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2 septembre 2019 1 02 /09 /septembre /2019 18:59

Israël doit cesser ses surenchères guerrières (PCF)


Depuis plusieurs semaines, Israël multiplie les surenchères guerrières et les frappes aériennes contre les positions iraniennes et celles de ses alliés au Moyen-Orient. Les bombardements récurrents en Syrie s'élargissent désormais à l'Irak et au Liban. En juillet, Bagdad a dénoncé ces actes d'agressions interdisant le survol de son territoire aux armées étrangères tandis que ces derniers jours le sud de Beyrouth étaient survolés par des drones israéliens provoquant de graves destructions. Le président Michel Aoun avait évoqué un acte de guerre sans précédent depuis 2006. Dimanche, une étape nouvelle dans les affrontements a été franchie par un échange de tirs entre l'armée israélienne et le Hezbollah. Le premier ministre libanais Saad Hariri en appelle désormais à Paris et à Washington.


Ces confrontations s'inscrivent dans le cadre des tensions américano-iraniennes depuis que Donald Trump s'est retiré de l'accord sur le nucléaire. Des sanctions maximales, aux effets dévastateurs, ont plongé Téhéran et le peuple iranien dans le désastre économique.


L'escalade et les provocations se poursuivent dans le détroit d'Ormuz menaçant la région d'un embrasement généralisé. De nombreux pays commencent à prendre la mesure des dangers d'une conflagration alors que les appels au dialogue se multiplient afin de sortir de cette impasse mortifère. Israël voit dans ces affrontements l'opportunité de porter des coups décisifs à l'Iran, au Hezbollah libanais mais aussi à la résistance du peuple palestinien.

Tel-Aviv attise, par ses attaques, une fuite en avant belliciste et tente de saborder les tentatives fragiles de médiation dans cette crise. B. Netanyahou, confronté à des difficultés intérieures à l'occasion des prochaines législatives, espère également engranger les bénéfices d'une politique qui saborde toutes perspectives de paix.


Le PCF condamne avec la plus grande fermeté les bombardements israéliens en violation de la légalité internationale confortant la colonisation et l'annexion des territoires palestiniens de Cisjordanie et Gaza. Le PCF appelle la France mais aussi les pays de l'Union européenne à agir pour désavouer et sanctionner la politique d'Israël en suspendant l'accord UE-Israël dont Tel Aviv viole l'article 2 sur le respect des droits humains et du droit international.


Parti communiste français,


Paris, le 2 septembre 2019.

Israël doit cesser ses surenchères guerrières (PCF, 2 septembre 2019)
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2 septembre 2019 1 02 /09 /septembre /2019 17:51

Après le G7 qui s’est réuni dans une ambiance de bunker à Biarritz du 24 au 26 août ,le G7 des parlementaires va se réunir à Brest du 5 au 7 septembre.

Celui-ci n’a d’autres ambitions que de tenter de donner une caution  démocratique au précédent.

Le PCF dénonce un cadre illégitime à décider du destin de la planète. Le G7 a réuni les fauteurs de guerre et d’austérité, les responsables de l’essor de la pauvreté et de l’absence de volonté de lutter contre le réchauffement climatique. Ce n’est ni chez les défenseurs du capitalisme financier et productiviste, ni chez les promoteurs des accords de libre-échange, ni chez les responsables de la fermeture des frontières contre les migrants, que les grands défis internationaux trouveront une solution dans l’intérêt des peuples. Le PCF dénonce un cénacle obsolète et fermé, qui ne représente même pas les plus grandes puissances économiques du monde d'aujourd'hui, sans la Chine, sans l'Inde, sans la Russie.

Les peuples n’ont pas besoin du G7. La crise climatique, sociale, économique, les risques de guerre, ne peuvent pas être résolus par ceux qui en sont responsables.

 L’heure est à une véritable initiative internationale portée par les peuples et les nations et consacrée aux urgences de la planète. C’est un véritable G195, sous l’égide de l’ONU, réunissant, à égalité, l’ensemble des membres de l’ONU auxquels il faut ajouter les peuples palestinien et sahraoui.

 Le PCF soutient l’adresse aux parlementaires  du Collectif finistérien pour l'Interdiction des Armes Nucléaires aux présidents des parlements du G7 .

 "En 2014, lors de sa 130° assemblée générale, l'Union Interparlementaire, organisation internationale dont votre parlement est l'un des 178 membres, a adopté une résolution « pour un monde exempt de l'arme nucléaire ».Depuis lors, l'ONU a voté un traité qui répond à ce vœu, mais qu'aucun de vos pays n'a à ce jour entériné. Pour le renforcement de la paix et de la sécurité du monde  nous vous exhortons en conséquence à AGIR sans attendre pour que vos gouvernements, répondant à l'aspiration de vos peuples, signent et ratifient le traité d'interdiction des armes nucléaires adopté par l'ONU le 7 juillet 2017"

 Il soutiendra aussi toutes les initiatives citoyennes et pacifiques pour la paix, le climat, la biodiversité ,la solidarité entre les peuples, les services publics , la justice sociale qui se tiendront en réaction à ce G7 .

G7 des parlementaires à BREST du 5 au 7 septembre : communiqué de la section PCF de Brest (30 août 2019)
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2 septembre 2019 1 02 /09 /septembre /2019 17:36
Morlaix vue du ciel (photo Valérie Scattolin)

Morlaix vue du ciel (photo Valérie Scattolin)

Les communistes travaillent depuis des mois avec d'autres partis de gauche à construire un projet mobilisateur de gauche pour les Morlaisiens et à même de faire évoluer la ville positivement, sur un plan démocratique, social, économique et écologique.

Nous construisons dans la diversité pour les Municipales conformément à l'adresse politique aux forces de gauche que le PCF avait adressé et publié en juin 2018, il y a 15 mois.

Celle-ci disait notamment:

" Nombreux sont les citoyens qui estiment à raison que la politique menée par le gouvernement du président Macron accentue les inégalités, fait subir des sacrifices supplémentaires aux catégories populaires, tout en favorisant les plus riches et les puissances financières.

Nous la percevons, nous aussi, comme une politique bonapartiste au service du monde de l'argent qui dévitalise la démocratie parlementaire et les communes, qui remet en cause très gravement les services publics et les dispositifs qui corrigent les inégalités sociales.

Au quotidien cela se traduit jusque dans nos communes par des difficultés accrues. Des baisses de dotation et des pertes d'autonomie budgétaire ont déjà été subies avec des conséquences lourdes les années précédentes mais Macron et Philippe poursuivent et amplifient cette trajectoire avec une quasi mise sous tutelle des collectivités et une volonté de réduire de manière drastique des dépenses des collectivités locales et de services publics.

Dans ce contexte dangereux pour les solidarités et notre démocratie locale, nous voulons des élus qui résistent à cette politique, la dénoncent et la combattent, et surtout qui donnent de l'espoir et montrent à l'échelle locale que d'autres choix, d'autres politiques publiques sont possibles, avec :

 Des politiques qui prennent à bras le corps la nécessité de promouvoir des solutions face aux crises écologiques et au dérèglement climatique (à travers le transport, la promotion des énergies renouvelables, d'une agriculture raisonnée, de la réduction des déchets et gaspillages, d'un aménagement urbain cohérent respectueux des espaces naturels et agricoles)

 Des politiques qui favorisent la qualité de vie de la population, en portant un effort particulier envers les catégories populaires et les plus précaires, envers les jeunes et les personnes âgées, avec une dimension sociale affirmée de manière très nette, visant la dignité, l'égalité d'accès aux droits et le bien-être de tous.

 Des politiques qui considèrent les citoyens comme des adultes, favorisent leur implication, leur consultation et leur participation à la vie publique et aux décisions qui les concernent, qui refusent la concentration du pouvoir et sa confiscation par quelques élus. Cela passe par le développement de la démocratie participative, par des bonnes pratiques de débat et de construction collective des choix dans les conseils municipaux et au conseil communautaire.

 Des politiques locales qui défendent les services publics (Hôpital, Santé, Bureaux de Poste, Écoles Publiques, Trésoreries, Fonction publique territoriale…), sans céder le terrain aux multinationales et au secteur marchand (transports, stationnement, gestion de l'eau) et sans tomber dans la démagogie sur le coût de la fonction publique et des fonctionnaires.

 Des politiques qui se mettent au service d'idéaux d'émancipation et d'une vie sociale active et solidaire accordant un rôle premier au secteur associatif, à la culture et à la vie sportive, à l'économie sociale et solidaire.

 Des politiques qui travaillent sur des bases réalistes mais aussi imaginatives à construire une stratégie globale pour le rebond économique et démographique du pays de Morlaix, passant par un phase de diagnostic, de recherche de potentialités, de travail en commun, de définition de priorités de développement, qui implique la population dans les choix et la réflexion. 

 Nous voulons que ces élections municipales soient un moment utile et important pour la reconstruction d'une alliance de gauche à vocation majoritaire face aux menaces représentées par la recomposition néo-libérale de Macron, par la droite et l'extrême-droite.

Si la gauche continue à se diviser, à être incapable de s'entendre sur l'essentiel et des projets utiles aux gens, il est probable que ces forces dangereuses pour notre modèle social et notre démocratie vont continuer à prospérer et à gagner du terrain, contre les intérêts du plus grand nombre.

Dans nos communes du territoire de Morlaix communauté, nous savons que beaucoup de citoyens sont attachés à des valeurs de justice sociale et de solidarité. Ceux-ci nous font part aussi de leur attachement en des idées de gauche, même si ce terme a perdu pour beaucoup un peu de son sens, du fait de politiques menées en son nom et qui, en réalité, n’en relevaient pas. Autour de nous nous entendons aussi de nombreux citoyens nous dire espérer et pouvoir compter sur le rassemblement des forces progressistes lors de l’échéance des élections municipales de 2020.

Nous souhaitons nous aussi ce rassemblement de la gauche, dans sa diversité. Pour notre part, nous pensons qu’il est possible de rassembler largement les forces de progrès, dans leur diversité et le respect de l’identité de chaque composante, pour offrir aux citoyens des communes du territoire de Morlaix communauté une politique conforme à leurs attentes. Loin d’être un obstacle, nos différences et nos sensibilités, ainsi que l’identité des différentes organisations auxquelles nous appartenons, peuvent au contraire constituer une richesse pour tracer ensemble les pistes d’orientations progressistes conformes aux attentes d’une grande partie de la population" .

Dans le cadre de "Morlaix en Commun" depuis octobre 2018 (avec le PS, Génération.s, le PRG, le PCF, puis l'UDB en membre observateur) nous avons échangé au moins une fois par mois, en profondeur, avec une vraie qualité d'écoute et un respect réciproque, sur les grandes orientations et thématiques qui nous semblaient décisives pour Morlaix et les Morlaisiens: emploi et économie, démocratie, logement, culture, sport, Morlaix et Morlaix-Communauté, Morlaix et le pôle urbain.

Nous n'avons mis en avant déjà de vraies convergences, sans finaliser un programme politique commun à ce stade. Nous travaillons à approfondir notre proposition politique, à construire une vision commune, sans cadenasser un projet complet "clef en main" car nous voulons que les citoyens puissent s'exprimer et nourrir ce projet politique de gauche qui mettra la démocratie participative au centre et nous avons aussi conscience qu'il faudra du temps pour construire des dispositifs qui marchent si nous sommes élus, en s'adaptant aux réalités imposées, en échangeant avec tous les partenaires de la municipalité, mais aussi en faisant de la concertation, de la recherche sur les pratiques dans d'autres communes et communautés de commune pour être les plus pertinents et efficaces possibles.

Nous avons rencontré une trentaine d'associations et d'acteurs économiques et sociaux pour nourrir notre diagnostic sur la ville et notre projet. Ces rencontres avec à chaque fois des représentants des différentes organisations politiques engagées dans "Morlaix en commun"  ont été particulièrement riches et profitables. Elles nous ont aussi donné la mesure de tout ce qui dysfonctionnait dans la gestion actuelle de la majorité municipale d'Agnès Le Brun, et de tout ce qui devait être amélioré et corrigé. 

Depuis 2008 et l'élection d'Agnès Le Brun comme maire et d'une majorité de droite, même s'il y a eu quelques réalisations intéressantes, Morlaix s'est globalement affaibli: perte de population significative (moins 1500 habitants),  Morlaix passant du statut de 3e ville à celui de 5e ville du Finistère, situation de l'emploi toujours aussi difficile, difficultés du centre-ville avec beaucoup de commerces qui ont fermé, relation dégradée avec l'exécutif de Morlaix-Communauté et un certain nombre d'associations, relation jugée de proximité, d'écoute bienveillante, de dialogue jugée insuffisante avec les habitants, les associations, les commerçants, aucun effort de démocratie participative et de construction collective d'un plan global pour redynamiser Morlaix, et pas que le centre-ville.  Des difficultés à construire des co-financements efficaces sur les projets d'investissement du fait d'une certaine arrogance et d'une forme d'isolationnisme, des difficultés à construire des politiques concertées et apaisées avec les communes voisines.

Tous ces éléments du bilan de la majorité d'Agnès Le Brun ne suffiront pas à faire élire une majorité de gauche même s'ils sont loin d'être reluisants. Pour cela, il faut dessiner un projet convaincant, correspondant aux attentes des habitants, les impliquer dans la construction de ce projet et travailler à l'union de l'ensemble de la gauche sur la base des valeurs et orientations politiques qui nous rassemblent, par delà certaines différences qui font aussi la diversité non réductible de la gauche.   

C'est pour cela que nous sommes déterminés et plein d'espoirs devant la perspective de rassemblement qui s'ouvre à nouveau entre Morlaix en Commun (PS, PCF, Génération.S, PRG, UDB comme membre observateur) et le collectif Morlaix Alternative citoyenne, soutenu actuellement par EELV et la FI.

L'union est nécessaire, elle est possible et souhaitable, à condition de faire chacun des efforts, de mettre au premier plan l'intérêt général et l'avenir de Morlaix, de savoir nous écouter, nous respecter, faire des compromis et construire du consensus, ce qui est aussi indispensable dans le cadre d'un mandat municipal.

Ces jours-ci nous aurons des échéances de rencontres et de discussions très importantes pour construire cette unité de la gauche politique, sociale, citoyenne, écologique, que nous appelons de nos vœux, face à la droite, En marche, et l'extrême-droite. Une unité de la gauche capable de créer un élan populaire autour de ces municipales à Morlaix.

Pour nous, ce qui est décisif dans une majorité municipale, c'est la proximité, l'écoute, des choix qui ne s'imposent pas sans discussion, concertation, dialogue, des dispositifs pour enregistrer les attentes des habitants et des quartiers.

Morlaix-Communauté : Démocratiser son fonctionnement :

- Un travail des commissions respecté

- Travail avec les représentants syndicaux, les associations, appel à participation citoyenne pour les grands dossiers

- Un projet de début de mandat construit collectivement et énoncé clairement

- Le respect du pluralisme à gauche

- Publicité des ordres du jour et des débats

- Faut-il continuer à avoir une gestion gauche-droite à l'exécutif ? Nous ne le pensons pas. Nous voulons d'une majorité de gauche assumant un projet clair et cohérent.

- C'est aussi aux élus de Morlaix Communauté des différentes communes de mettre la population dans la boucle avant les prises de position importantes et stratégiques.

Grand Morlaix :

- Associer les citoyens à la réflexion, aux étapes des décisions : leur consultation, sous une forme ou sous une autre, est indispensable et demande vraiment que les avantages, inconvénients, et scénarios concrets soient clairement pensés et présentés. Cela demande du temps.

- Partir de projets concernant les habitants plutôt que de contraintes économiques ou administratives.

Économie :

Contrôle des aides publiques, développement des secteurs porteurs d'avenir (industrie, bio-technologies, co-working...). Maintenir la présence des services publics sur le territoire.

Là où il faut travailler de manière prioritaire.

Le logement social, l'animation sociale et démocratique des quartiers, la petite enfance, Transports à l'échelle communautaire, Prise en charge des Personnes âgées, Réfugiés et Migrants (CADA, accompagnement de l'accueil, défense des droits des réfugiés et migrants), Culture (avec une école de musique inter-communale), défense et développement des services publics de proximité (Déchets, Gestion de l'eau, Transports où le choix de la régie publique doit être privilégié), développer les énergies alternatives, le tri, et une agriculture respectueuse de l'environnement et de la santé.

Dans les communes : Morlaix et les communes voisines :

- des élus qui par leurs orientations et leur discours de résistance portent d'autres orientations que celles, néo-libérales et autoritaires, portées par l'Etat. Résistance et alternative aux politiques libérales.

- la démocratie :

Conseils de quartiers, assemblées consultatives, conseil municipal des jeunes, budgets à disposition des citoyens

Consultation en amont des constructions de projets « clef en main »

Travail dans les commissions, débats en conseil municipaux sur le fond de la politique municipale et pas seulement sur des délibérations techniques.

Des citoyens, des employés municipaux, des associations et des élus : le choix d'une gestion collective et transparente

Continuer à construire après les élections le projet municipal en associant les habitants dans la définition et la mise en œuvre.

Dans les groupes majoritaires, partage de l'information, débat, prises de décision collective.

- les budgets :

Effort pour ne pas faire peser les contraintes austéritaires et économiques nationales sur les employés municipaux, les associations, les services publics rendus à la population (écoles, tarifs de cantine et de garderie, petite enfance, etc...). Dans le cadre d'une future majorité de gauche, pour les communistes, il nous apparaît important, en règle générale, de ne pas négliger les dépenses de fonctionnement par rapport aux dépenses d'investissement.

- des éléments forts de la vie sociale à soutenir, dynamiser et à penser de manière cohérente et réfléchie : la politique sociale et jeunesse, avec un souci particulier pour les catégories populaires, de l'accessibilité aux droits, l'accompagnement du vieillissement, la culture et le souci de partage des savoirs, de l'art, de la création, pour l'émancipation des individus, la santé (centre de santé, lutte contre la désertification médicale, défense de l'hôpital).

Nous voulons donc d'une municipalité qui donne la priorité aux besoins sociaux ordinaires, à l'égalité d'accès aux droits, à la vie quotidienne, sur les aspects de politique jeunesse et sociale, d'enfance, d'éducation, de transports, de défenses et d'extension des services publics. 

Nous voulons mettre la priorité sur les dépenses qui améliorent le quotidien des gens, l'égalité d'accès aux droits, la qualité du lien social, l'accès à la culture, aux sports. A ce titre, il nous semble important de ne pas réduire Morlaix à son centre-ville. Nous voulons travailler au bien vivre, à l'animation, aux équipements dans les quartiers.

Notre mot d'ordre essentiel est :

ASSOCIER LES CITOYENS AUX PRISES DE DÉCISIONS

- La remise en place de Conseils de Quartiers (périmètre des quartiers concernés à définir) avec gestion d'un budget participatif dédié pour des investissements, équipements et consultations régulières en présence d'élus particuliers en lien avec ces quartiers

- Commissions extra-municipales (ou assemblées thématiques, Conseil Municipal des Jeunes organisé avec la MJC, la MAJ, Carré d'as, Associations Sportives avec profs d'EPS, Associations culturelles, Parents d'élèves, conseil des retraités et personnes âgées ) avec des acteurs de la ville, et la participation d'élus et de services : définir les besoins, les attentes, les idées, les projets ensemble. Rendre des comptes, construire du commun et de l'intérêt commun, de la transparence, décloisonner, expliquer, construire ensemble.  Les adjoints et conseillers municipaux en charge de tel ou tel secteur pourront porter l'animation de ces commissions…

- Vis-à-vis du personnel municipal, une gestion qui les associe à la prise de décision technique, et au conseil, avec des principes de bienveillance et de considération, d'écoute du personnel, de dialogue social. Un effort fait pour améliorer les conditions de travail, pour maintenir un haut niveau d'emploi public en essayant d'externaliser le moins possible les travaux, missions de service public.

- Faire en sorte que chaque élu soit en position de responsabilité, de participation à la prise de décision, de connaissance des dossiers municipaux, aller vers une gestion plus collégiale de la municipalité, respectueuse du pluralisme de la majorité. Promouvoir ce pluralisme à gauche aussi au niveau de Morlaix Communauté et travailler à l'invitation d'une démocratie de participation et d'intervention citoyenne à l'échelle de Morlaix Communauté.

- Un véritable respect de l'apport des associations morlaisiennes : dialogue régulier, mise à disposition de moyens de fonctionnement, mise en réseaux.

Dans nos choix d'investissements, la création d'une maison des associations qui pourrait comporter un accueil en lien avec le Resam et/ou les services de la ville permettant une mise à disposition de services et d'information pour les associations, nous semble essentiel.

Nous voulons aussi une politique plus dynamique et ambitieuse pour la Jeunesse, son accès à la citoyenneté, aux loisirs, aux arts à la culture et aux sports : Tickets Sports à dynamiser avec des moyens supplémentaires (découvertes des sports et des arts avec les élèves), chèque vacances pour les jeunes (pour l'accès aux loisirs et à la culture), colos et camps de découverte sportive, culturelle, touristique à tarifs attractifs pour les familles avec peu de ressources grâce à des aides plus importantes de la municipalité, sous condition de ressources. Nous voulons renforcer la politique sportive de la ville, aider les associations sportives à faire un effort tarifaire vis-à-vis de la jeunesse pour les licences, voire mettre en place un système de bourse sur quotient familial pour l'accès aux licences sportives

Travailler à la baisse significative des tarifs du Patio et à l'augmentation de la capacité d'accueil pour l'enseignement musical et artistique, dans le cadre d'une école publique intercommunale à construire avec très certainement la nécessité de la construction d'un nouvel espace d'accueil.

Il nous semble prioritaire aussi de se pencher sur une rénovation en profondeur des locaux de la MJC pour accompagner le développement de ses activités, et son caractère central pour l'éducation populaire, la politique de mixité et d'accompagnement de la jeunesse vers le bien-être et l'émancipation dans la ville.

Nous voulons construire avec MAJ, la MJC, Carré d'As, les services jeunesse de Morlaix Communauté, le 2 D, une politique jeunesse visant à la réussite, l'accès à la culture et aux loisirs, à une mixité respectueuse, l'apprentissage citoyen et l'émancipation des jeunes.

Conformément à leurs combats de toujours et de tous les jours les élus communistes seront toujours là pour défendre les services publics en général (Finances Publiques, Poste, etc) et affirmer un véritable volontarisme pour défendre l'hôpital public, sa qualité, ses missions, ses personnels et ses usagers,  contre les logiques strictement comptables

Nous avons un consensus à Morlaix en Commun pour construire le projet d'un Centre de santé public avec des personnels médicaux salariés (en lien ou non avec l'hôpital et d'autres communes) multi-spécialités permettant de sédentariser des spécialistes à Morlaix et de lutter contre la raréfaction de certaines offres (ophtalmologie, gynécologie)

Dans le domaine de la prise en compte des enjeux écologiques et de la crise écologique et climatique, il y a beaucoup à inventer et nous avons déjà bien travaillé avec nos partenaires sur un certain nombre de pistes d'actions prometteuses : promouvoir par les commandes publiques en restauration collective, la mise à disposition d'une centrale d'achat, de potagers, l'agriculture biologique, réduire les déplacements en voiture au profit du transport en commun et de la qualité de déambulations piétonnes ou de circuits vélo,

Nous voulons surtout que notre liste défende la gratuité du transport en commun sur le pôle urbain et travaille dessus pour argumenter auprès des autres élus de Morlaix-Communauté, dans le cadre d'un contrat de majorité et d'un projet communautaire à construire ensemble, quitte à y aller progressivement (gratuité pour les – 26 ans par exemple, et gratuité de navettes haute fréquence dans le centre-ville reliées à des parkings, pour commencer)

Nous voulons que cette liste unique de gauche à laquelle nous appelons défende la reprise en gestion publique du Transport en commun et une densification des offres de transport en commun sur le réseau péri-urbain, avec de nouvelles lignes et des fréquences et dessertes améliorées.

EHPAD de la Boissière, à Belizal, et dans les autres structures, nous voulons travailler à améliorer la qualité de la prise en charge des personnes âgées, à contenir ou réduire le prix du séjour, à favoriser le lien et la mixité intergénérationnelle, l'accès aux droits et aux bien-être des personnes âgées en perte d'autonomie. C'est aussi pour cela que nous nous engageons à soutenir fortement les missions de l'ORPAM, à travailler sur la problématique de lutte contre l'isolement et d'accès aux services des personnes âgées

Il nous paraît aussi important dans le domaine social de reprendre la réflexion sur l'épicerie sociale. De poursuivre, en concertation avec les habitants et en prenant en compte leurs points de vue, la réhabilitation de l'habitat locatif, HLM ou privé mais fréquenté par des habitants ayant des bas revenus. De construire avec les acteurs publics et associatifs concernés un projet permettant de travailler à des dispositifs innovants et concertés pour lutter contre la pauvreté, l'exclusion.

Dans le domaine de la culture, on ne part pas de rien. Loin de là. La culture est le point fort de Morlaix, un de ses atouts essentiels en terme de qualité de vie, de richesse interne, d'image et d'attractivité. Il nous faudra accompagner et soutenir les associations, être facilitateurs, travailler sur la mise en cohérence. Nous souhaiterions donner plus d'exposition et de visibilité à nos artistes locaux. davantage valoriser les pratiques amateur (salon des artistes amateur l'été, participation des jeunes musiciens et musiciens amateur à des animations estivales, des vitrines pour les artistes. Il nous semble important de continuer à valoriser l'image artistique de la ville autour du Street Art et de la Poésie, de mieux mettre en avant son patrimoine, son histoire maritime et commerçante.  Nous mettrons l'accent sur la démocratisation de l'accès à la culture (revenir à la gratuité du musée pour les Morlaisiens) et aux pratiques artistiques (pratiques tarifaires attractives). Nous serons aussi attentifs à faire toute sa place à la culture bretonne et bretonnante à Morlaix, car c'est à la fois un héritage à préserver, une réalité des pratiques (maison d'édition Skol Vreizh, Diwan, classes bilingues, KLT, pratiques des cours de breton, etc) et un vecteur d'attractivité et de lien social.

Dans le domaine des Sports, il y a beaucoup à faire pour rattraper nos retards, et ça demandera des investissements et peut-être un meilleur accompagnement financier des clubs: Terrains synthétique et en herbe sports collectifs (Rugby, Foot), faire monter en puissance la promotion des pratiques sportives, notamment auprès des jeunes, travailler sur les tarifs et les aides aux clubs sportifs, envisager un agrandissement et une rénovation la piscine de la Boissière, une utilisation partagée par les assos, le théâtre amateur des locaux actuels de la Salamandre place de la Commune suite au déménagement du cinéma associatif à la Salamandre, etc...

Nous voulons aussi une municipalité qui organise l'accueil des réfugiés et migrants conformément à sa tradition de solidarité, qui promeuve la solidarité internationale, l'ouverture à l'international (Palestine, Inde, Burkina Faso, Allemagne et Grande-Bretagne...), et la défense des droits de l'homme.

Il ne s'agit là que de quelques idées que nous avons porté dans nos échanges avec nos partenaires, nous les soumettons à la discussion et voulons encore les préciser et les rendre plus pertinentes en échangeant avec les habitants de Morlaix sur leurs attentes vis à vis de la nouvelle municipalité qui gèrera la ville en 2020 jusqu'en 2026.

Ismaël Dupont, 1er septembre 2019

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2 septembre 2019 1 02 /09 /septembre /2019 10:05
Marie Salou, résistante communiste brestoise - De Brest à Mathausen, itinéraire d'une déportée (1942-1945) - Témoignage recueilli par Jean Nédélec

Avertissement

Nous cherchons à renseigner depuis des années ce que furent les acteurs, les actes de bravoure et d'héroïsme, mais aussi les conditions d'arrestation, d'exécution ou de déportation, des résistants communistes du Finistère, nous appuyant sur le témoignage d'anciens résistants, qui ont essayé de reconstituer les faits à la lumière des témoignages de leurs camarades. Par exemple:

Résistance et répression des communistes brestois de 1939 à 1943 (à partir des souvenirs et des enquêtes d'Eugène Kerbaul, résistant communiste)

Albert Rannou: Lettres de prison d'un résistant communiste brestois né à Guimiliau fusillé le 17 septembre 1943 au Mont-Valérien

Dernière lettre de Paul Monot, résistant brestois fusillé au Mont-Valérien le 17 septembre 1943 avec Albert Rannou et 17 autres résistants brestois dont André Berger et Henri Moreau

Dernière lettre à sa femme de Jules Lesven, dirigeant de la résistance communiste brestoise, ouvrier et syndicaliste à l'Arsenal, fusillé le 1er juin 1943,

Lettre de Joseph Ropars, résistant communiste brestois, écrite à sa mère et à sa soeur le jour de son exécution le 17 septembre 1943 au Mont-Valérien

Lettre à ses parents de la prison de Rennes du résistant communiste brestois Albert Abalain, fusillé au Mont-Valérien le 17 septembre 1943 (fonds d'archives ANACR 29)

Communistes de Bretagne (1921-1945)      

La Résistance et les communistes à Concarneau (à partir des notes et archives de Pierre Le Rose)  

Les déportés morlaisiens dans les camps nazis pendant la seconde guerre mondiale

L'audience du Parti Communiste à la libération dans le Finistère

Grâce à Bérénice Manac'h, qui avait entretenu une correspondance soutenue avec lui suite à la publication du Journal intime d'Etienne Manac'h, nous avons pu accéder la semaine dernière à un certain nombre d'écrits mis en forme et tapés sous forme de brochures par notre camarade Jean Nédelec, ancien instituteur communiste, militant laïc, décédé à 97 ans en 2017. Voir sa biographie complète dans le Maitron en ligne:

http://maitron-en-ligne.univ-paris1.fr/spip.php?article147014&id_mot=

La lecture du témoignage consigné par Jean Nédélec d'après les archives de Marie sur le terrible destin de guerre de Marie Salou nous a vraiment passionné. 

Un récit jusqu'au bout de la nuit concentrationnaire. Une résistante dont la capacité à survivre aux tortures des nazis n'a pas été le moindre acte de résistance.

Nous avons voulu qu'un  maximum de lecteurs puisse accéder au témoignage de déportation de cette femme admirable, militante communiste, témoignage qui a d'autant plus de valeurs que souvent on lit essentiellement les récits de déportation de déportés survivants très instruits ou appartenant plutôt à la bourgeoisie. Fille d'un père travaillant à l'arsenal de Brest et d'une mère employée à la Poudrerie du Relecq-Kerhuon, Marie Salou, née Cam, adhéra au Parti Communiste en 1939 après avoir déjà milité à ses côtés pour les républicains espagnols et leurs réfugiés et pour la Paix et le Front Populaire. Avec Jeanne Goasguen, elle dirigea l'Union départementale clandestine des femmes patriotes au début de l'occupation. 

http://maitron-en-ligne.univ-paris1.fr/spip.php?article130357, notice SALOU Marie [CAM Marie] par Gilles Pichavant, version mise en ligne le 30 novembre 2010, dernière modification le 17 mai 2015.

Nous reproduisons ici le témoignage recueilli par Jean Nédélec en 2006 sur la déportation de Marie Salou.

Celui-ci a été mis en ligne auparavant par le site les Amis de la résistance du Finistère (ANACR) et le site pôle Jean Moulin.

http://www.lesamisdelaresistancedufinistere.com

 

Photo Marie Salou (deuxième en partant de la gauche) provenant des Archives de Brest et vue sur la page Facebook Brest 44 - Journée internationale de lutte des femmes, pour l'égalité des droits]  Le 27 avril 1975, au château de Brest, une plaque est inaugurée en mémoire des résistants et otages arrêtés et incarcérés en ce lieu avant d'être déportés ou fusillés.  Sur la photo, trois résistantes que nous avons décidé de mettre à l'honneur en cette journée.  De gauche à droite: ----- Yvette Castel-Richard, née en 1913 à Brest, membre du P.C.F clandestin, intègre les F.T.P en 1942 comme agente de liaison. Organise la manifestation des brestois du 28 avril 1942 pour demander plus de nourritures aux autorités civiles. Arrêtée en octobre 1942, internée à Brest, Vitré et Rennes. Sera libérée en Novembre 1943. Mais la prison ne l'a pas démoralisé, elle reprend ses activités de résistante jusqu'à la libération. ----- Marie Le Cam-Salou, née en 1914 à Saint-Marc. Membre du P.C.F clandestin, elle héberge les résistants recherchés par la police ou les allemands. Début 1942 elle aide plusieurs prisonniers républicains espagnols à fuir la ville. Elle participe à la manifestation du 28 avril 1942. En Août 1942 elle saccage avec une amie la vitrine de la L.V.F rue de Siam. Arrêtée en octobre 1942 par des policiers français, elle est brutalisée. Internée, elle est finalement remise aux allemands qui la juge à Fresnes en 1943. Déportée, elle revient en 1945 très affaiblie. ----- Angèle Kerlirzin-Le Nédelec, née en 1910 à Scrignac. Membre du P.C.F clandestin. A la débâcle elle cache des armes récupérés par son mari. Participe à la diffusion des tracts du P.C.F et F.N. Elle participe à la manifestation du 28 avril 1942 et à la tentative de manifestation patriotique du 14 juillet 1942. Arrêtée en octobre, elle est également internée à Brest, Vitré et Rennes. Libérée en Novembre 1943, elle gagne les Côtes-du-Nord et intègre les F.T.P. A la fin de la guerre elle revient à Brest. ----- Hommage à ces résistantes de "L'Union des Femmes Patriotiques" pour leurs luttes et courage à celles d'aujourd'hui dans leur combat du quotidien.  Respectueusement, Brest44 ---- Crédit photo: Archives de Brest - 1NUM1515

Photo Marie Salou (deuxième en partant de la gauche) provenant des Archives de Brest et vue sur la page Facebook Brest 44 - Journée internationale de lutte des femmes, pour l'égalité des droits] Le 27 avril 1975, au château de Brest, une plaque est inaugurée en mémoire des résistants et otages arrêtés et incarcérés en ce lieu avant d'être déportés ou fusillés. Sur la photo, trois résistantes que nous avons décidé de mettre à l'honneur en cette journée. De gauche à droite: ----- Yvette Castel-Richard, née en 1913 à Brest, membre du P.C.F clandestin, intègre les F.T.P en 1942 comme agente de liaison. Organise la manifestation des brestois du 28 avril 1942 pour demander plus de nourritures aux autorités civiles. Arrêtée en octobre 1942, internée à Brest, Vitré et Rennes. Sera libérée en Novembre 1943. Mais la prison ne l'a pas démoralisé, elle reprend ses activités de résistante jusqu'à la libération. ----- Marie Le Cam-Salou, née en 1914 à Saint-Marc. Membre du P.C.F clandestin, elle héberge les résistants recherchés par la police ou les allemands. Début 1942 elle aide plusieurs prisonniers républicains espagnols à fuir la ville. Elle participe à la manifestation du 28 avril 1942. En Août 1942 elle saccage avec une amie la vitrine de la L.V.F rue de Siam. Arrêtée en octobre 1942 par des policiers français, elle est brutalisée. Internée, elle est finalement remise aux allemands qui la juge à Fresnes en 1943. Déportée, elle revient en 1945 très affaiblie. ----- Angèle Kerlirzin-Le Nédelec, née en 1910 à Scrignac. Membre du P.C.F clandestin. A la débâcle elle cache des armes récupérés par son mari. Participe à la diffusion des tracts du P.C.F et F.N. Elle participe à la manifestation du 28 avril 1942 et à la tentative de manifestation patriotique du 14 juillet 1942. Arrêtée en octobre, elle est également internée à Brest, Vitré et Rennes. Libérée en Novembre 1943, elle gagne les Côtes-du-Nord et intègre les F.T.P. A la fin de la guerre elle revient à Brest. ----- Hommage à ces résistantes de "L'Union des Femmes Patriotiques" pour leurs luttes et courage à celles d'aujourd'hui dans leur combat du quotidien. Respectueusement, Brest44 ---- Crédit photo: Archives de Brest - 1NUM1515

Itinéraire d'une Déportée
De Brest a Mauthausen

Marie SALOU
1942-1945

 

par Jean Nédélec d'après les archives de Marie Salou

01.10.1942- arrestation
Fin novembre, prisons: Château de Brest, Centrale de Rennes
11.12.1942 : jugement à Rennes
13.04.1943 : départ de la centrale de Rennes pour la prison Jacques Cartier
Juillet 1943 : départ pour la prison de Fresnes
Aout 1943 : jugement allemand
23.12.1943 : départ de Fresnes pour I'Allemagne. Arrivée à Karlsruhe
8 jours a Francfort sur Ie Main 4 jours a Guenmiz
07.01.1944: arrivée à Walheim
14.02.1944: depart pour Lubeck en passant par Berlin et Hambourg
Mai 1944 : départ pour Cottbus
07.11.1944: départ pour Ravensbruck
07.11.1945: départ de Ravensbruck pour Mathausen
20.03.1945: bombardement d' Amsteten
24.05.1945: libération par la Croix Rouge Internationale 11.06.1945: arrivée à Brest

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Marie Salou, née Cam, a vu le jour le 30.11.1914 à St Marc. Dès l'âge de 16 ans elle apprend le métier de couturière, trois ans d'apprentissage auprès d'ouvrières très expertes, avant de devenir elle-même ouvrière. Très vite elle va connaître la vie militante, notamment au moment de la guerre civile en Espagne.

En 1936, elle faisait partie de l'Association Nationale du soutien de l'enfance malheureuse avec Jeanne Cariou, Alice de Bortoli, Mmes Bernard, Riou et Duchêne.

Ces femmes avaient pris en charge les réfugiés républicains espagnols qui avaient fui la guerre civile de leur pays. Ils étaient hébergés dans des baraquements à Berthaume qui servaient de lieux de vacances pour la commune de Lambezellec dont le responsable était M. Le Berre et son épouse, instituteurs a l'école de Kerraloche. Le Secours Populaire était aussi partie prenante dans cette action. Marie Salou, en juin 1939, va faire un nouveau pas dans sa vie en adhérant au Parti Communiste Français.
Dès 1940 va commencer sa vie de résistante. Tout d'abord avec des distributions de tracts et des journaux clandestins du Parti Communiste. En aout 1941, elle ajoute à ses activités celles d'hébergement de résistants du P.C et du F.N. en mission (il s'agit bien entendu du Front National de la Résistance) Goulven Salou son mari, prisonnier évadé, avait du partir en zone libre en janvier 1941. En février, restant seule avec sa fille, il lui a fallu travailler cinq mois au Fort de Penfeld où était cantonnée l'organisation Todt qui s'occupait de la construction du Mur de l'Atlantique.

Elle réussissait dans cet endroit à lâcher quelques tracts rédigés en allemand qui lui étaient fournis par Charles Cadiou. En avril 41, elle héberge Venise Gosnat*, responsable national et son épouse, en attendant qu'on leur trouve une planque dont devait se charger Jean Le Nedellec.

* Venise Gosnat, alias Georges, inter-régional responsable de la résistance communiste en Bretagne (décembre 1940- décembre 1942)

 

En juin 41, Marie a voulu rejoindre Goulven à Dakar. Hélas, elle ne faisait qu'un aller-retour a Paris n'ayant qu'un laisser passer pour la ligne de démarcation. Revenue a Brest, elle se remettait au travail, il fallait bien vivre. Cette fois ce fut au Fort Montbarrey ou étaient détenus prisonniers les républicains espagnols. Avec Jeanne Goasguen qui leur procurait de fausses cartes d'identité, elles réussirent à faire sortir certains qui retournèrent en Espagne combattre Franco. Marie arrête de travailler en février 42, l'argent circulant entre les deux zones. Elle apprend à ce moment que les espagnols ont été envoyés aux lies d'Aurigny-Guernesey ou plusieurs sont morts et la plupart déportes en Allemagne.
Marie Salou va prendre une part active à la préparation et au déroulement de la manifestation des femmes, organisée par le P.C.F. mais signée "Union des femmes patriotiques", devant l'annexe de la mairie, rue Danton, le 28.01.1942.

A l'issue de cette manifestation, elle est interpellée, mais relâchee faute de preuves et d'aveu. Au mois d'aout, avec Raymonde Valaine, protégées par un groupe de F.T.P. elles saccagent la vitrine de la L.V.F. (Ligue des volontaires français contre le bolchevisme, qui recrute pour la Werhrmacht).

Cela se passait rue de Siam, à quelques mètres d'une sentinelle allemande postée a l'entrée de la Préfecture Maritime occupée par la Kriegsmarine. Avant que les allemands du poste de garde avaient été en mesure d'intervenir, les deux patriotes réussissent à se perdre dans la foule sous la sauvegarde des F.T.P. qui eux-mêmes se replient sans anicroche. Marie Salou possède a son actif de résistante bien d'autres actes de bravoure comme cette prise de parole à la porte de l'Arsenal contre le depart des ouvriers pour le S.T.O. (service du travail obligatoire pour I' Allemagne) et sa responsabilité comme agent de liaison avec le Finistère Sud .....
Le 1er octobre 1942, à la veille de la rentrée scolaire, au retour d'une promenade avec sa fille Andrée, elle est arrêtée par la police de Vichy. Andrée sera recueillie, pendant la durée de la déportation de Marie, par la sœur de son mari, Goulven.

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 Arrestation et Déportation

C'est le début pour Marie Salou d'un long calvaire qui va la mener de Brest a Mauthausen, jusqu'à sa libération, le 24 avril 1945, par la Croix Rouge Internationale. Le 1er octobre 1942, des messieurs en chapeaux mous nous attendaient raconte Marie. Après une fouille en règle, ils n'ont rien trouvé, mais ils m'ont quand même embarquée. Le plus gros des arrestations eut lieu ce jour-là. Toute la police était sur les dents, même les agents de ville. Nous avons été répartis dans les différents commissariats de la ville de Brest, les hommes un moment à la prison de Pontaniou où j'ai vu les gendarmes, gantés de blanc, les y enfermer. Je n'y suis pas restée parce qu'on n'y gardait pas les femmes. Par la suite, nous avons été regroupés au Château d'où les hommes sont partis pour Rennes afin d'être interroges par la SPAC (Section de Protection Anticommuniste) lis en sont revenus bien amochés : Albert Abalain, son bridge cassé, Paul Le Guen les pieds écrasés etc. .. Conduites également à la Centrale de Rennes avec trois compagnes : Yvette Richard, Angele Le Nedellec et Raymonde Vadaine, nous avons été nous aussi jugées par la SPAC et condamnées à cinq ans de prison. Le 18 avril 1943, nous avons été remises aux allemands et emprisonnées a la prison Jacques Cartier de Rennes où se trouvaient déjà des camarades hommes. Le 23 juillet, c'est le départ pour Fresnes avec une de mes compagnes. Là, dans une baraque qui servait de tribunal, nous avons été rejugées le 28 août et condamnées à mort, ainsi que 19 hommes qui seront fusilles le 17 septembre 1943 au Mont Valerien.*

* Dans le Chiffon Rouge:

Albert Rannou: Lettres de prison d'un résistant communiste brestois né à Guimiliau fusillé le 17 septembre 1943 au Mont-Valérien

Dernière lettre de Paul Monot, résistant brestois fusillé au Mont-Valérien le 17 septembre 1943 avec Albert Rannou et 17 autres résistants brestois dont André Berger et Henri Moreau

Lettre de Joseph Ropars, résistant communiste brestois, écrite à sa mère et à sa soeur le jour de son exécution le 17 septembre 1943 au Mont-Valérien

Lettre à ses parents de la prison de Rennes du résistant communiste brestois Albert Abalain, fusillé au Mont-Valérien le 17 septembre 1943 (fonds d'archives ANACR 29)


Après six mois passes à Fresnes, j'ai quitté mes compagnes de cellule. Le 23 décembre je partais pour l'Allemagne, Raymonde Valaine m'avait devancée d'un mois. Le lendemain, 24 décembre, j'étais dans la prison de Karlsruhe, après avoir fait le voyage avec Capelle, une autre française, arrêtée pour avoir hébergé un déserteur allemand. II y avait aussi deux allemandes: Anne Roth, arrêtée pour avoir aide son fiancé à déserter (il faisait partie de la DCA de Guilers) II ne voulait pas servir Hitler. II s'est évadé, fut repris et fusillé, Anne condamnée à deux ans de prison. II y avait aussi Alma qui avait volé dans les colis destinés aux soldats partant pour le front russe.
Huit jours avant un convoi de françaises, était parti pour Lubeck. Le voyage avait duré trois mois. Je passais la nuit de Noël a Karlsruhe. Anne et Capelle sont allées à la Messe de Minuit et je suis restée avec Alma qui en a profité pour voler les provisions des autres. lci c'était le régime pois chiches bourrés de charançons. Nous sommes restées quatre jours à Karlsruhe qui était la plaque tournante vers les différentes destinations. Nous avons été transférées à Heildelberg ou je retrouvais plusieurs résistantes françaises qui étaient en Allemagne depuis déjà un bout de temps. On les baladait de prison en prison. II y avait Margot qui en état à sa 24ème prison et qui est morte depuis son retour. II y avait aussi Yvonne Muller, vendeuse aux Halles de Paris et une vieille dame de Bayonne.
Le 1er janvier 1944, j'étais à Francfort-sur-Main. Nous avons atterri dans une énorme pièce qu'ils appelaient Presidium. La vivaient depuis un certain temps quelques femmes russes dont deux étaient malades. Les autres allaient au travail dans la journée et rentraient le soir. Nous avons séjourné huit jours dans cette pièce ou les châlits étaient infectés par les poux, les punaises et les puces. Des que les SS arrivaient, iI fallait se ranger pour que la chambrière dise combien nous étions. Le matin nous avions un ersatz de café dans des gamelles toutes grasses puisque nous les lavions a l'eau froide. L'ersatz de café était accompagné d'une tranche de pain que nous frottions a l'ail.

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A la suite de mille ruses nous avions réussi à ramasser une tête d'ail sur Ie quai de la gare d'Heildelberg. A midi nous avions une soupe de choux rouges, bien grasse elle aussi. Pour la nuit de la Saint-Sylvestre nous avons demandé de coucher sur les bancs et les tables, à cause des parasites. On nous avait répondu affirmativement, mais au milieu de la nuit les SS sont arrivés comme des fous, criant "Schnell in bet" (Vite au lit) en nous envoyant des coups de bottes. Avant de quitter ce fameux Présidium, avec quel soulagement, nous avons assisté à une scène affreuse. Une couverture avant disparu, une russe avait été soupçonnée de I'avoir volée pour s'en faire une jupe. Un matin arrivent les SS qui appellent la femme, la frappent tant et plus. Pour en finir lui jettent un seau d'eau en pleine figure et lui ordonnent de laver Ie parquet de la pièce qui faisait bien dix metres de long sur six mètres de large. De là, nous avons passé une nuit à Kassel dans la prison qui avait été bombardée. Ensuite, un train nous a conduites à Magdebourg. lci nous avons été séparées et je suis partie seule de mon bordo J'ai passé une nuit dans une baraque à Leipzig avec des hommes de plusieurs nationalites.
Ce fut ensuite Gueimenitz ou j'ai passé trois jours avec quatre allemandes, dont I'une avait été arrêtée, avec toute sa famille, parce que son frère, qui était sur Ie front russe, avait critique I'état-major du grand Reich dans son courrier Une russe était venue nous rejoindre. Elle venait soi-disant d'un camp de travail. Elle avait un de ces pochons à I'oeil. Elle portait une grosse veste matelassée, mais rien dessous. Comme j'avais des vêtements je lui ai passé des tricots et Ie soir, lorsque j'ai exprimé de coucher près d'elle, les allemandes m'en ont dissuadé en me disant que Ie lendemain cette femme serait tuée. Effectivement, elle est partie seule Ie lendemain. Je suis arrivée à Waldheim Ie 7 janvier 1944. Là, comme mes trois compagnes, j'ai été tondue. J'avais de longs cheveux, et pas de poux. La forteresse gardait les cheveux pour en faire de la bure. Lorsque la première est passée à la toise, nous I'avons entendue. Nous nous demandions ce qu'on lui faisait. Quand nous I'avons vue, Ie crane complètement rasée, les autres se sont mises à pleurer, et moi de les consoler en leur disant que ça ne faisait rien puisque nous serions bientôt Iibres. L'une d'elles avait plus de cinquante ans et n'était condamnée qu'à un an. Elle a tout de même passé à la toise. Je suis passée la dernière. lis me demandaient s'iI fallait Ie faire aussi a la "Frantzose" En me demandant ma peine, j'ai répondu ' A mort'. « Allez, vite aussi » fut la réponse. J'ai été mise en cellule toute seule, il faisait plusieurs degrés en dessous de zéro. Je pensais rester dans cette prison jusqu'à la fin puisque ma condamnation à mort avait été commuée en réclusion. La discipline était très dure. C'était une vieille prison, mais propre. N'empêche qu'il n'y avait pas mal de punaises. Toutes les semaines, je devais laver mon parquet à I'eau de lessive. Le linge aussi était changé chaque semaine. La nourriture était mangeable, mais pas suffisante. Nuit et jour, j'entendais les colonnes qui partaient au travail. De temps en temps, on me donnait des peaux de lapins qu'il fallait découper en tout petits morceaux afin de récupérer les poils ou j'enlevais l’arête des plumes de poulets.
Le 13 février, on est venu me chercher pour aller au bureau, puis au grenier, afin de récupérer mes vêtements. Au retour on me change de cellule. La gardienne me prévient de me tenir prête pour 6 heures Ie lendemain. Je me demande ce qui va se passer. Le lendemain en effet on me conduit au bureau. On me remet un pain et un peu de margarine. Après maintes discussions, un homme d'un certain age est arrive, un policier d'une soixantaine d'années. II m'ordonne de le suivre. Dehors il fait froid, on gelait, les enfants allaient à l'école en luge. Après quelques pas, nous sommes entrés dans un commissariat ou on m'a passé les menottes, et en route pour la gare ou il a fallu attendre Ie train. Avec mon gardien, nous avons voyagé dans les compartiments réservés au personnel des chemins de fer. Je ne comprenais pas grand-chose de ce que me disait mon gardien. II ne parlait qu'allemand, bien qu'il prétendait être natif de Metz. Les employés qui voyageaient avec nous lui ont demandé qui j'étais, ce que je faisais là. J'avais I'air bien, avec mon crane rasé et les menottes. Mon gardien leur disait que j'étais française et précisait pourquoi j'étais dans ce train. C'était de grosses et grandes exclamations "Oh,scheinerie" (cochonne) Les femmes enviaient mes bas, elles demandaient au gardien si j'en avais dans mon balluchon . Elles auraient bien voulu en prendre mais Ie gardien Ie leur refusa. A midi nous étions à Berlin. Pour traverser cette ville, nous avons pris Ie métro, dans Ie compartiment des ballots. Mon gardien s'y est d'ailleurs fait disputer pour y être entre.

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Je regardais partout si je ne distinguais pas de visage connu, quelqu'un qui aurait pu m'aider à me lâcher de mon garde du corps. J'entendais parler français, peut-être des ouvriers de I'arsenal ,requis pour Ie S.T.O., mais hélas ! Nous avons repris un train pour Hambourg, ou après un nouveau changement, nous étions Ie soir même, vers 19 h à Lubeck. Nous avons pris un tramway pour se rapprocher du gasthaus (centre d'hébergement) qui était retiré de la ville et c'est la que mon 'cavalier' m'a laissée. Je retrouvais à nouveau une cellule glaciale, seule, avec seulement une couverture. Étant arrivée trop tard Ie soir , je n'ai pas eu de pain, mais Ie lendemain on m'a donné ce qui allait avec Ie pain, Ie "zulag" (repas) qui était un jour une cuillerée de confiture, un morceau de margarine ou un peu de petit sale que j'ai dû manger comme cela. Heureusement qu'il y avait de I'eau dans la cellule, car je crevais de soif. La soupe se composait surtout de rutabagas et pois cassés. Souvent des asticots surnageaient. Le lendemain après-midi, j'ai entendu les françaises qui allaient à la promenade. Au retour quelqu'un a frappé doucement à ma porte en me disant que des camarades que je connaissais étaient là, et que Ie soir, après la seconde cloche, il me faudrait vider I'eau de ma cuvette de water avec un chiffon et qu'a ce moment quelqu'un me parlerait. Ce que je fis et j'entendis des conversations dans tous les sens. J'appris ainsi que les françaises et les belges étaient nombreuses et travaillaient en atelier. Moi, dans ma cellule, je découpais des uniformes verts de gris, tout macule de sang et qui sentaient Ie "macchabée" à plein nez. Malgré cela, la nuit j'avais tellement froid que je m'en servais comme couverture Un jour, a la suite d'une dispute dans une cellule, on me transporta ailleurs afin de mettre à ma place une camarade qui, je crois avait perdu la tête. Je me retrouvais ainsi, avec trois campagnes qui, dans la journée, allaient aux ateliers et je restais seule. Un jour qu'ils nous avaient prêté un livre Assimil, j'ai appris la phrase" Je voudrais aller à I'atelier" Ce qui fut fait et là je confectionnais des sacs à provision, Ie moins possible évidemment. Les gardiennes, en général, n'étaient pas terribles, à part le chef nommée Jansen, qui était pendue au judas.
Le 9 mai, je suis partie en train, pour Cottbus. II faisait un temps splendide. Nous étions au moins 150, dans ce train. Nous avions presque I'impression d'être Iibres. Hélas! Nous avons passe une nuit dans la gare de Stettin qui avait été bombardée. Arrivées a Cottbus, nous avons retrouvé des camarades du convoi qui nous avait precédées lei, la nourriture était mangeable, mais peu copieuse. Dans la prison, nous travaillions en atelier à la confection de chemises d'hommes. Le pensum était de 7 chemises par jour, nous en faisions 7 par semaine. Nos gardiens étaient fous de rage. lis nous ont transférées à I'atelier de tissage ou avec des brins de jonc ou des feuilles de mars nous devions faire des boules. La encore, il nous était demandé une boule par jour. Nous la faisions dans la semaine, ce qui fait que nous étions privées de nourriture. Lors des promenades, nous devions ramasser des glands sous Ie chêne de la cour, ou les épluchures lorsque nous passions devant les cuisines. Pour finir, nous avons été gardées en cellule et nous n'avions plus droit aux promenades que de temps en temps, parce que nous étions au moins 300 françaises et que ça faisait un tel chahut ces sorties!
Nous étions cinq par cellule de trois Iits. Deux avaient Ie droit de coucher par terre, avec une couverture. C'etait des cellules à tinettes, nous avions un unique broc d'eau pour notre toilette. Nous devions nous laver toutes les cinq dans la meme eau et après la toilette c'etait Ie Iinge. Sur les six mois nous n'avons pas eu de Iinge de rechange. En juin 44, j'ai fait une otite carabinée qui a duré plus d'un mois. Un jour j'ai ete conduite au spécialiste, en ville, avec 39° degré de fièvre menottes aux mains. Le docteur avait décidé de me mettre à I'infirmerie, mais comme il n'y avait plus de place je n'y suis pas allée.
Nous avons quitté Cottbus début novembre, avec une gardienne que nous surnommions Villette.
Elle nous donnait souvent des nouvelles et nous souhaita bon courage en nous quittant. Nous allions dans un camp très dur. Des le depart nous en avons eu un aperçu. Nous étions rangées par cinq, sous la garde de la Wermacht. Pour ma part, mal rangée, j'ai reçu une bonne paire de claques. Le long du parcours nous avons chanté tout ce que nous avons pu : la Marseillaise, l'lnternationale, et tous les chants patriotiques de chez nous. Nos gardiens nous disaient: « Chantez, ce soir vous déchanterez. » En effet, dans la nuit, nous avons débarqué en pleine campagne.

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RAVENSBRÜCK

Le 9 mars 1944, nous étions à Ravensbruck. C'est là que me fut attribué Ie numéro 85225 de ma déportation. Aussitôt rangées par cinq et en colonnes nous sommes entrées dans ce camp, dont nous apercevions au loin les lumières. A cette heure tardive, des colonnes de prisonnières partaient au travail. Nous avons fait une pause devant les douches, puis nous y avons été enfermées, entassées. Dans la nuit il y a eu des bombardements. Avant Ie jour les "kubels" (récipients) débordaient. Nous étouffions et étions malades avec les odeurs. Aussi, au petit jour, les portes s'étant ouvertes, quel soupir de soulagement. Hélas ! C’était pour voir des choses de plus en plus horribles. Comme ils n'avaient pas Ie temps de s'occuper de nous, ils nous ont plaquées dans une tente immense, d'au moins 400 mètres carrés où se trouvaient plusieurs centaines de hongroises dont plusieurs avaient déjà perdu la tête. Puis nous avons fait des kilomètres à pied et ensuite sur des wagons découverts. Vers 11 heures, ils se sont décidés à nous donner une soupe. Ensuite de fut une nouvelle pose devant les douches, à I'entrée du camp. Nous étions près du cabanon ou étaient enfermées les folies. De là, nous avions vue sur la morgue ou nous voyions arriver des cadavres entravés, sur des charrettes a bras .. Nous sommes restées là, jusqu'à la nuit, sans que personne, s'occupe de nous, puis ramenées à la tente ou deux femmes se promenaient avec un bâton, pour mettre de "I'ordre" si besoin était. Nous étions épuisées et il nous fallait dormir à même Ie sol. II y régnait une odeur infecte. Le lendemain nous avons été reconduites devant les douches, toute la journée, avec seulement une soupe dans Ie ventre. Cette fois, dans la soirée, nous sommes passées à la douche, par groupes. On nous mettait nues afin de nous enlever nos affaires personnelles et on nous donnait de vielles frusques à la place. En plein mois de novembre, je recevais une chemise à fleurs en crêpe de chine artificiel, une jupe de coton bayadère et un manteau avec une croix blanche dans le dos, car c'était une régie pour toutes. Ensuite nous avons été dirigées vers Ie bloc 32 et réparties en colonnes de travail pour Ie lendemain. Le lever avait lieu à quatre heures du matin, souvent par 25° ou 30° degrés au-dessous de zéro, et après avoir bu une espèce de lavasse appelée café, il nous fallait monter sur Ie "lager strass" (Ia grande rue) pour I'appel qui durait jusqu'au petit jour. Nous devions nous ranger, la "blockova" (Ia surveillante) nous comptait et nous devions attendre que les SS viennent contrôler. Pendant ce temps nous essayions de nous réchauffer en tapant du pied. Après cet appel il fallait rejoindre sa colonne en nous cachant Ie visage afin d'apparaitre plus vieilles pour éviter la corvée. Ces fameux wagons arrives, à I'extérieur du camp, nous avions bien 800 mètres de marche a pied pour nous y rendre. Certains allaient au sable, d'autres au 'betrieb' (atelier de couture) Moi je faisais partie des 'wagons'. Le travail consistait à tirer les produits des rapines qui venaient des pays de l'Est. Nous y trouvions les objets les plus hétéroclites: des équipements militaires, capotes, bidons, chaussures, machines à écrire, machines à tricoter, vêtements, literie, porcelaine, cristaux. II y avait un hangar pour ranger chaque catégorie d'objets. Par exemple, pour la literie, il y en avait sur une longueur de 500 mètres au moins. Parfois nous trouvions, enfoui dans un tapis de table noué aux quatre coins, un tricot commencé. C’était du linge que I'on sentait, entassé à la hâte par quelques réfugies.

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 Je me rappelle, un jour nous avons trouvé des gamelles militaires, presque toutes neuves. Je m'étais promis d'en prendre une, à la place de ma vieille. J'attendais la soupe, quant tout à coup je sens qu'on me l'arrache des mains et aussitôt je reçois un violent coup sur la tête. L'instant d'après, je me tourne vers une camarade qui portait des lunettes, qui lui étaient indispensables. Je m’inquiète de savoir s'il lui était arrivé le même coup. Or, elle aussi avait change sa gamelle et le SS qu'on appelait "Ie fou" lui avait assené un coup également et cassé ses lunettes. Le soir, tard, nous rentrions au camp ou il fallait passer à la fouille. Souvent nous ne pouvions pas nous défaire tellement nous avions les mains engourdies par le froid. Après la fouille, nous avions quelquefois une tranche de pain et un rond de saucisson, en rentrant au block une soupe et un nouveau morceau de pain. Notre réconfort, c'était quand Marie-Claude ou Danielle venaient nous donner des nouvelles. Avant de se coucher, il fallait faire la grande toilette, à I'eau glacée, car le matin c'était impossible. II ne fallait pas se laisser gagner par la vermine.
Vers février 45, les russes approchant, nos gardiens étaient sur les dents. II y avait de l’énervement dans I'air. Pendant plusieurs jours, ils nous ont fait passer sur le "lager strass" des journées entières, avec notre balluchon, prêtes a partir. Nous étions un peu inquiètes. Le soir on rentrait au block. Un jour, dans I'après-midi, nous en avions marre et nous sommes rentrées au block par les fenêtres. Mal nous en a pris. Aussitôt entrées, la "stoupova" nous en faisait sortir, avec son baton et dehors le SS que l'on appelait 'le marchand de vaches' parce que c'était lui qui préparait les colonnes de transport, nous attendait pour nous taper dessus à coups de planches et nous faisait remonter à la pose. Un après-midi, nous passions devant le block quand nous vîmes un SS s'en prendre à une grand-mère bretonne, la tabasser tant et plus. Notre camarade lui tenait tête en lui disant : « Vous en faites pas, bientôt ce sera votre tour»

 

MATHAUSEN

Début mars, c'est un nouveau départ. Je me réjouissais, bien que nous que nous sachions que ce serait de plus en plus dur. Je disais aux camarades: « Ne vous tracassez pas, c'est un nouveau pas vers la Iiberté.» Malheureusement, combien ne I'ont pas connue cette Iiberté? Après avoir été parquées dans un block pour la nuit, nous avons rejoint la voie ferrée pour monter dans des wagons à bestiaux, 70 par wagon. Nous avons reçu pour le voyage: un pain, un morceau de margarine et du saucisson. Ce voyage dura cinq jours et cinq nuits. Aussi, il y avait longtemps que le pain était dans les talons avant I'arrivée. Ce fut un voyage infernal. Nous devions uriner dans nos gamelles, les dysentériques de même. Nous avons été bombardés de nuit. Pour ma part, j'ai réussi a dormir une seule nuit, pendant ces cinq nuits. J'ai cru devenir folle. Aussi, quand j'ai entendu les beuglements annonçant l'arrivée, quel ouf! Hélas, dans plusieurs wagons, il y avait des morts. Nous apprenions, en arrivant, que nous étions a Mathausen. Le sol était recouvert de neige. Nous avions une bonne marche à faire et Ie tout dans une montée. II a été proposé que les malades montent en camion. Les plus fatiguées se sont armées de courage et ont pris la route. Nous n'avions pas fait 200 mètres que certaines commençaient à tomber. Des que I'une tombait un SS approchait. D'une balle silencieuse, il I'abattait et repartait. Enfin nous avons aperçu sur les collines les lueurs du camp. II était peut-être minuit et nous avons attendu jusqu'à I'après-midi devant les cuisines.

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Heureusement, je ne sais par quel subterfuge, les cuisiniers qui étaient espagnols pour la plupart, avaient réussi a nous donner un peu de café chaud. Nous sommes ensuite passées aux douches, entre une haie de SS et de capots qui nous mettaient un grand K dans Ie dos, de celles qui leur paraissaient mal en point, puis badigeonnaient les endroits pileux d'un produit désinfectant. Je ne vous raconte pas la scène, d'autres I'ont fait avant moi. Nous sommes sorties de la, habillées d'un caleçon long et d'une chemise d'homme. Nous avons été placées en quarantaine, sous la garde de tziganes. Pendant la soupe, elles organisaient une certaine pagaille, ce qui amenait une trentaine de françaises à ne pas en avoir. Quand les vêtements arrivaient de I'étuve, elles les resquillaient si bien qu'i1 y avait plusieurs camarades qui sont restées en caleçon un certain temps. Des fois, au milieu de la nuit, on nous appelait encore pour la douche.
Dès notre arrivée, ils ont formé un transport pour malades. Gardées dans un block, parquées comme des betes, elles y sont restées quelque temps et réexpédies à Bergen- Belsen. Sur 300, 3 seulement sont rentrées en France. Dans Ie block où nous étions, les premières ont réussi a avoir un lit, les dernières, couchant à même Ie sol. Pour ma part, j'étais entre deux camarades, têtes bêche. Le 19 mars, nous avons été appelées pour former soi-disant un commando des champs. Bien que plutôt méfiantes, nous envisagions la possibilité de pouvoir manger des légumes. Le lendemain 20 mars, nous avons été réveillées à quatre heures du matin, et au sortir du block installées sur un "lager strass". Quelle ne fut pas notre surprise de nous voir encadrées par des civils, les fusils braqués sur nous. On se demandait si c’était des prisonniers. II y en avait un tous les deux mètres, des vieux et des jeunes, nous avons su que c’était la "volkstum". Nous sommes descendues, cinq par cinq, à pied, jusqu'à la gare de Mauthausen. II y avait aussi une colonne d'hommes. Nous étions environ 200 femmes et 80 hommes. Puis nous avons pris Ie train, debout tout Ie long. Celles qui savaient I'allemand essayaient de deviner ou nous allions, mais motus. Nous avons traversé Ie Danube, et des kilomètres après nous nous disions que I'on ne retournerait sans doute pas au camp. Mais à la gare d' Amsteten, nous sommes descendues et la nous ont remises une pelle et une pioche à chacune d'entre nous. II s'agissait de déblayer les voies de chemin de fer bombardées la veille et recouvertes de glaise. Moins d'une heure apres avoir commencé à déblayer, c'était une alerte. Le bombardement a duré quatre heures. Nous avons du nous réfugier dans un bois. Les bombes tombaient sur la gare et hélas! Les deux dernières étaient pour nous. Le petit bois a été complètement retourné. Nous entendions crier les camarades "Adieu, adieu". Quand nous avons pu relever la tête, c'était un triste spectacle. Certaines étaient en charpie à la cime des arbres, dont une Olga, rescapée d' Auschwitz. Yvonne, de Bordeaux, avait Ie bassin fracture. La petite Rosette (Therese Rigaut) et moi nous nous sommes dépêchées de gratter la terre avec nos mains pour déterrer les compagnes qui étaient ensevelies, dont une petite roumaine, Berthe, ancienne elle aussi d' Auschwitz Elle avait des côtes fracturées et elle s' en est tirée. II y avait aussi deux soeurs belges qui étaient déjà toutes violacées ainsi que Yvonne Kieffer. Nous avons eu 90 tués. L'alerte terminée, les habitants de I'orée du bois sont venus et ils ont fait boire du schnaps à certaines. Ce jour la, nous sommes rentrées tard au camp, après un voyage très pénible. Les mortes ou mourantes étaient arrivées avant nous. Nous avons vu descendre les corps au crématoire. Quelques jours après, il y eut un moment d'affolement. C'était appel sur appel, ils ne savaient pas au juste combien il y avait de manquants. Pendant ce temps, au camp, ils ont voulu une colonne pour nous remplacer Ie lendemain, mais ayant su que nous avions été bombardées, elles ont protesté. Elles ont été menacées d'être enfermées dans la salle de douches et fusillées. Ce fut une grande panique parce qu'elles ont cru qu'on allait les gazer, mais tout s'est passé sans anicroches.
Quand tout a été remis en ordre, une partie des camarades a été gardée au camp, et le plus grand nombre descendu dans une horrible carrière ou nous nous couchions à même le sol, sauf les blessées du bombardement qui avaient droit à une paillasse. Nous logions dans une grande baraque, entourée d'un ruisseau, à I'orée d'un petit bois, ou nous avions des biches comme voisines. Dans I'obscurité, à la moindre alerte, lorsqu'il fallait se lever pour aller faire ses besoins, on marchait sur des blessées. Les dernières nuits, on ne pouvait même pas s'allonger. Le matin, avant de commencer Ie travail, il fallait sortir de cette carrière, marcher et rentrer au camp pour défiler, en rang, devant ces messieurs.

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CROIX ROUGE INTERNATIONALE


Nous sommes revenues sur les lieux du travail qui consistait à ramasser des pommes de terre pour les mettre dans des caves. Nous les transportions à deux à I'aide de ' draguers' ( petites caisses a brancard). C'était un travail éreintant, surtout que le soir il fallait monter au camp pour la fouille. Heureusement, sur Ie travail nous pouvions manger des pommes de terre ou du pissenlit. Un jour, nous avons même découvert un silo de betteraves pour vaches, mais elles n'étaient pas faciles a manger.
A la mi-avril Nous avons appris par les groupes résistants clandestins du camp que la croix internationale était sur les Iieux. Nous avons eu un espoir lorsque les norvégiennes et les hollandaises sont parties. Cependant, la vie devenait de plus en plus pénible. La nourriture diminuait toujours et Ie crématoire marchait à plein. Lorsqu'il nous arrivait de sortir la nuit, nous voyions de longues flammes s'élancer dans le noir et cette odeur de viande grillée qui nous remplissait les narines. Le 22 avril, nous étions descendues au sillon, comme d'habitude. Dans I'après-midi, nous avons vu une voiture s'arrêter près de nous, un homme en descendre et annoncer à une camarade qui se trouvait sur la route que le lendemain nous serions rapatriées. Aussitôt, plusieurs laissèrent éclater leur joie, à la grande colère des SS bien entendu. Un d'entre eux assena une bonne paire de claques à celle qui se trouvait la plus près de lui. Les plus sages continrent leur joie, car il fallait toujours se méfier. Au retour du travail, nous avons vu monter les malades au camp. Nos gardiennes SS avaient disparu, elles devaient se cacher. Nous sommes partis à la douche. Pendant que nous attendions notre tour, nous avons vu passer devant nous, un groupe d'hommes nus, plutôt des squelettes qui montaient du petit camp. lis étaient recouverts d'une simple couverture et allaient sûrement à la chambre a gaz.
Plus près de nous quelques prisonniers étaient là Ie visage tourné vers le mur et bien surveillés.
Nous avons réussi à savoir qu'ils y étaient depuis plusieurs jours, sans manger. C’était des Alsaciens et de Lorrains qui avaient refusé de porter I'uniforme allemand. Après la douche, retour à la carrière. Le lendemain matin, nous sommes montées au camp ou nous avons attendu à nouveau dans la salle de douche. Enfin, nous avons été conduites au terrain de sport (qui servait évidemment aux SS) De là nous avons vu arriver toute une colonne de camions de la Croix Rouge Internationale dans lesquels sont montées les plus pressées. Faute de places, plusieurs d'entre nous n'ont pu y grimper. Désespérées, nous sommes retournées à la salle de douche et I'après-midi d'autres camions sont arrivés pour nos prendre. II nous a été distribué du pain à la sciure de bois et du pâté confectionné avec les vieux chevaux malades, couverts de plaques, que nous avions vu revenir du front russe. Nous avons protesté et nous avons obtenu qu'il nous soit distribué du pain des SS et du saucisson mangeable. Nous avons traversé une grande partie de I' Autriche en car, de jour et de nuit. Le 24 avril au matin, les cars sont montés sur Ie bac qui traverse le lac de Constance.

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Aussi, c'est avec un Ouf ! de soulagement que nous avons posé nos pieds sur le sol Suisse, car jusque la nous n'étions sures de rien. Dans ce pays d'accueil, nous avons été bien reçues sur Ie quai. II y avait presque une infirmière pour chacune. Nous avons passé une visite médicale.
Celles jugées incapables de continuer le voyage sont restées en Suisse ou plusieurs, hélas, sont mortes.
Voila un résumé de mon parcours à travers I'univers concentrationnaire. J'aurais beaucoup aà ajouter. Je voudrais pouvoir oublier, mais c'est impossible quand nous voyons tant de camarades laissées derrière nous. Pour que ceci ne se renouvelle pas, noud devons crier bien fort ce qui s'est passé. Nous n'avons pas lutté contre le nazisme, contre la mort, pour voir ce qui se passe aujourd'hui.

 

Rédigé d'après les notes remises par Marie Salou à Jean Nédélec
    Brest     Mai 2006

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2 septembre 2019 1 02 /09 /septembre /2019 05:10

 

Un rapport confidentiel de l’Établissement public de sécurité ferroviaire relève des anomalies sur l’état du réseau

national pouvant « affecter la sécurité » des circulations. La CGT dénonce la politique de baisse des coûts et la casse du rail public.

Depuis 2005 et la publi-­cation d’un audit aux conclusions alarmantes publié par l’École polytechnique de Lausanne, de nombreuses études attestent régulièrement de la vétusté du réseau ferré national. La dernière en date, confidentielle, émane de l’Établissement public de sécurité ferroviaire (EPSF), créé en 2006, au moment de la première vague de privatisations (fret et liaisons transfrontalières) et chargé de veiller à la sécurité ferroviaire. Dans son rapport, que le Parisien a pu consulter, l’EPSF révèle ainsi des « ­centaines d’anomalies » repérées lors de contrôles aléatoires réalisés en mai dernier sur une large zone Atlantique. Éclisses en bout de course, câblages rongés aux passages à niveau, irrégularités sur des dispositifs de signaux électriques… en tout, près de 14 000 km de voies – sur les 30 000 km que compte l’ensemble du réseau ferré – ont été passés au crible. Certes, l’EPSF note que certaines de ces anomalies ont été traitées, mais « hors délais réglementaires » pour une partie d’entre elles, quand d’autres, a priori non identifiées par les cheminots en charge de la maintenance, pourraient pourtant « affecter la sécurité » des circulations.

Hausse de la sous-traitance

La SNCF, elle, minimise et verse dans ­l’autosatisfecit. Depuis le déraillement meurtrier de Brétigny-sur-Orge, pendant l’été 2013, « il n’y a jamais eu autant de contrôles, ce qui est une bonne chose », ­estime l’entreprise, qui affirme en outre, à l’unisson avec le ministère des Transports, que l’EPSF, qui a obligation de « demander des mesures conservatoires immédiates » face à des « situations graves ou des écarts graves », ne l’a pas fait. Pour autant, assurait hier Élisabeth Borne, « on va tous être vigi­lants à ce que des correctifs soient ­apportés à court et moyen terme ».

Par-delà la communication, l’obsolescence avérée des infrastructures ferroviaires ne vient pas de nulle part. « Les faits sont ­têtus », et, pour la CGT cheminots, « la responsabilité de l’État et de la direction de la SNCF » en la matière est « majeure ». Le syndicat dénonce « les réformes en ­cascade, le recours massif à la sous-traitance, à l’externalisation, la casse des effectifs cheminots, le recours à l’emploi précaire, la stratégie du tout­business »… Et si « les circulations ferroviaires en France restent globalement fiables et sûres, grâce à ­l’investissement des cheminots de la SNCF qui font correctement leur travail, dès lors qu’on leur donne les moyens structurels, organisationnels, fonctionnels et financiers », insiste la CGT, les politiques successives de « recherche ­effrénée de baisse des coûts » menacent l’équilibre du rail. Particulièrement complexe et exigeant une maîtrise précise de l’outil ­industriel, le service public ferroviaire subit pourtant ­depuis près de vingt ans des attaques répétées contre son unité, au détriment des ­cheminots, et des usagers.

Depuis 2014, la sous-traitance sur les ­travaux de maintenance a ainsi bondi de 35 %, alors même que cette stratégie « représente un surcoût de 10 % à 15 % », de l’aveu même de la SNCF. « En cinq ans, ce sont plus de 10 000 emplois de cheminots SNCF équivalent temps plein qui ont été ­transférés à la sous-traitance », rappelle le syndicat, qui note au passage qu’alors que « la réforme de 2014 prévoyait le recrutement de 500 agents par an jusqu’en 2020 pour faire face au défi de la régénération du ­réseau », cet objectif n’a « jamais été ­réalisé ». L’année dernière, le « nouveau pacte ferroviaire » porté par Édouard Philippe et imposé sans débat parlementaire, par ordonnances, a parachevé la casse du rail public en ouvrant l’ensemble des circulations à la concurrence, en abandonnant l’embauche de cheminots au statut et en transformant la SNCF en société anonyme.

Pourtant priorité absolue des cheminots, la sécurité des circulations est peu à peu passée en arrière-plan. De la suppression des brigades de proximité, formées à inter­venir très rapidement en cas d’incident, à la diminution des pas de maintenance (contrôle des voies), la couverture des risques n’est plus optimale. La direction de la SNCF a tranché en faveur de la stratégie dangereuse du « risque calculé » qui consiste à pousser l’usure des infrastructures au maximum au lieu d’investir en amont pour éviter les ruptures.

Marion d’Allard

 

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2 septembre 2019 1 02 /09 /septembre /2019 05:08

 

Alors que les taux d’intérêt sont historiquement bas, et même négatifs, les États restent arc-boutés sur leur dogme et refusent de dépenser pour faire repartir la machine économique.

L’état s’endette pour financer la fiscalité des plus riches

Pourtant, avec de telles marges de manœuvre, les États pourraient investir, développer les services publics. La France, par exemple, avec un taux à – 0,4 % sur dix ans, comme le mois dernier, ne remboursera pour un emprunt de 100 000 euros que 96 000 euros. Ainsi, la charge de la dette (les intérêts d’emprunt) devrait être allégée de 2 milliards d’euros cette année par rapport aux prévisions de la loi de finances, a annoncé mardi le ministre de l’Action et des Comptes publics, Gérald Darmanin. Elle pourrait même baisser de 22 milliards d’euros d’ici à 2021, si la tendance était durable, selon le rapporteur du budget à l’Assemblée nationale. Des enveloppes que les pays d’Europe ne souhaitent pas utiliser. Bercy pointe « la réduction des recettes fiscales » qui « l’emporte sur la réduction de la charge de la dette », avant d’affirmer que, par conséquence, « il n’y aura aucune cagnotte budgétaire liée à la diminution des taux d’intérêt ». En d’autres termes, l’État continuera à s’endetter pour financer les mesures fiscales favorisant les plus riches. Pour rappel, les allégements de la fiscalité du capital entrés en vigueur le 1er janvier 2018 coûtent 4,5 milliards d’euros par an au budget de l’État, selon les calculs de la fondation Jean-Jaurès. Or, même chez les libéraux – de Mario Draghi, le président de la BCE, au rédacteur du programme économique d’Emmanuel Macron, Jean Pisani-Ferry –, des voix s’élèvent pour un assouplissement budgétaire. Car le modèle allemand imposé à toute l’Europe via des traités pensés pour limiter dépenses et investissements, en espérant que le commerce extérieur et les exportations viennent au secours de la croissance, tourne, avec la guerre commerciale, au marasme économique. « Les politiques budgétaires qui consistent à dépenser moins pour les services publics affaiblissent les bases les plus solides de l’économie, empêchent le développement de capacités nouvelles et entretiennent la déflation. Elles doivent être critiquées sans réserve », dénonce Denis Durand, économiste du PCF. Tant les besoins sont énormes, estiment les deux économistes. « L’objectif n’est pas la croissance, c’est celui de l’emploi et de la réponse aux besoins massifs pour réaliser la transition écologique. Mécaniquement, cela générera de la croissance économique », promet Jonathan Marie. Sur ce dernier point, Denis Durand est de son côté plus réservé. « Beaucoup de gens comprennent la contradiction qui est à l’œuvre aujourd’hui. Ce qui est en jeu, notre bien commun, c’est le climat mais il est géré par des intérêts privés qui captent les richesses. Au contraire, pour réussir cette transition, il est nécessaire que les travailleurs soient extrêmement autonomes, bien informés, capables d’initiatives. Car le capital ne peut pas choisir de développer les capacités humaines sinon ce n’est plus le capital. La réponse ne peut être que politique. »

L’économie mondiale ralentit. La récession guette l’Europe. Pourtant, les taux d’intérêt, instrument roi de la politique monétaire pour empêcher l’effondrement, n’ont jamais été aussi bas. La situation, commune à ceux qui se réuniront ce week-end à Biarritz pour le G7, est inédite. Les théories économiques keynésiennes ou libérales dysfonctionnent. La baisse des taux d’intérêt s’accompagne d’une hausse des prix à la consommation très faible et non d’une poussée inflationniste. C’est la panne. « Conséquence directe de l’incohérence des politiques économiques mises en place depuis la crise financière de 2008, analyse Jonathan Marie, professeur d’économie à Paris-XIII, membre du collectif des Économistes atterrés. La politique monétaire très expansionniste qui permet aux banques d’obtenir des liquidités (de l’argent) à un prix extrêmement faible pour relancer le crédit des entreprises et des ménages en vue de soutenir l’économie réelle n’a pas fonctionné, car la politique budgétaire en Europe a été très récessive. » Et sans critère, l’injection massive de liquidités par les banques centrales, et particulièrement celles de la zone euro, a servi à doper la finance. Les entreprises ont préféré utiliser ces fonds pour effectuer des rachats d’actions et gonfler artificiellement les dividendes. Les ménages, eux, ont placé cette manne dans l’immobilier. Résultat, l’économie stagne, les bulles spéculatives se créent ou se développent.

Clotilde Mathieu

 

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2 septembre 2019 1 02 /09 /septembre /2019 05:07

 

Le 22 août, cela fera six mois que l’Algérie est secouée par une contestation citoyenne qui ne donne aucun signe d’essoufflement, avec pour dominante une revendication de changement radical du système politique. 

Plus connue sous l’appellation de « Hirak » (Mouvement) que « révolution du sourire », cette lame de fond populaire ayant débuté le 22 février, a provoqué la chute du gouvernement Bouteflika le 2 avril, l’annulation des scrutins présidentiels du 18 avril et du 4 juillet et la mise hors d’état de nuire du clan politico-oligarchique sur lequel reposait son pouvoir.  Accusés de « complot », Said Bouteflika, frère et éminence grise du président ainsi que les généraux Mohamed Mediene et Tartag, ex-chefs du redoutable DRS (services, un Etat dans l’Etat) sont sous les verrous. Des affairistes et oligarques, dont Ali Haddad, le patron du FCE (Medef algérien), deux anciens chefs de gouvernement – Ahmed Ouyahia et Abdelmalek Sellal – l’ex-chef de la sureté nationale le général Hamel, plusieurs ministres, des walis (préfets), des hauts fonctionnaires et des chefs d’entreprises publiques, sont mis en détention provisoire pour faits de corruption et dilapidation de l’argent public... 

Depuis, pas un jour ne passe sans que des hauts fonctionnaires – magistrats, policiers, sous-préfets…- ne viennent grossir la liste de cette traque à la corruption lancée à la suite d’un discours du chef d’état-major de l’armée, le général Gaid Salah, qui incarne de fait le vrai pouvoir. Ses discours, largement médiatisés et commentés par les médias publics et les chaînes de télé privées arabo-islamistes – Ennahar et Echourouk en particulier – rythment l’actualité. Mais sans parvenir à convaincre les algériens du bien-fondé de cette opération « main propre » à l’algérienne : en effet, elle n’a touché que les politiques et affairistes connus pour leur proximité avec l’ancien clan présidentiel. 

Bien plus, cette opération a été entachée par les arrestations pour « complot » contre l’armée (et non pour corruption) des ex-généraux Hocine Benhadid et Ali Ghediri, ce dernier  candidat à l’élection présidentielle du 18 avril et du vétéran de la guerre d’indépendance nationale, le commandant Lakhdar Bouregâa (86 ans), tous trois connus pour leur opposition au général Gaid Salah. Arrestations aussi des porteurs de l’emblème berbère (amazigh), et ce, depuis que le général Gaid Salah a estimé que tout autre emblème que l’emblème national portait atteinte à l’unité nationale. Les conseillers du chef d’état-major escomptaient-ils raviver de vieux clivages entre arabophones et berbérophones sur lesquels le FLN post-indépendance a tenté de se reconstruire en niant les fondements identitaires algériens ? 

Il n’empêche, ce raidissement soudain du pouvoir politique sur fond de stratégie de division du mouvement populaire visant, entre autres, à pousser tout ou partie de ce dernier à la faute,  n’a pas eu l’effet escompté. Ni les effets du mois de jeûne du ramadan de mai-juin, ni les fortes chaleurs qui ont plombé l’été algérien – une moyenne de 35 degrés à l’ombre – et les offres de dialogue du pouvoir centrés sur l’organisation d’une élection présidentielle comme unique option de sortie de crise, n’ont eu d’impact sur un mouvement populaire pour lequel le départ du système et la libération des détenus d’opinion, scandés chaque vendredi par des centaines de milliers de personnes et le mardi par les étudiants, à travers pratiquement toutes les grandes villes du pays reste le fait dominant. Pour le général Gaid Salah, campant sur ses positions, « toutes les revendications populaires » ont été satisfaites et il est temps d’organiser une élection présidentielle dans les plus délais brefs.   

C’est à cette tâche que s’est attelé le panel de six personnalités présidé par Karim Younès, ex-président de l’assemblée nationale et opposant à Bouteflika, qui a cru gagner la confiance des algériens en revendiquant des mesures d’apaisement – la libération des détenus d’opinion dont celle du commandant Bouregâa – sinon il ne pourrait mener ce dialogue avant de se raviser, suite au « niet » du général Gaid Salah. Refus qui a entraîné la démission de deux membres du panel dont l’économiste Smail Lalmas. Et le moins qu’on puisse dire est que non seulement ce panel a essuyé des refus de personnalitésà faire partie d’une instance de médiation ad-hoc comme celle de l’icône de la Bataille d’Alger, Djamila Bouhired, mais depuis il donne l’impression de patauger, allant jusqu’à s’entourer de personnes au passé politique peu clair dont plusieurs connues pour avoir soutenu Bouteflika à briguer un 5e mandat ou appartenu à la mouvance islamiste dite modérée. 

Six mois après, bien que la configuration socio-politique ait changé et qu’il y ait désormais un avant et un après 22 février, aucune solution ne semble se dessiner. Chaque camp – d’un côté, le pouvoir de fait, à savoir l’armée, plus que jamais en première ligne, de l’autre le Hirak soutenu par les partis de l’alternative démocratique (gauche et démocrate) – campe sur ses positions. L’Algérie se trouve dans une impasse politico-institutionnelle. Et à la veille d’une rentrée sociale que d’aucuns annoncent chaude, ce vendredi 23 août connaitra sans doute une mobilisation exceptionnelle, prélude aux grandes manifestations attendues du mois de septembre et qui prendront sans doute une coloration plus sociale, certains problèmes – chômage, précarité, hausse du coût de la vie, relance de la machine économique – arrivés à maturité nécessitent un début de solution que le gouvernement actuel rejeté par les algériens est dans l’incapacité de mettre en œuvre.

 1 Ce dernier, qui a révélé que le chef de l’Etat par intérim avait donné son accord avant d’être recadré par le général Gaid Salah, a fait état de divergences au sein du pouvoir politique

 

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2 septembre 2019 1 02 /09 /septembre /2019 05:06

 

Le gouvernement s’est accordé un vibrant satisfecit après les annonces de la baisse du taux de chômage. Pourtant, ce taux semble être un instrument de plus en plus contestable pour mesurer la réalité économique et sociale.

Après la publication par l’Insee la semaine passée du taux du chômage pour le deuxième trimestre 2019, le gouvernement et ses partisans se sont accordé un satisfecit appuyé. L’institut de Montrouge a annoncé le 14 août un taux de chômage moyen de 8,5 % entre avril et juin, soit 0,4 point de moins qu’il y a un an pour le même trimestre de 2018. En France métropolitaine, le taux atteint 8,2 %, soit 0,2 point de moins qu’au premier trimestre et 66 000 chômeurs de moins. Les défenseurs de la politique gouvernementale de flexibilisation du marché du travail et de baisse de son coût ont alors crié à la preuve du succès de ces mesures. La ministre de l’emploi, Muriel Pénicaud, s’est même fendue en pleins congés du gouvernement d’un communiqué pour se féliciter des résultats de « l’action résolue et cohérente du gouvernement, et notamment des transformations du code du travail, de l’apprentissage et de la formation professionnelle ». L’économiste-conseiller d’Emmanuel Macron Gilbert Cette a proclamé que désormais la France pouvait voir son taux de chômage baisser avec une croissance assez faible et qu’il fallait y voir un effet des réformes.

Pourtant, les choses pourraient être beaucoup moins simples qu’il n’y paraît. L’éditorialiste d’Alternatives économiques Guillaume Duval a ainsi souligné avec justesse que la baisse du deuxième trimestre était en réalité due à un recul du taux d’activité, qui est passé de 72,2 % à 72 % de l’ensemble de la population des 15-64 ans. Autrement dit, il y a moins de chômeurs parce que de plus en plus de personnes renoncent à chercher un emploi et basculent dans l’inactivité. Voilà qui, effectivement, relativise le « succès ». Non sans raison, d’autres ont aussi mis en avant le fait qu’une baisse du chômage accompagnée d’une faible croissance est le signe inquiétant à moyen et long terme d’une dégradation de la productivité de l’économie. Certains, enfin, pouvaient pointer la progression du « halo du chômage », autrement dit du nombre de personnes qui ne sont pas intégrées dans les statistiques du chômage parce qu’officiellement inactives mais qui cherchent néanmoins un emploi : 63 000 de plus, soit autant que la baisse officielle du nombre de demandeurs d’emploi.

Certes, on pourrait s’interroger sur une forme de mauvaise foi liée à ces contestations. Lorsque le thermomètre ne donne pas une mesure satisfaisante, on peut être tenté de le briser ou de le relativiser par d’autres types de mesures. Mais en réalité, ces contestations mettent bien en évidence le fait que le taux de chômage pourrait ne plus être le bon instrument, ou du moins ne plus être le seul, pour mesurer la réalité du marché du travail. Rappelons que ce taux mesure la proportion dans la population active du nombre de personnes sans emploi, immédiatement disponibles pour occuper un poste et qui recherchent activement un emploi. Au sens du Bureau international du travail (BIT), être « sans emploi » signifie ne pas avoir travaillé une heure par semaine. Les mutations du travail dans le contexte néolibéral tendent progressivement à rendre la réalité décrite par ce « taux de chômage » très incomplète pour évaluer tant l’activité économique que la situation sociale d’un pays.

Au reste, la question n’est pas que française. Depuis une dizaine d’années, le chômage a beaucoup baissé dans bien des pays occidentaux, notamment dans trois grandes économies : les États-Unis, l’Allemagne et le Royaume-Uni. Pourtant, ces baisses s’expliquent moins par des performances économiques exceptionnelles, puisque, globalement, les taux de croissance sont restés plutôt modérés, que par des modifications majeures du marché du travail lui-même.

Le cas de l’Allemagne est de ce point de vue intéressant. En septembre 2017, une étude de l’économiste Michael Burda de l’université Humboldt de Berlin attribuait le « miracle de l’emploi » allemand à deux phénomènes : le développement du temps partiel qui a permis une réduction de facto du temps de travail et la modération salariale. Autrement dit : le taux de chômage a baissé parce que les travailleurs allemands ont travaillé moins pour moins cher. Entre 2008 et 2018, selon les données de l’institut IAB de Nuremberg, le volume global d’heures travaillées a ainsi progressé de 8,8 %, mais le nombre de personnes en emploi a, lui, crû de 11,7 % et le taux de chômage a, de son côté, reculé de 8,1 % à 3,5 %. Autrement dit, l’évolution du taux de chômage a donné une vision déformée de la performance globale de l’économie allemande. Pour ne rien dire de la situation sociale : avec un taux de chômage près de trois fois moins élevé, l’Allemagne affiche un taux de personnes en risque de pauvreté selon Eurostat plus fort que la France (16,1 % contre 13,7 % pour la France en 2017). Mieux même : ce taux a progressé à mesure que le chômage baissait…

Aux États-Unis, le taux de chômage a aussi reculé spectaculairement, passant de 10 % en octobre 2009 à 3,6 % actuellement. Là encore, l’apparence du plein emploi est complète. Sauf que, en regardant de plus près, on constate que le nombre d’employés de 15 à 64 ans n’a progressé en dix ans que de 1,15 million de personnes alors même que la population des 15-24 ans a progressé de 9,1 millions d’individus ! Difficile dans ce cadre de parler comme on l’entend souvent de « plein emploi » outre-Atlantique. Autrement dit, le taux de chômage ne reflète que très imparfaitement ici aussi la performance économique et sociale du pays. Pire même, il est le reflet de la très faible croissance de la productivité américaine depuis la crise. Les exemples de ce type pourraient être multipliés. Progressivement, le taux de chômage peine de plus en plus à remplir son rôle d’outil de mesure de l’efficacité d’une économie.

Voilà trente ans, un taux de chômage bas signifiait presque à coup sûr que l’économie tournait à plein régime et pouvait ainsi créer des emplois. Il était aussi une forme de mesure du bien-être car l’emploi se traduisait par une sécurité financière accrue. La raison en était simple : l’emploi créé l’était alors à temps plein, il était protégé, et à durée indéterminée. Le taux de chômage était donc une mesure de prospérité et de bien-être. Désormais, l’emploi étant plus flexible et précaire, le taux de chômage tel que défini par le BIT n’a plus la même signification. Un travailleur à temps partiel ou qui a travaillé quelques jours peut cesser d’être statistiquement chômeur alors qu’il est toujours à la recherche d’un emploi et qu’il dispose de faibles revenus. Le plein emploi statistique ne dit alors plus forcément grand-chose de l’état de l’économie.

L’avenir d’une illusion…

C’est dans ce contexte que s’inscrit un des principaux débats qui secoue aujourd’hui la science économique autour de la « courbe de Phillips » et du taux de chômage naturel. En 1958, l’économiste néo-zélandais William Phillips avait établi à partir des données britanniques une courbe qui porte depuis son nom et qui décrit une relation inverse entre chômage et inflation. Plus le chômage est bas, plus l’inflation augmente via les salaires. Plus il est élevé, plus les prix tendent à rester sages. Cette courbe a connu de nombreuses interprétations, mais le consensus utilisé par les banques centrales depuis les années 1980 était que l’on devait faire un choix, en conséquence, entre l’inflation et le chômage. Or, sous l’influence des monétaristes, on a donné la priorité à la lutte contre l’inflation en cherchant par la politique monétaire à parvenir à un taux de chômage « naturel » appelé « NAIRU » (« non-accelerating inflation rate of unemployment »). À ce niveau (théorique) de chômage, l’inflation n’est plus censée accélérer parce que le marché du travail a trouvé son équilibre. Mais ce NAIRU n’est pas le plein emploi : pour que les deux notions coïncident, il faut, selon les économistes, réaliser des « réformes structurelles » pour permettre un fonctionnement du marché du travail parfait et donc un équilibre optimal.

Depuis quarante ans, ces deux notions sont l’alpha et l’oméga des politiques économiques et monétaires. Les réformes défendues par Emmanuel Macron n’ont pas d’autres ambitions que l’application de cette théorie. Puisque le taux de chômage français est élevé, il faut abaisser le taux d’équilibre par des réformes, ce qui revient à faire jouer davantage l’offre et la demande. D’où la flexibilisation du marché du travail qui, selon cette théorie, permettra de faire baisser le taux de chômage et, donc, en parallèle, à mesure que l’on se rapproche du taux d’équilibre, de renforcer les revendications salariales des individus. Aussi Muriel Pénicaud peut-elle se réjouir de la baisse du taux de chômage qui serait bien une mesure du bien-être puisque l’emploi serait alors plus abondant et mieux rémunéré. Mais tout ceci est théorique. Car, dans les faits, on peine à identifier la courbe de Phillips et le NAIRU. On ne compte plus, en effet, les études sur la « mort » de la courbe de Phillips, pour la nier ou l’avancer. Une chose semble cependant certaine : l’exemple américain ou allemand laisse perplexe.

Inflation et chômage aux États-Unis. © FRED, Federal Reserve of Saint-Louis

Car, dans ces pays, le plein emploi ne s’est pas accompagné de pressions salariales fortes. Loin de là. Aux États-Unis, le taux d’inflation a reculé pendant les cinq premières années de la baisse du chômage. Il est ensuite resté très modéré. Le taux d’inflation actuel est de 1,8 % pour un taux de chômage de 3,6 %, alors même qu’en 2008 avec un taux de chômage de 4,5 %, la hausse des prix dépassait 3 %. Le phénomène est encore plus frappant en Allemagne, où on ne constate aucune accélération de l’inflation au cours des dix ans qui ont conduit le pays au plein emploi. Après une rapide envolée en 2016, la croissance des salaires réels allemands s’est stabilisée autour de 1 % et tend même à s’affaiblir. Fin 2018, le taux de chômage allemand a atteint son niveau de 1980, 3,3 %. Mais en 1980, l’inflation hors énergie et alimentation (celle donc qui peut être attribuée aux salaires) était de 5,3 % contre 1,2 % en 2018…

Il faut donc se rendre à l’évidence : la courbe de Phillips a du plomb dans l’aile. On constate actuellement une anomalie inverse de celle des années 1970. À l’époque, les salaires et le chômage augmentaient de conserve. Aujourd’hui, le chômage baisse sans réelle dynamique salariale de fond. C’est peut-être parce que la mesure du plein emploi par le taux de chômage n’est plus pertinente. Le plein emploi statistique laisse en effet de nombreux travailleurs insatisfaits de leurs conditions de travail et de rémunération, sans compter ceux qui, découragés, sont formellement inactifs mais qui peuvent à tout moment revenir sur le marché du travail (le fameux « halo du chômage »). « L’armée de réserve » est donc bien là et elle pèse sur la demande d’emploi qui est, en réalité, plus élevée que ne le laisse penser le taux de chômage.

Cette illusion statistique conduit en quelque sorte à la création d’un équilibre sous-optimal. Le plein emploi n’empêche pas la concurrence entre les travailleurs et la pression sur les salaires. Et comme le travail est bon marché et abondant, les entreprises limitent leurs gains de productivité et donc leurs investissements productifs. Ce qui, en retour, obère la croissance future. Les néolibéraux défendront sans doute l’idée qu’il faut alors encore plus de réformes pour trouver le bon équilibre, mais c’est une fuite en avant très risquée. Au point que, même à la Réserve fédérale, on commence à s’interroger sur les notions de plein emploi et de NAIRU. On n’hésite plus à penser qu’il est nécessaire de stimuler l’activité, y compris avec un taux de chômage à 3,6 %… C’est du reste ce qu’a fait la BCE malgré un taux de chômage bas en Allemagne, sans créer, on l’a vu, de pression inflationniste.

Le taux de chômage classique ne semble donc plus réellement pertinent. Il n’est qu’un moyen très imparfait de définir l’état d’une économie et, encore plus, un bien-être social. Un plein emploi statistique acquis à coups de modération salariale, de précarisation de l’emploi et de réduction du temps rémunéré de travail est en réalité une machine à creuser les inégalités. Là encore, les exemples allemand, américain et britannique le montrent assez clairement. Il y a alors un paradoxe : plus le taux de chômage est bas, plus le risque de mécontentement social peut être important. Dans une tribune récente publiée dans Le Monde, la sociologue Dominique Méda rappelle que « les mauvais emplois ont un coût social » et politique. Or les réformes néolibérales font le choix du plein emploi statistique au détriment de cette qualité de l’emploi. Tout est bon, tant qu’on a un travail, même précaire, même mal payé. Et, pour enfoncer le clou, on réduit les indemnisations chômage afin que cette vérité soit vérifiée. La pierre angulaire des réformes Hartz en Allemagne était précisément la réduction de la durée d’indemnisation et le renforcement de l’obligation de prendre un emploi pour les chômeurs de longue durée. C'est la voie suivie avec la réforme du chômage par le gouvernement français. Mais ce chemin est des plus dangereux. On comprend aisément pourquoi : le mécontentement ne peut que naître du contraste entre une situation présentée comme idéale, le plein emploi, et la réalité sociale vécue.

Il serait donc urgent de relativiser le taux de chômage et de cesser de le voir comme un indicateur de performance économique et de bien-être. Il est, au contraire, utile de le compléter par d’autres données : taux d’activité, salaires, mesures des inégalités, qualité des emplois. Mais la pratique politique est bien loin d’une telle nuance. L’obsession du taux de chômage, la promesse que les délices de la prospérité accompagnent sa baisse, tout cela est, il est vrai, politiquement plus vendeur. Cela permet aussi de mieux « vendre » la poursuite des réformes néolibérales qui pourraient pourtant bien être à l’origine de l’inefficacité du taux de chômage… Il y a donc fort à parier que le gouvernement continuera à n’avoir comme objectif que la baisse de ce taux. Quel qu’en soit le risque.

 

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1 septembre 2019 7 01 /09 /septembre /2019 05:18

 

Il aura fallu plusieurs semaines de feux dans l’Amazonie pour que le président français réagisse. Emmanuel Macron s’affiche désormais contre le traité de libre-échange européen conclu avec le Mercosur, et a dit au cours du G7 sa volonté d’organiser une aide internationale pour sauver le poumon vert de la planète. De son côté, le président brésilien, sous pression, a dépêché l’armée sur place.

Il aura donc fallu plusieurs semaines d’incendies en Amazonie pour que le président français réagisse. Vendredi 23 août, Emmanuel Macron a menacé de ne pas signer l’accord de libre-échange entre l’Union européenne et le Mercosur, entériné fin juin par la Commission sortante. Il s’oppose « en l’état », a-t-il dit, à cet accord négocié avec les quatre pays du Mercosur que sont l’Argentine, le Brésil, le Paraguay et l’Uruguay.

Derrière l’Élysée, l’Irlande et l’Allemagne ont affiché des positions similaires, puis Donald Tusk, le président sortant du Conseil européen, leur a emboîté le pas : invité au G7 qui commençait samedi à Biarritz, il a déclaré juste avant l’ouverture du sommet, au sujet de l’accord UE/Mercosur, qu’il était « difficile d’imaginer un processus de ratification » tant que le gouvernement brésilien permettait « la destruction » de l’Amazonie.

Ce dimanche sous le soleil basque, Emmanuel Macron est allé jusqu’à annoncer « des moyens économiques et financiers » pour lutter contre la déforestation – mais sans être plus précis. La France, avec la Guyane française, « est l’un des neuf pays amazoniens », a-t-il dit. « Nous sommes en train de travailler à un mécanisme de mobilisation internationale pour pouvoir aider de manière plus efficace ces pays. » Sur ce sujet comme sur les multiples autres abordés pendant ce G7 (nucléaire iranien, Brexit, guerre commerciale Chine/États-Unis...), la détermination est de mise, mais les effets se feront attendre.

De son côté, le président brésilien a fini par réagir aussi en cette fin de semaine. Alors qu’il laissait jusqu’ici le poumon vert de la planète s’embraser sans vouloir intervenir, considérant dans un premier temps les incendies comme « naturels » alors qu’ils sont d'origine criminelle, puis accusant les ONG de les avoir provoqués afin de toucher des financements, Jair Bolsonaro a annoncé, dans une allocution destinée à « la campagne de désinformation construite contre la souveraineté » de la nation brésilienne, le déploiement de l’armée.

Par décret, il a autorisé à partir de samedi et pour une durée d’un mois les gouverneurs des États concernés à recourir à aux moyens militaires pour « l’identification et la lutte contre les foyers d’incendie », ainsi que pour « des actions préventives et répressives contre les délits environnementaux ». Des Canadairs ont commencé à intervenir sur les feux au cours du week-end, tandis que les incendies s’étendent depuis quelques jours à la Bolivie voisine. Donald Trump y est allé de son tweet à son tour, assurant Brasilia de son soutien pour lutter contre les feux de la forêt tropicale.

« Bolsonaro s’exprime au niveau national, mais n’annonce aucune mesure concrète pour lutter contre la déforestation », a réagi l’antenne brésilienne de Greenpeace. Il faut dire que depuis l’arrivée au pouvoir du leader d’extrême droite, en janvier dernier, les autorités brésiliennes ferment les yeux sur la déforestation du poumon amazonien, provoquée depuis des années par les lobbies de l’agriculture industrielle et de l’exploitation minière.

Sobrevoamos a Amazônia ontem, 23, para documentar as queimadas. Esse é o resultado do desmonte da política ambiental promovida pelo governo Bolsonaro, que cortou verbas e diminuiu as operações de combate aos crimes ambientais. https://t.co/VSY6hrGSJO#TodosPelaAmazôniapic.twitter.com/ZJ8SvSZ38J

L’Institut national de recherche spatiale brésilien, l’INPE, a pourtant publié le 6 août des chiffres alarmants : au cours du mois de juillet, 2 254 km² dans le pays ont été déboisés, contre 596,6 en juillet 2018 – soit une augmentation de 278 % sur un an. La réaction politique a été immédiate : le directeur de l’Institut, Ricardo Galvão, a été limogé dans les jours qui ont suivi…

Cette politique criminelle vis-à-vis de la forêt amazonienne et des populations qui l’habitent n’est pas isolée. Elle s’inscrit dans une série déjà lourde de conséquences de mesures climato-sceptiques et anti-écologiques prises par le président d’extrême droite depuis son accession au pouvoir.

Bolsonaro a commencé par refuser d’accueillir la COP 25, la prochaine conférence internationale sur le climat qui doit se tenir en décembre prochain (et qui aura finalement lieu au Chili). Il a ensuite dissous le Conseil national pour la sécurité alimentaire et nutritionnelle, qui constituait un espace de discussions entre les autorités brésiliennes et différents secteurs de la société. Puis il a confié au ministère de l’agriculture – où il a placé une représentante du lobby de l’agrobusiness – la délimitation des terres indigènes, qui relevait jusque là de la Fondation de l’Indien – ce qui permettait de sanctuariser des espaces de forêt vierge. Il a également mis sous sa coupe la protection des forêts.

Comme notre correspondant au Brésil le racontait déjà au mois de juin, Bolsonaro a également abaissé toutes les normes environnementales du pays et s’est livré à une chasse aux sorcières à l’intérieur des administrations. Les budgets du ministère de l’environnement sont allés dans le même sens : certains secteurs comme celui de la lutte contre le changement climatique ont accusé une baisse de 95 %. L’Ibama (Institut brésilien de l’environnement et des ressources naturelles, qui dépend du ministère) a subi en moyenne 24 % de coupes budgétaires – une chute qui atteint 38 % pour la prévention des incendies. Cette mesure « devrait faire des ravages en Amazonie, alors que la saison des incendies s’étale entre juin et octobre, et que beaucoup de départs de feu sont intentionnels, permettant de valoriser des terrains aux yeux d’éleveurs ou de grands fermiers », écrivait alors Jean-Mathieu Albertini, le correspondant de Mediapart à Rio de Janeiro…

Il n’y a pas de hasard. La politique menée depuis le début de l’année par Jair Bolsonaro va clairement dans le sens des lobbys agroalimentaires. Un chiffre : en six mois, 239 pesticides ont été homologués dans ce pays qui est l’un des plus gros consommateurs de produits phytosanitaires au monde.

« Nous constatons que les institutions de protection environnementale sont de plus en plus affaiblies par les mesures du gouvernement. Concrètement, les organes de contrôle, comme l’Institut brésilien de l’environnement et des ressources naturelles, ont vu leurs subventions coupées, et disposent donc de moins d’agents sur le terrain pour travailler », expliquait ce samedi au journal La Croix Julia Cruz, avocate brésilienne spécialisée en droit environnemental.

Tout au long du week-end, de multiples rassemblements ont eu lieu dans les villes du pays pour appeler à la protection de la forêt amazonienne et à la fin de la politique criminelle de Bolsonaro.

L’intervention de Macron sur ce dossier, si elle contribue à la pression internationale exercée sur le pouvoir brésilien, ne doit cependant pas faire illusion. Paris, avec son département d’outre-mer sud-américain, n’est pas la mieux placée pour faire la leçon. Certes, le projet Montagne d’or, cette vaste mine d’or au cœur de la forêt amazonienne en Guyane française, est pour le moment suspendu. Mais d’autres permis de recherche minière ont récemment été accordés par l’administration française. Dernier en date, le 3 août : la société Sands Ressources s’est vu accorder un permis portant sur 5 000 hectares de forêt.

Quant aux partenaires commerciaux de Paris et de Bruxelles, et au premier rang desquels le Canada avec qui l’UE a contracté un accord de libre-échange validé côté français par l’Assemblée nationale le 23 juillet dernier, le Ceta, ils ne font pas mieux : eux aussi sont impliqués dans la déforestation qui touche l’Amazonie depuis des années. Plusieurs sociétés canadiennes exploitent ainsi les minerais amazoniens, et l’une d’entre elles, Belo Sun Mining Corp., a désormais la main sur l’une des plus grandes réserves d’or du Brésil, située à côté du barrage de Belo Monte. Pour l’instant, les opposants ont réussi à interrompre le projet (retrouver le reportage de notre correspondant), mais nul ne sait combien de temps cela tiendra.

La prise de conscience du président français est pour le moins tardive et sans grande cohérence. En suspendant l'accord commercial avec le Mercosur après avoir accepté celui du Ceta, Emmanuel Macron contredit la position française. Car l’un et l’autre reposent sur une même philosophie – l’export de l’industrie européenne, en échange de produits agroalimentaires issus du continent américain sur lesquels on est beaucoup moins regardant qu’en Europe. L’agro-industrie européenne elle-même est liée à la déforestation amazonienne, car la monoculture de soja qui se développe sur une grande partie de ces nouvelles terres agricoles est, aussi, destinée aux élevages occidentaux. D’après un rapport de Greenpeace publié en juin dernier, près de la moitié du soja consommé à l'échelle mondiale est produit au Brésil et en Argentine, et l’Union européenne est le deuxième importateur mondial de soja.

 

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1 septembre 2019 7 01 /09 /septembre /2019 05:01

La privatisation du groupe Aéroports de Paris (ADP), fleuron national, par Emmanuel Macron, "va priver l'État d'entrées budgétaires sûres". Aurélie Trouvé, porte-parole de Attac France, dénonce un "capitalisme de connivence".

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