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12 juin 2019 3 12 /06 /juin /2019 07:32
Pour un retour à l’inconditionnalité de l’hébergement d’urgence
dans le Finistère.
 

Brest (place de la Liberté) 

Quimper (place de la résistance)

le mercredi 12 juin à 18h30

 
 
Qu’est-ce que l’hébergement d’urgence ?
L’hébergement d’urgence est un dispositif d’aide et d’accompagnement pouvant être délivré aux personnes sans abri et en difficulté sociale. Pour le solliciter, il faut faire le 115 qui est un numéro d’urgence comme l’est le 18 pour les pompiers, ou le 15 pour le Samu. Ce dispositif, ainsi prévu pour mettre à l’abri les personnes sans ressources lorsque cela est possible, est un dispositif de l’État mais dont l’organisation se fait à l’échelle du département.
 
Sur le principe, la plateforme du 115 s’appuie alors généralement sur les disponibilités des CHRS ou des prises en charges hôtelières pour mettre à l’abri les personnes sans ressources. Malheureusement, il n’y a pas toujours assez de place pour toutes les personnes qui appellent le 115, et les « gestionnaires » de la plateforme ne parviennent pas à trouver une solution dans toutes les situations.
 
Aujourd’hui nous ne sommes (même) pas là pour évoquer ou dénoncer le manque de place d’hébergement à l’échelle du territoire… Les structures autour de la table aujourd’hui veulent par contre dénoncer le fait que, depuis une date assez récente, dans le département, le 115 (ou plutôt le dispositif d’hébergement d’urgence), ne repose plus sur son principe fondamental qui est celui de l’inconditionnalité.
 
Ça veut dire quoi l’inconditionnalité ?
Ça veut dire que tout le monde peut appeler le 115. Ça veut dire que toute personne à la rue, sans ressource, en difficulté, peut solliciter l’aide à l’hébergement de ce dispositif. On peut (malheureusement) lui répondre qu’il n’y a plus de place, mais on ne peut pas lui répondre qu’elle n’y a pas droit !
 
Or, aujourd’hui dans le Finistère, la DDCS (Direction Départementale de la Cohésion Sociale), sous les ordres du Préfet, donne comme consigne aux gestionnaires du 115 de ne pas traiter ou solutionner les appels provenant de personnes étrangères sans-papiers ou en cours de démarche pour obtenir une régularisation. Aujourd’hui, dans le Finistère, les salarié-e-s du 115 sont contraint-e-s de répondre aux étranger-e-s sans-papiers à la rue, et quelque-soit leur « détresse », qu’ils-elles ne peuvent pas avoir d’hébergement d’urgence. Ces salarié-e-s étaient d’ailleurs récemment en grève pour dénoncer ces consignes préfectorales.
 
Pourtant, la loi sur le logement de 2014 et le Code de l’Action Sociale et des Famille prévoient que : « Toute personne sans abri en situation de détresse médicale, psychique ou sociale a accès, à tout moment, à un dispositif d’hébergement d’urgence  » (art. 345.2.2). Cette loi est ainsi régulièrement bafouée par la préfecture du Finistère.
 
Nous, associations et collectifs qui conseillons et accompagnons des femmes victimes de violences, des personnes sans-papiers, des jeunes majeur-e-s isolé-e-s, etc., dénonçons ces consignes territoriales, qui sont discriminatoires et donc racistes. La préfecture n’a pas à poser la condition de la régularité de séjour pour autoriser l’accès au dispositif d’hébergement d’urgence ! Et nous exigeons alors que soit rétablit le principe de l’aide inconditionnelle à l’hébergement d’urgence pour toute personne qui en a besoin.
 
Nous appelons à nous rassembler/manifester, à
Brest (place de la Liberté)
et à Quimper (place de la résistance)
le mercredi 12 juin à 18h30.
Nous appelons toutes les structures et groupes, mobilisé-e-s sur cette question, à nous rejoindre.
 
Signataires au 08.06.2019 : 100 pour un toit Cornouaille, 100 pour un toit de Landerneau, 100 pour un toit de Quimperlé, 100 pour un toit Saint Pol, Abri côtier urgence femmes de Concarneau, Abri Côtier de Quimperlé, Accueil des réfugiés dans le Cap, ADJIM Accompagnement des jeunes isolés migrants, Cimade du Finistère, Collectif Adé-Brest, Collectif aidons les réfugiés Brest, Collectif citoyens solidaires de Cornouaille, Droit d’asile Quimper, Digemer, EELV Kemper Kerne, France Insoumise de Quimper, Fraternité Douarnenez, Fraternité Quimper, FSU 29, PCF BREST et QUIMPER, Ligue des droits de l’Homme du Finistère, Morlaix-libertés, Nouvelle Donne Finistère, NPA 29, PCF29, Planning familial 29,Solidarité Côte des Légendes, le Temps partagé, Travesias, Zéro personne à la rue…
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12 juin 2019 3 12 /06 /juin /2019 07:09
Mardi de l'éducation populaire - photos de la Conférence chantée: 1917 – 1920 , de la fin de la première guerre mondiale à la création du Parti Communiste Français, avec Roger Héré, Patricia Paulus, Jean-François Vérant
Mardi de l'éducation populaire - photos de la Conférence chantée: 1917 – 1920 , de la fin de la première guerre mondiale à la création du Parti Communiste Français, avec Roger Héré, Patricia Paulus, Jean-François Vérant
Mardi de l'éducation populaire - photos de la Conférence chantée: 1917 – 1920 , de la fin de la première guerre mondiale à la création du Parti Communiste Français, avec Roger Héré, Patricia Paulus, Jean-François Vérant
Mardi de l'éducation populaire - photos de la Conférence chantée: 1917 – 1920 , de la fin de la première guerre mondiale à la création du Parti Communiste Français, avec Roger Héré, Patricia Paulus, Jean-François Vérant
Mardi de l'éducation populaire - photos de la Conférence chantée: 1917 – 1920 , de la fin de la première guerre mondiale à la création du Parti Communiste Français, avec Roger Héré, Patricia Paulus, Jean-François Vérant
Mardi de l'éducation populaire - photos de la Conférence chantée: 1917 – 1920 , de la fin de la première guerre mondiale à la création du Parti Communiste Français, avec Roger Héré, Patricia Paulus, Jean-François Vérant
Mardi de l'éducation populaire - photos de la Conférence chantée: 1917 – 1920 , de la fin de la première guerre mondiale à la création du Parti Communiste Français, avec Roger Héré, Patricia Paulus, Jean-François Vérant
Mardi de l'éducation populaire - photos de la Conférence chantée: 1917 – 1920 , de la fin de la première guerre mondiale à la création du Parti Communiste Français, avec Roger Héré, Patricia Paulus, Jean-François Vérant
Mardi de l'éducation populaire - photos de la Conférence chantée: 1917 – 1920 , de la fin de la première guerre mondiale à la création du Parti Communiste Français, avec Roger Héré, Patricia Paulus, Jean-François Vérant

Devant une trentaine de personnes, une très belle conférence chantée de Roger Héré, Patricia Paulus et Jean- François Verant, dans le cadre de nos mardis de l'éducation populaire ce 11 juin, avec des tableaux historiques, des documents vidéo et iconographiques présentés par Roger Héré, qui avait aussi sélectionné le répertoire de chansons de luttes originales composées entre 1916 et 1920.  

Pour les 100 ans qui approchent du parti communiste français, retour en chansons et en analyse historique de la situation politique et sociale, internationale, entre 1917 et 1920, qui a conduit à la création du parti communiste.

Des magnifiques témoignages de l'inventivité, de la colère et de la combativité populaire, de très belles voix et une ambiance chaleureuse au local du PCF Morlaix.

La guerre, la protestation contre ses boucheries et son absurdité, les mutineries, la remise en cause des illusions du chauvinisme, la révolution bolchevique, la coalition contre la révolution, la révolution spartakiste en Allemagne réprimée par les sociaux-démocrates de droite à l'aide des corps francs d'extrême-droite, les révoltés de la Mer Noire avec André Marty, les réactions à la chambre bleu horizon, l'émergence d'un mouvement social féminin chez les midinettes notamment réclamant la semaine anglaise (5 jours et demi payés 6 jours) et d'une grande volonté de paix et de transformation sociale, autant de thèmes que subliment ces chansons trop méconnues.

 

“Conférence chantée: 1917 – 1920 , de la fin de la première guerre mondiale à la création du Parti Communiste Français, éléments d’histoire et de contexte"
 
Interprétation des chansons de lutte et musique: Roger Héré - Patricia Paulus - Jean-François Vérant 
 
Tableaux historiques ponctuées de chants:
 
" La semaine anglaise"
"Ce n'est pas en France"
"Tragique ballade des tranchées"
"Chanson de Craonne"
"Hanging and the old barbed wire"
"Salut aux marins de la mer noire"
"Odessa Valse"
"C'est nous les vainqueurs"
"Le lion populaire"
 
La conférence des Mardi de l'éducation populaire à suivre aura lieu le mardi 2 juillet à 18h au local du PCF Morlaix avec Bérénice Manach, auteur du "Livre de Nella" (Skol Vreizh, 2019), sur l'histoire de sa mère, d'origine italienne, avec un père communiste et anti-fasciste émigré un temps en URSS, et de ses histoires d'amour belles et tragiques avec Emilio, communiste déporté et exécuté lors des purges de Staline, puis Etienne Manach, et co-éditrice du magnifique Journal Intime de son père, Etienne Manach, paru également aux éditions Skol Vreizh.
 
" Etienne, Emilio et Nella, trois destins exceptionnels marqués par le communisme et les tragédies du 20e siècle"
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12 juin 2019 3 12 /06 /juin /2019 06:30
Fabien Roussel: Allons plus loin, la gauche se reconstruira dans l'action : entretien à l'Humanité Dimanche sur les enseignements et les suites des élections européennes, 6 juin 2019
Fabien Roussel : « Allons plus loin. La gauche se reconstruira dans l’action »
Jeudi, 6 Juin, 2019
 
Dans un entretien accordé à l’Humanité Dimanche, Fabien Roussel, secrétaire national du PCF voit dans le scrutin des élections européennes, un « point de départ » pour le mouvement communiste, et pour la gauche qu’il appelle à l’action commune. « C’est maintenant que tout commence… ».

Quels sont, pour vous, les grands enseignements des élections européennes ?

Emmanuel Macron, après avoir siphonné les voix du PS en 2017, siphonne celle de la droite en 2019 et réussit à imposer son parti dans le paysage politique en faisant de l’extrême droite son vrai-faux adversaire. Nos concitoyens ne pourraient plus faire autrement que de choisir entre l’extrême droite et le libéralisme à la sauce américaine. C’est terrible comme situation politique, parce que les forces progressistes sont diminuées. Qu’elles soient unies ou non, elles sont affaiblies.

Les Français, à 50 %, sont restés chez eux et ne sont pas allés voter. Le Rassemblement national et Macron font chacun 5,5 millions de voix, quand 22 millions de Français ne sont pas déplacés pour aller mettre un bulletin dans l’urne. Je dénonce l’hypocrisie et la complicité de ces ultralibéraux au service de la finance qui prennent le risque de faire basculer notre pays et de le livrer à l’extrême droite. Les députés En marche ! se présentent comme un rempart contre l’extrême droite, dénoncent les dangers que représente le RN pour notre pays, mais dans les couloirs de l’Assemblée ou sur les plateaux télé, s’embrassent et cultivent leur complicité. Le RN et LaREM ont besoin l’un de l’autre. C’est extrêmement inquiétant.

Il y a aussi la politique menée par Macron…

Au lendemain de l’élection, nous tombent dessus en trois jours : la vente de Renault aux italiens ; l’annonce du plan social à Belfort ; et la liquidation de Whirlpool à Amiens. Évidemment que ça favorise la colère, la haine envers les puissants et les responsables politiques. Sauf que, aujourd’hui, la colère s’exprime avec un bulletin de vote RN. L’affaire General Electric est grave. Qu’il ne nous dise pas qu’il ne savait pas ! Macron a dit à son ancien conseiller, qui en est le directeur général, « attends la fin des élections pour annoncer le plan social ». Ça se voit comme le nez au milieu de la figure. C’est corruption et complicités ! Ce n’est pas l’impuissance de l’État que je dénonce mais sa complicité.

Comment interprétez-vous le score décevant du PCF ?

Le principal enseignement, c’est que, lorsque les Français sont en colère, ils utilisent le bulletin RN et non celui de la gauche ou du Parti communiste. Nous devons faire l’analyse de cette situation. Comment construire les conditions pour recréer l’espoir pour que, demain, nous, la gauche, soyons la solution. Une gauche anticapitaliste, une gauche qui s’attaque au modèle économique. Une gauche qui remet en cause les logiques économiques actuelles.

Dans cette campagne, nous avons réussi à mobiliser les militants. Nous avons réussi à convaincre des soutiens très divers au-delà des rangs du Parti communiste. Beaucoup de responsables syndicaux, d’intellectuels se tournent de nouveau vers nous. Nous disposons d’une force qui est là, qui est riche et diverse. De plus en plus de gens croient, comme nous, qu’il faut profondément changer de modèle économique. C’est un acquis important de cette campagne que nous devons à notre présence à cette élection. Mais force est de constater que nous ne sommes ni rentrés dans le cœur des quartiers populaires, ni dans celui des ouvriers, des employés, des familles qui n’arrivent plus à vivre avec moins de 2 000 euros.

Pourquoi est-ce dans les catégories sociales les moins aisées que nous faisons le moins de voix ? Nous devons comprendre pourquoi et résoudre ce problème. Nous devons aller parler aux abstentionnistes et à ceux qui utilisent un autre bulletin que le nôtre, pour leur dire que c’est le système qu’il faut changer en profondeur et que le Parti communiste apporte des réponses. Il faut que l’on redevienne une force politique qui parle prioritairement au monde du travail, aux classes populaires, aux salariés, aux employés et plus globalement à tous les exploités, qu’ils en aient conscience ou pas. Le plaisir fut grand de mener cette campagne. Nous avons été fiers d’utiliser le vote communiste pour exprimer ces idées, d’aller convaincre. Maintenant, allons plus loin.

Macron veut installer le clivage « progressistes contre populistes », le RN joue les « mondialistes contre les souverainistes », la France insoumise oppose le « peuple » et l’« oligarchie », n’est ce pas la preuve que le clivage gauche-droite est dépassé ?

Je pense qu’il faut redonner du sens à ce clivage-là. Quelle gauche ? La question fondamentale, c’est comment réussir à reprendre le pouvoir sur la finance ? Les financiers et ceux qui défendent le capital agitent toutes les peurs : celle de l’extrême droite, celle de l’étranger, celle de l’avenir de la planète… Certaines de ces problématiques sont légitimes mais on ne peut pas les dépasser sans jamais remettre en cause le système. C’est donc là le cœur de la question qui est posée à la gauche. Est-ce qu’on peut trouver des points d’accord pour commencer à remettre en cause les fondements de ce système économique ?

Autrement dit remettre du contenu de classe dans le clivage gauche-droite ?

La gauche doit prendre conscience, et nous avec, que les capitalistes sont très forts. Ils ont gagné une manche ces dernières années. Nous devons l’analyser lucidement, nous mettre autour de la table et nous poser la question de comment reprendre la main. Je n’ai pas la prétention aujourd’hui d’avoir la réponse seul. Mais il faut avoir cette humilité-là. Ce que je sais, c’est que nous sommes très forts pour dénoncer les capitalistes, les financiers, ceux qui dominent. Mais beaucoup moins forts pour parler et convaincre ceux qui sont exploités, ceux qui sont dominés.

Le monde du travail est fort quand il est uni. Nous devons changer ce modèle économique pour remettre l’homme et la planète au cœur de tous les choix. Unis, nous serons plus forts pour reprendre le pouvoir sur la finance et décider de nos vies. Ce n’est pas qu’une question d’addition, c’est une question de bataille idéologique.

Dans ce contexte, la question écologique devient de plus en plus centrale…

Il faut s’adresser à la jeunesse, à ceux qui ont placé l’écologie en tête de leurs préoccupations et leur dire qu’il n’y aura pas de politique écologique sans remettre en cause le modèle économique. Le capitalisme vert, ça n’existe pas. J’ai toujours dit que cette question devait être une priorité pour nous. Le Parti communiste français, c’est l’humain et la planète d’abord. C’est clair.

La seule solution pour exprimer l’urgence écologique n’est pas le bulletin Vert. Le PCF a des propositions et un projet communiste qui répond au défi écologique et climatique. Nous devons montrer leur lisibilité et leur cohérence. C’est un problème de culture politique, de prise de conscience. Nous devons convaincre les jeunes et, pour cela, nous devons être encore plus nombreux. Nous appelons donc à un renforcement important de notre parti en nombre d’adhérents pour avoir plus de moyens humains, pour aller parler dans les lycées, les universités, les usines et les entreprises, pour convaincre de l’urgence à changer de modèle de société.

Au soir des européennes, un camarade est venu me voir et m’a dit : « C’est maintenant que tout commence. » J’ai apprécié cette formule. Cette campagne est un point de départ.

En 2017, la France Insoumise ne faisait plus référence à la gauche. En 2019, les Verts ne font plus référence à la gauche et ils arrivent en tête. La notion de gauche a-t-elle fait son temps selon vous ?

Je ne crois pas qu’il s’agisse pour nous de faire pareil. La gauche, si elle est disqualifiée dans les urnes, existe toujours dans les têtes. Comme la droite, qui a bien compris que Macron pouvait devenir son nouveau poulain. Cela dit, ces élections posent un certain nombre de questions et il va falloir prendre le temps de la réflexion. Je veux prendre le temps de me poser, d’écouter, d’étudier, de parler avec les militants. Je vais entamer une tournée des entreprises pour aller à la rencontre de ces salariés du public et du privé, échanger avec eux. Pour entendre leurs mots, ce qu’ils vivent dans leurs entreprises.

Mais n’est-on pas à la fin d’un cycle, y compris pour la gauche ?

Oui, la gauche peut disparaître et il peut y avoir demain un paysage politique structuré entre l’extrême droite qui fait peur et les démocrates qui seraient les sauveurs. Ça serait terrible. Pour déjouer ce piège, il faut faire ce qu’ont fait nos anciens en 1789 ou lors la Commune de Paris, il faut se remettre à rêver d’un projet d’émancipation humaine égalitaire. Un programme, ça ne suffit pas. Il faut réussir à se projeter dans un rêve humaniste, progressiste, communiste qui redonne envie de s’engager en politique au sens noble. Pas pour une boutique mais pour un projet de société.

Allez-vous rencontrer les autres forces de gauche prochainement ?

Oui, mais ça ne réglera pas tout. C’est facile de se retrouver avec des forces de gauche autour d’un café pour se mettre d’accord ou se dire qu’on n’est pas d’accord. C’est autrement plus difficile d’aller convaincre 10 millions d’électeurs qu’il est possible de changer la société ensemble. Je l’ai dit à Jean-Luc Mélenchon et Olivier Faure, je suis disponible pour discuter avec tout le monde sans préalable et sans dire qu’on a une réponse toute faite.

Après, il va y avoir des élections municipales. C’est un scrutin local, que les Français aiment bien. Le mode de scrutin permet les rassemblements les plus larges. Créons les conditions partout pour faire gagner des majorités qui vont porter des idées nouvelles et produire des actes nouveaux. Des élus qui vont défendre des services publics locaux, la gratuité des transports, l’écologie… qui vont se battre pour redonner des moyens aux communes et battre la droite de Macron et l’extrême droite.

Mais la gauche, ça ne peut pas être que des alliances électorales. Comment fait-on pour empêcher la privatisation d’ADP ? Comment fait-on pour gagner un moratoire sur toutes les fermetures de services dans les hôpitaux publics ? Pour que la ligne Perpignan-Rungis, le train des primeurs, ne ferme pas ? Pour empêcher les fermetures d’usines ? C’est concret, c’est maintenant et ça change la vie des gens. On peut mener ces batailles ensemble, gagner ensemble dans le respect des identités de chaque force. « C’est dans l’action que la gauche se reconstruira. »

Je pense que, aujourd’hui, il y a besoin surtout de rassembler celles et ceux qui veulent transformer radicalement la société. Il faut aller plus loin que la « gôche » avec un accent circonflexe. Produisons les idées qui vont nous permettre de sortir du capitalisme, une rupture heureuse avec la société actuelle vers une nouvelle société. Des gens qui veulent le faire, il y en a chez les insoumis, chez les Verts, chez les socialistes et chez les communistes bien sûr, mais il y en a beaucoup plus en dehors de nos partis !

Il s’agit moins d’additionner des forces politiques que d’additionner les idées, les gens et produire des actes. Quand les gilets jaunes disent que les politiques, « c’est de la merde », et qu’il y a trop de députés. Quand j’entends des responsables syndicaux qui disent : « La politique, ça ne m’intéresse pas, j’en fais pas. » C’est ça qui doit nous préoccuper. Il faut les convaincre qu’il faut qu’ils s’intéressent à la politique. Parce que d’autres le font et construisent leur avenir à leur place. Ce sera long mais c’est incontournable pour changer le rapport de forces dans notre pays. Oui, c’est maintenant que tout peut commencer.

Entretien réalisé par Stéphane Sahuc et Cédric Clérin
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12 juin 2019 3 12 /06 /juin /2019 06:21
Le PCF section de Brest et fédération du Finistère soutient ce rassemblement et appelle à y participer nombreux.

Le PCF section de Brest et fédération du Finistère soutient ce rassemblement et appelle à y participer nombreux.

Solidarité avec la révolte populaire démocratique au Soudan contre la dictature - rassemblement à Brest le samedi 15 juin à 14h

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12 juin 2019 3 12 /06 /juin /2019 06:18
Visuel réalisé par le PCF Côtes d'Armor pour la défense de l'hôpital public

Visuel réalisé par le PCF Côtes d'Armor pour la défense de l'hôpital public

Visuel réalisé par le PCF Côtes d'Armor pour la défense de l'hôpital public

Visuel réalisé par le PCF Côtes d'Armor pour la défense de l'hôpital public

Visuel réalisé par le PCF Côtes d'Armor pour la défense de l'hôpital public

Visuel réalisé par le PCF Côtes d'Armor pour la défense de l'hôpital public

Visuel réalisé par le PCF Côtes d'Armor pour la défense de l'hôpital public

Visuel réalisé par le PCF Côtes d'Armor pour la défense de l'hôpital public

Hôpital public: l'urgence! (PCF)
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12 juin 2019 3 12 /06 /juin /2019 05:59
Rassemblement des personnels grévistes de la CGT de l'hôpital et du comité de défense de l'hôpital public de Morlaix - 11 juin 2019 - photo Jean-Luc Le Calvez

Rassemblement des personnels grévistes de la CGT de l'hôpital et du comité de défense de l'hôpital public de Morlaix - 11 juin 2019 - photo Jean-Luc Le Calvez

Intervention de Christophe Boudrot, secrétaire de la CGT hôpital du pays de Morlaix - photo Jean-Luc Le Calvez

Intervention de Christophe Boudrot, secrétaire de la CGT hôpital du pays de Morlaix - photo Jean-Luc Le Calvez

Intervention de Christophe Boudrot, secrétaire de la CGT hôpital du pays de Morlaix - photo Jean-Luc Le Calvez

Intervention de Christophe Boudrot, secrétaire de la CGT hôpital du pays de Morlaix - photo Jean-Luc Le Calvez

Intervention de Martine Carn pour le comité de défense du centre hospitalier public de Morlaix - photo Jean-Luc Le Calvez

Intervention de Martine Carn pour le comité de défense du centre hospitalier public de Morlaix - photo Jean-Luc Le Calvez

Rassemblement des personnels grévistes de la CGT de l'hôpital et du comité de défense de l'hôpital public de Morlaix - 11 juin 2019 - photo Jean-Luc Le Calvez

Rassemblement des personnels grévistes de la CGT de l'hôpital et du comité de défense de l'hôpital public de Morlaix - 11 juin 2019 - photo Jean-Luc Le Calvez

Rassemblement des personnels grévistes de la CGT de l'hôpital et du comité de défense de l'hôpital public de Morlaix - 11 juin 2019 - photo Jean-Luc Le Calvez

Rassemblement des personnels grévistes de la CGT de l'hôpital et du comité de défense de l'hôpital public de Morlaix - 11 juin 2019 - photo Jean-Luc Le Calvez

Photos du rassemblement revendicatif à l'hôpital par Jean-Luc Le Calvez
Seul la CGT appelait au debrayage et au rassemblement parmi les syndicats des hospitaliers à Morlaix. 
80 personnes dans le hall, agents et usagers, notamment du comité de défense de l'hôpital public du pays de Morlaix, réunis. 
 
Ouest-France, 11 juin:

À l’appel de la CGT et du comité de défense des usagers, un rassemblement a eu lieu à l’hôpital de Morlaix (Finistère), mardi 11 juin. Les urgences sont en grève depuis le 23 mai. À l’appel de la CGT et du Comité de défense des usagers, ces soignants et particuliers ont investi le hall du bâtiment administratif de l’hôpital.

Service minimum

Christophe Boudrot, de la CGT, est revenu sur la grève des urgences en France. « Les proportions que prend le mouvement sont particulièrement impressionnantes et révélatrices de la gravité de la situation. » Il cite des chiffres du ministère de la Santé : « En 20 ans, le nombre de passages annuels est passé de 10 à 21 millions. Mais les soignants et leurs moyens n’ont bien sûr pas doublé, eux. »

Commencée en région parisienne il y a plus de deux mois, la mobilisation a gagné la province, notamment Morlaix, depuis le 23 mai. « Le préavis est reconductible et illimité », indique Christophe Boudrot, précisant que chaque jour, « dix personnes sont grévistes ». Dans les faits, cela ne se ressent pas sur la prise en charge : « En raison du service minimum, ces grévistes sont systématiquement réquisitionnés. »

Un bip anti-agressions

La CGT confie avoir obtenu « quelques avancées, mais on attend que cela soit confirmé par écrit ». Craignant pour leur sécurité, les agents pourraient notamment obtenir « un bip permettant de donner l’alerte en cas d’agression ».

Au-delà des urgences, le syndicat milite « contre les fermetures de lits et suppressions de postes dans tous les services ».

https://www.ouest-france.fr/bretagne/morlaix-29600/morlaix-une-cinquantaine-de-personnes-reclame-plus-de-moyens-l-hopital-6392666 

 

Télégramme, 11 juin:

Ce mardi 11 juin, jour du vote de la Loi Santé au Sénat, des rassemblements ont eu lieu partout en France à l’appel de plusieurs syndicats. Au centre hospitalier des pays de Morlaix, 70 personnes environ se sont réunies, répondant à la demande de mobilisation de la CGT, soutenue par le Comité de défense des usagers de l’hôpital public. Si Christophe Boudrot, secrétaire du syndicat, a notamment insisté sur la situation actuelle, rappelant le contexte de mobilisation au niveau des urgences et dénonçant de manière générale, « la dégradation de la situation d’accueil et de prise en charge à l’hôpital », du fait de « la fermeture de lits », d’un « manque de moyens humains », Martine Carn du Comité de défense s’est montrée très alarmée face à « la loi Santé 2022 ». Relayant une décision commune avec d’autres comités de défense, elle a lancé un appel à mobilisation de la population samedi 15 juin, sur la place des otages, entre 10 h et 12 h. Objectif : distribuer des tracts et recevoir les doléances des personnes concernant l’hôpital.

https://www.letelegramme.fr/finistere/morlaix/centre-hospitalier-70-personnes-mobilisees-11-06-2019-12308573.php

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11 juin 2019 2 11 /06 /juin /2019 07:29
José et sa fille Rosa sur la place des Otages de Morlaix, près du Grand Café de la Terrasse. À l’époque, en 1939, le petit garçon qu’était José s’était assis dans un café près du Viaduc et était resté là des heures. Ce passage est décrit dans son ouvrage « Exilés, le passé te rattrape toujours ». Sur les traces de cette enfance, le vieil homme pense peut-être avoir retrouvé ce café, sans en être certain. (Le Télégramme/Cécile Renouard)

José et sa fille Rosa sur la place des Otages de Morlaix, près du Grand Café de la Terrasse. À l’époque, en 1939, le petit garçon qu’était José s’était assis dans un café près du Viaduc et était resté là des heures. Ce passage est décrit dans son ouvrage « Exilés, le passé te rattrape toujours ». Sur les traces de cette enfance, le vieil homme pense peut-être avoir retrouvé ce café, sans en être certain. (Le Télégramme/Cécile Renouard)

En revenant sur les terres de Morlaix et Plougasnou, 80 ans après y avoir été amené en tant que réfugié espagnol, José Colina Quirce a effectué son grand pèlerinage… Mais aussi livré son histoire. Émouvante.

80 ans plus tard, il est revenu à Morlaix et à Plougasnou. Non pas sur décision des autorités, mais sur la sienne cette fois. « C’est une forme de pèlerinage », justifie José Colina Quirce, petit homme un peu voûté mais à la parole alerte. À ses côtés marchent deux autres personnes, sa fille Rosa et son gendre Benoist. Tous les trois, menés par le patriarche, ou « pappy », 89 ans, sont montés d’Ariège, où ils vivent tous ensemble, jusqu’en Bretagne. Direction Morlaix et Plougasnou, pour revoir ces lieux où José et des membres de sa famille, après avoir fui le régime de Franco et s’être retrouvés en France comme 475 000 autres réfugiés, ont été conduits en 1939 par des trains jusqu’à la pointe bretonne, et plus précisément au camp de Plougasnou.

Le temps du silence pour vivre

Rencontrer José Colina Quirce, c’est aussi rencontrer toute une famille, « à la mode espagnole ». Celle des présents à ses côtés, celle des absents, membres éloignés au fil des tragédies et des événements historiques, et celle des morts qui ponctuent encore sa vie et qui ne sont jamais oubliés. José est venu ici avec toute cette famille-là, à ses côtés ou dans son cœur, pour revoir Morlaix avec « son viaduc qu’[il] a regardé pendant des heures, le café où [ils sont] restés attendre », pour revoir Plougasnou et retrouver le camp où il a passé « quatre ou cinq mois lorsqu’[il] avait 9 ans ». « C’était essentiel de revenir », explique-t-il. C’était il y a longtemps mais « les souvenirs sont intacts ».

Comment raconter ?

« Longtemps, dans ma vie, ça a été le temps du silence. Parce qu’on a voulu vivre, on a voulu que nos enfants ne connaissent pas ça », se souvient le vieil homme de 89 ans avant de préciser : « Mais à l’approche de la retraite [comme chef de chantier], j’ai commencé à me dire qu’il faudrait tout de même en parler ». De « ça », de « l’exil », de « la guerre », « d’être réfugié ». « J’ai essayé longtemps d’en parler, d’écrire mais je n’arrivais pas. C’était toujours le même problème, la même question : comment le faire ? », explique-t-il. Le regard fixé dans le vide, il ajoute : « C’est le même problème pour les gens qui sont revenus des camps de la mort ».

« C’était dur, je n’ai rien occulté »

Les années passent. Une rencontre fait basculer José dans sa quête, lui permettant enfin d’entrer dans l’écriture, de raconter. « J’ai retrouvé mon cousin Antoine avec qui j’étais réfugié, se souvient-il. Je ne l’avais pas revu depuis des années… Il avait fait sa vie de son côté, comme moi ». Antoine est aussi animé par un désir de « raconter », et a notamment fait des recherches généalogiques dans les registres ecclésiastiques espagnols. « Il fallait savoir d’où l’on venait, qui on était. J’ai appris avec lui où était née ma mère, par exemple ». Le fil historique et familial est tissé. Si Antoine entend écrire une histoire avec une certaine poésie, José comprend, lui, qu’il veut aller dans une autre direction : « Je ne prétends pas détenir la vérité mais j’ai décidé d’écrire mes souvenirs d’enfant, de la guerre civile, des camps, et aussi ceux des autres, de mes tantes aussi. Mais sans la croyance absolue que ce que disaient les adultes de l’époque était la vérité. Sans adoucir les choses ». L’écriture spontanée se fait… en espagnol. « Je l’ai fait pour ma famille et c’était dur car je n’ai rien occulté ».

Version espagnole, version française

Après cette version espagnole, éditée à quelques exemplaires pour les siens, il établit un lien avec la Maison du Peuple de Morlaix. L’objectif est commun, rédiger un ouvrage en français, pour une autre version sur ce passage de sa vie entre l’Espagne et la Bretagne. Le livre est sorti au printemps grâce, notamment, à toute l’aide de sa famille pour « écrire en français et faire passer les émotions ». Un livre où José décrit Morlaix, sa vie au camp de Plougasnou. Une tranche de vie forte.

« Je suis toujours un exilé »

On hésite à lui poser la question. L’essentielle peut être. On lui montre le titre de son ouvrage « Exilés ». Et doucement elle survient : « Qu’en est-il aujourd’hui ? ». « Je suis toujours un exilé. Je ne suis pas espagnol. J’ai essayé de revenir en Espagne en y habitant en partie pendant seize ans car il y avait ce désir d’enfant, ce désir de mes parents de toujours revenir au pays. Mais je n’ai jamais réussi à m’intégrer. J’ai alors compris après cette tentative que nous ne reviendrions plus jamais en Espagne. Là-bas, je suis considéré comme un Français. Et ici, je ne le suis pas du point de vue administratif. Au bout de 80 ans, je me sens vraiment intégrer. Mais je suis toujours un exilé ».
1939-1940. José Colina Quirce réfugié espagnol au camp de Plougasnou (LE TELEGRAMME)
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11 juin 2019 2 11 /06 /juin /2019 07:27

 

Dans son ouvrage « l’Extrême centre ou le poison français, 1789-2019 », Pierre Serna montre que le régime macroniste n’est pas une révolution, mais une « vieille histoire » dont la recette remonte à... 230 ans.

Extrait.

Il est temps pour l’historien, passant le plus clair de son temps dans le passé, de s’aventurer et de prendre le risque de travailler avec l’aujourd’hui. Cet ultime chapitre met à l’épreuve l’hypothèse de recherche, celle d’un extrême centre qui a empoisonné la vie politique française dans le passé, pour étudier son opérativité dans le présent. Il serait trop facile de laisser là le lecteur et de lui laisser assumer le non-dit anachro­nique au bord duquel l’historien s’arrêterait par fausse pudeur, le laissant sauter seul le bond d’hier à nos jours. La rigueur des arguments, apportés du passé au présent, oblige l’historien à encore plus de prudence au moment de tisser les fils ténus, spectaculaires ou invisibles qui relient 1789 à 2019.

Comme le pensait Marc Bloch, l’historien pose des questions au passé en fonction de son expérience présente, mais, plus encore, l’histoire ne sert qu’à comprendre le présent, pas tant parce qu’elle le construit comme l’aboutissement d’une chaîne d’événement tous liés, sinon cela serait du déterminisme réduc­teur, mais parce qu’elle débusque dans le présent des formes sans cesse rejouées et renouvelées, voire réinventées du passé, mais toujours différentes. Le temps qui passe opère une répétition lancinante dans une différence radicale, jusqu’à ce qu’un nouveau régime d’historicité vienne imposer une nouvelle représentation du monde. Ainsi, jusqu’à preuve du contraire, l’Angleterre vit dans la matrice inventée entre 1688 et 1690 par sa glorieuse Révolution, les États-Unis dans leur république née entre 1776 et 1789 par la guerre d’indépendance, et la France dans sa république démocratique née entre 1789 et 1792 par sa Révolution abolissant l’Ancien Régime.

Il n’y a nul constat de pessimisme ou de désenchantement quant à la capacité du futur à s’inventer, mais simplement l’hypothèse que les libertés fondamentales posées dans la particularité des Révolutions de ces trois pays pris en exemple irriguent encore leur culture, leur identité et leur vivre en commun. Comprendre et penser ce va-et-vient constitue le sel du métier d’historien. Plus que la narrativité de ce qui est advenu et ne se reproduira plus, sous la forme du roman vrai, ou de l’illusion de la reconstitution exacte du passé, l’histoire est une machine à basculer dans le futur par sa modeste contribution à la construction du présent. L’Hier, comme origine sans cesse interrogée en fonction d’une demande sociale toujours différente, selon les générations successives, possède autant d’ave­nir que le Lendemain dans cette perspective qui rend le métier d’historien enthousiasmant (1).

Un « objet politique historiquement identifié »

Qu’en est-il du macronisme ? Une révolution, comme le pré­tendait le candidat à la présidentielle du printemps 2017, sous­-entendant une projection dans le futur, ou bien ce que j’appelle ici un OPHI, un objet politique historiquement identifié, et constitué aussi de nombreux conservatismes passés et convergents. Le macro­nisme est-il le dernier avatar de l’extrême centre apparu sous la Révolution et rejoué sous des visages différents tout au long du XIX e siècle et du XX e siècle ? C’est l’hypothèse que je sou­tiens en reprenant strictement les trois paramètres utilisés pour définir l’extrême centre entre 1789 et 1815 :

1. La possibilité en temps de crise d’utiliser l’arme du girouettisme politique pour recentrer sa position, tout en la justifiant au nom des intérêts supérieurs de la patrie-nation et au nom de la liberté de chan­ger d’opinion en se plaçant ni à droite ni à gauche.

2. Adopter le discours politique de la modération, qui permet d’identifier une politique du centre, qui se veut au-dessus des passions par­tisanes en prétendant fonder sa légitimité, plus que sur les prin­cipes, par la maîtrise de la technicité des affaires du pouvoir et l’efficacité du pragmatisme qu’un homme politique fort doit affronter en temps d’orage, contre les extrêmes prêts à désta­biliser le pays.

3. L’extrême centre masque derrière cette rhéto­rique et ces éléments de langage apaisants, voire néo-stoïciens, une rigueur et une appétence pour l’utilisation du pouvoir exé­cutif, risquées pour la démocratie, renforçant toujours davan­tage les prérogatives du pouvoir exécutif, jusqu’à imposer un régime républicain sans démocratie, un système sécuritaire, finissant par décrédibiliser toute forme de pluralisme dans le débat contradictoire. Le durcissement de la réalité du pouvoir, malgré sa prétention à réconcilier la société, construit la sou­mission du plus grand nombre, placé sous un contrôle policier toujours plus strict, résigné à abandonner la poli­tique et sa capacité à transformer le réel, dans le moins mauvais des cas. Dans l’hypothèse la plus inquiétante, ce pouvoir exclu­sif de l’exécutif provoque l’ire de ceux qui, se sentant exclus de cette forme de gouvernance sans démocratie réelle, renforcent leur radicalité de droite ou de gauche, préexistante certes, mais exacerbée par l’omniprésence de cet extrême centre conqué­rant et nouveau, ayant d’autant plus besoin de ces extrêmes qu’il en est un miroir déformé.

« Folie » ambiante

Quel est le corpus de sources, demandera­-t-on légitimement, pour définir LaREM comme un OPHI ? La parole du candidat d’abord, puis du président de la République ensuite, son action officielle et enfin la loi que son parti hégémonique vote sur présentation des projets du gouvernement : ce sont là les documents publics et les plus solennels qui soient. Ici nul ragot, nulle attaque médiocre, nulle bassesse. La méthode d’historien peut être appliquée au présent pour lui donner sens, dans une actualité où, de la façon la plus symptomatique qui soit, des témoins certes subjectifs, mais qui ne l’est point dans un engagement sincère, perçoivent telle une « folie » ambiante ou une « folie » du pouvoir intéressantes à analyser sans plus tarder, par une question qui n’a rien d’incongru au vu des formes irrationnelles de détestation que le président a provoquées ou subies, ou bien au vu des compor­tements hors de toute logique de bien des citoyens : le macro­nisme rend-il fou ? Et le président lui-même ne dérape-t-il pas lorsqu’il en vient à traiter de façon condescendante et méprisante une citoyenne qui a osé manifester… à 73 ans avant d’être blessée gravement par les forces de l’ordre alors qu’elle était parfaitement pacifique ?

C’est ce que soutiennent deux observateurs engagés, Fré­déric Lordon, de façon circonstanciée dans un long article de Mediapart, et François Ruffin, de façon plus provocante, sou­tenant que le président est responsable de rendre le pays fou. Paroles disqualifiées de suite parce que outrancières et venant d’opposants déclarés au président ? (2) C’est à voir, et le passé dit autre chose. D’abord, tous les historiens notent dans la presse de la Révolution et de la Restauration cette figure de la folie, du tournis, dû au bouleversement rapide des situations, où littéralement le simple citoyen ne sait plus où donner de la tête. La girouette qui tourne sans cesse est une figure de la folie bien connue des anciens. Celui qui provoque le transformisme de toute une classe politique a intérêt à ce tournis, où chacun, per­dant son équilibre, s’en remet à lui puisqu’il semble le seul à marcher droit et seul à savoir où il va, en montrant le chemin à suivre, alors qu’il a brouillé tous les repères anciens. Il impose une nouvelle boussole, la sienne, pour se diriger dans la jungle du monde. Face au vertige ambiant, il est le guide, le premier de cordée.

Étourdir l'ensemble du corps social

Une étude sur les asiles pour aliénés, comme l’on disait en 1815, montre de nouveaux cas de pathologies dues aux change­ments brusques politiques, après la Seconde Restauration (3). La folie n’est point une figure anodine quoique tenue en marge de la politique et de ses raisons raison­nables (4). Elle est un outil pour ceux qui l’instrumentalisent afin de mieux étourdir l’ensemble du corps social en imposant des rotations de cou incessantes de droite à gauche. Cette tactique permet d’éjecter du manège imposé ceux qui désirent garder leurs principes et rester la tête droite. On les fait passer pour des retardés, qui ne comprennent par la marche du temps et qui s’enferment eux-mêmes dans leur camisole idéologique, inca­pables de chausser les nouveaux godillots de la République. Comment ne pas penser à ce prisonnier du château d’If que décrit Alexandre Dumas, à qui l’on cache tous les événements entre avril et juin 1815 pour ne pas aggraver sa fragilité mentale ?

Le macronisme, par la perte des repères qu’il impose, par la contra­diction permanente entre le discours et le réel, la parole d’un côté, porteuse d’une idéalité présumée, soutenue avec le calme sourire de son président, et, d’un autre côté, l’expérience col­lective d’un vécu quotidien avec son lot de violences sociales, voire policières, ce mouvement permanent et antinomique provoque les symp­tômes d’une schizophrénie sociétale en train de déstabiliser le pays.

Cette névrose française de l’extrême centre est en passe de devenir une grave psychose nationale dans la crise des gilets jaunes, comme autant d’habits de protection au travail, comme autant de camisoles voyantes, comme autant de feux allumés pour dire le désarroi de ceux qui, stoppés sur le bord du che­min autoroutier et n’ayant que quelques minutes à vivre s’ils ne passent pas derrière la barrière de sécurité, enfilent leur gilet jaune pour voir les bolides de plus en plus puissants filer devant leurs yeux… Dans la République en marche, certains ne vont plus à pied depuis longtemps dans leur voiture de luxe.

Une parole qui étouffe

Trois temps clés le démontrent : le programme du candi­dat Macron, car il est le texte d’un homme sincère, parti à la conquête de la France et qui a donné à sa mission le nom de « révolution ». Ensuite, les premières actions présidentielles, du mois de mai au mois d’août 2017, avec l’entretien dans « le Point ». Enfin, la gouvernance depuis le début de la crise des gi­lets jaunes en novembre 2018, jusqu’au mois de mars 2019 et le déroulement à marche forcée d’un débat national imposé autour de quatre thèmes choisis par le président dont la parole étouffe toutes les autres, parallèlement à la montée en puissance d’un arsenal législatif répressif jamais atteint depuis le début de la V e République.

L’essai se termine au moment où le débat national tourne à un dialogue de sourds entre les monologues interminables du président et les cahiers de doléances qui expriment une politique alternative écologique et sociale à mettre en place de toute urgence. Hélas, les impératifs éditoriaux obligent à conclure avant le résultat des élections européennes qui de­vraient voir la droite et la gauche traditionnelles perdantes, le centre présidentiel sauvé par la peur de voir les fascismes mon­ter en Europe, et l’extrême droite française toujours plus renforcée. Qu’en sera-t-il de la gauche de transformation sociale ? 

(1) Marc Bloch « Que demander à l’histoire ? », dans « l’Histoire, la guerre, la Résistance », Paris, « Quarto » Gallimard, p. 469-483 ; Paul Veyne, « Comment on écrit l’histoire », Paris, Seuil, 1971. (2) Frédéric Lordon, « les Forcenés », dans « le Monde diplomatique », 8 janvier 2019. (3) Françoise Jacob, « Faire la Révolution, est ce devenir fou ? Les aliénistes fran­çais du XIX e siècle jugent 1789 », dans l’Image de la Révolution française, Congrès mondial du bicentenaire, Michel Vovelle (dir.), Maxwell Éditeur, Londres, Paris, 1989, t.3, p. 2055-2062. Laure Murat, « L’Homme qui se prenait pour Napoléon », Paris, Gallimard, 2011. (4) Michel Foucault, « Il faut défendre la société ». Cours au Collège de France.1976, Paris, Gallimard EHESS, 1997.

 

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10 juin 2019 1 10 /06 /juin /2019 13:05

 

Évasion fiscale. Une étude réalisée par un organisme gouvernemental évalue à 36 milliards d'euros la sous-déclaration fiscale des grandes sociétés, en raison du gonflement artificiel des bénéfices dans les paradis fiscaux. La perte de recettes induite pour l’impôt s'élève à 14 milliards. 

La France subit une perte de 29 % des recettes de son impôt sur les sociétés (IS), du fait des profits expatriés par les multinationales dans les paradis fiscaux. Au total, 14 milliards d’euros de recettes publiques ont manqué à l’appel en 2015. Un montant qui correspond à l’impôt dont auraient dû s’acquitter les grandes sociétés, sur la base du taux d’imposition légal en vigueur, pour les 36 milliards d’euros de profits qu’elles ont soustraits cette année-là de leurs déclarations fiscales, soit 1,6 % du PIB. 

Pour parvenir à cette estimation d’un phénomène par définition difficile à cerner, puisqu'il s'agit d'une « activité cachée », les chercheurs du Centre d’études prospectives et d’informations internationales (CEPII, un organisme rattaché aux services du premier ministre), ont étudié les « anomalies » observables dans « les données agrégées de la balance des paiements », où sont « enregistrés tous les échanges d’un pays avec le reste du monde ». L’auteur de l’étude, l’économiste Vincent Vicard, y a détecté une incohérence entre la situation d'« emprunteuse » de la France au plan international, et « le solde des revenus d’investissements » qui, lui, « est largement positif », du fait d’un sur-rendement des investissements français à l’étranger par rapport aux investissements étrangers en France. 

 

Distorsions de comptes 

Croisé avec les données collectées sur la localisation des profits des multinationales par la Banque de France, qui montrent un niveau de rentabilité des investissements « systématiquement plus élevé » dans les filiales situées dans les paradis fiscaux, « le différentiel de rendement peut s’interpréter comme la trace statistique laissée par l’évitement fiscal des entreprises multinationales », affirme l’étude du CEPII. En clair: les distorsions observées s’expliquent par le gonflement délibéré des profits déclarés dans les pays à faible imposition, au détriment des recettes fiscales dans l’Hexagone. Ainsi, « les maisons-mères françaises déclarent autant de profits dans sept petits pays » où l'impôt est réduit comme Singapour ou Hong-Kong, que dans l’ensemble des pays du G7 plus la Chine. Au total, 19 % des profits étrangers de ces sociétés sont « enregistrés dans les paradis fiscaux en 2015 (contre 7 % en 2001) ». 

Les travaux du chercheur montrent ainsi que « l’évitement fiscal prend de plus en plus d’ampleur », puisque l’on est passé d’« un montant estimé à moins d’un milliard d’euros »de profits non déclarés en France en 2001, à 13 milliards en 2008, puis plus de 30 milliards à partir de 2013, et enfin 36 milliards en 2015. 

 

Une concurrence fiscale féroce 

Pour Vincent Vicard, cette hausse est notamment « liée au différentiel de taxation croissant avec le reste du monde », les écarts de taux d’imposition ayant « atteint jusqu’à 16 points de pourcentage entre 2013 et 2015 » contre 5 points en 2000, « sous l’effet de la concurrence fiscale entre pays, qui a conduit à une baisse généralisée du niveau de taxation des profits ». 

L’étude souligne aussi que cette concurrence fiscale s’exerce principalement entre voisins, puisque « neuf des dix premiers pays d’enregistrement des profits manquant en France sont en effet des pays européens », au premier rang desquels le Royaume-Uni et les Pays-Bas, pays dits « de transit pour les investissements des multinationales », suivis par « de grands paradis fiscaux - le Luxembourg, la Suisse et l’Irlande ». Une situation qui illustre, selon le chercheur, « le lien entre intégration économique et opportunités d’évitement fiscal », et qui souligne « l’importance de l’échelon européen » à prendre en compte pour lutter efficacement contre ce phénomène. 

 

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10 juin 2019 1 10 /06 /juin /2019 13:01

 

De passage en France pour la présentation de son livre Inégalités, ce que chacun doit savoir (Seuil), James K. Galbraith a répondu à l’invitation de l’Humanité pour un débat, sur le vif, avec la sociologue Monique Pinçon-Charlot, spécialiste de la bourgeoisie française, et l’économiste Frédéric Boccara, membre du conseil économique social et environnemental (CESE). 

Conseiller de Barack Obama, de Bernie Sanders et de Yanis Varoufakis, James K. Galbraith passe pour un économiste iconoclaste. Chroniqueur au  Texas Observer, aNew York Times, au Washington Post et au Boston Globe, il fait partie des voix dites « hétérodoxes » qui, comme celles de Joseph E. Stiglitz ou Paul Krugman outre-Atlantique, font valoir d’autres idées que celles platement déroulées aux pieds des soi-disant « premiers de cordée » par « les figures dominantes contemporaines de l’économie », « sorte de politburo de la pensée économiquement correcte », comme il l’écrit sept années avant le déclenchement de la crise financière de 2008.

Fils du grand économiste de la société industrielle John Kenneth Galbraith, qui fut en son temps conseiller de Franklin Delano Roosevelt, John Fitzgerald Kennedy et de Lyndon B. Johnson, James K. Galbraith entend défaire, arguments à l’appui, « l’emprise magique des conservateurs sur les esprits de la gauche ». Une tâche plus nécessaire que jamais. Après un salut à la rédaction du journal fondé par Jean Jaurès, c’est à un échange à la fois respectueux et concentré que se sont livrés nos invités.

En question, l’accroissement des inégalités, dont le bruit de fond se fait entendre partout dans un monde dominé par les politiques néolibérales et mis en danger par la cupidité aveugle des classes dominantes. Une question aux enjeux majeurs, comme le montrent James Galbraith, Monique Pinçon-Charlot et Frédéric Boccara dans les pages qui suivent. Une question qui appelle également une réponse collective face aux périls inédits qui pèsent sur notre époque.

 

Chaque année, un certain nombre d’organisations indépendantes produisent des rapports sur l’évolution des inégalités. À quelles conclusions principales aboutit l’enquête scientifique à l’échelle globale et sur le temps long ?

James K. Galbraith : Dans mon livre Inégalité. Ce que chacun doit savoir, je me suis donné l’objectif de trouver une réponse, scientifique, juste et assez précise à la question portant sur l’origine des inégalités. Pour cela, il fallait faire un effort qui a duré presque vingt ans pour avoir, à l’échelle mondiale, des chiffres et des mesures sur lesquelles fonder quelque confiance. Avec mon équipe, nous avons fait des enquêtes sur plus de 150 pays et sur une période de cinquante ans, et nous avons trouvé deux choses convergentes. D’abord, qu’il y a des tendances en commun dans l’économie mondiale. Ces tendances correspondent au changement de la politique financière et monétaire, qu’on peut corréler à la hausse des inégalités dans la plupart des pays : la crise d’endettement du début des années 1980, la chute des régimes socialistes à la fin des années 1980 et au début des années 1990 et, ensuite, la crise asiatique des années 1995, 1996 et 1997. Après l’an 2000, on peut constater une pause et une stabilisation. Pas partout, mais dans un grand nombre de pays. C’est le deuxième point. À cause de la baisse des taux d’intérêt, l’amélioration des prix des exportations et le recul, en Amérique latine notamment, de la politique néolibérale. Au Brésil, par exemple, avec des gouvernements démocratiques qui ont essayé de lutter contre la pauvreté et de rétablir ou plutôt d’établir, peut-être pour la première fois, la démocratie sociale. Première conclusion donc : c’est une question de politique monétaire, financière et de l’endettement surtout. Je crois que mon livre est une contribution assez importante au débat parce que les économistes ont l’habitude de considérer cette question dans un cadre assez étroit. Par rapport aux statistiques, disons, strictement nationales d’une part ou, d’autre part, en considérant que c’est un phénomène secondaire par rapport au marché du travail par exemple.

Monique Pinçon-Charlot : Ce pouvoir de la grande finance n’aboutit pas seulement à aggraver les inégalités au niveau économique mais aussi sur le plan culturel. Le monde de la grande richesse, c’est le monde des collectionneurs d’art, avec, aujourd’hui, l’art contemporain, et aussi celui des grandes écoles. Dans nos recherches, Michel Pinçon et moi-même, nous reprenons les quatre formes de la richesse définies par Pierre Bourdieu : la richesse économique, culturelle, sociale et symbolique. La financiarisation du capitalisme, avec ce qu’on appelle le néolibéralisme, est ce moment où, précisément, à cause de la politique monétaire que James décrit à l’échelle internationale, la finance prend le pouvoir sur tous les secteurs de l’activité économique, sociale et politique. Les médias et les instituts de sondage sont ainsi aujourd’hui la propriété de milliardaires. Cette financiarisation de l’économie est à l’origine de l’aggravation de toutes les formes d’inégalités à l’échelle de la planète. Nos recherches montrent à quel point l’oligarchie est organisée. Malgré une concurrence interne liée aux traditions nationales, il y a une coordination de ses intérêts de classe sous la forme de groupes informels et internationaux comme Bilderberg ou la Trilatérale. Le capital social des dominants est donc national et international. La quatrième forme de richesse, celle symbolique, que décrit Bourdieu dans sa théorie de la domination, fait l’objet d’inégalités particulièrement cruelles au moment où les plus riches s’approprient toutes les richesses et tous les pouvoirs, se déclarent les premiers de cordée, les créateurs de richesse ou les modernes, tandis que les travailleurs sont traités de coûts, de charges, quand ce n’est pas de fainéants et de ringards. Je veux insister sur le fait que les inégalités forment système et que ce système d’inégalités est en cohérence avec la constitution de l’oligarchie comme classe sociale au sens marxiste du terme, c’est-à-dire, en soi, avec des modes de vie et de richesses exceptionnels et, pour soi, avec une mobilisation déterminée dans la défense de ses intérêts.

Frédéric Boccara : Les constats de Monique et de James sont riches et documentés. Je soulignerai pour ma part trois aspects des inégalités. D’abord, il y a les inégalités de revenus. Dans ces inégalités de revenus, il faut distinguer, d’un côté, les inégalités entre salaires, sur lesquels un certain nombre d’économistes et de commentateurs insistent pour opposer les salariés entre eux – y compris des gens à gauche comme Thomas Piketty, qui triche sur ses courbes pour opposer les salariés bien payés aux autres – et, d’un autre côté, il y a les inégalités considérées sur l’ensemble des revenus comprenant les revenus du capital, bien plus élevées. Les prélèvements du capital sont considérables. C’est ce que nous appelons le coût du capital, indicateur de sa domination. Deuxièmement, il y a les inégalités de patrimoine, qui sont toujours beaucoup plus importantes que les inégalités de revenus. Ensuite, il y a les inégalités pour ainsi dire réelles, comme les inégalités sociales face à la mort par exemple. Il y a plus de six ans d’écart entre l’espérance de vie des ouvriers et celle des catégories plus aisées. Mais aussi les artisans, qui sont dans le monde du travail et qui travaillent beaucoup, ont une espérance de vie qui n’est pas si bonne. Pour les chômeurs et les précaires, c’est pire. On ne connaît pas l’espérance de vie des très riches qui ne vivent pas de leur travail. Les inégalités réelles, ce sont aussi les inégalités de disponibilité du temps. Mais, troisièmement, il y a les inégalités de pouvoir liées aux monopoles sur les moyens financiers.

 

Pouvez-vous illustrer ce point ?

Frédéric Boccara : Aujourd’hui, d’après l’Insee, à peine deux cents très grandes multinationales installées en France, françaises ou étrangères, occupent directement un tiers des salariés des entreprises, sans parler des sous-traitants. Elles contrôlent plus de la moitié des profits, hors profits financiers. Ce sont des chiffres très importants. Ils montrent comment se polarise le champ des inégalités, qui sont des inégalités de pouvoir et de création de richesse. Ils renvoient, comme je l’ai dit, au monopole sur les moyens et sur leur utilisation. Ce monopole s’est concentré énormément. Par exemple, le fonds américain BlackRock gère 6 000 milliards de dollars, soit trois fois le PIB français. C’est gigantesque ! Et les banques, c’est bien plus encore. C’est de l’argent qui appartient à toutes sortes de personnes, des riches ou des moins riches, mais qui, monopolisé par ces institutions, fait levier et donne un pouvoir considérable à quelques entreprises, banques et centres de décision. Il est monopolisé au service d’une « culture du profit ». La question qui se pose, c’est de se saisir de ces leviers par l’action publique, pas seulement pour compenser les inégalités mais pour les réduire effectivement, au service d’une autre culture : développement des capacités de chacune et chacun, et développement de la société, de ses « bonnes » richesses. Avec la radicalité des révolutions informationnelle et écologique, combattre les inégalités de pouvoir, de savoirs, de formation, de revenus, de temps disponible devient décisif, y compris pour une autre production et pour l’efficacité économique elle-même. Il faut donc articuler répartition et production. Distribution des parts du gâteau avec sa taille à accroître et sa composition à assainir.

 

Le mouvement des gilets jaunes a mis en exergue la question de la justice fiscale à travers, notamment, la critique de la suppression de l’ISF. La montée des inégalités peut-elle être mise en relation avec l’« échappée fiscale » des classes possédantes favorisée par les politiques néolibérales ?

Monique Pinçon-Charlot : L’expression  d’«échappée fiscale » me paraît bien douce par rapport à la réalité. Il s’agit d’une fraude fiscale qui s’intègre dans une guerre de classe que mènent les plus riches contre les peuples. En cela, nous ne faisons que manifester notre accord avec le milliardaire américain Warren Buffett qui déclarait en 2005 que cette guerre de classe est menée par les riches et qu’ils sont même en train de la gagner. Le fondement de la fraude fiscale est le refus assumé de la part des ultrariches de contribuer aux solidarités nationales. Nous sommes nombreux en France, je pense particulièrement à Alain et Éric Bocquet, aux États-Unis et ailleurs, à combattre la fraude fiscale et à la documenter. Mais, paradoxalement, la fraude fiscale ne fait que s’aggraver ! On est passé en deux ou trois ans de 80 milliards à 100 milliards d’euros qui manquent chaque année dans les caisses de Bercy. Tout se passe comme si la critique sociale permettait au système capitaliste et à l’oligarchie d’affiner toujours plus la fraude fiscale et les secrets de son opacité. Dès son arrivée à l’Élysée, Emmanuel Macron a introduit le « droit à l’erreur » pour remplacer la politique de contrôle fiscal par une politique d’accompagnement qui sera évidemment favorable aux plus riches contribuables, en toute complicité avec certains hauts fonctionnaires de Bercy. Frédéric a insisté avec justesse sur l’interconnexion des inégalités, de la richesse et du pouvoir. L’État n’est en effet pas du tout une forme réifiée, indépendante des rapports de forces et de classes, qui défendrait généreusement l’intérêt général. L’État est aujourd’hui pillé par des oligarques prédateurs. Rien ne doit échapper à la gourmandise des donateurs qui ont placé Emmanuel Macron à l’Élysée. Les privatisations et les cadeaux fiscaux sont une des modalités de ce pillage. Les revenus du capital sont désormais imposés, de manière forfaitaire, à 12,8 %, c’est-à-dire en dessous de la première tranche d’imposition, de fait, des salariés, qui est à 14 %, mais qui grimpe de manière progressive jusqu’à 45 % !

Frédéric Boccara : Cette question de « l’évasion » montre l’obsession du profit, pas seulement pour échapper à la fiscalité, mais aussi aux salaires, aux cotisations sociales, voire aux dépenses de développement, investissement, R&D… Bref à tout débat sur l’utilisation des richesses créées. Au CESE nous parlons d’  « évitement fiscal », dans un avis auquel j’ai activement participé. Et nous insistons : les choses se jouent aussi au sein même des entreprises, et proposons de conférer un droit d’information et de décision aux salariés comme à la société civile extérieure, concernant les localisations et cessions des brevets, la fixation des montants des royalties et des intérêts des prêts intra-groupe. Bref agir aussi en amont de la fiscalité, avant même que ne soient constatés les profits.

 

Cette prédation du néolibéralisme appuyée sur le pouvoir politique n’est-elle pas à mettre en relation avec ce que James Galbraith a appelé l’« État prédateur », il y a plus de dix ans ?

James K. Galbraith : Dans mon livre l’État prédateur, en effet, je proposais de montrer qu’une grande partie de la politique néolibérale est une espèce de politique prédatrice de l’État-providence. C’est-à-dire que, étant donné qu’au XXe siècle on a établi des institutions pour les protections sociales et pour le bien commun au cours de l’évolution de nos politiques, ces institutions sont devenues des cibles et des sources d’enrichissement. La diminution des protections sur la Sécurité sociale ouvre un champ pour les assureurs privés par exemple. C’est un aspect très clair de ce genre de choses et même, dans certains cas, on a peut-être un élargissement de certains aspects des services publics, mais de manière à enrichir un petit nombre. C’est le cas pour les entreprises pharmaceutiques et pharmacologiques aux États-Unis, qui ont beaucoup profité du nouveau système d’assurance pour les médicaments. Mais je voudrais aussi souligner un deuxième point qu’a évoqué Frédéric. Ce qu’on trouve à travers notre enquête, c’est qu’il y a une relation assez étroite entre le degré d’égalité ou d’inégalité quand on fait une comparaison entre pays et la performativité de leurs statistiques macroéconomiques, c’est-à-dire que, en général, les économies qui ont maintenu un degré élevé d’égalité, c’est-à-dire surtout en Europe du Nord, ont l’expérience d’un taux de croissance de productivité plus élevé que les autres. Pourquoi ? Parce que cet environnement favorise les entreprises progressistes et défavorise les entreprises qui seront, d’un point de vue technologique, plus réactionnaires et plus régressives. Ceux qui jouent sur la main-d’œuvre bon marché ne sont pas favorisés par une politique où il y a une compression des salaires. Deuxièmement, il y a une réduction des taux de chômage. Dans ces pays-là, c’est très clair. L’inégalité et le chômage, ce sont deux aspects de la même chose. C’est aussi très évident en ce qui concerne les questions de migration. Quand les inégalités sont très grandes, vous avez la migration vers les villes, vous avez la migration vers les pays et les régions les plus riches. C’est motivé par la différence. Pour bien gérer l’économie nationale, l’économie continentale et l’économie mondiale, il faut réduire cet accroissement des inégalités. Autrement, ce que Monique a décrit sur la question de la culture de la société deviendra très difficile à tenir avec une façon de vivre ensemble sans violence.

Frédéric Boccara : Aujourd’hui, on ne peut pas seulement « compenser », corriger les excès du marché et équilibrer les pouvoirs. Il faut porter une logique radicalement différente, même si c’est à partir du système existant. Il faut de tout autres critères positifs que la rentabilité financière. Il faut aller au-delà de Keynes, voire de Marx, à partir de leurs points forts. De tout autres critères de gestion des entreprises d’utilisation des fonds, portés par des institutions nouvelles sont le défi démocratique et économique de notre temps. D’autant que nous assistons à une véritable révolution technologique informationnelle, mettant au cœur de l’efficacité les dépenses pour les capacités humaines, sur lesquelles insiste tant le grand économiste indien Amartya Sen, et non celles pour le capital, ainsi que le partage des coûts au lieu de la concurrence prédatrice. La révolution écologique renforce et élargit profondément ce défi, de même que la révolution monétaire en cours, d’émancipation de la monnaie d’avec l’or. Les deux catastrophes possibles, financière et écologique, sont liées. Il faut se doter des moyens de les conjurer. Un secteur public, d’accord avec James, mais aussi des institutions financières publiques, tous fonctionnant avec d’autres critères. Voyons que le rôle des services publics devient décisif. Et au-delà d’allocations chômage, ayons la visée d’un revenu et d’une activité possible pour tous, mais avec les moyens d’étendre la richesse de la société et d’y contribuer : emploi, formation, droits sur l’utilisation des richesses. C’est ce que nous désignons par une sécurité d’emploi ou de formation.

 

Réduire l’accroissement des inégalités est-il possible sans une large base de l’économie qui soit socialisée ?

James K. Galbraith : Je suis plutôt favorable aux grandes entreprises et je crois qu’elles sont inévitables dans l’organisation de la production dans la société, mais il faut, effectivement, avoir des contrôles, des équilibres de pouvoir, avec des organisations qui puissent imposer les valeurs sociales, que ce soient les protections des conditions de travail, les salaires des travailleurs, les conditions environnementales et la direction du développement, et pas seulement des entreprises privées qui décident selon leurs seules préférences. Cela, effectivement, suppose une base qui soit socialisée avec un secteur public et des secteurs où ne domine pas la recherche du profit avec des institutions décentralisées : des assurances pour la retraite, des assurances santé, des assurances contre le chômage, des services publics des biens de consommation qui sont en commun.

Comment, pratiquement, faire avancer la lutte contre les inégalités ? N’est-elle pas une affaire collective ?

Frédéric Boccara : La question de l’unité du salariat dans sa diversité, depuis les plus précaires et les ouvriers jusqu’aux ingénieurs et aux cadres, mais aussi les enseignants, les chercheurs, les infirmières, les médecins, autrement dit la question de l’unité des forces sociales, est fondamentale. Les bases objectives de cette unité, nous devons les faire percevoir. Les inégalités mettent en lumière ces bases, dans leurs deux dimensions de richesse et de pouvoir, comme le montrent les travaux de Monique et Michel. La question environnementale pose aussi cela de manière brûlante. La société entière crève et souffre de la domination de la rentabilité et du pouvoir du capital. Cela s’exprime dans les inégalités. La réduction des inégalités doit être un but pour une civilisation humaine de partage des biens communs de toute l’humanité. Pas l’égalité au sens du nivellement. Le grand enjeu, c’est une sorte d’alliance entre toutes les forces et les acteurs du développement réel et de la création face au grand capital financier égoïste et cosmopolite. Mais cela veut dire aussi qu’il faut d’autres buts et d’autres critères qu’on puisse imposer à partir de l’existant. L’équation qu’on a devant nous est une alternative à la fois radicale et réaliste. Radicale, car il faut une autre logique. Réaliste, parce qu’elle part de la situation que nous vivons. La poursuite de la rentabilité à tout prix dans les entreprises n’est pas compatible avec une autre production écologique. L’écologie, ce n’est pas seulement dans la consommation, c’est une tout autre production. L’imposition d’autres critères, notamment à partir de l’utilisation de l’argent, doit se faire aussi bien dans les entreprises que dans les banques et les institutions publiques.

 

À partir de quand l’oligarchie libérale a-t-elle amorcé sa contre-révolution, disons, anti-égalitaire ?

Frédéric Boccara : On pourrait revenir sur 1979 et la théorie quantitative de la monnaie imposée en parallèle avec la « théorie » du ruissellement. L’idée c’était : « Peu importe où l’on met l’argent, il faut seulement maîtriser sa quantité pour éviter l’inflation. » Cela, c’est la théorie néolibérale. Nous, nous disons : si on utilise l’argent pour développer les gens ou pour polluer, ce n’est pas la même chose ! Si on utilise l’argent pour développer les gens ou pour accumuler du capital financier, ce n’est pas la même chose ! C’est une question politique majeure et qui s’articule à celle des institutions nouvelles à créer, dont parle James. Cette question d’une nouvelle démocratie, que pousse, par exemple, le mouvement des gilets jaunes, est très importante. On pourrait très bien avoir des conférences régionales citoyennes, dans chaque région, où l’on poserait les questions suivantes : combien d’argent existe ? Non pas seulement public mais celui des entreprises et des banques. Qu’est-ce que cela a donné ? Quelles atteintes à l’environnement ? Quelle création d’emplois ? On se donnerait des objectifs ensemble. Je ne suis pas pour faire table rase du passé mais pour faire advenir le meilleur dans l’actuel. C’est une lutte terrible qui est en cours. Pour des alliances efficaces, nous avons besoin de débattre et expérimenter cette idée de prendre le pouvoir dans les institutions et d’en créer de nouvelles, pour imposer une autre logique aux banques et aux entreprises, jusqu’aux multinationales organisant l’évitement fiscal, social, voire productif généralisé.

James K. Galbraith : Il y a effectivement une liaison très étroite entre les inégalités et la soutenabilité de l’écologie. C’est une question fondamentale de survie qui se pose au monde, parce que c’est seulement à travers une société plus égalitaire qu’on peut avoir un niveau de vie, une capacité, une qualité de vie pour la population générale qui soit acceptable dans les limites écologiques qui sont posées. À travers les services publics, à travers les assurances sociales et à travers les biens de consommation qui sont partagés et qui n’ont pas cet aspect de gaspillage, cet aspect d’émulation, cet aspect décrit avec génie par Thorstein Veblen de consommation ostentatoire. À travers des institutions qui nous enseignent à vivre ensemble d’une façon agréable et acceptable. Avec du travail pour tous. Avec une contribution faite par tous. C’est comme cela que les choses vont avancer. Autrement, on est sur la voie, vraiment, de la destruction. Les deux sujets, la question économique et la question écologique, ont été traitée séparément dans la plupart des discussions. Il faut admettre que, si on accepte les inégalités, on accepte aussi cette voie de détérioration de la situation écologique et, cela, il n’est pas possible de l’accepter.

Monique Pinçon-Charlot : Je rebondis pour faire ma petite conclusion à partir de ce que vient de dire James. La question écologique avec le dérèglement climatique, en s’interconnectant avec toutes les autres formes d’inégalité, va soit nous faire basculer dans l’enfer, soit, au contraire, nous permettre de construire le paradis. Nous sommes en effet à un moment de bascule dans l’histoire de l’humanité tout à fait inédit puisque c’est la première fois que la planète est menacée dans sa survie à cause d’êtres humains capitalistes, qui, dans leur soif de pouvoir et d’argent, ont provoqué ce dérèglement. Je suis d’accord avec vous deux pour essayer de continuer à travailler de l’intérieur pour améliorer tout ce qui est améliorable, mais j’insiste sur le fait que nos pensées critiques peuvent paradoxalement aider les capitalistes à aggraver l’opacité de l’oppression.

Je voudrais aussi déplorer les concurrences internes au marché de la contestation sociale, avec ses divisions et parfois ses ego disproportionnés. Or, nos recherches ont au contraire mis en évidence la solidarité, malgré des niveaux de richesse tout à fait hétérogènes, de l’oligarchie. Bien entendu, cette classe a l’argent et les pouvoirs et, n’étant pas nombreuse, la solidarité est beaucoup plus facile pour elle. Mais, à l’heure où la survie de la planète est en jeu, nous devons mettre toutes nos forces pour arriver à surmonter nos divisions politiques, bien dérisoires face à ce qui va advenir, et construire une union populaire et solidaire dans le respect des sensibilités des uns et des autres. Ce serait le plus beau des cadeaux empoisonnés que nous pourrions faire à nos oppresseurs !

Table ronde réalisée par Jérôme Skalski et Marc de Miramon Photographie Magali Bragard

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