8 mars: pour l'égalité femmes-hommes, pour un monde plus juste, plus humain
Cela fait plus d’un siècle que la première journée internationale pour les droits des femmes eut lieu à l’initiative de Clara Zetkin, militante révolutionnaire et féministe allemande. C’est à son propos qu’Aragon écrivit dans Les cloches de Bâle : « La femme des temps modernes est née, et c’est elle que je chante. Et c’est elle que je chanterai.»
Chaque année, quand vient le 8 mars, on constate que les inégalités professionnelles et salariales perdurent, au point que l’on estime qu’à partir de 15h40, les femmes ne sont plus payées.
Mais ce 8 mars 2018 a un écho particulier en raison de la libération de la parole des femmes qui témoignent sur les violences, les agressions sexuelles, le harcèlement, le mépris dont elles sont victimes.
Le combat contre ce système patriarcal mondialisé et pour les droits des femmes est partie prenante des luttes pour l’émancipation humaine, pour une société d’égalité et de plein épanouissement pour toutes et tous.
Clara Zetkin disait à Paris en 1889 lors de la 1ère conférence de l’Internationale ouvrière « L'émancipation de la femme comme celle de tout le genre humain ne deviendra réalité que le jour où le travail s'émancipera du capital. »
Nathalie Lemel, héroïne de la Commune, révolutionnaire et féministe née à Brest et qui vécut à Quimper, à qui une bande dessinée a rendu un juste hommage, faisait elle aussi le lien entre la révolution sociale et la conquête des droits des femmes.
Aujourd’hui encore on ne peut les dissocier.
Les femmes paient un lourd tribut au chômage, à la précarité, au temps partiel subi, aux horaires décalés, fragmentés, au travail du dimanche non choisi.
Et la déréglementation du travail, de la loi El Khomri aux ordonnances Macron, précarise encore plus leur situation.
Petits salaires, petites retraites, se déclinent plus souvent au féminin.
Les personnels des hôpitaux, des EHPAD, de l’aide à domicile, confrontés à la dégradation de leurs conditions de travail, au burn-out, ce sont majoritairement des femmes, comme les aidants familiaux. La majorité des personnes isolées, abandonnées par les politiques publiques, ce sont des femmes.
Mais ici et ailleurs des femmes relèvent la tête.
Celles qui trouvent le courage de révéler les violences qu’elles ont subies.
Celles qui luttent pour de meilleurs salaires, de meilleures conditions de travail, et font reculer leurs employeurs, comme les femmes de chambre des grands hôtels, ou les salariées des EHPAD et de l’aide à domicile.
Celles qui défendent le droit à l’avortement, en Pologne, en Hongrie.
Celles qui se battent pour les droits de leur peuple, comme ces Palestiniennes engagées dans une lutte pacifique contre l’occupation de leur pays par Israël : cette toute jeune fille, Ahed Tamimi, qui vient d’avoir 17 ans dans les prisons israéliennes, et qui a bouleversé le monde entier ; ou encore Khalida Jarrar, députée au parlement palestinien, qui vient une nouvelle fois d’être l’objet d’une mesure de détention administrative, sans procès, en contradiction avec le droit international.
Comment ne pas évoquer aussi à ce sujet Elsa Lefort, qui se bat avec courage contre la détention de son mari, notre compatriote Salah Hamouri, emprisonné depuis le mois d’août dans les mêmes conditions, sans que cela émeuve notre président ?
Et bien sûr, ces femmes Kurdes qui ont combattu Daech en Syrie, pour nos libertés, et que nos dirigeants abandonnent à leur sort sous les bombes d’Erdogan ?
Ou ces artistes, écrivaines, militantes progressistes, féministes, enfermées en Turquie dans les prisons du même Erdogan ?
Notre solidarité va à toutes ces femmes, ces femmes des temps modernes, comme disait Aragon, et à toutes les autres qui travaillent à rendre notre monde plus juste, plus humain.
Yvonne Rainero
En ce 8 mars, journée internationale de lutte pour les droits des femmes, je voudrais évoquer la Finistérienne Nathalie Le Mel, grande figure féminine et féministe de la Commune de Paris, dont on commémorera l'année prochaine le centenaire de la mort.
Une rue de Quimper porte son nom, ainsi que la médiathèque de Pluguffan.
Cette bretonne, née à Brest en 1826, fille d’un ouvrier corroyeur, s’installe en 1849, à 23 ans, à Quimper où elle tient avec son mari une librairie rue Kéréon et où ses idées avancées heurtent la bourgeoisie bien-pensante.
En 1861 elle part pour Paris où elle travaille comme ouvrière-relieuse et adhère à l'Internationale.
Avec Eugène Varlin, ouvrier-relieur lui aussi et représentant de l’Internationale, elle crée « La Marmite », coopérative ouvrière qui fut une sorte de préfiguration des restaurants et épiceries du cœur.
Elle joue un rôle important à la tête de l’Union des femmes de la Commune de 1871, cette Commune de Paris qui avait prévu pour les filles un enseignement laïque, gratuit et obligatoire et proclamé l’égalité des salaires entre instituteurs et institutrices.
Elle y côtoie Louise Michel et d’autres femmes extraordinaires comme Elisabeth Dmitrieff, fille d’un officier tsariste qui avait rejoint elle aussi l’Internationale, ou Sonia Kovalevskaïa, jeune Russe amie de Dostoïevski, qui fut par la suite la 1ère femme à soutenir une thèse de mathématiques et la 1ère titulaire d’une chaire de mathématiques à l’Université.
Lors de la « Semaine sanglante », du 22 au 28 mai 1871, Nathalie Le Mel se bat sur la barricade de la place Pigalle.
Après l'écrasement de la Commune de Paris, elle est arrêtée le 21 juin 1871 et déportée en 1873 avec son amie Louise Michel en Nouvelle-Calédonie.
Les femmes de la Commune qui avaient survécu à la Semaine Sanglante subirent elles aussi une dure répression, parfois le bagne comme Louise Michel et Nathalie Le Mel.
Devant le tribunal militaire qui jugea en septembre 1871 plusieurs d'entre elles, le Commissaire du gouvernement prononça cet incroyable réquisitoire :
« Et voilà où conduisent toutes les dangereuses utopies, l’émancipation de la femme, prêchée par des docteurs qui ne savaient pas quel pouvoir il leur était donné d’exercer…N’a-t-on pas, pour tenter ces misérables créatures, fait miroiter à leurs yeux les plus incroyables chimères ? Des femmes magistrats ? Membres du barreau ? Oui des femmes avocats, députés peut-être et, que sait-on, des commandants ? Des généraux ? On croit rêver en présence de telles aberrations ».
Nathalie Le Mel ne sera libérée qu'après la loi d'amnistie de 1880, ayant refusé toute mesure de grâce.
Elle trouve du travail au journal l'Intransigeant et continue à se battre pour les droits des femmes.
Elle meurt dans la pauvreté en 1921 à l'hospice d'Ivry.
Yvonne Rainero
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