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25 novembre 2018 7 25 /11 /novembre /2018 06:08

 

L’aveu du Président de la République porte loin ! « Je n’ai pas réussi à réconcilier les Français avec leurs dirigeants » a-t-il reconnu. Echec bien plus important et fondamental qu’il n’y parait.  La stratégie sur laquelle il a fondé sa « marche vers le pouvoir » en proposant la réconciliation du peuple avec les intérêts du monde des affaires lui revient comme un boomerang. La tentative « d’union nationale » pour adapter la France à la mondialisation capitaliste ne fonctionne donc pas. Tout comme ne fonctionnent plus ni l’enfermement des classes populaires dans des systèmes d’alternance entre les forces de droite et sociale-démocrates, ni leur version élaborée du « ni droite ni gauche », variante des grandes coalitions à l’œuvre en Europe.

A sa manière, M. Macron a cherché une coalition d’une partie de la gauche et de la droite au sein de ses gouvernements en organisant une stratégie de terre brûlée contre les partis politiques et les syndicats, tout en asphyxiant de nombreuses associations. Il commence à en payer le prix fort. Il n’y a pas en France de sainte alliance nationale possible pour une politique toute orientée vers le service de l’argent et contre le pouvoir d’achat, les services publics, le travail, l’environnement. C’est ce qui se manifeste dans les mouvements de protestation en cours de manière plus ou moins confuse mais déterminée. Ceux-ci sont le résultat d’une sédimentation des mécontentements contre les politiques menées depuis des années par les gouvernements successifs dont le seul programme se décide au sein du Conseil européen sur la base de traités chargés d’organiser la concurrence et les inégalités pour faire gonfler les capitaux.

Beaucoup de celles et ceux mobilisés samedi dernier l’avaient déjà été contre le traité européen de 2005. Nous sommes bien face à un mouvement de protestation, protéiforme certes, mais contestant des choix politiques. Ne pas lui répondre ne peut que continuer à exacerber les contradictions et les colères. C’est aussi contribuer à laisser croire que l’extrême droite ou la droite extrême qui tentent d’infiltrer le mouvement pourraient être des recours quand ces opportunistes sont non seulement coresponsables de la misère d’une large partie de ce peuple en action mais cherchent, de plus, à opposer les intérêts des classes populaires, un jour choyées et l’autre accusées d’être assistées. Ces forces n’ont pour seule proposition que de réduire la dépense publique, c’est-à-dire les moyens pour les services publics et les infrastructures routières ou ferroviaires. Etre utile en ce moment, c’est donc aider à l’unité populaire et à l’ouverture de perspectives novatrices de transformation progressistes.

Malheureusement, de larges pans des classes populaires ne sont plus aujourd’hui adossés aux structures collectives de gauche, politiques et syndicales. Elles évoluent dans un environnement qui, à force de combattre les idées progressistes, de promotionner les idées réactionnaires, de brouiller tous les repères et de faire le procès des syndicats,  risque de les entrainer vers des impasses mortifères. Mais leur profonde colère et leur désarroi, qui s’expriment dans un décor clair-obscur, ne gomment ni leur légitimité, ni leur potentiel égalitaire, pas plus que la force qu’ils recèlent.

La mèche a été allumée par la fiscalité à l’heure où le gouvernement a décidé d’en faire une arme décisive de son combat en faveur des plus riches. Le système fiscal est devenu sous les coups de boutoirs néolibéraux une hydre inégalitaire qui protège le capital et assomme les classes populaires par le biais d’impôts indirects toujours plus injustes et écrasants, d’une imposition sur le revenu qui concentre l’effort sur les bas et moyens salaires et d’une CSG qui frappe si durement les retraités.

A cela s’ajoute pour les familles une série de dépenses exponentielles et non compressibles, qui vont de l’énergie au transports, du logement à la santé, en passant par la téléphonie ou l’accès à internet et qui, mis bout à bout, représentent un fardeau pour les bas et moyens salaires. Ils sont des millions à compter « à l’euro près ». Le spectacle d’une richesse dégoulinante, d’un gouvernement qui n’a d’yeux que pour la finance et les secteurs industriels qui lui sont adossés, dans les télécommunications ou le numérique, ne peut qu’exaspérer une large part de la population qui se vit comme déclassée, condamnée au chômage et à la précarité, témoin des désindustrialisations et délocalisations et enfermée dans une trituration des territoires sous pression du capital qui la rend dépendante de l’automobile. C’est de dignité dont parlent aujourd’hui celles et ceux qui se font entendre.

La pression fiscale s’exerce alors que se dégradent les services publics, de l’éducation nationale aux hôpitaux, de la justice comme de la sécurité ou encore des collectivités locales saignées à blanc, tout en observant les classes fortunées créer, dans une démarche individualiste, leurs propres réseaux de solidarité, leurs propres stratégies d’évitement, jusqu’à profiter de multiples niches fiscales, ou à gorger de leur argent des paradis fiscaux. Ceci a pour dramatique conséquence d’abîmer les termes du contrat social républicain.

La forme qu’a prise cette révolte populaire reflète les contradictions et les difficultés du mouvement social traditionnel à faire valoir ses vues et à transformer les colères en puissance propulsive pour le progrès social et environnemental. Ce sont justement ces contradictions que les progressistes ont le devoir de travailler, avec les intéressés porteurs ou non de gilets jaunes, en liant l’enjeu environnemental au partage des richesses et en proposant les termes d’un nouveau contrat social et écologique qui mette le capital à contribution du bien commun jusqu’à lui ôter sa prétention à régenter nos vies.  En développant de nouveaux services publics des transports, notamment ferroviaires, en soumettant le vaste secteur des énergies polluantes à un impôt juste pour financer la transition environnementale avec la construction de nouveaux véhicules moins polluants. Cette refonte industrielle nécessiterait des millions d’emplois qualifiés.

Contribuer à ce que le mouvement actuel se donne un contenu de justice fiscale et sociale, tout en s’insérant dans le combat pour la transition environnementale, faire en sorte qu’il pose l’enjeu politique d’une visée de changement progressiste et démocratique égalitaire, sont autant de nécessités.

 

 

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25 novembre 2018 7 25 /11 /novembre /2018 06:01

En 2015, la loi de « transition énergétique pour la croissance » verte introduit une « composante carbone » c’est-à-dire un prix de la tonne carbone qu’il est prévu d’augmenter inexorablement jusqu’à atteindre 100 euros la tonne en 2030. A l’époque la ministre de l’environnement se nomme Ségolène Royal et son collègue au ministère des finances n’est autre qu’Emmanuel Macron.

Initialement, la trajectoire de la taxe carbone, prévue par la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte de 2015, visait un prix de la tonne de CO2 de 47,5 euros en 2019 et 100 euros en 2030. Or, la loi de finances initiale de 2018 en a rajouté une couche avec une hausse de la fiscalité énergétique prévue à 56 euros la tonne en 2019 jusqu’à 86,2 euros la tonne en 2022. À ce rythme-là, la tonne de carbone devrait dépasser la valeur de 100 euros dès 2024 ! Cela induirait un surcoût annuel moyen pour les ménages de 313 euros par an en 2022, par rapport à 2017.

L’extrait ci-dessous démontre que loin d’être un accident, le transfert des cotisations sociales vers une « taxe carbone », nouvelle gabelle, est en marche. « Aussi faut-il aller vers une taxe européenne sur les émissions de CO2 pour « toucher » les secteurs non couverts par les quotas d’émissions de gaz à effet de serre. Cela constituera une première étape dans un basculement plus global des charges pesant sur le travail vers une taxation des activités émettrices de carbone et consommatrices d’énergies et de ressources actuelles ». Rapport de la commission pour le libération de la croissance française, dite « commission Attali 2008 » (co-auteur : Macron Emmanuel).

Une fiscalité plus juste et efficace

Il faut que la fiscalité « environnementale » soit juste et s’inscrive dans le cadre d’une réforme globale et cohérente de la fiscalité, permettant de faire contribuer davantage ceux qui ont le plus de moyens. Cela passe par un allégement global des taxes indirectes (TVA, taxes sur les produits pétroliers, etc) qui pèsent plus lourdement sur les plus modestes. En ciblant les produits énergétiques (gaz, fioul, pétrole, charbon,...), la « taxe carbone » touche particulièrement les ménages déjà en situation de précarité énergétique soit du fait de leur logement (augmentation du prix du chauffage), soit du fait de l’éloignement entre leur domicile et leur travail (augmentation du prix du carburant).

Des logements « basse consommation » pour tous

En effet, les salariés modestes, habitant loin des centres-villes et sans transports en commun, doivent utiliser leur véhicule personnel pour aller travailler et réaliser les différentes actions de la vie courante. De même, les habitants de logements collectifs n’ont pas le choix du système de chauffage. De plus, si la rénovation thermique apparaît nécessaire pour une plus grande efficacité énergétique, elle est trop onéreuse pour beaucoup. La part des ressources d’un ménage consacrées à l’énergie est inégalement répartie selon les niveaux de revenus et pèse proportionnellement plus sur les ménages précaires. Centraliser, comme c’était le cas pas le passé, l’ensemble l’épargne populaire (livret A, LDD, etc) à la Caisse des dépôts et pour lancer un grand plan de construction de logement sociaux et de rénovation écologique du parc existant permettrait aux plus démunis de moins subir la pression énergétique.

Moduler pour responsabiliser

Dans le même temps, les entreprises les plus émettrices ne sont pas concernées par cette fiscalité car elles sont soumises au système européen d’échanges de quotas d’émissions de gaz à effet de serre. De plus, des secteurs d’activité comme le transport routier ou l’agriculture, entre autres, font l’objet de dérogations. La taxation apparaît donc comme particulièrement injuste et lourde pour les plus pauvres. Pour ne plus exonérer les entreprises de leurs responsabilités, il conviendrait de mettre en place une modulation du taux de crédit aux entreprises en fonction de critères sociaux et environnementaux. Celle-ci permettrait de faire varier leur taux d’emprunt en fonction de leur impact environnemental mais aussi de leur niveau de responsabilité sociale. De telles mesures ont déjà existé dans le courant des années 80.

Traquer le carbone à la source

Actuellement, le cadre européen de lutte contre les changements climatiques se focalise sur les gaz à effet de serre émis sur le territoire des États membres et ignore les émissions provoquées par la production de biens importés dans l’Union. Une traçabilité carbone de tous les produits doit donc être un objectif avant d’imaginer de nouvelles taxes douanières visant à protéger l’environnement et les conditions sociales de production des produits que nous importons. Un tel système pourrait servir de base à la mise en oeuvre d’un mécanisme d’ajustement aux frontières évitant la délocalisation des activités industrielles vers des régions ou pays moins exigeants dans leur politique climatique.

Taxer les transactions financières en faveur du climat

Au plan international, la proposition syndicale d’une taxe sur les transactions financières dont le produit serait affecté en partie à la lutte contre le changement climatique et plus particulièrement à une transition juste et un travail décent doit être rappelée.

Vers un changement de logique

Cette fiscalité dite « environnementale », basée essentiellement sur la fiscalité énergétique, répond plutôt à une fiscalité de rendement visant à faire rentrer de l’argent dans les caisses de l’État. Au final, la fiscalité n’est pas le meilleur outil pour mener une politique de préservation de notre environnement. Il conviendrait surtout de mener une véritable politique industrielle, de développement du transport collectif et du fret ferroviaire, de financement public de l’isolation des logements, de mise en place d’un pôle public de l’énergie... Tout ce que nos dirigeants ne développent pas, mais au contraire démantèlent systématiquement.

Néanmoins, ne nous trompons pas de combat, nous devons nous mobiliser :

  • pour une réforme globale de la fiscalité afin qu’elle soit juste et efficace,
  • pour une protection sociale de haut niveau financée par les cotisations
  • pour la hausse des salaires et des pensions

C’est ainsi que nous gagnerons les moyens de vivre dignement de notre travail. Car ce sont bien les questions de pouvoir d’achat qui sont soulevées par le mécontentement croissant des français qui voient le gouvernement faire toujours plus de cadeaux aux plus riches quand l’immense majorité souffre pour boucler les fins de mois.

 

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24 novembre 2018 6 24 /11 /novembre /2018 06:46

 

Nous sommes à une dizaine de jours de la Cop 24 qui doit se tenir en décembre en Pologne pour débattre de la mise en place des décisions de la Cop 21 prises en Paris en décembre 2015. Mais que valent les arguments du gouvernement français et de sa majorité sur cette question cruciale pour les générations futures ? Car leur seule politique se résume à taxer davantage les carburants pour n’y consacrer qu’une partie à des primes pour changer de voiture. Voilà des questions qui mériteraient d’être débattues sur les plateaux de télévision.

Qu’il s’agisse de leur participation aux débats télévisés ou des entretiens qu’ils accordent aux journaux, les membres du gouvernement comme les députés du groupe LaREM sont à la peine pour justifier les taxes sur les carburants qui ont mis les gilets jaunes en mouvement. Il en va de même pour certains journalistes qui font de choix de mettre en exergue les arguments du gouvernement sur le financement de la transition écologique. Hier soir, sur BFMTV, Hervé Gattegno, directeur de la rédaction du Journal du Dimanche, tentait de ridiculiser Benjamin Cauchy, un porte parole des gilets jaunes de la région de Toulouse. Or les propos à la fois mesurés et lucides de ce dernier montraient finalement aux téléspectateurs que son interlocuteur ne connaissait guère la réalité du pays et encore moins la réalité des enjeux climatiques mis en avant par le pouvoir pour tenter de justifier l’alourdissement des  taxes sur les carburants.

Aucune réponse cohérente sur les enjeux climatique

Quand ils interviennent dans les médias, les députés du groupe LaREM prétendent agir pour réparer plusieurs décennies de politique publique inefficace alors qu’ils ne font qu’aggraver cette politique. Ainsi pouvait-on relever ces propos de Gilles Le Gendre dans Libération d’hier : « Ce qui est en cause, c’est une montée de l’inefficacité de l’action publique depuis des décennies, dont nous avons hérité. Il se trouve qu’aujourd’hui c’est nous qui sommes au pouvoir et qui devons y apporter une réponse». Mais ils n’apportent aucune réponse cohérente sur les enjeux climatiques.

La réponse mise en exergue par le gouvernement et sa majorité serait de réduire le bilan carbone du trafic routier via le fléchage d’une infime partie du produit de la taxe sur les carburants pour verser une prime à tout automobiliste qui se sépare de sa vieille voiture pour en acheter une plus récente. Alors qu’il faudrait, dans le seul secteur des transports, diviser par quatre nos émissions de gaz à effet de serre(GES) d’ici 2050 pour prendre en charge notre part de l’effort mondial afin de contenir le réchauffement à +2°C par rapport au milieu du XIXème siècle, changer 3 à 4% du parc automobile chaque année en France  augmentera notre bilan carbone au lieu de le réduire pour au moins trois raisons.

La première de ces raisons tient au fait que l’accélération du renouvellement de notre parc automobile émet beaucoup de GES via l’extraction, le transport des matières premières puis la construction des nouvelles voitures. La seconde raison tient au fait que les modèles achetés sont souvent des « Sport utility Vehicle » (SUV) plus puissants et, de ce fait, souvent plus émetteurs de CO2 que les véhicules retirés du marché. La troisième raison est moins connue. Mais c’est la pire d’entre toutes. En moyenne 3 à 4 millions des véhicules d’occasion retirés du marché en France et en Europe sont revendus en Afrique chaque année et continuent à polluer sous d’autres cieux. Voilà pourquoi la « prime à la casse » perçue par les ménages qui ont les moyens de changer de voiture se traduira par une augmentation globale des émissions de GES et non par une réduction. Mais ce sujet n’est jamais débattu à la télévision.

Après la taxation des retraités, celle des salariés aux revenus modestes

Dans l’Humanité de ce mercredi, le politologue Jérôme Sainte-Marie voit dans les personnes impliquées chez les gilets jaunes «la France des travailleurs modestes, celle qui tient le pays debout (…) Le soutien aux gilets jaunes chez les ouvriers et les employés est de 80%, moitié moins chez les cadres … », précise-t-il. Faut-il s’en étonner? Ces ouvriers et employés qui ont besoin de leur voiture pour aller travailler, faute d’alternative via les transports en commun, ont entendu durant toute l’année 2018 qu’ils aillaient voir leur pouvoir d’achat augmenter cet automne suite à la suppression des cotisations salariales pour le chômage et la maladie imputées à la CSG. Cette dernière a été augmentée de 1,7% sur les revenus bruts et non compensée pour plus de 10 millions de retraités qui paient les augmentations de salaires à la place des patrons. Les retraités perdent de ce fait 4% de leur pouvoir d’achat sur cette seule année 2018 du fait d’une baisse de 1,83% de leur pension nette et d’une inflation qui est de 2,2% sur douze mois  actuellement.

Quand les pauvres paient plusieurs fois pour enrichir les riches

Parallèlement, les salariés modestes qui doivent prendre leur voiture pour se rendre au travail voient que l’augmentation de la taxe sur les carburants leur reprend d’un côté plus d’argent que ne leur apporte de l’autre la petite augmentation de salaire net résultant de la suppression de deux cotisations sur la feuille de paie. Quand ces mêmes salariés sont des locataires bénéficiant de l’Aide personnalisée au logement (APL) ils savent déjà que sa hausse de 0,3% en 2019 et 2020 sera inférieur à celle des loyers. Quand ils bénéficient d’allocations familiales pour élever leurs enfants, ils savent aussi que la même hausse de 0,3% deux ans de suite aggravera encore leur situation financière.

Enfin, les révélations faites cette semaine sur la manière dont Carlos Ghosn fraudait le fisc japonais vient nous rappeler que l’une des premières décisions du président Macron fut de supprimer l’Impôt de solidarité sur la fortune(ISF) sitôt élu en 2017. Comme s’il s’agissait là de mesure sociale la plus urgente à mettre en place  pour la réussite de son quinquennat. Macron a commencé par dépouiller les retraités pour enrichir les PDG. Il a taxé ces retraités en priorité parce qu’il considérait qu’ils étaient moins en capacité que les salariés de défendre leurs intérêts du fait de leur statut de pensionnés. Depuis, il applique une méthode assez voisine pour s’attaquer au revenu des salariés, comme travailleurs indépendants, des paysans et encore des retraités en augmentant les taxes sur les carburants afin de ne rien demander aux très riches. Ce faisant, il aggrave le bilan des ses prédécesseurs qu’il s’agisse de l’économie, du social ou du carbone.

 

 

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24 novembre 2018 6 24 /11 /novembre /2018 06:45

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24 novembre 2018 6 24 /11 /novembre /2018 06:42

 

Le sénateur PCF Éric Bocquet, rapporteur d’une commission d’enquête sur la fraude fiscale, réagit à l’arrestation de Carlos Ghosn au Japon.

 

Que pensez-vous de cette arrestation ?

Éric Bocquet 

Je note une accélération des révélations. On s’était habitué à un scandale par an. On est passé à un scandale par semaine. Il y a eu les Panama et les Paradise Papers, les Lux, Offshore et Football Leaks ces dernières années. La semaine passée, on a entendu parler du joueur de Chelsea N’Golo Kanté qui a fort heureusement refusé de se faire payer une partie de son salaire via un trust implanté à Jersey. Cette semaine, c’est encore plus impressionnant avec l’arrestation de Carlos Ghosn, que l’on pouvait imaginer intouchable. On peut se demander qui sera le prochain. Le sujet devient incontournable dans le débat public, grâce aux ONG, aux lanceurs d’alerte, aux journalistes d’investigation et aux travaux parlementaires. Tout cela alimente une prise de conscience et une vigilance accrue. Mais la lutte contre la fraude fiscale est insuffisante en France.

 

Macron a assuré qu’il serait « vigilant » à la « stabilité » de Renault…

Éric Bocquet 

Il y a là un décalage saisissant. Si les autorités japonaises ont procédé à l’arrestation spectaculaire d’un PDG de ce calibre, j’imagine qu’elles ont un dossier solide et qu’elles ne s’amusent pas. L’État français, qui détient des capitaux dans la holding Renault-Nissan, ferait bien de réclamer la démission de Ghosn et de se pencher avec sérieux sur la situation fiscale de ce groupe et son dirigeant. Cette holding a d’ailleurs son siège aux Pays-Bas. Pourquoi ? Des raisons fiscales ?

 

Ghosn a reçu 13 millions d’euros en tant que PDG en 2017. Qu’en pensez-vous ?

Éric Bocquet 

C’est indécent. Rien ne justifie qu’un dirigeant puisse gagner 300 fois plus que le salarié le moins bien payé d’une entreprise. C’est pourquoi les parlementaires PCF défendent une échelle des salaires de 1 à 20, qui permettrait d’encadrer et de limiter les écarts. N’oublions pas que les revenus des PDG du CAC 40 ont augmenté de 14 % en une année, quand le montant des fortunes accumulées a connu une hausse de 30 %.

 

Il ne s’agit pas du premier grand patron soupçonné de fraude fiscale…

Éric Bocquet 

En France, Arnault, Pinault et Dassault ont déjà été pointés pour leurs pratiques « d’optimisation ». La fraude, l’évasion ou l’évitement fiscal sont au cœur de la machine capitaliste. L’idée est d’accumuler des sommes considérables et d’échapper à l’impôt pour participer le moins possible au fonctionnement de la société. En France, le coût est estimé à cent milliards d’euros par an, soit plus que notre déficit. C’est insupportable. Et c’est la preuve que ceux qui répètent qu’il n’y a plus d’argent, que la dette vient de la dépense publique et qu’il faut s’imposer des sacrifices, travailler plus longtemps et se soigner moins nous abusent.

 

Les sanctions et la volonté politique sont-elles suffisantes en France ?

Éric Bocquet 

À l’évidence non. La dernière loi anti-fraude proposée par le ministre des Comptes publics ne va pas assez loin. Le plaider-coupable permet à une banque ou une entreprise de reconnaître sa responsabilité et de faire un petit chèque pour ne pas aller en justice. Il faudrait des lois beaucoup plus répressives, et plus de moyens : Gérald Darmanin fait grand cas de sa nouvelle police fiscale forte d’une quinzaine de postes, mais la direction générale des finances publiques va encore perdre plus de 2 000 postes l’an prochain.

Éric Bocquet Sénateur PCF du Nord

 

 

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24 novembre 2018 6 24 /11 /novembre /2018 06:40

 

La chronique économique de Pierre Ivorra.

Ainsi, au total, un peu plus de 2 % des entreprises marchandes non agricoles et non financières occupent 47 % des salariés de l’économie marchande et génèrent 52 % des richesses marchandes créées sur le territoire français ! La domination est d’autant plus importante que ces grandes entreprises contrôlent directement ou indirectement nombre de PME et d’entreprises intermédiaires. On pouvait s’en douter, le secteur le plus concentré est celui des activités financières et des assurances, dans lequel 27 entreprises y emploient 74 % des salariés : BNP Paribas, Société générale, Crédit agricole et Axa tiennent le haut du pavé. L’argent, ça ne se partage pas trop ! Nos mastodontes de l’industrie, du commerce, des services monopolisent aussi l’investissement : 2,2 % des entreprises ayant investi concentrent 85,6 % du montant total de l’investissement. Les entreprises de 500 salariés et plus rassemblent aussi 59 % des 170 00 chercheurs employés à des activités de recherche & développement privées installées en France. Ce sont elles qui maîtrisent une part du progrès technique, d’autant qu’elles bénéficient des largesses de l’État grâce au crédit impôt-recherche et au concours de la recherche publique.

Mais, ces multinationales à base française tirent une bonne part de leur puissance de la délocalisation de leurs activités à l’étranger. Elles y réalisent 54 % de leur chiffre d’affaires mondial et y emploient plus de la moitié de leurs effectifs mondiaux. Et, trop souvent, on le voit particulièrement dans l’automobile, cette « expatriation » des grands groupes français n’est pas utilisée pour développer les pays d’implantation mais pour « enfoncer » le marché français, produire ailleurs pour vendre et « casser » l’emploi en France !

La VIe République, que nous appelons de nos vœux, ne pourra s’imposer que si la société française et la multitude des salariés et de ceux qui vivent de leur travail parviennent à maîtriser les gestions de ces géants de l’économie.

Le secteur le plus concentré est celui des activités financières et des assurances.

L’étude très récente de l’Insee sur les entreprises en France confirme le rôle essentiel des grands groupes au sein de notre économie. Ce sont eux qui font la loi, qui tiennent le manche ! Ainsi, les firmes multinationales sous contrôle français représentent en 2016 à peine 1,5 % du nombre total d’entreprises en France, mais contrôlent 34,4 % des effectifs, produisent 36,3 % de la richesse créée, la valeur ajoutée, et réalisent 58 % du total des exportations. Celles sous contrôle étranger représentent 0,7 % du nombre total d’entreprises, 12,9 % des effectifs, 15,8 % de la valeur ajoutée et 30,5 % des exportations.

 

 

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23 novembre 2018 5 23 /11 /novembre /2018 09:03

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le 10 octobre dernier, vous-même, madame la ministre, avez présenté ce projet de loi de financement de la sécurité sociale en lui assignant « une double ambition » : « investir » d’abord, et « protéger » ensuite. Nous partageons cette volonté de rénover notre système de santé et de protéger ses usagers, mais nous ne l’avons pas retrouvée dans ce texte, qui présente à nos yeux, deux caractères principaux.

Le premier est l’abandon d’un des principes fondateurs de la sécurité sociale, qui veut que chacun cotise selon ses moyens et reçoive selon ses besoins. Ma collègue Laurence Cohen vient de vous en parler.

Le second réside dans l’obsession d’apurement de la dette sociale, au détriment de la construction d’une politique sociale active, qui, seule, permettrait de répondre véritablement aux besoins de la population.

Où sont les investissements et la protection ?

Ce budget vise, pour la première fois depuis dix-huit ans, un retour à l’équilibre de la sécurité sociale, tandis que l’apurement de la dette est prévu pour 2024. Peut-on vraiment s’en féliciter, alors que cela repose sur les sacrifices de l’hôpital public et prive les usagers d’un service de santé de qualité ?

Madame la ministre, vous le savez, mes collègues des groupes communistes de l’Assemblée et du Sénat ont arpenté le pays pour préparer ce PLFSS. Depuis le printemps, ce ne sont pas moins de cent établissements qui ont été visités, hôpitaux, EHPAD, EPSM – établissements publics de santé mentale –, afin d’entendre les premiers concernés, ces hommes et ces femmes qui soignent le pays.

À l’occasion de ce tour de France, nous avons pu constater que les hôpitaux étaient exsangues et qu’ils manquaient de moyens humains et financiers. Pourtant, le Gouvernement poursuit les mesures d’austérité. Certes, l’ONDAM connaît une revalorisation de 2,5 %, mais celle-ci est insuffisante pour couvrir les besoins de santé, puisque la croissance tendancielle des dépenses s’établit mécaniquement à 4,5 % pour une qualité de service public égale.

Quant aux 400 millions d’euros supplémentaires investis dans le système de santé, ils visent avant tout à financer sa transformation, avec la création de 1 000 communautés professionnelles territoriales de santé. Autrement dit, cette enveloppe ne permettra pas de répondre aux besoins et aux préoccupations des établissements qui luttent pour survivre et assurer des soins décents.

Après les espoirs suscités par l’annonce du déblocage de cette somme, l’examen des détails est douloureux ! Son montant paraît bien faible lorsqu’on le compare à la dette des hôpitaux. À titre d’exemple, l’équivalent de l’AP-HP à Marseille présentait un déficit de plus de 40 millions d’euros en 2016 et, à Lens, d’au moins 39 millions d’euros, alors qu’il faudrait augmenter les engagements consacrés au nouvel établissement.

Plus grave encore, le PLFSS pour l’année 2019 ne propose pas de financements suffisamment élevés pour assurer un service public de la santé de qualité, mais il requiert en revanche des économies supplémentaires de la part des hôpitaux, pour quasiment un milliard d’euros en 2019.

Madame la ministre, vous dites vouloir investir dans notre système de santé. Pourtant, les montants destinés à la rénovation du service public de la santé sont dérisoires au regard des cadeaux fiscaux accordés aux entreprises.

Pour ces dernières, ce PLFSS apparaît comme une véritable bénédiction : elles toucheront cette année 20 milliards d’euros au titre du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, et elles bénéficieront de nouveau de la même somme avec la transformation, l’an prochain, de ce dispositif en allégement de cotisations. Le bilan total de ces mesures dépasse 40 milliards d’euros.

Je me permets de le rappeler : entre 2005 et 2012, soixante-deux établissements publics de proximité ont fermé et 32 000 lits ont été supprimés. Pour les EHPAD et le maintien à domicile, les besoins sont évalués à près de 100 000 salariés supplémentaires ; ils atteignent 200 000 postes en plus pour assurer un bon fonctionnement des services hospitaliers. Je ne peux que m’interroger : tous ces milliards n’auraient-ils pas pu être consacrés à empêcher des fermetures de services, à financer de nouveaux lits, à créer des emplois ?

L’ambition de « protéger » que vous affichez, madame la ministre, s’annonce également décevante et mal concrétisée dans ce PLFSS. Comment peut-on prétendre rechercher un tel objectif, alors même que les choix régressifs visant les plus vulnérables s’accumulent ?

Ainsi, en 2018, 7 millions de retraités ont vu leur fiscalité augmentée par la hausse de la CSG, bien faiblement compensée par les mesures contenues dans ce projet de loi de financement de la sécurité sociale et qui ne concerneront finalement que 350 000 foyers.

En 2019, ces retraités ne verront leurs pensions revalorisées qu’à hauteur de 0,3 %, c’est-à-dire bien au-dessous du taux de l’inflation, alors même que celles-ci sont un droit issu des cotisations payées tout au long de leur carrière. Cela dénote un mépris total de nos aînés, particulièrement des femmes, qui constituent la part la plus pauvre des retraités.

Les personnes en situation de handicap sont également très impactées par ce projet de budget de la sécurité sociale. La liste des mesures négatives à leur égard est longue.

Sans vouloir « remettre le couvert » – passez-moi l’expression –, je souhaite rappeler que lors, de la présentation de notre proposition de loi visant à recalculer l’AAH, on nous avait rétorqué qu’une refonte globale du système des aides et des procédures pour aller vers plus de droits pour les personnes handicapées était nécessaire. On mesure l’hypocrisie de cet argument grâce à ce PLFSS, qui, sans rien améliorer, attaque plus encore les droits de nos concitoyens. Or ce sont précisément ces petites subtilités qui usent les personnes en situation de handicap ou leurs proches : l’obligation de faire et de refaire des dossiers, la perspective de voir les maigres ressources grignotées à chaque amélioration de l’ordinaire, le maintien dans une dépendance profonde vis-à-vis des autres, etc.

Ces deux derniers mois, j’ai rencontré des associations, des personnes handicapées et leurs familles pour préparer nos débats. J’ai à l’esprit, notamment, ces mères d’enfants atteints de troubles autistiques, qui sont seules face au handicap de leur enfant, obligées d’arrêter de travailler faute de structures et de soutien au quotidien et qui doivent lutter constamment, dans tous les aspects de la vie de leur foyer. Quel message leur enverrons-nous avec ce PLFSS ?

En limitant les cumuls RSA-AAH, en maintenant la CSG sur la prestation de compensation du handicap, la PCH, utilisée pour financer les aidants, en supprimant les aides aux transports, ce PLFSS renvoie dans les limbes les personnes en situation de handicap, en les inscrivant dans une double trappe à pauvreté et à exclusion !

Madame la ministre, en présentant ce texte, vous aviez mis en avant certaines dispositions qui semblaient alors positives, comme les politiques préventives ou le « 100 % santé ». À y regarder de plus près, cependant, celles-ci se sont finalement révélées bien peu ambitieuses. Nous nous félicitons des mesures de prévention en matière d’addictologie et d’autisme, mais nous doutons qu’elles puissent être effectivement mises en œuvre, en raison de l’absence de moyens réels qui leur seront consacrés.

Quant au « 100 % santé », il s’agit également d’affichage. Contrairement à ce que l’on pouvait espérer, il ne permet pas un remboursement complet par la sécurité sociale des frais dentaires, de matériels optiques et auditifs. Le reste à charge sera assumé par les mutuelles, qui ne manqueront pas de répercuter les coûts en augmentant leurs tarifs ou en appauvrissant le panier de soin, vous le savez bien ! Plus dramatique encore est la situation des 4 % de Français qui n’ont pas de complémentaire santé et qui seront nécessairement exclus du bénéfice de cette disposition.

Le projet que vous présentez propose des investissements bien insuffisants pour permettre à notre service public de santé de fonctionner et il continue de frapper au portefeuille ceux qui subissent la précarité. Il vise, avant tout, à faire des économies et il prolonge les mesures régressives déjà engagées lors du précédent PLFSS : difficulté d’accès aux soins, remise en cause de la politique familiale, matraquage des retraités, étatisation de la sécurité sociale.

Toutes ces dispositions construisent une société de plus en plus injuste et creusent les inégalités, pourtant déjà trop grandes. Cette année, 9 millions de personnes vivent en situation de pauvreté en France, pourtant cinquième pays comportant le plus grand nombre de millionnaires au monde.

Le problème de l’État, c’est donc non pas le manque de moyens, mais les choix qui privilégient les politiques austéritaires. Notre pays dispose de vastes capacités financières et il est grand temps qu’il les mobilise afin de construire un système de sécurité sociale qui réponde réellement aux besoins de la population. Il faut mettre fin à la casse de l’hôpital public et lutter efficacement contre la précarité, la désertification médicale et le renoncement aux soins, qui touche quatre Français sur dix.

Le groupe communiste républicain citoyen et écologiste défend le projet alternatif d’un système de sécurité sociale juste et pérenne.

Nous considérons que tous les soins de santé devraient être pris en charge à 100 % par la sécurité sociale. C’est la seule façon de répondre aux besoins humains de protection de la naissance à la mort. Cette assistance face aux aléas de la vie est un facteur essentiel du développement économique et social.

Par ailleurs, nous proposons la création d’un pôle public du médicament. Une telle institution, gérée au niveau national, permettrait de renforcer l’innovation et de rendre possible l’accès de tous et à tout moment aux produits de santé. Au regard des événements récents, c’est un impératif. L’année 2018 a en effet été marquée par les scandales sanitaires, comme celui du Levothyrox, et par les pénuries de médicaments, comme le Sinemet, pourtant nécessaire au traitement de la maladie de Parkinson.

Nous militons, enfin, pour que chacun puisse avoir accès aux soins.

Nous sommes pragmatiques et chacune de nos propositions repose sur un financement solide, suivant la philosophie de solidarité qui présidait à la création de la sécurité sociale. Il est grand temps de mettre à contribution les entreprises et d’arrêter de frapper au portefeuille ceux qui sont les plus fragiles.

Le projet que vous présentez est aux antipodes de notre conception de la sécurité sociale comme de la société en général, c’est pourquoi nous nous y opposerons !

 

 

 

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23 novembre 2018 5 23 /11 /novembre /2018 08:58

 

Avec Roger Martelli, historien, directeur de publication de Regards, Alain Obadia, président de la Fondation Gabriel-Péri et Willy Pelletier, coordinateur général de la Fondation Copernic.

Rappel des faits. Relayé à partir des réseaux sociaux, l’appel à des milliers de blocages sur l’ensemble du territoire national s’est traduit sur le terrain depuis samedi.

 

Ne pas se laisser aller aux dangereuses illusions « populistes » par Roger Martelli, historien, directeur de publication de Regards

Le mouvement des gilets jaunes est un de ces phénomènes déroutants qui, comme les « bonnets rouges » hier, disent l’existence d’un vide sans dessiner l’image claire d’un plein. Si ce déséquilibre persiste, le pire est envisageable et l’Europe ne manque pas d’exemples en ce sens. Mais doit-on se résigner ?

L’action menée ce week-end dit à la fois l’exaspération de la France modeste, que la politique salariale et fiscale du gouvernement désespère, et l’insuffisance des réponses apportées en politique, à droite comme à gauche. Est-ce un exemple d’auto-organisation populaire innovante ? Techniquement oui, dans l’esprit de ce que l’on constate partout, avec la force mobilisatrice des réseaux sociaux. Mais, sur le fond, le mouvement reste sur un registre qui le rapproche de la jacquerie antifiscale.

La critique de l’impôt a toujours puissamment cristallisé le mal-être social, tout en se révélant un facteur ambigu. Elle peut ouvrir sur l’aspiration à l’égalité ou s’en prendre aux boucs émissaires, profiteurs, fainéants, chômeurs, étrangers. L’extrême droite a ainsi fait de « l’antifiscalisme » son cheval de bataille historique. Elle n’attise pas la colère sociale, mais cultive le ressentiment. Elle se garde de parler d’égalité, de service public, de protection sociale. Elle n’a jamais aimé les mouvements sociaux ; elle a toujours préféré la jacquerie.

La jacquerie n’a jamais été univoque. Dans le passé, elle a nourri aussi bien la révolution que son contraire. En elle-même, elle ne se confond pas avec un mouvement transformateur. Celui-ci suppose que s’installe le sentiment que la cause des maux est dans une logique sociale qui sépare exploitants et exploités, dominants et dominés, peuple et élites. La contestation fiscale touche aux lisières de cette conscience ; elle n’en est pas le cœur.

Face à un tel mouvement, que faire ? Mépriser ou cajoler ? Accompagner ou rejeter ? Pour ma part, je préfère une autre attitude. Le mouvement dit l’état inquiétant de notre société : il ne faut pas le rejeter. Il se dit apolitique : mieux vaut le prendre au mot. Il est le mouvement d’une cause : elle ne mérite pas le dédain. Mais si l’impulsion donnée le 17 a montré son dynamisme, elle n’a pas mobilisé l’ensemble des forces sans lesquelles aucune avancée durable n’est possible.

En dehors des manifestants, beaucoup ne se contentent pas d’une seule cause, ne voient pas dans la baisse du coût des carburants un pivot de la transition écologique, ne veulent surtout pas séparer la justice sociale et fiscale, la cause écologiste et l’exigence démocratique. Ce sont des syndicalistes, des militants associatifs ou politiques, des citoyens. Ils ont été déçus, au fil des décennies, par les gouvernants en place et par la gauche. Ils ne se reconnaissent pas pour autant dans les gilets jaunes.

Si ces forces en attente restaient sur le bord du chemin, coincées entre Macron et Le Pen, la jacquerie se ferait contre-révolution. Le peuple s’imposera comme acteur politique s’il est rassemblé dans toutes ses composantes, matérielles comme symboliques, et s’il s’appuie sur l’espérance d’une société d’égalité, de citoyenneté et de solidarité. Nous n’en sommes pas là ? Difficile de dire le contraire. Raison de plus pour ne pas lâcher la proie pour l’ombre, pour ne pas se laisser aller aux dangereuses illusions « populistes », pour n’abandonner personne en route. Notre démocratie est à ce prix.

 

Un vaste débat national sur des solutions alternatives par Alain Obadia, président de la Fondation Gabriel-Péri

Oui, le mouvement des gilets jaunes est complexe. Non, aucune tentative de le faire entrer dans une grille de lecture unique et simplifiée ne pourra aider à comprendre ce qu’il exprime. Nous ne pouvons donc pas faire l’économie d’en examiner ses différentes dimensions.

En premier lieu, il manifeste un mécontentement profond et une colère à tous égards légitimes. Le déclencheur en est l’augmentation des taxes sur le carburant. Mais celle-ci est d’abord ressentie comme une nouvelle agression contre le pouvoir d’achat par des millions de gens qui, en zones rurales ou périurbaines, sont obligés d’utiliser leurs véhicules ; sans autre choix. Pouvoir d’achat, le mot est lâché. Par beaucoup d’aspects ce qui s’exprime est une protestation et un cri d’alarme de salarié·es ou de retraité·es qui doivent constamment se serrer la ceinture, qui vivent les bas salaires et les pensions amputées et qui n’en peuvent plus !

En second lieu, c’est un rejet du mépris. Du mépris d’un pouvoir qui ne veut rien voir de leurs difficultés et qui trace sa route au service des riches et des actionnaires. Du mépris aussi, il faut le dire, de certaines catégories d’urbains qui ne comprennent pas leur vraie vie. Nous sommes partie prenante, je suis partie prenante, de cette protestation sociale !

Troisième point, ce mouvement n’est-il pas une négation des efforts nécessaires pour la transition écologique ? L’interrogation est, elle aussi, légitime car la transition écologique est un impératif absolu. Sauf que par sa conception même cette transition doit toujours impliquer dans un même mouvement l’écologique, le social et la démocratie. L’approche du pouvoir est aux antipodes de cette démarche. L’idée d’un moratoire concernant la hausse des taxes sur les carburants est juste. Il faut un vaste débat national sur des solutions alternatives.

Quatrième aspect : ce conflit est problématique, car il est en réalité manipulé par l’extrême droite. Il est, bien sûr, exact que le Rassemblement (ex-Front) national (RN), Debout la France et d’autres organisations de cette mouvance tentent depuis l’origine d’instrumentaliser la mobilisation citoyenne. De surcroît, comme l’indiquait à juste titre la CGT, le patronat du transport routier pousse aux blocages. Les intentions de tous ces gens sont de dévoyer le mouvement. D’où la nécessité de contribuer à ce que ce dernier soit vigilant quant à ses formes d’action et à ses mots d’ordre. D’où la nécessité de contribuer, par la discussion, la proposition, la conviction à ce que les liens soient établis entre les attaques contre le pouvoir d’achat par le biais du carburant et les questions des salaires, des cadeaux fiscaux consentis au capital, et plus généralement des politiques d’austérité.

 

« C’est les gens du peuple qui sont là » par Willy Pelletier, coordinateur général de la Fondation Copernic

J’étais gilet jaune, nationale 2. Des heures, un peu la nuit, il faisait froid, tous ensemble, dans le mélange, le partage, des sandwichs saucisson, du couscous, des thés, Ricard, cubis de rosé. Nassim a amené des loukoums. Avant, on se connaissait pas, maintenant oui. Avant, on votait pas pareil, à l’opposé même, maintenant au moins, on est d’accord sur ce qui nous fout tous dans la merde, les patrons, les gros patrons, la finance, Macron qui les sert, nous vole, nous méprise, nous connaît même pas, et les DRH qui licencient. Avant, on se parlait pas, là on va se revoir. Bruno doit prêter son motoculteur à Éric, et après à Alfonso ; Mireille, Corinne, Robert, Samia, ont rendez-vous avec Hairati, pour qu’elle leur explique des trucs d’ordinateur. Ici, dans l’Aisne, il n’y a plus ni poste, ni médecin, ni bistrots, ni magasins, les classes de primaire ferment. Les sociétés de chasse, les fanfares, les clubs de sport peinent à survivre. Au judo, la cotisation est de 20 euros, un tiers des parents demandent à payer en trois fois. Les « entre-soi » ruraux s’effondrent et avec eux l’estime de soi qu’ils généraient. On vivait côte-côte, repliés sur nous-mêmes. C’était chacun seul, chacun pour soi, « chacun sa merde », un sauve-qui-peut général doublé d’un sentiment d’impuissance. Ici, les plus proches sont fantasmés menaces. Maintenant, c’est plus pareil. Et on veut continuer. De toute façon, gilets jaunes ou autrement, on commence à être un groupe, un groupe populaire, on s’est dit qu’on se soutiendrait, et qu’on soutiendrait tous les gens qui galèrent dans le Soissonnais. On va voir comment faire.

Je n’oublierai pas Julien, qui bosse vers Paris et se tape 20 minutes de voiture matin et soir, pour prendre des trains toujours plus rares, pas chauffés. Il disait : « La bagnole, j’m’en fous, la mienne c’est pas un coupé sport, la bagnole c’est juste que je fais comment sans, Coralie a pas été reprise en CDD, sur le fric on est au taquet, le 12 du mois, plus un kopeck, on se prive sur tout, ça peut pas durer qu’on nous casse partout. » Julien a voté Voynet, Hamon. J’oublierai pas Jean-Pierre, 76 ans, au boulot à 16 ans, les champs puis l’usine. Il disait : « Avec Nicole, les retraites, c’était déjà que dalle, là Macron, il nous pompe le noyau, il sait pas qu’on a la pêche, on fait quoi, on peut plus prendre la voiture pour s’occuper des gamines de notre fille, alors elle va bosser comment ? » Il disait : « Faut l’ouvrir, on l’a fermé trop. » J’oublie pas Yasmina, j’oublie pas Mathieu, étudiants à l’IUT, les premiers dans leur famille à avoir le bac. Elle disait : « Déjà que je bosse à Cora pour aider mes parents, avec 50 km par jour pour aller à l’IUT, comment je paye plus cher l’essence, là ça fait deux semaines que je peux plus aller voir mon copain qu’est à Lille. » J’oublie pas Marc, plombier, la première fois qu’il manifeste. Il disait : « J’ai la rage contre tous les politiques, la rage comme un piment dans le petit déj, c’est pas nous qui polluons tout, nous on va pas à New York en jet. »

On s’oubliera pas. On s’oubliera plus. On n’oubliera pas qui veut nous séparer, nous monter les uns contre les autres, alors qu’on est exploités pareil. Pour les mêmes causes, les mêmes coffres-forts, qui déjà débordent. J’oublie pas Sylvain, licencié de Wolber, l’usine à pneus qui mit 1 000 personnes à la rue, syndiqué CGT. Il m’a dit : « C’est les gens du peuple qui sont là, trois coups comme ça et le drapeau rouge, je le sors, il est au coffre de la Clio depuis trop de temps ! »

 

 

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23 novembre 2018 5 23 /11 /novembre /2018 08:55

Le communiqué du gouvernement français faisant du Hamas le seul responsable des violences que subissent les populations civiles israéliennes frontalières de Gaza sans jamais évoquer le sort des populations civiles gazaouies est particulièrement scandaleux et ne permet pas d’envisager la paix.

PCF : La France doit soutenir le cessez-le-feu à Gaza

C'est oublier que le gouvernement israélien, alors que des pourparlers étaient engagés entre le Hamas et les services israéliens sous l’égide de l’Égypte, a envoyé dans la bande de Gaza un commando dans le but d'éliminer un responsable du Hamas. Cette opération s'est soldée par la mort de sept Palestiniens et d’un militaire israélien. Le Hamas a riposté par l'envoi de roquettes qui ont tué un Palestinien d’Israël, et Israël a bombardé : 7 Gazaouis sont morts, 150 sites ont été détruits dont celui de la chaîne de télévision Al Aqsa.

Cet enchaînement malheureusement prévisible et parfaitement condamnable a été délibérément provoqué par Israël. Nous demandons avec insistance au gouvernement français qui prétend jouer un rôle dans la construction de la paix de garder une attitude responsable.

La population civile de Gaza qui a, depuis le mois de mars, choisi une lutte pacifique pour réclamer le droit des Palestiniens (fin du blocus, droit au retour), mérite le respect et doit être protégée. On ne peut accepter les déclarations partisanes, s'il est légitime de déplorer toutes les victimes civiles, on ne peut ignorer qu'il y a une population victime d'un blocus qui conduit au désespoir et à une catastrophe humanitaire. Le PCF est aux cotés de cette population.

Un cessez-le-feu a été institué sous l'égide de l'ONU, la France doit s'engager pour le soutenir.

A l'annonce de ce cessez-le-feu, le ministre ultranationaliste Avigdor Lieberman a donné sa démission et a demandé la convocation de nouvelles élections. ​Nous serons aux cotés des progressistes qui ont essayé de se dresser contre la nouvelle loi fondamentale État-nation en proposant d'instaurer en Israël un État de tous ces citoyens.

 

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22 novembre 2018 4 22 /11 /novembre /2018 06:28

Débat entre Ian Brossat et Aurore Bergé sur BFMTV le 21 novembre 2018

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