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7 septembre 2020 1 07 /09 /septembre /2020 13:25

 

En cette année 2020, la pandémie du coronavirus a perturbé les marchés agricoles, réduit les ventes et fait chuter les cours. Parallèlement, la sécheresse qui dure en France depuis le printemps a réduit les rendements céréaliers et fourragers, ce qui augmente le prix de revient de chaque litre de lait comme de chaque kilo de viande. Mais, comme l’offre mondiale de produits alimentaires dépasse en volume la demande solvable, les prix demeurent anormalement bas au départ de la ferme pour les céréales, le lait et la viande. Voilà ce qu’il conviendrait de corriger dans le cadre de la réforme de la Politique agricole commune (PAC) à venir si on veut tirer les leçons de la pandémie en cours et agir aussi pour réduire le bilan carbone de l’agriculture dans l’Union européenne.

Nous évoquions hier, le contenu du communiqué publié par le ministre de l’Agriculture, suite à la rencontre de Coblence le 1 er septembre avec ses collègues des autres pays membres de l’Union européenne. Julien Denormandie exprimait notamment le souci de voir se développer en Europe la culture des protéines végétales comme le soja, ce qui suppose un soutien plus prononcé en faveur de ces cultures au niveau communautaire. Cela permettrait aussi de réduire le bilan carbone de l’agriculture en réduisant, au fil des ans les importations de graines et de tourteaux de soja dont l’Europe importe chaque année 34 millions de tonnes pour nourrir le bétail, tandis que le blé français est de plus en plus difficile à exporter vers les pays tiers en raison d’un taux de protéines inférieur à ceux des blés de Russie et d’Ukraine. Au-delà des aliments du bétail, l’Europe agricole peut et doit aussi produire plus de protéines végétales pour la consommation humaine en augmentant les superficies consacrées aux légumes secs de la lentille, le pois chiche et les haricots secs.

 

L’agriculture des Pays Bas leader mondial en émissions de CO2

Quand on regarde comment évoluent les exportations de produits agricoles en Europe, on découvre que les Pays Bas ont dégagé en 2019 un excédent agricole de 13,7 milliards d’euros contre seulement 4,2 milliards pour la France, laquelle n’arrive qu’au cinquième rang. Sur une superficie 11 fois plus faible que la France, les Pays Bas produisent beaucoup de lait de viandes bovines, porcines et de volailles, de légumes de serre. Pour nourrir les élevages, cela passe par des importations massives de céréales et de tourteaux. À ce titre les Pays Bas sont la nation européenne qui, indirectement, participe le plus à la déforestation de l’Amazonie. Dès lors, c’est aussi le pays européen dont le bilan carbone est le plus élevé pour chaque litre de lait et chaque kilo de viande produits sur son sol.

Tous pays confondus, l’Union européenne aurait dégagé un excédent agricole de 33,7 milliards d’euros en 2019, contre 28 milliards en 2018. Mais cet excédent provient surtout des exportations de produits laitiers et de viande porcine, ce qui renvoie aux importations d’aliments du bétail, à commencer par les tourteaux de soja. La Chine est la principale destination des viandes porcines européennes et elles se sont beaucoup accrues depuis deux ans car la peste porcine africaine a fait reculer considérablement la production chinoise.

 

Un prix du lait en forte baisse depuis la fin des quotas

Nous voyons aussi qu’il ne suffit pas d’exporter beaucoup de produits agricoles vers des pays lointains pour permettre aux producteurs de dégager un revenu décent de leur travail. Quand ils vendent du lait de vache, les éleveurs doivent se contenter du prix que leur propose l’entreprise de collecte. Selon l’analyse de Benoît Rouyer, de l’Interprofession laitière, publiée dans « La France Agricole » de cette semaine, « au mois de juin, le prix de base du lait de vache conventionnel s’élève à 322 € les 1 000 litres, soit 10 € de moins sur un an ». Mais c’est surtout 50 € de moins qu’en 2013, avant dernière année de la régulation de la production européenne que permettaient les quotas par pays. Ils avaient été mis en place en 1984 et ont été supprimés en 2015 par les pays membres de l’Union sur proposition de la Commission dans le but déclaré d’accroître les exportations vers les pays tiers.

Dans le secteur des bovins allaitants, la France détient le plus gros troupeau d’Europe avec quelque 3,8 millions de mères dans des races prestigieuses comme la charolaise, la limousine, la blonde d’Aquitaine, la salers et l’Aubrac. Mais les éleveurs souffrent comme jamais. Le prix du kilo vif des broutards vendus au moment du sevrage aux alentours de 8 à 9 mois pour être engraissé en Italie ou ailleurs était de 3,20 € le 31 août à Cholet contre 3,42 € un an plus tôt. En production laitière comme en production de viande bovine, la sécheresse qui dure depuis la fin de printemps dans les zones d’élevage dans la majeure partie du pays, et plus encore dans le grand Massif Central, augmente sensiblement et durablement les coûts de production.

Dans ce domaine, la situation ne devrait pas s’améliorer. Si la filière laitière européenne, tous produits et tous pays confondus ont dégagé et excédent de 22 milliards d’euros, suivi par la filière porcine avec 10 milliards, il apparaît que ce n’est pas le cas pour la filière bovine et celle de la volaille. En volailles justement la chute des ventes de foie gras et des magrets de canard suite à la fermeture prolongée suivie d’une reprise incertaine dans les restaurants s’est traduite par un recul de 20,8 % des mises en place de canards gras dans les élevages français pour les quatre premiers mois de l’année.

 

Le pire peut arriver avec la réforme de la PAC

Avec la mondialisation des échanges, les prix agricoles peuvent doubler en quelques semaines en cas de risque de pénurie au regard de la demande solvable en volume. Mais il suffit que l’offre mondiale dépasse la demande de quelques points en blé, le maïs, le soja, viande bovine ou porcine pour que les prix de vente ne couvrent pas les coûts de production. C’est ce qui se passe en ce moment pour le blé tandis que les perspectives de récolte pour le maïs donnent actuellement la même indication. Voilà aussi pourquoi la prochaine réforme d la Politique agricole commune (PAC) devrait être fondée sur la recherche d’une production européenne plus autonome. Ce qui, dans un pays comme la France, doit se traduire par moins de blé en superficie et davantage de protéines végétales. Ce qui suppose aussi des aides européennes mieux ciblées pour atteindre cet objectif.

Mais quand on voit les contradictions entre « Le pacte de vert pour l’Europe » et « la stratégie « De la ferme à a table » les deux textes publiés par la Commission, on peut craindre le pire dans ce domaine. D’autant plus que le premier texte est porté par le néerlandais Frans Timmermans, premier vice-président de la Commission !

Gérard Le Puill

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5 septembre 2020 6 05 /09 /septembre /2020 06:43
Liban: Emmanuel Macron multiplie les ingérences pour assurer la pérennité d'un système corrompu et criminel - Analyses de Pascal Torre, Pierre Barbancey et interview Hanna Gharib, secrétaire du parti communiste libanais,
Liban: Emmanuel Macron multiplie les ingérences pour assurer la pérennité d'un système criminel

 

Dans la continuité du style post-colonial de sa première visite, Emmanuel Macron s'est de nouveau rendu au Liban. Alors que le pays s'enfonce dans la faillite, provoquée par une crise profonde et multidimensionnelle, la classe dirigeante s'efforce de survivre voire d'en sortir renforcée.

Depuis plusieurs mois, le Liban est confronté à une paralysie économique et financière aggravée par la pandémie de Covid-19. L'effondrement de la livre, la destruction de l'appareil productif et des infrastructures résultent de la corruption, de la gabegie de dirigeants politiques prédateurs et sectaires. L'explosion dévastatrice du port de Beyrouth qui a détruit une partie de la capitale témoigne de cette incurie. Partout la pauvreté extrême s'accroît tandis que les couches moyennes sont laminées. Pour contrecarrer la colère sociale qui ne cesse de s'exprimer, le système en place joue des rivalités confessionnelles, intensifie les dérives autoritaires de l’État et la répression des manifestations.

S'appuyant sur la détresse de la population et son désir de changement profond, E. Macron qui cherche à retrouver une influence au Moyen-Orient, multiplie les ingérences. Il a appelé de ses vœux la constitution d'un gouvernement d'"unité nationale" afin d'entreprendre les réformes austéritaires exigées par les institutions financières internationales dont le FMI. En dépit de ses proclamations pour bousculer l'appareil politique, E. Macron tente de consolider un système criminel que le peuple libanais rejette massivement. Tous les partis politiques libanais liés au pouvoir ne s'y sont pas trompés et ont répondu à cet appel en nommant comme premier ministre Mustapha Abid. Cette personnalité, issue du sérail, a la confiance des milieux financiers pour conduire quelques réformes permettant de débloquer les fonds internationaux dont les dirigeants actuels ont besoin pour gagner du temps et survivre sans toucher au système. Des milliers de manifestants ont dénoncé cette collusion entre Paris et la classe dirigeante.

Les organisations non confessionnelles et démocratiques, dont le Parti communiste libanais, s'efforcent aujourd'hui de transformer en force politique cette contestation en élaborant une plateforme alternative. La création d'un État laïc, civil et démocratique en constitue la pierre angulaire avec le développement d'une économie productive. Ces choix sont aussi une condition impérative pour mettre un terme aux ingérence turques et iraniennes qui ne manquent pas de s'exprimer.

Dans ce combat, le peuple libanais peut compter sur la solidarité sans faille du Parti communiste français.


Pascal TORRE
responsable adjoint du secteur international du PCF
chargé du Maghreb et du Moyen-Orient

Liban. Macron sauve les partis confessionnels
Mardi 1 Septembre 2020 - L'Humanité

Quelques heures avant l’arrivée du président français à Beyrouth, un nouveau premier ministre a été nommé, actant ainsi la stratégie régionale de Paris. Décryptage.

 

Les tenants du pouvoir confessionnel au Liban ont eu chaud. Sur la sellette depuis le 17 octobre, avec un mouvement sans précédent réclamant la chute de ce régime communautaire, et plus encore depuis l’explosion meurtrière du 4 août, ils ne savaient plus vraiment comment s’en sortir. À tel point qu’aucun dirigeant de ces six grands partis n’avait osé mettre le nez dehors et se rendre sur les lieux du drame, au milieu d’une population meurtrie et en colère. Leur avenir ne tenait qu’à un fil. Soudain, comme par magie, eux jusque-là divisés en deux camps, mouvement du 8 mai d’un côté, mouvement du 14 mai de l’autre, se sont entendus en une journée pour nommer un premier ministre. Et ce juste quelques heures avant l’arrivée à Beyrouth d’Emmanuel Macron.

Mustapha Adib devient donc chef du gouvernement libanais. « L’heure est à l’action », a-t-il déclaré, s’engageant à constituer rapidement une équipe formée d’experts et de personnes compétentes qui mènerait « immédiatement des réformes ». Aucune surprise à attendre puisque ces réformes auront « comme point de départ un accord avec le Fonds monétaire international », a-t-il dit. Pas très étonnant.  Comme la nomination de cet homme, jusque-là ambassadeur en Allemagne, mais auparavant chef de cabinet du premier ministre Najib Mikati, un milliardaire de Tripoli (ville qui possède l’un des plus hauts taux de pauvreté au Liban), accusé par un procureur d’être impliqué dans des magouilles financières. C’est dire qu’en réalité, il vient du sérail.

La stratégie française se met donc en place avec la tentative de Paris de devenir l’élément clé de résolution des problèmes. L’ambassadeur de France au Liban était auparavant en poste en Iran. Emmanuel Macron se rend dès mercredi en Irak, où, selon nos informations, il devrait discuter avec le premier ministre irakien, Moustafa al-Kazimi, des relations économiques entre la France et l’Irak, et des tensions avec la Turquie. On prête au président français l’intention de proposer la tenue d’une conférence internationale consacrée à l’Irak. La France se positionnerait ainsi en médiateur entre Téhéran et Washington, deux acteurs largement présents en Irak. D’où cet investissement hors du commun au Liban, chacun des partis confessionnels ayant un pied (voire plus) dans la problématique régionale. Qui avec l’Iran, qui avec l’Arabie saoudite, qui avec les États-Unis. Et tous, en parole, avec la France (bien que celle-ci manœuvre pour que le secteur de l’énergie ne se retrouve pas dans les mains des proches du président Aoun), l’ombre de la Syrie planant comme il se doit, alors qu’Israël, ennemi déclaré du Hezbollah libanais, renforce et normalise à marche forcée ses relations avec un certain nombre de pays arabes.

Les contestataires libanais du 17 octobre (lire notre édition du 30 août) dénoncent les manœuvres en cours et ne se font aucune illusion. « C’est un compromis pour maintenir le régime, mais c’est un gouvernement qui ne répondra pas aux revendications du 17 octobre », dénonce Tarek Ammar, de Beirut Madinati. Cerise sur le gâteau, le président (chiite, comme le veut la Constitution) du Parlement, Nabih Berri, en poste depuis… 1992, appelle maintenant à « changer le système confessionnel (…) source de tous les maux » ! En rendant visite à la diva libanaise Fayrouz, dès son arrivée, hier soir, Emmanuel Macron pouvait effectivement avoir une attitude lyrique.

Photo Hanna Gharib, secrétaire général du Parti communiste libanais, L'Humanité, 30 août 2020

Photo Hanna Gharib, secrétaire général du Parti communiste libanais, L'Humanité, 30 août 2020

Hanna Gharib : « Il faut créer un État civil, laïque et démocratique »
Dimanche 30 Août 2020 - L'Humanité

Hanna Gharib, l’un des rares partis libanais non confessionnels, le parti communiste s’engage avec toutes les forces disponibles pour en finir avec ce système politique. Entretien avec Hanna Gharib, Secrétaire général du Parti communiste libanais. Envoyé spécial.

Quelle est la situation, quatre semaines après l’explosion ?

Hanna Gharib Pendant ces six années, il y a eu quatre gouvernements différents et deux parlements. Personne n’a accordé d’importance au transfert de ces substances chimiques du port de Beyrouth vers une zone non peuplée. Cette classe politique a tué les gens et a fait exploser le pays. Ils n’ont arrêté que des fonctionnaires, au lieu de s’en prendre aux vrais responsables. Personne ne veut assumer la responsabilité. Pourtant, il s’agit bien de corruption.

Le 8 août, une grande manifestation s’est déroulée. Nous étions avec ceux qui demandaient la fin du régime confessionnel, d’en finir avec l’élite au pouvoir, et qui se sont trouvés face aux forces de sécurité. Mais nous étions également avec ceux qui s’insurgeaient contre les interventions extérieures, comme l’ingérence du président français, Emmanuel Macron. Avec le soutien des États-Unis, celui-ci a proposé la formation d’un gouvernement d’union nationale. Ces trente dernières années, la France a soutenu tous les gouvernements libanais, pas seulement politiquement, mais également financièrement. Autant d’argent qui a fini dans les poches de ceux qui gouvernent.

Pourquoi Emmanuel Macron se rend-il au Liban ce lundi ?

Hanna Gharib Macron cherche à ce que la France retrouve une position forte au Moyen-Orient. Parce qu’il sait que bien d’autres forces internationales interviennent dans la région. Il faut évoquer le rôle des Américains, mais aussi des Iraniens. Maintenant, il y a la Turquie, qui s’agite beaucoup au Liban.

Avec les forces de la révolution du 17 octobre, nous lui préparons un bel accueil pour lui dire que nous sommes contre ses plans pour le Liban, que nous sommes contre un gouvernement d’union nationale qui permettrait aux mêmes de rester en place. Et, comme lorsqu’il est venu, le 6 août, nous exigerons de nouveau la libération du militant communiste Georges Ibrahim Abdallah, emprisonné en France depuis trente-six ans et qui est libérable depuis 1999.

Quelles sont les propositions, notamment de la part des forces issues ou qui ont participé aux manifestations du 17 octobre ?

Hanna Gharib Nous proposons d’abord la création d’un gouvernement qui permette d’aller vers une nouvelle ère. Celui-ci devrait être constitué de personnalités non membres de ces partis confessionnels au pouvoir et hors de l’élite politique. Un gouvernement qui puisse avoir des prérogatives législatives pour une période limitée. Qu’une nouvelle loi électorale soit édictée qui ne tienne plus compte des confessions et que le Liban soit considéré comme une seule circonscription dans le cadre d’un scrutin à la proportionnelle. Il convient également d’avoir un organe judiciaire réellement indépendant. Il faut que les juges puissent arrêter les véritables responsables. Et que, au lieu d’un État confessionnel, soit créé un État civil, laïque et démocratique. De plus, il faut réfléchir à la mise en place d’une économie productive et non plus basée sur les importations, ce qui permettrait de créer des emplois. L’émigration augmente, tout comme le chômage et le nombre de cas de Covid-19, mais le pouvoir d’achat diminue.

Ces questions avancent-elles parmi les forces du changement ? Qui discute ?

Hanna Gharib Depuis le début du mouvement du 17 octobre, nous avons fait des propositions autour de la construction d’un nouvel État, civil, laïque, démocratique. Il s’agit pour chacun de se positionner : qui est contre un État confessionnel et qui est pour ? Qui est pour un État de la justice sociale et qui est contre ? Qui considère Israël comme ennemi et qui ne le considère pas ?

Nous avons rencontré beaucoup d’obstacles, mais il y a des avancées. Nous avons ainsi pu organiser une « réunion du changement » avec cinq partis non confessionnels et des personnalités spécialisées en sociologie, en économie, d’anciens ministres, des journalistes… Il y a aussi une union de plusieurs forces, rassemblant notamment une cinquantaine de groupes de jeunes qui organisent des actions dans la rue auxquelles nous participons. Nous accordons aussi une place particulière aux questions sociales et donc aux relations avec les syndicats. Notre but est d’aider à ce que toutes ces forces, disparates mais ayant le même but, se regroupent.

Enfin, avec Charbel Nahas du mouvement Citoyennes et citoyens pour le changement, et le député nassérien Oussama Saad, nous travaillons à la mise en place d’une force porteuse d’un programme alternatif, qui serait celui du gouvernement non confessionnel et doté de pouvoirs législatifs que nous voulons mettre en place. Il nous faut maintenant être plus précis sur les organisations et les personnalités qui en feraient partie, afin d’en faire l’annonce publique. Ce qui serait une grande avancée pour le mouvement révolutionnaire, puisque cette proposition serait face à celle des partis confessionnels qui essaient de se mettre d’accord rapidement pour garder le pouvoir.

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5 septembre 2020 6 05 /09 /septembre /2020 06:28
Les Israéliens veulent expulser Salah Hamouri (L'Humanité, Pierre Barbancey, 4 septembre 2020)
Les Israéliens veulent expulser Salah Hamouri
Vendredi 4 Septembre 2020
Le ministre israélien de l’Intérieur veut annuler le titre de résident permanent de l’avocat franco-palestinien. Il est pourtant né Jérusalem où il a toujours vécu. Une mesure politique qui, si elle était appliquée, le contraindrait à quitter sa terre natale. Il est décidé, avec ses soutiens, à ne pas se laisser faire.
 

Les autorités israéliennes, une fois de plus, harcèlent Salah Hamouri. L’avocat franco-palestinien a été convoqué le 3 septembre au centre d’interrogatoire de Moskobiyeh, à Jérusalem. Là, une lettre signée du ministre de l’Intérieur, Aryé Deri, lui a été remise. Le ministre de Netanyahou y fait part de sa décision de retirer purement et simplement la carte de résidence permanente de Salah Hamouri, seul papier officiel lui permettant de vivre, chez lui, à Jérusalem.

Il invoque pour cela, ce que les Israéliens appellent la Loi sur l’Entrée (Law of Entry). Celle-ci, édictée en 1952 visait les personnes de nationalités étrangères désireuses d’obtenir un permis de résidence en Israël. Après l’occupation de Jérusalem-est en 1967 et l’annexion de ce territoire, les autorités israéliennes ont décidé d’appliquer cette loi aux Palestiniens vivant dans la partie orientale de la ville, en leur « offrant » le même statut que des étrangers, à savoir acquérir le statut de résident permanent ! Un statut qui, de plus, n’est pas automatiquement transmissible à ses enfants ou au conjoint non-résident et peut être annulé à la discrétion du Ministère de l’Intérieur. Cerise sur le gâteau, les Palestiniens ayant le statut de résidents permanents peuvent demander la nationalité israélienne. Ce que pratiquement aucun ne fait. D’abord parce que ce serait reconnaître l’occupation et partager l’idée que Jérusalem-est appartiendrait à Israël. Ensuite, acquérir cette nationalité oblige à faire serment d’allégeance à Israël, la puissance occupante. Depuis 1995, de nombreuses révocations du statut de résident ont eu lieu sous plusieurs prétextes, notamment en arguant que la résidence principale était faussement Jérusalem ou qu’ils étaient absents depuis trop longtemps. La construction du mur a également placé de nombreuses familles en dehors des nouvelles délimitations de Jérusalem qui se sont retrouvées arbitrairement en Cisjordanie. D’autres annulations ont eu lieu pour non-respect de «l’obligation minimale de loyauté envers l’État d’Israël ».

Le ministre israélien estime que Salah Hamouri utilise sa position de résident d’Israël pour agir contre cet État. Il évoque sa condamnation à sept ans de prison mais s’appuie aussi sur la détention administrative d’un an (en 2018-2019) alors qu’aucun procès n’a eu lieu et que les dossiers étant secrets, nul ne sait officiellement pourquoi celui qui est maintenant un avocat des droits de l’homme a été enfermé. On pourra également remarquer que ce ministre, Aryé Deri, né en 1959 à Marrakech, au Maroc donc, dénie à Salah Hamouri, né en 1985 à Jérusalem, en Palestine donc, de vivre sur la terre où il a vu le jour !

Autant dire que si cette mesure est appliquée, que le statut permanent de résident est annulé, Salah Hamouri sera obligé de quitter la Palestine. En effet, selon les accords d’Oslo, les Palestiniens de Jérusalem ne dépendent pas de l’Autorité palestinienne mais d’Israël. En clair, ils ne sont pas reconnus comme Palestiniens. Toute installation ailleurs qu’à Jérusalem où de quiconque n’est pas israélien, y compris à Ramallah, nécessite donc l’obtention d’un visa de la part d’Israël. Qui peut donc refuser. C’est déjà le cas pour l’épouse de Salah Hamouri qui ne peut plus se rendre ni en Israël ni dans les territoires palestiniens en vertu d’une décision discriminatoire.

Comme le fait remarquer l’organisation de défense des droits de l’homme Human Rights Watch (HRW) dans un article publié sur son site en 2017 : « Les révocations du statut de résident forcent souvent les habitants palestiniens de Jérusalem-Est – qui sont pourtant en théorie protégés par les obligations incombant à toute puissance occupante dans le cadre de la Quatrième Convention de Genève – à quitter le territoire dans lequel ils habitent. Cela constitue des transferts forcés quand elles provoquent un déplacement vers d’autres parties des Territoires Palestiniens Occupés et des déportations quand le déplacement se produit vers l’extérieur du pays. La Convention autorise de telles mesures uniquement à titre temporaire en cas d’« impérieuses raisons militaires » (art. 49). »

Israël, qui avait de nouveau arrêté Salah Hamouri le 30 juin alors qu’il se trouvait dans un centre médical pour y effectuer un test de Coronavirus, avait été contrainte de le relâcher sous la pression internationale, témoignant d’un dossier vide de preuves. La solution trouvée est maintenant d’empêcher Salah Hamouri de rester. Sans sa carte de résident permanent, il n’a plus comme pièce d’identité que son passeport français. Et voilà une nouvelle fois la « Loi sur l’Entrée » qui s’appliquerait à un homme qui est né là et y a toujours vécu ! Il a trente jours pour contrer cette mesure politique.

Communiqué du PCF:

A nouveau, Salah Hamouri subit les pressions du gouvernement israélien

Cette fois, il a reçu une lettre où le ministre de l'Intérieur, Arié Deri, du parti ultra orthodoxe Shass, lui notifie sa décision de lui retirer la carte de résidence permanente à Jérusalem.

L'obtention de cette carte est pour les Palestiniens de Jérusalem le seul moyen de pouvoir y vivre et y travailler; la lui retirer, c'est condamner Salah à l'expulsion vers la France alors qu'il est né à Jérusalem et qu'il y a construit sa vie.

Tous les prétextes sont bons pour vider Jérusalem-Est de ses habitants palestiniens et ces pratiques permettent au gouvernement israélien de continuer à coloniser cette partie de la ville en violation totale du droit international.

Le gouvernement français doit intervenir pour soutenir Salah Hamouri et exiger des autorités israéliennes que cessent toutes les intimidations et les pressions qui s'exercent sur lui.

La diplomatie française doit aussi arrêter de suivre aveuglement la stratégie Trump-Netanyaou en refusant leur plan unilatéral et en soutenant les Palestiniens pour la reconnaissance de leur droits conformément au droit international.

 

Parti communiste français
Paris, le 3 septembre 2020

Salah Hamouri en visite à Morlaix (photo Le Télégramme)

Salah Hamouri en visite à Morlaix (photo Le Télégramme)

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3 septembre 2020 4 03 /09 /septembre /2020 08:04

 

Ebru Timtik est morte en détention le 27 août, après 238 jours de grève de la faim. Elle exigeait la tenue d’un procès équitable. Elle appartenait à l’Association des avocats progressistes. Ceren Uysal dénonce les attaques en cours. ENTRETIEN.

 

Pourquoi les avocats en Turquie sont-ils souvent la cible du pouvoir ?

Ceren Uysal Tout d’abord, je tiens à souligner que nous ne discutons pas de quelque chose de nouveau. Dans l’histoire de la Turquie, les avocats, qui représentent les gens de gauche ou le peuple kurde, ont toujours été attaqués. Dans les années 1990, de nombreux avocats ont été abattus, enlevés ou torturés. Dans notre génération, la première opération de masse contre les avocats a été en 2011 : 45 collègues ont été arrêtés à la suite d’une opération de police et accusés d’être membres de KCK (Union des communautés du Kurdistan) simplement parce qu’ils étaient les avocats d’Abdullah Öcalan.

Plus tard, en 2013, la police a lancé une opération de masse contre l’Association des avocats progressistes à laquelle j’appartiens et 9 collègues ont été arrêtés. Ils ont également été accusés d’être membres d’une organisation terroriste. L’accusation du procureur était basée sur le profil de leurs clients. C’était un simple problème mathématique pour le procureur : « Vous représentez X nombre de personnes qui ont été accusées d’être membres de cette organisation, donc vous devez également en être membre. » Cette interprétation est une simple violation de tous les principes de la profession juridique. Ces procès sont tous deux en cours.

Les avocats sont attaqués en Turquie, parce que c’est nous qui sommes entre l’État et ses cibles.

Après l’état d’urgence, les attaques du gouvernement turc se sont élargies. Maintenant, ils attaquent simplement « quiconque » ne les soutient pas. En 2016, mon association a été interdite par un décret gouvernemental et accusée d’être en relation avec le terrorisme. À ce moment-là, nous avions plus de 2 000 membres ! Après l’interdiction, ils ont de nouveau fait une opération de police contre les avocats membres de l’association. Cette fois, ils en ont arrêté 17 du même bureau juridique, le « bureau du droit du peuple ». L’accusation est la même que précédemment.

Les avocats sont attaqués en Turquie, parce que c’est nous qui sommes entre l’État et ses cibles. L’État veut attaquer les prisons, l’environnement, les droits des travailleurs, etc. Et nous défendons le contraire et essayons d’éviter les dommages. Nous travaillons contre la torture, nous soutenons les femmes qui font l’objet de violences domestiques, nous défendons les familles des jeunes qui ont été abattus par la police, etc. Par conséquent, nous sommes une sorte d’ennemis publics.

 

Une nouvelle loi concernant les barreaux a été votée au début de l’été. Qu’en est-il ?

Ceren Uysal Le nouveau règlement met l’accent sur deux choses. Avant, nous avions un système très similaire avec l’Europe. Chaque ville a un barreau local et un barreau national. Le conseil exécutif du Conseil national du barreau est élu par les délégués des barreaux locaux. Maintenant, tout d’abord, si 2 000 avocats se réunissent et veulent établir un barreau, ils peuvent le faire. Cela n’aura pas d’effet sur les petites villes, mais pour les plus grandes comme Istanbul, Izmir, etc., à l’avenir, cela aura des répercussions.

Pendant des années, le régime de l’AKP visait à restructurer les institutions. Mais il n’a pas réussi avec les barreaux.

Le nombre de délégués sera limité. Ainsi, les barreaux les plus importants en nombre ne seront pas en mesure d’envoyer plus de délégués. Ce qui signifie que leur ratio de représentation diminuera. C’est une tactique typique du parti de Recep Tayyip Erdogan, le parti de la Justice et du Développement (AKP). Pendant des années, le régime de l’AKP visait à restructurer les institutions. Mais il n’a pas réussi avec les barreaux. Les associations de barreaux sont toujours en mesure d’agir de façon indépendante. L’AKP veut changer cette situation et au moins avoir des associations de barreaux qui le « soutiennent » directement. Des attaques similaires pourraient avoir lieu contre l’ordre des médecins.

 

Quelle est la situation actuelle ?

Ceren Uysal Les gens doivent comprendre que les accusations de terrorisme, les nouveaux systèmes électoraux, etc. sont autant d’« excuses ». Nous parlons d’un régime autoritaire qui veut faire taire tout le monde. Et s’il n’est pas possible de les faire taire, alors la prochaine étape est de les arrêter, de les torturer, de mentir à leur sujet, etc. Ce 1er septembre était le jour de l’ouverture de la nouvelle année judiciaire en Turquie. Et le président Erdogan a une fois de plus fait un discours haineux qui nous menace tous. Il a qualifié Ebru Timtik – notre collègue qui est décédée de sa grève de la faim alors qu’elle réclamait simplement un procès équitable – de terroriste. Et il a accusé de même tous les avocats qui ont participé à ses funérailles en robe, ainsi que l’Association du barreau d’Istanbul en raison de la cérémonie qui a été organisée en mémoire d’Ebru devant le bâtiment du barreau. Et, finalement, il a dit :  « Ce genre d’avocats » (c’est-à-dire nous) ne devraient pas continuer à pratiquer leur profession. Oui, maintenant, il veut nous retirer nos licences… Nous pensons qu’il s’agit d’un signal pour de nouvelles attaques à venir.

 

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31 août 2020 1 31 /08 /août /2020 05:33
Violences racistes et fascistes, suprématisme blanc, extrême-droitisation du Parti Républicain: L'Humanité au coeur de l'Amérique de Trump
Vendredi, 28 Août, 2020
États-Unis. À Kenosha, l’extrême-droite désormais à découvert
 
 
Le meurtre de deux manifestants antiracistes par un jeune milicien blanc de 17 ans plonge la petite ville du Wisconsin – et peut-être le pays – dans un état de tension inédit, renforcé par la rhétorique de « la loi et de l’ordre » de Donald Trump. Mais l’Amérique antiraciste n’abdique pas et poursuit sa mobilisation.
 

Les deux vidéos ont désormais fait le tour des réseaux sociaux et sans doute du monde entier. La première montre un policier tirer à sept reprises dans le dos de Jacob Blake, un Africain-Américain de 29 ans. À bord de la voiture dans laquelle la victime voulait entrer, se trouvaient trois de ses enfants âgés de 8, 5 et 3 ans. La seconde intervient quelques jours plus tard, dans la même ville de Kenosha (Wisconsin) où, chaque soir, en dépit du couvre-feu, se déroulent des manifestations pacifiques et où, en marge de celles-ci, la colère conduit à des saccages et incendies volontaires. On y voit Kyle Rittenhouse, 17 ans, arme automatique en bandoulière, mains en l’air, passer tranquillement devant les forces de police sans que celles-ci n’interviennent, alors que le milicien d’extrême droite vient de tuer deux manifestants antiracistes.

Kenosha marque sans doute une nouvelle étape dans l’état de tension d’un pays violent et injuste, scindé en deux blocs : pour la première fois, des manifestants antiracistes ont été tués par un milicien d’extrême droite. La polarisation du pays – cette grande divergence politique, idéologique et sociétale entamée il y a quarante ans et accélérée par le trumpisme – est devenue physique et meurtrière. C’est un précédent. L’Histoire dira si ce drame est « isolé » ou annonciateur, si le spectre de la « guerre civile » (nom donné à ce que nous appelons en France, la « guerre de Sécession ») ressurgit.

En tout cas, certains le souhaitent et… y travaillent. Ils s’appellent les boogaloo boys, portent des chemises hawaïennes qui les rendent visibles et se préparent à une guerre civile afin d’empêcher le gouvernement de les priver de leurs droits, notamment celui de porter une arme. Ils constituent une frange de la mouvance des milices d’extrême-droite, dont la diversité ne masque pas l’objectif commun : la suprématie blanche.

Depuis le début du puissant mouvement de protestation après le meurtre de George Floyd, le 25 mai, ces miliciens de tout acabit ont marqué leur présence en marge des manifestations. « Quand vous avez tous ces éléments – un moment politique chargé, beaucoup de désinformation et des groupes lourdement armés –, c’est juste une question de temps avant que quelque chose de dangereux ne survienne », explique au Washington Post Lindsay Schubiner, directrice d’études de l’ONG Western States Center. Cela est donc survenu à Kenosha, que la nébuleuse milicienne a vu comme un terrain de répétition générale. Kyle Rittenhouse est venu d’Antioch – Illinois –, à trente minutes de là, avec son arme chargée. Il a abattu deux hommes – de 26 et 36 ans – et en a blessé un troisième. Les enquêteurs ont découvert sur les réseaux sociaux ses affinités pour les armes, les forces de police et… Donald Trump.

Il ne faut pas attendre de ce dernier qu’il prenne quelque distance que ce soit avec l’auteur de ce double meurtre. Le président sortant s’en tiendra certainement à sa stratégie encore et toujours déroulée lors de la convention qui s’est terminée hier (lire p. 3) : accabler les démocrates de tous les maux, appeler à la « loi et l’ordre » afin de galvaniser sa base, dont ces groupes d’extrême droite constituent une partie essentielle, comme le souligne Mark Potok (lire entretien p. 4). « L’un des avertissements les plus pessimistes à propos de la présidence Trump devient une réalité. Les milices d’extrême droite sortent de l’ombre et se positionnent aux côtés de la police et parfois de responsables du parti républicain pour contrer les manifestations contre les brutalités de la police raciste », alerte le site de gauche AlterNet.

Le site journalistique The Trace, spécialisé sur les questions d’armes à feu, se montre encore plus précis : « Désormais, dans une poignée d’États avec une tradition d’extrême droite, des sections de groupe comme les Oath Keepers et les Three Percenters émergent comme des acteurs politiques directs, fournissant le service d’ordre des élus pro-Trump et des organisations républicaines. Dans un cas, un de ces miliciens était même le collaborateur d’un élu. »

Si la trumpisation du parti républicain, avec sa nouvelle garde prétorienne, est l’une des facettes de la polarisation galopante, quel est son équivalent « progressiste » ? Dans un article publié dans Vanity Fair, Ta-Nehisi Coates le discerne dans l’émergence, « pour la première fois dans l’histoire américaine (…), d’une majorité antiraciste légitime (…) qui peut donner naissance à un monde au-delà de l’idolâtrie des pères fondateurs, où nous pouvons chercher non pas seulement à défaire le président sortant, mais aussi à sortir sa philosophie entière de l’humanité ». Trop optimiste, l’écrivain et journaliste réputé pour son magnifique livre, Une colère noire ?

L’action historique des joueurs de l’équipe de basket de Milwaukee (lire encadré) donne du crédit à son hypothèse d’un « grand feu » naissant. Le « mouvement » né après le meurtre de George Floyd franchit lui aussi un cap, et il pourrait emprunter les mots de Letetra Widman, la sœur de Jacob Blake : « Je ne suis pas triste, je ne suis pas désolée, je suis en colère et je suis fatiguée (…) Je ne veux pas de votre pitié, je veux le changement ! »

Christophe Deroubaix

Un boycott des sportifs sans précédent

Aux États-Unis, le monde sportif a démarré un mouvement sans précédent de boycott des compétitions, en réaction à l’affaire Jacob Blake. Enclenché par l’équipe de basket-ball des Milwaukee Bucks, qui a boycotté un match et contraint l’Association nationale de basket (NBA) à reporter plusieurs autres rencontres, mercredi, le mouvement s’est propagé à grande vitesse. « Nous demandons le changement. On en a marre », a déclaré la superstar des Los Angeles Lakers, LeBron James.  La joueuse de tennis japonaise Naomi Osaka, dont le père est d’origine haïtienne, a quant à elle refusé de disputer la demi-finale du tournoi de Cincinnati, dont les organisateurs ont reporté d’un jour tous les matchs prévus ce jeudi 27 août.  Des matchs de football américain et de baseball ont également été repoussés pour les mêmes raisons.

Vendredi, 28 Août, 2020
La trumpisation achevée du Grand Old Party

La convention du parti républicain a consacré la prise de pouvoir du président nationaliste et de son idéologie. Il n’y a plus ni débats, ni d’opposants dans le parti fondé par Abraham Lincoln, juste un chef  : Donald Trump. (MAJ 28/08 à 9h45)

 

«Ce n’est plus le parti républicain, c’est un culte à Trump. » La féroce critique ne provient pas d’un opposant démocrate ou d’un éditorial de journal « liberal » que Trump aime tant à attaquer, mais de l’essayiste Bill Kristol, fils d’Irving Kristol, considéré comme le fondateur du mouvement néoconservateur. La formule est cinglante mais elle se révèle… fausse. Si les quatre jours de la convention républicaine ont bel et bien tourné au « culte à Trump », il s’agit toujours du « parti républicain ». « Les conservateurs ont enfanté un monstre : c’est Trump. C’est leur Frankenstein. Ils ne se sont d’abord pas reconnus dans cet enfant illégitime, puis ils s’y sont ralliés car Trump a gagné », analyse l’historien Romain Huret, directeur de recherches à l’EHESS. « Cette évolution remonte aux années 1960 et à la capture du parti républicain par Barry Goldwater (candidat battu à plate couture lors de l’élection présidentielle de 1964 par Lyndon Johnson et considéré comme le père de la révolution conservatrice – NDLR). Trump est la version la plus extrême, la plus aboutie de l’aile droite », ajoute-t-il.
La « trumpisation » du GOP (Grand Old Party, son surnom) s’est achevée entre vidéos enregistrées et harangues devant une salle de conférence vide. Les voix dissonantes n’ont pas été invitées. Elles n’y tenaient pas plus que cela. « Ne pas être publiquement loyal à Trump peut se payer cher : disqualification sur Twitter, campagne négative en circonscription, insultes, etc. », indique Marie-Cécile Naves, directrice de recherche à l’Iris. Comme on n’est jamais si bien servi que par soi-même, toute la famille Trump est passée derrière le pupitre, des enfants aux beaux-enfants en passant par l’épouse. « Du reste, le parti ne publie pas de plateforme (programme) différente de celle de 2016, ce qui est exceptionnel. C’est aussi un indicateur que le parti est uni derrière Trump et n’engage pas de débats internes », poursuit la spécialiste.

Le renoncement à l’élaboration d’un programme actualisé en dit long sur la vampirisation du vieux parti par le milliardaire. Pour autant, ce programme existe bien, mais il est, selon David Frum, ancien conseiller de W. Bush et républicain en rupture de ban, « trop effrayant pour être rendu public ». Les choix et propos des orateurs, ainsi que les mises en scène ont dessiné le projet trumpiste entre darwinisme social, nationalisme, dérégulation (sociale et environnementale) et nativisme assumé (« Le parti républicain tient un meeting du Klan », a tweeté l’élue socialiste de Pittsburgh, Summer Lee). « C’est un conservatisme sans filtre, sans garde-fous », résume Romain Huret. À titre d’exemple : en rupture avec la coutume, et sans doute en violation des règles administratives américaines, Mike Pompeo, le chef de la diplomatie, s’est immiscé dans le débat électoral en diffusant une vidéo de soutien à Donald Trump enregistrée depuis Jérusalem. Un signal on ne peut plus clair envoyé aux électeurs évangéliques blancs, noyau dur de la base républicaine. « Le seul but de la convention de Donald Trump était de parler aux spectateurs de Fox News », constate David Frum. Lors de son discours d’acceptation, jeudi soir devant un millier de personnes, l’immense majorité sans masques, il a accusé les démocrates de vouloir livrer les villes aux «anarchistes» de «démolir les banlieues», bref rien de moins que de détruire le fameux «American way of life». Solidifier sa base en la chauffant à blanc : Donald Trump ne déroge pas à la règle de 2016, mais en l’appliquant dans un climat de tension supérieure, il contribue à l’exacerber un peu plus.

Vendredi, 28 Août, 2020
« La droite radicale a infiltré le courant politique dominant »

Les milices armées, composées de suprémacistes et de nationalistes blancs sont de plus en plus présentes, explique Mark Potok. À Kenosha, elles ont tué. Entretien.
Mark Potok

 

Mark Potok

Chercheur au Centre for Analysis of the Radical Right

Êtes-vous surpris par ce qui s’est passé à Kenosha ?

Mark Potok Non ! Depuis plusieurs années, en remontant au moins aux troubles civils à Ferguson, dans le Missouri, en 2014, des groupes extrémistes armés, d’extrême droite, se livrent à des actes de violence contre les Noirs et menacent les manifestants. Cela s’est produit maintes et maintes fois, et encore très récemment à Portland, un autre point chaud de protestation contre la violence policière.

Comment décririez-vous ces milices et leurs membres ?

Mark Potok Parmi les groupes d’extrême droite engagés dans cette « protection » armée des biens contre les manifestants de Black Lives Matter (BLM) figurent les Gardiens du serment (Oath Keepers) et les Fiers Garçons (Proud Boys), qui manifestent en étant lourdement armés. Nous savons qu’un homme blanc nommé Josh Binninger a déclaré aux journalistes qu’il avait utilisé une page Facebook pour organiser un groupe d’environ 200 personnes qui sont allées à Kenosha mardi soir. Il semble que le tireur ne faisait pas partie de ce groupe. Mais, si vous regardez la page Facebook de Binninger, vous verrez un certain nombre de messages d’extrême droite, y compris celui qu’il a posté il y a six jours qui représente une femme avec une pancarte disant : « Cessez de financer Hollywood, Arrêtez d’idolâtrer les pédophiles. » Clairement Binninger adhère à la théorie du complot QAnon (1), que le FBI a décrite comme une source potentielle de terrorisme intérieur. Trump a déclaré que ceux qui croient au QAnon sont des patriotes « qui aiment notre pays ».

Quel est leur but ?

Mark Potok Ces hommes blancs représentent une réaction nationaliste blanche contre les manifestants de Black Lives Matter et l’influence croissante des Noirs et d’autres personnes de couleur en Amérique. Ce sont des ethno-nationalistes d’extrême droite qui se sentent menacés par des changements sociaux majeurs en Amérique. Il est à noter qu’ils apparaissent régulièrement dans les villes pour « protéger » les biens et les citoyens censés être menacés par les Noirs ou leurs alliés. Ils ne se présentent absolument jamais pour défendre les Noirs qui sont menacés par les Blancs. Ce sont des gens que notre président raciste essaie d’atteindre quand il avertit que Joe Biden et sa coalition démocrate veulent détruire les banlieues résidentielles.

Peuvent-ils s’immiscer dans le processus électoral ?

Mark Potok Paradoxalement ils peuvent avoir pour effet de désamorcer la critique de droite des manifestations BLM comme violentes. Bien qu’il y ait certainement eu une certaine violence de la part des manifestants de BLM, la véritable tuerie est venue de leurs opposants de droite. Ce dernier double meurtre à Kenosha pourrait enfin ramener ce message aux Américains.

Ces activistes blancs représentent-ils un danger pour les États-Unis ?

Mark Potok La droite radicale est aujourd’hui, et depuis une vingtaine d’années, une grave menace pour la démocratie américaine. Ils ont contribué à amener Donald Trump au pouvoir, qui est une menace existentielle pour la démocratie, l’équité et l’égalité, la décence humaine. Les types de commentaires racistes, nativistes et misogynes qui sont maintenant régulièrement faits par Trump n’auraient pas pu se faire publiquement il y a quelques années sans réaction majeure. Aujourd’hui, grâce à la droite radicale, Trump et nombre d’élus républicains sont considérés comme acceptables par des dizaines de millions d’Américains.

Y a-t-il un lien entre les milices et la police ?

Mark Potok Le mouvement des milices a beaucoup interagi avec certaines organisations chargées de l’application de la loi, même si la majeure partie d’entre elles considèrent les milices comme une véritable menace. Beaucoup de policiers sont membres de Oath Keepers. Un autre grand groupe, la Constitutional Sheriffs and Peace Officers Association, est principalement composé de shérifs et de leurs adjoints.

Quelle pourrait être la réponse politique pour lutter contre ce phénomène ? Joe Biden pourrait-il agir contre eux ?

Mark Potok Il sera très difficile de faire reculer la droite radicale qui a maintenant infiltré si profondément le courant politique dominant en Amérique. Cependant, un raz-de-marée démocrate en novembre, y compris une reprise du Sénat, pourrait inaugurer une nouvelle ère. Dans les années 1920, le Ku Klux Klan rassemblait près de 4 millions. Ce qui a abouti à la loi raciste sur l’immigration de 1924. Dans les années 1930 de nombreux groupes fascisants se sont développés. Cependant, au pire moment de la Grande Dépression, le pays a élu Franklin D. Roosevelt président. Il a institué l’État providence moderne et a combattu du bon côté pendant la Seconde Guerre mondiale. Si les démocrates remportent une victoire majeure en novembre, le pays pourrait enfin se détourner d’une histoire de racisme et d’autres maux sociaux. Biden pourrait en fait conduire le pays dans une direction beaucoup plus ensoleillée, plus optimiste et socialement progressiste.

(1) Théorie du complot d’extrême droite selon laquelle Trump livrerait une guerre secrète contre des élites implantées dans le gouvernement, les milieux financiers et les médias.
Entretien réalisé par Pierre Barbancey
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24 août 2020 1 24 /08 /août /2020 07:19
Résumé:  Tout commence par la découverte du cadavre d'Yitzhak Litvak, un célèbre historien enseignant à l'université de Tel-Aviv. L'enquête, confiée à un commissaire arabe israélien, Émile Morkus, piétine, d'autant que ce meurtre n'est bientôt que le premier d'une série. Vingt ans plus tard, à la suite d'un nouvel assassinat, Morkus va enfin pouvoir démêler le vrai du faux, les passions et les raisons, la justice des hommes et celle de l'État.  Dans ce polar riche en rebondissements, Shlomo Sand a l'art de mettre en relief les problématiques qui déchirent la société israélienne.    Professeur émérite à l'université de Tel-Aviv, Shlomo Sand est l'auteur de plusieurs essais, dont Comment le peuple juif fut inventé (Fayard, 2008), livre qui a suscité de nombreuses controverses.

Résumé: Tout commence par la découverte du cadavre d'Yitzhak Litvak, un célèbre historien enseignant à l'université de Tel-Aviv. L'enquête, confiée à un commissaire arabe israélien, Émile Morkus, piétine, d'autant que ce meurtre n'est bientôt que le premier d'une série. Vingt ans plus tard, à la suite d'un nouvel assassinat, Morkus va enfin pouvoir démêler le vrai du faux, les passions et les raisons, la justice des hommes et celle de l'État. Dans ce polar riche en rebondissements, Shlomo Sand a l'art de mettre en relief les problématiques qui déchirent la société israélienne. Professeur émérite à l'université de Tel-Aviv, Shlomo Sand est l'auteur de plusieurs essais, dont Comment le peuple juif fut inventé (Fayard, 2008), livre qui a suscité de nombreuses controverses.

Une lecture de vacances distrayante et instructive, "La mort du khazar rouge" de Shlomo Sand, historien et intellectuel israélien ami de Mahmoud Darwich

COMMUNIST'ART: Mahmoud Darwich, le poète national palestinien, voix universelle de l'amour et de la nostalgie (1941-2008)

 Un historien connu pour sa critique intellectuelle et politique des présupposés du sionisme et des mythes fondateurs d'Israël. Sans doute certains lecteurs ont déjà lu le très bon "Comment le peuple juif fut inventé" (2008, Fayard) qui retrace une partie occultée de l'histoire du judaïsme comme religion de conversion expansive et donc la pluralité des origines ethniques des personnes qui se retrouvent aujourd'hui ayant la culture juive en Israël (Afrique du Nord, Afrique, Europe de l'est) là où le fond de la population palestinienne est restée plutôt stable depuis l'antiquité, les palestiniens dit "arabes" d'aujourd'hui ayant sans doute plus de chances d'être des descendants des contemporains de Jésus ou de David que le descendant de juif ashkénaze ou séfarade.

Dans son premier roman policier, Shlomo Sand réutilise le matériau historique de sa critique des mythes du sionisme puisque le roman s'ouvre sur l'assassinat d'un historien universitaire, Yitzhak Litvak, ancien militaire membre des services de renseignement, ayant écrit un livre remarque sur l'origine d'une grande partie de la communauté ashkhenaze dans les conversions des chefs du royaume khazar, au sud de la Russie. C'est le commissaire Émile Morkus, chrétien arabe palestinien de nationalité israélienne, qui mène l'enquête. Laquelle va vite se relier à d'autres meurtres de militants et d'intellectuels de gauche comme la belle et fascinante Avivit Schneller, membre de la gauche radicale antisioniste israélienne, la petite nièce de Dora Polanski, israélienne revenue en Europe engagée dans le groupe Orchestre Rouge, réseau communiste d'espionnage luttant contre les nazis, qui, arrêtée, affreusement torturée, se donna la mort en prison. Ce roman bien construit aux personnages attachants qui se lit d'une traite permet de mieux mesurer et comprendre la complexité de l'histoire et de la société israélienne, l'existence, l'importance et l'origine intellectuelle des dissidences au récit sioniste , sa dimension de construction idéologique instrumentalisant la religion et l'histoire a des fins coloniales, les mécanismes de construction d'une pensée unique sioniste et leurs échecs en Israël. Le rôle du Shabak, la police politique des renseignements intérieurs, dans le contrôle de la société israélienne, est bien mis en évidence ainsi que ses modes opératoires, tout comme la montée d'un obscurantisme nationaliste et raciste dans la société israélienne et les groupes qui dans la société israélienne continuent à y résister au nom d'une vision multiculturelle et universaliste de l'histoire, et de l'histoire juive en particulier.

I.D

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22 août 2020 6 22 /08 /août /2020 07:19
Le Chili aura t-il un président communiste, Daniel Jadue?
CHILI
 
Texte de Rosa Roja -
 
Lu sur la page Facebook d'Yvon Huet - Nicolas Maury 
 
Le 17 juillet, les alarmes des conservateurs, des modérés et de la droite chilienne se sont déclenchées. Le maire de Recoleta, Daniel Jadue, a exprimé sa volonté de participer aux élections présidentielles de l'année prochaine, aspirant à devenir le premier président communiste du Chili.
 
Il est crédité de 20% des intentions de vote, en seconde position derrière la droite (23%).
 
Une situation qui inquiète les partis de "centre-gauche" et montre surtout un véritable besoin de changement au Chili.
 
Traduction Nico Maury
 
Le Chili aura-t-il un président communiste?
La nouvelle a surpris dans tous les secteurs car il reste encore plus d'un an avant les élections et beaucoup avaient demandé à ne pas faire avancer la course à la présidentielle au milieu de la pandémie de coronavirus. Et bien que le maire issue du Parti communiste ait souligné plus tard qu'il ne s'agissait pas d'un lancement officiel de sa candidature, à toutes fins utiles, cela a été compris de cette façon.
Mais l'annonce a non seulement ébranlé la droite, mais aussi l'aile la plus conservatrice de l'opposition.
Des personnalités importantes comme le président du Parti pour la démocratie (centre-gauche), Heraldo Muñoz, ont souligné que la figure d'un communiste comme Jadue pourrait polariser les extrêmes dans le pays. Et un coup plus profond a été porté par Carmen Frei, membre du Parti chrétien-démocrate (centre-gauche), sœur de l'ancien président assassiné Eduardo Frei Montalva (1964-1970) et éminente défenseur des droits de l'homme.
"Le Chili n'est pas prêt pour un président communiste", a déclaré Frei sèchement, lors d'un entretien avec CNN Chili.
Tant la droite que certains secteurs du centre-gauche se sont consacrés à la disqualification des communistes, car nous sommes les rivaux du modèle néolibéral qu'ils soutiennent »
Lors d'une émission de "Estado Nacional" en 2017, programme politique emblématique de la télévision chilienne, le maire Jadue est arrivé avec un sac de "guagüitas", des bonbons traditionnels chiliens en forme de bébés, et a commencé à les distribuer au public. "Pour ceux qui croient encore que les communistes mangent des bébés", ironise-t-il.
C'était l'une des nombreuses rumeurs que la droite chilienne a répandue au début des années 1950 au milieu de la guerre froide, lorsque le Parti communiste a été interdit et que ses militants étaient persécutés par l'ancien président Gabriel González (1946-1952) et pendant la dictature d'Augusto Pinochet (1973-1990), qui est allé plus loin et a ordonné le meurtre de plus de 3000 opposants.
Camilo Sánchez, président de la Jeunesse communiste du Chili, a expliqué que pendant des années un climat de haine avait été cultivé contre les militants du parti. "Tant par la droite que certains secteurs du centre-gauche se sont consacrés à la disqualification des communistes, parce que nous sommes les rivaux du modèle néolibéral qu'ils soutiennent."
"Nous sommes stigmatisés comme des radicaux et des extrémistes, que nous divisons le pays, mais nous n'avons jamais été impliqués dans aucune opération qui limite le caractère démocratique de la nation", a-t-il rétorqué, se référant au coup d'État de 1973.
Jadue est le petit-fils d'une famille de migrants palestiniens venus de Bait Jala, une ville près de Belén, à Recoleta, une commune populaire du secteur nord de Santiago du Chili. Durant sa jeunesse, Jadue a été lié au Front populaire pour la libération de la Palestine, une organisation marxiste-léniniste panarabe fondée par George Habash en 1967, forgeant son idéologie actuelle.
Ces idées, et sa résistance à la dictature de Pinochet, l'ont conduit à rejoindre les rangs du Parti communiste du Chili en 1993, d'où il a entamé une carrière politique qui l'a positionné en tant que maire actuel de Recoleta.
De cette arène, il est connu pour ses initiatives innovantes.
En 2015, quand on a appris que les trois principales chaînes de pharmacies privées du Chili étaient de connivence pour augmenter leurs prix, Jadue a mis en place la pharmacie populaire, vendant des médicaments à moitié prix. Aujourd'hui, des pharmacies populaires sont présentes dans presque toutes les grandes municipalités du pays.
De même, il a créé l'optique populaire, l'immobilier populaire, la librairie populaire, le dentiste populaire, l'université ouverte et d'autres mesures de cette nature.
Pour la première fois en 108 ans d'histoire, le Parti communiste apparaît en tête des sondages des candidatures présidentielles, et ses membres ne sont pas disposés à laisser passer cette opportunité.
De plus, lors des manifestations sociales d'octobre dernier, Jadue était l'un des rares politiciens à avoir défilé dans la rue avec les citoyens contre le modèle néolibéral et l'administration Piñera. Pour cette raison, tous les sondages le placent comme la principale lettre de l'opposition pour succéder à Sebastián Piñera au pouvoir.
En 1969, le lauréat du prix Nobel de littérature, Pablo Neruda, était le candidat communiste à la présidence du Chili, mais il a démissionné pour soutenir l'ancien président Salvador Allende (1973-1990). En 1999, la défunte dirigeante communiste Gladys Marín a été la première femme à concourir pour devenir présidente du pays, mais elle n'a obtenu que 7% des voix.
Aujourd'hui, pour la première fois en 108 ans d'histoire, le Parti communiste apparaît en tête des sondages des candidatures à la présidentielle, et ses militants ne sont pas prêts à rater cette opportunité, même si elle dérange les conservateurs, les modérés et la droite.
 
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21 août 2020 5 21 /08 /août /2020 09:51
Il appartient au peuple malien de décider seul de son avenir (PCF)
COMMUNIQUE DE PRESSE
 
 
Il appartient au peuple malien de décider seul de son avenir (PCF)
 
 
Le coup de force conduit par des officiers supérieurs de l'armée malienne marque une nouvelle étape dans le délitement total de la situation du pays. Le président de la République, Ibrahim Boubakar Keïta, qui a été arrêté, a annoncé sa démission, celle du gouvernement et la dissolution du Parlement. Quant aux militaires, qui ont procédé également à la neutralisation de la presque totalité de l'état-major et à l'incarcération de personnalités civiles, ils annoncent une transition civile censée conduire à des élections. Ils ont reçu le soutien d'une partie de l'opposition organisée autour du mouvement M5-MFP, coalition d'hommes politiques, de représentants de la société civile et de religieux.
 
Cette intervention d'une partie des militaires est le résultat d'une dynamique de mécontentement profond face à la crise sécuritaire, sociale et politique dont la lutte contre le djihadisme n'est qu'un aspect.
Depuis des décennies, le peuple malien subit des politiques libérales et d'ajustements structurels entravant toutes politiques publiques de développement, aggravant les inégalités et la misère. La corruption
généralisée, la gabegie, nourrissent le ressentiment et la colère sociale face à l'enrichissement éhonté de la classe dirigeante. Les droits humains y sont constamment bafoués par des régimes autoritaires soutenus à bout de bras par des puissances étrangères et notamment la France. Rien n'est fait pour traiter les causes de ce désastre alors que la situation sociale ne cesse de s'aggraver.
 
Par ailleurs, le pouvoir en place, totalement discrédité, était largement contesté depuis les récentes législatives. L'opposition avait dénoncé les fraudes massives donnant lieu à des manifestations pacifiques d'ampleur. Celles-ci ont été durement réprimées dans le sang, faisant plus d'une vingtaine de morts parmi les protestataires sans que cela n'émeuve les protecteurs du régime.
Ces impasses s'exacerbent avec la déstabilisation conduite par des entreprises de violence liées au banditisme et aux groupes armés djihadistes. Ces organisations continuent à gagner en influence, montent
en puissance, en effectifs et étendent leur implantation. De toute évidence, l'hyper-militarisation avec notamment la présence croissante des forces armées françaises ne produisent pas l'effet escompté et
marque ses limites en raison de l'absence de perspectives politiques.
Les attaques se multiplient, éprouvant massivement l'armée malienne. En son sein, la grogne monte face aux revers, à la pression des combats, aux problèmes de solde alors que les fonds alloués aux forces armées ont
accéléré une corruption devenue insupportable. L'indifférence à leur sort de la part des autorités politiques mais aussi la dénonciation d'exactions contre les civils notamment dans le village d'Ogossagou, ont
contribué à ce coup de force alors que les militaires étaient jusqu'à présent restés en dehors de la contestation.
 
Ainsi, les solutions promues par la communauté internationale et plus particulièrement Paris, avec ses ingérences multiples, ses politiques d'austérité et la militarisation exclusive conduisent à l'échec et au
chaos politique.
Comme le réclament les Maliens, il n'y a pas d'autres alternatives que le dialogue entre les forces sociales et politiques pour trouver une issue à la crise. Il appartient aux Maliens de décider seuls de leur avenir pour rester maîtres de leur destin. L'absence de développement génère le désespoir et nourrit les forces réactionnaires et régressives qui se positionnent à l'intérieur et à l'extérieur du pays. Il y a
urgence d'une transition ouvrant une perspective de paix durable. Le Parti communiste français est aux côtés du peuple malien afin de bâtir une coopération solidaire fondée sur le progrès social et le respect des
droits humains et démocratiques.
 
 
Parti communiste français,
 
Paris, le 19 août 2020.
 
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18 août 2020 2 18 /08 /août /2020 07:28
Proche-orient. Comment l'armée israélienne a fait la nation - entretien de Pierre Barbancey avec Haim Bresheeth, L'Humanité, 17 août 2020
Lundi, 17 Août, 2020
Proche-orient. Comment l'armée israélienne a fait la nation
 
Entretien réalisé par Pierre Barbancey

Haim Bresheeth est le fils de rescapés de la Shoah. Juifs de Pologne, ils avaient refusé l’appel sioniste, lui préférant le Parti travailliste juif socialiste. À la sortie des camps, faute de trouver un pays d’accueil, ils se sont rendus en Israël. L’auteur, né en 1946 à Rome, y a grandi et fait son service militaire, avant de quitter le pays.

Ce livre survient bien à propos pour mieux comprendre les rouages de la société israélienne. Une société militarisée à outrance, une armée qui a créé la nation israélienne et dont la force politique est sans égale. Et surtout, elle est la garante de l’occupation. C’est une « armée comme aucune autre » pour reprendre le titre de cet ouvrage magistral divisé en trois parties : les guerres d’Israël, l’armée et son État, et enfin le dépérissement d’Israël, où il demande si Israël est une démocratie. Bresheeth estime que le projet sioniste, hier, aujourd’hui et demain, ne peut inclure la création d’un État palestinien aux côtés d’Israël. Il faut espérer qu’un éditeur français saura s’en saisir.

Haim Bresheeth retrace dans un livre l’évolution de l’armée israélienne, de la Nakba aux guerres en Égypte, au Liban, en Irak, aux assauts continus sur Gaza. Le chercheur montre que l’État d’Israël a été formé à partir de ses guerres. Entretien. (A retrouver en version anglaise ici). 
 

Haim Bresheeth, chercheur à l’École d’études orientales et africaines (Soas) de Londres (1).

Haim Bresheeth
Quelles sont les raisons pour lesquelles vous avez concentré votre travail sur les forces de défense israéliennes (FDI) ?

Haim Bresheeth Les FDI représente l’institution sociale la plus cruciale de l’État israélien depuis 1948. C’est la plus grande, la mieux financée, et la plus importante en nombre, comprenant la plupart des hommes d’Israël et énormément de femmes. Cela a de graves répercussions – Tsahal est pleinement représentatif de la population juive en Israël. En ce sens, l’armée est l’organe le plus représentatif de la société israélienne. Comprendre cela, c’est commencer à comprendre Israël, et la difficulté à laquelle nous sommes confrontés lorsqu’il s’agit de résoudre le conflit en Palestine, un conflit de type colonial. Parce que la seule solution que les FDI accepteront est celle dans laquelle elles détiennent toutes les cartes.

Vous dites que les FDI ont fait une nation. Pourquoi ?

Haim Bresheeth Dans le livre, je traite du fait que ce qui existait en 1948 était une armée, et cette armée a construit un État, mais il n’y avait pas de nation ! Ce n’est pas mon point de vue, mais celui de David Ben Gourion, qui a compris qu’une collection de personnes venues de toutes les parties du monde, sans rien qui les relie, n’est pas une nation. La nation devait être formée par une organisation sociale large afin de créer une culture nationale, un sentiment d’appartenance, l’identité d’une nouvelle nation israélo-juive. Le seul corps qui était capable de cette tâche complexe, qui prend des centaines d’années dans la plupart des cas, était les FDI, et Ben Gourion l’a choisi parce qu’en 1948, il comprenait pratiquement tous les adultes juifs – tous les hommes et la plupart des femmes. Il s’agissait d’une armée qui combattait les Palestiniens et les armées arabes. Mais elle exerce aussi toutes les tâches civiques normalement exécutées par la société civile. La plupart d’entre elles restent encore effectuées par les FDI. Dans la dernière crise du coronavirus, les FDI et les services secrets (Shabak) ont ainsi pris le relais d’une grande partie du pays pour l’opération de suivi et de traçage, par exemple. Le revers de la médaille est que la plupart des Israéliens ne perçoivent leur identité que dans les termes de l’armée et ne voient le conflit qu’à travers le filtre de la force militaire.

Quel est le rôle des militaires dans la vie politique et économique ?

Haim Bresheeth Les FDI et les entreprises qui y sont liées forment le plus grand secteur d’Israël et sont responsables de la plus grande partie des revenus provenant des exportations, entre 12 et 18 milliards de dollars par an. Vendant dans plus de 135 pays, Israël est l’un des principaux marchands d’armes de la planète. Israël a transformé le conflit en une entreprise florissante – il a fait de l’adversité un succès commercial, en s’appuyant sur le slogan « testé dans l’action ». Le modèle d’affaires comprend également des milliers d’entreprises high-tech créées par des officiers retraités, qui, avec les entreprises d’armement et de sécurité nationalisées, sont le plus grand employeur du pays. Tous les établissements universitaires bénéficient d’un financement substantiel de la recherche déboursé par les FDI, le ministère de la Défense et les diverses organisations de sécurité ; certaines universités et des collèges ont également organisé des programmes de formation pour les FDI et les organismes connexes.

Dans le livre, vous vous interrogez sur « Israël est une démocratie » et s’« il aurait pu y avoir un autre Israël ». Pouvez-vous nous donner quelques éléments de réponse ?

Haim Bresheeth Il n’y a jamais eu de société colonisatrice qui était démocratique ou libre. Israël ne fait pas exception. Un projet de colonisation est une question de contrôle – de la terre, des ressources et de la main-d’œuvre. En tant que tel, il dépend de l’anarchie et de l’injustice, toujours défendu par la violation du système juridique. C’était vrai pour l’Algérie, l’Australie, l’Amérique du Nord et du Sud, l’Afrique du Sud, le Congo, et c’est vrai en Palestine. Une société militaire dans l’occupation illégale ne peut pas être démocratique, et, comme Marx l’a souligné, ne peut pas, en soi, être libre. Par conséquent, l’Israël sioniste ne peut jamais être démocratique. Dans le passé, certains sionistes de gauche ont soutenu que l’idée sioniste était pure et juste, mais en quelque sorte souillée par la pratique. Il n’y a rien de plus éloigné de la vérité. Comme je l’ai souligné, le but ultime du projet sioniste, à partir du moment où il apparaît dans l’œuvre de Herzl jusqu’à notre époque, était et reste la dépossession et l’expulsion des Palestiniens, et la mise en place d’une société juive exclusive sur des principes racistes. C’est la raison pour laquelle, avec le temps, Israël devient plus raciste et plus agressif. Le rêve sioniste est essentiellement un cauchemar colonial. Même si l’on est assez brutal pour ignorer la souffrance palestinienne, la vie des juifs en Israël ne peut, par définition, être sûre ou normale. Les Israéliens vivent une vie spartiate de soldats en vacances. Israël a eu de nombreuses chances d’instaurer la paix et l’a toujours évitée. C’est un État militarisé, préférant l’état de guerre – avec son empire qui s’accroche illégalement aux territoires de quatre États arabes –, qui impose une oppression raciste à près de cinq millions de Palestiniens sans aucun droit. Près de deux millions de ses propres citoyens palestiniens perdent maintenant les quelques droits qu’ils avaient. Nous pouvons affirmer sans risque qu’Israël est un État militarisé par choix, en raison de sa nécessité de protéger son empire par un butin militaire et une occupation illégale. Personne n’a imposé ce régime d’occupation aux Israéliens. C’est leur décision. Le reste du monde est toutefois responsable de l’autoriser et de le financer, en particulier les États-Unis et l’Union européenne.

Depuis le 1er juillet, Israël est censé annexer 30 % de la Cisjordanie. Comment les FDI se comportent-elles dans ce cadre ?

Haim Bresheeth L’évolution vers l’annexion illégale de la majeure partie de la Cisjordanie est l’exemple ultime de l’anarchie soutenue par les États-Unis – une action illégale unilatérale et non négociable contre les droits des Palestiniens. Le fait que le premier ministre, Benyamin Netanyahou, n’ait pas respecté l’échéance de son annexion d’ici le 1er juillet est un signe clair que même l’armée israélienne s’oppose à cette mesure. Avant les années 1990, les Forces de défense israéliennes (FDI) contrôlaient la Cisjordanie et devaient investir d’énormes ressources humaines et matérielles dans le maintien de l’ordre dans toute la Palestine. Cette situation désastreuse, qui s’était développée à la suite de la première Intifada, a poussé Israël à organiser les accords d’Oslo, établissant une Autorité nationale palestinienne (APN). Depuis lors, l’APN – formée et armée par Israël, et partiellement financée par l’UE et les États-Unis – a sécurisé les territoires occupés au nom d’Israël, exonérant les FDI de leurs devoirs et de tout coût financier.

Mais l’annexion peut conduire l’ANP vers l’effondrement. En fin de compte, elle pourrait perdre le contrôle des organisations de sécurité palestiniennes, détestées et méprisées par le peuple palestinien. Les FDI ne souhaitent pas perdre cet important assouplissement de ses fonctions et s’inquiètent grandement de sa capacité à contrôler les territoires occupés si un tel scénario se produit. Les FDI ont opposé leur veto au programme d’annexion tel que Netanyahou l’a présenté, et il semble donc avoir dû l’abandonner discrètement pour le moment. En revanche, Israël n’a pas abandonné son véritable programme, qui se poursuit à un rythme soutenu. L’incapacité de la communauté internationale, telle qu’elle est, à s’opposer à une telle illégalité atroce est un danger pour l’État de droit partout dans le monde, à une époque de grande fragilité internationale. Le droit international doit être appliqué avant que d’autres dommages irréparables ne soient causés aux Palestiniens, et qu’un dangereux précédent soit établi.

Tous les pays occidentaux, mais aussi l’OLP, parlent encore de la solution des deux États. Avec l’annexion, cette idée est morte. Mais quand l’État sioniste refuse un État palestinien, est-il possible d’établir un seul État, même binational et plein droit pour tous les citoyens ?

Haim Bresheeth Il doit être clair pour les lecteurs de l’Humanité qu’Israël n’a jamais eu l’intention de mettre fin à son occupation militaire, et a fait tout ce qui est humainement possible pour bloquer toute forme d’État palestinien depuis 1948, et plus spécialement depuis 1967. Il ne pouvait pas le faire seul, bien sûr. Sans le soutien fort et indéfectible des « démocraties » occidentales, cela n’aurait jamais été possible. En ce sens, Israël a toujours été contre la solution dite des deux États. Le débat à l’ONU comprenait en réalité deux options : celle de la partition, qui a été votée, a conduit à la Nakba et à l’expulsion des deux tiers des Palestiniens de leurs foyers. Mais aussi, on s’en souvient moins, la proposition d’un État unique laïque et démocratique sur l’ensemble de la Palestine : un État de tous ses citoyens, sans lois racistes spéciales. Jusqu’en 1988, cette option, rejetée par l’ONU en 1947, était la position officielle de l’OLP. En faisant valoir qu’une telle issue démocratique ne peut pas avoir lieu à cause de l’opposition israélienne, rappelons-nous que c’est aussi la raison pour laquelle il ne peut y avoir d’accord sur une autre solution. Israël a rejeté toute solution qui offrirait aux Palestiniens une certaine autonomie même sur une partie minuscule de leur terre. Donc, nous, le reste du monde, devons forcer Israël à l’accepter. Le monde l’avait fait dans le cas de l’autre État de l’apartheid – l’Afrique du Sud. Seule une campagne engagée de boycott, de désinvestissement et de sanctions (BDS) coordonnée au niveau international peut déloger Israël de son projet colonial. Une telle campagne, en faveur de l’égalité, des droits de l’homme, du droit international, des résolutions des Nations unies, des conventions de Genève, et de la Cour pénale internationale, peut apporter l’espoir d’établir une paix juste et durable au Moyen-Orient à toutes les personnes résidant en Palestine, ainsi qu’aux réfugiés palestiniens.

La campagne BDS, qui s’oppose aux actions militaires illégales et agressives d’Israël, est une campagne civile. Une action civique menée par tous les citoyens du monde, en évitant la violence et la brutalité, en essayant de changer la situation par des méthodes non violentes. Je pense que le moment est clairement venu d’une telle approche, si l’on veut éviter davantage d’effusions de sang et de souffrances.

(1) Auteur de An Army Like No Other. How the Israel Defense Force Made a Nation. Verso Books Edition. (2) Lire l’entretien intégral sur www.humanite.fr
Proche-orient. Comment l'armée israélienne a fait la nation - entretien de Pierre Barbancey avec Haim Bresheeth, L'Humanité, 17 août 2020
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18 août 2020 2 18 /08 /août /2020 07:15
Moyen-orient. Les Émirats enterrent « l’initiative arabe » de 2002 - Pierre Barbancey, L'Humanité, 17 août 2020
Lundi, 17 Août, 2020
Moyen-orient. Les Émirats enterrent « l’initiative arabe » de 2002

Les pays arabes avaient proposé une normalisation avec Israël en échange de la fin de l’occupation. Abou Dhabi tue cet accord.

 

Les Émirats arabes unis (EAU) ont beau expliquer depuis jeudi que la normalisation annoncée avec Israël mettait fin aux récents projets d’annexion en Cisjordanie occupée, le premier ministre israélien s’est empressé de le nier : « J’ai apporté la paix, je réaliserai l’annexion », a-t-il dit. En réalité, il semble plutôt que Benyamin Netanyahou était plutôt confronté au refus de l’armée israélienne de reprendre en charge directement le contrôle des Palestiniens, tâche dévolue à l’Autorité palestinienne depuis sa mise en place après les accords d’Oslo. Ce qui permet à Israël d’économiser des centaines de millions de dollars par an et d’engager moins de soldats dans ces territoires.

But ultime des États-Unis et d’Israël : endiguer l’Iran.

Depuis le 1er juillet, date annoncée de l’annexion, rien n’avait vraiment bougé. L’opportunité était donc bonne pour commencer à mettre en place ce qui reste le but ultime des États-Unis et d’Israël, cette fameuse normalisation permettant un endiguement de l’Iran. Depuis jeudi, les rumeurs vont bon train quant aux suivants sur la liste. On parle du Bahreïn, du sultanat d’Oman et même du Soudan. Si, comme les Palestiniens choqués le demandent, la Ligue arabe se réunit, les débats risquent d’être houleux. Mais, comme à l’habitude, ils ne seront suivis d’aucun effet. Si les Émirats arabes unis deviennent le premier pays du Golfe à passer un accord avec Israël et le troisième pays arabe après l’Égypte et la Jordanie, la signification est toute autre. D’abord, il est évident que cet acte politique ne peut être isolé et qu’Abou Dhabi a reçu l’aval des principaux États constituant le Conseil de coopération du Golfe (CCG). Dans un tweet, le ministre saoudien de la Culture et de l’Information, Adel Al. Toraifi, a ainsi exhorté les autres pays de la région « à dépasser les discours dévastateurs du nationalisme arabe factice et des islamistes terroristes ». Il dévoile ainsi une partie du plan final qui voudrait que le nouveau Moyen-Orient ne soit plus constitué d’États-nations mais d’entités confessionnelles, chacune sous l’égide d’un parrain (d’où les tensions entre l’Arabie saoudite et la Turquie s’agissant du monde sunnite), ce qui devrait faire dresser l’oreille au Liban. La normalisation des relations des Occidentaux avec l’Iran pourrait d’ailleurs s’appuyer sur un tel schéma.

Un accord sur le dos des Palestiniens

Plus directement, pour les Palestiniens, l’accord entre les EAU et Israël signifie que ce qu’on a appelé « l’initiative arabe » est morte et enterrée, même si la Ligue arabe n’a jamais vraiment essayé de la faire vivre, alors qu’elle en est l’initiatrice. Formulée en 2002, elle proposait à Israël une normalisation avec l’ensemble des pays arabes en échange de la fin de la colonisation, d’un retrait sur les frontières de 1967 et d’accepter que Jérusalem-Est soit la capitale du futur État de Palestine.

Les EAU viennent donc de passer un accord sur le dos des Palestiniens, puisqu’il n’y a aucune contrepartie politique. Pour mieux faire passer la pilule, les annonces se multiplient maintenant de coopération entre sociétés israéliennes et Émirats, concernant les recherches sur le Covid-19 ! Le 3 juillet, avant même l’annonce de la normalisation, la plus importante entreprise israélienne aéronautique et de défense, Israel Aerospace Industries, détenue par l’État, et Rafael Advanced Defense Systems, société également publique, avaient signé un protocole d’entente avec Group 42, une firme de technologie privée basée à Abou Dhabi. Et, pour faire bonne mesure, l’armée israélienne a fermé dimanche la zone maritime de la bande de Gaza, empêchant ainsi les pêcheurs palestiniens de sortir en mer.

Pierre Barbancey
Moyen-orient. Les Émirats enterrent « l’initiative arabe » de 2002 - Pierre Barbancey, L'Humanité, 17 août 2020
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