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30 avril 2021 5 30 /04 /avril /2021 08:14
Violences à Jérusalem - communiqué du PCF, 28 avril 2021

Le jeudi 22 avril, de jeunes Israéliens ouvertement encouragés par les organisations suprématistes et racistes du Parti sioniste religieux se dirigent vers Jérusalem-Est, vers la Porte de Damas. Ils veulent « restaurer la dignité juive », ils crient « Mort aux Arabes ». A la Porte de Damas, ils retrouvent la police de Jérusalem qui interdit aux Palestiniens de se réunir en ce mois de Ramadan, comme c’est la coutume. Des heurts ont éclaté entre la police et les Palestiniens. Mais lorsque cette même police, sous prétexte de s'interposer entre les Palestiniens et les nervis d'extrême droite, a imposé son "ordre", on a relevé plus de 105 blessés palestiniens et des dizaines d’arrestations ont eu lieu. Le président de la Joint List à la Knesset, Ayman Odeh a confirmé que les forces d’occupation avaient permis à l’extrême droite d’«organiser un pogrom ».

A Jérusalem-Est, le samedi 24 avril, une manifestation organisée par Peace Now, Hadash, Free Jerusalem et d'autres groupes, a eu lieu en réponse à la diffusion accrue de l'idéologie raciste à travers la ville ces derniers jours. Des centaines de personnes ont appelé les Juifs et les Arabes à s'unir.

En Cisjordanie et à Gaza, les Palestiniens se sont réunis pour protester contre les violences à Jérusalem.

A Jérusalem-Est occupée depuis 1967, annexée au mépris du droit international depuis 1980, les forces d’occupation arrêtent les militants palestiniens qui préparent les prochaines élections à l’Assemblée législative de l’Autorité palestinienne. L'observateur permanent de la Palestine auprès des Nations unies, Riyad Mansour, a exhorté tous les pays « à faire pression sur Israël, puissance occupante, pour qu'il ne bloque pas les prochaines élections à Jérusalem-Est. »

Dans le quartier de Sheir Jarrar, le 2 mai, quatre familles et trois autres le 1er août doivent être expulsées à la suite de la décision des tribunaux israéliens en faveur des poursuites d'expulsion engagées par une organisation de colons.

Ces expulsions sont conformes à la volonté israélienne affichée d’effacer toute présence palestinienne de Jérusalem.
A l’appel d’organisations palestiniennes et de plusieurs dizaines ONG dans le monde, nous faisons circuler le pétition "Stop Israel’s forced displacement of Palestinians from East Jerusalem!"

Une fois de plus nous demandons avec insistance à notre gouvernement qui se dit « vivement préoccupé par les tensions et les violences des derniers jours à Jérusalem, notamment autour de la vieille ville, ainsi qu’en Cisjordanie » et dont l’ambassadeur de France auprès de l’ONU appelle « Israël à ne pas faire obstacle aux élections à Jérusalem-Est et dans le reste des territoires occupés depuis 1967 » ne pas se contenter de mots mais d’agir en reconnaissant dans les plus brefs délais l’État de Palestine dans les frontières de 1967, avec Jérusalem-Est comme capitale et le respect du droit au retour des réfugiés de 1947 et 1967 suivant la résolution 194 qu’Israël a signée.

La France ne peut rester muette quand la collusion entre les forces extrémistes et le gouvernement israélien tend à s’institutionnaliser, elle doit entendre le cri d’alarme des Palestiniens et des Israéliens progressistes.

La France ne doit pas oublier que la sécurité des deux peuples dépend de la justice, du respect du droit international.

Parti communiste français,
Paris, le 28 avril 2021

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30 avril 2021 5 30 /04 /avril /2021 08:06
En 2020, la France s'est hissée à la troisième place du podium des pays vendeurs d’armes en réalisant 8,2% des transactions mondiales (secteur international PCF)

Le commerce de la mort se porte bien...

En 2020, la France s'est hissée à la troisième place du podium des pays vendeurs d’armes en réalisant 8,2% des transactions mondiales, juste derrière les États-Unis (37%) et la Russie (20%). et devant l’Allemagne (5,5%) et la Chine (5,2%). En outre, ses dépenses militaires sont les plus importantes d'Europe occidentale à 50,1 milliards USD même si c'est l'Allemagne qui réalise la plus forte augmentation (10% en un an) de son budget de la Défense doté de 49,3 milliards USD.

En pleine pandémie Covid et crise sanitaire qui ont exacerbé les inégalités sociales et économiques ainsi que les dérives autoritaires et atteintes aux droits humains dans de nombreux pays du monde, y compris la France ! le gouvernement Castex a donc su « garder le cap » à l'international et participer avec ardeur à l'augmentation constante des dépenses militaires mondiales : « Les dépenses militaires mondiales sont estimées à 1 917 milliards de dollars en 2019, soit 2,2 % du produit intérieur brut (PIB) mondial, soit 249 USD par personne. En 2019, elles ont augmenté de 3,6 % par rapport à 2018 et de 7,2 »% par rapport à 2010. Leur croissance totale en 2019 a été la 5e augmentation annuelle consécutive et la plus importante de la décennie 2010-2019, dépassant celle de 2,6 % en 2018 » (Stockholm International Peace Research Institute – SIPRI – Rapport 2020).

La France qui intègre les ventes d'armes au chapitre des performances de son commerce extérieur vend là où les acheteurs paient cash et utilisent ces matériels : « Les importations d'armes du Moyen-Orient ont augmenté de 25 % au cours de la période, principalement sous l'impulsion de l'Arabie saoudite (+61 %), de l'Égypte (+136 %) et du Qatar (+361 %) » souligne le SIPRI. Cela explique notamment la présence d'armements français dans la guerre au Yémen menée depuis 6 ans par l'Arabie saoudite provoquant la pire crise humanitaire mondiale jamais connue.

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30 avril 2021 5 30 /04 /avril /2021 08:03
Emmanuel Macron de Françafrique -Félix Atchadé membre du Collectif Afrique du PCF

En dépit de ses promesses de réformes de la relation Afrique-France, Emmanuel Macron marche dans les pas de ses prédécesseurs. Ce conservatisme ne fait qu’exacerber le « sentiment antifrançais » en Afrique francophone.

Le 28 novembre 2017, dans un discours prononcé en présence de son homologue burkinabè à l’université Joseph Ki Zerbo de Ouagadougou, Emmanuel Macron qui venait de boucler son premier semestre à l’Élysée proposait « d’inventer une amitié pour agir » entre la France et le continent africain. Avec la verve et la flamboyance qui font son style, il annonça comme ses prédécesseurs la mort de la Françafrique et— nouveauté —« qu’il n’y a plus de politique africaine de la France ». Malgré une brève coupure d’électricité et quelques ratés de la sonorisation, les 800 étudiants qui avaient pris place dans l’amphithéâtre avaient été séduits par les talents d’orateur et les promesses de rupture avec les errements du passé, d’argent pour le développement, de priorité à l’éducation, etc. du président français.

Des promesses de Ouagadougou

Las ! À un an du terme de son mandat, le bilan est plutôt maigre, même si à la vérité historique on doit noter les progrès qu’il a insufflés au processus de réconciliation avec le Rwanda. Autre point positif, les changements à la législation sur l’inaliénabilité du patrimoine muséal qui ont permis la restitution aux pays d’origine de quelques œuvres du patrimoine africain. Au Sahel, malgré la croissance des budgets et des effectifs militaires français on ne peut que constater l’échec des réponses à une crise qui n’en finit plus. Après huit ans de présence, l’opération Barkhane est perçue comme une force d’occupation et les critiques se font de plus en plus virulentes à son égard. La réforme du franc CFA annoncée le 21 décembre 2019 à Abidjan par Emmanuel Macron et le président ivoirien Alassane Ouattara n’a tenu aucune des promesses d’en finir avec cette relique d’un temps que tous les deux annonçaient révolu. Le franc CFA reste une monnaie contrôlée par l’État français !

Marche à l’ombre de Jacques Chirac

Les engagements d’aggiornamento d’Emmanuel Macron dans la relation entrent la France et l’Afrique « où se jouera une partie du basculement du monde » ont fait long feu. La dernière preuve en date, son hommage posthume à Idriss Deby « l’ami courageux » de la France qui a « œuvré sans relâche pour la sécurité du pays et la stabilité de la région durant trois décennies. » Comme Jacques Chirac qui a adoubé en 2005 la dynastie dictatoriale togolaise des Gnassingbé père et fils, Emmanuel Macron a déclaré « prendre acte » de la transition non constitutionnelle de dix-huit mois imposés par des militaires tchadiens dirigés par le général Mahamat Idriss Deby, commandant de la Garde présidentielle et fils du défunt.

Le président français a fait le déplacement de Ndjamena le 24 avril 2021 pour les obsèques d’Idriss Deby Itnoqui a rendu « son dernier souffle en défendant l’intégrité territoriale sur le champ de bataille » selon la propagande de la soldatesque putschiste. Ce voyage a accordé une légitimité internationale à un pouvoir issu d’un coup d’État. Plus grave, il a entériné l’usage de la force, le mépris pour le droit et la constitution comme mode d’expressions politiques. Ça n’a pas manqué ! Quatre jours après ce voyage, la junte adoubée par le président français a fait tirer à balles réelles sur des manifestants aux mains nues. Des morts : « cinq pour les autorités judiciaires tchadiennes et neuf pour la Convention tchadienne de défense des droits de l’homme (CTDDH) » rapporte l’Agence France-Presse (AFP). Cette énième entorse aux principes que la France prétend promouvoir ne fera que renforcer la réputation de duplicité et de garante d’ordres iniques et antidémocratiques qui lui est faite par ses critiques les plus radicaux. Et que dire de la « stabilité de trente ans » du Tchad invoquée par l’Élysée ? Dans ce pays, la constance c’est l’état de guerre et de la répression de toute contestation politique. De la région du lac Tchad au Tibesti, la conflictualité armée est la règle ; la pauvreté, le quotidien de la majorité de la population.

Il n’est jamais trop tard

Ces dernières années, la France a été conspuée, comme jamais, en Afrique francophone. Du Sahel au golfe de Guinée, les rues des capitales bruissent de récriminations ; les réseaux sociaux et les débats médiatiques rivalisent de mots durs pour la caractériser. Dernier signe en date de cette montée du « sentiment antifrançais » : au cours, des émeutes qui ont secoué le Sénégal au début du mois de mars (14 morts, plus de 600 blessés et la destruction de biens matériels) les enseignes françaises ont été spécifiquement ciblées par les manifestants. Pour mettre un terme à cette situation, « renouveler le narratif entre la France et l’Afrique », la mobilisation d’intellectuels talentueux comme Achille Mbembe, Alain Mabanckou, Felwine Sarr ou Kako Nubupko ne suffira pas ! « Aux grands maux les grands remèdes », pas la poudre de perlimpinpin ! Si les communistes ont une demande à faire au président de la République, c’est qu’il rompe avec les vieilles recettes de la Françafrique et mette l’influence diplomatique et la puissance de la France au service d’un cadre international juste et équitable. L’image de la France n’en sera que rétablie. Les jeunes générations africaines, si l’on s’en tient aux échos que nous avons, ne demandent rien d’autre.

Félix Atchadé
membre du Collectif Afrique du PCF

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28 avril 2021 3 28 /04 /avril /2021 07:25
Turquie : Le putsch permanent contre la démocratie - le procès du HDP (par Pascal Torre, secteur international du PCF)
Turquie : Le putsch permanent contre la démocratie
Le procès Kobane

Le 26 avril 2021 s’est ouvert à Ankara le procès de 108 dirigeants du Parti démocratique des peuples (HDP). Le régime de R.T. Erdogan leur reproche d’avoir organisé, en octobre 2014, des manifestations de soutien aux combattants kurdes qui opposaient une résistance farouche à l’offensive de l’État Islamique dans la ville symbole et martyre de Kobane. Celles-ci faisaient écho aux inquiétudes de l’opinion publique mondiale qui exprimait, dans un même mouvement, sa solidarité à l’égard de l’héroïsme de ces femmes et de ces hommes face à l’obscurantisme.

Cette mobilisation d’ampleur s’est réalisée dans un contexte périlleux car nul n’ignorait alors la complicité de l’État turc avec Daesh. La répression fut terrible puisque 37 personnes trouvèrent la mort dans les différents rassemblements au travers du pays.

Ce sont donc des parlementaires comme Selahattin Demirtas, dont la Cour européenne des droits de l’Homme vient d’exiger la libération immédiate, Figen Yüksekdag ou Pervin Buldan, mais aussi des maires révoqués, des dirigeants locaux, qui sont aujourd’hui poursuivis pour s’être tenus debout, dans la dignité, pour défendre la liberté. Ils sont sous la menace de centaines d’années de prison.

« Le HDP est aux avant-postes pour promouvoir les valeurs humanistes qui sont les nôtres. »

Le Parti démocratique des peuples est aux avant-postes pour promouvoir les valeurs humanistes qui sont les nôtres. C’est d’ailleurs la seule formation turque qui s’est félicitée, dans un contexte d’hystérie ultra-nationaliste, de la reconnaissance du génocide arménien par les États-Unis. Nous sommes indéfectiblement à leurs côtés pour défendre l’universalisme des droits humains au moment où la Turquie vient de se retirer de la convention d’Istanbul, premier instrument juridique au monde pour prévenir et combattre les violences contre les femmes.

Alors que les menaces régionales perdurent, que Daesh se restructure en Irak ou en Syrie et mène chaque jour de nouvelles opérations, les communistes condamnent sans réserve ce nouveau procès politique qui vise à broyer toutes les formes d’opposition et à supprimer toute expression du dissensus politique. Cette parodie de justice doit être annulée et tous les prisonniers politiques libérés, notamment Abdullah Ocalan.

La procédure d’interdiction du HDP

Chaque jour, la Turquie de R.T. Erdogan s’enfonce dans la destruction de la démocratie. Elle vient aussi d’engager une procédure de dissolution du Parti démocratique des peuples.
Après plusieurs semaines de violentes attaques conjointes de la part des islamo-conservateurs de l’AKP et des fascistes du MHP, le procureur de la Cour de cassation a rédigé et remis à la Cour constitutionnelle un dossier demandant l’interdiction du HDP, troisième force parlementaire du pays.

Cette nouvelle offensive de R.T. Erdogan contre l’expression de la volonté populaire s’inscrit dans l’impitoyable répression qui frappe cette formation. Plus d’une dizaine de parlementaires croupissent en prison, 60 maires ont été révoqués, et ces derniers jours près de 800 militants ont été arrêtés. Des procédures se focalisent contre les parlementaires Berdane Oztürk, Cerhan Isik, Sezai Temelli, Tayip Temel, Murat Sarisac. Ils ne sont pas les seuls. La députée d’Agri Dilan Dirayet Tasdemir fait l’objet de poursuites, tandis que le défenseur des droits humains Omer Faruk Gergertioglu vient d’être condamné à deux ans et demi de prison.

Le dépôt de ce dossier d’interdiction du HDP vise plusieurs objectifs : la levée de l’immunité parlementaire de tous les députés du HDP, puis l’organisation d’un procès afin d’obtenir leur destitution et leur condamnation pour « terrorisme ». L’étirement de la procédure devrait permettre à R.T. Erdogan de ne pas s’exposer à des scrutins partiels avant la consultation de 2023 et de se maintenir au pouvoir, d’autant que la crise économique et sanitaire provoque un profond mécontentement dans le pays.

L’AKP cherche aussi par le truchement d’une réforme constitutionnelle (art.14) à interdire à vie les activités des cadres et élus du HDP en prohibant la reconstitution du parti sous une autre appellation. 687 dirigeants et militants sont cités dans cet acte. À cela s’ajoute l’interruption du soutien financier au HDP et la saisie de tous ses biens. Il s’agit donc d’un véritable putsch contre la démocratie !

Pendant ce temps, E. Macron tente de renouer des liens avec le tyran d’Ankara, tandis que l’Union européenne joue les bons offices, au prix de quelques humiliations, afin de s’assurer que les migrants seront toujours contenus derrière la frontière turque. Ces dirigeants qui ne manquent jamais une occasion de faire des leçons de morale à la terre entière sont totalement silencieux face aux piétinements des droits humains par la Turquie de R.T. Erdogan. Le cynisme atteint son paroxysme avec les procédures d’intimidations, les arrestations et les menaces d’extradition qui pèsent sur les Kurdes qui vivent sur notre territoire, qui s’engagent pour la paix et la liberté et qui subissent, comme la communauté arménienne, les attaques et les violences des « Loups gris ».

Les communistes sont indéfectiblement aux côtés des démocrates de Turquie et notamment des Kurdes. Stop Erdogan !

Pascal Torre
responsable-adjoint du secteur international du PCF
chargé du Maghreb et du Moyen-Orient

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26 avril 2021 1 26 /04 /avril /2021 07:34
Big pharma. Les actionnaires touchent le jackpot (Thomas Lemahieu, L'Humanité, vendredi 23 avril 2021)
Big pharma. Les actionnaires touchent le jackpot
Vendredi 23 Avril 2021 - L'Humanité

Selon la coalition People’s Vaccine, l’argent versé au titre des dividendes permettrait de protéger du Covid-19 l’ensemble de la population africaine.

 

Avec Pfizer et Johnson & Johnson, jeudi, Moderna, la ­semaine prochaine, et AstraZeneca, début mai, la saison des assemblées générales s’ouvre dans le secteur pharmaceutique. Et, avec la pandémie de Covid-19, elle promet d’être encore plus ­radieuse pour les actionnaires. L’occasion pour la coalition internationale People’s Vaccine (« vaccin du peuple »), fédérant les ONG et tous les mouvements qui militent depuis un an, à l’échelle de la planète, pour faire des vaccins un « bien public mondial », de se pencher sur l’utilisation des profits dégagés par des multinationales. Selon ses calculs, Pfizer, Johnson & Johnson et AstraZeneca ont offert l’année dernière 21,4 milliards d’euros à leurs actionnaires par le biais de dividendes et d’opérations de rachat d’actions : dans le détail, Astra­Zeneca a distribué 3 milliards d’euros, Pfizer, 7 milliards d’euros, et Johnson & Johnson, 11,4 milliards d’euros. On peut y ajouter que, début mai, Pfizer compte verser, au titre de ses dividendes trimestriels, un montant global de 3 milliards d’euros.

La transparence sur les investissements publics

Selon la plateforme citoyenne, qui défend un accès universel aux vaccins, avec la somme de 21,4 milliards d’euros et en se basant sur un prix moyen de 15,80 euros la dose – le tarif moyen fixé de manière arbitraire et, rappelons-le, malgré les montagnes d’aides publiques reçues par Big Pharma –, il aurait été possible de fournir un vaccin à 1,35 milliard de personnes dans le monde, soit l’équivalent de la population de l’Afrique entière. En réalité, avec cet argent dilapidé sur les marchés financiers, il serait possible de faire beaucoup plus encore, en rapprochant les tarifs des doses de leurs coûts de fabrication : d’après la coalition People’s Vaccine, une étude de l’Imperial College de Londres établit que les vaccins à ARN messager, vendus dans l’Union européenne entre 19 et 25 euros – avant même les hausses spectaculaires annoncées ces derniers jours, comme chez Pfizer (lire notre édition du 21 avril) –, ne coûtent qu’entre 50 centimes et 1,70 euro à produire.

Sur cet aspect, la révolte gronde également à l’intérieur même des grands groupes aux États-Unis. L’Interfaith Center on Corporate Responsability, un mouvement d’actionnaires activistes fédérant des ONG comme Oxfam et des ­associations confessionnelles, ­demande des comptes à Pfizer et à Johnson & Johnson. À travers ­plusieurs motions soumises aux actionnaires, il réclame la transparence sur les investissements publics afin de mettre en lumière le décalage scandaleux avec les prix et les profits exorbitants des multinationales.

Livraisons de vaccins, les pays du sud en danger

À l’occasion d’une nouvelle réunion, jeudi, les grandes puissances capitalistes, États-Unis et Union européenne, ont continué d’empêcher toute avancée sur la proposition d’une dérogation temporaire au régime des brevets pharmaceutiques à l’Organisation mondiale du commerce. L’urgence est pourtant plus forte que jamais : avec l’explosion pandémique en Inde, le pays qui est vraiment l’usine du monde pour les vaccins, c’est le programme, largement insuffisant, de livraison aux pays du Sud qui risque de s’arrêter complètement. D’ores et déjà, le programme de mutualisation Covax, censé fournir des vaccins aux États les moins riches, constate les effets du dérapage : la plateforme ne pourra pas distribuer plus de 145 millions de doses d’ici à la fin juin (contre 240 millions qui étaient prévues) à une centaine de pays.

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22 avril 2021 4 22 /04 /avril /2021 07:09
Libérez Marwan Barghouti, en prison depuis le 15 avril 2002, et les autres prisonniers politiques palestiniens!!! Signez la pétition de la JC!
 
Toi aussi signe la pétition qui sera remise au Ministre des affaires étrangères!
 
Ou pour le Finistère.
 
Via mail : mjcf.finistere@gmail.com
 
Durant toute la semaine, nous avons fait circuler la pétition pour la libération de Marwan Barghouti, parlementaire palestinien emprisonné par Israël depuis 19 ans.
Nous remercions nos camarades et élus du PCF pour leur soutien. Nous continuerons le temps qu'il le faudra pour faire libérer Marwan Barghouti.
 
Liste des premiers signataires sur le Finistère de la pétition de la JC :
-Ismaël DUPONT, 1er Adjoint à Morlaix, Secrétaire Départemental du PCF
-Martine CARN, Élue d'opposition à Plougonven, tête de liste de la gauche aux dernières élections municipales
-Jean Paul CAM, Secrétaire de la Section PCF Brest
-Michel TUDO DELER, Secrétaire de la Section PCF Lanmeur
-Jean Claude POSTIC
-Ronan TANGUY, trésorier de la fédération du PCF
-Fabienne CYRIAQUE
 
🔴 15 avril 2002 : arrestation de Marwan Barghouti
➡ Dirigeant du Fatah, membre du Conseil Législatif Palestinien, artisan de la paix, toujours enfermé dans les geôles israéliennes, comme 5 000 autre prisonniers politiques
LIBEREZ MARWAN ! 🥊
- Jean Claude CARIOU
-Jérémy LAINE
-...
il est bien sûr toujours possible de signer la pétition en ligne : https://www.jeunes-communistes.fr/liberte-pour-marwan.../
 
Message de Enzo de Gregorio pour le MJCF 29 
 
Dans le cadre de la semaine des prisonniers palestiniens cette semaine, la JC  travaille à la signature massive de la pétition pour Marwan Barghouti.
 
Mercredi, nous fêterons un triste anniversaire, le 15 avril 2002, Marwan Barghouti était emprisonné par Israël. Marwan est le premier membre du parlement palestinien arrêté par Israël. 
 
Le 20 mai 2004, après un procès à charge, il est condamné à 5 peines de réclusion à perpétuité et à 40 ans de prison. Lors de son procès Marwan Bargouthi, n'a pas reconnu le tribunal militaire israélien ni sa capacité à juger un ressortissant palestinien. 

Ce procès à largement été condamné à l'international par de nombreux observateurs, notamment le sénateur communiste Jean Claude Lefort et l'avocate Gisèle Halimi. 
 
Il est le symbole : celui d'un peuple entier que l'on enferme, mais aussi de la lutte contre la colonisation. Tout comme Mandela l'a été pour l'Afrique du Sud, Marwan Bargouthi est une figure d'espoir. L'espoir qu'un jour les Palestiniens puissent vivrent libre et unis dans leur pays.
Il sera d'ailleurs de nouveau candidat au législative en Palestine.
La libération de Marwan Bargouthi est un préalable à un processus de paix entre la Palestine et Israël. 
 
C'est pour cela que le Mouvement des Jeunes Communistes de France ce bat depuis des années pour obtenir la libération de Marwan Barghouti. 
 
Ainsi, nous vous proposons de signer la pétition du MJCF pour la libération de Marwan Barghouti.
 
Toi aussi signe la pétition qui sera remise au Ministre des affaires étrangères!
 
Ou pour le Finistère.
 
Via mail : mjcf.finistere@gmail.com
 
Fraternellement, 
 
Enzo De Gregorio, 
Secrétaire Départemental MJCF 
mjcf.finistère@gmail.com
Libérez Marwan Barghouti, en prison depuis le 15 avril 2002, et les autres prisonniers politiques palestiniens!!! Signez la pétition de la JC!
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20 avril 2021 2 20 /04 /avril /2021 05:56
Yolande Mukagasana, née au Rwanda le 6 septembre 19541, est une infirmière et écrivaine rwandaise de langue française. Sa famille a été assassinée durant le génocide des Tutsis au Rwanda et, depuis lors, elle se consacre à faire connaître le génocide, à rendre aux victimes leur honneur et à militer pour une coexistence pacifique.

Yolande Mukagasana, née au Rwanda le 6 septembre 19541, est une infirmière et écrivaine rwandaise de langue française. Sa famille a été assassinée durant le génocide des Tutsis au Rwanda et, depuis lors, elle se consacre à faire connaître le génocide, à rendre aux victimes leur honneur et à militer pour une coexistence pacifique.

La faillite morale, politique et militaire de la France

Par Yolande Mukagasana Écrivaine, survivante du génocide contre les Tutsis, chercheuse indépendante sur le génocide

L'Humanité, lundi 19 avril

J’ai lu avec attention la tribune d’Alain Juppé publiée dans le journal daté du 7 avril 2021, jour de la commémoration du génocide contre les Tutsis. Texte désolant. Car, même lorsqu’il fait des efforts de contrition, Alain Juppé semble inaccessible à la souffrance des victimes.

D’entrée de jeu, que fait sans ambages l’ancien patron du Quai d’Orsay ? Saluer en préambule la mémoire de toutes les victimes du génocide ? C’est au-dessus de ses forces : Juppé préfère rendre hommage exclusivement à l’ancien président de la Cour constitutionnelle. Simple maladresse d’un storytelling concocté dans un cabinet de communication, ou mépris instinctif de toutes les autres victimes du génocide ? Provocation ou signes annonciateurs d’un mal plus grave : la maladie de la mémoire ?

« Nous n’avons pas compris que le génocide ne pouvait supporter des demi-mesures », affirme ensuite Juppé. Début d’un demi mea culpa, ou nouvelle tentative de réécrire l’histoire du génocide en atténuant la faillite morale, politique et militaire de la France au Rwanda mise en lumière par le rapport Duclerc ?

Car, qu’est-il reproché à la France au Rwanda avant, pendant et après le génocide ? Ce qu’elle a fait ou ce qu’elle n’a pas fait ? Ses demi-mesures ou plutôt son engagement ? La timidité de sa politique ou son soutien des auteurs du génocide ? Car, qui s’est chargée de la formation de la garde présidentielle ? Qui entraînait les forces de la gendarmerie ? Qui, durant quatre longues années, a fourni armes, munitions et conseils au gouvernement, qui préparait le génocide ?

Les mots ont un sens : parler de demi-mesure, c’est insinuer que ne serait regrettable, tout compte fait, non pas le compagnonnage avec les tueurs, mais la tiédeur d’une politique trop timorée. Donc, sous-entendue bonne, au fond.

Nous autres, victimes du génocide, nous nous souvenons de tout.

Puis, il y a ces trous de mémoire assez prodigieux de Juppé. Rien, pas un mot de regret sur la réception, le 27 avril 1994, du ministre des Affaires étrangères du gouvernement génocidaire, Jérôme Bicamumpaka, et de son directeur des affaires politiques, l’idéologue extrémiste Jean-Bosco Barayagwiza.

Rien non plus sur le refus d’arrêter les suspects du génocide, et cette note du Quai d’Orsay datée du 15 juillet 1994 : « Si, comme il est probable, certains membres du gouvernement sont déjà présents dans la zone, il est souhaitable de les en faire partir dans les plus brefs délais : leur présence ne sera pas longtemps cachée ; nous n’aurons pas la possibilité de les remettre aux Nations unies, qui n’ont à ce stade créé qu’une commission d’enquête sur le génocide, sans pouvoir de contrainte de type policier. Nous risquons aussi, dès la formation d’un nouveau gouvernement par le FPR, d’être invités à remettre les intéressés aux nouvelles autorités. Mieux vaut prévenir ce risque en faisant partir les intéressés… »

Juppé a peut-être des problèmes de mémoire, mais nous autres, victimes du génocide, nous nous souvenons de tout, y compris de ce qui s’est passé après le génocide.

Alain Juppé a menti en connaissance de cause. Froidement. Avec méthode, détermination et acharnement.

Qui oubliera les appels récurrents, répétitifs, agressifs de Juppé, lors des commémorations du génocide, à défendre l’honneur de la France contre tous ceux qui demandaient la vérité sur l’implication de l’État français au Rwanda, tous accusés au passage de tentative de falsification de l’histoire ?

Le fait est que ces appels indécents et annuels ont alimenté le discours négationniste en jetant le soupçon sur la parole des victimes. Des années durant, Alain Juppé a menti en connaissance de cause. Froidement. Avec méthode, détermination et acharnement.

Sa vie n’a pas été bouleversée par le génocide. Par contre, celle de nombreux Rwandais en a été chamboulée. La vérité est que, si la France ne s’était pas engagée auprès du gouvernement raciste de Habyarimana à partir de 1990, je ne serais pas aujourd’hui, comme beaucoup d’autres Rwandais, seule au monde.

La France a soutenu ceux qui ont tué les miens avant, pendant et après le génocide.

L’année du génocide, j’étais une femme comblée, j’avais une famille, j’avais 40 ans, et soudain, ma vie a été brisée : je suis devenue une survivante et en grande partie à cause des décisions prises par Juppé et d’autres grands messieurs qui détenaient les rênes du pouvoir en France.

Si la France ne s’était pas engagée au Rwanda, j’aurais encore aujourd’hui mes enfants auprès de moi, ainsi que le reste de ma famille, je serais entourée de mes amis. Si la France ne s’était pas engagée en 1990 aux côtés des assassins de ma famille, je serais grand-mère aujourd’hui comme les autres femmes de mon âge.

La France a soutenu ceux qui ont tué les miens avant, pendant et après le génocide. Et Juppé était le chef de la diplomatie française. Aurait-il déjà oublié tout cela ? Aurait-il oublié que le gouvernement génocidaire a été formé à l’ambassade de France à Kigali ? Aurait-il oublié que la France a évacué les génocidaires en laissant les victimes à la merci de leurs bourreaux, y compris les employés de la mission de coopération française ?

L’homme semble dans son propos heureux que le rapport Duclert n’ait pas prononcé le mot complicité. Et là, je ne peux m’empêcher de m’interroger : l’ancien ministre des Affaires étrangères et actuel membre du Conseil constitutionnel serait-il à ce point incapable de faire la différence entre un rapport élaboré par des historiens et un rapport rédigé par des juges ? L’histoire advient et ensuite le droit passe, tôt ou tard.

Avec son demi-mea culpa tordu, Juppé vient de perdre, une fois de plus, l’occasion de se taire lors d’une journée consacrée à la mémoire des rescapés. Oui, il faut évidemment avancer vers une réconciliation entre la France et le Rwanda. Mais cette réconciliation ne saurait être fondée sur des demi-vérités, mais sur l’acceptation de ce qui s’est passé.

Au Rwanda, on trouve encore de grands génocidaires qui ont parfois sauvé un enfant tutsi. Et que répondent-ils lorsqu’on leur demande la raison de leur geste ? Que c’était par mesure de précaution : en cas de victoire du FPR, ils pourraient ainsi se présenter devant tout le monde en affirmant qu’ils n’avaient pas tué les Tutsis puisqu’ils en avaient sauvé un.

Génocide des tutsis, dénis de Juppé - La faillite morale, politique et militaire de la France, par Yolande Mukagasana, L'Humanité, page Débats, 19 avril,
Génocide des Tutsis : quel travail de mémoire, pour quelle réparation ?
Lundi 19 Avril 2021

Après la remise du rapport de la commission dirigée par Vincent Duclert sur le rôle effectif de la France au Rwanda, entre 1990 et 1994, de nombreuses questions subsistent. Pour en débattre : les historiens Sébastien Jahan et Alain Gabet, et Yolande Mukagasana, écrivaine, survivante du génocide contre les Tutsis et chercheuse indépendante.

 

Du déni rwandais à l’impensé françafricain

Par Sébastien Jahan et Alain Gabet Historiens

Le 26 mars, la commission dirigée par Vincent Duclert a rendu son rapport au président Macron sur le rôle joué par la France dans le génocide tutsi au Rwanda en 1994. Cette somme d’un millier de pages a été saluée comme une étape essentielle vers la reconnaissance par l’État français de ses fautes.

Mais les critiques qui ont été exprimées doivent également être entendues comme une opportunité pour ouvrir plus largement le champ de conscientisation de notre passé postcolonial et du potentiel mortifère de notre système politique.

Commençons par les acquis incontestables de ce travail. Le rapport conclut à la « responsabilité lourde et accablante » des autorités françaises de l’époque, loin du travail euphémisant de la mission d’information parlementaire de 1998.

Ce texte tord le cou aux théories négationnistes et complotistes qui ont fleuri sur les tombes des plus de 800 000 victimes du génocide.

Le rapport déconstruit en effet les mécanismes qui ont conduit la France à se compromettre toujours plus avec un régime en voie de radicalisation extrême, dont il n’était pas possible de ne pas voir le plan génocidaire. Le dépouillement minutieux des archives permet de pointer les responsables de cette dérive et apporte des pistes d’explications intéressantes pour comprendre la focalisation hexagonale sur cette ancienne colonie belge longtemps hors des « pays du champ ».

Ce texte, qui a valeur officielle, tord le cou aux théories négationnistes et complotistes qui ont fleuri sur les tombes des plus de 800 000 victimes du génocide. Ainsi, la thèse du « double génocide » est définitivement enterrée et le rapport confirme par ailleurs qu’il n’existe aucun début de preuve que le FPR (Front patriotique rwandais) soit responsable de l’attentat contre Habyarimana.

Tout cela, des journalistes, des chercheurs et des associations l’ont dit depuis longtemps, mais le rapport en apporte la confirmation à partir de sources qui étaient cruciales et inaccessibles : les archives des corps de l’État en charge du dossier rwandais. Mais, reconnaissons-le : si c’est la boîte des fautes françaises que le rapport Duclert ouvre, alors il ne faut surtout pas la refermer sur ces acquis.

 

Le texte de la commission Duclert n’est, en effet, pas exempt de lacunes. Nous en retiendrons trois.

On peut se demander ce qui distingue l’« aveuglement » de la complicité.

La première porte sur les conclusions et l’usage du terme « aveuglement », préféré à celui de « complicité ». En évitant ce dernier mot, il est possible que les membres de la commission aient répondu, consciemment ou non, à une commande politique. Il semble clair, en effet, que ce rapport, voulu par le président et chef des armées, n’ait pu franchir une telle ligne rouge, sauf à provoquer une crise majeure avec l’institution militaire.

Lorsque Vincent Duclert dit qu’il n’y a pas complicité, si on entend par là un partage de l’intention génocidaire, il est difficile de lui donner tort. Toutefois, à la lecture de certaines pages du rapport, on peut se demander ce qui distingue l’« aveuglement » de la complicité. Cette dernière, en outre, selon la jurisprudence des tribunaux pénaux internationaux (TPI), n’a pas besoin de se manifester par l’aide directe et intentionnelle d’un tiers pour être qualifiée, ce qui laisse donc la porte ouverte à d’éventuelles suites judiciaires.

La deuxième limite du rapport tient à sa critique inachevée des institutions. Des pages saisissantes et d’une indéniable rigueur analytique mettent en évidence l’existence d’une chaîne de commandement parallèle, par laquelle François Mitterrand ou son chef d’état-major particulier faisaient transmettre les ordres sur le terrain, ce qui leur permettait de mettre en application, sans obstacle, des idées inspirées d’une vision passéiste et raciste de la société et de la géopolitique des Grands Lacs.

D’autres passages montrent aussi que certains, dans l’appareil d’État, ont tenté de s’opposer à ce que le rapport considère comme des « dérives institutionnelles » graves. Mais ne faudrait-il pas s’inquiéter plutôt de l’impuissance de ces rouages importants de l’État à contrecarrer l’obsession présidentielle ? Que dire de ces institutions qui permettent à un homme et à son entourage de décider que la défense d’un pré carré contre des ennemis fantasmés compte plus qu’un génocide ?

La troisième limite permet de mettre le point précédent en perspective. Elle tient moins au contenu du rapport qu’à son périmètre initial, tel qu’il a été défini par le président Macron. La période choisie (1990-1994) focalise en effet l’attention sur le contexte étroit dans lequel s’intègre le génocide : les relations entre la France et le gouvernement du Rwanda au moment du conflit qui oppose ce dernier à la rébellion du Front patriotique rwandais (FPR).

Il faut être conscient de tout ce que l’opacité mitterrandienne dans la gestion de l’affaire rwandaise doit à la Françafrique.

Replacer le génocide des Tutsis dans le temps long des relations franco-rwandaises permet de comprendre que l’assistance militaire au profit d’une dictature aux fondements racistes s’est mise en place sous le septennat de Valéry Giscard d’Estaing et que le soutien aux génocidaires s’est de fait poursuivi avec Jacques Chirac, le dernier dirigeant occidental à lâcher Mobutu et ses alliés hutus radicaux qui rêvaient de prendre leur revanche sur le FPR.

Il faut donc être conscient de tout ce que l’opacité mitterrandienne dans la gestion de l’affaire rwandaise doit à la Françafrique, la politique souterraine visant à maintenir les anciennes colonies africaines dans l’aire d’influence de la France. Comme le rappelle l’ association Survie, le rôle de la France au Rwanda est bel et bien l’aboutissement monstrueux d’une pratique criminelle inscrite dans les gènes de la V e République .

Une future commission fera peut-être un jour le bilan de ces années de complicité de la France avec d’autres régimes assassins. Toutefois, et pour terminer sur une note positive, remarquons que le rapport Duclert aura sans doute des effets bénéfiques à court terme. En invalidant ce qui fut trop longtemps la version officielle de l’État, il proclame la légitimité de l’histoire à se saisir de ce sujet de recherche, pavant ainsi la route à de nouveaux travaux universitaires.

En soulevant la chape du déni, il apaise aussi la douleur et l’incompréhension des rescapés de cette immense tragédie qui espèrent maintenant non seulement des gestes symboliques forts, mais aussi que justice leur soit rendue.

A l'époque, l'Humanité avait été un des rares quotidiens français à ne pas désinformer sur le génocide des tutsis par le pouvoir extrémiste hutu et la responsabilité de la France de Mitterrand, Balladur, Léotard et Juppé:


"Un guide rwandais montrant une photo de l'armée française à Bisesero durant le génocide. © Thomas Cantaloube/Mediapart Des documents militaires inédits, dont Mediapart et France Inter ont pris connaissance, montrent que l’armée française a laissé se perpétrer en connaissance de cause des massacres contre la minorité tutsie pendant le génocide au Rwanda en 1994, alors même que sa mission confiée par les Nations unies était de les empêcher. Ces documents sont aujourd'hui entre les mains de la justice."

Envoyé spécial de « l’Humanité », Jean Chatain a été l’un des rares journalistes européens à couvrir les événements au Rwanda.
 
En 2014, 20 ans après  le génocide, il dénonçait encore le rôle de la France. Extraits.
 
Durant les quatre années de guerre civile, l’armée française n’a cessé de voler au secours du criminel système en place à Kigali. Avant “Turquoise” (juin-août 1994), il y a eu les opérations “Noroît”, “Chimère”, “Amaryllis”, révélatrices des relations entretenues par la présidence et le gouvernement français avec leurs homologues rwandais de l’époque. Présent au Rwanda fin avril 1994, j’avais pu circuler dans la zone déjà libérée par le FPR et interviewer son dirigeant, Paul Kagame. Cette rencontre se passait au pont de Rusumo, qui franchit l’Akagera (...), charriant dans ses flots jaunâtres un interminable cortège de cadavres venus de la région de Butare. Revenant sur le comportement plus qu’ambigu et tâtonnant des Nations unies, Paul Kagame avait notamment ce mot : “J’ai l’impression que, dans ses rangs, il y a des puissances, surtout les Français (...), qui voudraient bien influer sur l’issue du conflit. Le gouvernement français a toujours eu une attitude négative. Même lorsque les atrocités de ce régime étaient évidentes.” Quand, fin 1990, elles envoyaient des soldats participer au combat contre le FPR, “pensez-vous sérieusement que les autorités françaises s’imaginaient lutter pour la démocratisation de notre pays” ? Question : à quoi attribuer ce comportement effectivement de longue date ? “Je crois que la France a commencé sur un faux pas et qu’elle ne veut pas admettre qu’elle a eu tort. Je ne comprends pas cette obstination. C’est vrai, la France n’a pas chez nous d’intérêts spécifiques. Alors peut-être sommes-nous une pièce, un rouage dans sa politique générale en Afrique. Sur ce continent, le gouvernement français a soutenu beaucoup de régimes incroyables. Y compris, donc, au Rwanda, avec un gouvernement qui a massacré tant de gens.” »
JEAN CHATAIN, 8 AVRIL 2014

Lire aussi:

Jean Hatzfeld à la rencontre des Justes au Rwanda - par Muriel Steinmetz, L'Humanité, 25 février 2021

Rwanda. Les conclusions du rapport Duclert constestées - entretien entre Rosa Moussaoui et François Graner, L'Humanité, samedi 10 avril

Rwanda: les preuves d'un mensonge français (Médiapart)

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20 avril 2021 2 20 /04 /avril /2021 05:43
Boomerang - éditorial de Gaël de Santis dans L'Humanité du vendredi 16 avril: Covid-19, l'Humanité est une: l'absence de levée des brevets sur les vaccins est criminelle!!!
Éditorial. Boomerang
Vendredi 16 Avril 2021 - L'Humanité

L’humanité est une. Tant que le coronavirus circulera en un coin de notre planète, nul être humain ne sera à l’abri, qu’il soit vacciné ou non. C’est la leçon qu’on peut tirer de l’émergence du variant brésilien. Là-bas, le président d’extrême droite Jair Bolsonaro a décidé de laisser le sort de ses citoyens à la main libre du virus. Résultat : celui-ci s’est répandu comme la poudre et a muté, contaminant des gens censés être immunisés par une précédente infection. Le jour viendra, si le virus continue de trouver des hôtes en abondance, où celui-ci évoluera au point de rendre obsolètes les sérums existants. Pour les dirigeants des pays occidentaux où la campagne d’immunisation devrait s’achever avant la fin de l’année, penser s’en sortir à bon compte en vaccinant ici, mais en laissant le virus faire des ravages au sud, c’est s’exposer à un retour de boomerang.

La bataille de la production de vaccins doit être gagnée. Si on laisse une poignée de multinationales et start-up l’organiser, jamais la pénurie ne sera vaincue. L’Inde et l’Afrique du Sud proposent depuis l’an passé d’activer une disposition de ­l’Organisation mondiale du commerce qui permet à un État d’exiger une levée des brevets sur les vaccins en cas de « situation d’urgence nationale ». Qui peut nier qu’on soit dans une telle situation ? Pour l’heure, les riches pays du Nord, Union européenne en tête, font obstacle. Depuis novembre, une initiative citoyenne européenne « Pas de profits sur la pandémie », soutenue par des partis et personnalités de gauche, par les principaux syndicats et de nombreuses ONG, cherche à recueillir un million de signatures pour demander à la Commission européenne qu’elle lève la protection intellectuelle sur les sérums et médicaments nécessaires pour lutter contre le fléau. L’idée fait son chemin. 170 ex-chefs d’État et de gouvernement ou prix Nobel viennent d’inviter le président américain, Joe Biden, à lever les brevets. Nous ne serons protégés que lorsque l’ensemble de l’humanité, plus de 7,8 milliards d’hommes et femmes, le sera.

Boomerang - éditorial de Gaël de Santis dans L'Humanité du vendredi 16 avril: Covid-19, l'Humanité est une: l'absence de levée des brevets sur les vaccins est criminelle!!!
Vaccins anti-Covid. Pourquoi la levée des brevets reste la clé de la production des doses
Samedi 20 Mars 2021 - L'Humanité

« Pas de profit sur la pandémie ». Des États du Sud, qui en font la demande à l’Organisation mondiale du commerce, aux citoyens du Nord, qui interpellent l’Union européenne, la demande d’une suspension des règles de propriété intellectuelle devient un impératif. Retour sur une bataille pour faire du vaccin un bien public mondial.

La vaccination peut faire des miracles. L’an dernier, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a pu déclarer l’Afrique libre de la poliomyélite sauvage, une maladie très invalidante. Cette éradication a été possible grâce à une vaste campagne de vaccination. Si elle avait été menée avec les critères actuels, elle aurait coûté les yeux de la tête.

On doit le sérum contre la polio à Jonas Salk, virologiste états-unien, qui a fait le choix de ne pas déposer de brevet. « Peut-on breveter le soleil ? » avait-il alors ironisé. Son vaccin fonctionnait avec un virus affaibli. Depuis, des centaines de millions d’enfants et adultes ont été protégés par sa découverte.

Soif de profits

Et si on faisait la même chose avec les vaccins contre le Covid-19 ? La question est plus que légitime. Quelques firmes vont engranger de juteux profits grâce à la pandémie. En février, Pfizer se prédisait une marge de 4 milliards de dollars (3,35 milliards d’euros) grâce à son vaccin. Pour les autres multinationales ou laboratoires, les chiffres sont similaires, bien qu’ils aient bénéficié d’immenses fonds publics pour financer leurs recherches.

Cette soif de profits pose souci. L’Europe, mais aussi les pays du Sud peinent à protéger leur population, car les détenteurs de brevets sont incapables de fournir des doses de vaccin en quantité suffisante, ne disposant pas des capacités de production nécessaires.

Pourtant, les usines de leurs concurrents, qui n’ont pas découvert le précieux sérum, ne tournent pas à plein et pourraient être utilisées à bon escient. Tout cela dépend, bien sûr, du bon vouloir des détenteurs de brevets, qui autorisent, ou non, leurs concurrents à produire le vaccin, moyennant rémunération. Le hic est que, bien que s’appuyant sur la recherche publique sur les ARN messager, ce sont des entreprises privées qui ont développé un vaccin. En France, l’Institut Pasteur a échoué.

Des sérums sans financement

D’autres équipes de chercheurs ont trouvé un vaccin, comme celle constituée par le virologue Kalle Saksela, en Finlande. Ils ont trouvé un sérum nasal, testé sur les animaux, qui était presque finalisé en mai. Mais, faute de financements, les tests sur les humains n’ont pas encore été lancés et ne le seront que prochainement. Seule l’Académie des sciences de Finlande a participé au tour de table. La découverte aurait pourtant un avantage : sa facilité d’administration.

Cet exemple est assez unique. Partout dans le monde, une autre option est avancée : la levée temporaire des brevets. Une proposition en ce sens est sur la table de l’Organisation mondiale du commerce, faite par l’Afrique du Sud et l’Inde, le 2 octobre 2020. Elle est « sponsorisée » par 57 États, et soutenue par une majorité de membres.

Obstruction des pays occidentaux

Les pays occidentaux, où se trouvent les sièges des multinationales du médicament, font de l’obstruction. Les pays du Sud ne sont pas les seuls à exiger une levée des brevets. Des centaines d’ONG, partis politiques et syndicats demandent, en Europe, une décision en ce sens, face à l’incapacité des multinationales et start-up à relever le défi de la bataille de la production.

Une initiative citoyenne européenne – « Pas de profit sur la pandémie » – est portée notamment par le groupe la Gauche (ex-GUE/NGL) au Parlement européen, des ONG, des syndicats et des partis. Elle vise à collecter un million de signatures pour exiger que la Commission européenne présente une législation faisant la transparence sur l’utilisation des fonds publics par les multinationales, mais surtout à permettre une dérogation temporaire aux brevets sur les vaccins afin d’accélérer leur production. 

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19 avril 2021 1 19 /04 /avril /2021 20:28
Pas de profit sur la pandémie - 150 000 signataires pour la pétition de la gauche européenne
👏 📣De plus en plus de voix s'élèvent pour faire aujourd'hui vaccins des biens communs de l'humanité.
🏥 ✊ Face aux lobbies pharmaceutiques ils faut des actes: levons les brevets, mutuallisons la production et créons les conditions pour que les vaccins, largement financés par notre argent, soient remis dans les mains du public!
🌍 Face à une pandémie mondiale il faut une réponse collective, ne laissons plus notre santé dans les mains des Big-pharmas et permettons à tous les peuples l'accès aux vaccins et traitements anti-covid.
🥳 💪 Déjà 150 000 signatures pour la campagne européenne #PasdeProfitsurlaPandemie ensemble gagnons le million de signatures et obligeons l'UE et nos gouvernants à faire passer nos vies avant la logique de profit.
👉 Pour signer et faire signer c'est par ici: https://noprofitonpandemic.eu/fr/
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18 avril 2021 7 18 /04 /avril /2021 06:47
Sioniste et non-sioniste : Thomas Vescovi décrypte l'histoire et l'avenir des gauches en Israël
Vendredi 16 Avril 2021

Les progressistes, sionistes et non sionistes, ont joué un rôle central dans la construction du pays. Auteur de l’Échec d’une utopie. Une histoire des gauches en Israël, l’historien évoque un nécessaire mouvement judéo-arabe qui dépasserait la question du sionisme pour faire barrage à la droite et aux religieux.

 

Alors que la scène politique israélienne est dominée par Benyamin Netanyahou et ses alliés religieux et d’extrême droite, le livre de Thomas Vescovi se concentre sur la gauche israélienne. À la lumière de l’histoire, le chercheur dresse quelques pistes d’avenir.

Votre ouvrage annonce l’échec d’une utopie (1). À quelle utopie faites-vous allusion ?

Thomas Vescovi Je parle de l’utopie du sionisme de gauche. Dès son origine, le sionisme avait plusieurs tendances. Celle qui était de gauche, qui s’appelait également le sionisme travailliste, avait pour ambition de fonder un État pour les juifs, mais sur des bases socialistes ou socialisantes. J’ai voulu proposer une histoire de ce sionisme de gauche en prenant en compte toute cette gauche juive en Palestine qui n’était pas sioniste, qui a essayé de s’extirper de son statut de colon pour essayer de proposer une société qui serait à la fois juive et arabe. Je conclus à l’échec de cette utopie parce que, si la gauche sioniste a bien fondé Israël en 1948 et qu’elle a été pendant les trois premières décennies du pays majoritaire à la Knesset, aujourd’hui Israël est un État profondément marqué par une hégémonie des nationalistes et des religieux, de la droite.

Quel était le combat de cette gauche sioniste avant la création d’Israël ?

Thomas Vescovi Le sionisme de gauche parvient à se créer par le fait que, à l’époque, en Europe, les juifs sont victimes d’un antisémitisme assez ancré dans les sociétés, notamment en Europe de l’Est. Les mouvements politiques qui vont essayer justement de libérer les juifs de cet antisémitisme sont souvent issus de la tradition socialiste ou marxiste. L’idée est de dire que les juifs, en Europe, ne pourront jamais être libres tant que l’antisémitisme sera présent. Contrairement aux marxistes, pour le mouvement sioniste, cet antisémitisme n’est pas lié à une conjoncture, mais à une mentalité des sociétés qui sera très dure à combattre. Dès lors, l’idée des sionistes est de proposer une émigration sur une autre terre, qui va être la Palestine. Là-bas, les juifs pourront alors mener leur révolution socialiste, en étant libres et en sécurité. Dans les premières décennies du sionisme, il y aura des combats politiques entre les différentes tendances du sionisme. Pour les sionistes travaillistes, l’état de fait permettra d’obtenir un État. Si le soutien diplomatique était important, ce qui l’était encore plus, c’était d’être sur le terrain, d’intégrer les populations qui arrivaient en Palestine. La gauche sioniste va s’appuyer sur des structures comme la confédération syndicale Histadrout et des partis politiques qui vont s’unir entre eux et fonder les piliers sionistes en Palestine, dominée par la gauche. À cet égard, le kibboutz a été un symbole de la gauche sioniste. Il y avait là les deux branches du sionisme travailliste : la formation politique et la formation défensive, militaire. C’est pour cela qu’en 1948, les principaux généraux israéliens qui mènent la première guerre israélo-arabe sont tous issus du mouvement kibboutz.

Vous venez de parler de la gauche sioniste, mais votre livre évoque « une histoire des gauches en Israël ». Il y a donc une gauche non sioniste ?

Thomas Vescovi L’objectif pour moi était d’expliquer qu’on ne peut pas faire une histoire des gauches en Israël sans prendre en compte ces deux champs, la gauche sioniste et la gauche non sioniste. Cette dernière est d’abord issue de militants qui vont venir en Palestine avec parfois cet esprit de sionisme travailliste. Ils pensaient pouvoir mener à bien cette révolution des juifs. Mais, en arrivant sur le territoire palestinien, ils se sont aperçus d’une contradiction profonde. Si on est vraiment socialiste, marxiste, la manière dont on se comporte avec la population locale, palestinienne, n’est pas juste. Leur volonté n’est pas de créer des alliances sur la base de groupes communautaires, mais des alliances de classes sociales. Ce qui va dynamiser cette gauche non sioniste, c’est, dès 1917, la révolution russe puis, en 1919, la création du Komintern, l’Internationale communiste. C’est ce qui va permettre à cette gauche qui commence à se poser des questions sur le projet sioniste d’avoir un espace pour exprimer ses critiques. On a ainsi la création du premier Parti communiste en Palestine, qui deviendra plus tard le Maki. Dans ce cercle, on a vraiment l’idée de vouloir créer les bases d’une alliance politique entre Arabes et juifs en Palestine. Et la volonté de montrer aux sionistes de gauche qu’ils se trompent. Cette gauche non sioniste n’a jamais été très influente, n’a jamais eu beaucoup de pouvoirs décisionnels. Mais elle avait cette force de mobilisation parce qu’elle avançait un discours complètement hétérodoxe. Au sein du Parti communiste israélien et de la gauche non sioniste, il y a cette idée de militer côte à côte, d’essayer de comprendre les aspirations de chacun. Ça a parfois provoqué des divisions, notamment lorsque l’URSS s’est ralliée à la partition de la Palestine, en 1947. Les juifs communistes estimant que si l’URSS le soutient, c’est que le projet est plutôt progressiste. Ce qui n’était pas l’avis des Arabes communistes.

N’y a-t-il pas une contradiction à se dire non-sioniste dans un pays créé par le sionisme, un projet colonial à l’origine ?

Thomas Vescovi Ces militants se sentent profondément habitants du pays, mais ils considèrent que la société telle qu’elle est doit changer. Beaucoup de militants antisionistes israéliens ont quitté le pays depuis les années 2000. Ils considèrent qu’on ne pourra plus changer les choses. Mais, ceux qui sont encore là-bas pensent qu’ils font partie du problème. Ils se sentent presque responsables de ce que la gauche israélienne fait et a fait au peuple palestinien. Dans ce cadre, leur terrain de lutte, c’est bien le terrain proche-oriental. Il est intéressant de voir comment ils font pour essayer de s’extirper de leur statut de colons. Avant la création d’Israël, il était très compliqué, pour les membres de cette gauche non sioniste d’avoir des Palestiniens dans leurs rangs. Parce qu’ils étaient vus comme des colons. Ils vont arriver parfois à se faire entendre et comprendre. Il reste que, jusqu’à aujourd’hui, c’est au sein de cette gauche non sioniste que réside l’offre politique la plus originale. C’est ce que j’essaie de démontrer dans le livre, avec plusieurs exemples. Et notamment la dynamique, depuis deux ans, autour de la Liste unie, dirigée par le communiste Ayman Odeh. Mais je pourrais parler aussi du militantisme de cette gauche non sioniste qui, au lendemain de la guerre des Six-Jours, s’est battue contre la colonisation et a forcé la gauche sioniste à revoir sa manière d’appréhender les choses. Au point d’être une petite dynamique du grand camp de la paix, qui va amener la gauche sioniste à se prononcer pour une solution à deux États. Il y a un lien direct entre une gauche non sioniste minoritaire mais ultra-active et qui va progressivement réussir à amener cette gauche sioniste à se repenser, à revoir ses méthodes. Aujourd’hui, dans cette gauche-là, il y a plutôt une rupture : une gauche sioniste qui tend davantage vers le centre, notamment les travaillistes. Et une gauche non sioniste, dynamique, mais qui malheureusement n’a pas de relais au sein de cette gauche sioniste.

Comment expliquer cette désaffection aujourd’hui pour le Parti travailliste, qui avait signé les accords d’Oslo, avec toutes les limites de ceux-ci ?

Thomas Vescovi L’objectif central des travaillistes n’était pas la création d’un État palestinien indépendant, mais d’abord de négocier une séparation à l’amiable. Ils avaient comme ambition d’essayer de donner une autonomie aux Palestiniens et, surtout, de séparer les deux sociétés dans le cadre de négociations. Uri Avnery (ancien député, animateur de Gush Shalom – NDLR) expliquait que la gauche sioniste s’était fourvoyée pour deux raisons. D’abord, elle était persuadée que l’arrivée au pouvoir d’Yitzhak Rabin suffisait, la paix allait arriver. Ils avaient cette illusion justement parce qu’ils avaient une totale ignorance du quotidien des Palestiniens. Parce que la gauche sioniste est incapable de comprendre son statut d’occupant et de colon. Ils avaient l’impression qu’en 1993, négociaient deux peuples qui pouvaient parler d’égal à égal. C’est pourquoi, en 2000, lorsque la seconde Intifada éclate, le camp de la paix a été dans une complète incompréhension des événements.

Lors des derniers scrutins, les Palestiniens n’ont pas été évoqués, si ce n’est par la Liste unie d’Ayman Odeh…

Thomas Vescovi Israël a favorisé une espèce de paix économique. Aux yeux des Israéliens, tous les Palestiniens qui continuent à lutter sont perçus comme des ultraradicaux qui ne veulent pas la paix. La séparation forcée ayant été mise en place, la question palestinienne n’existe plus. Mais, en Israël même, les Palestiniens, qui représentent 18 % de l’électorat, ne sont pas à égalité avec les juifs. L’idée centrale de la Liste unie (Parti communiste et Arabes – NDLR) est de créer un nouvel espace politique. Ayman Odeh estimait que, si la gauche sioniste voulait faire barrage à l’extrême droite et aux religieux, elle devait obligatoirement se tourner vers ceux que représentaient sa liste. Pour Odeh, il fallait dès lors participer à des négociations, mais la stratégie a échoué. Netanyahou l’a bien vu, lors du dernier scrutin, ce mois-ci. Il s’est tourné vers les quatre députés islamistes qui ont quitté la Liste unie en arguant qu’il fallait dépasser le clivage droite-gauche en Israël et qu’il était prêt à prendre des mesures pour les Arabes israéliens à condition d’être soutenu.

Que peut-il se passer maintenant pour les gauches israéliennes ?

Thomas Vescovi Au sein du Parti travailliste et du Meretz, la gauche sioniste, on a des dynamiques différentes. Chez les travaillistes, il y a l’idée qu’en ayant un projet social, on a de meilleurs résultats qu’en se fourvoyant vers le centre. Le Meretz commence à comprendre qu’il ne pourra pas survivre sans soutien au sein des Palestiniens. Si les travaillistes continuent à présenter un programme social, tout en acceptant la colonisation et en refusant de discuter avec Ayman Odeh et les Palestiniens d’Israël, ils devront alors accepter de n’être plus qu’une variable d’ajustement gouvernementale seulement bonne, après les élections, à soutenir le centre. Parce que la question principale aujourd’hui est de savoir si on va vers un État religieux ou non. Et le centre apparaît comme en défense du laïc. Une des priorités politiques du camp progressiste, c’est la défense d’un État où les tenants d’un judaïsme différent, libéral, pourraient s’exprimer. Là où on a l’impression que les religieux, notamment avec Netanyahou, ont plus de pouvoir. En 1949, il y avait 71 députés issus des gauches sioniste et non sioniste. En 2021, il y a 72 députés sur 120 qui viennent de la droite. Donc, la gauche sioniste doit, mathématiquement, se tourner vers les Palestiniens. Au sein de la gauche non sioniste, il sera intéressant de voir comment Ayman Odeh pourra proposer une autre solution. Mais il est à craindre que l’effritement ne se poursuive, s’il n’y a pas plus de convergence et de synergie entre ces deux gauches, au profit d’un mouvement judéo-arabe ou arabo-juif qui dépasserait la question du sionisme. C’est, à mon sens, la seule façon de faire survivre en Israël un camp progressiste et de gauche.

 
Sioniste et non-sioniste : Thomas Vescovi décrypte l'histoire et l'avenir des gauches en Israël (grand entretien avec Pierre Barbancey, L'Humanité, 16 avril 2021)
(1)  Icon Education L’Échec d’une utopie. Une histoire des gauches en Israël, de Thomas Vescovi, préface de Michel Warschawski, la Découverte, 372 pages, 22 euros.
Sionisme et antisionisme juifs à la lueur de l’histoire

Chercheur indépendant en histoire contemporaine, Thomas Vescovi se penche sur les gauches israéliennes dans son dernier ouvrage. Il remonte aux sources du mouvement sioniste, analyse les débats qui ont eu cours et s’intéresse à la gauche non sioniste, voire antisioniste, notamment au Parti communiste israélien (qui regroupe juifs et Palestiniens) pour essayer de comprendre ce qui pourrait sortir Israël de l’ornière où il se trouve et chercher des pistes à travers l’histoire.

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