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24 juillet 2020 5 24 /07 /juillet /2020 05:45

 

Traditionnellement acquis au souverainisme, les militaires brésiliens s’alignent sur Washington, tout en achevant leur conversion à l’ultralibéralisme. Jamais, depuis la dictature, un gouvernement n’avait compté tant de gradés dans ses rangs.

Ce 10 juillet, à Doral, en Floride, Donald Trump, entouré de son secrétaire à la Défense, Mark Esper, et de l’amiral Craig Faller, chef du commandement sud des États-Unis, fait le point sur les opérations de lutte contre le narcotrafic, avec des « partenaires » latino-américains. « Vous savez, sur le terrain, quand vous jouez au golf ou au baseball, vous voulez les meilleurs joueurs avec vous. Et nous avons certainement ces gagnants parmi nous aujourd’hui », lance Faller, avant d’introduire un haut gradé colombien, puis le général major David, « l’un des plus pointus des forces armées brésiliennes », envoyé par « notre Brésilien – le président Bolsonaro ». « Dites bonjour », leur dit Trump. Les militaires se lèvent. « Les Brésiliens ont payé pour qu’il vienne ici, il travaille pour moi, se réjouit Faller (…). Vous savez, le Brésil est avec nous depuis la Seconde Guerre mondiale, et notre relation se renforce encore, Monsieur le Président. » « C’est génial ! » s’exclame Trump.

 

OPA sur le Brésil

Effarante manifestation de la transformation du Brésil en protectorat militaire des États-Unis, déjà annoncée par la vente à Boeing, en 2018, du constructeur aéronautique Embraer, créé par l’armée brésilienne, par la promotion du Brésil au rang d’ « allié privilégié » en dehors de l’Otan en mars 2019, après la première visite de Bolsonaro à la Maison-Blanche, ou encore par le feu vert donné par Brasilia à l’utilisation, par Washington, de la base de lancement spatial d’Alcàntara.

Dès l’installation du président d’extrême droite, Jair Bolsonaro, et de son gouvernement, début 2019, le ton était donné, avec les déclarations du ministre des Affaires étrangères, Ernesto Araújo, qui envisageait l’installation d’une base militaire américaine en territoire brésilien : « Nous souhaitons accroître notre coopération avec les États-Unis dans tous les domaines. Cette base ferait partie d’un programme beaucoup plus vaste que nous souhaitons mettre au point avec les États-Unis. » Aux antipodes de la « stratégie nationale de défense » adoptée en 2008, sous le gouvernement de Lula, qui célébrait un « Brésil indépendant ». Cet alignement sur Washington trahit l’abandon de la ligne souverainiste traditionnellement défendue par l’armée, qui joua un rôle décisif, parfois contre l’oligarchie foncière, pour jeter les bases d’une industrie nationale, au nom de l’ « idéologie du développement » revendiquée au cœur de sa réflexion stratégique.

 

Bolsonaro : l'incarnation de la nouvelle droite brésilienne

Monstrueux produit d’une crise économique et politique, Jair Bolsonaro a su agréger autour de lui des forces hétéroclites, et même centrifuges ; dans une démocratie fracturée par le coup d’État de 2016, ses appuis militaires tiennent la charpente de cette construction politique, dominée par un ultralibéralisme autoritaire. Une nouvelle droite prend corps, dans l’articulation de l’anticommunisme, du fondamentalisme religieux et de l’intégrisme du marché. Dans ce mouvement, l’armée achève sa mue libérale, tandis que de haut gradés saluent la « libération d’énergie nationaliste » permise selon eux par l’élection de leur favori.

Son terne et long parcours parlementaire (1991-2019) a laissé à Jair Bolsonaro le temps d’imaginer son régime idéal, avec des institutions démocratiques privées d’indépendance. Depuis sa prise de pouvoir, il n’a cessé de s’en prendre au Congrès, espérant en faire une instance à sa botte. À la fin du mois de février, il envoyait à ses proches une vidéo, appelant à des manifestations pour le défendre contre les pouvoirs législatif et judiciaire, « ennemis du Brésil », accusés de l’empêcher de travailler – en réalité, de faire passer des textes anticonstitutionnels – et surtout coupables à ses yeux de détenir la clé d’une procédure d’impeachment (40 demandes déposées en ce sens). Démarche appuyée par le chef du cabinet de sécurité de la présidence, le général Augusto Heleno, un vieux nostalgique de la dictature qui invite régulièrement le Congrès à « aller se faire foutre » et promet un coup d’État si la Cour suprême devait rendre la destitution possible.

 

L'armée en rang d'oignon derrière le président

À la tête de tous les ministères stratégiques, présents sur les bancs du Congrès, installés à tous les échelons de l’appareil d’État, les militaires, plus nombreux au gouvernement que sous la dictature, sont aujourd’hui les vrais maîtres d’œuvre de la politique de démolition sociale, de dérégulation, de privatisation des entreprises nationales initiée sous Michel Temer et amplifiée par Jair Bolsonaro. L’institution fait corps : elle ne laisse rien filtrer des dissensions, voire des tensions qui la traversent. Surtout, elle a toujours arbitré, jusqu’ici, en faveur du président. Au mois d’avril, alors qu’il contestait l’opposition criminelle de Bolsonaro aux mesures de confinement et de protection sanitaire face au Covid-19, c’est finalement le ministre de la Santé, Luiz Henrique Mandetta, qui prenait la porte. Un mois plus tard, son successeur, Nelson Teich, prenait le même chemin. Soutenu dans ses pires dérives, l’hôte du palais du Planalto a beau jeu d’affirmer son autonomie, et celle de son clan…

 

Le système politique brésilien en pleine destruction

«  Même avec un Congrès et un pouvoir judiciaire parties prenantes du coup de 2016 contre Dilma Rousseff, ces deux instances restent considérées comme des ennemis par Bolsonaro », remarque Beatriz Oliveira, professeur de droit à l’université fédérale Santa Maria (Rio Grande Do Sul). Le discrédit jeté sur le Congrès, où la majorité lui échappe, va de pair avec sa croisade idéologique. Pour Bolsonaro, le « parlementarisme absolu » serait imposé par la gauche et la presse. La justice est, elle, mise au pas via la désignation de magistrats acquis à sa cause et chargés de transformer le système judiciaire en une machine de guerre contre l’opposition. Nul besoin de tanks ici : le président brésilien fait dans le harcèlement, affiche comme Donald Trump son mépris des journalistes, encourage les agressions de reporters lors des manifestations progouvernementales et les graffitis appelant à « tuer un journaliste par jour ».

Des digues institutionnelles contraignent encore le chef de l’État. Mais pour combien de temps ? Les chiffres du chômage publiés par l’Institut brésilien de géographie et de statistiques sont contestés. Impossible d’obtenir des données sérieuses du ministère de la Santé sur la progression du Covid-19. Le gouvernement démantèle un à un les organes de contrôle de l’environnement qui font obstacle à ses projets, comme la loi favorisant l’exploitation agricole et minière des territoires indigènes.

 

Quel avenir pour Jair Bolsonaro ?

Dans un pays à la dérive, où le chômage monte en flèche, l’hécatombe provoquée par le coronavirus et la nécropolitique choisie par Bolsonaro au nom de la « préservation de l’économie » pourrait pourtant rebattre les cartes. Les militaires commencent à distiller un message : ils ont beau occuper tous les postes de décision dans le secteur de la santé, ils ne sont pas responsables des erreurs du président – déjà visé par plusieurs plaintes devant la Cour pénale internationale. Jair Bolsonaro pourrait être tenté de conforter son pouvoir grâce à l’article 142 de la Constitution, qui l’autorise à recourir aux forces armées pour le maintien de « la loi et d(e) l’ordre » contre le Parlement. Quitte à fragiliser la cohésion de l’armée. Les militaires s’embarqueraient-ils dans une telle aventure ? Si la raison l’emporte, le président Bolsonaro, capitaine exclu de l’armée pour avoir planifié de faire exploser des bombes dans les toilettes d’une caserne, pourrait de nouveau se retrouver sur un siège éjectable.

 

Rosa Moussaoui et Lina Sankari

 

 

 

L’Amazonie, le président et les orpailleurs

Cette année pourrait être plus meurtrière que 2019 pour l’Amazonie. Avec 2 248 foyers d’incendie recensés au 1er juillet et une augmentation de 19,5 % en un an, la région enregistre le pire record depuis treize ans. Ces départs de feu, majoritairement d’origine criminelle, font les affaires du président Jair Bolsonaro. « J’espère que ce rêve va se concrétiser », disait-il, en février, à propos du projet de loi favorisant l’exploration minière et agricole des territoires indigènes. Les orpailleurs et voleurs de bois ont profité de la réduction des patrouilles de la police environnementale en période de Covid-19 pour s’adonner à des raids illégaux qui ont conduit à la destruction de 2 000 km2 de forêt. Une situation qui a de nouveau provoqué une levée de boucliers internationale. S’ils ne sont pas allés jusqu’à appeler à une mise en commun de ce patrimoine environnemental de l’humanité, les grands fonds d’investissement internationaux se sont dits « inquiets de l’impact financier » que les feux et la déforestation pourraient avoir sur leurs clients. Des réactions propres à irriter Bolsonaro qui n’avait pas hésité à qualifier les appels internationaux – et notamment de la France – pour la protection de l’Amazonie de comportement « colonial » mettant à mal la souveraineté nationale.

Mercredi, 22 Juillet, 2020
La police militaire, un « tribunal de la rue » meurtrier

Le tournant sécuritaire de Jair Bolsonaro a offert à l’armée un véritable « permis de tuer ». En avril, à Rio de Janeiro, 177 personnes ont été assassinées par la police militaire.

Filmée le 30 mai dernier à Parelheiros, un quartier populaire de São Paulo, la scène a soulevé l’indignation après sa diffusion, le 12 juillet, sur TV Globo. Terribles images, qui montrent une femme noire de 51 ans, à terre, le cou sous la botte d’un policier, dans un frappant mimétisme avec le geste qui coûta la vie à George Floyd le 25 mai dernier à Minneapolis, aux États-Unis. «  Plus je me débattais, plus il appuyait sur mon cou », a témoigné cette commerçante, violentée parce qu’un attroupement s’était formé autour de la modeste boutique où elle vendait des boissons à emporter, alors que le confinement interdit l’ouverture des bars et restaurants. Elle s’en est sortie avec une fracture à la jambe ; les policiers, eux, ont été suspendus, en attendant les conclusions de l’enquête ouverte par le gouvernement de l’État de São Paulo. Le gouverneur, João Doria, a qualifié cette scène de « répugnante » : « La conduite violente et inutile de certains policiers est inacceptable. »

Ces procédés sont pourtant courants… et plus meurtriers que jamais, depuis l’adoption du paquet « anticrime » de l’ex-ministre de la Justice Sergio Moro, qui offre aux forces de l’ordre, et singulièrement à la police militaire, un véritable « permis de tuer ». « Au prétexte de lutter contre la grande criminalité, le renforcement de l’appareil répressif et policier doit concrétiser (un) projet de militarisation de l’espace public et de gestion autoritaire du risque social », analyse Laurent Delcourt, historien et sociologue, chargé d’études au Centre tricontinental. Résultat : pour le seul mois d’avril, l’Institut de sécurité publique recense 177 personnes assassinées par la police militaire à Rio de Janeiro, où ce corps, qui désigne ses victimes comme des « marginaux », se comporte en véritable « tribunal de la rue ». Les enfants ne sont pas épargnés. Le 19 mai, un adolescent de 14 ans, João Paulo Mattos, s’effondrait, criblé de balles tirées depuis un hélicoptère. Ce crime a suscité des manifestations et de violentes controverses, la Cour suprême a fini par interdire les actions policières dans les favelas placées sous isolement sanitaire et des voix de plus en plus nombreuses s’élèvent pour demander la démilitarisation de la police. Reste une doctrine raciste que le pouvoir d’extrême droite tient à ancrer : celle d’un modèle de sécurité publique dirigé contre un « ennemi de l’intérieur » qu’il faudrait anéantir par des méthodes de guerre. L’an dernier, au Brésil, 6 000 personnes ont été assassinées par la police. Cinq fois plus qu’aux États-Unis.

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22 juillet 2020 3 22 /07 /juillet /2020 06:55

 

Alors que le Parlement européen tablait sur un plan à 2.000 milliards d’euros pour répondre à la gravité de la situation et aux urgences sociales et écologiques, le plan adopté ce lundi s’élèvera à seulement 750 Mds d’euros. En outre, plutôt que de mobiliser la BCE, il va soumettre plus encore les Etats aux exigences des marchés financiers et donc à des politiques d’austérité mortifères.

L’octroi des aides, sous forme de prêts et de subventions, sera ainsi conditionné à des « reformes structurelles » dans chaque pays, synonymes de baisses des dépenses publiques utiles. De plus, le remboursement des prêts est envisagé par la levée d’un impôt européen, renforçant le fédéralisme européen au détriment de la souveraineté des Etats.

 

Le plan de relance est donc sous-dimensionné et sur-conditionné. Il porte un caractère anti-démocratique en renforçant le poids de la commission européenne notamment en matière fiscale. Il permet en plus à plusieurs pays de pouvoir baisser leur contribution au budget européen qui risque de rester à 1027 Mds d’euros alors que l’objectif était de le porter à 1300 Mds.

 

Le PCF propose des mesures concrètes pour changer de logique en Europe :

  • La réorientation des efforts de création monétaire de la BCE, non pas pour aider encore davantage les plus aisés et les grands groupes, mais pour financer les services publics et la transition écologique, protéger les activités et les petites et moyennes entreprises et maintenir les revenus des travailleurs grâce à la constitution d’un fonds européen d’urgence économique, sociale et écologique. La BCE doit être mise sous contrôle démocratique.
  • L’abolition définitive du pacte de stabilité et de croissance et du pacte budgétaire ;
  • L’annulation de la dette publique des Etats ; aucune aide européenne ne peut être conditionnée ni à un contrôle budgétaire, ni à un endettement accru des états.
  • La lutte contre l’évasion fiscale et les paradis fiscaux dans l’UE et en dehors de l’UE. A elle seule, elle représenterait une somme bien supérieure au fonds de relance discuté aujourd’hui. Une conférence européenne de la dette et de l’évasion fiscale, en associant les forces sociales et citoyennes, est aujourd’hui nécessaire. Les leçons de rigueur budgétaire données par les Pays-Bas sont totalement déplacées venant d’un pays qui pratique l’optimisation fiscale pour des multinationales.

 

Plus structurellement, alors que les traités européens ont démontré leur caducité, ces propositions doivent ouvrir le chemin vers un pacte social et démocratique pour des peuples et des nations libres, souveraines et associées, auquel aspirent les citoyens européens.

 

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20 juillet 2020 1 20 /07 /juillet /2020 05:41

 

Les données fiscales des multinationales, publiées par l’OCDE, mettent en lumière une perte annuelle dépassant les 300 milliards d’euros pour les États en impôt sur les sociétés, et la responsabilité des paradis fiscaux de l’Union européenne, Pays-Bas en tête.

La transparence a du bon. Depuis bientôt trois ans, les 4 000 multinationales des pays membres de l’OCDE, dont le chiffre d’affaires dépasse les 700 millions d’euros, doivent remettre à l’administration fiscale de leur État d’origine un rapport (reporting) sur leurs implantations, effectifs, revenus et activités pays par pays. Seules 15 ont été totalement transparentes, permettant toutefois de suivre à la trace plus de 400 milliards d’euros de bénéfices. Le Tax Justice Network s’est plongé dans ce monceau de données et a pu retracer le voyage des milliards des multinationales.

Selon leur extrapolation, pas moins de 1 150 milliards d’euros de bénéfices transitent ainsi chaque année par les paradis fiscaux. La perte nette en impôt sur les sociétés dépasse les 300 milliards d’euros. Sans parler évidemment du manque à gagner fiscal sur les autres types de revenus, comme sur la propriété intellectuelle (royalties). « C’est le plus grand et le plus long hold-up d’argent public de notre époque, mais la bonne nouvelle est que nous avons maintenant l’un des meilleurs systèmes d’alarme en place – il faut juste que les gouvernements l’allument », a déclaré Alex Cobham, directeur général du Tax Justice Network.

De faibles gains pour des pertes colossales

 

Ces données démontrent aussi très clairement à quel point les « listes noires » établies par l’UE ou l’OCDE elle-même sont de vastes blagues, puisque les pays qui y figurent ne représentent que 7 % de l’évasion fiscale des multinationales. À l’inverse, le Royaume-Uni, la Suisse, le Luxembourg et les Pays-Bas sont ensemble responsables de 72 % des pertes en impôt sur les sociétés subies dans le monde. Aucun d’entre eux n’est pourtant considéré officiellement comme un paradis fiscal, au mieux certains figurent sur une « liste grise ». Tous, à l’exception du Luxembourg, rechignent à transmettre les données de reporting. Le Royaume-Uni, pourtant membre de l’OCDE, n’a autorisé la publication d’aucune information.

Plus grave encore, le suivi précis des sommes a permis de mettre en lumière les faibles gains pour les paradis fiscaux, rapportés aux pertes colossales pour les autres États. En moyenne, pour chaque euro d’impôt gagné par les paradis fiscaux sur les bénéfices des multinationales, le reste du monde subit un manque à gagner de 6 euros. Et cela masque beaucoup de disparités. Ainsi, sur les 400 milliards d’euros de bénéfices dont tout le parcours est détaillé, près du quart est allé aux Pays-Bas, faisant de ce pays, cofondateur de l’Union européenne, le plus grand paradis fiscal pour les multinationales. Mais, ce qui rapporte au royaume néerlandais 3 milliards d’euros par an, représente un manque à gagner pour ses voisins de plus de 20 milliards. La palme revient aux îles Vierges britanniques où, pour chaque euro d’impôt sur les sociétés qui y est perçu, le reste monde en perd 314 ! Ce ratio est de 1 pour 24 aux Bermudes, 1 pour 20 aux Luxembourg et 1 pour 112 aux îles Caïmans…

Concurrence mortifère

 

Ces données se retrouvent sur les bilans fiscaux des pays. Ainsi, l’Irlande est devenue dépendante des multinationales étrangères, qui comptent pour 65 % de ses recettes de l’impôt sur les sociétés. C’est 46 % au Luxembourg et près de 5 % en France. Cette course à l’optimisation fiscale entretient la mortifère concurrence fiscale entre États et pénalise grandement les pays en développement, qui ont pourtant un besoin impérieux de ces recettes fiscales. « L’ironie de l’OCDE – le club des pays riches –, qui publie des données montrant les abus fiscaux des plus grandes multinationales de ses membres, ne devrait échapper à personne (…) alors que ce sont les pays non membres du Sud global et leurs citoyens qui en subissent les pires effets », a déploré Dereje Alemayehu, coordinateur exécutif de l’Alliance mondiale pour la justice fiscale. « Ces données confirment l’ampleur du déplacement des profits des multinationales et le coût pour les recettes publiques, a réagi de son côté Rosa Pavanelli, secrétaire générale de l’Internationale des services publics. C’est un facteur qui contribue directement au sous-financement choquant de nos services publics que la pandémie de Covid-19 a pleinement mis en évidence. »

 

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17 juillet 2020 5 17 /07 /juillet /2020 06:48
Luchino Visconti - par Andréa Lauro, partie 12 et 13: Ludwig, le crépuscule des dieux, Violence et passion, L'Innocent
Luchino Visconti - par Andréa Lauro, partie 12 et 13: Ludwig, le crépuscule des dieux, Violence et passion, L'Innocent

Luchino Visconti: celui qui ouvrit les portes du Néoréalisme entre beauté et Résistance

A lire aussi, les premières parties de cette étude d'Andréa Lauro sur Luchino Visconti:

Luchino Visconti: celui qui ouvrit les portes du Néoréalisme entre beauté et Résistance, partie 1 - la chronique cinéma d'Andrea Lauro

Luchino Visconti: celui qui ouvrit les portes du Néoréalisme entre beauté et Résistance - partie 2 La guerre et le Néoréalisme : Ossessione

La chronique cinéma d'Andréa Lauro - Luchino Visconti: celui qui ouvrit les portes du Néoréalisme entre beauté et Résistance, Partie 3

La fin du Néoralisme: Bellissima - Luchino Visconti, entre beauté et Résistance, partie 4 - La Chronique cinéma d'Andréa Lauro

Luchino Visconti, Partie 5, Entre réalisme et mélodrame : Senso et Le notti bianche - la chronique cinéma d'Andréa Lauro

Luchino Visconti: celui qui ouvrit les portes du Néoréalisme entre beauté et Résistance - Rocco et ses frères et Le Guépard, partie 6 et 7 - par Andréa Lauro

Luchino Visconti: celui qui ouvrit les portes du Néoréalisme entre beauté et Résistance - par Andréa Lauro, partie 8

Luchino Visconti: celui qui ouvrit les portes du Néoréalisme entre beauté et Résistance - Andréa Lauro - Partie 10 et 11 Les damnés, Mort à Venise

Luchino Visconti: celui qui ouvrit les portes du Néoréalisme entre beauté et Résistance

Partie 12

Au sommet de l’esthétisme : Ludwig

En dépit des angoisses communes, des fractures mal dissimulées entre public et privé, et de l’affinité élective qui les lie, Visconti n’était pas Thomas Mann. Il aurait pu, cependant, être Gustav von Aschenbach ou, plus généralement, un de ces esthètes qui peuplent la fiction de l’écrivain allemand. Il n’est donc pas surprenant que, mis de côté l’espoir de porter sur le grand écran sa vision de la "Recherche du temps perdi" proustienne, le réalisateur édifie le film suivant autour de la figure de Louis II de Bavière (en allemand Ludwig II), qui aspire toute sa vie à pénétrer les régions sublimes de l’art et y réussit, enfin, à cause des chants mémoriaux que les poètes consacrent à sa mort.

Paul Verlaine a dit de lui : "Vous fûtes un poète, un soldat, le seul Roi / De ce siècle où les rois se font si peu de chose, / Et le martyr de la Raison selon la Foi"; en lui Visconti redécouvre les racines de ce culte du mélodrame et de l’exquis, qui le pousse à épier la vie comme dans les coulisses d’une scène, à danser en elle avec la grâce d’une vedette et à agir comme si au monde il fallait une mise en scène constante. La réalisation de « Ludwig » (1973) reste, peut-être, dans la carrière du réalisateur, le moment de plus haute affinité entre le sujet et le style viscontien, chacun prêt à se refléter dans la richesse iconographique de l’autre.

De ce regard, qui dans le film précédent surveille en longs zooms les vicissitudes d’Aschenbach au Lido de Venise, nous observons chez « Ludwig » la métamorphose. « Morte a Venezia » (Mort à Venise) se ferme sur un champ long, une vue de haut qui écrase l’horizon sur le sable et, dans le contraste des habits blancs et noirs, dessine un tableau qui ne serait pas déplaisant au Monet des plages de Trouville, tandis que deux figures transportent hors du champ le corps sans vie du protagoniste ; « Ludwig » s’ouvre, par contre, sur un mouvement opposé : un aperçu rapide dans un intérieur obscur, assiégé par des fresques, des brocarts, des bijoux et des miroirs, et un zoom tendu à se resserrer sur le tout premier plan du jeune prince, prêt à assumer la charge royale.

L’écart est très clair : Dans « Morte a Venezia » (Mort à Venise) , l’œil du réalisateur caresse les surfaces, il se déplace léger sur les apparences arrêtées sur les images et même quand il essaie d’y pénétrer, en appuyant sur le zoom, c’est comme s'il avait secoué le rideau du Théâtre Olympique de Palladio, avec ces constructions prospectives à simuler des espaces très profonds, de pure invention, dans des environnements de bien plus modeste épaisseur. Nous pourrions alors dire de « Morte a Venezia » que c’est un film pictural, à feuilleter comme un catalogue d’illustrations, à agrandir ou à réduire pour toujours trouver de nouveaux détails. Bien plus grave est la matière qui compose « Ludwig », dans laquelle le clair-obscur semble ouvrir continuellement de nouveaux passages, profondeurs où ils ne s’en sont pas imaginés et où le regard farfouille, presque en enveloppant ces corps illuminés et immédiatement retournés aux ombres. Si dans « Morte a Venezia » se trouvent des surfaces si raréfiées qu’elles apparaissent de rêve, « Ludwig » est, à l’opposé, un film sculptural, à apprécier dans sa plasticité, comme ces statues du Baroque que l’artiste, à force de torsions et de draperies, invite à admirer en marchant autour. Pour les salles de ce film, on se promène comme dans les galeries d’un musée, avec la déférence d’un invité appelé à visiter un palais d’ancienne noblesse, sous le soin patronal de Visconti.

Nous reconnaissons, dans une telle attitude, un nœud crucial du cinéma viscontien, à cet effet, qui peut être rattaché à une maxime du critique Serge Daney : « il y a des cinéastes qui montrent et d’autres qui démontrent ». Bien que Visconti se soit parfois montré enclin à la démonstration - cela vaut pour ses œuvres où la dette idéologique ou l’excès de volupté l’emportent sur l’inspiration et la mise en scène - tout ce que fait Visconti est, en effet, laisser voir, accompagner les entrées et les sorties du spectateur, surveiller ses humeurs, attentif à ce que les passions de ce mélodrame retenu n’en envahissent pas la conscience avec un excès de cris.

Il est, certes, remarquable que la riche vie du souverain de Bavière - mécène des arts, ami de Richard Wagner, exténuée par les passions effrénées, qui peuple l’Allemagne de châteaux de fées jusqu’à épuiser les ressources de l’État, qui humilie le pouvoir royal avec son mépris pour la politique et, enfin, meurt assassiné, peut-être, par ses rivaux - soit par Visconti sciemment destitué d’un authentique suspense.

Bien que lyrique, dans de nombreuses scènes, ou, dans d’autres, ouvertement mélodramatique, le regard du réalisateur n’est jamais empreint de ce romantisme « fin du siècle » qui continuait d’illuminer l’âme du roi bavarois; nous le dirions plutôt, un regard clinique.

Brisé en un certain nombre de segments déconnectés, sinon par continuité d’humeur, et collés les uns aux autres au moyen de courts interludes - où un personnage au premier plan sur fond neutre résume au public les coordonnées historiques de ce que l’on vient raconter - le film se compose par addition ultérieure de blocs narratifs, sans jamais qu’ils se rassemblent dans le récit. Dans chacun se répète un schéma commun : une confrontation inégale entre le souverain et un autre personnage, dont le premier sort vaincu, rendu, destiné à capituler. Dans l’obsession réitérée de ce schéma fatal, nous restons harnachés jusqu’au bout, précipitant, avec le souverain et sa lucide folie, dans le tourbillon d’une dissolution voluptueuse.

Catalogue très personnel des modes de l’esthétisme décadent, « Ludwig » se révèle être une œuvre inépuisable. Nous comptons, de ce film, au moins trois versions : une parlée en allemand, d’un peu plus de deux heures, une anglaise, d’environ trois, et une italienne de plus de quatre heures, méticuleusement reconstruite par les collaborateurs du réalisateur après sa mort. On n’efface pas du compte les scènes supprimées, ni celles perdues, les jamais tournées, les jamais écrites. La forme du film, cette discontinuité marquée qui en définit le ton, nous précipite dans le vertige lucide d’une œuvre qui pourrait durer quelques minutes comme des dizaines d’heures, qu’on pourrait reconstruire chaque fois du début, seulement en démontant et en inversant ses épisodes, en répétant les comparaisons à deux, laissant l’œil errer pendant des minutes entières dans l’abondance impudique des scènes.
 

 Gruppo di famiglia in un interno  (Violence et passion), Visconti

Gruppo di famiglia in un interno (Violence et passion), Visconti

L'innocente, Visconti

L'innocente, Visconti

Partie 13

Vers la décadence finale : Gruppo di famiglia in un interno (Violence et passion) et L'innocente (L'innocent)

Rescapé d’une thrombose, qui le frappe peu après le tournage et lui laisse paralysé un bras et une jambe, Visconti ne peut endiguer les ingérences productives, qui imposent un nouveau montage pour contenir la durée. La colère et la déception pour les coupures s’ajoutent aux angoisses de la maladie et contribuent à éloigner pour quelque temps le réalisateur des scènes, pendant que ce repli en lui-même, cette fermeture au monde dont on voit les traces dans les derniers films devient plus aiguë.

Craignant l’hypothèse d’un abandon de la scène, Visconti cherche à se remettre immédiatement au travail et le choix tombe sur la mise en scène théâtrale de " C'était hier " d’Harold Pinter. Auteur sec, Pinter semble plus étranger au style du réalisateur, qui veut se faire inspirer par un texte dont l’avantage évident est dans l’exiguïté de la cast-liste et du décor : trois personnages, peu d’action, beaucoup de dialogue.

À la trente-cinquième réplique, la récitation est interrompue par l’intervention du dramaturge, scandalisé par l’interprétation obscène que le réalisateur a donnée de son œuvre. Dans ce travail précis sur le temps, la mémoire, la confluence de voix anciennes et nouvelles, des vivants et des morts, Visconti n’a entrevu qu’un récit de cruauté : la scène est un ring, les gestes agressifs, les corps voluptueux, la sexualité une obsession autoritaire, les rapports macérés de haine. La polémique est vite close à cause de quelques accords souterrains entre les parties, mais le réalisateur, au fond, a déjà obtenu ce qu’il voulait : réussir à revenir sur scène.

Résultat de la maladie morale déjà apparue dans " C'était hier " et du besoin de sécher l’action dramatique pour des besoins de santé est le prochain film de Visconti, « Gruppo di famiglia in un interno » (1974), écrit par Enrico Medioli et tissé de références biographiques à partir de trois sources distinctes : le scénariste - collectionneur passionné de ces portraits de familles bourgeoises dédiées au salon et au bavardage, qui se rassemblent sous l’étiquette de Conversation Pieces ; le réalisateur - qui donne à l’ancienne figure du professeur toute son élégance tranquille et l’incapacité de dialoguer avec les nouvelles générations; l’écrivain Mario Praz - dont le volume des proses "Scènes de conversation" est apparu dans les librairies italiennes. Comme cela s’est déjà produit dans le passé - la renommée de Giorgio Morandi, qui inspire au réalisateur une "Locandiera" toute tournée dans les tons du peintre; les volants et les bougies sur les scènes d’Elia Kazan, qui précèdent l’objet récupéré à Campo de Fiori pour la première italienne de "Un tramway nommé Désir"; l’arrivée sur les rotocalques du thème de l’immigration interne, qui l’amène à imaginer « Rocco e i sui fratelli » - Visconti, dévot de la culture, sait intercepter les tendances de la mode culturelle, en les secondant et en transférant, comme d’habitude, sa vision des choses du monde. Le livre de Praz sort en 1971, le film de Visconti voit le jour en 1974. Les affinités sont seulement en surface mais c’est désormais celle-ci qui intéresse le réalisateur : à vouloir soulever les rideaux, déplacer les tableaux, rouler les tapis pour regarder au-delà du voile des apparences, on ne trouverait rien et non par manque d’inspiration, mais par adhésion à la nécessité de se créer un coin privé dans lequel cultiver son propre goût, indifférent à la marche de l’Histoire.

Avec Praz, Visconti partage l’amour pour le bizarre et l’érudition, ainsi que le goût pour une conception théâtrale de la vie. Comme les aristocrates de « Il Gattopardo »; comme, avant eux, la noblesse du « Senso », ces bourgeois cultivés, raffinés, dévoués au culte de la tradition, semblent sublimer dans l’inclinaison muséographique des meubles et dans le recours à une élégance calculée des poses, dans le goût pour l’aménagement, les fonds et la scène : plus que se lever, le matin, ils vont en scène. Au milieu de ces pièces démodées, entre un pendule et un brocart, nous reconnaissons l’artifice d’une vie - celle du protagoniste, le professeur - fixée à se répéter des vieux rituels, indifférente aux brusques mouvements de l’Histoire, aux nouvelles générations en jeans, à l’affirmation d’une jeunesse effrontée, vulgaire et violente, sur laquelle s’appuie l’impitoyable regard de Visconti. Incapable - et même pas intéressé - de construire avec elle un dialogue, le réalisateur en ferme la représentation en quelques gestes répétés et agressifs, dans les allusions rapides d’âme et dans un grotesque sarcasme. D’abord réticent, le professeur ouvre à un groupe de jeunes locataires l’étage supérieur de son habitation, les accueille, s’y dispute, les réprimande, non sans un soupçon de calme mépris, jusqu’au point où un contact humain semble possible. Mais même dans ce Visconti il se révèle schématique; ils trouvent place, dans son catalogue, le jeune vulgaire, mais passionné de Mozart, l’activiste politique, avec un fin œil pictural, la bourgeoise grossière, mais aux amours mélodramatiques; chacun incriminé et ensuite immédiatement racheté par une affinité de surface. Et quand la proximité prolongée semble amener le professeur à découvrir un noyau d’affection pour ces personnes, le retour brusque des égoïsmes réciproques efface d’un coup d’éponge toute hypothèse d’idylle familiale. Au lieu de analyser les rapports, la greffe de thèmes sociaux et l’apparition de raisons politiques au fond des caractères, il nivelle encore plus le parc déjà émergeant de vraies personnalités et jette partout une claire lumière de superficialité. On sort de ce film funèbre avec la ferme conviction que l’humanité a peu d’espoirs; la dégradation de la société semble désormais achevée.

En avril 1975, une chute précipite l’état de santé du réalisateur, contraint au fauteuil roulant. Et si le rêve de composer des films au souffle grandiloquent, comme la biographie de Puccini et une réduction de "La montagne magique" de Mann, devient de plus en plus labile, Visconti, conscient de la précarité de sa situation, s’accroche, pour se remettre, au travail, s’engageant dans une adaptation d'un livre de D'Annunzio. Puisque les droits de "Il piacere" ne sont pas disponibles, le choix tombe sur "L’innocente".

La rencontre avec l’auteur représentant du décadentisme littéraire, est, pour le réalisateur, une sorte de règlement de comptes. Aimé dans sa jeunesse pour cette obsession esthétique qui l’apparente aux voix de la culture de la mode, D’Annunzio a été rejeté par le Visconti mûr pour l’exubérance à faveur de la guerre avec laquelle il a échangé l’élégance de sa prose.

« L’innocente » (1976) est donc l’occasion d’une clarification. Contrairement à ce qui s’est passé avec « Morte a Venezia », où l’intimité avec l’œuvre l’oblige à un difficile équilibre entre expression personnelle et ambitions de fidélité, dans cette nouvelle adaptation Visconti découvre une inhabituelle attitude critique, comme on l’entend déjà dans l’incipit, avec la main du réalisateur à feuilleter les pages du roman, à (re)le lire devant les spectateurs. Dans la juste distance de son regard d’exégète, plus que la simple omission de scènes ou le final frelaté, vaut la réflexion des caractères, des liens qu’ils tissent, des pulsions qui les déplacent. En opérant une décentralisation du point de vue, Visconti libère ces croquis de la captivité de la première personne, du regard caricatural de Tullio, pour restituer des personnages à tout rond, complexes et variés. Ainsi, la belle Giuliana - dont la gracieuse figurine littéraire peine à émerger du bas des pages dannunziane - se rebelle, dans le film, à la souveraineté masculine et, se servant de la même sujétion qui la piège aux marges de l’institution matrimoniale, prépare un plan pour sauver la vie de son fils, menacée par l’orgueil tourmenté de son mari.

Face à l’apologie dannunziène d’un style de vie qui masque avec l’exhibition et le bavardage les trames de l’adultère, Visconti fait des espaces de la Rome umbertine un marché du commérage. Les salles du Palais Colonna, où les personnages se déplace comme sur une avant-scène, se font lieu de ces divertissements musicaux, à l’occasion desquels l’aristocratie peut cultiver son ennui dans l’attente de nouvelles indiscrétions et de médisances, entre une sonate de Mozart et un prélude de Chopin. Et si la prédilection pour l’intérieur est, peut-être, à attribuer à la santé précaire du réalisateur, il est, aussi, indubitable qu’elle donne au film un ton très particulier, abstrait et personnel. Comme d’habitude, Visconti décore les fonds avec fureur de velours, rideaux, étoffes, boucles en bois, bombages, lustres et miroirs, qui ouvrent des espaces illusoires où ils ne pourraient pas être, en dilatant les lignes du film au-delà des marges du cadrage, comme. Curieusement, l’effet principal de ce film d’horror vacui, de cette obsession de l’ameublement n’est pas de précipiter le spectateur dans un contexte d’époque, mais plutôt de l’abstraire, de le conduire dans un espace de l’imagination. Ce n’est pas du tout, celui dessiné par Visconti, un monde réel, mais une invention très libre, qui tient à l’écart de toute hypothèse de naturalisme et ouvre au monde le plus riche des fantasmes personnels.

Alors que « L'innocente » est encore au doublage, Visconti voit son état de santé s’aggraver.

Il meurt au printemps 1976 dans sa maison romaine et le film, présenté hors compétition au Festival de Cannes, reçoit les éloges dus à la dernière œuvre d’un grand maître.

Ainsi s’achève, avec une adaptation par D’Annunzio, une carrière commencée sous l’égide du Néoréalisme et de Verga, pour confirmer cette discontinuité longtemps perçue comme clé du cinéma viscontien ; il existe presque un Visconti bon, à préserver, et un mauvais, à combattre. Que le premier soit le sec et le néoréaliste et le second le fastueux et décadent est, ensuite, un jugement sujet aux modes des temps.

Pour conclure l'on peut dire combien il est insensé de chercher Visconti dans les faubourgs délabrés ou dans les brocarts de l’aristocratie; il va plutôt se trouver dans l’emphase mélodramatique qui, à la barbe de Verga, lance le jeune 'Ntoni à conduire la révolte des pêcheurs; dans la confluence de l’art et de la vie, toutes les deux réglées sur les conventions d’un ancien cérémonial; dans le destin tragique des vaincus, qui peuplent avec emphase lyrique son imagination. Une ligne subtile, mais bien précise, lie donc l’œuvre entière du réalisateur, en traverse les phases, les expérimentations, les humeurs, les doutes, les changements avec l’inexorabilité d’une flèche. À bien y regarder, le néoréalisme de « Ossessione » vibre d’un satanisme tragique, qui est aussi l’autre visage du vitalisme qui décore la surface de « L’innocente ».

Bien que, dans l’après-guerre, au moins deux générations aient trouvé chez Visconti l’exemple d’une nouvelle façon de comprendre l’art et la vie et leurs rapports bizarres; bien que, en outre, des chuts du style Visconti décorent, avec la fatuité de gloutons et de divertissements, les œuvres de beaucoup d’épigones - convaincus, comme un personnage de Molière, que l’élégance rime avec le kitsch - serait impropre de parler d’une école. Plus qu’un maître, Visconti doit être considéré comme le dernier des aristocrates. Il est évident à tous, sauf à lui-même, combien l’aplomb exhibé avec une ostentation étudiée, ce recours exténué aux velours et aux passementeries, soit, au fond, un avancer péniblement, une poursuite des styles d’un institut féodal désormais irrecevable. Pourtant, il y a de quoi être reconnaissant pour l’inanité de cet effort, pour l’obstination avec laquelle il poursuit une entreprise vouée à l’échec. Non contrairement aux malheureux héros qui habitent ses fantasmes, il cherche assidûment à traduire dans la vie les pulsions lyriques qui l’ont tant passionné durant sa jeunesse vécue sur les scènes du Théâtre à la Scala; d’imiter, à travers l’art, l’épopée et les tourments des mélodramatiques bien-aimés; de réaliser, en somme, ce mimétisme, qui, seul, peut satisfaire la mélancolie de ses rêves d’élégance.

Andrea Lauro, 16 juillet 2020

Luchino Visconti - par Andréa Lauro, partie 12 et 13: Ludwig, le crépuscule des dieux, Violence et passion, L'Innocent
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16 juillet 2020 4 16 /07 /juillet /2020 06:46
L'agression criminelle de l'Arménie par l'Azerbaïdjan doit cesser immédiatement (PCF, 15 juillet 2020)
L'agression criminelle de l'Arménie par l'Azerbaïdjan doit cesser immédiatement

L'Azerbaïdjan a lancé depuis trois jours une violente agression contre la République d'Arménie, dans le district de Tovuz. Bakou a, dans cette offensive, déployé de l'artillerie, des chars et des avions sans pilote, détruisant des infrastructures civiles et faisant des victimes. Erevan s'est trouvé dans l'obligation de répliquer.

Si les accrochages sont fréquents à la frontière, ces combats sont les plus graves depuis 2016. Cette attaque est à mettre en lien avec la récente déclaration Ilham Aliev de quitter les pourparlers de paix sur le Haut-Karabakh afin de chercher une solution militaire. Cette région peuplée d'Arméniens a proclamé démocratiquement son indépendance en vue de son rattachement à l'Arménie en 1991 alors que l'Azerbaïdjan s'était engagée dans une guerre terrible aboutissant à une catastrophe humanitaire et dans une politique génocidaire conduisant à des pogroms. Cette nouvelle crise trouve aussi son origine dans la politique brutale et expansionniste que mène la Turquie, principal soutien de l'Azerbaïdjan. Lors d'un récent voyage à Bakou, R.T. Erdogan a poussé à une reprise des affrontements.

L'agression de l'Azerbaïdjan doit cesser immédiatement et il est de la responsabilité de la communauté internationale d'assurer la protection des populations arméniennes afin d'éviter une généralisation du conflit qui pourrait embraser le Caucase. Le peuple arménien a fait la démonstration de son attachement à la liberté et à la démocratie au prix de sacrifices immenses. C'est dans cet esprit que le Parti communiste français a reconnu officiellement la République d'Artsakh comme première étape dans la résolution pacifique du conflit.

Parti communiste français,
Paris, le 15 juillet 2020

Vendredi, 17 Juillet, 2020 - L'HUMANITE
Caucase. L’Azerbaïdjan et l’Arménie à canons tirés

Les combats à la frontière nord ont repris hier. À Bakou, le président a menacé de se retirer des négociations.

 

La journée de trêve de mercredi n’aura pas suffi à calmer les esprits. Jeudi, les affrontements ont repris entre l’Azerbaïdjan et l’Arménie, qui se disputent depuis 1991 la région du Haut-Karabagh, à majorité arménienne.

Depuis le 12 juillet, les échanges de tirs meurtriers à la frontière nord, pourtant éloignée du Haut-Karabagh, ont fait au moins seize morts entre dimanche et mardi. Le ministère arménien de la Défense a affirmé avoir empêché, jeudi à l’aube, une « tentative d’infiltration » et a dénoncé une « violation perfide » du cessez-le-feu, suivie d’un pilonnage des villages d’Aygepar et Movses. Une version qui diffère de celle du ministère azerbaïdjanais de la Défense, qui indique pour sa part qu’ « une unité des forces armées arméniennes a de nouveau tenté d’attaquer nos positions dans le district de Tovouz ».

La Russie, les États-Unis et l’Union européenne ont appelé les deux pays à cesser les hostilités, tandis que la Turquie, qui a un accord de coopération militaire avec Bakou, a apporté son soutien à l’Azerbaïdjan. Entre 1988 et 1994, le Haut-Karabagh a été le théâtre d’une guerre qui avait fait 30 000 morts. L. S.

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13 juillet 2020 1 13 /07 /juillet /2020 05:43
Bolivie. La droite putchiste prête à orchestrer un coup d'état judiciaire (Rosa Moussaoui, vendredi 10 juillet, L'Humanité)
Vendredi, 10 Juillet, 2020
Bolivie. La droite putschiste prête à orchestrer un « coup d’État judiciaire ».

Donné favori de l’élection présidentielle du 6 septembre, Luis Arce, le candidat de gauche, est visé par d’opportunes plaintes pour « corruption ».

 

Désigner Evo Morales comme un « terroriste » et son camarade Luis Arce, favori de l’élection présidentielle du 6 septembre prochain, comme un corrompu, déclarer hors la loi leur parti, le Mouvement vers le socialisme (MAS), en vue des élections législatives. En Bolivie, le gouvernement de facto qui s’est emparé du pouvoir l’automne dernier est donné battu sur le terrain électoral et politique : il choisit donc la stratégie du harcèlement judiciaire déjà éprouvée en Amérique latine contre plusieurs anciens chefs d’État : Luis Ignacio Lula da Silva au Brésil, Rafael Correa en Équateur, Cristina Fernandez de Kirchner en Argentine. Objectif : laisser les putschistes et leurs alliés seuls en piste.

Evo Morales poursuivi pour « terrorisme »

Le 6 juillet, le procureur général a ainsi fait état de l’instruction d’une plainte pour « terrorisme » et « financement du terrorisme » contre l’ancien président Evo Morales, contraint de quitter le pouvoir et le pays sous la menace de la police et de l’armée, le 11 novembre dernier, après avoir été déclaré vainqueur de l’élection présidentielle – résultats contestés par ses adversaires sur la base de données truquées de l’Organisation des États américains (voir notre édition du 11 juin). Depuis le Mexique, première étape de son exil, accuse le parquet, il aurait commandité un « blocus alimentaire » et « l’encerclement » des chefs-lieux de région en suggérant au chef des cultivateurs de coca, Faustino Yutra, de hérisser les routes de barrages pendant le conflit postélectoral. Depuis Buenos Aires où il est aujourd’hui réfugié, Evo Morales, déjà poursuivi pour « sédition » et « fraude électorale », a fustigé une procédure « illégale », « inconstitutionnelle », relevant d’une « persécution politique systématique » orchestrée par l’exécutif de facto.

Autre cible de ces manigances ­politico-judiciaires : Luis Arce, candidat du MAS à l’élection présidentielle, crédité dans les derniers sondages de 42 % des intentions de vote, soit quinze points de plus que son adversaire de droite Carlos Mesa (27 %) et loin devant l’autoproclamée présidente par intérim Jeanine Añez (13 %). L’ancien ministre de l’Économie d’Evo Morales est visé par une plainte rendue publique le 30 juin dernier pour l’achat de deux programmes informatiques destinés à un fonds de pension public dont il présidait le conseil d’administration, commande publique qui aurait causé « un préjudice économique » à l’État. Il est par ailleurs accusé de « manquement à son devoir » dans une affaire de détournements présumés concernant le Fonds de développement pour les peuples indigènes et les communautés paysannes.

Le ministre de la Justice, Alvaro Coimbra, promet par ailleurs la relance prochaine d’une soixantaine de procès pour corruption présumée sous les mandats d’Evo Morales. Par contre, les innombrables affaires qui cernent la droite putschiste au pouvoir, comme le scandale des fausses factures établies pour l’achat, à prix d’or, de respirateurs (voir notre édition du 22 mai), tiendraient, elles, à des « complots » fomentés par le MAS. Le parti d’Evo Morales, qui détient toujours une large majorité dans chacune des deux chambres du Parlement bolivien, s’insurge contre un « coup d’État judiciaire » en préparation : « Le pari est de participer à une élection mais sans le principal concurrent. » Faute de pouvoir le battre loyalement, il s’agit d’écarter l’adversaire. Pour mieux ancrer le « retour au néolibéralisme » voulu par une droite raciste, intégriste, décidée à brader les ressources du pays et les services publics de première nécessité, dont la gauche a fait des biens communs relevant de la réponse aux « droits humains ».

Rosa Moussaoui
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10 juillet 2020 5 10 /07 /juillet /2020 05:59
Liban: La révolte populaire face à l'effondrement du pays - Pascal Torre, secteur international du PCF
Liban: La révolte populaire face à l'effondrement du pays

 

Face à l'explosion de la misère, plusieurs suicides ont suscité récemment l'émoi d'une large frange de la population libanaise. Le pays du Cèdre est dans la tourmente économique, sociale et politique.

Une situation de faillite

Depuis octobre 2019, le Liban connaît une véritable dégringolade économique et financière. L'endettement public représente 170% du PIB (84,4 milliards d'euros). Pour ces raisons, Beyrouth n'a pas honoré sa dette souveraine en mars, provoquant le premier défaut de paiement de son histoire. La Banque centrale et les banques privées affichent des pertes abyssales (100 milliards de dollars) et bloquent désormais l'argent des épargnants tout en favorisant la fuite massive des capitaux pour les privilégiés. La devise nationale s'est effondrée de 70% par rapport au dollar depuis le début de l'année. De plus, la nécessité de subvenir aux besoins des importations de première nécessité aggrave massivement l'endettement.

Dans ce contexte, la crise sociale atteint un niveau inégalé. Le chômage explose, le pouvoir d'achat s'effondre alors que 55% de la population vit sous le seuil de pauvreté. La faim a fait son retour accentuée par les pénuries alimentaires ou de médicaments. L'émigration prend de l'ampleur alors que les travailleurs immigrés africains et asiatiques sont jetés à la rue par leurs employeurs en toute impunité. Pour autant, l'argent des grandes fortunes continue de s'afficher avec insolence au grand jour.

Cette crise multiforme trouve ses racines dans la vague néolibérale qui a déferlé dans les années 1990 confortée par le système politique. Après la guerre civile, une reconstruction hyper-financiarisée a été entreprise par Rafiq Hariri. L'appareil productif a été bradé, les services publics de l'eau et de l'électricité liquidés tandis que l'endettement débutait. Ces dix dernières années, la croissance a été nulle générant des importations massives. En septembre 2019, avec l'éclatement de la bulle spéculative et la fuite des capitaux vers les banques occidentales, le Liban est entré dans une spirale apocalyptique.

L'incurie de l'establishment financier, étroitement lié à l'oligarchie politique corrompue, a dilapidé et pillé les richesses nationales. Le pouvoir, incarné par des chefs communautaires inchangés depuis trente ans, a privatisé les ressources publiques pour s'enrichir et entretenir la dépendance clientélaire. Ces caciques ont fait du Liban l'un des pays les plus inégalitaires du monde. Afin de maintenir ce racket institutionnalisé, la classe dominante est prête à détruire la société pour assurer sa survie.

L'économie rentière, le néolibéralisme, la faiblesse de l’État, le système communautaire et la complicité des pays occidentaux sont à l'origine de tous les maux dont souffrent le pays. La crise sanitaire du Covid-19 et le confinement ont accentué cette tendance.

La situation internationale pèse également lourdement. Avec la guerre en Syrie, le pays a dû faire face à l'arrivée massive de réfugiés, 1 à 1,5 million de personnes, pour une population de six millions d'habitants. Cela constitue une charge considérable pour la gestion des ressources publiques (écoles, hôpitaux) alors que la paralysie de l'économie syrienne constitue en retour un handicap supplémentaire.

Dans la débâcle, des incertitudes grandissantes

Face à cet abîme, les dirigeants politiques libanais ont d'abord tenu le discours du déni, ont eu recours aux vieilles combines et aux réflexes sectaires.

En février, après cent jours de contestation, le Premier ministre Saad Hariri a été contraint à la démission. Dans un nouveau tour de passe-passe coutumier, le président du Parlement, Nabih Berri, et le président Michel Aoun ont tenté d'imposer la candidature de Mohammad Safadi, un ancien ministre des Finances impliqué dans une kyrielle de scandales politico-financiers. Devant l'indignation de la rue, la manœuvre a échoué.

Sur un fond d'effondrement économique, Hassan Diab, le nouveau Premier ministre, a été désigné par toutes les factions pour faire face à la catastrophe. Ce dernier s'est empressé d'élaborer un plan d'économies drastiques et a évoqué une restructuration du secteur bancaire. Mais surtout, il s'est refusé à ponctionner les grandes fortunes pour présenter la facture au peuple libanais. Depuis, ce gouvernement laisse filer la situation.

Hassan Diab a fait appel au FMI dans l'espoir d'obtenir un soutien de dix milliards de dollars mais il a aussi demandé le déblocage de 11 milliards promis lors de la conférence du Cèdre (Paris, avril 2018). Les conditions que veut imposer le FMI pour l'obtention de prêts sont draconiennes et irréalistes. Pour ces raisons, les négociations n'ont pas abouti. La perspective d'un rôle accru de cette institution financière internationale suscite des oppositions au sein même du Liban. Le Hezbollah y voit la tutelle américaine alors que d'autres forces refusent que l'on s'intéresse de trop près à la gabegie du système bancaire. A l'heure actuelle, aucun pays n'a proposé une nouvelle aide au Liban.

La confrontation régionale entre les États-Unis et l'Iran pèse lourdement sur la situation visant particulièrement le Hezbollah, allié de l'Iran. Washington multiplie les pressions, tentant d'entraîner dans son sillage les puissances occidentales, considérant qu'aucune réforme ne peut aboutir tant que la formation d'Hassan Nasrallah, toujours auréolée de sa victoire contre Israël, demeure associée au pouvoir. Ainsi, D. Trump empêche la Banque centrale libanaise d'injecter des dollars en quantité suffisante sur le marché sous prétexte que le Hezbollah enverrait ces devises en Syrie. La loi "Caesar", récemment adoptée aux États-Unis, vise à étrangler le régime de Bachar al-Assad en empêchant tout investissement ou collaboration économique alors que les entrepreneurs libanais misaient sur la perspective d'une reconstruction pour sortir du marasme. Le "plan Trump" sur la Palestine est également un facteur de déstabilisation nourrissant les ingérences croissantes.

Dans tout le Liban la révolte populaire gronde. Des manifestations puissantes, pacifiques, intercommunautaires, exprimant un rejet viscéral d'un système politique à bout de course ont provoqué la démission de Saad Hariri en février. Les foules immenses réclamaient déjà un nouveau gouvernement qui ne soit pas lié aux partis.

Avec le déconfinement, l'accélération des difficultés, la rue recommence à bouillonner car la colère est plus vivace que jamais. On y retrouve les slogans anticonfessionnels appelant à l'unité face à la corruption et l'incurie. Mais l'agitation devient plus chaotique, délétère, parasitée par des calculs partisans. Certains rassemblements ont dégénéré en confrontations communautaires. Les mots d'ordre clivants ressurgissent dressant les quartiers les uns contre les autres. Les partis au pouvoir cherchent le chaos en manipulant et en infiltrant les manifestants.

Dans ce combat, le Parti communiste libanais est aux avant-postes de la lutte. Cela fait des années qu'il alerte sur la déliquescence des institutions et de l'économie du pays et qu'il appelle de ses vœux la mise en place de nouvelles institutions non-confessionnelles afin d'établir un État laïc pour trouver une issue qui conjugue indépendance, justice et paix.

 

Pascal TORRE
responsable adjoint du secteur international du PCF
chargé du Maghreb et du Moyen-Orient

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5 juillet 2020 7 05 /07 /juillet /2020 08:06
Salah Hamouri à Brest l'an passé, à la maison des syndicats, racontait sa deuxième expérience de détention arbitraire par les Israéliens, et plaidait pour la libération des prisonniers politiques palestiniens. Photo Ismaël Dupont

Salah Hamouri à Brest l'an passé, à la maison des syndicats, racontait sa deuxième expérience de détention arbitraire par les Israéliens, et plaidait pour la libération des prisonniers politiques palestiniens. Photo Ismaël Dupont

Jeudi, 2 Juillet, 2020
Israël. Salah Hamouri emprisonné : un dossier vide

Arrêté le 1er juillet, l’avocat franco-palestinien a été placé en détention jusqu’au 7 juillet. Il est de nouveau convoqué devant un juge ce jeudi.

 

Ce n’est plus du harcèlement, mais de l’acharnement. Les autorités israéliennes ont de nouveau arrêté l’avocat franco-palestinien Salah Hamouri, le 1er juillet, alors qu’il se trouvait dans un centre de santé de Jérusalem-Est pour un test de détection du Coronavirus. Un test obligatoire, puisqu’il comptait voyager le 4 juillet pour se rendre en France, où résident son fils et son épouse, celle-ci, française, n’ayant pas le droit de se rendre en Palestine, comme l’ont décrété les services israéliens. Selon nos informations, il a été immédiatement menotté et emmené au sinistre centre d’interrogatoire de Moskobiyeh, connu pour ses cellules en sous-sol et ses séances de torture, même si Israël prétend ne pas pratiquer de telles méthodes. Salah Hamouri a été interrogé dans ce centre, mercredi soir, pendant une heure.

Jeudi matin, le juriste franco-palestinien a été présenté devant un juge civil (Israël, ayant annexé la partie orientale de Jérusalem, estime que ce territoire n’est pas palestinien et donc ne fait pas intervenir des juges militaires lorsqu’il s’agit de Palestiniens de Jérusalem-Est, comme c’est le cas pour Salah Hamouri). Une audience qui, n’était la gravité de ce qui s’apparente à une atteinte aux droits d’un homme, ressort plus de la farce qu’autre chose. Mahmoud Hassan, l’avocat de Salah Hamouri, a expliqué à l’Humanité que les Israéliens « soupçonnent Salah d’être membre d’une organisation interdite et, dans ce cadre, d’avoir des activités ». Un simple soupçon se transforme donc en emprisonnement.

Pourquoi ? a demandé Mahmoud Hassan. La réponse du juge est certainement digne de figurer dans les annales judiciaires mondiales. Résumons d’abord. Rien n’est officiellement reproché à Salah Hamouri, mais il est arrêté. Le magistrat a affirmé que les services de renseignements disposaient de témoignages datant du… mois de mars, mais ne les produit pas. Voilà ce qu’a dit en substance le juge : comme le prévenu est français et qu’il devait voyager vers l’Europe, samedi, les Israéliens avaient peur que Salah Hamouri ne revienne plus !

En réalité, le dossier est vide. C’est sans doute pour cela que des barbouzes israéliennes ont tenté, au mois de mai dernier, d’enlever Salah Hamouri, à Ramallah. Seule sa présence d’esprit et l’accent hébreu d’un des comparses ont permis à Salah Hamouri d’échapper à leurs griffes. Pourquoi de telles méthodes de voyous si le droit est de leur côté ?

Lors de l’audience d’hier, le juge a ordonné le maintien en détention de Salah jusqu’au 7 juillet. Son avocat a fait appel et la cour israélienne devrait donner sa réponse aujourd’hui. Un représentant du consulat général de France a pu assister à l’audience. Mais, pour l’instant, les autorités françaises sont bien silencieuses. On sait pourtant que la diplomatie discrète ne vaut rien s’agissant d’Israël. La preuve par ces arrestations à répétition. En août 2017, il s’était produit la même chose, peu avant son départ pour la France. Placé ensuite en « détention administrative », il n’a été libéré qu’un an plus tard.

De nombreuses voix s’élèvent déjà – des personnalités et des organisations – pour demander la libération immédiate et sans condition de Salah Hamouri, ainsi que l’intervention de l’Élysée. L’action est urgente. Avant qu’une détention administrative (renouvelable autant de fois que décidé) ne soit prononcée.

Pierre Barbancey

Communiqué Ligue des Droits de l'Homme

L’avocat franco-palestinien, Salah Hamouri, a été arrêté le 30 juin dernier à Jérusalem Est par la police israélienne dans un centre de santé où il allait faire un test pour la Covid-19, test obligatoire pour revenir en France rejoindre sa femme et son fils. Le 1er juillet, il a été placé en détention administrative jusqu’au 7 juillet, sans qu’aucun motif n’ait été mis en avant pour justifier son arrestation.

La Ligue des droits de l’Homme (LDH) dénonce le harcèlement dont est victime ce défenseur infatigable des droits des Palestiniens, rappelant qu’il a déjà passé abusivement neuf ans de sa vie en prison et n’a pas eu le droit de vivre à Jérusalem avec sa famille.

Elle condamne une nouvelle fois un système de détention administrative inique qui permet aux autorités israéliennes d’enfermer de façon arbitraire tout opposant et ainsi d’essayer de faire taire toute contestation politique.

La LDH ne cesse de dénoncer les violations systématiques du droit international par Israël.

Elle tient à témoigner, une fois encore, tout son soutien à Elsa Lefort, la femme de Salah Hamouri, à son fils, à sa famille et à ses amis et demande aux autorités françaises et européennes de peser de tout leurs poids pour obtenir sa libération immédiate.

Paris, le 3 juillet 2020

🔴 Action urgente : interpellez la diplomatie française 🔴
📩 Copiez le message ci-dessous pour demander la libération immédiate de Salah Hamouri
Monsieur le Consul,
ou Monsieur le Ministre des affaires étrangères,
ou Monsieur le Président de la République,
Le 30 juin 2020, notre compatriote, l’avocat franco-palestinien, défenseur des droits de l’homme, Salah Hamouri, a été arrêté à Jérusalem-Est par l’armée d’occupation dans un centre de santé. Les autorités militaires n’ont donné aucun motif à cette arrestation. Ce 1er juillet, le tribunal a prolongé sa détention jusqu'au 7 juillet.
Le Consulat n'a toujours pas eu de réponse à sa demande de visite de notre compatriote. Sans cette visite consulaire, Salah Hamouri est totalement isolé, pendant 7 jours, dans le centre d'interrogatoire de Moskobiyeh, tristement connu pour ces interrogatoires violents, tortures physiques et psychologiques.
L’arrestation de notre concitoyen est inadmissible et insupportable. Les autorités françaises ne doivent pas laisser passer une telle infamie. Cette situation doit cesser sans délai. La France doit exiger la libération de notre concitoyen qui subit une fois de plus l’arbitraire israélien.
Je vous demande d’œuvrer au nom de la France, pour la libération immédiate de Salah Hamouri.
Veuillez agréer, Monsieur, l’expression de ma haute considération.
cg-informations.jerusalem-fslt@diplomatie.gouv.fr
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4 juillet 2020 6 04 /07 /juillet /2020 06:13
[SÉNAT - INTERVENTIONS]

Quelle réponse de la France au projet d’annexion de la vallée du Jourdain par l’État d’Israël?

Le 24 juin 2020, un débat sur la Palestine a été organisé au Sénat à l'initiative du groupe communiste, républicain, citoyen et écologiste (CRCE). Christine PRUNAUD, sénatrice des Côtes d'Armor, et Pierre LAURENT, sénateur de Paris, sont intervenus à cette occasion. [VIDÉO]

Question de Christine PRUNAUD: Les Palestiniens subissent un niveau de violence croissant [LIRE]

Question de Pierre LAURENT: Seule une pression internationale d’ampleur peut arrêter ce projet [LIRE]

Commission International du PCF

Christine Prunaud Sénatrice des Côtes-d'Armor Membre de la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées Elue le 28 septembre 2014

Christine Prunaud Sénatrice des Côtes-d'Armor Membre de la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées Elue le 28 septembre 2014

Les Palestiniens subissent un niveau de violence croissant
Quelle réponse de la France au projet d’annexion de la vallée du Jourdain par l’État d’Israël ? -
Par / 24 juin 2020

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens à remercier la conférence des présidents et, en particulier, M. le président du Sénat et M. le président de la commission des affaires étrangères pour l’inscription à l’ordre du jour de ce débat.

Permettez-moi de commencer mon propos en citant des propos tenus en 2017 par M. Jean-Paul Chagnollaud, président de l’Institut de recherche et d’études Méditerranée Moyen-Orient : « Les gouvernements israéliens de ces dernières années ont tout fait pour tourner le dos à Oslo, accentuer leur contrôle sur la population palestinienne des territoires et accélérer, dans des proportions jusque-là jamais atteintes, la colonisation en Cisjordanie et à Jérusalem-Est avec l’obsession d’y établir, encore et encore, des faits accomplis qu’ils veulent irréversibles. La prochaine étape est l’annexion de tout ou partie de la zone C, ce qui est déjà une réalité de facto dans la vallée du Jourdain entièrement absorbée par le système de domination israélien. »

Je partage totalement cette analyse d’un statu quo qui dure depuis des années. Le niveau de la violence que subissent les Palestiniens s’amplifie. Une grande partie de la communauté internationale a considéré et juge malheureusement toujours acceptable ce niveau de violence, malgré des droits internationaux constamment bafoués.

Avant de poursuivre mon intervention, je tiens à vous préciser, mes chers collègues, que la défense de la Palestine et du droit international n’est pas la remise en cause de l’État d’Israël. Cette mise au point était nécessaire.

Le 28 janvier 2020, Donald Trump, aux côtés de Benyamin Netanyahou, dévoilait son plan de paix. En fait, il s’agit davantage d’un plan de guerre contre les Palestiniens. Les plus grandes puissances mondiales se sont seulement indignées de ce plan. Il était donc impensable pour les Palestiniens de coconstruire cette feuille de route qui ne leur laissait aucune place.

Très bientôt, le 1er juillet prochain, la Knesset pourrait se prononcer sur le plan Netanyahou, qui comprend l’annexion par Israël de la vallée du Jourdain. Celle-ci est déjà en grande partie sous le contrôle de l’État d’Israël et des colonies juives en Cisjordanie, devenues légales avec la bénédiction de M. Trump.

Sachant qu’Israël occupe au moins 85 % de la Palestine historique, il faut surtout avoir conscience que ce vote marquerait, à coup sûr, la mort d’une solution à deux États.

En ce sens, les propositions de Donald Trump sur la Palestine sont une provocation. Ainsi, la Maison-Blanche imposerait aux Palestiniens un État démilitarisé et non souverain, puisqu’il n’aurait de contrôle ni sur ses frontières ni sur son espace aérien.

Pire que tout, son territoire serait totalement morcelé. Ce qui est prévu, c’est bien un archipel d’une demi-douzaine de cantons, voire d’îlots – le vocabulaire employé pour décrire ces territoires est abondant –, séparés par des zones de territoire israélien et reliés entre eux par des routes, des tunnels, des ponts et des check-points ; il aurait une seule frontière directe avec un autre État, l’Égypte, mais il s’agirait, là encore, d’une frontière virtuelle, puisque sous contrôle israélien, et aux limites encore inconnues.

Poursuivons l’énumération du contenu dévastateur de ce plan : il ne sera plus question du retour des réfugiés et de leurs descendants, il sera possible de transférer administrativement entre 300 000 et 400 000 Palestiniens du « Triangle » et la résolution 194 de l’Assemblée générale des Nations unies ne sera pas appliquée, non plus que les autres, d’ailleurs : aucune résolution n’a été appliquée !

En monnaie d’échange, M. Trump propose aux Palestiniens une aide de 50 milliards de dollars pour l’économie et le logement, voire l’éducation – on ne sait exactement –, secteurs en partie sous contrôle israélien.

Quel sera l’avenir des Palestiniens des territoires occupés et bientôt annexés ? Vers où seront-ils expulsés de la terre où ils sont nés, où ils vivent et qu’ils font fructifier ? Sous quel statut de citoyen vivront-ils ?

Ne nous méprenons pas : c’est un peuple encore plus soumis à Israël qui se prépare. C’est la fin du mince espoir d’une solution où les Palestiniens seraient maîtres de leur territoire, en toute souveraineté, et de leur destinée.

Des voix s’élèvent néanmoins à travers la population israélienne, mais aussi au sein de l’armée et du renseignement, sur la provocation que constitue cette annexion. Cette prise de conscience se diffuse assez largement.

En témoigne la tribune parue dans Le Monde le 18 juin dernier : l’ont signée une cinquantaine de personnalités et d’organisations juives qui voient dans ce projet d’annexion un dévoiement du projet sioniste porté par David Ben Gourion.

Ce qui devait être un pays d’accueil et de refuge, démocratique et en paix avec ses voisins, s’est transformé depuis des années en un État agressif et discriminatoire.

En réponse au plan Trump, l’Autorité palestinienne a déjà annoncé la fin – du moins la remise en question – de la coopération sécuritaire qui est en place actuellement en Cisjordanie et permet de contenir autant que possible les violences entre chaque camp.

Politiquement – ce n’est pas à négliger dans la société israélienne –, cette annexion aurait pour conséquence que les Arabes palestiniens représenteraient environ 40 % de la population israélienne. Pour un gouvernement qui, il y a deux ans, a fait voter une loi sur « l’État-nation, État juif », cette décision constitue une source d’instabilité à l’intérieur même de ses frontières. Il faut rappeler le contenu de cette loi très grave : le droit à l’autodétermination des peuples est réservé à la population juive, la langue arabe est retirée de la liste des langues officielles, le caractère juif de l’État – État qui devient donc théocratique – est reconnu.

Nous essayons tous ici de persévérer dans la défense de la solution à deux États, du droit au retour des réfugiés palestiniens, du statut de Jérusalem comme ville internationale et capitale partagée des deux États : c’est le strict respect du droit international et des résolutions de 1947 créant l’État d’Israël et de 1967 en fixant les frontières.

Face à la présente situation, nous assistons pourtant aujourd’hui à une paralysie des Nations unies et de l’Union européenne, du fait des désaccords entre certains pays et de la frilosité des plus grandes puissances.

Les États occidentaux ne condamnent pas ce plan, mais affirment seulement qu’il est contraire au droit international et aux résolutions des Nations unies.

Je regrette que notre gouvernement se cache derrière la nécessité d’une action unanime des États européens, que l’on sait impossible en l’état, pour ne rien faire de concret pour la reconnaissance des droits du peuple palestinien et d’un État palestinien.

Accompagnons avec conviction et détermination nos amis palestiniens, mais également israéliens, dans l’espoir d’un avenir de paix, d’un avenir qui ne soit pas fondé sur la suprématie de certains et l’oppression des autres, mais sur la pleine égalité, la liberté, la dignité et les mêmes droits pour tous.

Monsieur le ministre, nous avons récemment évoqué ce dossier avec vous en commission des affaires étrangères : nous savions que nous nous retrouverions aujourd’hui pour ce débat ; je vous remercie de votre présence ce soir. Il reste quinze jours pour que notre pays riposte : c’est le mot que vous aviez alors employé et qui m’avait plutôt convenu. Mais quelle riposte ? Pourriez-vous au moins nous indiquer quelles mesures le Gouvernement compte mettre en œuvre ou, à défaut, quelles pistes il entend suivre ? Je vous remercie de votre attention et des réponses que vous saurez nous donner.

Pierre Laurent Sénateur de Paris Vice-président de la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées ; membre de la commission des affaires européennes Elu le 20 mai 2012

Pierre Laurent Sénateur de Paris Vice-président de la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées ; membre de la commission des affaires européennes Elu le 20 mai 2012

Seule une pression internationale d’ampleur peut arrêter ce projet
Quelle réponse de la France au projet d’annexion de la vallée du Jourdain par l’État d’Israël ? -
Par / 24 juin 2020

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme le disait à l’instant ma collègue Christine Prunaud, face au crime contre le droit international et le droit des Palestiniens qui se profile à partir du 1er juillet si Benyamin Netanyahou met à exécution son projet d’annexion, le temps des communiqués de presse et des déclarations de principes est passé : le temps est venu d’accompagner ces déclarations d’une riposte forte, déterminée et tenace dans la durée de la France, de l’Union européenne et des Nations unies contre un processus de colonisation et de sabotage des accords d’Oslo qui dure depuis trop longtemps sans réaction à sa mesure. Je ne parle pas ici de l’action des ambassadeurs de France qui se sont succédé à notre consulat de Jérusalem, qui ont toujours agi avec courage, mais de la nécessaire riposte du gouvernement de la France et de son Président de la République.

C’est pour entendre les voies choisies pour cette riposte que nous avons demandé ce débat, car seule une pression internationale d’ampleur peut arrêter le projet.

Adversaire farouche du processus de paix et de la solution à deux États, le Premier ministre israélien a tout fait pour les miner, pas à pas ; aujourd’hui, il veut porter le coup fatal.

Ne pas réagir, sinon par des mots, une fois de plus, ce serait nier le danger majeur encouru de toutes parts.

Danger encouru par les Palestiniens, dont le droit reconnu à vivre en paix dans leur État, avec Jérusalem comme capitale partagée, serait bafoué corne jamais.

Danger encouru par le droit international et la solution multilatérale agréée selon des paramètres reconnus par l’ONU, au moment même où le multilatéralisme fondé sur le droit est attaqué de toutes parts et laisse place à la loi du plus fort, à la politique du fait accompli par la force.

Danger encouru par la région, déjà à feu et à sang, par les pays arabes voisins, au premier rang desquels la Jordanie et sa population.

Danger encouru, enfin, par les Israéliens eux-mêmes, qui ne seraient plus, alors, les citoyens de l’État qu’ils espéraient, mais seraient enfermés par leurs dirigeants dans ce qui deviendrait un État d’apartheid, reléguant des millions de Palestiniens dans des bantoustans sans droit réel à la citoyenneté, un État dès lors durablement instable et connaissant plus d’insécurité que jamais.

Oui, nous avons le devoir de réagir avec force, au nom de la justice, de la paix et du droit !

Nous n’en pouvons plus, monsieur le ministre, de nos accommodements avec l’inacceptable au nom d’un prétendu réalisme. Où cela nous a-t-il menés ?

Quand les deux chambres du Parlement français ont voté la demande d’une reconnaissance de la Palestine par le Président de la République, on nous a dit que c’était trop tôt, puis qu’il fallait attendre le plan américain. Deux présidents ont passé et le scandaleux plan Trump est arrivé, qui donne son imprimatur à l’annexion après avoir coupé les vivres à l’Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNWRA), de manière à nier les droits des réfugiés, et validé le déménagement de l’ambassade américaine à Jérusalem.

Quand le plan Trump a été rendu public, vous l’avez condamné dans les mots, mais encore bien timidement au départ,…

M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l’Europe et des affaires étrangères. Pas vraiment !

M. Pierre Laurent. … comme s’il y avait encore matière à discuter, alors que ce plan visait clairement à fermer le ban d’une solution viable à deux États.

Quand des militants parlaient boycott des produits issus des colonies, désinvestissement, sanctions, ils ont été traînés devant la justice et leurs actes assimilés à de l’antisémitisme. Or la Cour européenne des droits de l’homme vient de condamner la France, par une décision du 11 juin dernier rétablissant ces militants dans leurs droits.

Oui, aujourd’hui, il faut clairement et fermement dire : « Stop ! » Il faut agir avant le 1er juillet. Il est déjà bien tard, diront certains ; en vérité, il ne sera jamais trop tard, car le combat pour le droit des Palestiniens ne cessera pas.

Si nous laissons Benyamin Netanyahou avancer, il le fera, car il est prêt à tout. Il est de la trempe de ces dirigeants extrémistes avec lesquels il s’entend si bien, de Trump à Bolsonaro ; qui sait s’il ne pactisera pas, demain, avec Erdogan pour se partager la région sur le dos des autres puissances et des Palestiniens, après avoir attisé le feu dans la région.

C’est en raison, aussi, de ces rapprochements troubles que nous refusons d’écouter l’argument qui voudrait que l’on s’abrite derrière la décision de refuser de s’engager dans des sanctions européennes prise par quelques pays emmenés par la Pologne et la Hongrie. Ne trouveriez-vous pas honteux, monsieur le ministre, que ces pays dont nous combattons les dérives antidémocratiques deviennent l’alibi de notre inaction, de l’inaction européenne ?

Oui, monsieur le ministre, nous attendons du Gouvernement et du Président de la République des actes forts. Des possibilités existent.

Nous devons agir à l’ONU et avec l’ONU, aux côtés de son secrétaire général et de la majorité des nations, et saisir le Conseil de sécurité pour exiger la condamnation qui s’impose.

Nous devons reconnaître l’État de Palestine. En ces circonstances, un tel geste dirait mieux que tout autre discours notre refus de l’impasse dramatique envisagée et déclencherait sans nul doute un mouvement international d’ampleur. En effet, il ne faut pas seulement s’opposer au plan d’annexion ; il faut du même coup contre-attaquer et relancer le processus inverse, vers la solution de paix à deux États.

Nous devons travailler avec Josep Borrell, pour proposer à l’Union européenne d’adopter des sanctions, notamment la suspension de l’accord d’association, mais aussi envisager la suspension des accords de coopération militaire et la réévaluation d’investissements impliqués dans le processus de colonisation.

Oui, monsieur le ministre, il est possible, il est urgent, il est conforme à nos valeurs d’agir. Tout nous commande de le faire, de la gravité de la situation sur place aux dangers de la situation internationale. Ne comptons pas sur une quelconque lassitude : les Palestiniens sont à bout et la région est une poudrière depuis longtemps, l’annexion n’annonce donc que le pire pour demain.

N’oublions pas les paroles de Yitzhak Rabin, quelques minutes avant d’être assassiné : « Nous avons fondé un peuple, mais nous ne sommes pas revenus dans un pays vide. » Sans cette promesse de reconnaissance et de respect mutuel, la paix n’adviendra pas.

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4 juillet 2020 6 04 /07 /juillet /2020 06:03
Cisjordanie :  L’occupation c’est la terreur ; l’annexion c’est l’apartheid - Tribune collective publiée dans l'Humanité
Vendredi, 26 Juin, 2020 - L'Humanité
Cisjordanie : « L’occupation c’est la terreur ; l’annexion c’est l’apartheid »

Nos voix pour la paix s’adressent à Emmanuel Macron, président de la République française, et Josep Borrell, haut représentant de l’Union européenne pour les Affaires extérieures et la politique de sécurité. Texte collectif.

 

L’annonce du plan Trump et la constitution du nouveau gouvernement israélien créent une situation nouvelle. Benyamin Netanyahou s’apprête à divulguer sa feuille de route le 1 er juillet en vue d’annexer la vallée du Jourdain et les colonies implantées, soit la moitié de la Cisjordanie. La terre palestinienne sera alors réduite à des sortes de « bantoustans », démilitarisés, sans continuité territoriale ni maîtrise des frontières. Parler d’État dans ces conditions est d’un cynisme révoltant.

Le pillage colonial légalisé

Le « deal du siècle » imposé par Donald Trump et Benyamin Netanyahou est l’acte de délinquants internationaux. Il entérine l’impunité des autorités d’Israël et le régime d’apartheid issu notamment de la loi État-nation, il enterre la solution à deux États et constitue un coup de force inacceptable contre la légalité internationale, la justice et le respect des droits humains. D. Trump et B. Netanyahou légalisent le pillage colonial et attisent les tensions dans une région déjà meurtrie. Le peuple palestinien est sommé d’accepter que son destin soit scellé sans sa participation.

Ce plan constitue une nouvelle grave violation des droits des Palestiniens, il n’amènera aucune paix mais, au contraire, quoi qu’il advienne, il ne fera qu’aggraver une situation insupportable pour les Palestiniens, mais aussi à terme pour le peuple israélien. Aucun plan n’aboutira s’il ne tient pas compte des intérêts des Palestiniens et des Israéliens, conformément au droit international.

Des décennies de lutte

En Israël et dans le monde, la mobilisation grandit pour empêcher l’annexion et l’application du projet destructeur de D. Trump. Les responsabilités de la France et de l’Union européenne sont dans ce cadre immenses. Il serait inadmissible, comme cela se profile, d’en rester à des déclarations de principe sans adopter des actes forts.

Il a fallu des décennies de lutte des mouvements de libération nationale face au colonialisme pour que la charte des Nations unies s’impose pour tenter de bâtir un monde de paix. Ne pas faire respecter les résolutions de l’ONU sur la Palestine, c’est se rendre complice de la désintégration du droit international et de la justice. En cela, Paris doit prendre l’initiative d’un vote au Conseil de sécurité.

Sans ambiguïté aucune, la France et l’Union européenne doivent condamner toute idée d’annexion et reconnaître immédiatement l’État de Palestine dans ses frontières de 1967 avec Jérusalem-Est comme capitale. L’unanimité requise des États de l’Union européenne (UE) n’est qu’un irrecevable prétexte dilatoire.

Une paix juste

Sans attendre, des sanctions doivent être adoptées contre l’État d’Israël comme la suspension de l’accord d’association avec l’UE ou la coopération militaire. Il en va de même pour les entreprises qui maintiennent des relations d’affaires avec les colonies, ainsi que l’interdiction d’importer des produits des colonies. Ces exigences sont désormais portées par des voix de divers horizons.

Suspendre et contrecarrer toute perspective d’annexion par des sanctions immédiates, agir pour le plein respect du droit international et la reconnaissance de l’État de Palestine afin de permettre aux Palestiniens d’exercer leur droit à l’autodétermination contribueront à faire reculer la politique du fait accompli et la violence guerrière que B. Netanyahou et D. Trump exaspèrent. C’est la condition d’une paix juste et durable indispensable aux peuples palestinien et israélien, aux peuples de la région et du monde entier.

La liste complète des signataires

Gilbert ACHCAR professeur, université de Londres

Martine ADDED enseignante retraitée, animatrice PCF à Blagnac

Gadi ALGAZI historien, université de Tel Aviv

Tewfik ALLAL  militant associatif

Paul ALLIES professeur des Universités

Jean-Loup AMSELLE anthropologue à l'EHESS

Evelyne ANDRE citoyenne de Saint-Denis

Eliane ASSASSI sénatrice de Seine Saint-Denis, présidente du groupe communiste, républicain, citoyen et écologiste (CRCE)

Henri AUSSEIL

Bertrand BADIE professeur émérite des universités à l'IEP-Paris

Myriam BARBERA BOYER députée honoraire, journaliste

Mustapha BARGHOUTI Secrétaire général de l’Initiative nationale palestinienne

Anne BAUDONNE

Cyril BENOIT membre de la coordination nationale du MJCF

Henri BERTHOLET ancien député

Omar BESSAOUD enseignant-chercheur en économie

Danielle BIDARD-REYDET Sénatrice honoraire

Isabelle BLOCH professeure émérite - université de Bordeaux

David BLUMENTAL

Jean-Pierre BOSINO maire de Montataire, conseiller départemental de l'Oise et ancien sénateur

Alain BOUVIER cadre d’entreprise retraité, militant du PCF

Rony BRAUMAN médecin, essayiste

Nadine BRIATTE retraitée

Corinne BRUNN médecin retraitée

Marie-George BUFFET députée de Seine-Saint-Denis, ancienne ministre

Maurice BUTTIN avocat honoraire, président d'honneur du CVPR PO

Mathilde CAROLY maire-adjointe PCF à Saint-Denis

Monique CERISIER BEN GUIGA sénatrice honoraire

Gérard CHAOUAT syndicaliste FSU, membre d'Ensemble

Alain CHOLLON journaliste

Laurence COHEN sénatrice du Val-de-Marne (CRCE)

Max COIFFAIT journaliste honoraire

Marie-José COLLET retraitée

Jean-Louis COMOLLI cinéaste, écrivain

Antoine COMTE avocat à la Cour

Jacqueline COUSTENOBLE retraitée

Janine COUX

Annie CYNGISER retraitée sociologue

Christiane DARDE consultante

Léon DEFFONTAINES secrétaire général du MJCF

Michel DELPACE

Jacqueline DERENS ancienne militante contre l'apartheid

Michel DIARD journaliste, syndicaliste, docteur en sciences de l’information et de la communication

Michel DOLOT pacifiste

Xavier DUBOIS conseiller municipal de Maubeuge

Bernard DUPIN militant associatif

Gérard FILOCHE porte-parole de la Gauche démocratique et sociale (GDS)

Pierre FLAMENT militant du Mouvement de la Paix en Seine-Saint-Denis

Jean-Luc FLAVENOT agent territorial, militant CGT et PCF

Léo GARCIA membre de la coordination nationale du MJCF

Fabien GAY sénateur de Seine-Saint-Denis (CRCE)

Olivier GEBUHRER co-animateur d'Une Autre Voix Juive

Pierre GETZLER

Marcel GHESQUIERE citoyen engagé pour la Palestine, membre de l'UJFP et de EuroPalestine

Marc GICQUEL militant de la solidarité internationale

Gérard GUERIN ingénieur agronome, retraité

Bertrand HEILBRONN président de l'Association France Palestine Solidarité (AFPS)

Adrien HELARY membre de la coordination nationale du MJCF

Françoise HILY membre de la section PCF de Nangis

Yves JARDIN professeur retraité, militant de la cause palestinienne

Jean-Pierre JOUSSANT cellule Bossel-Riou du PCF, quartier château-rouge Paris 18

Denise KARNAOUCH

Theo KECECIOGLU membre de la coordination nationale du MJCF

Mohammed KHATIB résistance populaire et non violente palestinienne

Jacqueline KISSOUS responsable associative AFPS

Robert KISSOUS économiste

Danielle LAMBERT retraitée de l'assurance

Françoise LAPIERRE ATHON retraitée, compagnon de route du PCF

Pierre LAURENT sénateur de Paris, vice-président de la commission des Affaires étrangères au Sénat

Ivan LAVALLEE docteur d'état es sciences, pupille de la Nation

Clémentine LE DUEY membre de la coordination nationale du MJCF

Méline LE GOURRIEREC membre du collectif Palestine du PCF

Christian LE GOURRIEREC responsable de l'AFPS Montreuil

Patrick LE HYARIC directeur du journal L'Humanité

Aurélie LE MEUR membre du collectif Palestine du PCF

Renée LE MIGNOT co-présidente du MRAP

Patrice LECLERC maire de Gennevilliers

Jean-Paul LECOQ député de Seine-Maritime, membre de la commission des Affaires étrangères

Pascal LEDERER physicien, co-animateur d'Une Autre Voix Juive

Jean-Claude LEFORT député honoraire

Léonard LEMA membre de la coordination nationale du MJCF

Daniel LESAGE

Jacques LEWKOWICZ Union des juifs pour la résistance et l'entraide (UJRE)

Nathalie L'HOPITAULT membre du collectif Palestine du PCF

Mélanie LUCE présidente de l'Unef, syndicat étudiant

Paulina MACIAS GONZALEZ psychanalyste

Patrick MARGATE militant du PCF

Claude et Simone MAZAURIC historien et philosophe, professeurs honoraires des universités

Fabienne MESSICA secrétaire générale adjointe de la LDH

Michel MULLER ancien agent diplomatique, journaliste retraité

Camille NAGET

Roland NIVET porte-parole national du Mouvement de la Paix

Josette PAC

Jeanne PECHON membre de la coordination nationale du MJCF

Gilles PERRAULT écrivain

Pierre PETER retraité

Stéphane PEU député de Seine-Saint-Denis

Ernest PIGNON-ERNEST  artiste plasticien

Boris PLAZZI secrétaire confédéral de la CGT chargé de l'International

Raphaël PORTEILLA enseignant, Université de Bourgogne

Françoise POTEAU retraitée de l'Education nationale et élue

Christine PRUNAUD sénatrice des Côtes-d'Armor

Bernard RAVENEL historien

Michel RIZZI cadre à la RATP

Fabien ROUSSEL député du Nord, secrétaire national du PCF

Alain ROUXEL

Alain RUSCIO historien

Laurent RUSSIER maire de Saint-Denis

Lydia SAMARBAKHSH responsable des relations internationales du PCF

Claude SARCEY

Aurore SARDA retraitée de l'Education national, syndicaliste dans la FSU et le SNUipp

Leila SHAHID ex Déléguée Générale de Palestine en France et auprès de l'Union européenne

Kobi SNITZ militant anticolonialiste israélien

Tauba-Raymonde STAROSWIECKI

Annie STASSE

Taoufiq TAHANI universitaire

Pierre TARTAKOWSKY président honoraire de la LDH

Jacques TESTART biologiste et essayiste

Eric THOUZEAU conseiller régional GDS des Pays de la Loire

Mathilde TRACLET membre de la coordination nationale du MJCF

Marie-Claude TREILHOU cinéaste

Dominique VIDAL journaliste et historien

Francis WURTZ député européen PCF honoraire

Natale ZICCHINA

Henriette ZOUGHEBI collectif 93 pour la libération des enfants palestiniens

Retrouvez l'intégralité des signataires ICI

Pour être signataire de cette lettre, merci d'envoyer un mail à collectif-palestine@pcf.fr en précisant votre qualité. Nous mettons à jour la liste le plus régulièrement possible.

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