Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
3 septembre 2020 4 03 /09 /septembre /2020 08:04

 

Ebru Timtik est morte en détention le 27 août, après 238 jours de grève de la faim. Elle exigeait la tenue d’un procès équitable. Elle appartenait à l’Association des avocats progressistes. Ceren Uysal dénonce les attaques en cours. ENTRETIEN.

 

Pourquoi les avocats en Turquie sont-ils souvent la cible du pouvoir ?

Ceren Uysal Tout d’abord, je tiens à souligner que nous ne discutons pas de quelque chose de nouveau. Dans l’histoire de la Turquie, les avocats, qui représentent les gens de gauche ou le peuple kurde, ont toujours été attaqués. Dans les années 1990, de nombreux avocats ont été abattus, enlevés ou torturés. Dans notre génération, la première opération de masse contre les avocats a été en 2011 : 45 collègues ont été arrêtés à la suite d’une opération de police et accusés d’être membres de KCK (Union des communautés du Kurdistan) simplement parce qu’ils étaient les avocats d’Abdullah Öcalan.

Plus tard, en 2013, la police a lancé une opération de masse contre l’Association des avocats progressistes à laquelle j’appartiens et 9 collègues ont été arrêtés. Ils ont également été accusés d’être membres d’une organisation terroriste. L’accusation du procureur était basée sur le profil de leurs clients. C’était un simple problème mathématique pour le procureur : « Vous représentez X nombre de personnes qui ont été accusées d’être membres de cette organisation, donc vous devez également en être membre. » Cette interprétation est une simple violation de tous les principes de la profession juridique. Ces procès sont tous deux en cours.

Les avocats sont attaqués en Turquie, parce que c’est nous qui sommes entre l’État et ses cibles.

Après l’état d’urgence, les attaques du gouvernement turc se sont élargies. Maintenant, ils attaquent simplement « quiconque » ne les soutient pas. En 2016, mon association a été interdite par un décret gouvernemental et accusée d’être en relation avec le terrorisme. À ce moment-là, nous avions plus de 2 000 membres ! Après l’interdiction, ils ont de nouveau fait une opération de police contre les avocats membres de l’association. Cette fois, ils en ont arrêté 17 du même bureau juridique, le « bureau du droit du peuple ». L’accusation est la même que précédemment.

Les avocats sont attaqués en Turquie, parce que c’est nous qui sommes entre l’État et ses cibles. L’État veut attaquer les prisons, l’environnement, les droits des travailleurs, etc. Et nous défendons le contraire et essayons d’éviter les dommages. Nous travaillons contre la torture, nous soutenons les femmes qui font l’objet de violences domestiques, nous défendons les familles des jeunes qui ont été abattus par la police, etc. Par conséquent, nous sommes une sorte d’ennemis publics.

 

Une nouvelle loi concernant les barreaux a été votée au début de l’été. Qu’en est-il ?

Ceren Uysal Le nouveau règlement met l’accent sur deux choses. Avant, nous avions un système très similaire avec l’Europe. Chaque ville a un barreau local et un barreau national. Le conseil exécutif du Conseil national du barreau est élu par les délégués des barreaux locaux. Maintenant, tout d’abord, si 2 000 avocats se réunissent et veulent établir un barreau, ils peuvent le faire. Cela n’aura pas d’effet sur les petites villes, mais pour les plus grandes comme Istanbul, Izmir, etc., à l’avenir, cela aura des répercussions.

Pendant des années, le régime de l’AKP visait à restructurer les institutions. Mais il n’a pas réussi avec les barreaux.

Le nombre de délégués sera limité. Ainsi, les barreaux les plus importants en nombre ne seront pas en mesure d’envoyer plus de délégués. Ce qui signifie que leur ratio de représentation diminuera. C’est une tactique typique du parti de Recep Tayyip Erdogan, le parti de la Justice et du Développement (AKP). Pendant des années, le régime de l’AKP visait à restructurer les institutions. Mais il n’a pas réussi avec les barreaux. Les associations de barreaux sont toujours en mesure d’agir de façon indépendante. L’AKP veut changer cette situation et au moins avoir des associations de barreaux qui le « soutiennent » directement. Des attaques similaires pourraient avoir lieu contre l’ordre des médecins.

 

Quelle est la situation actuelle ?

Ceren Uysal Les gens doivent comprendre que les accusations de terrorisme, les nouveaux systèmes électoraux, etc. sont autant d’« excuses ». Nous parlons d’un régime autoritaire qui veut faire taire tout le monde. Et s’il n’est pas possible de les faire taire, alors la prochaine étape est de les arrêter, de les torturer, de mentir à leur sujet, etc. Ce 1er septembre était le jour de l’ouverture de la nouvelle année judiciaire en Turquie. Et le président Erdogan a une fois de plus fait un discours haineux qui nous menace tous. Il a qualifié Ebru Timtik – notre collègue qui est décédée de sa grève de la faim alors qu’elle réclamait simplement un procès équitable – de terroriste. Et il a accusé de même tous les avocats qui ont participé à ses funérailles en robe, ainsi que l’Association du barreau d’Istanbul en raison de la cérémonie qui a été organisée en mémoire d’Ebru devant le bâtiment du barreau. Et, finalement, il a dit :  « Ce genre d’avocats » (c’est-à-dire nous) ne devraient pas continuer à pratiquer leur profession. Oui, maintenant, il veut nous retirer nos licences… Nous pensons qu’il s’agit d’un signal pour de nouvelles attaques à venir.

 

Partager cet article
Repost0
31 août 2020 1 31 /08 /août /2020 05:33
Violences racistes et fascistes, suprématisme blanc, extrême-droitisation du Parti Républicain: L'Humanité au coeur de l'Amérique de Trump
Vendredi, 28 Août, 2020
États-Unis. À Kenosha, l’extrême-droite désormais à découvert
 
 
Le meurtre de deux manifestants antiracistes par un jeune milicien blanc de 17 ans plonge la petite ville du Wisconsin – et peut-être le pays – dans un état de tension inédit, renforcé par la rhétorique de « la loi et de l’ordre » de Donald Trump. Mais l’Amérique antiraciste n’abdique pas et poursuit sa mobilisation.
 

Les deux vidéos ont désormais fait le tour des réseaux sociaux et sans doute du monde entier. La première montre un policier tirer à sept reprises dans le dos de Jacob Blake, un Africain-Américain de 29 ans. À bord de la voiture dans laquelle la victime voulait entrer, se trouvaient trois de ses enfants âgés de 8, 5 et 3 ans. La seconde intervient quelques jours plus tard, dans la même ville de Kenosha (Wisconsin) où, chaque soir, en dépit du couvre-feu, se déroulent des manifestations pacifiques et où, en marge de celles-ci, la colère conduit à des saccages et incendies volontaires. On y voit Kyle Rittenhouse, 17 ans, arme automatique en bandoulière, mains en l’air, passer tranquillement devant les forces de police sans que celles-ci n’interviennent, alors que le milicien d’extrême droite vient de tuer deux manifestants antiracistes.

Kenosha marque sans doute une nouvelle étape dans l’état de tension d’un pays violent et injuste, scindé en deux blocs : pour la première fois, des manifestants antiracistes ont été tués par un milicien d’extrême droite. La polarisation du pays – cette grande divergence politique, idéologique et sociétale entamée il y a quarante ans et accélérée par le trumpisme – est devenue physique et meurtrière. C’est un précédent. L’Histoire dira si ce drame est « isolé » ou annonciateur, si le spectre de la « guerre civile » (nom donné à ce que nous appelons en France, la « guerre de Sécession ») ressurgit.

En tout cas, certains le souhaitent et… y travaillent. Ils s’appellent les boogaloo boys, portent des chemises hawaïennes qui les rendent visibles et se préparent à une guerre civile afin d’empêcher le gouvernement de les priver de leurs droits, notamment celui de porter une arme. Ils constituent une frange de la mouvance des milices d’extrême-droite, dont la diversité ne masque pas l’objectif commun : la suprématie blanche.

Depuis le début du puissant mouvement de protestation après le meurtre de George Floyd, le 25 mai, ces miliciens de tout acabit ont marqué leur présence en marge des manifestations. « Quand vous avez tous ces éléments – un moment politique chargé, beaucoup de désinformation et des groupes lourdement armés –, c’est juste une question de temps avant que quelque chose de dangereux ne survienne », explique au Washington Post Lindsay Schubiner, directrice d’études de l’ONG Western States Center. Cela est donc survenu à Kenosha, que la nébuleuse milicienne a vu comme un terrain de répétition générale. Kyle Rittenhouse est venu d’Antioch – Illinois –, à trente minutes de là, avec son arme chargée. Il a abattu deux hommes – de 26 et 36 ans – et en a blessé un troisième. Les enquêteurs ont découvert sur les réseaux sociaux ses affinités pour les armes, les forces de police et… Donald Trump.

Il ne faut pas attendre de ce dernier qu’il prenne quelque distance que ce soit avec l’auteur de ce double meurtre. Le président sortant s’en tiendra certainement à sa stratégie encore et toujours déroulée lors de la convention qui s’est terminée hier (lire p. 3) : accabler les démocrates de tous les maux, appeler à la « loi et l’ordre » afin de galvaniser sa base, dont ces groupes d’extrême droite constituent une partie essentielle, comme le souligne Mark Potok (lire entretien p. 4). « L’un des avertissements les plus pessimistes à propos de la présidence Trump devient une réalité. Les milices d’extrême droite sortent de l’ombre et se positionnent aux côtés de la police et parfois de responsables du parti républicain pour contrer les manifestations contre les brutalités de la police raciste », alerte le site de gauche AlterNet.

Le site journalistique The Trace, spécialisé sur les questions d’armes à feu, se montre encore plus précis : « Désormais, dans une poignée d’États avec une tradition d’extrême droite, des sections de groupe comme les Oath Keepers et les Three Percenters émergent comme des acteurs politiques directs, fournissant le service d’ordre des élus pro-Trump et des organisations républicaines. Dans un cas, un de ces miliciens était même le collaborateur d’un élu. »

Si la trumpisation du parti républicain, avec sa nouvelle garde prétorienne, est l’une des facettes de la polarisation galopante, quel est son équivalent « progressiste » ? Dans un article publié dans Vanity Fair, Ta-Nehisi Coates le discerne dans l’émergence, « pour la première fois dans l’histoire américaine (…), d’une majorité antiraciste légitime (…) qui peut donner naissance à un monde au-delà de l’idolâtrie des pères fondateurs, où nous pouvons chercher non pas seulement à défaire le président sortant, mais aussi à sortir sa philosophie entière de l’humanité ». Trop optimiste, l’écrivain et journaliste réputé pour son magnifique livre, Une colère noire ?

L’action historique des joueurs de l’équipe de basket de Milwaukee (lire encadré) donne du crédit à son hypothèse d’un « grand feu » naissant. Le « mouvement » né après le meurtre de George Floyd franchit lui aussi un cap, et il pourrait emprunter les mots de Letetra Widman, la sœur de Jacob Blake : « Je ne suis pas triste, je ne suis pas désolée, je suis en colère et je suis fatiguée (…) Je ne veux pas de votre pitié, je veux le changement ! »

Christophe Deroubaix

Un boycott des sportifs sans précédent

Aux États-Unis, le monde sportif a démarré un mouvement sans précédent de boycott des compétitions, en réaction à l’affaire Jacob Blake. Enclenché par l’équipe de basket-ball des Milwaukee Bucks, qui a boycotté un match et contraint l’Association nationale de basket (NBA) à reporter plusieurs autres rencontres, mercredi, le mouvement s’est propagé à grande vitesse. « Nous demandons le changement. On en a marre », a déclaré la superstar des Los Angeles Lakers, LeBron James.  La joueuse de tennis japonaise Naomi Osaka, dont le père est d’origine haïtienne, a quant à elle refusé de disputer la demi-finale du tournoi de Cincinnati, dont les organisateurs ont reporté d’un jour tous les matchs prévus ce jeudi 27 août.  Des matchs de football américain et de baseball ont également été repoussés pour les mêmes raisons.

Vendredi, 28 Août, 2020
La trumpisation achevée du Grand Old Party

La convention du parti républicain a consacré la prise de pouvoir du président nationaliste et de son idéologie. Il n’y a plus ni débats, ni d’opposants dans le parti fondé par Abraham Lincoln, juste un chef  : Donald Trump. (MAJ 28/08 à 9h45)

 

«Ce n’est plus le parti républicain, c’est un culte à Trump. » La féroce critique ne provient pas d’un opposant démocrate ou d’un éditorial de journal « liberal » que Trump aime tant à attaquer, mais de l’essayiste Bill Kristol, fils d’Irving Kristol, considéré comme le fondateur du mouvement néoconservateur. La formule est cinglante mais elle se révèle… fausse. Si les quatre jours de la convention républicaine ont bel et bien tourné au « culte à Trump », il s’agit toujours du « parti républicain ». « Les conservateurs ont enfanté un monstre : c’est Trump. C’est leur Frankenstein. Ils ne se sont d’abord pas reconnus dans cet enfant illégitime, puis ils s’y sont ralliés car Trump a gagné », analyse l’historien Romain Huret, directeur de recherches à l’EHESS. « Cette évolution remonte aux années 1960 et à la capture du parti républicain par Barry Goldwater (candidat battu à plate couture lors de l’élection présidentielle de 1964 par Lyndon Johnson et considéré comme le père de la révolution conservatrice – NDLR). Trump est la version la plus extrême, la plus aboutie de l’aile droite », ajoute-t-il.
La « trumpisation » du GOP (Grand Old Party, son surnom) s’est achevée entre vidéos enregistrées et harangues devant une salle de conférence vide. Les voix dissonantes n’ont pas été invitées. Elles n’y tenaient pas plus que cela. « Ne pas être publiquement loyal à Trump peut se payer cher : disqualification sur Twitter, campagne négative en circonscription, insultes, etc. », indique Marie-Cécile Naves, directrice de recherche à l’Iris. Comme on n’est jamais si bien servi que par soi-même, toute la famille Trump est passée derrière le pupitre, des enfants aux beaux-enfants en passant par l’épouse. « Du reste, le parti ne publie pas de plateforme (programme) différente de celle de 2016, ce qui est exceptionnel. C’est aussi un indicateur que le parti est uni derrière Trump et n’engage pas de débats internes », poursuit la spécialiste.

Le renoncement à l’élaboration d’un programme actualisé en dit long sur la vampirisation du vieux parti par le milliardaire. Pour autant, ce programme existe bien, mais il est, selon David Frum, ancien conseiller de W. Bush et républicain en rupture de ban, « trop effrayant pour être rendu public ». Les choix et propos des orateurs, ainsi que les mises en scène ont dessiné le projet trumpiste entre darwinisme social, nationalisme, dérégulation (sociale et environnementale) et nativisme assumé (« Le parti républicain tient un meeting du Klan », a tweeté l’élue socialiste de Pittsburgh, Summer Lee). « C’est un conservatisme sans filtre, sans garde-fous », résume Romain Huret. À titre d’exemple : en rupture avec la coutume, et sans doute en violation des règles administratives américaines, Mike Pompeo, le chef de la diplomatie, s’est immiscé dans le débat électoral en diffusant une vidéo de soutien à Donald Trump enregistrée depuis Jérusalem. Un signal on ne peut plus clair envoyé aux électeurs évangéliques blancs, noyau dur de la base républicaine. « Le seul but de la convention de Donald Trump était de parler aux spectateurs de Fox News », constate David Frum. Lors de son discours d’acceptation, jeudi soir devant un millier de personnes, l’immense majorité sans masques, il a accusé les démocrates de vouloir livrer les villes aux «anarchistes» de «démolir les banlieues», bref rien de moins que de détruire le fameux «American way of life». Solidifier sa base en la chauffant à blanc : Donald Trump ne déroge pas à la règle de 2016, mais en l’appliquant dans un climat de tension supérieure, il contribue à l’exacerber un peu plus.

Vendredi, 28 Août, 2020
« La droite radicale a infiltré le courant politique dominant »

Les milices armées, composées de suprémacistes et de nationalistes blancs sont de plus en plus présentes, explique Mark Potok. À Kenosha, elles ont tué. Entretien.
Mark Potok

 

Mark Potok

Chercheur au Centre for Analysis of the Radical Right

Êtes-vous surpris par ce qui s’est passé à Kenosha ?

Mark Potok Non ! Depuis plusieurs années, en remontant au moins aux troubles civils à Ferguson, dans le Missouri, en 2014, des groupes extrémistes armés, d’extrême droite, se livrent à des actes de violence contre les Noirs et menacent les manifestants. Cela s’est produit maintes et maintes fois, et encore très récemment à Portland, un autre point chaud de protestation contre la violence policière.

Comment décririez-vous ces milices et leurs membres ?

Mark Potok Parmi les groupes d’extrême droite engagés dans cette « protection » armée des biens contre les manifestants de Black Lives Matter (BLM) figurent les Gardiens du serment (Oath Keepers) et les Fiers Garçons (Proud Boys), qui manifestent en étant lourdement armés. Nous savons qu’un homme blanc nommé Josh Binninger a déclaré aux journalistes qu’il avait utilisé une page Facebook pour organiser un groupe d’environ 200 personnes qui sont allées à Kenosha mardi soir. Il semble que le tireur ne faisait pas partie de ce groupe. Mais, si vous regardez la page Facebook de Binninger, vous verrez un certain nombre de messages d’extrême droite, y compris celui qu’il a posté il y a six jours qui représente une femme avec une pancarte disant : « Cessez de financer Hollywood, Arrêtez d’idolâtrer les pédophiles. » Clairement Binninger adhère à la théorie du complot QAnon (1), que le FBI a décrite comme une source potentielle de terrorisme intérieur. Trump a déclaré que ceux qui croient au QAnon sont des patriotes « qui aiment notre pays ».

Quel est leur but ?

Mark Potok Ces hommes blancs représentent une réaction nationaliste blanche contre les manifestants de Black Lives Matter et l’influence croissante des Noirs et d’autres personnes de couleur en Amérique. Ce sont des ethno-nationalistes d’extrême droite qui se sentent menacés par des changements sociaux majeurs en Amérique. Il est à noter qu’ils apparaissent régulièrement dans les villes pour « protéger » les biens et les citoyens censés être menacés par les Noirs ou leurs alliés. Ils ne se présentent absolument jamais pour défendre les Noirs qui sont menacés par les Blancs. Ce sont des gens que notre président raciste essaie d’atteindre quand il avertit que Joe Biden et sa coalition démocrate veulent détruire les banlieues résidentielles.

Peuvent-ils s’immiscer dans le processus électoral ?

Mark Potok Paradoxalement ils peuvent avoir pour effet de désamorcer la critique de droite des manifestations BLM comme violentes. Bien qu’il y ait certainement eu une certaine violence de la part des manifestants de BLM, la véritable tuerie est venue de leurs opposants de droite. Ce dernier double meurtre à Kenosha pourrait enfin ramener ce message aux Américains.

Ces activistes blancs représentent-ils un danger pour les États-Unis ?

Mark Potok La droite radicale est aujourd’hui, et depuis une vingtaine d’années, une grave menace pour la démocratie américaine. Ils ont contribué à amener Donald Trump au pouvoir, qui est une menace existentielle pour la démocratie, l’équité et l’égalité, la décence humaine. Les types de commentaires racistes, nativistes et misogynes qui sont maintenant régulièrement faits par Trump n’auraient pas pu se faire publiquement il y a quelques années sans réaction majeure. Aujourd’hui, grâce à la droite radicale, Trump et nombre d’élus républicains sont considérés comme acceptables par des dizaines de millions d’Américains.

Y a-t-il un lien entre les milices et la police ?

Mark Potok Le mouvement des milices a beaucoup interagi avec certaines organisations chargées de l’application de la loi, même si la majeure partie d’entre elles considèrent les milices comme une véritable menace. Beaucoup de policiers sont membres de Oath Keepers. Un autre grand groupe, la Constitutional Sheriffs and Peace Officers Association, est principalement composé de shérifs et de leurs adjoints.

Quelle pourrait être la réponse politique pour lutter contre ce phénomène ? Joe Biden pourrait-il agir contre eux ?

Mark Potok Il sera très difficile de faire reculer la droite radicale qui a maintenant infiltré si profondément le courant politique dominant en Amérique. Cependant, un raz-de-marée démocrate en novembre, y compris une reprise du Sénat, pourrait inaugurer une nouvelle ère. Dans les années 1920, le Ku Klux Klan rassemblait près de 4 millions. Ce qui a abouti à la loi raciste sur l’immigration de 1924. Dans les années 1930 de nombreux groupes fascisants se sont développés. Cependant, au pire moment de la Grande Dépression, le pays a élu Franklin D. Roosevelt président. Il a institué l’État providence moderne et a combattu du bon côté pendant la Seconde Guerre mondiale. Si les démocrates remportent une victoire majeure en novembre, le pays pourrait enfin se détourner d’une histoire de racisme et d’autres maux sociaux. Biden pourrait en fait conduire le pays dans une direction beaucoup plus ensoleillée, plus optimiste et socialement progressiste.

(1) Théorie du complot d’extrême droite selon laquelle Trump livrerait une guerre secrète contre des élites implantées dans le gouvernement, les milieux financiers et les médias.
Entretien réalisé par Pierre Barbancey
Partager cet article
Repost0
24 août 2020 1 24 /08 /août /2020 07:19
Résumé:  Tout commence par la découverte du cadavre d'Yitzhak Litvak, un célèbre historien enseignant à l'université de Tel-Aviv. L'enquête, confiée à un commissaire arabe israélien, Émile Morkus, piétine, d'autant que ce meurtre n'est bientôt que le premier d'une série. Vingt ans plus tard, à la suite d'un nouvel assassinat, Morkus va enfin pouvoir démêler le vrai du faux, les passions et les raisons, la justice des hommes et celle de l'État.  Dans ce polar riche en rebondissements, Shlomo Sand a l'art de mettre en relief les problématiques qui déchirent la société israélienne.    Professeur émérite à l'université de Tel-Aviv, Shlomo Sand est l'auteur de plusieurs essais, dont Comment le peuple juif fut inventé (Fayard, 2008), livre qui a suscité de nombreuses controverses.

Résumé: Tout commence par la découverte du cadavre d'Yitzhak Litvak, un célèbre historien enseignant à l'université de Tel-Aviv. L'enquête, confiée à un commissaire arabe israélien, Émile Morkus, piétine, d'autant que ce meurtre n'est bientôt que le premier d'une série. Vingt ans plus tard, à la suite d'un nouvel assassinat, Morkus va enfin pouvoir démêler le vrai du faux, les passions et les raisons, la justice des hommes et celle de l'État. Dans ce polar riche en rebondissements, Shlomo Sand a l'art de mettre en relief les problématiques qui déchirent la société israélienne. Professeur émérite à l'université de Tel-Aviv, Shlomo Sand est l'auteur de plusieurs essais, dont Comment le peuple juif fut inventé (Fayard, 2008), livre qui a suscité de nombreuses controverses.

Une lecture de vacances distrayante et instructive, "La mort du khazar rouge" de Shlomo Sand, historien et intellectuel israélien ami de Mahmoud Darwich

COMMUNIST'ART: Mahmoud Darwich, le poète national palestinien, voix universelle de l'amour et de la nostalgie (1941-2008)

 Un historien connu pour sa critique intellectuelle et politique des présupposés du sionisme et des mythes fondateurs d'Israël. Sans doute certains lecteurs ont déjà lu le très bon "Comment le peuple juif fut inventé" (2008, Fayard) qui retrace une partie occultée de l'histoire du judaïsme comme religion de conversion expansive et donc la pluralité des origines ethniques des personnes qui se retrouvent aujourd'hui ayant la culture juive en Israël (Afrique du Nord, Afrique, Europe de l'est) là où le fond de la population palestinienne est restée plutôt stable depuis l'antiquité, les palestiniens dit "arabes" d'aujourd'hui ayant sans doute plus de chances d'être des descendants des contemporains de Jésus ou de David que le descendant de juif ashkénaze ou séfarade.

Dans son premier roman policier, Shlomo Sand réutilise le matériau historique de sa critique des mythes du sionisme puisque le roman s'ouvre sur l'assassinat d'un historien universitaire, Yitzhak Litvak, ancien militaire membre des services de renseignement, ayant écrit un livre remarque sur l'origine d'une grande partie de la communauté ashkhenaze dans les conversions des chefs du royaume khazar, au sud de la Russie. C'est le commissaire Émile Morkus, chrétien arabe palestinien de nationalité israélienne, qui mène l'enquête. Laquelle va vite se relier à d'autres meurtres de militants et d'intellectuels de gauche comme la belle et fascinante Avivit Schneller, membre de la gauche radicale antisioniste israélienne, la petite nièce de Dora Polanski, israélienne revenue en Europe engagée dans le groupe Orchestre Rouge, réseau communiste d'espionnage luttant contre les nazis, qui, arrêtée, affreusement torturée, se donna la mort en prison. Ce roman bien construit aux personnages attachants qui se lit d'une traite permet de mieux mesurer et comprendre la complexité de l'histoire et de la société israélienne, l'existence, l'importance et l'origine intellectuelle des dissidences au récit sioniste , sa dimension de construction idéologique instrumentalisant la religion et l'histoire a des fins coloniales, les mécanismes de construction d'une pensée unique sioniste et leurs échecs en Israël. Le rôle du Shabak, la police politique des renseignements intérieurs, dans le contrôle de la société israélienne, est bien mis en évidence ainsi que ses modes opératoires, tout comme la montée d'un obscurantisme nationaliste et raciste dans la société israélienne et les groupes qui dans la société israélienne continuent à y résister au nom d'une vision multiculturelle et universaliste de l'histoire, et de l'histoire juive en particulier.

I.D

Partager cet article
Repost0
22 août 2020 6 22 /08 /août /2020 07:19
Le Chili aura t-il un président communiste, Daniel Jadue?
CHILI
 
Texte de Rosa Roja -
 
Lu sur la page Facebook d'Yvon Huet - Nicolas Maury 
 
Le 17 juillet, les alarmes des conservateurs, des modérés et de la droite chilienne se sont déclenchées. Le maire de Recoleta, Daniel Jadue, a exprimé sa volonté de participer aux élections présidentielles de l'année prochaine, aspirant à devenir le premier président communiste du Chili.
 
Il est crédité de 20% des intentions de vote, en seconde position derrière la droite (23%).
 
Une situation qui inquiète les partis de "centre-gauche" et montre surtout un véritable besoin de changement au Chili.
 
Traduction Nico Maury
 
Le Chili aura-t-il un président communiste?
La nouvelle a surpris dans tous les secteurs car il reste encore plus d'un an avant les élections et beaucoup avaient demandé à ne pas faire avancer la course à la présidentielle au milieu de la pandémie de coronavirus. Et bien que le maire issue du Parti communiste ait souligné plus tard qu'il ne s'agissait pas d'un lancement officiel de sa candidature, à toutes fins utiles, cela a été compris de cette façon.
Mais l'annonce a non seulement ébranlé la droite, mais aussi l'aile la plus conservatrice de l'opposition.
Des personnalités importantes comme le président du Parti pour la démocratie (centre-gauche), Heraldo Muñoz, ont souligné que la figure d'un communiste comme Jadue pourrait polariser les extrêmes dans le pays. Et un coup plus profond a été porté par Carmen Frei, membre du Parti chrétien-démocrate (centre-gauche), sœur de l'ancien président assassiné Eduardo Frei Montalva (1964-1970) et éminente défenseur des droits de l'homme.
"Le Chili n'est pas prêt pour un président communiste", a déclaré Frei sèchement, lors d'un entretien avec CNN Chili.
Tant la droite que certains secteurs du centre-gauche se sont consacrés à la disqualification des communistes, car nous sommes les rivaux du modèle néolibéral qu'ils soutiennent »
Lors d'une émission de "Estado Nacional" en 2017, programme politique emblématique de la télévision chilienne, le maire Jadue est arrivé avec un sac de "guagüitas", des bonbons traditionnels chiliens en forme de bébés, et a commencé à les distribuer au public. "Pour ceux qui croient encore que les communistes mangent des bébés", ironise-t-il.
C'était l'une des nombreuses rumeurs que la droite chilienne a répandue au début des années 1950 au milieu de la guerre froide, lorsque le Parti communiste a été interdit et que ses militants étaient persécutés par l'ancien président Gabriel González (1946-1952) et pendant la dictature d'Augusto Pinochet (1973-1990), qui est allé plus loin et a ordonné le meurtre de plus de 3000 opposants.
Camilo Sánchez, président de la Jeunesse communiste du Chili, a expliqué que pendant des années un climat de haine avait été cultivé contre les militants du parti. "Tant par la droite que certains secteurs du centre-gauche se sont consacrés à la disqualification des communistes, parce que nous sommes les rivaux du modèle néolibéral qu'ils soutiennent."
"Nous sommes stigmatisés comme des radicaux et des extrémistes, que nous divisons le pays, mais nous n'avons jamais été impliqués dans aucune opération qui limite le caractère démocratique de la nation", a-t-il rétorqué, se référant au coup d'État de 1973.
Jadue est le petit-fils d'une famille de migrants palestiniens venus de Bait Jala, une ville près de Belén, à Recoleta, une commune populaire du secteur nord de Santiago du Chili. Durant sa jeunesse, Jadue a été lié au Front populaire pour la libération de la Palestine, une organisation marxiste-léniniste panarabe fondée par George Habash en 1967, forgeant son idéologie actuelle.
Ces idées, et sa résistance à la dictature de Pinochet, l'ont conduit à rejoindre les rangs du Parti communiste du Chili en 1993, d'où il a entamé une carrière politique qui l'a positionné en tant que maire actuel de Recoleta.
De cette arène, il est connu pour ses initiatives innovantes.
En 2015, quand on a appris que les trois principales chaînes de pharmacies privées du Chili étaient de connivence pour augmenter leurs prix, Jadue a mis en place la pharmacie populaire, vendant des médicaments à moitié prix. Aujourd'hui, des pharmacies populaires sont présentes dans presque toutes les grandes municipalités du pays.
De même, il a créé l'optique populaire, l'immobilier populaire, la librairie populaire, le dentiste populaire, l'université ouverte et d'autres mesures de cette nature.
Pour la première fois en 108 ans d'histoire, le Parti communiste apparaît en tête des sondages des candidatures présidentielles, et ses membres ne sont pas disposés à laisser passer cette opportunité.
De plus, lors des manifestations sociales d'octobre dernier, Jadue était l'un des rares politiciens à avoir défilé dans la rue avec les citoyens contre le modèle néolibéral et l'administration Piñera. Pour cette raison, tous les sondages le placent comme la principale lettre de l'opposition pour succéder à Sebastián Piñera au pouvoir.
En 1969, le lauréat du prix Nobel de littérature, Pablo Neruda, était le candidat communiste à la présidence du Chili, mais il a démissionné pour soutenir l'ancien président Salvador Allende (1973-1990). En 1999, la défunte dirigeante communiste Gladys Marín a été la première femme à concourir pour devenir présidente du pays, mais elle n'a obtenu que 7% des voix.
Aujourd'hui, pour la première fois en 108 ans d'histoire, le Parti communiste apparaît en tête des sondages des candidatures à la présidentielle, et ses militants ne sont pas prêts à rater cette opportunité, même si elle dérange les conservateurs, les modérés et la droite.
 
Partager cet article
Repost0
21 août 2020 5 21 /08 /août /2020 09:51
Il appartient au peuple malien de décider seul de son avenir (PCF)
COMMUNIQUE DE PRESSE
 
 
Il appartient au peuple malien de décider seul de son avenir (PCF)
 
 
Le coup de force conduit par des officiers supérieurs de l'armée malienne marque une nouvelle étape dans le délitement total de la situation du pays. Le président de la République, Ibrahim Boubakar Keïta, qui a été arrêté, a annoncé sa démission, celle du gouvernement et la dissolution du Parlement. Quant aux militaires, qui ont procédé également à la neutralisation de la presque totalité de l'état-major et à l'incarcération de personnalités civiles, ils annoncent une transition civile censée conduire à des élections. Ils ont reçu le soutien d'une partie de l'opposition organisée autour du mouvement M5-MFP, coalition d'hommes politiques, de représentants de la société civile et de religieux.
 
Cette intervention d'une partie des militaires est le résultat d'une dynamique de mécontentement profond face à la crise sécuritaire, sociale et politique dont la lutte contre le djihadisme n'est qu'un aspect.
Depuis des décennies, le peuple malien subit des politiques libérales et d'ajustements structurels entravant toutes politiques publiques de développement, aggravant les inégalités et la misère. La corruption
généralisée, la gabegie, nourrissent le ressentiment et la colère sociale face à l'enrichissement éhonté de la classe dirigeante. Les droits humains y sont constamment bafoués par des régimes autoritaires soutenus à bout de bras par des puissances étrangères et notamment la France. Rien n'est fait pour traiter les causes de ce désastre alors que la situation sociale ne cesse de s'aggraver.
 
Par ailleurs, le pouvoir en place, totalement discrédité, était largement contesté depuis les récentes législatives. L'opposition avait dénoncé les fraudes massives donnant lieu à des manifestations pacifiques d'ampleur. Celles-ci ont été durement réprimées dans le sang, faisant plus d'une vingtaine de morts parmi les protestataires sans que cela n'émeuve les protecteurs du régime.
Ces impasses s'exacerbent avec la déstabilisation conduite par des entreprises de violence liées au banditisme et aux groupes armés djihadistes. Ces organisations continuent à gagner en influence, montent
en puissance, en effectifs et étendent leur implantation. De toute évidence, l'hyper-militarisation avec notamment la présence croissante des forces armées françaises ne produisent pas l'effet escompté et
marque ses limites en raison de l'absence de perspectives politiques.
Les attaques se multiplient, éprouvant massivement l'armée malienne. En son sein, la grogne monte face aux revers, à la pression des combats, aux problèmes de solde alors que les fonds alloués aux forces armées ont
accéléré une corruption devenue insupportable. L'indifférence à leur sort de la part des autorités politiques mais aussi la dénonciation d'exactions contre les civils notamment dans le village d'Ogossagou, ont
contribué à ce coup de force alors que les militaires étaient jusqu'à présent restés en dehors de la contestation.
 
Ainsi, les solutions promues par la communauté internationale et plus particulièrement Paris, avec ses ingérences multiples, ses politiques d'austérité et la militarisation exclusive conduisent à l'échec et au
chaos politique.
Comme le réclament les Maliens, il n'y a pas d'autres alternatives que le dialogue entre les forces sociales et politiques pour trouver une issue à la crise. Il appartient aux Maliens de décider seuls de leur avenir pour rester maîtres de leur destin. L'absence de développement génère le désespoir et nourrit les forces réactionnaires et régressives qui se positionnent à l'intérieur et à l'extérieur du pays. Il y a
urgence d'une transition ouvrant une perspective de paix durable. Le Parti communiste français est aux côtés du peuple malien afin de bâtir une coopération solidaire fondée sur le progrès social et le respect des
droits humains et démocratiques.
 
 
Parti communiste français,
 
Paris, le 19 août 2020.
 
Partager cet article
Repost0
18 août 2020 2 18 /08 /août /2020 07:28
Proche-orient. Comment l'armée israélienne a fait la nation - entretien de Pierre Barbancey avec Haim Bresheeth, L'Humanité, 17 août 2020
Lundi, 17 Août, 2020
Proche-orient. Comment l'armée israélienne a fait la nation
 
Entretien réalisé par Pierre Barbancey

Haim Bresheeth est le fils de rescapés de la Shoah. Juifs de Pologne, ils avaient refusé l’appel sioniste, lui préférant le Parti travailliste juif socialiste. À la sortie des camps, faute de trouver un pays d’accueil, ils se sont rendus en Israël. L’auteur, né en 1946 à Rome, y a grandi et fait son service militaire, avant de quitter le pays.

Ce livre survient bien à propos pour mieux comprendre les rouages de la société israélienne. Une société militarisée à outrance, une armée qui a créé la nation israélienne et dont la force politique est sans égale. Et surtout, elle est la garante de l’occupation. C’est une « armée comme aucune autre » pour reprendre le titre de cet ouvrage magistral divisé en trois parties : les guerres d’Israël, l’armée et son État, et enfin le dépérissement d’Israël, où il demande si Israël est une démocratie. Bresheeth estime que le projet sioniste, hier, aujourd’hui et demain, ne peut inclure la création d’un État palestinien aux côtés d’Israël. Il faut espérer qu’un éditeur français saura s’en saisir.

Haim Bresheeth retrace dans un livre l’évolution de l’armée israélienne, de la Nakba aux guerres en Égypte, au Liban, en Irak, aux assauts continus sur Gaza. Le chercheur montre que l’État d’Israël a été formé à partir de ses guerres. Entretien. (A retrouver en version anglaise ici). 
 

Haim Bresheeth, chercheur à l’École d’études orientales et africaines (Soas) de Londres (1).

Haim Bresheeth
Quelles sont les raisons pour lesquelles vous avez concentré votre travail sur les forces de défense israéliennes (FDI) ?

Haim Bresheeth Les FDI représente l’institution sociale la plus cruciale de l’État israélien depuis 1948. C’est la plus grande, la mieux financée, et la plus importante en nombre, comprenant la plupart des hommes d’Israël et énormément de femmes. Cela a de graves répercussions – Tsahal est pleinement représentatif de la population juive en Israël. En ce sens, l’armée est l’organe le plus représentatif de la société israélienne. Comprendre cela, c’est commencer à comprendre Israël, et la difficulté à laquelle nous sommes confrontés lorsqu’il s’agit de résoudre le conflit en Palestine, un conflit de type colonial. Parce que la seule solution que les FDI accepteront est celle dans laquelle elles détiennent toutes les cartes.

Vous dites que les FDI ont fait une nation. Pourquoi ?

Haim Bresheeth Dans le livre, je traite du fait que ce qui existait en 1948 était une armée, et cette armée a construit un État, mais il n’y avait pas de nation ! Ce n’est pas mon point de vue, mais celui de David Ben Gourion, qui a compris qu’une collection de personnes venues de toutes les parties du monde, sans rien qui les relie, n’est pas une nation. La nation devait être formée par une organisation sociale large afin de créer une culture nationale, un sentiment d’appartenance, l’identité d’une nouvelle nation israélo-juive. Le seul corps qui était capable de cette tâche complexe, qui prend des centaines d’années dans la plupart des cas, était les FDI, et Ben Gourion l’a choisi parce qu’en 1948, il comprenait pratiquement tous les adultes juifs – tous les hommes et la plupart des femmes. Il s’agissait d’une armée qui combattait les Palestiniens et les armées arabes. Mais elle exerce aussi toutes les tâches civiques normalement exécutées par la société civile. La plupart d’entre elles restent encore effectuées par les FDI. Dans la dernière crise du coronavirus, les FDI et les services secrets (Shabak) ont ainsi pris le relais d’une grande partie du pays pour l’opération de suivi et de traçage, par exemple. Le revers de la médaille est que la plupart des Israéliens ne perçoivent leur identité que dans les termes de l’armée et ne voient le conflit qu’à travers le filtre de la force militaire.

Quel est le rôle des militaires dans la vie politique et économique ?

Haim Bresheeth Les FDI et les entreprises qui y sont liées forment le plus grand secteur d’Israël et sont responsables de la plus grande partie des revenus provenant des exportations, entre 12 et 18 milliards de dollars par an. Vendant dans plus de 135 pays, Israël est l’un des principaux marchands d’armes de la planète. Israël a transformé le conflit en une entreprise florissante – il a fait de l’adversité un succès commercial, en s’appuyant sur le slogan « testé dans l’action ». Le modèle d’affaires comprend également des milliers d’entreprises high-tech créées par des officiers retraités, qui, avec les entreprises d’armement et de sécurité nationalisées, sont le plus grand employeur du pays. Tous les établissements universitaires bénéficient d’un financement substantiel de la recherche déboursé par les FDI, le ministère de la Défense et les diverses organisations de sécurité ; certaines universités et des collèges ont également organisé des programmes de formation pour les FDI et les organismes connexes.

Dans le livre, vous vous interrogez sur « Israël est une démocratie » et s’« il aurait pu y avoir un autre Israël ». Pouvez-vous nous donner quelques éléments de réponse ?

Haim Bresheeth Il n’y a jamais eu de société colonisatrice qui était démocratique ou libre. Israël ne fait pas exception. Un projet de colonisation est une question de contrôle – de la terre, des ressources et de la main-d’œuvre. En tant que tel, il dépend de l’anarchie et de l’injustice, toujours défendu par la violation du système juridique. C’était vrai pour l’Algérie, l’Australie, l’Amérique du Nord et du Sud, l’Afrique du Sud, le Congo, et c’est vrai en Palestine. Une société militaire dans l’occupation illégale ne peut pas être démocratique, et, comme Marx l’a souligné, ne peut pas, en soi, être libre. Par conséquent, l’Israël sioniste ne peut jamais être démocratique. Dans le passé, certains sionistes de gauche ont soutenu que l’idée sioniste était pure et juste, mais en quelque sorte souillée par la pratique. Il n’y a rien de plus éloigné de la vérité. Comme je l’ai souligné, le but ultime du projet sioniste, à partir du moment où il apparaît dans l’œuvre de Herzl jusqu’à notre époque, était et reste la dépossession et l’expulsion des Palestiniens, et la mise en place d’une société juive exclusive sur des principes racistes. C’est la raison pour laquelle, avec le temps, Israël devient plus raciste et plus agressif. Le rêve sioniste est essentiellement un cauchemar colonial. Même si l’on est assez brutal pour ignorer la souffrance palestinienne, la vie des juifs en Israël ne peut, par définition, être sûre ou normale. Les Israéliens vivent une vie spartiate de soldats en vacances. Israël a eu de nombreuses chances d’instaurer la paix et l’a toujours évitée. C’est un État militarisé, préférant l’état de guerre – avec son empire qui s’accroche illégalement aux territoires de quatre États arabes –, qui impose une oppression raciste à près de cinq millions de Palestiniens sans aucun droit. Près de deux millions de ses propres citoyens palestiniens perdent maintenant les quelques droits qu’ils avaient. Nous pouvons affirmer sans risque qu’Israël est un État militarisé par choix, en raison de sa nécessité de protéger son empire par un butin militaire et une occupation illégale. Personne n’a imposé ce régime d’occupation aux Israéliens. C’est leur décision. Le reste du monde est toutefois responsable de l’autoriser et de le financer, en particulier les États-Unis et l’Union européenne.

Depuis le 1er juillet, Israël est censé annexer 30 % de la Cisjordanie. Comment les FDI se comportent-elles dans ce cadre ?

Haim Bresheeth L’évolution vers l’annexion illégale de la majeure partie de la Cisjordanie est l’exemple ultime de l’anarchie soutenue par les États-Unis – une action illégale unilatérale et non négociable contre les droits des Palestiniens. Le fait que le premier ministre, Benyamin Netanyahou, n’ait pas respecté l’échéance de son annexion d’ici le 1er juillet est un signe clair que même l’armée israélienne s’oppose à cette mesure. Avant les années 1990, les Forces de défense israéliennes (FDI) contrôlaient la Cisjordanie et devaient investir d’énormes ressources humaines et matérielles dans le maintien de l’ordre dans toute la Palestine. Cette situation désastreuse, qui s’était développée à la suite de la première Intifada, a poussé Israël à organiser les accords d’Oslo, établissant une Autorité nationale palestinienne (APN). Depuis lors, l’APN – formée et armée par Israël, et partiellement financée par l’UE et les États-Unis – a sécurisé les territoires occupés au nom d’Israël, exonérant les FDI de leurs devoirs et de tout coût financier.

Mais l’annexion peut conduire l’ANP vers l’effondrement. En fin de compte, elle pourrait perdre le contrôle des organisations de sécurité palestiniennes, détestées et méprisées par le peuple palestinien. Les FDI ne souhaitent pas perdre cet important assouplissement de ses fonctions et s’inquiètent grandement de sa capacité à contrôler les territoires occupés si un tel scénario se produit. Les FDI ont opposé leur veto au programme d’annexion tel que Netanyahou l’a présenté, et il semble donc avoir dû l’abandonner discrètement pour le moment. En revanche, Israël n’a pas abandonné son véritable programme, qui se poursuit à un rythme soutenu. L’incapacité de la communauté internationale, telle qu’elle est, à s’opposer à une telle illégalité atroce est un danger pour l’État de droit partout dans le monde, à une époque de grande fragilité internationale. Le droit international doit être appliqué avant que d’autres dommages irréparables ne soient causés aux Palestiniens, et qu’un dangereux précédent soit établi.

Tous les pays occidentaux, mais aussi l’OLP, parlent encore de la solution des deux États. Avec l’annexion, cette idée est morte. Mais quand l’État sioniste refuse un État palestinien, est-il possible d’établir un seul État, même binational et plein droit pour tous les citoyens ?

Haim Bresheeth Il doit être clair pour les lecteurs de l’Humanité qu’Israël n’a jamais eu l’intention de mettre fin à son occupation militaire, et a fait tout ce qui est humainement possible pour bloquer toute forme d’État palestinien depuis 1948, et plus spécialement depuis 1967. Il ne pouvait pas le faire seul, bien sûr. Sans le soutien fort et indéfectible des « démocraties » occidentales, cela n’aurait jamais été possible. En ce sens, Israël a toujours été contre la solution dite des deux États. Le débat à l’ONU comprenait en réalité deux options : celle de la partition, qui a été votée, a conduit à la Nakba et à l’expulsion des deux tiers des Palestiniens de leurs foyers. Mais aussi, on s’en souvient moins, la proposition d’un État unique laïque et démocratique sur l’ensemble de la Palestine : un État de tous ses citoyens, sans lois racistes spéciales. Jusqu’en 1988, cette option, rejetée par l’ONU en 1947, était la position officielle de l’OLP. En faisant valoir qu’une telle issue démocratique ne peut pas avoir lieu à cause de l’opposition israélienne, rappelons-nous que c’est aussi la raison pour laquelle il ne peut y avoir d’accord sur une autre solution. Israël a rejeté toute solution qui offrirait aux Palestiniens une certaine autonomie même sur une partie minuscule de leur terre. Donc, nous, le reste du monde, devons forcer Israël à l’accepter. Le monde l’avait fait dans le cas de l’autre État de l’apartheid – l’Afrique du Sud. Seule une campagne engagée de boycott, de désinvestissement et de sanctions (BDS) coordonnée au niveau international peut déloger Israël de son projet colonial. Une telle campagne, en faveur de l’égalité, des droits de l’homme, du droit international, des résolutions des Nations unies, des conventions de Genève, et de la Cour pénale internationale, peut apporter l’espoir d’établir une paix juste et durable au Moyen-Orient à toutes les personnes résidant en Palestine, ainsi qu’aux réfugiés palestiniens.

La campagne BDS, qui s’oppose aux actions militaires illégales et agressives d’Israël, est une campagne civile. Une action civique menée par tous les citoyens du monde, en évitant la violence et la brutalité, en essayant de changer la situation par des méthodes non violentes. Je pense que le moment est clairement venu d’une telle approche, si l’on veut éviter davantage d’effusions de sang et de souffrances.

(1) Auteur de An Army Like No Other. How the Israel Defense Force Made a Nation. Verso Books Edition. (2) Lire l’entretien intégral sur www.humanite.fr
Proche-orient. Comment l'armée israélienne a fait la nation - entretien de Pierre Barbancey avec Haim Bresheeth, L'Humanité, 17 août 2020
Partager cet article
Repost0
18 août 2020 2 18 /08 /août /2020 07:15
Moyen-orient. Les Émirats enterrent « l’initiative arabe » de 2002 - Pierre Barbancey, L'Humanité, 17 août 2020
Lundi, 17 Août, 2020
Moyen-orient. Les Émirats enterrent « l’initiative arabe » de 2002

Les pays arabes avaient proposé une normalisation avec Israël en échange de la fin de l’occupation. Abou Dhabi tue cet accord.

 

Les Émirats arabes unis (EAU) ont beau expliquer depuis jeudi que la normalisation annoncée avec Israël mettait fin aux récents projets d’annexion en Cisjordanie occupée, le premier ministre israélien s’est empressé de le nier : « J’ai apporté la paix, je réaliserai l’annexion », a-t-il dit. En réalité, il semble plutôt que Benyamin Netanyahou était plutôt confronté au refus de l’armée israélienne de reprendre en charge directement le contrôle des Palestiniens, tâche dévolue à l’Autorité palestinienne depuis sa mise en place après les accords d’Oslo. Ce qui permet à Israël d’économiser des centaines de millions de dollars par an et d’engager moins de soldats dans ces territoires.

But ultime des États-Unis et d’Israël : endiguer l’Iran.

Depuis le 1er juillet, date annoncée de l’annexion, rien n’avait vraiment bougé. L’opportunité était donc bonne pour commencer à mettre en place ce qui reste le but ultime des États-Unis et d’Israël, cette fameuse normalisation permettant un endiguement de l’Iran. Depuis jeudi, les rumeurs vont bon train quant aux suivants sur la liste. On parle du Bahreïn, du sultanat d’Oman et même du Soudan. Si, comme les Palestiniens choqués le demandent, la Ligue arabe se réunit, les débats risquent d’être houleux. Mais, comme à l’habitude, ils ne seront suivis d’aucun effet. Si les Émirats arabes unis deviennent le premier pays du Golfe à passer un accord avec Israël et le troisième pays arabe après l’Égypte et la Jordanie, la signification est toute autre. D’abord, il est évident que cet acte politique ne peut être isolé et qu’Abou Dhabi a reçu l’aval des principaux États constituant le Conseil de coopération du Golfe (CCG). Dans un tweet, le ministre saoudien de la Culture et de l’Information, Adel Al. Toraifi, a ainsi exhorté les autres pays de la région « à dépasser les discours dévastateurs du nationalisme arabe factice et des islamistes terroristes ». Il dévoile ainsi une partie du plan final qui voudrait que le nouveau Moyen-Orient ne soit plus constitué d’États-nations mais d’entités confessionnelles, chacune sous l’égide d’un parrain (d’où les tensions entre l’Arabie saoudite et la Turquie s’agissant du monde sunnite), ce qui devrait faire dresser l’oreille au Liban. La normalisation des relations des Occidentaux avec l’Iran pourrait d’ailleurs s’appuyer sur un tel schéma.

Un accord sur le dos des Palestiniens

Plus directement, pour les Palestiniens, l’accord entre les EAU et Israël signifie que ce qu’on a appelé « l’initiative arabe » est morte et enterrée, même si la Ligue arabe n’a jamais vraiment essayé de la faire vivre, alors qu’elle en est l’initiatrice. Formulée en 2002, elle proposait à Israël une normalisation avec l’ensemble des pays arabes en échange de la fin de la colonisation, d’un retrait sur les frontières de 1967 et d’accepter que Jérusalem-Est soit la capitale du futur État de Palestine.

Les EAU viennent donc de passer un accord sur le dos des Palestiniens, puisqu’il n’y a aucune contrepartie politique. Pour mieux faire passer la pilule, les annonces se multiplient maintenant de coopération entre sociétés israéliennes et Émirats, concernant les recherches sur le Covid-19 ! Le 3 juillet, avant même l’annonce de la normalisation, la plus importante entreprise israélienne aéronautique et de défense, Israel Aerospace Industries, détenue par l’État, et Rafael Advanced Defense Systems, société également publique, avaient signé un protocole d’entente avec Group 42, une firme de technologie privée basée à Abou Dhabi. Et, pour faire bonne mesure, l’armée israélienne a fermé dimanche la zone maritime de la bande de Gaza, empêchant ainsi les pêcheurs palestiniens de sortir en mer.

Pierre Barbancey
Moyen-orient. Les Émirats enterrent « l’initiative arabe » de 2002 - Pierre Barbancey, L'Humanité, 17 août 2020
Partager cet article
Repost0
14 août 2020 5 14 /08 /août /2020 08:02

 

L’exécution de huit personnes, dont six Français, par un groupe armé, à 60 kilomètres de Niamey, s’inscrit dans une stratégie globale visant le départ de tous les Occidentaux, militaires comme civils.

«Ils » ne leur ont laissé aucune chance. Deux Nigériens et six Français, dont sept salariés de l’ONG Acted, ont été tués dimanche par des hommes armés circulant à moto dans la région de Kouré (sud-ouest du Niger), célèbre pour son parc animalier et ses spécimens de girafes peralta, une espèce disparue du reste de la planète.

Jusqu’ici classée « orange » par le ministère français des Affaires étrangères, c’est-à-dire « déconseillée sauf raison impérative », la zone demeurait pourtant l’un des rares havres de paix d’un Niger en guerre et confronté au même effondrement sécuritaire que ses voisins malien et burkinabé.

Situé à 60 kilomètres de Niamey, le parc attire des locaux comme les membres de la communauté des expatriés de Niamey, évaluée à 2 000 personnes, et aucun acte violent n’y avait jusqu’ici été répertorié. « La plupart des victimes ont été abattues par balles et une femme qui a réussi à s’enfuir a été rattrapée et égorgée. Sur place, on a trouvé un chargeur vidé de ses cartouches », détaille à l’AFP une source proche des services de l’environnement, illustrant la volonté des assaillants de liquider les « touristes » plutôt que de les enlever et tenter de négocier ensuite le versement de juteuses rançons.

Même mode opératoire qu’au marché de Namoungou

Le président français, Emmanuel Macron, a dénoncé dimanche soir une « attaque meurtrière qui a lâchement frappé un groupe de travailleurs humanitaires », affirmant que « tous les moyens » seront mis en œuvre pour « élucider » les circonstances de cet « attentat ». Le président du Mali, pays frontalier du Niger, a de son côté réagi en « condamnant énergiquement cet acte barbare (…), récurrent dans notre espace sahélien où continuent de sévir l’extrémisme violent et l’économie criminelle, malgré la guerre sans merci livrée par les armées nationales, la force conjointe du G5 Sahel et la force française “Barkhane” ».

Médiatisée car touchant des travailleurs humanitaires européens, l’attaque survenue au Niger ne doit pas occulter le fait que l’écrasante majorité des victimes de ce grand banditisme repeint aux couleurs du djihad demeure issue des populations locales de cette zone, aux confins du Niger, du Mali et du Burkina Faso. Dans l’indifférence générale, le vendredi 7 août, et suivant le même mode opératoire que l’embuscade de Kouré au Niger, une vingtaine de personnes étaient tuées dans le marché à bétail de Namoungou, à une trentaine de kilomètres de Fada N’Gourma, au Burkina Faso.

« C’est la stratégie de l’“État islamique” et des groupes qui lui ont fait allégeance, comme l’“État Islamique” au grand Sahara (EIGS), explique le général Bruno Clément-Bollée, consultant international en matière de sécurité en Afrique : obtenir le départ de tous les Occidentaux, exercer le pouvoir politique dans un territoire autonome et contrôler la rente économique qui en découle. C’est exactement ce qui s’est produit à partir de 2014 dans un vaste territoire situé entre l’Irak et la Syrie. Adnane Abou Walid Al-Sahroui (l’actuel chef de l’EIGS – NDLR) espère atteindre le même objectif dans cette zone dite des trois frontières. »

L’impasse militaire de l’opération « Barkhane »

De fait, les gouvernements locaux comme les parrains français de l’opération « Barkhane » paraissent totalement impuissants à endiguer ce cycle de la violence qui détruit le tissu économique, encourage la création de milices d’autodéfense et réduit à peaux de chagrin les espaces de coopération comme de libre circulation.

Pour compenser l’absence de solution politique et masquer l’impasse militaire de l’opération « Barkhane », Emmanuel Macron a convoqué ce mardi un conseil de défense consacré au Niger et à la lutte contre le coronavirus, tandis que l’ONG Acted annonce le dépôt d’une plainte à Paris pour tenter d’éclaircir les circonstances de cette attaque contre ses employés. Selon le cofondateur d’Acted Frédéric Roussel, il pourrait s’agir « a priori d’une attaque d’opportunité », l’ONG n’étant « pas une cible, que je sache », ajoute-t-il. Acted a pourtant été endeuillée à de multiples reprises au Nigeria, en Syrie, en Centrafrique ou en Afghanistan, où six travailleurs locaux avaient été abattus par balles dans une embuscade dans le nord-ouest, à la fin du mois de novembre 2013.

Marc de Miramon

 

_______________________________________________________________

 

LA « NÉBULEUSE » EIGS

La plupart des spécialistes attribuent la tuerie commise au Niger au groupe « État islamique » dans le grand Sahara (EIGS), qui appelle à l’action violente contre tout ce qui s’apparente de près ou de loin à des ingérences étrangères en général, françaises en particulier. L’EIGS est pourtant lui aussi largement un produit d’importation, et l’islam qu’il prône, issu de l’école hanbalite, proche du wahhabisme saoudien, n’a en effet rien à voir avec l’islam malikite pratiqué dans sa zone d’implantation. Quant à ses liens réels avec l’organisation « État islamique », fondée en Irak par Abou Bakr Al-Baghdadi, ils demeurent difficiles à établir, au-delà des revendications opportunistes et de l’utilisation du « label EI ».

 

 

 

Partager cet article
Repost0
14 août 2020 5 14 /08 /août /2020 07:47

 

La droite extrême, au pouvoir à La Paz depuis novembre 2019, peine à parachever son coup d’État, mais elle compte bien mettre hors la loi ses adversaires pour les priver d’élections.

La Bible brandie par Jeanine Añez lorsque, le 11 novembre 2019, elle prend le pouvoir à La Paz, deux jours après l’exil forcé d’Evo Morales, ne suffira pas… Depuis son installation « par intérim » au palais présidentiel, cette sénatrice d’extrême droite, méconnue avant le coup d’État perpétré dans la foulée de la publication d’un rapport de l’Organisation des États américains (OEA) dénonçant une fraude électorale généralisée – tombé à point nommé à l’époque, mais complètement démenti depuis par une expertise indépendante conduite par des chercheurs établis aux États-Unis (lire l’Humanité du 11 juin) –, a toutes les peines du monde à parachever son putsch. Soutenu directement par l’administration Trump et, à mots couverts, par l’Union européenne, le régime est en difficulté : alors que plusieurs sondages donnent Luis Arce et David Choquehuanca, le duo de candidats présenté par le Mouvement vers le socialisme (MAS, le parti d’Evo Morales), largement en tête, devant le candidat de centre droit Carlos Mesa et Jeanine Añez elle-même, les putschistes cherchent à gagner du temps avant l’organisation de nouvelles élections.

Une grossière propagande déjà démontée par Morales

La pandémie de Covid-19 leur a permis de repousser une première fois le scrutin pour la présidentielle et les législatives, prévu le 3 mai, et elle sert plus encore aujourd’hui à renvoyer la date des élections du 6 septembre au 18 octobre. Annoncé il y a une dizaine de jours, ce nouveau report a provoqué une grève générale, à l’appel de la Centrale ouvrière bolivienne (COB) qui a organisé des blocages sur les grands axes routiers. Hier, depuis l’Argentine où il s’est installé, Evo Morales a, dans un geste d’apaisement, appelé les « dirigeants des forces sociales et le peuple » à « examiner » la proposition de cette date, « définitive, obligatoire et inamovible » du 18 octobre pour la tenue des élections. « Nous ne devons pas tomber dans le panneau des provocations qui ne visent qu’à déclencher la violence, incite l’ex-président sur Twitter. C’est seulement avec le peuple exerçant le pouvoir démocratique que nous pourrons résoudre pacifiquement la crise, et ça, cela nécessite des élections maintenant, avec une date définitive sur laquelle on ne reviendra pas. »

La bourgeoisie revancharde qui, derrière la figure d’Añez, a pris le pouvoir avec l’appui de l’armée en Bolivie, repasse à l’attaque sur un terrain bien connu désormais en Amérique du Sud : éprouvé au Brésil avec Lula, en Équateur avec Rafael Correa ou encore en Argentine avec Cristina Kirchner, le harcèlement judiciaire visant à empêcher ses adversaires de concourir aux élections. Lundi soir, le gouvernement bolivien a déposé une plainte contre Evo Morales, contre les candidats du MAS à la présidence et à la vice-présidence du pays, contre Carlos Huarachi, le secrétaire général de la COB, et huit autres proches. Le parquet les accuse de « terrorisme, génocide, délits contre la santé ».

Selon l’exécutif, les barrages routiers organisés dans tout le pays par les syndicalistes auraient empêché le transfert de vivres et de fournitures médicales, comme de l’oxygène, vers les principales villes, et provoqué la mort de 31 personnes contaminées par le Covid-19. Une grossière propagande déjà démontée par Morales : « La décision du gouvernement de facto d’emmener un convoi avec de l’oxygène de Santa Cruz à La Paz sur une route où il y a des blocages, lorsque c’est possible par d’autres itinéraires, est une provocation. »

Ces plaintes contre les dirigeants du MAS surviennent après une première procédure ouverte à la mi-juin par le Tribunal suprême électoral pour « fraude électorale » lors des élections de 2019. Une manière, là aussi, de préparer une interdiction pure et simple du parti de Morales qui serait ainsi privé d’élections. La mécanique à l’œuvre est limpide, mais l’Union européenne, si prompte à dénoncer le Venezuela de Maduro, continue de faire mine de croire à la fiction d’élections libres décidées par les putschistes boliviens. Haut représentant de l’UE pour les Affaires étrangères, Josep Borrell est loin de taper du poing sur la table, appelant à une « approche constructive et consensuelle pour parvenir à une véritable réconciliation nationale pacifique » et à des « élections pacifiques, crédibles, inclusives et transparentes ».

Thomas Lemahieu

 

Partager cet article
Repost0
12 août 2020 3 12 /08 /août /2020 12:43

 

 

Roland Nivet et Alain Rouy

Coporte-parole national du Mouvement de la paix et cosecrétaire national du Mouvement de la paix

L'Humanité 12 août 2020

Les armes nucléaires sont dangereuses pour la survie de l’humanité, juridiquement illégales, économiquement dispendieuses à travers le gaspillage de ressources qui privent l’humanité de moyens pour une sécurité humaine, physique, sanitaire, économique, écologique et sociale, enfin moralement inadmissibles et criminelles, comme l’a rappelé le pape à Nagasaki en 2019. Pour les Hibakusha (survivants d’Hiroshima et Nagasaki), dans un appel international soutenu par des millions de signatures, « aujourd’hui, l’humanité se trouve à la croisée des chemins. Ou nous sauvons notre planète bleue telle qu’elle est, avec tous ses êtres vivants, ou bien nous nous acheminons vers l’autodestruction. Les armes nucléaires pourraient éliminer l’espèce humaine, ainsi que toutes les autres créatures vivantes ».

Le danger est d’autant plus grand que des traités limitant la course aux armes nucléaires sont remis en cause par les États-Unis, suivis par la Russie. Grâce aux mobilisations, le vote à l’ONU, en 2017, par 122 États, d’un traité d’interdiction des armes nucléaires (Tian) a ouvert la voie vers leur élimination. Déjà 40 États ont ratifié ce traité qui entrera en vigueur après 50 ratifications. Il permettra la mise en œuvre de l’article 6 du TNP qui prévoit leur élimination (1). Pourtant, la France persiste dans la modernisation de ses armes nucléaires, en violation du TNP. Les tests de nouveaux missiles nucléaires à 150 millions d’euros l’unité, en pleine crise sanitaire, alors que les moyens manquaient pour sauver des vies, ont constitué un acte révoltant caractéristique de l’obstination du président. Il persiste dans ce jeu suicidaire de la dissuasion nucléaire qui favorise la prolifération qu’il entend étendre à toute l’UE. Car, comment interdire aux autres des armes jugées, à tort, nécessaires pour notre propre sécurité ? Cette obstination est surdité face à l’opinion des Français qui, à 78 %, sont pour le désarmement nucléaire et à 68 % pour la ratification du Tian par la France (2).

La réconciliation franco-allemande démontre que ce n’est pas la bombe qui est facteur de paix, mais des volontés politiques de paix. L’aspiration des peuples à une sécurité humaine montre la possibilité de gagner des avancées en faveur « d’un monde plus sûr car plus humain et plus juste ». Ce monde, dégagé des règles de la mondialisation néolibérale, ne se construira qu’à travers la démilitarisation des relations internationales, la diminution des dépenses militaires (1 917 milliards de dollars en 2019), la réalisation des objectifs du développement durable, la défense du climat et l’élimination des armes nucléaires dont l’utilisation même involontaire générerait un hiver nucléaire pouvant détruire toute vie sur Terre. Oublier cela nous condamnerait aux errances « des jours d’avant la pandémie » sous la pression d’un lobby militaro-politico-industriel.

(1) Ratifié par 191 États et entré en vigueur le 5 mars 1970. (2) Sondage Ifop 2018.

 

Partager cet article
Repost0

Présentation

  • : Le chiffon rouge - PCF Morlaix/Montroulez
  • : Favoriser l'expression des idées de transformation sociale du parti communiste. Entretenir la mémoire des débats et des luttes de la gauche sociale. Communiquer avec les habitants de la région de Morlaix.
  • Contact

Visites

Compteur Global

En réalité depuis Janvier 2011