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14 février 2021 7 14 /02 /février /2021 08:00
Luxleaks: le vrai séparatisme, celui des capitalistes - L'Humanité, 9 février 2021 (Patrick Le Hyaric, Pierric Marissal)
Voici un vrai séparatisme : celui des capitalistes.
 
Pendant que le gouvernement disserte sur le prétendu séparatisme des classes populaires, les grands riches cachent leur argent dans le coffre-fort que constitue le Luxembourg.
 
Un consortium de 17 journaux vient de mettre à jour, dans une enquête baptisée Open-Lux, la réalité d’un des cinq plus grands paradis fiscaux au monde. Celui-ci n’est situé ni aux Caraïbes, ni dans une île perdue du Pacifique, mais au cœur de l’Union européenne, dans un petit pays coincé entre ses deux principales puissances, le Luxembourg.

Ce séparatisme est avéré et il nous coûte un « pognon de dingue » par un détournement massif d’argent avec la bénédiction des institutions européennes. Ces révélations interviennent seulement six ans après la découverte du des« LuxLeaks » (scandale financier révélant le contenu d'accords fiscaux conclus par des cabinets d'audit avec l'administration fiscale luxembourgeoise pour le compte de nombreux clients internationaux).
 
Comme parlementaire européen, j’ai participé activement à deux commissions d’enquête sur ces pratiques : l’une portait sur les « PanamaPapers », l’autre justement sur l’évasion fiscale dans des pays européens dont le Luxembourg.
 
Ceci avait fait l’objet de nombreux débats tendus dans l’hémicycle du Parlement, et abouti à la 5ème directive « anti-blanchiment » d’argent qui impose la création de registres publics des propriétaires réels de société dans les États membres. C’était un petit pas, parmi la multitude des recommandations que nous avions faites à l’époque.
 
Le groupe communiste à l’Assemblée nationale avait déposé une proposition de loi il y a deux ans, fruit d’un travail colossal superbement ignoré par le pouvoir, dont le but était précisément de combattre ce que l’on feint de découvrir aujourd’hui. A savoir que le Luxembourg, pays pivot de l’actuelle construction européenne, abrite des magouilles financières sur lesquelles prospèrent les grands groupes du capitalisme français qui y tienne pavillon via des sociétés écrans.
 
Ces dernières, avec des particuliers qui font l’actualité de la société du spectacle et quelques criminels avérés, rivalisent d’ingéniosité pour éviter de contribuer au bien commun en France, via l’impôt, ce pays qui les accueille et grâce auquel ils ont pu fonder leurs fortunes.
 
L’enquête nous révèle ainsi que 15 000 Français posséderaient des sociétés basées au Luxembourg, pour 100 milliards d'euros d'actifs, soit 4% des richesses produite en France ! Les trois-quarts des groupes du CAC 40 y seraient présents… 100 milliards d’euros, c’est deux fois le budget de l’éducation nationale, une somme astronomique soustraite au bien commun par des procédures « d’optimisations » fiscales qui brouillent les frontières entre le légal et l’illégal. Pendant ce temps, les impôts indirects pèsent lourdement sur les foyers populaires laissés à l’abandon par ceux-là même qui autorisent cette sécession des plus riches.
 
Patrick Le Hyaric
Luxleaks, ou la preuve que l’évasion fiscale est une pratique systématique chez les plus riches
Mardi 9 Février 2021 - L'Humanité

37 des 50 plus riches familles françaises et 279 milliardaires du classement du magazine Forbes ont au moins une société offshore dans le Grand-Duché. C’est ce que révèle la vaste enquête OpenLux, dirigée par un consortium des journalistes d’investigation. Décryptage.

 

Paradoxalement, ce sont les efforts de transparence ­effectués par le Luxembourg pour se conformer à une directive de l’Union européenne (UE) passée en 2018 qui permettent de démontrer que ce petit État fondateur de l’UE mérite bien sa place dans le top 5 des pires paradis fiscaux. « Et ce, même s’il n’est toujours pas reconnu comme tel par la Commission européenne ni pas la France, se désole Raphaël Pradeau, porte-parole d’Attac. Cette hypocrisie est terrible, le Luxembourg n’est pas une île exotique, c’est un paradis fiscal de proximité, particulièrement nocif pour ses voisins, c’est-à-dire nous. »

Les chiffres publiés notamment par le Monde – et ce n’est que le début – sont éloquents. Il y a plus de 140 000 entités immatriculées dans le Grand-Duché – soit une pour quatre habitants –, et près de la moitié sont des sociétés offshore, dont la valeur cumulée attendrait 6 500 milliards d’euros… Ces structures sont propriétés de non-résidents et n’exercent aucune activité économique, elles ont pour unique but l’évasion fiscale par des moyens légaux.

La moitié des bénéficiaires des structures reste à identifier

Après un an à compulser les immenses bases de données progressivement rendues publiques, le consortium des journalistes d’investigation OCCRP, rassemblant 16 médias, n’a pas réussi à identifier la moitié des bénéficiaires de ces sociétés. Et nombre de ceux inscrits au registre du commerce ne sont que des prête-noms. C’est dire que le Luxembourg ne se presse pas plus que nécessaire sur son exigence de transparence… D’ailleurs, pour faire respecter cette obligation légale – déclarer les bénéficiaires et contrôler ces déclarations –, il n’y a que 59 salariés au registre du commerce, pour des dizaines de milliers de sociétés dont la moitié n’ont même pas un salarié et se contentent d’une simple boîte aux lettres. Ainsi un seul immeuble luxembourgeois se retrouve siège social de pas moins de 1 800 entreprises. Dans sa défense, le Grand-Duché se targue de près d’un millier d’employés au sein de la Commission de surveillance du secteur financier, mais ceux-ci sont en charge de la bonne marche de la place financière du pays, qui représente un quart de son économie.

Le profil des bénéficiaires identifiés de ces sociétés offshore reste assez divers : des grands sportifs comme Tiger Woods ou précédemment Cristiano Ronaldo, la chanteuse Shakira, le prince héritier d’Arabie saoudite, les mafias italiennes et russes, la Ligue du Nord (parti d’extrême droite italien), ainsi que des centaines de multinationales : JCDecaux, Decathlon, Hermès, LVMH, Kering, Yves Rocher, KFC, Amazon… « Cela confirme que l’évasion fiscale est un sport de riches, pointe Raphaël Pradeau, 37 des 50 plus grandes fortunes de France y ont un compte offshore, preuve que l’évasion fiscale est systématique. Et on ne parle là que du Luxembourg ! » Pas moins 279 milliardaires présents dans le classement Forbes et 15 000 Français ont ainsi été identifiés comme bénéficiaires d’une société offshore dans le Grand-Duché. Elles abritent « des biens de grande valeur, ici un château francilien détenu par un prince saoudien, là un vignoble dans le Var appartenant à Angelina Jolie et Brad Pitt, et une liste sans fin de villas sur la Côte d’Azur et de cossus appartements parisiens », énumère le Monde.

Une harmonisation fiscale par le bas

Mais le Luxembourg se défend d’être un paradis fiscal et affirme dans un communiqué paru ce lundi qu’il « respecte pleinement toutes les réglementations européennes et internationales en matière de fiscalité et de transparence, et applique toutes les mesures communautaires et ­internationales en matière d’échange ­d’informations pour lutter contre les abus et l’évasion fiscale ». Au vu de la définition européenne des paradis fiscaux, ce n’est malheureusement pas faux. « Cela vient confirmer que la concurrence fiscale au sein de l’UE est organisée au vu et au su de tout le monde, regrette Raphaël Pradeau. L’harmonisation fiscale se fait par le bas, la France baisse chaque année son impôt sur les ­sociétés. » Attac souligne que ce sont ces propriétaires de sociétés offshore qui ont le plus bénéficié de la politique fiscale de ce gouvernement. « Et l’exécutif prépare déjà les esprits à l’idée qu’il va falloir se serrer la ceinture : réduire la dette, sabrer dans les services publics, taper sur les chômeurs et la protection sociale, sans faire payer leur juste part d’impôt aux plus riches ni aux multinationales », dénonce le porte-parole de l’association. 

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3 février 2021 3 03 /02 /février /2021 20:55
Vaccin. Cuba brise la domination d'un secteur monopolisé - Mardi 2 Février 2021 - Rosa Moussaoui, L'Humanité
Vaccin. Cuba brise la domination d'un secteur monopolisé
Mardi 2 Février 2021

Leyde Ernesto Rodríguez, vice-recteur de l’Institut supérieur des relations internationales Raúl Roa García de La Havane, analyse les ressorts de « l’internationalisme médical » déployé par Cuba. Le brevetage des vaccins contre le covid-19, soumis aux logiques capitalistes du profit, relève, selon lui, d’une violation des droits humains. Interview

 
Le vaccin « Soberana 2 » mis au point par Cuba est entré dans la dernière phase d’évaluation. Alors que les grandes firmes pharmaceutiques dictent leurs règles et que les pays capitalistes développés s’accaparent les doses de vaccins déjà disponibles, que changerait, pour les pays du sud, l’arrivée de ce vaccin ?

Leyde E. Rodríguez Je tiens à préciser que les quatre candidats vaccins cubains progressent dans leurs différentes phases d’évaluation dans les différentes provinces de Cuba. Je fais référence à Soberana 01, 02, Abdala et Mambisa. Nous aurons quatre vaccins pour la vaccination massive et volontaire des 11 millions de Cubains. Le candidat vaccin Soberana 02 doit commencer ses essais cliniques de phase III le 1 er mars, selon l’Institut Finlay de Cuba. Ce vaccin a déjà démontré jusqu’ici une grande sécurité, ainsi qu’une puissante réponse immunitaire.

La stratégie de commercialisation des vaccins cubains combine humanité et impact sur la santé mondiale. En ce sens, des changements importants pourraient être observés au niveau des perceptions et de l’opinion publique. La première chose est que les pays du Sud pourront vérifier que Cuba a réussi à briser la domination d’un secteur monopolisé et contrôlé par des sociétés transnationales capitalistes qui font un commerce lucratif des médicaments et de la santé, puisque le capitalisme transforme tout en marchandise, soumet tout à la concurrence.

« Devant cette pandémie, l’humanité a besoin d’une action coordonnée de la science, de la santé et de la diplomatie »

Une possibilité s’ouvre aux pays du Sud, notamment en Amérique latine, de s’intéresser à la relance de la coopération pour sauver des vies. Cuba a toujours été ouverte à la coopération et à la solidarité internationales dans les domaines scientifiques, médical et pharmaceutique. Elle l’a montré avec des actes et non avec de belles paroles. La volonté de Cuba de transmettre ses expériences et ses connaissances sur les nouveaux développements dans ce domaine au profit de son peuple et de l’humanité est permanente.

C’est la raison pour laquelle des responsables politiques, des parlementaires, des scientifiques et des universitaires très éminents du monde entier proposent que le prix Nobel de la paix soit attribué aux Brigades médicales cubaines « Henry Reeve » : celles-ci ont apporté une grande contribution aux pays du Sud, ainsi qu’en Europe, pendant la pandémie de Covid-19. Quelque chose de similaire pourrait se produire avec les vaccins cubains car tout semble indiquer que Covid-19 continuera d’affecter l’humanité dans les années à venir et que la population des pays du Sud sera la plus touchée.

Les changements dépendront également de la volonté politique des gouvernements des pays du Sud de coordonner les actions de solidarité et de coopération au profit de leurs peuples. Pour la révolution cubaine, « sauver des vies » a toujours été l’objectif principal ; cela est à nouveau démontré avec ces vaccins, qui élèvent le prestige scientifique de Cuba, malgré le blocus impérialiste.

Tout, dans la situation actuelle, appelle à faire des vaccins des biens communs de l’humanité, plutôt que des marchandises, des objets de spéculation. Quelle est la position de la Havane sur la question des brevets ?

Leyde E. RodríguezNous convenons avec les organisations internationales de défense de la santé publique que les vaccins et les médicaments contre Covid-19 ne doivent pas être brevetés. Les acteurs internationaux qui défendent à tout prix le système capitaliste en crise et en décadence - les États-Unis, l’Union européenne et le Japon, entre autres - se sont positionnés contre l’exemption de brevets, car cela affecterait la spéculation financière et les bénéfices des sociétés transnationales qui commercialisent ces produits destinés à la santé humaine. Les gains qu’ils ont réalisés tout au long de la pandémie et ceux qu’ils espèrent continuer de réaliser sont énormes. Les riches sont désormais plus riches et les pauvres sont plus pauvres qu’en mars 2019, lorsque la pandémie a commencé. Le verrou des brevets laisse une grande partie de la population des pays les plus pauvres sans vaccins.

Alors même que les firmes pharmaceutiques capitalistes ont atteint leurs objectifs avec 50 % de fonds publics, elles réalisent d’énormes profits grâce à la vente de vaccins. C’est une question d’ordre éthique. Défendre l’existence de brevets dans ce secteur est totalement inacceptable : c’est une violation des droits humains ; les gens ont besoin d’une couverture sanitaire universelle, d’un accès gratuit aux vaccins. Le système capitaliste montre aujourd’hui une impuissance totale, il est incapable de mettre un frein à la maladie chez plus de 80 % de la population de la planète. C’est une catastrophe amplifiée par la guerre commerciale qu’organisent les sociétés pharmaceutiques transnationales.

Comment Cuba a-t-elle pu développer une expertise aussi pointue dans le domaine des biotechnologies, malgré le blocus des États-Unis ?

Leyde E. Rodríguez Ce n’est pas un miracle. Il n’y a pas de miracles. Cuba a pu réaliser cette expérience grâce aux avantages offerts par son système socialiste qui privilégie la santé en tant que principal droit humain de sa population. Nous faisons vivre un service de santé universel gratuit, dans une économie planifiée, pour une meilleure utilisation des ressources financières, matérielles et humaines, dans des conditions de guerre économique, commerciale et financière, avec un blocus des États-Unis depuis 62 ans, qui a nous a causé beaucoup de dommages matériels et économiques.

Le seul objectif de ce blocus, le plus long qu’un pays du Sud ait dû endurer, est la destruction de la révolution cubaine et du socialisme sur l’île. Il faut reconnaître que nos résultats sur ce terrain doivent beaucoup à la stratégie et à la vision de Fidel Castro Ruz, qui entendait « faire de Cuba un pays d’hommes de science » : des centaines de milliers de professionnels ont été formés dans ce domaine, grâce à un système éducatif universel et gratuit. Les chercheurs cubains sont aujourd’hui les véritables protagonistes de cet exploit.

Des milliers de médecins cubains partent chaque année sur le front de crises sanitaires parfois très grave, comme l’épidémie d’Ebola qui avait frappé l’Afrique de l’Ouest en 2013. Ces brigades sont intervenues jusqu’en Europe pendant la pandémie de Covid-19.

Est-ce une forme de « diplomatie sanitaire »?

Leyde E. Rodríguez D’un point de vue académique, on voit émerger ce concept de « diplomatie médicale » ou « sanitaire ». Nous-mêmes, dans la revue de l’Institut supérieur des relations internationales de La Havane, avons consacré des articles à la coopération médicale internationale.

Au-delà du débat posé par ces termes, la vérité est que l’humanité, affectée par la pandémie de Covid-19 et les graves problèmes mondiaux que sont la pauvreté, la faim et le changement climatique global, a besoin d’une action combinée et coordonnée de la science, de la santé et de la diplomatie. En ce sens, la diplomatie et la science, au XXI e siècle, devraient contribuer à la résolution de ces problèmes, pour sauver des vies, aux antipodes des logiques de conflit, de guerre, d’exportations d’armes.

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31 janvier 2021 7 31 /01 /janvier /2021 10:11

JOSÉ FORTJournaliste honoraire, ancien chef de la rubrique International de l’Humanité

 

Cuba annonce pour les semaines prochaines la production de 100 millions de doses de vaccin « Souveraineté 02 » et un objectif de vaccination de toute la population avant l’été prochain. Alors que les pays développés comme la France disposant d’industries pharmaceutiques vont acheter ailleurs des vaccins, un pays de dimension modeste, disposant de peu de ressources naturelles, trouve en lui-même la force et les intelligences pour affronter la pandémie. Qui fait mieux ?

On savait que Cuba en matière de santé publique occupait une place de choix dans le monde, y compris par rapport aux pays occidentaux ou dits riches. L’OMS a souvent relevé l’excellence et l’efficacité du système sanitaire cubain étroitement lié à la recherche et au développement en cycle fermé.

Malgré l’étranglement économique décrété par le puissant voisin depuis plus de soixante ans, malgré un blocus renforcé avec les dernières mesures adoptées par Trump, malgré les restrictions dans la vie quotidienne de la population, Cuba a réussi à construire et à maintenir un système de santé basé sur la médecine préventive, à installer jusque dans le plus petit village des dispensaires, à former médecins et infirmières en nombre et de qualité capables, aussi, pendant la pandémie, d’aller porter secours dans plus de 30 pays.

 

Un des meilleurs élèves du continent américain

Taux de mortalité infantile à Cuba ? 4,2 pour 1 000. Le meilleur indicateur du continent et du tiers-monde. Le taux de mortalité infantile de Cuba est même inférieur à celui des États-Unis et se situe parmi les plus bas au monde. Espérance de vie ? 78 ans. Un des meilleurs élèves du continent américain et du tiers-monde, avec un indicateur similaire à celui des nations les plus développées. En moyenne, les Cubains vivent trente ans de plus que leurs voisins haïtiens. En 2025, Cuba disposera de la plus grande proportion de personnes de plus de 60 ans d’Amérique latine. La pandémie mondiale frappe sauvagement l’Amérique latine et les Caraïbes. Des morts jusque dans les rues comme en Équateur ou au Pérou, des cadavres à ne plus savoir où les enterrer au Brésil, ou dans une ville comme Manaus ne disposant plus d’oxygène sauf celui que lui livre le Venezuela voisin.

Le virus a aussi frappé Cuba. Sauf que l’île a limité les retombées, en prenant des mesures drastiques de confinement et, surtout, en mobilisant tout son personnel soignant, jusqu’aux étudiants en médecine qui, chaque jour, vont directement à la rencontre des familles.

 

Echanger librement

Cuba annonce pour les semaines prochaines la production de 100 millions de doses de vaccin « Souveraineté 02 » et un objectif de vaccination de toute la population avant l’été prochain. Alors que les pays développés comme la France disposant d’industries pharmaceutiques vont acheter ailleurs des vaccins, un pays de dimension modeste, disposant de peu de ressources naturelles, trouve en lui-même la force et les intelligences pour affronter la pandémie. Qui fait mieux ?

Il faut souhaiter que Cuba puisse rapidement commercer librement, échanger librement, vivre librement, débarrassé enfin des mesures criminelles visant son épuisement.

Le nouveau président des États-Unis, Joe Biden, a déjà et va signer plusieurs décrets rétablissant notamment la participation de son pays à l’OMS. Il devrait en ajouter un : celui levant immédiatement le blocus imposé à Cuba.

 

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26 janvier 2021 2 26 /01 /janvier /2021 08:37
Agent orange : récit d'un crime de guerre américain au Vietnam jugé 55 ans plus tard en France (Lina Sankari, L'Humanité, 25 janvier 2021)
Agent orange : récit d'un crime de guerre américain au Vietnam jugé 55 ans plus tard en France
Lundi 25 Janvier 2021

Le procès historique de Tran To Nga, ancienne résistante vietnamienne, contre 19 entreprises, dont Dow Chemical et Bayer-Monsanto, entre aujourd’hui dans une nouvelle phase au tribunal d’Évry, en région parisienne.

 

Que signifie la liberté quand le corps, des millions de corps sont prisonniers de maux incurables sur plusieurs générations ? Comment envisager la reconstruction individuelle et collective quand un poison aux molécules de taille infinitésimale se fraie un chemin partout ? Le sol, les sédiments, les nappes phréatiques, jusqu’à contaminer la chaîne alimentaire. C’est l’histoire du Vietnam qui, de laboratoire de guerre, s’est mué en petite officine de l’horreur à la faveur d’un des plus grands crimes de l’histoire de l’humanité.

Face à des combattants vietnamiens insaisissables, le président John Fitzgerald Kennedy, séduit par l’idée de s’appuyer sur « l’inventivité » américaine pour sortir de l’enlisement, lance l’opération Ranch Hand (Ouvrier agricole) afin de déloger la guérilla et affamer la population qui soutient la résistance. Réquisitionnées par le gouvernement états-unien, les entreprises chimiques utilisent un procédé de fabrication rapide qui génère la présence de dioxine dans le produit fini. Aucune n’ignore alors qu’un ou deux microgrammes par tonne peuvent provoquer des mutations génétiques. Pourtant, de 1961 à 1971, au moins 84 millions de litres de défoliant sont épandus.

 

L’histoire de Tran To Nga et de plusieurs millions de vietnamiens

C’est également l’histoire de Tran To Nga, « fille du Mékong, du colonialisme et de la guerre », ancienne résistante viêt-cong, meurtrie dans sa chair, dont le procès contre 19 firmes chimiques ayant produit ou commercialisé la dioxine TCDD entrera, aujourd’hui au tribunal judiciaire d’Évry, dans une nouvelle phase avec le début des plaidoiries, six ans après le début de la procédure. «C’est un procès unique, historique, politique et pédagogique », insiste Tran To Nga, qui a été exposée à deux reprises à l’Agent orange.

Icon Quote À chaque maladie, j’ai une anomalie, une résistance aux médicaments. Les spécialistes ne se l’expliquent pas.  Tran To Nga

En 1966, intriguée par l’avion qui survole sa cache, la combattante inexpérimentée sort. « Le C-123 vole à basse altitude. De ses entrailles s’échappe une sorte de nuage blanc qui fait tache dans le bleu du ciel. Je contemple comme on regarderait un vol d’oiseaux migrateurs sans bouger. Et, tout à coup, une pluie gluante dégouline sur mes épaules, se plaque contre ma peau », décrit-elle dans sa biographie (1). À 79 ans, l’ancienne journaliste souffre d’un diabète de type 2, d’un système immunitaire défaillant, de maux de tête, d’un cancer du sein et de nodules sous-cutanés. Sa première fille, née en 1968, a la peau qui part en lambeaux quelques jours après la naissance, et meurt de la tétralogie de Fallot à 17 mois.

Ses deux autres enfants souffrent respectivement d’alpha-thalassémie, une maladie du sang, et de chloracné, qui affecte la peau. « À chaque maladie, j’ai une anomalie, une résistance aux médicaments. Les spécialistes ne se l’expliquent pas.  » Au Vietnam, 4,8 millions d’habitants ont été directement exposés à l’Agent orange et plus de 3 millions en subissent encore les conséquences, selon l’Association vietnamienne des victimes de l’Agent orange-dioxine (Vava). « Les victimes de l’Agent orange sont les plus misérables parmi les misérables. Il faut que justice soit faite. Ils ne réclament que la dignité », poursuit Tran To Nga.

Icon Quote La complexité tient au fait que l’ensemble des sociétés sont aux États-Unis, où le droit diffère.  Amélie Lefebvre, avocate de Tran To Nga

Lever le voile sur l’origine des pathologies développées par les Vietnamiens 

Cette action en justice est souvent comparée au combat de David contre Goliath. Et pour cause, elle se révèle extrêmement coûteuse puisque la trentaine d’avocats des multinationales, dont Dow Chemical et Bayer-Monsanto, ont déployé tous les stratagèmes pour ralentir le déroulement du procès et épuiser Tran To Nga. Ils disposent de la force de frappe nécessaire : il y a quelques années, le chiffre d’affaires de Dow Chemical dépassait allègrement le PIB du Vietnam. « La complexité tient au fait que l’ensemble des sociétés sont aux États-Unis, où le droit diffère. Nous avons dû faire traduire l’ensemble des documents par des traducteurs assermentés pour que les actes soient réguliers », précise Amélie Lefebvre, l’une des avocates de Tran To Nga, au nom du cabinet Bourdon & Associés qui demande le versement d’une indemnité pour les dommages corporels et moraux. 

L’enjeu est de faire reconnaître par une juridiction française le lien entre l’ exposition aux produits phytosanitaires dont a fait usage l’armée américaine et l’ensemble des pathologies développées par les Vietnamiens. Si c’était le cas, les millions de victimes pourraient prétendre à des indemnités pour des soins extrêmement lourds et onéreux. « Nous attendons beaucoup de ce procès au Vietnam », confirme Truong Pham, responsable de la communication à Vava.

Un dossier classé secret pendant trente-cinq ans aux États-Unis

Selon des chercheurs du département de biologie de l’université de Washington, la dioxine TCDD peut favoriser « l’héritage épigénétique transgénérationnel de la maladie et les épimutations de méthylation de l’ADN dans le sperme ». Après avoir nié l’existence d’un rapport sur les pathologies graves développées par l’exposition à l’Agent orange, classé secret pendant trente-cinq ans, l’administration américaine impute désormais à l’Agent orange dix-sept pathologies, dont plusieurs cancers, ainsi qu’une vingtaine de malformations congénitales. Le procès de Tran To Nga est d’autant plus crucial que, pour l’heure, toutes les démarches des victimes vietnamiennes auprès de la justice américaine ont été déboutées. L’Oncle Sam n’a consenti qu’à 180 millions de dollars de dédommagement pour ses propres vétérans et à l’amiable afin de ne pas créer de précédent juridique.

150 000
C’est le nombre d’enfants handicapés plus de quarante ans après la guerre.

Car le cynisme va jusque-là. Fin 2017, les Américains ont achevé les travaux de décontamination de l’aéroport de Da Nang, initiés cinq ans plus tôt pour un budget officiel de 43 millions de dollars. L’ancienne base figurait parmi les vingt-huit « points chauds ». Seuls les hectares où étaient entreposés les stocks ont été décontaminés. Aucun bilan chimique n’a été dressé. En revanche, la dépollution génère bien des profits. Concernant l’aéroport de Biên Hoà, « le volume des terres imprégnées par les produits toxiques est cinq fois supérieur à celui de Da Nang. Le coût est estimé à 500 millions de dollars pour dix années de travaux », souligne Nguyên Van Rinh, président de Vava. Les travaux ont ainsi prioritairement été entrepris là où les Américains pourraient revenir. « Da Nang étant le seul port en eaux profondes du Vietnam où les bâtiments de l’US Navy pourraient s’ancrer durablement », précise l’écrivain André Bouny (2), qui a convaincu Tran To Nga d’engager cette procédure.

Les victimes servent aujourd’hui les projets géostratégiques

C’est le cas le 5 mars 2018, lorsque le porte-avions américain USS Carl Vinson mouille au large de Da Nang. Le lendemain, des marines se rendent dans le centre de protection des victimes du district de Hoa Vang. Étrange spectacle que celui de ces soldats américains contemplant l’œuvre criminelle de leurs aînés. Les victimes de l’Agent orange servent aujourd’hui les projets géostratégiques d’endiguement de la Chine dans un contexte de rivalité sino-vietnamienne sur les îles Paracels (Hoang Sa) et Spratleys (Truong Sa). « Il est difficile d’exiger de l’ancien ennemi le dédommagement des victimes de l’Agent orange, alors qu’il se pose en protecteur face à la puissance Chine voisine », abonde André Bouny. Dans les bagages américains également, des associations peu scrupuleuses telles que Living Water Initiative, une organisation évangélique qui, sous couvert d’aide alimentaire ou de projets d’éducation, voit dans l’assistance un moyen de poursuivre sa mission religieuse en Asie. Dans ce grand jeu, Tran To Nga a coutume de dire : « Je ne suis qu’une petite poussière. » Une petite poussière aujourd’hui à même d’enrayer la machine à broyer les corps et à poursuivre la guerre par d’autres moyens.

(1) Ma Terre empoisonnée, Stock, 2016. (2) Agent Orange : apocalypse Viêt Nam, éditions Demi-Lune, 2010.

Les firmes « ont fourni le produit en connaissance de cause ». Dans la lignée du Tribunal Russell sur les crimes américains au Vietnam de 1966, Paris a accueilli, en 2009, le Tribunal international d’opinion sur la responsabilité des États-Unis dans l’épandage d’agent orange sur le Vietnam. Il a conclu à la « responsabilité solidaire des États-Unis comme ayant commis l’épandage mais aussi des sociétés qui ont fourni le produit en connaissance de cause », résume Roland Weyl, président de l’Association internationale des juristes démocrates. Alors que les firmes avaient connaissance des dommages causés par le produit, la poursuite de la production à fort taux de dioxine et son usage par l’armée américaine constituent « un crime de guerre ». Le jugement porte également sur la mise en place d’une commission, financée par les responsables, recensant l’étendue des dommages et l’indemnité provisionnelle minimale à verser aux victimes

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26 janvier 2021 2 26 /01 /janvier /2021 08:07
Ce 26 janvier 2021, Angela Davis fête ses 77 ans
Ce 26 janvier 2021, Angela Davis fête ses 77 ans
Ce matin, on souhaite un bon anniversaire a notre Camarade Angela Davis qui est née le 26 janvier 1944 (77 ans).
"Cette militante communiste, deux fois candidate à la vice présidence des USA pour le Parti Communiste Américain, féministe et anti-raciste, fut aussi membre du fameux Black Panther Party for self defense, aux côtés des Huey Newton, Boby Seale et Mumia Abu Djamal !
Pour mieux connaitre son histoire, voir l’excellent film documentaire "free Angela" qui raconte comment cette professeur de philosophie à l'université de Californie, militante en vue à l'époque, se retrouva menacée de la peine capitale pour un crime qu'elle n'avait pas commis.
Et surtout comment la mobilisation nationale et internationale a réussi à faire reculer les autorités américaines.
 
26 janvier 1944 :
Naissance d’Angela Davis, militante antiraciste, communiste, féministe et révolutionnaire américaine !
Son engagement débute contre la guerre du Viet Nam. En militant, elle découvre le marxisme qui constituera la base de sa réflexion politique et idéologique. Elle s'engagera dans des mouvements de libération des Noirs et notamment elle militera au Black Panther Party dont elle deviendra une des leadeuses.
Étant très active politiquement et membre du Parti Communiste Américain, le FBI la surveillera de très près.
En 1970, une prise d’otages visant à libérer George Jackson, membre des Black Panthers condamné à la prison à vie à l’âge de dix-huit ans pour un vol de 70 $, tourne mal. Quatre personnes sont abattues et trois autres sont grièvement blessées. Davis étant membre du comité de soutien de George Jackson, le FBI l'accuse d'avoir procuré des armes au groupe qui a essayé de libérer Jackson. Le FBI émet donc un mandat d'arrêt contre Angela Davis. Durant 2 mois, alors qu'elle est la femme la plus recherchée des États-Unis, Angela Davis réussit à échapper à la police. Cependant, le 13 octobre 1970, elle est arrêtée. Accusée de séquestration et de meurtres, elle est condamnée à la peine de mort...
Toutefois, une grande mobilisation internationale se met en place pour la faire libérer. À Paris, à l'appel de la Jeunesse Communiste, plus de 100 000 personnes manifestent avec en tête de cortège de grands écrivains comme Louis Aragon et Jean-Paul Sartre.
Grâce à la pression internationale, elle est acquittée le 4 juin 1972 de toutes les charges qui pèsent contre elle par un jury composé uniquement de blancs, au cours d’un procès hyper médiatisé qui met à jour une machination du FBI.
Elle continue dès lors ses multiples combats contre les inégalités, contre l'impérialisme, pour un monde de paix. Elle devient aussi par ses écrits, une référence féministe pour nombre de militant·e·s.
MJCF
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22 janvier 2021 5 22 /01 /janvier /2021 17:17
Désarmement nucléaire . Peter Maurer : Il est maintenant illégal de posséder des armes nucléaires - L'Humanité, 22 janvier
Désarmement nucléaire . Peter Maurer : . « Il est maintenant illégal de posséder des armes nucléaires »
Vendredi 22 Janvier 2021 - L'Humanité

L’entrée en vigueur, ce vendredi, du traité sur l’interdiction des armes nucléaires, ratifié par 51 États, est un véritable levier judiciaire pour les rendre à terme illicites. C’est « une victoire pour l’humanité », estime Peter Maurer, du CICR.

Peter Maurer Président du Comité international de la Croix-Rouge (CICR)

En quoi l’entrée en vigueur du Tian est importante ?

Peter Maurer: Le traité sur l’interdiction des armes nucléaires (Tian) est le premier instrument de droit international humanitaire visant à remédier aux conséquences humanitaires catastrophiques de l’utilisation et de la mise à l’essai d’armes nucléaires. À compter du 22 janvier, il sera illégal d’utiliser ou menacer d’utiliser, de développer, tester, produire, acquérir, posséder ou stocker des armes nucléaires. En outre, les parties devront fournir une assistance aux victimes des essais et de l’utilisation d’armes nucléaires et assainir les zones contaminées.

Juridiquement contraignant pour les 51 États qui l’ont ratifié ou y ont adhéré, il le sera aussi pour les États qui deviendront parties à l’avenir. En interdisant expressément et catégoriquement l’utilisation d’armes nucléaires, ce texte affirme avec force que tout recours à ces armes serait non seulement inacceptable d’un point de vue moral et humanitaire, mais aussi illégal au regard du droit international humanitaire. Il donne force de droit à la conviction profonde, partagée par les États et la société civile, que toute utilisation d’armes nucléaires est inacceptable, quel qu’en soit le motif.

Pourquoi le Comité international de la Croix-Rouge se sent-il concerné ?

Peter Maurer Notre organisation humanitaire et la Croix-Rouge du Japon ont été les témoins directs des souffrances indescriptibles causées par les bombardements de Hiroshima et de Nagasaki en 1945, alors qu’elles tentaient de porter secours sur place aux mourants et aux blessés.

Depuis soixante-quinze ans, nous plaidons pour l’interdiction et l’élimination des armes nucléaires, tandis que nous observons toujours les effets à long terme des armes nucléaires et que la Croix-Rouge du Japon continue de soigner dans ses hôpitaux plusieurs milliers de personnes atteintes de divers cancers imputables aux radiations.

Les armes nucléaires ont des conséquences catastrophiques sur le plan humanitaire et constituent une menace pour l’humanité. Aucun pays n’a les moyens de maîtriser les effets d’une guerre nucléaire et de faire face aux conséquences qu’engendrerait une catastrophe d’une telle ampleur et dont les effets transcendent les frontières. Aucune organisation internationale ne pourrait non plus répondre de manière adéquate aux besoins des victimes.

Enfin, il est difficilement concevable que l’utilisation d’armes nucléaires puisse un jour être conforme au droit international humanitaire, dont le CICR est le garant. Ce traité est donc une victoire pour l’humanité, espérée par tous ceux qui mènent campagne depuis des décennies.

Certains affirment que les États possédant l’arme nucléaire n’étant pas signataires de ce traité, il n’aura aucune portée. Est-ce votre avis ?

Peter Maurer Le Tian consacre le tabou relatif à l’utilisation de ces armes. À ce titre, il incite de manière plus pressante les États qui en sont dotés à réduire et, à terme, éliminer leurs arsenaux nucléaires, conformément à leurs engagements et leurs obligations au titre du droit international et en particulier du traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP), qui reste la pierre angulaire de la lutte pour la non-prolifération et le désarmement nucléaires.

Il serait illusoire de s’attendre à ce que le traité donne naissance dès demain à un monde sans armes nucléaires. Il s’envisage plutôt comme le point de départ d’une action à long terme – engagée sur le plan humanitaire et juridique – pour le désarmement et la non-prolifération nucléaires. C’est ainsi que fonctionne le droit international.

D’autres traités interdisant l’emploi d’armes spécifiques ont fini par imposer une nouvelle norme qui a entraîné une modification des politiques dans des pays qui n’y avaient pourtant pas adhéré. Pour ce faire, ce document représente aussi un formidable levier d’influence pour les partisans de l’interdiction et de l’élimination des armes nucléaires.

Comment faire vivre ce traité, le renforcer et l’appliquer ?

Peter Maurer L’entrée en vigueur du Tian marque un nouveau départ de l’action visant à débarrasser le monde de l’arme nucléaire. Nous devons désormais nous employer, dans les prochaines années et décennies, à promouvoir le respect des interdictions établies par ce texte. Nous devons veiller à ce que ses dispositions soient rigoureusement mises en œuvre par les États parties, et chaque signature et chaque ratification constitueront un pas de plus vers notre objectif.

Nous continuerons en outre d’exhorter les États détenteurs d’armes nucléaires et ceux qui leur sont alliés à prendre des mesures pour réduire le risque d’utilisation – en abaissant le seuil d’alerte opérationnelle et en diminuant le rôle de ces armes dans leurs politiques de sécurité et leurs doctrines militaires, notamment – et, bien sûr, à long terme, à signer et ratifier le traité.

Enfin, nous devons continuer de sensibiliser à l’impact catastrophique des armes nucléaires sur le plan humanitaire, et à la nécessité de protéger les générations actuelles et futures contre les dangers de ces armes, les plus terrifiantes jamais inventées. Il est de notre devoir de prévenir ce à quoi nous ne sommes pas en mesure de nous préparer.

Au final, est-il possible d’abolir les armes nucléaires ?

Peter Maurer Ce traité marque un tournant en faveur d’une atténuation effective des effets à long terme de ces armes de destruction massive et réoriente le débat, d’ordinaire dominé par le point de vue des États détenteurs, sur l’arme elle-même et ses conséquences catastrophiques sur le plan humanitaire.

Les interdictions du Tian établissent une norme claire, un repère à l’aune duquel seront jugés tous les efforts visant à parvenir à un monde sans armes nucléaires. Quel que soit le délai que l’on se fixe pour débarrasser à jamais le monde de la menace nucléaire, on ne pourra y parvenir qu’en s’appuyant sur une norme de droit qui interdit expressément les armes nucléaires. À ce jour, 86 États ont signé le traité et 51 l’ont également ratifié ou y ont adhéré, mais notre travail ne sera pas terminé aussi longtemps que tous les États n’auront pas fait de même.

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21 janvier 2021 4 21 /01 /janvier /2021 08:48

 

L’investiture de Joe Biden pourrait signifier la fin d’une séquence marquée par la violence et le chaos de la présidence de Donald Trump. Mais l’invasion récente du Capitole par les partisans de Trump, des suprémacistes blancs, des fascistes, racistes, sexistes, illustrent les menaces qui pèsent encore aujourd’hui sur la démocratie américaine.

 

 

Les Etats-Unis sont désunis. Le peuple américain est fracturé, divisé. Les aspirations portées par une nouvelle gauche progressiste avec Bernie Sanders et les socialistes démocrate d’Amérique (DSA) ou par le mouvement Black Lives Matters sucitent l’espoir d’une sortie par la haut de cette crise.

Il faudra pour cela que le nouveau Président des Etats-Unis apporte une réponse aux dizaines de millions d’américains vivant dans la pauvreté, privé d’emploi, de retraite, de protection sociale, et de salaire digne.

Or, Joe Biden affiche sa volonté de rompre avec le trumpisme mais pas de sortir de la logique d’un capitalisme financier qui exploite les Hommes et la planète.

 

Certes, la publication de décrets pour faire face à la crise sanitaire, à la pauvreté qui explose, pour réintégrer l’accord de Paris sur le climat ou prendre en compte l’exigence d’égalité entre tous les citoyens va dans le bon sens.

 

Mais ne nous y trompons pas, ce sont bien les milieux d’affaires, au cœur de la nouvelle équipe gouvernementale, qui piloteront le plan de relance et d’investissement de 1900 milliards de dollars qui suscitent déjà l’euphorie de Wall Street. Sur le plan international, si la politique conduite pourra être plus cohérente, marquée par une éventuelle reprise des discussions sur le nucléaire iranien et un certain multilatéralisme, les fondamentaux demeureront les mêmes. L’escalade des tensions avec la Russie mais surtout avec la Chine restera l’axe principal avec une dimension idéologique plus marquée comme en témoigne l’annonce de la tenue d’un « sommet des démocraties ». 

L’équipe de Joe Biden ne s’est pas prononcée sur le blocus illégal de Cuba, a été favorable à la guerre en Irak et ne reviendra pas sur le transfert de l’ambassade américaine à Jérusalem. Elle n’entend pas non plus remettre en cause l’inique législation d’extraterritorialité et réaffirme la volonté des Etats-Unis de diriger à nouveau le monde. La menace est grande de voir pérenniser les politiques antérieures ce qui aura, à n’en pas douter, des effets désastreux et amplifiera à terme les divisions, les brutalités et les souffrances des peuples.

 

C’est pourquoi le Parti communiste français, conscient de l’ampleur des défis qu’ils ont à relever, exprime une nouvelle fois sa solidarité avec les militants et élus de Democratic Socialists of America, avec le Parti Communiste USA, avec tous ces mouvements pour l’égalité des droits, pour la paix et le désarmement. 

Nous serons disponibles pour travailler ensemble au développement de mouvements populaires, qui, aux Etats-Unis comme en Europe, permettront de rompre avec les politiques en faveur des milieux d’affaires, anti-sociales, anti-écologistes, racistes et autoritaires.

 

Fabien Roussel, secrétaire national du PCF, député du Nord,

 

 

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12 janvier 2021 2 12 /01 /janvier /2021 06:18
Tulay Hatimogullari, députée kurde du HDP

Tulay Hatimogullari, députée kurde du HDP

Syrie. D’Afrin à Tripoli, l’esclavage sexuel des femmes kurdes
Lundi 11 Janvier 2021 - L'Humanité
Une députée HDP a interpellé le ministre des Affaires étrangères turc sur les disparitions dans les zones occupées par Ankara en Syrie. Certaines auraient été transférées en Libye.
 

Députée du Parti démocratique des peuples (HDP) au Parlement turc, Tulay Hatimogullari vient d’interpeller le ministre des Affaires étrangères, Mevlüt Çavusoglu. Plusieurs articles et témoignages récents font état de centaines de femmes et de filles kurdes qui auraient été enlevées dans le nord de la Syrie par des milices pro-Turcs et emmenées en Libye pour y être vendues comme esclaves sexuelles. « Enquêtez-vous sur les allégations selon lesquelles des filles et des femmes d’Afrin ont été envoyées en Libye comme esclaves ? Votre ministère est-il au courant des agressions sexuelles dans les camps et les prisons d’Afrin ? Allez-vous prendre les mesures nécessaires pour faire face à ces violations des droits ? Allez-vous mener des activités coordonnées avec les organisations internationales à cet égard ?  » a demandé la parlementaire malgré les menaces qui pèsent sur les élus du HDP et dont certains sont emprisonnés, comme Selahattin Demirtas. Au total, plus de 1 000 femmes et filles seraient portées disparues uniquement à Afrin depuis l’invasion turque au printemps 2018.

Les mineures sont les principales victimes

Fin décembre, Sky News Arabia a publié des témoignages selon lesquels « le viol, la captivité et l’oppression des femmes kurdes à Afrin sont perpétrés avec la connaissance et l’approbation de la Turquie, où des dizaines de femmes, en particulier des mineures, sont tuées (…). Elles sont extorquées financièrement, violées et soumises à la violence et aux abus (…) ».

C’était au milieu du mois d’août. Salwa Ahmed Shasho, 14 ans, se trouvait devant sa maison située dans une bourgade du canton d’Afrin, en Syrie, occupé par l’armée turque et ses supplétifs islamistes. C’est alors qu’ont surgi des hommes armés, membres de Jaych al-Nokhba (l’Armée de l’élite), qui ont emmené cette jeune Kurde à leur quartier général, dans le village d’Amara. Les voisins ayant assisté à l’enlèvement ont prévenu la « police militaire » créée par l’occupant dont le rôle est non pas de protéger les populations mais de gérer, voire d’apaiser les tensions permanentes entre les groupes armés responsables d’exactions, de pillages, de kidnapping, de vols et de viols. D’ailleurs, pour emmener Salwa Ahmed Shasho d’Afrin à leur QG, les djihadistes ont dû passer deux postes de contrôle tenus par les services secrets turcs.

La jeune fille a néanmoins pu être libérée près de 24 heures après. Selon un journaliste d’ Afrinpost, une publication qui documente avec courage ce qui se passe dans cette zone, après le retour de Salwa à son domicile, totalement bouleversée psychologiquement, ne cessant de répéter : « Je ne veux pas aller en Libye », indiquant que les ravisseurs avaient l’intention d’envoyer cette jeune femme en Libye pour la vendre à des marchands qataris comme « esclave sexuelle ». Rien de malheureusement surprenant lorsqu’on se souvient du sort réservé aux femmes yézidies du Sinjar par les djihadistes de l’organisation dite de l’« État islamique ». Or, les milices supplétives qui sévissent dans les zones syriennes occupées par l’armée turque sont constituées en grande partie d’anciens combattants de Daech et/ou d’al-Qaida (le Front al-Nosra, devenu Hayat Tahrir al-Cham, qui contrôle la province d’Idleb).

Un hôpital encombré de cadavres de personnes kidnappées 

Parmi les multiples histoires qui brisent l’horreur quotidienne que vivent les femmes d’Afrin, celle-ci. Il n’y a pas si longtemps, un groupe armé affilié à la milice Sultan Murad a enlevé une petite fille qui n’avait même pas 13 ans. L’Organisation des droits de l’homme d’Afrin – qui travaille dans des conditions extrêmement difficiles – a affirmé qu’elle avait été victime de violences sexuelles de la part de ces miliciens et qu’elle avait été transférée à l’hôpital après avoir été exposée à ce crime odieux, et qu’elle avait depuis disparu, malgré les questions répétées de sa famille à son sujet.

Le directeur de cette même ONG, Ibrahim Sheikho, qui a pu recueillir le témoignage de femmes qui ont fui, insiste : « Les fugitifs d’Afrin parlent de l’hôpital d’Afrin encombré de cadavres de femmes kidnappées, accusées d’être des terroristes et d’avoir menacé la sécurité de l’État turc, y compris des enfants. »

Des milliers pour la justice

Sakine Cansiz, 54 ans, une des fondatrices du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), Fidan Dogan, 28 ans, et Leyla Soylemez, 24 ans, ont été tuées le 9 janvier 2013 en plein Paris. Plus de 5 000 personnes, parmi lesquelles de nombreux élus du PCF, ont défilé samedi pour réclamer justice pour ces trois militantes kurdes dans cette affaire jamais jugée. « Nous dénonçons un assassinat politique et aussi un féminicide. On essaie de nous faire oublier ce crime inacceptable qui s’est passé en France », dénonce Yekbun Eksen, membre du Conseil démocratique kurde en France.

Syrie. D’Afrin à Tripoli, l’esclavage sexuel des femmes kurdes (Pierre Barbancey, L'Humanité, 11 janvier 2021)
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11 janvier 2021 1 11 /01 /janvier /2021 06:27
Winnie Mandela, Nelson Mandela, Joe Slovo

Winnie Mandela, Nelson Mandela, Joe Slovo

Afrique du Sud. L’influence communiste qui a marqué l’ANC
Vendredi 8 Janvier 2021

Après la naissance du Congrès national africain, en 1912, la création du Parti communiste, en 1921, a été d’une importance décisive pour l’évolution du mouvement de libération et la conception d’une société non raciale.

 

C’est un départ tristement banal : l’arrivée des Néerlandais en 1652 sur les rives sud-africaines, suivis des Britanniques à la fin du XVIIIe siècle, va bouleverser le cône sud de l’Afrique avec son lot de pillage des richesses, d’esclavagisme, de ségrégation sociale et raciale. La colonisation est en marche, avec son lot habituel de guerres entre les premiers colons blancs, les Afrikaners, et les Britanniques, aussi bien qu’avec les tribus indigènes. En 1867, des diamants sont découverts à Kimberley. En 1886, à Witwatersrand, c’est de l’or. De quoi attiser toutes les convoitises. Mais pour exploiter toutes ces richesses, les colons blancs ont besoin de main-d’œuvre. Seulement voilà, au début du XXe siècle, sous l’impulsion des leaders traditionnels, les populations se mettent à vouloir racheter massivement les terres dont elles avaient été spoliées pour s’y installer.

Des mouvements de protestation voient le jour dans différentes provinces. Des mouvements qui ouvrent la voie à une prise de conscience politique de plus en plus marquée. Le 8 janvier 1912, une poignée d’hommes – des chefs traditionnels, des représentants d’associations et de différentes églises – se retrouvent à Bloemfontein pour unifier les mouvements. Ce jour-là naît une organisation, le South African Native National Congress (SANNC, le Congrès national des indigènes sud-africains), qui se transformera rapidement en African National Congress (ANC, Congrès national africain).

L’Union sud-africaine, créée en 1910, adopte une série de lois en 1913, soit trente-cinq ans avant l’avènement de l’apartheid, qui va rendre impossible la vie des populations noires. C’est le Land’Act, qui interdit aux Noirs d’acheter, de louer ou d’utiliser des terres, excepté dans les réserves où on les a parqués. Il ne restait alors plus à ces gens qu’une solution : se faire embaucher dans les mines ! À la fin des années 1910, l’ANC soutient les mouvements sociaux qui éclatent, notamment la grève des mineurs africains en 1920.

Un lien constitutif de la lutte contre l’apartheid

C’est alors que se produit un événement politique qui aura des répercussions sur les orientations de l’ANC et sur la lutte de libération. Le 30 juillet 1921, est créé, au Cap, le Parti communiste d’Afrique du Sud (CPSA, qui se transformera dans les années 1950, alors clandestin, en Parti communiste sud-africain, SACP). Le coup de tonnerre résonne dans tout le pays. Des décennies plus tard, Jacob Zuma, alors président de l’ANC, le reconnaîtra : « Nous devons marquer ce fait historique : le SACP a été le premier parti ou mouvement non racial en Afrique du Sud. Ainsi, l’ANC doit au Parti l’un de ses principes et de ses caractères les plus chéris et les plus importants, qui est d’être non racial. » Déjà, en 1924, une résolution du Parti communiste soulignait « l’importance majeure d’une organisation de masse pour la classe ouvrière dont les problèmes ne peuvent être résolus que par un front uni de tous les travailleurs, quelle que soit leur couleur ». Une résolution qui a pavé le chemin d’un travail commun, pendant des années, entre l’ANC et le SACP.

Ce lien entre les deux organisations, pas si évident au départ, est pourtant constitutif de la lutte contre l’apartheid qui va se développer à partir de 1948. Quelques années auparavant, en 1944, une organisation de jeunesse est créée au sein de l’ANC, dont les leaders se nomment Nelson Mandela, Walter Sisulu et Oliver Tambo. Leurs idées sont basées sur le nationalisme africain. À ce moment-là, Mandela, notamment, ne voit aucune nécessité d’un travail avec les Blancs et encore moins avec les communistes. Il évoluera. Oliver Tambo, qui dirigea l’ANC de 1967 à 1991, l’a expliqué : « La relation entre l’ANC et le SACP n’est pas un accident de l’histoire, ni un développement naturel et inévitable. » Le même Tambo qui, au milieu des années 1940, s’était prononcé pour l’expulsion des communistes de l’ANC. Mais, après le bannissement du Parti communiste en 1950, il change d’appréciation : « Avant 1950, on avait le sentiment qu’il y avait deux camps (…). Mais après 1950, nous étions tous ensemble. ». En réalité, les communistes se mettent totalement à la disposition du mouvement de libération, y compris au détriment de leur propre organisation qui n’est pas de masse. Les cadres travaillent au sein de l’ANC au plus haut niveau, y compris au sein de la branche armée, Umkhonto we Sizwe (la Lance de la nation, créée par Mandela et Joe Slovo). Le dernier chef des MK (les combattants armés) n’est autre que Chris Hani, secrétaire général du SACP, assassiné en 1993. Selon Mandela, Hani « soulignait toujours le fait que sa conversion au marxisme avait approfondi sa perspective non raciale ».

Un bel hommage et une alliance qui se poursuit encore aujourd’hui, non sans tension ces dernières années. Aujourd’hui, le SACP se renforce et envisage sereinement de présenter, dans un futur pas si lointain, ses propres listes aux élections. Pas dans une rupture avec l’ANC, mais dans une nouvelle construction historique.

Pierre Barbancey

 

Lire aussi:

Portrait: JOE SLOVO , secrétaire général du Parti communiste d'Afrique du Sud

JOE SLOVO , secrétaire général du Parti communiste d'Afrique du Sud

Joe Slovo, né en 1926 à en Lituanie et mort à 68 ans en 1995 à Johannesburg. Il a été chef du Parti communiste sud-africain (South African Communist Party, SACP), et membre du Congrès national africain (African National Congress, ANC).

"Pour les Sud-Africains puritains et calvinistes , ce juif athée avait tout du traître : cosmopolite , communiste et , surtout , blanc ayant pris fait et cause pour la dignité des Noirs . Il était à peine mieux connu de ses partisans . Beaucoup d'entre eux furent surpris à son retour au pays , après un exil de près de trente ans , de voir apparaître un blanc sous ce nom de Slovo à la consonance vaguement africaine. " ( Le Monde )

" Joe Slovo ( Yossel Mashel Slovo , de son véritable nom ) était né en 1926 , dans une modeste famille juive de Lituanie . Il arrive en Afrique du Sud à l'âge de neuf ans . Etudiant en droit , puis avocat , il adhère au Parti communiste dès les années 40 , après un bref détour par l'armée sud-africaine qui lutte en Afrique du Nord contre les troupes de l'Axe . De retour à Johannesburg , il épouse , en 1949 , Ruth First , fille du trésorier du Parti communiste sud-africain (SACP).

L'Etat n'est guère tendre pour ceux qui s'opposent à la mise en place de l'apartheid , politique officielle de l'Afrique du Sud depuis la victoire du Parti national (NP) aux élections de 1948. Joe Slovo court de procès en procès , comme avocat , et bientôt comme inculpé , membre dirigeant du Parti communiste , puis des organisations que lui et ses amis animent pour résister à l'étouffement politique qui gagne le pays .

En 1960 , les émeutes de Sharpeville marquent le tournant vers la lutte armée. Dans son autobiographie , Nelson Mandela révèle que le Parti communiste interdit n'y était pas favorable , persuadé que la « voie démocratique » n'était pas encore totalement bouchée . Quoi qu'il en soit , l'organisation militaire de l'ANC , "Umkhonto we Sizwe" ( le Fer de lance de la nation ), est fondée . Joe Slovo , aux côtés de Nelson Mandela , en est l'un des dirigeants ( np : ce dernier sera arrêté en aout 62 au retour d'un périple africain puis d'un séjours à la frontière algéro-marocaine où il a reçu une courte formation militaire de la part de cadres FLN , il est aussi fait mention d'un autre entraînement militaire reçu en Ethiopie ; quant à Slovo , il est passé dans la clandestinité et quitte le pays en juin 1963 .)

Le parcours de Joe Slovo est alors peu connu . On le reverra dans plusieurs capitales d'Afrique où il dirige les activités militaires de l'ANC et où le traquent les services sud-africains. En 1982 , à Maputo , sa femme , Ruth First ( np : membre du PCSA , journaliste , anthropologue , chercheuse sud-africaine , connue pour son engagement dans la lutte contre l'apartheid . Ses parents , Julius et Mathilda First , immigrés juifs arrivés de Lituanie en 1906 furent membres fondateurs du Parti communiste sud-africain ) , est tuée par l'explosion d'un colis piégé qui lui était destiné ." ( Le Monde )
( Le colis en question fut un envoi des Services secrets de Pretoria ... )

" Slovo reste partisan , pendant toutes ces années , d'un lien fort avec l'Union soviétique." ( Wikipédia )

" En 1985 , Joe Slovo devient le premier Blanc à faire partie de la direction nationale de l'ANC , poste qu'il cumule alors avec celui de chef d'état-major d'Umkhonto we Sizwe et celui de membre du conseil politico-militaire . Un an plus tard , il devient secrétaire général du Parti communiste sud-africain .

Cette période marque le début des tractations secrètes entre l'organisation nationaliste et les émissaires les plus éclairés de l'Afrique du Sud blanche . Là encore , le rôle exact de Joe Slovo reste à établir . Revenu d'exil en 1990 , membre de la délégation qui négocie avec le gouvernement , il est celui qui , à Durban , un an plus tard , au congrès de l'ANC , propose un partage du pouvoir avec la minorité blanche . Durant le 49e congrès de l'ANC à Bloemfontein ( décembre 1994 ) , Nelson Mandela , rendant hommage à la « clairvoyance » de Joe Slovo , avait laissé entendre que cette perspective n'avait pas été facilement acceptée . Amaigri , profondément marqué par le cancer ( qui l'emportera le 6 janvier 1995 ) , celui qui , entretemps , était devenu ministre du logement du premier gouvernement multiracial reçut l'ovation des congressistes .
« Jamais je n'ai regretté d'avoir pris le chemin de la lutte », déclara-t-il simplement. "
( Le Monde )

Sur la page Facebook de Christophe Saulière

Joe Slovo et Nelson Mandela

Joe Slovo et Nelson Mandela

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11 janvier 2021 1 11 /01 /janvier /2021 06:25
L'Humanité - Grand entretien de Sophie Joubert avec Pierre Singaravélou, chercheur et historien de la mondialisation: La pandémie symbolise la fermeture de la parenthèse de la domination occidentale (8 janvier 2020)
Pierre Singaravélou, historien de la mondialisation : « La pandémie symbolise la fermeture de la parenthèse de la domination occidentale »
Vendredi 8 Janvier 2021

Selon le professeur d’histoire contemporaine au King’s College de Londres et à l’université Paris-I Panthéon-Sorbonne, la crise du Covid-19 bouleverse les équilibres mondiaux. Il rappelle que, jusqu’à la fin du XVIIIe siècle, les Empires Qing en Chine et moghol en Inde produisaient à eux seuls plus de la moitié de la richesse mondiale. Et invite à une solidarité internationale plus que jamais nécessaire. Entretien.

 

En tant qu’historien de la mondialisation, quels enseignements tirez-vous de la pandémie de Covid-19 ?

Pierre Singaravélou Il est toujours extrêmement périlleux de tirer des enseignements des événements récents. A fortiori s’agissant de cette séquence où les confinements se succèdent sans que les gouvernements soient guidés par une doctrine cohérente et clairement lisible. On peut toutefois affirmer que la pandémie de Covid-19 est en elle-même la démonstration spectaculaire que nous vivons dans un monde entièrement globalisé pour le pire et – espérons-le – pour le meilleur. Le virus se joue en effet des frontières nationales, frappant tous les pays de la planète à l’exception de quelques îles telles les Samoa américaines, qui se sont totalement coupées du reste du monde. Cette crise sanitaire révèle sans aucun doute les travers d’une mondialisation économique où la division internationale du travail a induit la pénurie catastrophique de certains produits essentiels (médicaments, matériel médical, etc.), dans les pays occidentaux totalement dépendants de la Chine. Face à cette situation inédite, le plus frappant est l’impensé que la crise révèle : l’impensé des dirigeants sur la mondialisation, même chez les « gagnants » de la globalisation. Ils oscillent entre repli souverainiste et solutions néolibérales très classiques, mais peinent à prendre la mesure de ce sujet, donc à inventer le fameux « monde d’après » qui a été brièvement promis au début de la pandémie. Ainsi sont peu discutées dans le débat public les solutions en termes de solidarité globale.

La mondialisation peut-elle aussi rendre possible cette coopération internationale ?

Pierre Singaravélou À partir du milieu du XIXe siècle, les processus de construction nationale, de repli nationaliste et de mondialisation ne cessent de s’entretenir mutuellement, notamment dans le domaine sanitaire. La propagation plus rapide des épidémies conduit les États à coordonner leurs efforts dans la mise en place de contrôles et de quarantaines afin de ne pas nuire à l’essor du commerce. C’est ainsi qu’est organisée à Paris, en 1851, la première conférence sanitaire internationale pour lutter contre le choléra, la peste et la fièvre jaune. Aujourd’hui, la compétition entre les États autour du vaccin contre le Covid-19 semble féroce. Certains pays comme les États européens promeuvent une approche multilatérale de la santé publique, tandis que d’autres comme les États-Unis défendent une conception plus sécuritaire et isolationniste, conduisant le président Trump à interrompre en avril 2020 le financement états-unien de l’OMS. Mais, en réalité, les nouveaux vaccins anti-Covid résultent de différentes formes de coopération internationale, à l’image du BioNTech, compagnie allemande fondée par des ­chercheurs d’origine turque et associée à la multinationale états-unienne Pfizer. Demandons-nous quel pays aujourd’hui peut concevoir et produire seul un tel vaccin ? Cette solidarité internationale s’avère plus que jamais nécessaire. Et la crise actuelle suscite déjà de nouvelles formes de coopération comme le programme Access to Covid-19 Tools, développé par la Commission européenne. Dans ce contexte, il semble préoccupant qu’une fraction de la gauche française abandonne l’internationalisme – en remettant en question, par exemple, la circulation des personnes – pour des raisons purement électoralistes.

Cette pandémie révèle-t-elle des changements dans le rapport de forces à l’échelle du monde ?

Pierre Singaravélou En mettant au jour les faiblesses des puissances européennes et des États-Unis, la pandémie symbolise de manière spectaculaire la fermeture de la parenthèse de la domination occidentale du monde débutée il y a seulement deux siècles. Du point de vue des dirigeants asiatiques, il s’agit d’un simple rétablissement de l’ordre ancien, car, jusqu’à la fin du XVIIIe siècle, les Empires Qing en Chine et moghol en Inde produisaient à eux seuls plus de la moitié de la richesse mondiale. À la suite de la réponse sanitaire très inadaptée des États-Unis et des pays européens, totalement désorganisés pendant les premiers mois de l’épidémie, l’Occident ne constitue plus le modèle en matière sanitaire, scientifique, technologique et industrielle, aux yeux du reste du monde. En revanche, des pays un peu partout ailleurs se sont illustrés par leur inventivité ou leur efficacité. Ainsi, Taïwan, qui a réagi très tôt, en imposant masques et tests, a évité le confinement et compte le plus faible nombre de morts du Covid-19 : 1 décès pour 3 350 000 personnes, contre 1 mort du Covid-19 sur 990 États-Uniens. La Corée du Sud est le premier pays à comprendre la nécessité de tester toute sa population, en raison du grand nombre de cas asymptomatiques. À l’autre bout du monde, le Liberia, grâce à son expérience face à l’épidémie d’Ebola en 2014, a mis en place des mesures efficaces de test et d’identification des cas contacts. Cette pandémie invite sans doute pour la première fois les États-Uniens et les Européens à abandonner leur obsolète complexe de supériorité et à prendre concrètement conscience – avec humilité – de la reconfiguration des équilibres mondiaux.

Ce retour de l’Asie sur le devant de la scène peut-il être symbolisé par un objet, le masque prophylactique, auquel est consacré le dernier article du Magasin du monde, l’ouvrage que vous avez codirigé avec Sylvain Venayre ?

Pierre Singaravélou L’usage du masque ­prophylactique, si présent dorénavant dans notre vie quotidienne, se généralise en effet pour la première fois en Chine, à l’occasion de la peste de Mandchourie en 1911. Des médecins chinois, comme le docteur Wu, jouent alors un rôle décisif dans sa popularisation. La santé publique japonaise fait ensuite du port du masque un de ses chevaux de bataille dès la grippe espagnole de 1918-1920. Le masque devient ainsi progressivement un objet commun en Asie orientale et du Sud-Est pour lutter contre les maladies transmissibles par voies respiratoires, puis pour se protéger de la pollution de l’air. Aujourd’hui, comme le rappelle l’historien Frédéric Vagneron, la production de la majorité des masques chirurgicaux, à partir de matériaux de l’industrie chimique comme le polypropylène, est localisée en Chine. Laquelle produit désormais la plupart des objets en plastique – gilets jaunes, planches de surf, smartphones, sex-toys – consommés dans le monde.

Peut-on comparer la crise sanitaire actuelle avec d’autres événements du passé ?

Pierre Singaravélou Le coup d’arrêt des circulations transnationales, la dimension globale du confinement et le ralentissement de l’économie qu’ils entraînent sont inédits. En revanche, le monde a été confronté à des pandémies bien plus dévastatrices d’un point de vue sanitaire. Songeons à la grippe espagnole en 1918-1920, dont l’ampleur et les conséquences démographiques – près de 50 millions de victimes – ont longtemps été sous-estimées… Seules quelques îles y échappèrent, à l’instar des Samoas américaines, déjà ! Les deux épidémies possèdent plusieurs points communs : des remèdes improbables voient le jour (rhum pour la grippe et chloroquine pour le Covid) ; on ne meurt pas de la maladie elle-même mais d’une surinfection bactérienne dans le cas de la grippe espagnole et de la réaction immunitaire dans celui du Covid-19. Mais, à la différence du Covid-19, la grippe espagnole frappe principalement des hommes jeunes et robustes là où la pandémie actuelle tue surtout les plus âgés et les plus fragiles.

Vous enseignez en France et en Grande-Bretagne, quelles différences d’approche et de réponse face à la pandémie avez-vous observées ?

Pierre Singaravélou La pandémie semble révéler ou confirmer des habitus nationaux. En dépit de leur proximité idéologique, les deux gouvernements français et britannique ont adopté, ces derniers mois, des politiques publiques différentes qui s’inscrivent dans des traditions bien distinctes. Au Royaume-Uni, en vertu d’une culture libérale qui fait consensus, il n’a jamais été question d’instaurer l’obligation du masque dans la rue et un système très contraignant d’attestations de déplacement. Les magnifiques parcs londoniens n’ont jamais été fermés et les habitants ont échappé au couvre-feu. Libre à chaque Britannique asymptomatique de se faire dépister avec un test antigénique pour la somme extravagante de 70 à 250 euros, alors que le système public de santé français permet à tous d’y accéder gratuitement dans les pharmacies. En revanche, la stratégie vaccinale des deux pays ne correspond pas à cette différence d’approche : Grande-Bretagne « libérale » vs France « dirigiste ». Le 30 décembre 2020, on comptait près d’un million de personnes vaccinées au Royaume-Uni contre seulement 330 personnes en France. La dégradation rapide de la situation sanitaire en Angleterre et le respect des processus de validation, ainsi qu’un déficit de volonté politique en France semblent tempérer ici les habitus nationaux.

Un rapport parlementaire remis le 16 décembre par Marie-George Buffet alerte sur les conséquences de la crise sanitaire pour les jeunes gens. Que constatez-vous chez les étudiants ?

Pierre Singaravélou Cette crise sanitaire décuple la précarité préexistante des étudiantes et étudiants, dont 20 % vivaient déjà en dessous du seuil de pauvreté avant le confinement : ils sont les grands oubliés du gouvernement. Les universités n’intéressent pas les élites politiques et économiques françaises qui n’en sont pas issues et qui prennent soin de ne pas y envoyer leurs enfants. Pourtant, les établissements universitaires accueillent la majorité des jeunes de ce pays et la quasi-totalité des enfants d’ouvriers et d’employés qui accèdent à l’enseignement supérieur. De plus en plus d’étudiants sombrent dans la pauvreté avec la disparition des petits boulots (restauration, bar, hôtellerie, baby-sitting, etc.). Nous fermons collectivement les yeux devant leurs problèmes concrets : extrême isolement, fermeture des restaurants universitaires à tarification sociale, absence d’espace de travail, manque d’équipement informatique personnel et de forfait Internet pour suivre l’enseignement à distance. On constate que les étudiants qui officient dans les secteurs de première nécessité subissent un accroissement de la charge de travail.Nombre d’entre eux ont arrêté leurs études au cours des deux premiers confinements. Il y a urgence : le sort de la jeunesse de notre pays, étudiante ou pas, devrait être la priorité absolue du gouvernement parallèlement à la lutte contre la pandémie.

Pierre Singaravélou

 
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