réalité, elle devient un appareil de surveillance en temps réel des politiques publiques directement contrôlé par la Troïka. La totalité des biens publics considérés comme privatisables sont placés sous le contrôle d’un organisme piloté par la Troïka.

Privé de tout contrôle de sa politique budgétaire et monétaire, le gouvernement grec, quelle que soit sa couleur, est désormais dépossédé de tout moyen d’agir. La seule chose qui reste sous contrôle de l’État grec est l’appareil répressif. Et on voit bien qu’il commence à être utilisé comme avant, c’est-à-dire pour réprimer des mobilisations sociales. Les gaz lacrymogènes déversés sur la place Syntagma du 15 juillet, suivis d’arrestations de militants, de passages à tabac et maintenant de procès devant les tribunaux de syndicalistes, ne sont qu’un avant-goût de ce qui nous attend lorsque la situation sociale se durcira, lorsque les saisies des résidences principales se multiplieront, lorsque les retraités subiront de nouvelles coupes dans leur retraite, lorsque les salariés seront dépossédés du peu de droits qu’ils leur restent. Le maintien du très autoritaire Yannis Panoussis comme ministre responsable de l’ordre public, et qui se voit également confier le portefeuille de l’immigration, est un signal clair du tournant répressif qui s’annonce. Ceux qui évoquent donc une stratégie de « gain de temps » ne provoquent chez moi qu’un mélange de dégoût et de révolte.

Vous analysez les résultats du référendum du 5 juillet comme un vote de classe. Pensez-vous, comme Frédéric Lordon en France, que l’Union européenne et l’euro sont l’opportunité historique donnée à la gauche radicale de reconstruire une frontière de classe dans nos sociétés européennes ? Faut-il, d'après vous, profiter des élans d'une sorte de « patriotisme émancipateur » (« Défendre les Grecs contre la Troïka », dit-on) – pour constituer des identités politiques « nationales-populaires » (Gramsci), comme en Amérique latine ?

Je me situe, de par ma formation intellectuelle au sein du marxisme, à la convergence de ces deux dimensions : associer la dimension de classe et la dimension nationale-populaire. Cela me paraît d’autant plus pertinent dans le cadre des pays dominés comme la Grèce. Disons-le sans ambages : l’Union européenne est une construction impérialiste – par rapport, certes, au reste du monde, mais aussi en interne, au sens où elle reproduit des rapports de domination impériale en son sein. On peut distinguer au moins deux périphéries : la périphérie Est (les anciens pays socialistes), qui sert de réservoir de main-d’œuvre bon marché, et la périphérie Sud (c’est un sud géopolitique, et non géographique, qui inclut l’Irlande). Ces pays sont soumis à des régimes de souveraineté limitée de plus en plus institutionnalisés via la mécanique des mémorandums. Quant à la force du vote « non » au référendum, elle vient de l’articulation de trois paramètres : la dimension de classe, la dimension générationnelle et la dimension nationale-populaire. Cette dernière explique pourquoi le « non » l’a emporté même dans les départements de tradition conservatrice. Je pense que pour devenir hégémonique, la gauche a besoin de tenir les deux bouts. D’abord, une identité de classe adaptée à l'ère du néolibéralisme, du capitalisme financier et des nouvelles contradictions qui en résultent — la question de la dette et des banques est un mode essentiel (mais non unique) sur lequel repose aujourd’hui l’antagonisme entre Travail et Capital. Par ailleurs, ces forces de classe doivent prendre la direction d’un bloc social plus large, capable d’orienter la formation sociale dans une nouvelle voie. Il devient ainsi bloc historique qui « se fait Nation » , autrement dit, qui assume une hégémonie nationale-populaire.Antonio Gramsci a beaucoup travaillé là-dessus, oui : articuler la dimension de classe et nationale-populaire.

« Je pense que pour devenir hégémonique, la gauche a besoin de tenir les deux bouts : la dimension de classe et la dimension nationale-populaire. »

Il s’agit d’une question complexe, qui se pose différemment selon chaque histoire nationale. En France, ou dans les nations anciennement coloniales et impérialistes, la notion nationale-populaire ne se pose pas de la même façon qu’en Grèce ; comme elle ne se pose de la même façon en Grèce qu’en Tunisie, ou dans un pays asiatique ou latino-américain. L’enjeu est d’analyser les contradictions propres des formations sociales. Ceci étant dit, la force de Syriza, et plus largement de la gauche radicale grecque (qui a un enracinement profond dans l’histoire contemporaine du pays et dans les luttes pour la libération nationale), est qu’elle combine la dimension de classe et la dimension nationale-populaire.

Le scénario grec a permis de dessiller les yeux des défenseurs de l’« autre Europe ». N’est-ce pas là le grand succès de Syriza : avoir révélé en quelques semaines la nature anti-démocratique des institutions européennes ? Par exemple, le dernier vote au Parlement grec a donné à voir un spectacle ahurissant : des députés qui doivent se prononcer sur un texte de 977 pages, reçu 24 heures plus tôt…

Il faut bien que les défaites servent à quelque chose ! Malheureusement, ce que je vois dominer, même maintenant, dans la gauche radicale, ce sont des réflexes d’auto-justification : malgré tout, il faut trouver des excuses à ce que fait Tsipras, tourner autour du pot, laisser croire qu’il ne s’agit que d’un mauvais moment à passer, etc. J’espère que ce n’est qu’un mécanisme psychologique transitoire face à l’étendue du désastre et que nous aurons rapidement le courage de regarder la réalité en face, le courage de réfléchir sur les raisons de ce désastre. Je ne sais pas, pour ma part, ce qu’il faut de plus comme démonstration éclatante de l’inanité de la position selon laquelle on peut rompre avec le néolibéralisme dans le cadre des institutions européennes ! L’un des aspects les plus choquants des développements qui font suite à la signature de l’accord est qu’on est revenu exactement à la situation de 2010-2012, en matière de démocratie, ou plutôt de sa négation ! À savoir que même les procédures formelles de la démocratie parlementaire – on voit d’ailleurs qu’elles ne sont pas que formelles au regard des efforts déployés pour les supprimer – ne sont pas respectées. Les députés n’ont eu que quelques heures pour prendre connaissance de pavés monstrueux qui changent de fond en comble le code de procédure civile : 800 pages, qui faciliteront la saisie des maisons ou renforcent la position juridique des banques en cas de litige avec des emprunteurs. En outre, on trouve dans ce même projet de loi la transposition d’une directive européenne sur l’intégration au système bancaire européen, qui permet, en cas de faillite des banques, de pratiquer ce qu’on appelle un « bail-in », c’est-à-dire un prélèvement sur les dépôts bancaires pour renflouer les banques. Le cas chypriote se généralise à l’échelle de l’Europe. Tout cela a été voté le 22 juillet par les mêmes procédures d’urgence que Syriza n’avait cessé de dénoncer durant toutes ces années, et qu’il est désormais obligé d’accepter puisqu’il a capitulé devant les créanciers. Le mot « capituler » est sans doute faible. J’ai vraiment des réactions de honte quand je vois un parti dont je suis toujours membre être au gouvernement et se livrer à ce type de pratiques, qui tournent en dérision les notions les plus élémentaires du fonctionnement démocratique des institutions.

Après le vote par le Parlement grec de l’accord d’austérité et desdites « réformes structurelles », comment se redéfinit l’échiquier politique grec ? Va-t-on vers une scission de Syriza ou, du moins, une recomposition des forces de gauche radicale ? D’autant que les grèves repartent et la place Syntagma se remplit de nouveau...

La recomposition est certaine et elle sera de grande ampleur. Il est peut-être trop tôt pour en avoir les contours exacts mais j’aimerais insister sur deux éléments. Le premier est la situation interne de Syriza. Il faut bien comprendre que les choix du gouvernement Tsipras n’ont pas de légitimité au sein du parti. La majorité des membres du Comité central a signé un texte commun, dans lequel l’accord est rejeté et considéré comme le produit d’un coup d’État contre le gouvernement grec. Une convocation immédiate du comité central est exigée — et elle s’est heurtée à une fin de non-recevoir de Tsipras, président du parti élu, lui-aussi, directement par le Congrès. La quasi-totalité des fédérations du parti et des sections locales votent des motions dans le même sens. On est devant une situation de blocage. Du côté des proches de Tsipras, le ton devient extrêmement agressif envers ceux qui sont en désaccord avec les choix qui ont été faits. Il est très choquant de voir que certains membres du parti reprennent mot pour mot les arguments propagés par les médias, jusqu’aux calomnies qui présentent les défenseurs de plans alternatifs, comme Varoufákis ou Lafazanis, comme des putschistes, des comploteurs de la drachme, des alignés sur le Grexit, façon Schäuble. Nous avons donc peu de raisons d’être optimistes quant à l’évolution de la situation interne de de Syriza.

Mais l’essentiel est ailleurs. La gauche de Syriza, dans ses diverses expressions (même si la Plateforme de gauche en constitue l’épine dorsale), se fixe à présent comme objectif la traduction et la représentation politique du peuple du « non » aux mémorandums et à l’austérité. La situation nouvelle créée est que le bloc social, avec ses trois dimensions – de classe, de génération et national-populaire –, se retrouve désormais orphelin de représentation politique. C’est à cette construction politique qu’il faut maintenant s’atteler. Il s’agit de rassembler, de façon très large, des forces politiques à l’intérieur et l’extérieur de Syriza. Les premiers signes qui nous parviennent sont positifs. Mais il est vital d’impliquer également dans ce nouveau projet des acteurs non strictement politiques, qui ont mené la bataille du « non » par en-bas, dans le mouvement social. C’est absolument extraordinaire : les initiatives, que ce soit sur les lieux de travail ou dans les quartiers, ont littéralement fusé en l'espace de quelques jours ; d’autres se sont créées dans la foulée du référendum ou se constituent actuellement.

L’image que véhiculent les médias, selon laquelle « en Grèce, tout le monde est soulagé, Tsipras est très populaire », est très loin de la réalité. Il y a un très grand désarroi, de la confusion, une difficulté à admettre ce qui s’est passé. Un ami a utilisé le terme de « choc post-traumatique ». Cela signifie qu’une partie de l’électorat du « non » est dans un tel désarroi qu’elle ne sait plus sur quel pied danser et se dit qu’il n’y avait peut-être pas d’autre choix possible. Mais nombreux sont ceux, surtout parmi les secteurs sociaux les plus massivement engagés dans le « non » – à savoir les jeunes et les milieux populaires –, qui sont révoltés et disponibles pour participer ou soutenir un projet alternatif. La Plateforme de gauche tient son premier meeting public au grand air à Athènes, lundi prochain [27 juillet — aujourd'hui]. Le titre de cette manifestation sera : « Le non n’est pas vaincu. Nous continuons. » Il faut construire de façon nouvelle la voix du « non » de classe, démocratique et anti-Union européenne.

C’est la stratégie qu’aurait dû entreprendre la gauche radicale française suite à la victoire du « non » au référendum sur le Traité Constitutionnel Européen en 2005, non ?

Exactement. Et au lieu de ça, elle a régressé et s’est empêtrée dans des luttes de boutique internes. Au lieu de pousser la critique de l’UE plus loin, à partir de l’acquis de la campagne du « non », elle est revenue en arrière et n’a cessé de rabâcher la litanie de « l’Europe sociale » et de la réforme des institutions européennes...

Le projet d’une plateforme commune des gauches radicales sud-européennes, afin d’établir un programme concerté de sortie de l’euro, est-il envisageable ?

« Ce qui m’intéresse est une stratégie anticapitaliste pour ici et maintenant, dans un pays européen et dans la conjoncture où nous vivons. »

Depuis 35 ans, j’essaie d’être un militant communiste. Ce qui m’intéresse est une stratégie anticapitaliste pour ici et maintenant, dans un pays européen et dans la conjoncture où nous vivons. Et je considère effectivement que cela serait la médiation nécessaire afin d'établir une stratégie anticapitaliste effective, non pas basée sur un propagandisme abstrait ou sur des velléités de répétition des schémas anciens dont on sait pertinemment qu’ils ne sont plus valides, mais sur les contradictions actuelles ; une stratégie qui tire les leçons des expériences politiques récentes, des luttes, des mouvements sociaux et qui essaie d’avancer dans ce sens, en posant la question du pouvoir et de la stratégie politique. Ce n’est donc pas simplement un projet prétendument « anti-européen », ce n’est d’ailleurs pas un projet limité à l’Europe du Sud, mais un projet authentiquement internationaliste — qui suppose en effet des formes de coordination plus avancées des forces d’opposition au système. Ce qu’il faut, c’est une nouvelle gauche anticapitaliste. Et l'une des conditions, non pas suffisante mais nécessaire pour y parvenir, est d’ouvrir un front résolu contre notre adversaire actuel, c’est-à-dire l’Union européenne et tout ce qu’elle représente.

Dans vos interviews, écrits et articles, vous avez pris l’habitude d’écrire systématiquement entre guillemets « la gauche de la gauche » ou « la gauche radicale ». Cette incapacité à se définir clairement – sans ambages ni guillemets – marque-t-elle le signe que les identités politiques héritées du XXe siècle sont, pour partie, devenues obsolètes ?

Le terme de « gauche radicale » est sans doute utile car il correspond à cette situation mouvante. On est dans un entre-deux et les formulations souples sont nécessaires, ou du moins inévitables, pour permettre aux processus de se déployer de façon nouvelle, en rupture avec des schémas préétablis. Ce qui caractérise Syriza sont ses racines très profondes dans le mouvement communiste et la gauche révolutionnaire grecque. En d’autres termes, Syriza est issu de la recomposition de mouvements dont le but commun était la remise en cause, non pas seulement des politiques d’austérité ou néolibérales, mais du capitalisme lui-même. Il y a donc d’un côté un aspect de radicalité réelle, mais de l’autre, on a vu que la stratégie choisie était profondément inadéquate et renvoyait à des faiblesses de fond et, par là même, à des contradictions dans la constitution de Syriza, qui n’a pas résisté à cette épreuve terrible du pouvoir gouvernemental. La contradiction a ainsi fini par éclater. Il s’agit à présent d’assumer ce fait et de passer à une étape suivante pour que cette expérience chèrement acquise par le peuple grec et les forces de la gauche de combat servent au moins à ouvrir une perspective d’avenir.

NOTES

1. Entretien accessible en ligne sur http://fischer02003.over-blog.com/2015/04/interview-d-euclide-tsakalotos.html.
2. « Le courage du désespoir » accessible en ligne sur http://bibliobs.nouvelobs.com/idees/20150720.OBS2830/exclusif-le-courage-du-desespoir-par-slavoj-i-ek.html

REBONDS

☰ Lire notre carnet de route (2), « Grèce : six mois pour rien ? », juillet 2015
☰ Lire notre carnet de route (1), « L’Europe agit comme si elle était en guerre contre les Grecs », juillet 2015
☰ Lire notre entretien avec Cédric Durand, « Les peuples, contre les bureaucrates et l’ordre européen », juillet 2015
☰ Lire notre entretien avec Sofia Tzitzikou, « La dignité du peuple grec vaut plus qu’une dette illégale, illégitime et odieuse », juillet 2015
☰ Lire notre traduction de l'entretien de Pablo Iglesias : « Faire pression sur Syriza, c’est faire pression sur Podemos, pour montrer qu’il n’y a pas d’alternative », mai 2015
☰ Lire notre traduction de l'article « Assassiner l'espoir », Slavoj Zizek, avril 2015
☰ Lire notre entretien avec Joëlle Fontaine, « Difficile pour la Grèce d’être souveraine suite aux menaces de l’Union européenne », février 2015

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6 août 2015 4 06 /08 /août /2015 16:22

Suite aux interventions de Roger HERE conseiller municipal PCF - FDG de Plouigneau, des militants PCF et FDG de Plouigneau, le Préfet a pris la décision de mettre un terme à la carrière sauvage de Kerveguen à Plouigneau.

Plouigneau : le Préfet met un terme à la carrière
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6 août 2015 4 06 /08 /août /2015 12:06

DU COCHON à L'ART

16 JUILLET 2015 | PAR MICHEL KERNINON

Depuis des semaines en Bretagne, des producteurs laitiers et des éleveur de porcs occupent et saccagent les hypermarchés des grandes enseignes aux logos bien connus, créées par des Bretons, comme Leclerc et Intermarché

Ces enseignes, qui aujourd'hui pressurisent les agriculteurs sur les prix à la production, ont eu précédemment sur le plan humain d'autres résultats négatifs. Elles sont en effet parvenues à vider de leurs commerces les centres des villes et des villages. La Bretagne fourmille d'exemples de cette dévitalisation urbaine. D'autant que les emplois créés en périphérie sont peu qualifiés et à temps partiel non choisi pour l'essentiel.

Tout en s'enrichissant grassement, les industriels de l'agro-alimentaire -(qui souvent furent à l'origine des coopératives agricoles d'entr'aide à la production et à la commercialisation des produits, n'ont plus aujourd'hui de "coopératif" que le nom)- et les pontes de la "distribution", mot inventé par Edouard Leclerc, verrouillent toute la chaîne. Grandes surfaces et usines de transformation appartiennent aujourd'hui souvent aux mêmes propriétaires.

Pas étonnant que les pontes de la grande distribution et de l'agro-alimentaire comptent aujourd'hui parmi les plus grosses fortunes des régions, en Bretagne notamment. Mais certains d'entre eux doivent culpabiliser. En raison de leur fortune rapidement acquise, ils tentent de sublimer leur image dégradée dans le public. Ils sponsorisent donc des événements festifs locaux, ou créent des fondations flatteuses, comme la Fondation Leclerc.

Celle-ci, pour monter ses prestigieuses expositions sans prendre trop de risque, fait régulièrement cracher au bassinet les propriétaires de magasins à son enseigne. Hier, c'était pour exposer Miro, actuellement c'est pour exposer Giacometti à Landerneau. Mais Leclerc a beau faire dans l'art, l'enseigne reste la cible privilégié des petits producteurs. Ils sont furieux des prix trop bas fixés par la grande distribution. Récemment d'ailleurs l'enseigne Leclerc et ses concurrents et/ou alliés ont été lourdement condamnées pour leur entente sur les prix et pour avoir imposé des rétrocommissions illégales.

Ces nouveaux riches de la distribution, devenus les manitous intouchables du commerce français, fixent des prix d'achat toujours jugés à la baisse par les producteurs. Les consommateurs, qui pour la plupart sont aussi des salariés, auraient donc tout intérêt à réfléchir à leur comportement personnel en matière d'achat. En se fournissant par exemple au niveau local et en produits locaux. On gagne forcément en qualité, et souvent en prix par l'échange de proximité entre producteurs et consommateurs. Les groupements de locavores et autres paniers bio commencent à se développer, même si malheureusement des fédérations de coopératives biologiques fortes de leur développement adoptent de plus en plus les pratiques en cours dans la grande distribution. Quitte à détourner d'eux des consommateurs hostiles à leur assimilation libérale en cours.

Mais la consommation privilégiant des achats de produits de proximité garantit une traçabilité de prix comme de qualité. Les consommateurs participent ainsi directement au développement local de l'emploi et encouragent la qualité des produits de l'agriculture. Et peuvent au moins partiellement libérer des paysans d'une dépendance excessive aux grandes marques et les intermédiaires offrant des prix d'achat qui les mettent à genoux, et pire.

Difficile d'ignorer l'omniprésence des leaders "syndicaux" majoritaires de la FNSEA et des différentes fédérations départementales qui occupent la scène lors de certaines manif' paysannes. Et on y compte encore parfois quelques bonnets rouges à la double casquette comme l'inévitable Merret dans le Finistère.

Mais la plupart des paysans qui galèrent aujourd'hui en raison même des dysfonctionnements d'un système initié par les "gros" de l'agro-businesset et fait pour enrichir les déjà "gros", ne sont pas dupes du scénario qu'on leur propose. Et la rébellion fait tache d'huile en Bretagne. Que ce soit pour le porc, pour le lait ou pour d'autres productions. On comprend bien pourquoi le céréalier Beulin, président national de la FNSEA, n'a pas été particulièrement bien reçu à Saint-Brieuc l'autre jour, par les paysans bretons. Et on comprend aussi que l'art présenté à Landerneau par Michel-Edouard Leclerc et sa fondation ne suffit pas à remonter le moral des producteurs de porcs.

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6 août 2015 4 06 /08 /août /2015 06:30
Des paysans cambodgiens attaquent le groupe Bolloré en justice (L'Humanité)

http://www.humanite.fr/des-paysans-cambodgiens-attaquent-le-groupe-bollore-en-justice-580572?IdTis=XTC-FT08-AZN94P-DD-D778C-FHTL

Des paysans cambodgiens privés de leurs terres viennent d’intenter une action en justice contre le groupe que préside Vincent Bolloré devant le tribunal de grande instance de Nanterre.

Outre ses activités chez Vivendi et le groupe Canal + dans lequel il tente de peser sur la ligne éditoriale, Vincent Bolloré a constitué sa fortune dans les activités portuaires en Afrique avec le groupe « Bolloré Africa Logistics » et, depuis quelques années, dans l’exploitation à grande échelle des terres agricoles en Afrique et en Asie via le groupe Socfin.

Une cinquantaine de paysans cambodgiens estime que leurs droits ont été piétinés par Bolloré qui développe la culture de l’hévéa sur la commune de Bousra à l’est du pays. Cette plante sert à produire du caoutchouc. Pour développer cette production agro-industrielle, une co-entreprise franco-cambodgienne a été créée et porte le nom de « Socfin-KCD ». Elle est née avec l’accord du gouvernement cambodgien. Outre l’hévéa, cette entreprise produits aussi de l’huile de palme, une des activités en plein développement dans le groupe Bolloré au Cambodge, en Indonésie et dans plusieurs pays africains dont le Cameroun. D’où les «expropriations » et les « déplacements de populations » dont sont victimes les paysans cambodgiens qui demandent des « restitutions de terres » et des « indemnisations », selon leur avocat maître Fiodor Rilov.

Le 5 juin 2015, une manifestation de protestation s’était déjà déroulée devant le siège du groupe Bolloré à la Défense. Il s’agissait cette fois de dénoncer les saccages de la « Socapalm » dont le groupe Bolloré est un des actionnaires et qui exploite au Cameroun 26.000 hectares de palmiers à huile. « Socapalm » est aussi une filiale de « Socfin», firme luxembourgeoise dont Bolloré déteint 39% des parts . En avril dernier le travail avait été bloqué dans les plantations de Dibombari au Cameroun par des ONG et des paysans privés de terres qui demandaient qu’on leur rétrocède une partie des superficies que l’Etat camerounais a attribué à la « Socapalm ».

Neuvième fortune de France avec plus de 11 milliards d’euros, Vincent Bolloré développe à travers le monde une activité prédatrice qui consiste à accaparer des terres agricoles et à défricher des forêts primaires pour y développer des cultures de rente comme l’hévéa et le palmier à huile. Outre la spoliation des populations privées de leurs terres nourricière et souvent contraintes à l’immigration vers des bidonvilles, les activités du groupe Bolloré sont aussi fortement émettrices de gaz à effet de serre. On peut donc dire que la fortune de Vincent Bolloré se constitue en accélérant le réchauffement climatique dont les populations pauvres sont aussi les premières victimes. Voilà de quoi développer un excellent plaidoyer devant le tribunal de grande instance de Nanterre.

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5 août 2015 3 05 /08 /août /2015 13:22
« Les migrants doivent accéder à l’asile dans le pays de leur choix »

Émilien Urbach et Gérald Rossi

Mercredi, 5 Août, 2015

L'Humanité

La droite et le gouvernement se sont lancés dans une surenchère nauséabonde à l’égard des exilés massés à Calais. Militants associatifs et élus de gauche font des propositions pour répondre aux drames vécus par les migrants et sortir l’Europe de l’impasse sécuritaire.

« Eurotunnel lance un chiffre sur le nombre de migrants ayant passé les barrières du tunnel. La préfecture en communique un autre revu à la baisse. Le Figaro annonce 2 200 personnes. Bernard Cazeneuve en annonce 2 000. Alors la préfecture revoit son chiffre à la hausse… En réalité rien n’a évolué depuis des semaines et on assiste, aujourd’hui, à une surenchère médiatico-politique. » Pour Philippe Wannesson, membre du collectif Migreurop, à Calais, et animateur du blog Passeur d’hospitalité, l’actuel brouhaha médiatique sur les exilés massés à Calais part d’un « non-événement » et permet surtout de ne pas se poser les bonnes questions.« Les discours de beaucoup d’élus et responsables de droite et d’extrême droite nous plongent directement dans une phase électoraliste, dans la pire des politiques politiciennes, s’emporte pour sa part Jacky Hénin, député européen et ancien maire communiste de Calais. Ils semblent découvrir que s’est créé, à Calais, un vaste bidonville… Lorsque, dans le monde, une catastrophe se produit, on installe des camps de réfugiés, le Haut-Commissariat aux réfugiés organise un minimum de sécurité sanitaire et de sécurité des personnes. À Calais rien de tout ça. »

La dérive xénophobe de la droite et du gouvernement

Les militants politiques et associatifs présents quotidiennement dans la ville sont unanimes pour condamnés la dérive sécuritaire et xénophobe des responsables de droite et du gouvernement. « Nous ne sommes pas tous d’accord entre associations, mais nous faisons tout de même des propositions concrètes, reprend Philippe Wannesson. On pourrait utiliser le parc foncier vacant, à Calais et dans les communes avoisinantes, pour y créer des unités d’accueil à taille humaine, regroupant 30 à 50 personnes, intégrées dans le territoire, et dans lesquelles les migrants pourraient s’autogérer. En parallèle, des professionnels pourraient être formés à l’accompagnement de ces populations. » Pour ce militant de la solidarité, la priorité est de permettre l’accès à l’information, aux droits et aux soins à tous ces chercheurs d’asile. Et pour lui l’argument du manque de moyens financiers ne tient pas. « On trouve de l’argent pour monter des murs de barbelés. Pourquoi ne l’utiliserions-nous pas pour permettre un accueil digne à ces personnes ? »

« On doit leur permettre de faire leur demande d’asile dans le pays de leur choix et arrêter de les obliger à se blesser, voire pire, ajoute Christian Salomé, de l’Auberge des migrants. Plutôt que de monter de nouvelles barrières de barbelés, il faut privilégier l’aspect humain. » Dans le fond, un tel changement nécessiterait que l’Union européenne abandonne les accords de Dublin, qui continuent d’obliger les candidats à l’exil à faire leur demande de protection dans le premier pays européen où ils ont été enregistrés. « De plus, on ne peut pas bloquer la frontière, continue le responsable associatif. Ce qu’on fait, c’est la rendre plus dangereuse et plus chère pour ceux qui doivent payer des passeurs. » Et d’ajouter : « Ça n’arrêtera pas les guerres de rendre le passage en Angleterre plus difficile. » Car les solutions de fond passent aussi par des choix politiques qui permettent à ces populations de pouvoir vivre dignement dans leur pays. « Pour cela il faudra que les guerres cessent, que les ventes d’armes soient stoppées, bref que les droits de l’homme deviennent partout une vraie valeur », reprend, à son tour, Jacky Hénin. Des considérations passablement éloignées des logiques politiciennes dans lesquelles se complaît une partie de l’échiquier politique pour ne pas se confronter aux vraies préoccupations des migrants et de la population calaisienne. « Quand des hommes politiques, comme Gérard Larcher (du parti de Nicolas Sarkozy – NDLR), président du Sénat, se mettent à raconter que ces personnes seraient responsables du chômage, c’est pour le moins surprenant, grince l’ancien édile communiste. Le chômage, qui dans la ville est passé de 13 à 17 % sous la gestion de l’équipe de droite, s’explique, en réalité, par la casse patronale du tissu industriel et commercial. MyFerryLink en est le dernier exemple en date. »

« Ces migrants sont prêts à tout pour se retrouver dans un pays où ils pourront vivre tout simplement, ajoute la députée européenne Front de gauche Marie-Christine Vergiat. Et nous, qu’est-ce qu’on leur donne ? Toujours plus de barbelés et de policiers, alors qu’on devrait ouvrir des voies légales d’accueil. »

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5 août 2015 3 05 /08 /août /2015 13:16
Pierre Laurent: "L'amalgame fait par la Turquie entre le PKK et Daesh est inacceptable"

Le secrétaire national du Parti communiste français, Pierre Laurent, a écrit à François Hollande, l’enjoignant à agir "pour que la Turquie stoppe ses opérations contre le PKK et revienne à la table des négociations".

Monsieur le Président,

Je souhaitais vous faire part de mes plus vives inquiétudes suscitées par les opérations militaires turques engagées par le Président R.T. Erdogan ces dix derniers jours.

Sous la pression évidente des États-Unis, le président Erdogan a lancé des frappes contre les positions de Daesh en Syrie mais les a accompagnées dans le même temps de frappes contre les positions du PKK en Irak et en Turquie, brisant le cessez-le-feu décrété en 2013 à l'initiative du PKK. Le chef de l'État turc a annoncé qu'il rompait le processus de négociations avec Abdullah Öcalan.

Ces actions sont inacceptables et doivent être condamnées fermement.

Depuis l'attentat du 20 juillet à Suruç tuant 32 jeunes et faisant des centaines de blessés, attentat qui n'a toujours pas été revendiqué par Daesh, ces opérations militaires hors du territoire turc s'accompagnent en Turquie même de l'installation d'un climat de terreur et de répression contre la population, avec l'utilisation de balles réelles contre des manifestants et plus de 1 500 arrestations – pour l'essentiel des membres et élus du HDP, des syndicalistes, des militantes féministes, et des jeunes.

Qui plus est, des poursuites « pour soutien à la rébellion » sont engagées contre Selahattin Demirtaş et Figen Yüksekdag, co-présidents du HDP qui vient de recueillir 13,1% des suffrages aux législatives du 7 juin et qui est désormais le 4e groupe parlementaire avec 80 députés offrant à la Turquie un espoir de paix et de démocratie longtemps attendu.

Je vous demande instamment d'intervenir en faveur de la protection des co-présidents du HDP, Selahattin Demirtaş et Figen Yüksekdag. Selahattin Demirtaş a réagi à ces accusations par des paroles fortes de paix, affirmant qu'il ne laisserait pas le pays plonger dans la guerre et en lançant un appel à l'union et à la responsabilité.

Mais le chef de l'État turc fait la démonstration que sa priorité n'est pas la lutte contre l'État islamique ni la « lutte contre le terrorisme ».

Le président Erdogan, contrarié dans son projet de nature dictatoriale, veut aujourd'hui se débarrasser par la force d'une opposition démocratique dotée d'un projet d'avenir pour le pays et qui bénéficie du soutien populaire. Nous ne pouvons rester indifférents à ces atteintes à la démocratie ni à la violence qui les accompagne.

La politique du président Erdogan est lourde de dangers pour la démocratie, pour la paix et pour toute la population de Turquie, de même que pour les populations du nord de la Syrie et du Rojava, ainsi que celles du Kurdistan irakien dont le ministre des relations extérieures a exigé, vendredi, l'arrêt des bombardements. L'action militaire et répressive de la Turquie est de nature à précipiter la région, déjà en guerre, dans un embrasement dont nul ne peut, vous le reconnaîtrez, prévoir l'issue.

Nombreux reconnaissent aujourd'hui ce que je dénonçais depuis longtemps pour l'avoir constaté lors de ma visite à Suruç en octobre dernier. Les forces de Daesh ont largement bénéficié du soutien de la Turquie, passant aisément la frontière turco-syrienne pour s'approvisionner en armes, matériels et combattants alors que les volontaires kurdes se portant au secours de la population de Kobanê étaient empêchés de passer. J'ai pu constater aussi à quel point les autorités turques ont fait peser sur les seules municipalités dirigées par le HDP (les villes de Diyarbakir, Suruç, Nusayibin, Cisré, Mârdin) la responsabilité et le poids de l'accueil et de l'aide aux dizaines de milliers de réfugiés irakiens et syriens, notamment Yézidis et ceux arrivés de Kobanê, autrement dit ceux sauvés et aidés par le PKK.

Vous qui, à titre personnel, avez reçu la commandante des forces YPG de Kobanê en février dernier en soulignant l'action majeure des YPG qui ont infligé leur première défaite militaire et politique aux obscurantistes de Daesh, vous n'êtes pas sans savoir le rôle incontournable que joue le PKK pour la paix, la liberté, le progrès et la démocratie dans la région.

La France ne peut donc rester silencieuse et doit activement oeuvrer au retour de la paix et de la démocratie, à un cessez-le-feu et à la reprise des négociations avec le PKK que son dirigeant A. Öcalan engageait, en mars dernier, dans l'étape historique du désarmement, étape saluée par le président Erdogan lui-même.

Il est du devoir de la France de se démarquer nettement des soutiens, en particulier américains, apportés à la Turquie au cours de la réunion de l'OTAN du 28 juillet dernier. Cela signifie la suspension de toute coopération militaire, policière ou judiciaire avec le régime d'Ankara qui a fait le choix d'une répression brutale contre quiconque s'oppose à sa politique. La France ne peut, de près ou de loin, se trouver complice d'une telle politique ni de telles atteintes aux droits humains.

Notre devoir est également de mettre tous les moyens politiques et diplomatiques en oeuvre pour obtenir un cessez-le-feu avec les forces du PKK et pour une initiative de relance du processus de paix en Turquie qui doit être placée sous les auspices de la « communauté internationale ».

L'avancée dramatique de l'État islamique en Irak et en Syrie ne peut être stoppée en frappant les rares forces de progrès qui résistent avec courage, et succès, contre Daesh. Je réitère ici ma demande solennelle de voir la France prendre l'initiative pour que l'Union européenne sorte le PKK de la liste des organisations terroristes. Le courage politique de la France doit être à la hauteur du courage de ces femmes et hommes qui, sans moyen adéquat, vont au feu contre une force, l'État islamique, largement mieux équipée et soutenue, directement et indirectement, par des puissances régionales.

L'amalgame fait par la Turquie entre le PKK et Daesh est inacceptable et doit être dénoncé. Notre pays ne peut cautionner les bombardements turcs et doit agir pour que la Turquie stoppe ses opérations contre le PKK et revienne à la table des négociations.

L'avenir du Proche et du Moyen-Orient ne peut en aucun cas se dessiner dans l'appui, même implicite, d'une puissance membre du Conseil de sécurité de l'ONU comme la France à la stratégie autoritaire opportuniste du président turc.

Je vous prie d'agréer, Monsieur le Président, l'expression de ma haute considération.

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5 août 2015 3 05 /08 /août /2015 07:05

communiqué du Front de Gauche du Pays de Douarnenez sur la crise agricole.

CRISE AGRICOLE : CHANGER DE MODELE

Trois ans après les soubresauts de l'empire Doux, moins de 2 ans après la liquidation de l'entreprise Gad, le secteur agricole connaît une nouvelle crise d'une gravité rarement atteinte.

Ce sont toutes les filières d'élevage qui sont entrées dans la tourmente avec un effondrement des cours qui risque de conduire à la disparition de milliers d'exploitations agricoles avec de probables et graves conséquences pour l'emploi dans les entreprises d'amont et d'aval (fournisseurs, transformateurs...).

Le plan d'urgence en faveur de l'élevage que vient de présenter le Gouvernement peut momentanément circonscrire l'incendie et apaiser les tensions.

Il ne répond au problème que par des mesures financières à court terme sans mesures politiques dignes de ce nom; c’est finalement une forme d’aumône qui ne changera pas les règles du jeu.

De ce point de vue, ce plan n'est pas de nature à résoudre durablement la crise en cours.

Pour le Front de Gauche, ce qui est en cause, c'est la poursuite d'un modèle agricole à bout de souffle où les agriculteurs deviennent des fournisseurs de matière première à bas prix.

Ce modèle est directement percuté par la logique libérale d'une Europe où il n'y a plus d'autre instrument de régulation que la « main invisible » du marché dominé par les oligopoles de la distribution ; un marché où règne le dumping social et environnemental pratiqué par certains Etats.

La suppression des quotas laitiers en est le triste symbole.

Et si le prix du boeuf payé à l'éleveur n'a quasiment pas bougé depuis des décennies, il a augmenté de 35 % pour le consommateur sur les 10 dernières années !

La question fondamentale qui est posée, c'est de savoir quel type d'agriculture on veut pour l'avenir :

Soit une agriculture hyper industrialisée,avec une concentration des exploitations de type « fermes des 1000 vaches » et un accroissement des importations d'aliment pour le bétail, se situant dans la logique concurrentielle du marché mondial et conduisant à une désertification rapide des territoires ruraux.

Soit une agriculture en rupture avec le modèle productiviste et libéral,basé sur les principes de souveraineté alimentaire et de coopération internationale :

Elevage lié au sol, maîtrise des productions et régulation dynamique à l'échelle européenne, partage des droits à produire, prix garantis et rémunérateurs permettant aux agriculteurs de vivre décemment de leur travail, soutien clair aux pratiques agricoles respectueuses de l'environnement, aménagement équilibré du territoire.

Et çà, c'est un véritable choix de société.

Crise agricole: changer de modèle. Communiqué du Front de Gauche du Pays de Douarnenez
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3 août 2015 1 03 /08 /août /2015 06:44

« Nous voulons l’internationale de la liberté, de la paix, de la justice et du droit ouvrier ». Ces paroles de Jean Jaurès ont été rappelées par Patrick Le Hyaric, directeur de l’Humanité et député au Parlement européen, lors de la commémoration du 101ème anniversaire de l'assassinat du fondateur de l'Humanité. Entouré d'élus, de lecteurs et de personnels du journal venus pour cet hommage au Café du Croissant à Paris, il a déclaré : « Jaurès, c’est la clairvoyance pour que la politique, la coopération et la diplomatie prennent en permanence le pas sur la guerre économique et militaire ».

Réalisation : Abrahim Saravaki

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