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24 octobre 2020 6 24 /10 /octobre /2020 05:34

 

Le premier round de négociations sur la politique agricole commune s’achève. Après l’accord du Conseil européen mercredi, les eurodéputés doivent se prononcer ce 23 octobre.

Elle brasse des milliards d’euros, dessine les paysages européens, détermine le goût de nos aliments comme la survie des paysans ou le bien-être des animaux. A priori, la PAC est technique, mais il faut se plonger dans son fonctionnement pour en comprendre toutes les conséquences. « C’est le premier budget de l’UE, elle oriente toute notre agriculture et notre alimentation pour les sept prochaines années », résume Mathieu Courgeau, président de la Plateforme pour une autre PAC, qui réunit 43 organisations de producteurs, consommateurs et défenseurs du bien-être animal et de l’environnement.

La réforme de la politique agricole commune, commencée il y a plus de deux ans, arrive enfin à un premier dénouement. « Ce 23 octobre, nous aurons les trois positions : celle de la Commission européenne déposée en juin 2018, celle du Conseil européen dévoilée le 21 et celle du Parlement », continue le paysan. Autant de propositions différentes… qui seront ensuite encore âprement négociées dans ces trilogues pour aboutir en juin 2021. « Là, nous aurons réellement la future architecture de la PAC post-2020 », continue le paysan.

Toujours est-il que, avant le vote du Parlement européen, les signaux envoyés n’auguraient rien de bon, ni pour les paysans ni pour l’environnement. Dans ce jeu d’influence, le poids lourd, c’est le Conseil européen. À sa sortie, après deux jours d’intenses négociations, le 21 octobre, les 27 ministres de l’Agriculture s’en sont pourtant largement félicités. « C’est une PAC plus verte mais surtout plus juste », a commenté Julien Denormandie, reprenant les mots de sa consœur d’outre-Rhin.

L’enveloppe budgétaire réservée à la PAC, elle, avait déjà été tranchée en juillet : 386 milliards d’euros, à des niveaux comparables à ceux du précédent budget (2013-2020), en euros courants. Mais, en euros constants, il faut compter avec une baisse de 40 milliards. Reste que Conseil et Parlement s’écharpent désormais sur la manière dont ils vont être distribués.

« Pas très justement », répond Nicolas Girod, le porte-parole de la Confédération paysanne. Dans son viseur : les aides à l’hectare. Il faut bien comprendre que ce sont « elles qui poussent à l’agrandissement, à la spécialisation et à la simplification de l’agriculture. En somme à son industrialisation », explique Mathieu Courgeau. Dans la dernière PAC, les États devaient obligatoirement plafonner les aides ou les redistribuer sur les premiers hectares. La France avait choisi cette dernière option sur les 52 premiers hectares – la taille moyenne d’une exploitation en France à l’époque. « Dans l’accord négocié, ils deviennent facultatifs. Cela va donc renforcer les rentes de situation », décrypte Nicolas Girod.

Un vote sans débat démocratique

Du côté du « vert », seule bonne nouvelle : les écorégimes, de nouvelles primes versées dans le cadre du premier pilier (les aides directes) pour une participation à des programmes environnementaux plus exigeants, sont obligatoires. Mais, là encore, seuls 20 % de ces aides directes y seront consacrés, selon l’accord. Le Parlement européen, lui, s’est mis d’accord sur 30 %. Autrement dit, dans le meilleur des cas, l’ensemble ne représenterait que 15 % du budget total de la PAC, se désole Mathieu Courgeau, qui n’y voit pas matière à se réjouir.

À Strasbourg, le vote attendu le 23 au soir a déjà en partie échappé au débat démocratique. L’accord négocié entre les socialistes et démocrates, Renew (dont LaREM) et la droite (PPE) le 21 octobre est a minima. Reste encore 600 amendements attendus. « Mais trois groupes ont décidé à eux seuls qu’une question aussi déterminante que la future politique a gricole commune ne valait pas un débat démocratique », confiait l’eurodéputée de la Gauche unitaire européenne Manon Aubry dans ces colonnes (lire notre édition du 21 octobre).

« Même si, traditionnellement, le Parlement est plus ambitieux que le Conseil, on est très loin de réorienter massivement les pratiques agricoles vers la transition agroécologique », souligne pour sa part Mathieu Courgeau. Le système a montré ses limites : il ne rémunère pas 50 % de ses producteurs, oblige 8 millions de Français à avoir recours à l’aide alimentaire et a fait disparaître 70 % des insectes en trente ans.

 

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23 octobre 2020 5 23 /10 /octobre /2020 05:46

 

Le 4e forum des forces de gauche, progressistes et écologistes se tiendra cette année sous forme virtuelle, du 8 au 28 novembre. Les inscriptions sont ouvertes sur le site https://europeanforum.eu/. Il est important que les communistes y soient actifs et ce pour plusieurs raisons.

 

 

D’abord parce que la crise de la construction capitaliste de l’UE, et de celle du capitalisme tout court, ainsi que les guerres et risques de guerre aux confins de l’UE, que ce soit en Méditerranée orientale ou dans le Caucase, font que ce forum se tiendra dans un contexte tout particulier qui impose aux forces de gauche en Europe d’être à la hauteur des enjeux historiques auxquels les peuples et les nations sont confrontés. Ils impliquent que le forum, dans sa diversité, travaille et appelle à des initiatives, entre autres, sur trois questions :

  • L’emploi, la lutte contre les délocalisations et la répartition de l’argent en Europe. À qui vont profiter les 750 milliards du plan de « relance » de l’UE ? Les 2 000 milliards d’euros que la BCE injecte dans l’économie européenne ? Les centaines de milliards des différents plans nationaux ? Aux capitalistes qui licencient, ou aux peuples, aux services publics, aux petites entreprises, à la transition écologique débarrassée du capitalisme vert ? La question de l’utilisation de l’argent et de ces conditions est une des questions fondamentales du forum.
  • La sécurité collective et la paix. Les agressions répétées d’Erdogan en Méditerranée centrale et orientale, contre Chypre et la Grèce notamment, ainsi que le conflit déclenché par ses alliés azerbaïdjanais contre le Haut-Karabakh, font que la guerre est aujourd’hui aux portes de l’Europe. D’une manière urgente, la question des pressions politiques nécessaires à exercer contre Erdogan pour lui faire reprendre la voie diplomatique se pose aux forces de gauche des pays les plus menacés et à toute l’Europe. D’une manière stratégique, l’exigence d’un espace commun de coopération, de sécurité collective et de paix, libéré de la domination de l’OTAN et opposé à la logique militariste otanienne, est plus nécessaire que jamais à travailler dans le débat public et dans un large cadre de mobilisation citoyenne.
  • La défense et le renforcement des services publics de santé en Europe, et de la recherche médicale pour la conception et la diffusion de vaccins et de traitements gratuits, délivrés de l’emprise des brevets et du capital.

La déclaration finale reprenant ces thèmes devra proposer des axes de mobilisations européennes sur l’ensemble de ces enjeux.   

La seconde raison tient à la place que le forum acquiert au fil des ans dans la gauche politique, syndicale et associative européenne. C’est devenu désormais un rendez-vous régulier. Il s’agira cette année de la 4e édition, après Marseille (2017), Bilbao (2018) et Bruxelles (2019). Son arc politique va de partis communistes (PCF, PCE, PC d’Ukraine…) et du groupe de la GUE du Parlement européen, à des forces sociales-démocrates et vertes qui refusent le libéralisme. La présence de John McDonnell, syndicaliste et ancien chancelier de l’Echiquier du cabinet fantôme de Corbyn à la séance d’ouverture, est un signe de cette place nouvelle et de cet élargissement. La participation syndicale est aussi de plus en plus forte.   

Comme les autres années, le forum s’organise en trois types d’évènements : deux séances générales d’ouverture et de clôture ; des séances thématiques et des Assemblées militantes (assemblée des femmes, assemblée des syndicalistes, assemblée des jeunes et assemblée de la culture, cette dernière étant une des nouveautés de cette année).

Forme virtuelle oblige, ils s’étaleront sur trois semaines, de la séance d’ouverture le 8 septembre à la séance de clôture le 28 septembre, avec des séances thématiques chaque lundi et chaque jeudi. Le programme détaillé se trouve sur le site https://europeanforum.eu/ Il n’y a qu’une seule inscription globale pour l’ensemble du forum.

Parmi les évènements, on peut noter :

  • La séance d’ouverture le 8 novembre de 16 h à 18 h 30. Elle aura une importante dimension de solidarité internationale, avec la participation annoncée de Cori Bush, du mouvement « Black Lives matter », et de Lula da Silva.
  • La séance consacrée à l’emploi et à la lutte contre les délocalisations, avec notamment la participation de Fabien Roussel, le 26 novembre de 18 h 30 à 20 h.
  • La séance consacrée à la santé, avec notamment la participation de Loïc Pen, le 12 novembre, de 18 h à 20 h.
  • La séance de clôture, où sera présentée la déclaration finale, le 28 novembre.

Vincent Boulet

 

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19 octobre 2020 1 19 /10 /octobre /2020 16:51
Luis Arce, nouveau président bolivien : Nous allons sortir de cette dictature qui ne dit pas son nom (entretien avec Rosa Moussaoui, L'Humanité, 19 octobre 2020)

Un an après le coup d'état en Bolivie. Retour de la démocratie victoire de la la gauche du premier tour 52,40 %pour Luis Arce (MAS) l'espoir et la dignité de retour.

Luis Arce, nouveau président bolivien : « Nous allons sortir de cette dictature qui ne dit pas son nom »
Lundi 19 Octobre 2020 - L'Humanité

Entretien.  Luis Arce, le candidat du mouvement vers le socialisme et successeur de l’ancien président Evo Morales, a remporté dimanche la présidentielle en Bolivie dès le premier tour avec 52,4 % des voix, selon un sondage sortie des urnes. Ce résultat est un véritable camouflet pour tous ceux qui œuvrent depuis un an pour évincer la gauche du pouvoir. Les priorités du nouveau chef d'Etat :  la santé, l’éducation, l’emploi et la restauration des politiques sociales conduites sous les mandats d’Evo Morales, évincé de la présidence par un coup d’État en novembre 2019. Il se livrait à l'Humanité juste avant le scrutin.

Vous étiez confiants durant la fin de campagne, en raison de son atmosphère.

Luis Arce Catacora Nous constations une écoute attentive des classes populaires et des classes moyennes appauvries, auxquelles nous nous adressions, et nous avions vu un resurgissement des mouvements sociaux. Nous avons travaillé à renforcer tout ce processus, et ces mouvements prennent activement part à la campagne, d’une façon que nous n’avions plus vue depuis longtemps. Tous les camarades nous disent, dans les neuf départements de Bolivie, qu’il y a deux fois plus de personnes impliquées dans cette campagne que dans celle conduite l’an dernier. C’est une force précieuse, décisive pour le Mouvement vers le socialisme (MAS).

Les candidats du MAS aux élections parlementaires, comme vous-même, sont aussi confrontés au climat de violence et de tension entretenu par leurs adversaires…

Luis Arce Catacora Nous sommes confrontés à des violations des droits humains. Nous vivons depuis un an sous le régime d’une dictature, même si elle se dissimule, ne dit pas son nom. Nous sommes persécutés, poursuivis. Cette semaine encore, l’une de nos candidates a été arrêtée par la police, en plein processus électoral ! Ce sont là des procédés lamentables. Il n’y a pas de démocratie. Comment parler de démocratie, lorsque les militants du MAS sont empêchés de faire campagne, d’informer les électeurs sur nos propositions dans certaines zones passées sous le contrôle de groupes paramilitaires, de milices armées ?

Des témoins doivent constater la façon dont nous sommes persécutés, empêchés de faire campagne, cible d’une incroyable propagande.

Après toutes les tentatives d’invalidation de votre candidature, après les entraves posées à celle d’Evo Morales pour le Sénat, qu’est-ce qui peut garantir la transparence de ce scrutin et le respect du verdict des urnes en cas de victoire du MAS ?

Luis Arce Catacora Nous sommes extrêmement préoccupés par ce qui se passe. Le Tribunal suprême électoral est en train de procéder à des modifications qui affectent la transparence de ce processus. Par exemple, lors des précédents scrutins, les tribunaux départementaux rendaient publics les résultats bureau par bureau. Il est désormais question de publier des résultats consolidés par groupes de dix à quinze bureaux. Il se cache là quelque chose qui sème le doute. Avec beaucoup d’anticipation, nous avons adressé au Tribunal électoral des lettres demandant que des observateurs étrangers, des journalistes, des organismes, des fondations intéressés à la question démocratique puissent venir en Bolivie pour voir ce qui se passe dans notre pays. Pas seulement le jour du vote : tout le processus électoral doit être observé. Des témoins doivent constater la façon dont nous sommes persécutés, empêchés de faire campagne, cible d’une incroyable propagande. Nous voulons que ces observateurs restent après les élections. La droite sera défaite, c’est une certitude, malgré ses appels au « vote utile ». Notre peur, c’est que, une fois vaincue, elle proclame coûte que coûte, dès dimanche soir, un second tour. Une telle manœuvre entraînerait des troubles que nous voulons absolument éviter.

La mission d’observation électorale de l’Organisation des États américains (OEA) a ouvert l’an dernier la voie au coup d’État, en publiant un rapport sur la base de résultats truqués. Comment éviter la répétition de ce scénario ?

Luis Arce Catacora Cette manipulation est désormais connue et établie. Ce qui n’a pas empêché l’OEA, dans une offense décomplexée au peuple bolivien, de dépêcher pour le scrutin de ce dimanche la même délégation que l’an dernier. L’OEA a montré un manque flagrant de transparence et d’engagement en faveur de la démocratie en Bolivie.

En cas de second tour, de quelles réserves disposerait le MAS, face à une droite et une extrême droite unies ?

Luis Arce Catacora Nous allons gagner dès le premier tour, c’est sûr !

Vous dites vouloir former, en cas de victoire, un gouvernement d’union nationale. Avec quelles forces ?

Luis Arce Catacora Nous ne pensons pas à des forces politiques, plutôt à des secteurs de la société bolivienne. Je sors d’une rencontre avec des chefs d’entreprise, des patrons de PME. Nous sommes ouverts au dialogue avec tous les secteurs, pour être en capacité de pacifier réellement le pays, d’emprunter le chemin du développement.

Nous sommes le seul pays au monde où les écoles sont fermées depuis un an !

De retour aux responsabilités, quelles seraient les priorités du MAS pour surmonter la crise économique mais aussi la crise politique, la polarisation née du coup d’État ?

Luis Arce Catacora Le plus important pour nous dans l’immédiat, c’est la santé, dans le contexte de la pandémie, avec le risque d’une nouvelle vague de Covid-19. Nous devons sortir, aussi, de la crise éducative. Nous sommes le seul pays au monde où les écoles sont fermées depuis un an ! L’éducation des Boliviens ne les intéresse pas, ils se sont montrés incapables de penser des solutions sur ce terrain. Au-delà de ces urgences, nous allons nous concentrer sur la relance de l’économie, sur l’emploi, sur les revenus des Boliviens, en renouant avec nos politiques sociales, avec le soutien aux populations les plus pauvres. C’est ainsi que nous assurerons le retour à la paix, que nous surmonterons la polarisation : avec des politiques claires, justes et résolues en faveur de la santé, de l’éducation, avec des politiques de relance économique et de progrès social.

La vraie raison de ce désastre économique, c’est le retour des options néolibérales.

Comment jugez-vous le bilan économique du gouvernement de facto ?

Luis Arce Catacora Il est très mauvais ! Lorsque nous étions au gouvernement, le taux de croissance était de 4,5 %. Et au dernier trimestre, l’an dernier, il est tombé à 1,1 % ; le pays a plongé dans la récession avant la pandémie. La vraie raison de ce désastre économique, c’est le retour des options néolibérales. Nous allons renouer avec le modèle qui rendu possibles à la fois de bons résultats économiques et des progrès sociaux.

Quel regard portez-vous sur les récentes évolutions politiques en Amérique latine ?

Luis Arce Catacora Ces dernières années furent celles du retour au pouvoir d’une droite néolibérale, avec des conséquences très négatives, un appauvrissement des populations. Regardez ce que ça donne au Brésil ! Regardez les souffrances endurées par le peuple chilien. C’est pour nous une préoccupation. Nous sommes témoins de ce retour du néolibéralisme en Amérique latine. Nous constatons que cela ne fonctionne pas. Notre expérience est celle d’un abandon du néolibéralisme : en puisant dans nos propres ressources, en faisant nos propres choix en toute indépendance, nous nous en sommes sortis bien mieux qu’en recourant au Fonds monétaire international.

Quel rôle jouera Evo Morales si vous gagnez ces élections ?

Luis Arce Catacora Evo Morales reste le président du MAS. Cela tient à sa décision, nous ne pouvons rien en dire, c’est à lui de décider, c’est à lui qu’il faut poser la question. Nous allons constituer un exécutif ouvert à la jeunesse. Nous voulons promouvoir une nouvelle génération, des figures nouvelles, issues des classes populaires, pour préparer l’avenir, aller de l’avant, transmettre et pérenniser l’expérience politique qui est la nôtre.

Entretien réalisé par Rosa Moussaoui

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19 octobre 2020 1 19 /10 /octobre /2020 15:35
La Bolivie renoue avec la démocratie (Communiqué du PCF, 19 octobre 2020)
La Bolivie renoue avec la démocratie (Communiqué du PCF)
Au lendemain de la journée électorale du 18 octobre en Bolivie, les estimations de sortie des urnes indiquent une tendance irréversible, donnant la victoire au premier tour au binôme Luis Arce – David Choquehuanca. Les candidats du Mouvement vers le socialisme (MAS) seront donc les prochains président et vice-président de l’État plurinational de Bolivie.
Malgré la répression et les menaces constantes depuis le coup d’État d'octobre-novembre 2019 et jusqu'à la veille du scrutin, le peuple bolivien s'est massivement exprimé pour manifester son exigence d'un retour à la démocratie, à l'indépendance et au progrès social.
Il a ainsi démontré, s'il en était encore besoin, le caractère profondément anti-démocratique, anti-populaire et minoritaire du coup d’État et des politiques menées par le « gouvernement intérimaire » qui en a résulté.
L'enjeu prioritaire désormais est le respect des résultats par l'opposition et ses secteurs les plus réactionnaires, ainsi que par les acteurs extérieurs.
Les autorités françaises se doivent d'être, cette fois, à la hauteur de la situation, en soutenant le processus de rétablissement de la démocratie en Bolivie. Elles ne sauraient ainsi en aucun cas reproduire l'attitude de suivisme des États-Unis et de soutien à la déstabilisation qui fut la leur l'année dernière. Le peuple bolivien en a payé un prix bien trop élevé.
Le Parti communiste français (PCF) salue chaleureusement la victoire de Luis Arce, étape fondamentale dans le retour de la démocratie et du progrès social en Bolivie. Il se tient aux côtés du peuple bolivien et de toutes les forces démocratiques du pays face aux défis à venir.
Parti communiste français
Paris, le 19 octobre 2020
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17 octobre 2020 6 17 /10 /octobre /2020 05:20

 

Le 18 octobre auront lieu en Bolivie des élections générales afin d’élire le président, le vice-président et de renouveler les 130 députés et 36 sénateurs du Parlement. Peut-on parler d’une « grande fête démocratique », selon l’expression consacrée ?

Pour mémoire : suite aux élections d’octobre 2019, le pays a connu une rupture constitutionnelle débouchant sur une prise de pouvoir (le 12 novembre) de la sénatrice d’opposition Jeanine Añez, dont le parti conservateur Unité démocratique (UD) venait d’obtenir un spectaculaire… 4,24 % des voix. Elle devint néanmoins miraculeusement « présidente » grâce à l’appui des Forces armées, de la police, des partis de droite et des factions d’extrême droite, de transfuges de la société dite « civile » – les Eglises catholique et évangéliques apportant leur bénédiction. En quelques heures, les Etats-Unis (de Donald Trump), le Brésil (de Jair Bolsonaro) et l’Union européenne (par la voix de son représentant León de la Torre) adoubèrent l’enfant adultérin de cette union et le baptisèrent « gouvernement de transition ».


Dans tout événement, il y a les faits et il y a leur interprétation. Concernant l’épisode précité, les classiques « la démission du président Evo Morales, le 10 novembre 2019 » ou « le départ d’Evo Morales (…) à propos duquel on débat encore [1] » peuvent faire illusion au sein du club de la « pensée conforme » (qu’elle soit de droite ou prétendument de gauche), mais constituent en réalité une pure illusion [2]. En effet…

Secret de polichinelle : le 20 octobre 2019, le président sortant Evo Morales, qui se représentait au nom du Mouvement vers le socialisme (MAS), a gagné le premier tour du scrutin présidentiel avec 47,08 % des suffrages et plus de dix points d’avance sur le deuxième, Carlos Mesa (Communauté citoyenne [CC], 35,51 %) [3]. Il était donc élu. Il n’a pas été poussé à la démission en raison de « fraudes » ayant entaché sa victoire ; alors qu’explosait une vague de violence destinée à terroriser ses ministres et législateurs, ses proches, ses militants et électeurs, il a été victime d’un Coup d’Etat [4].
Autre fait établi : à travers le rapport de ses observateurs, c’est l’Organisation des Etats américains (OEA), dirigée depuis 2015 par un comparse de l’administration Trump, l’uruguayen Luis Almagro, qui a légitimé devant l’ « opinion internationale » la thèse de la fraude, qu’agitait la propagande de l’opposition depuis des mois. Ultérieurement, plusieurs organismes et experts indépendants étrangers – dont plusieurs étatsuniens de renom – ont clairement établi le caractère fallacieux des conclusions de ce rapport [
5]. Ils ont ainsi confirmé la victoire d’ « Evo ».

Première conséquence de la rupture démocratique : une situation de grande violence, de répression et de violations des droits humains. Deuxième prolongement : alors que le gouvernement de facto était censé convoquer de nouvelles élections dans un délai de 90 jours, il exerce toujours le pouvoir quasiment un an après le début de l’usurpation.


Initialement prévues pour le 22 janvier 2020 (fin officielle du mandat de Morales), puis le 3 mai, le scrutin a été repoussé au 6 septembre et enfin au 18 octobre. A chaque fois, pour retarder l’échéance, il fut mis en avant les « conséquences et dommages sur la santé » qui pourraient survenir à cause de l’organisation de la consultation en pleine pandémie. A cet argument, que l’on peut estimer raisonnable, s’ajoute néanmoins un point beaucoup plus important : au long de tous ces mois, et malgré les multiples mesures de coercition, le MAS et son candidat à la présidence Luis Arce – Evo Morales, réfugié en Argentine, étant interdit de séjour et de participation électorale – demeurent en tête de tous les sondages dans la perspective de prochaines élections générales. Jugés inopportunes, dès lors, par le pouvoir de facto. Qui les repousse, et les repousse, et les repousserait bien à l’infini.
La pression sociale, de fortes manifestations provoquant en août un quasi blocage du pays et la résistance du pouvoir législatif que domine toujours le MAS ont rendu impossible un tel scénario. La date du 18 octobre a finalement été homologuée par une loi. Que la « présidente autoproclamée » Añez a dû signer la mort dans l’âme, après avoir beaucoup résisté.

Washington, 29 septembre. C’est là que se mènent la veillée d’armes, le branle-bas de combat. Ministre bolivien de l’Intérieur, l’extrémiste Arturo Murillo Prijic, vient de débarquer pour une visite « officielle » aux Etats-Unis. Murillo, c’est l’homme fort du régime putschiste. Surnommé « Trompo » (Toupie) lorsqu’il était pilote de course, il a fait de sa carrière politique un instrument pour réussir en affaires (et vice-versa). Riche patron du secteur, il a fondé l’Association des hôteliers du Tropique de Cochabamba. Dans sa trajectoire, rien n’est vraiment pur. Le 3 mai 2016, alors qu’il était sénateur pour le compte de l’Unité démocratique (le parti de Janine Añez), il a été condamné à deux ans de prison pour avoir falsifié son livret militaire afin de pouvoir se présenter à la députation (et être élu pour la période 2006-2011) ainsi que pour postuler à la mairie de Cochabamba. Il n’a jamais été emprisonné et, fort opportunément, le coup d’Etat a interrompu la procédure qui se poursuivait contre lui.

A moins de trois semaines de l’élection, voici donc Murillo à Washington. Pour ce faire, il s’est substitué à son homologue des Affaires étrangères, Karen Longaric, sans autre forme de procès. Mais, depuis le « golpe » [6], Murillo fait la pluie et le sale temps en Bolivie. Même ses acolytes finissent par en subir les conséquences. Démissionné de force le 28 septembre pour avoir exprimé son désaccord avec la privatisation à la hussarde de la Compagnie de lumière et d’énergie électrique de Cochabamba (ELFEC), le ministre de l’Economie Óscar Ortíz a laissé libre cours à sa frustration :« La présidente Añez a remis l’avenir du gouvernement et du pays au ministre Murillo, une personne qui n’a pas la capacité, qui n’a pas la sérénité nécessaire pour pouvoir résoudre les problèmes comme ils devraient l’être, c’est-à-dire en recherchant des solutions dans le cadre de la Constitution et des lois. »

Venant d’un ministre nommé par une présidente illégitime cette invocation de la légalité peut paraître osée, mais l’accusation mérite d’être prise en considération. Sans toutefois en exagérer l’importance…

Dans le cœur battant de « Trumpland », Murillo est reçu par de hauts fonctionnaires de la Maison-Blanche, insensibles par nature à ce genre de considérations. A chacun, il prend par ailleurs soin de dire ce qu’il souhaite entendre. Il rencontre également le tout nouveau président de la Banque interaméricaine de développement (BID), Mauricio Claver-Carone, imposé au forceps par Washington, le 12 septembre, contre tous les usages, aux partenaires latino-américains et européens de l’organisme multilatéral. Les deux hommes se connaissent et s’apprécient. En décembre 2019, en pleine phase de consolidation du coup d’Etat, ils se sont déjà réunis : Claver-Carone était alors Directeur principal pour les Affaires de l’hémisphère occidental (l’Amérique latine) au Conseil de Sécurité Nationale (CSN) des Etats-Unis. Le cénacle au sein duquel l’Empire peaufine ses stratégies. Aujourd’hui comme hier, ils se comprennent parfaitement.

Dernière visite et non des plus anodines : Murillo retrouve celui qui a offert sur un plateau d’argent la Bolivie aux putschistes, le secrétaire général de l’OEA Luis Almagro. En août dernier encore, celui-ci qualifiait de « bassesse » les virulentes manifestations « du MAS » (en réalité beaucoup plus larges que réduites à ce seul parti) déclenchées en réaction à un nouveau report des élections. 
Les deux individus abordent manifestement quelques sujets brûlants. Pour ne pas dire préoccupants. Le lendemain de la réunion Almagro avertit par Tweet : « Hier, j’ai rencontré le "MindeGovernment of #Bolivia@ArturoMurilloS". Il m’a fait part de son inquiétude quant à la possibilité de nouvelles fraudes dans le cadre des élections générales2020. Nous nous sommes engagés à déployer un maximum d’efforts pour renforcer la mission électorale de l’OEA en Bolivie et pour garantir la volonté du peuple. »

Des fraudes électorales le 18 octobre… Mais qui diable pourrait les organiser ? Murillo a pratiquement les pleins pouvoirs et il s’en sert. Première mesure prise dès le « golpe » réussi : les membres du Tribunal suprême électoral (TSE), dont la présidente María Eugenia Choque (60 ans), ont été arrêtés et emprisonnés. Nommé par le pouvoir au sein de l’organisme qui gèrera les prochains scrutins, Salvador Romero en est devenu le président. Un parfait chien de garde, qui n’a rien d’un inconnu.
Une vieille amitié lie Romero à Carlos Mesa, actuel candidat à la magistrature suprême, battu l’an dernier par Evo Morales – mais aussi vice-président devenu chef de l’Etat en octobre 2003 après la fuite aux Etats-Unis de l’ultralibéral Gonzalo Sánchez de Lozada. Romero fut alors propulsé par Mesa au TSE, dont il deviendra une première fois président, de 2004 à 2008. Si l’on en croit un câble du 8 janvier 2007 révélé par Wikileaks, il alimente à cette époque en « informations » l’ambassadeur américain Philip S. Goldberg. Celui-ci – actuel représentant des Etats-Unis en Colombie – sera expulsé de Bolivie en 2008 par Evo Morales pour son rôle actif dans la première des tentatives à caractère fascisant destinées à le renverser. Organisée depuis le fief de l’opposition de Santa Cruz, celle-ci échouera finalement grâce à l’intervention de l’Union des Nations sud-américaines (Unasur) récemment créée sous l’impulsion d’Hugo Chávez et Luiz Inácio « Lula » da Silva pour réduire les tensions régionales et faire contrepoids à l’OEA.

En 2011, et jusqu’à 2014, on retrouve Romero au Honduras où, le 28 juin 2009, un coup d’Etat contre le président réformateur Manuel Zelaya a lui été couronné de succès. Washington sachant se montrer reconnaissant, Romero y a été nommé directeur de l’Institut national démocrate (NDI). Créé en 1983 dans le cadre du programme « Soutien international à la démocratie » du Congrès étatsunien, le NDI est financé par l’Agence des Etats-Unis pour le développement international (USAID), organisme hautement humanitaire agissant lui-même sous la supervision du président, du Département d’Etat et du Conseil de sécurité nationale (CSN) américains. Après qu’il eut participé à la « normalisation » du Honduras post-coup d’Etat, essentiellement marquée par… des fraudes électorales [7], l’USAID financera plusieurs des conférences données par Romero pour dénoncer la gestion d’Evo Morales.

A Washington, on a le sens de la famille : l’ambassade des Etats-Unis à La Paz a donc annoncé que… l’USAID assistera le… TSE dirigé par… Romero pour l’organisation des élections générales du 18 octobre prochain. Quant à la mission des observateurs de l’OEA – dont la présence a été sans succès refusée par le MAS –, elle sera dirigée par l’ancien ministre des Affaires étrangères (2014-2018) du Costa Rica, Manuel González, celui-là même qui, en 2019, avec son rapport préliminaire, a inventé la thèse de la fraude au lendemain des élections.

Qu’une telle Sainte Alliance organise une manipulation du verdict des urnes favorisant le MAS paraîtra sans doute assez baroque à tout être doué de raison. Qui donc, alors, du côté gauche de l’échiquier politique, pourrait se livrer à un sabotage des résultats du scrutin ? Et comment ?

En décembre 2019, Murillo a sollicité l’aide d’Israël pour lutter contre le « terrorisme » [8]. Il a créé une nouvelle force de police, « antiterroriste » (forcément !), pour « démanteler les groupes étrangers menaçant le pays » (pour qui ne saurait pas lire entre les lignes : derrière chaque cocotier ou chaque sommet de la « Pachamama » se cachent des hordes d’agents cubains et vénézuéliens). En quelques mois, le gouvernement de facto va importer pour 5 millions de dollars d’armements. Préalablement, Murillo a averti qu’il dispose de « réseaux de renseignements » personnels et a annoncé une « chasse à l’homme » ciblant les dirigeants du MAS rebaptisés « animaux ».

Présidente du Sénat, la « masiste » Adriana Salvatierra aurait dû exercer le pouvoir en l’absence d’Evo Morales et du vice-président Álvaro García Linera poussés sur les chemins de l’exil. Elle doit démissionner de son poste après avoir reçu de multiples menaces de mort dirigées contre des membres de sa famille, ce dont profite Añez (seconde vice-présidente du Sénat) pour s’installer avec ses cliques, ses claques, sa Bible et ses « fachos ». Trente-quatre manifestants tués et 115 blessés suivent, lors des soulèvements du secteur de Senkata (à El Alto, périphérie de La Paz) et de la commune rurale de Sacaba (département de Cochabamba). Parallèlement et dans la durée, le pouvoir s’attache à neutraliser ce qu’il considère être la force de frappe politique de ceux qu’il vient de renverser. Réfugiés dans l’ambassade du Mexique, d’où ils ne peuvent sortir, ne serait-ce que pour partir à l’étranger, quelques-uns des collaborateurs les plus expérimentés et politisés d’Evo Morales – Hugo Moldiz (ex-ministre de l’Intérieur), Juan Ramón Quintana (ministre de la Présidence), Javier Zavaleta (Défense), Héctor Arce Zaconeta (Justice), Wilma Alanoca Mamani (Culture), Víctor Hugo Vásquez (gouverneur du département d’Oruro), Nicolás Laguna (directeur de l’Agence des technologies et de l’information [Agetic]) – sont de ce fait hors-circuit [9].

Plusieurs centaines d’autres dirigeants du MAS et d’organisations sociales sont poursuivis par la justice. Pour avoir fait l’éloge d’Evo Morales sur WhatsApp, comme Mauricio Jara à Santa Cruz, n’importe quel militant peut se retrouver embastillé, accusé de sédition, d’instigation publique à la violence et – merci la Covid-19 ! – d’attentat contre la santé publique. Même un allié d’hier, et non des moindres, l’ex-commandant en chef des Forces armées Williams Kaliman – le général qui a « suggéré » à Morales de démissionner – n’échappe pas à l’ire des Torquemada. Assigné à résidence, il est jugé pour avoir tardé à appuyer la police dans la répression des foules indigènes descendues dans la rue en appui au chef de l’Etat renversé.

Dans un tel contexte, c’est tout naturellement que, dès le 18 décembre 2019, a été lancé un mandat d’arrêt contre Evo Morales, encore constitutionnellement chef de l’Etat, pour « sédition, terrorisme et financement du terrorisme ». « Il y a un espoir que justice soit faite, se réjouira ultérieurement Murillo sur son compte Twitter, à la fois procureur, juge et bourreau. Nous espérons qu’il aura le courage de revenir et de purger 30 ans de prison, ce qui est le moins qu’il mérite, en terroriste qui a avoué (sic !)  ». Le 4 septembre 2020, le pouvoir ira plus loin en annonçant le dépôt d’une plainte devant la Cour pénale internationale (CPI) pour crimes contre l’humanité (plainte qui n’a bien entendu aucune chance d’être retenue, mais fait le « buzz » et travaille l’opinion). Dans cette optique, quelques « preuves » seraient particulièrement bienvenues. Incarcérée sans jugement, l’ex-cheffe de cabinet de Morales, Patricia Hermosa Gutiérrez, a révélé que le ministère public lui a proposé un « jugement accéléré » et un emprisonnement « à domicile » si elle dénonçait les « actions terroristes » de l’ex-chef de l’Etat [10].

Mis dans l’impossibilité de rentrer dans son pays pour se représenter, Morales, de l’Argentine où il réside et en chef de campagne du MAS, a fortement influencé le choix du binôme représentant le parti pour la présidence (l’ex-ministre de l’Economie Luis Arce) et la vice-présidence (l’ex-ministre des Affaires étrangères David Choquehuanca). Toutefois, cet objectif urgent et prioritaire ayant été atteint, il n’a pas renoncé à participer directement à la vie politique. Raison pour laquelle il a annoncé en février sa candidature à un poste de sénateur dans son Département d’origine, Cochabamba.
Depuis la chaude Santa Cruz, le Comité civique, force de choc fascisante du « golpisme », s’est immédiatement mis en branle en rugissant, hurlant et glapissant. « C’est définitif, la grève illimitée et les barrages qui seront mis en place dans tout le département si le TSE accepte la candidature d’Evo Morales ont déjà été décrétés », a fait savoir le président du Comité, Rómulo Calvo, le 14 février. Il n’a fallu qu’une semaine au TSE pour calmer le jeu en trouvant, pour rejeter la candidature, un argument pour le moins… amusant : outre qu’il se trouve à l’étranger (bien contre son gré), l’ancien président ne respecte pas l’exigence d’avoir une « résidence permanente » de deux ans dans le département qu’il entend représenter. Difficile en effet pour un chef d’Etat résidant à La Paz depuis 2006 de se dédoubler pour rentrer le soir ou les week-end à Cochabamba, à 387 kilomètres de là [
11].
Le même argument surréaliste sera utilisé pour invalider la candidature d’un autre poids lourd, Diego Parry, à Potosi : après avoir résidé pendant un an aux Etats-Unis en tant qu’ambassadeur auprès de l’OEA, il a passé une autre année à La Paz en qualité de ministre des Affaires étrangères. De quel droit entend-il représenter Potosi ?

Exit Morales, exit Parry, exit bien d’autres… Mais le MAS continue à caracoler en tête des sondages.
Pourquoi ?
C’est une bonne question.

Plus qu’un parti traditionnel s’appuyant sur une idéologie clairement définie, le MAS rassemble des forces sociales et associatives, des syndicats et mouvements paysans, des organisations de quartiers, des secteurs de la classe moyenne – un arc-en-ciel de tendances allant de l’indianisme au nationalisme, de la lutte de classe à la social-démocratie. Le grand mérite d’Evo Morales, et sa grande force, est d’avoir su les rassembler à travers cet « instrument politique » pour mettre un terme au néolibéralisme le plus caricatural imposé au pays à partir de la décennie 1980. Il le fit au sein du parti même puis, en 2002, à travers le Pacte d’unité (PU), une alliance du MAS et du mouvement social.
Dans la durée, tant le MAS que le PU ont subi une bureaucratisation progressive. Les instances dirigeantes ont pris le pas sur la base sociale, érodant la force collective.
Par ailleurs, et dans une dynamique très spécifique à la Bolivie, chacun de ces groupes ou organisations sociales, estimant ses intérêts prioritaires, entend avoir la primauté au sein du « processus de changement ». Entre eux, ou entre certains d’entre eux et le pouvoir, les relations changent sans cesse en fonction des rapports de forces, des prises de décisions et des événements : ABC contre D, puis BCD contre A, ou bien AB contre CD, ou AD contre CB… Toutes les combinaisons possibles y passent. Pour certain jusqu’à la rupture, à l’image de la Fédération nationale des coopératives minières (Fencomin) [
12], du Conseil national des Ayllus et Markas du Qullasuyo (Conamaq), de la Confédération des peuples indigènes de Bolivie (Cidob), des paysans producteurs de coca de la région des Yungas [13].

Dès avant le « golpe », des transfuges ont quitté le navire, tel Nelson Condori, le dirigeant indigène de la Confédération syndicale unique des travailleurs paysans (CSUTCB), le plus important syndicat du secteur – qui l’a immédiatement désavoué et a réclamé sa démission. Au plus fort de la crise, le secrétaire exécutif de la Centrale ouvrière bolivienne (COB), Juan Carlos Huarachi, lui aussi conspué par une partie de ses troupes, s’allie à l’ennemi de classe pour demander le départ du chef de l’Etat [14].
« Evo tombe ». Trahisons, divisions et hésitations neutralisent toute résistance collective digne de ce nom. Le MAS lui-même se craquelle, divisé entre « radicaux » (comme le jeune et charismatique Andrónico Rodriguez, dirigeant des producteurs de coca du Chapare) et « pragmatiques » (à l’image de la nouvelle présidente du Sénat, Eva Copa). Comme elle, certains prennent leurs distances avec celui qu’hier ils encensaient. « Dans la vie démocratique interne [du MAS], je pense qu’Evo Morales et certains dirigeants doivent comprendre que nous ne sommes pas dans la ligne de confrontation [avec le pouvoir de facto] », précise le sénateur « masiste » Omar Aguilar.
Privé de son leader, figé comme un lapin dans la lumière des phares, le MAS va mourir président déjà certains…

Pari perdu. La base se réorganise, les organisations rurales et indiennes réinvestissent le Pacte d’unité (PU). Contre vents et marées, elles entendent restaurer l’unité des mouvements sociaux, nomment et confirment « Evo » chef de campagne. Au cours d’une réunion en Argentine entre cadres du MAS et représentants du PU, présidée par l’ex-chef de l’Etat, le duo Luis Arce - David Choquehuanca s’impose. Il y a eu fort débat. D’aucuns souhaitaient Choquehuanca candidat à la présidence (parce qu’originaire d’une communauté indigène) et Andrónico Rodriguez (représentant le radicalisme et la jeunesse) en second. Appuyé par « Evo », le pragmatisme l’a emporté. Considéré comme le père du « miracle économique », Arce est susceptible de récupérer une partie des classes moyennes citadines auxquelles il appartient. Choquehuanca assure la continuité en milieux autochtone et populaire dont il est issu. Dépassant ses divisions, le MAS retrouve sa discipline de parti et un rôle d’acteur stratégique.

Les actions arbitraires du gouvernement font le reste. Les « neutres », « lâcheurs », « aveugles » ou « opportunistes » d’hier se mobilisent. Et ils le font aux côtés du MAS. Fédération des conseils de voisinage d’El Alto (FEJUVE), CSUTCB, COB et autres organisations de masse alimentent la rébellion populaire. En août, les provinces de La Paz, Cochabamba, Santa Cruz, Oruro et Potosí, départements névralgiques pour la vie économique du pays, sont complètement ou partiellement bloquées par les branches syndicales locales et les mouvements sociaux. Depuis le pouvoir législatif, qu’il domine toujours aux deux-tiers, le MAS diligente des enquêtes sur la corruption du pouvoir. Et, sans ambigüité aucune, chacun peut désormais établir la différence entre ceux qui ont fait dégringoler le taux de pauvreté de 60,6 % à 34,6 % et permis l’accès à l’électricité de 92 % de la population (quand 68,3 % seulement en bénéficiaient une décennie auparavant) et le retour à la tyrannie. Car c’est bien d’une tyrannie dans la pire des traditions latino-américaines qu’il s’agit…

Là où le chef d’Etat gouverne selon la Constitution, le (ou la !) despote impose, sans règle ni loi. Maladie exotique de Républiques bananières et autres extravagants pays andins ? On peut en douter. Car, somme toute, Janine Añez est bien entourée. Son secrétaire privé et plus proche collaborateur s’appelle Erick Foronda. Journaliste, il a été l’attaché de presse de l’Ambassade des Etats-Unis à La Paz de 1995 à 2008. Lorsque Philip Goldberg a été expulsé en septembre 2018 et que les relations diplomatiques ont été rompues, Foronda a suivi son patron à Washington. Il y est resté douze ans, a pris la nationalité américaine et a adhéré au Parti républicain. Il n’est rentré que tout récemment, pour aider Añez à « pacifier » le pays.

Attention : « pacifier » ne signifie pas « administrer pour le bien du plus grand nombre ». Rien de plus caractéristique à cet égard que les premières mesures néolibérales prises par le pouvoir de facto  : dès janvier 2020, le ministre de l’Economie et des finances, José Luis Parada, a décrété la libération des exportations de produits agro-industriels, régulées sous Morales pour garantir la souveraineté alimentaire et approvisionner le marché interne à des prix contrôlés. Dans un autre registre, les prêts accordés à l’Etat bolivien pour supposément « affronter la crise sanitaire », dont 327 millions de dollars du Fonds monétaire international (FMI), ont été négociés sans l’aval ni le contrôle du Parlement (constitutionnellement concerné).

Très mal gérée, cette crise sanitaire accentue, au fil des mois, le désastre économique et social. D’alléchantes « affaires philanthropiques » débouchent en permanence sur des scandales de corruption. L’achat pour les hôpitaux de respirateurs surtaxés et inutilisables a conduit à l’arrestation du ministre de la Santé (remplacé illico par un général n’ayant strictement aucune compétence en la matière). D’autres affaires concernent l’acquisition « à prix fort » (il s’agit là d’un euphémisme), par le ministère de la Défense, de 150 000 grenades lacrymogènes destinées à la police [15] ou, au sein de la Direction générale de l’aéronautique civile (DGAC), un clonage d’immatriculation d’avions, dont les premiers bénéficiaires pourraient assez logiquement être des narcotrafiquants.

Puisqu’on parle de gangsters, on notera au passage que la crise ayant entraîné le 28 septembre la « démission » de trois ministres, et non des moindres, soudainement opposés au satrape Murillo – Oscar Ortíz (Economie), Oscar Mercado (Travail) et Abel Martínez (Développement productif) – a permis de faire accéder Branko Marinkovic à la tête du ministère de l’Economie. Fasciste d’origine croate, entrepreneur millionnaire (tendance « paradis fiscaux ») de Santa Cruz, ex-président de son Comité civique, Marinkovic a dirigé en 2008 le mouvement quasi sécessionniste et ouvertement raciste destiné à renverser Evo Morales. Il a également été accusé de financer en 2009 un groupe mercenaire chargé de l’assassiner [16]. En cavale au Brésil depuis cette époque, il a fait son retour en Bolivie en janvier dernier. Lors de sa prise de fonction, la « présidente intérimaire » lui a demandé de travailler avec transparence pour les emplois, la santé et – sans doute un trait d’humour – « pour prendre soin de la démocratie ».

Parce qu’il enquêtait sur trois dossiers impliquant le gouvernement, le procureur général de la Nation, José María Cabrera, dont la fonction, constitutionnellement établie, est d’exercer la défense juridique de l’Etat, a été destitué de façon expéditive le 18 juillet. « Sans aucun doute, a-t-il déclaré, celui qui a demandé et exigé avec véhémence cette révocation est le ministre de l’Intérieur Arturo Murillo, en raison de la remise en cause de la privatisation de l’ENDE [Entreprise nationale d’électrification] à travers un décret suprême qui a été annoncé, mais qu’aucun ministre n’ose signer jusqu’à présent, car il est illégal et causera de graves dommages économiques à l’Etat [17] » Sans compter que l’enquête diligentée par Cabrera sur l’achat surfacturé des gaz lacrymogènes venait d’entraîner une convocation du ministre de l’Intérieur par la commission mixte de l’Assemblée législative. On prendrait le mors aux dents pour moins que cela. Dès lors, pour faire bonne mesure et deux précautions valant mieux qu’une, Anez destitue également le chef de l’Unité de transparence de la « Procuraduría » (bureau du procureur) Omar Durán.

Le remplacement de Cabrera ne tarde pas, en la personne d’un certain Alberto Morales. Avec lui, aucun risque de mauvaise surprise. L’homme a été employé par l’USAID et a été l’avocat défenseur de Leopoldo Fernández. Ex-gouverneur du Pando, celui-ci est considéré comme l’instigateur du « Massacre de Pando » (assassinat de seize paysans fidèles au chef de l’Etat, le 11 septembre 2008, dans la localité de Porvenir), lors de la tentative de renversement d’Evo Morales.
Malheureusement (pour eux), Alberto Morales et son mentor Murillo avaient négligé deux détails insignifiants : l’existence d’une législation et de députés et sénateurs du MAS décidés à la faire respecter. L’article 12 de la Loi sur le procureur général de la Nation indique comme condition pour occuper cette fonction : « Ne pas avoir eu ni parrainé de procédures et d’actions judiciaires contre l’Etat au cours des cinq années précédant sa nomination. » Ce n’est pas le cas d’Alberto Morales qui a participé, sur ce laps de temps, à au moins cinq procès contre l’Etat bolivien. La mort dans l’âme, il doit démissionner immédiatement.

Durant les quelques heures qui ont séparé son arrivée de son départ, l’éphémère procureur général de la Nation a juste eu le temps, le 8 octobre, d’entamer une action marquée du sceau « priorité absolue » : il a exigé du Ministère public qu’il incorpore les dirigeants du MAS – dont le candidat à la présidence Arce – dans l’investigation menée sur la « fraude électorale » de 2019, et ce sur la base du « rapport de l’OEA ». Autre douche froide ! L’un des membres de la Commission des procureurs qui enquêtent sur cette affaire, Luis Fernando Atanasio, a répondu publiquement : « Le rapport de l’OEA est un rapport. Qu’est-ce que cela implique ? Qu’ils ont simplement recueilli des informations, des données qui leur ont permis d’identifier certaines irrégularités. Mais qu’un rapport suffise pour que nous puissions attribuer des responsabilités à quelqu’un apparaît très précipité. »
Le très démocrate Carlos Mesa s’insurge : non seulement le MAS contrôle encore le Parlement, mais il tire aussi « les fils du pouvoir judiciaire ».

Ambiance délétère, dérive politique et sociale. Mais aussi bourbier dans lequel les luttes d’influence sont vives, les haines inexpiables, les ambitions démesurées. Dès décembre 2019, Áñez a évoqué la convocation d’un sommet des dirigeants politiques destiné à examiner la possibilité d’un front unique de l’opposition. Lors d’un entretien accordé à Televisión Universitaria, elle a précisé : « Nous ne voulons pas une dispersion des votes, nous ne voulons pas qu’il arrive ce qui est arrivé le 20 octobre » (tiens donc… suggérait-elle par là fort imprudemment qu’Evo Morales avait remporté le scrutin ?).

Tenu le 30 décembre à La Paz, à l’initiative du Comité civique pro-Santa Cruz (CCPSC), pilier « ultra » de la lutte anti-Morales et anti-MAS, ce sommet réunit notamment les ex-candidats battus Carlos Mesa (Communauté citoyenne) et, avec un score ridicule, Jorge « Tuto » Quiroga (Libre 21), lui aussi ex-président (2001-2002) et jusqu’à peu porte-parole d’Añez pour convaincre la communauté internationale qu’il n’y a pas eu de coup d’Etat. La réunion n’aboutit à rien. Les candidats restent aussi nombreux. L’alliance Creemos (Nous croyons) présente Luis Fernando Camacho, ex-président du Comité civique de Santa Cruz, dit « le Bolsonaro bolivien », acteur principal du renversement d’ « Evo ». Derrière ces poids lourds, ajoutant à une future dispersion des voix, quelques comparses complètent le tableau – Chi Hyun Chung (Front pour la victoire ; FPV), María Bayá (Action démocratique nationaliste ; ADN), Feliciano Mamani (Parti action nationale bolivien (PAN-BOL).
Désespérée par cette multiplication des candidatures, qui immanquablement mènera à la victoire du MAS, Añez annonce que, en représentation de Démocrates, elle… se présentera elle aussi à sa succession. Elle s’était engagée à n’en rien faire lorsqu’elle a pris la tête de la « transition -pacification ». Désarticulant définitivement la coalition qui a réussi le « golpe » et la divisant désormais en quatre, la décision fait scandale. Mesa « le centriste » accuse Añez d’ « abus de pouvoir » parce qu’elle « n’a aucune chance de gagner l’élection en raison de sa gestion corrompue ». D’un avis quelque peu différent, l’ Añez en question multiplie les efforts pour prendre la tête de la droite, sans y parvenir. Le cœur de l’électorat de son parti se trouve à Santa Cruz, où il est né, mais, du fait de ses hauts faits d’armes pour renverser l’ « Indien », Camacho l’y domine largement. Elle demeure donc quatrième, au niveau national, dans les enquêtes d’opinion, derrière Arce, Mesa et Camacho, avec un misérable 10 % des estimations.
De son côté, tout en le qualifiant de « grand héros », d’ « homme important pour le futur de la Bolivie », le chef de campagne de Camacho, Ronald MacLean, abandonne son champion en rase campagne : « Luis Fernando a adopté une stratégie qui le place davantage à l’Est, à Santa Cruz et dans le Beni [départements d’opposition radicale], ce qui, d’après moi, l’empêchera d’arriver à la présidence parce qu’on ne peut pas gagner une élection nationale sans une forte présence dans l’Ouest [zones de l’altiplano paysan et indigène historiquement favorable à « Evo »].  »

Panique à bord du Titanic de la réaction. L’ambassade des Etats-Unis, où la chargée d’affaires Charisse Phillips (en l’absence d’ambassadeur) n’a rien d’une fonctionnaire de troisième ordre, s’est vue contrainte de hausser le ton. Le 17 septembre, Añez doit déposer les armes. « Ce n’est pas un sacrifice, c’est un honneur, lâche-t-elle, avec un sourire crispé, dans une vidéo diffusée sur les réseaux sociaux. Je le fais devant le risque que le vote démocratique ne se divise entre plusieurs candidats avec pour conséquence que le MAS ne finisse par gagner. »

Nul ne peut assurer que toutes les voix d’Añez se reporteront sur Mesa, le « vote utile », malgré un appel en ce sens de son colistier, candidat à la vice-présidence, le riche entrepreneur Samuel Doria Medina, et du ministre de l’Intérieur Murillo. Six candidats demeurent en lice contre Arce et Choquehauanca, encore et toujours donnés favoris. De quoi troubler les méditations de l’archevêque de Sucre et président de la Conférence épiscopale bolivienne, Monseigneur Ricardo Centellas. Le 28 septembre, il appelle la population « à ne pas disperser son vote » pour assurer « la consolidation de la démocratie [18]. »

Comme une sorte de rage sans espoir... La persécution du MAS s’est amplifiée au fil des mois. Fin juin, une plainte pénale a été déposée devant le Ministère public contre Luis Arce pour un prétendu « dommage économique » causé à l’Etat lors de la mise en place en place de l’Administration publique pour la gestion des cotisations sociales des travailleurs. En juillet, l’alliance politique Creemos, de Camacho, a déposé une demande formelle d’interdiction du MAS devant le TSE. Un autre recours de la sénatrice Carmen Eva Gonzáles (Unité Démocratique ; UD), demande également l’élimination du MAS, accusant Luis Arce d’un crime atroce : il aurait commenté des sondages hors des périodes autorisées (ce qui par ailleurs n’a rien d’avéré).

Dans une telle situation, il faut tuer les symboles. « Le » symbole. Pouvoir et médias font courir les bruits les plus infamants sur Evo Morales au sujet d’une liaison amoureuse avec une jeune femme de 19 ans, qu’il connaîtrait – et donc aurait « abusé » – depuis de longues années. Le 15 septembre, le bureau du procureur général a annoncé prolonger de 60 jours l’enquête sur une plainte pénale déposée pour « détournement de mineure » et « traite d’êtres humains », afin de déterminer le lieu où se trouve une supposée autre mineure, dont personne ne connaît l’identité, avec lequel l’ex-président est présumé avoir eu une relation. Sachant par ailleurs que cette pauvresse a été laissée « en état de grossesse », à la suite de cet « abus présumé ». Soixante jours… Le temps de polluer toute la fin de campagne électorale et les semaines postérieures au scrutin, le temps de travailler les classes moyennes nationale et internationale sur un thème sensible dans cette période post-« Me Too ».

Une redite, entre parenthèses, du « Zapatagate », cette « fake news » de premier ordre qui, en 2016, sur fond de corruption, de femme fatale et de stupre, a fait perdre à Morales un référendum vital pour permettre sa réélection [19]. Aux féministes – cibles prioritaires de l’opération – qui tomberaient dans le panneau, on rappellera que le 29 juillet est apparue sur les réseaux sociaux une vidéo intime d’Eva Copa, la présidente « masiste » du Sénat, en pleine relation sexuelle avec un supposé compagnon. Grand succès d’audience, haut fait démocratique, passionnants débats. Jusqu’à ce qu’une jeune femme se manifeste et révèle être celle qui figure sur l’œuvre d’art porno, enregistrée à son insu par son ex-fiancé Roly, avant de supplier : « S’il vous plaît, ne diffusez plus cette vidéo, elle ruine ma vie, je suis mère, j’ai peur de rester sans travail [20] » Pour être complet sur ces méthodes de « guerre sale » on mentionnera que, en novembre 2019, Janine Añez a été victime du même procédé.

Dernière ligne droite. Après un rapport rédigé par le Stanford Internet Observatory, un groupe de recherche sur la désinformation, Facebook informe qu’il vient d’éliminer un réseau pratiquant ce genre d’exercice – 55 comptes Facebook, 42 pages et 36 comptes sur sa filiale Instagram – opérant depuis les Etats-Unis et dont le contenu incluait « des publications d’appui à l’opposition politique au Venezuela et au gouvernement intérimaire de Bolivie, de même que des critiques au parti politique du président mexicain [Andrés Manuel López Obrador, centre gauche].  » Cinq cent neuf mille « followers » suivaient ces pages sur Facebook, 43 000 l’une ou l’autre des pages Instagram. Aux commandes de l’opération, CLS Strategies, firme étatsunienne de relations publiques. Pressé de questions, le cabinet de Jeanine Añez confirmera avoir sollicité et payé les services de CLS Strategies, mais uniquement, et fort modestement, pour des opérations de lobbying à Washington « en soutien à la démocratie bolivienne ». Qui fait feu de tout bois…

Le 9 octobre, à neuf jours du scrutin, le vice-ministre de la Transparence, Guido Melgar, porte plainte contre Arce, accusé d’ « enrichissement illicite ». Là encore c’est l’opinion qui est visée, aucune procédure ne pouvant être menée à bien par le Ministère public dans le court délai précédant l’élection.
Dans un autre ordre d’idée, l’avenir dira si le retrait de dernière heure de la candidature de « Tuto » Quiroga, le 11 octobre, a été dû, comme il se murmure, à des menaces directes d’Arturo Murillo. « J’ai dans l’âme une profonde douleur et une énorme angoisse, a distillé Quiroga sur les réseaux sociaux. J’ai des différences avec les autres candidats, mais j’espère qu’ils pourront agir pour battre le MAS. »

L’enjeu est clair. Nul n’en ignore, Arce arrivera en tête du premier tour – seul le score demeure incertain. Un second tour est indispensable pour que la droite puisse, en se rassemblant, espérer éventuellement l’emporter. Si le MAS triomphait au premier tour ou, éventuellement gagne au second, le caïd de l’OEA, Luis Almagro, en a déjà indiqué la cause : Murillo lui a fait part « de son inquiétude quant à la possibilité de nouvelles fraudes ». Le 7 octobre, Añez a prévenu : « Tant que nous sommes au gouvernement, les populistes autoritaires n’ont aucune possibilité de revenir dans notre pays. Nous les avons déjà avertis et nous allons continuer ; ils continuent à menacer, mais nous, ici, nous allons les affronter. » A son retour de Washington, Murillo a renchéri : « La police est armée » et « la démocratie sera respectée, quel qu’en soit le prix. »

Depuis quelques jours, les groupuscules fascistoïdes de la Résistance jeune Cochala (Cochabamba), des Comités civiques pro-Santa Cruz et de la Résistance Chuquisaqueña (Chuquisaca) multiplient les agressions contre les militants du MAS, les locaux du parti et même le siège du Ministère public, à Sucre (capitale administrative du pays), sa plus haute autorité, le procureur Juan Lanchipa, nommé par l’Assemblée en 2O18, n’ayant pas inculpé les dirigeants du MAS et « protégeant » Morales.

Les instruments du coup d’Etat – l’armée et la police –, qui en 2019 n’ont pas levé le petit doigt pour protéger les tribunaux électoraux départementaux (TED) quand des hordes sont venus les incendier, et avec eux les procès verbaux des bureaux votes, sont ceux qui, le 18, sont chargés d’assurer leur protection. Le TSE, à ce jour, comme l’a dénoncé Marianela Paco, porte-parole du MAS, alertant la « communauté internationale », n’a donné aucune information sur le nouveau système de « comptage rapide ». Les observateurs de l’OEA sont les mêmes que ceux de l’an dernier. L’Union européenne, qui envoie également une mission, a déroulé le tapis rouge, le 1er octobre, quand la ministre des Affaires étrangères Karen Longaric est venue s’exprimer à Bruxelles, comme en meeting, devant la Commission des affaires étrangères du Parlement européen. « C’est un plaisir de vous avoir ici, s’est extasié le président de séance, Witold Jan Waszczykowski, ex-premier ministre ultraconservateur polonais, en la recevant, le beau temps vous illumine et illumine la Bolivie [21]. »

Dans un tel contexte, quel genre de fraude craignez-vous donc, M. Almagro ?


[1Respectivement sous la plume de Amanda Chaparro et Pablo Stefanoni, in Le Monde daté4-5 octobre 2020.

[2Lire « Bolivie, chronique d’un fiasco médiatique », Le Monde diplomatique, Paris, octobre 2020.

[3La loi octroie la victoire au premier tour au candidat obtenant 50 % ou plus de 40 % avec une différence de dix points sur le deuxième. Si ces conditions ne sont pas réunies, un second tour est organisé. En troisième position est arrivé le pasteur évangélique d’origine coréenne Chi Hyung Chung (8,81 % des suffrages) suivi d’Óscar Ortiz, l’homme de la riche Santa Cruz (4,24 %).

[4Lire : http://www.medelu.org/Les-petits-telegraphistes-du-coup-d-Etat-qui-n-existe-pas

[5Lire (entre autres) « Bolivia dismissed its October elections as fraudulent. Our research found no reason to suspect fraud », The Washington Post, 27 février 2020 ; « A Bitter Election. Accusations of Fraud. And Now Second Thoughts », The New York Time, 7 juin 2020 ; « Silence reigns on the US-backed coup against Evo Morales in Bolivia », The Guardian (Londres), 18 septembre 2020.

[6Coup d’Etat.

[7Lire (entre autres) : http://www.medelu.org/Honduras-un-observateur-electoral (2013) ; http://www.medelu.org/Au-Honduras-le-coup-d-Etat et http://www.medelu.org/Au-Honduras-le-coup-d-Etat (2017) ; http://www.medelu.org/Au-Honduras-tout-est-mal-qui-finit (2018).

[8Le gouvernement d’Añez venait de rétablir les relations diplomatiques avec Tel Aviv après une interruption de dix ans sous Evo Morales.

[9http://www.medelu.org/Otages-des-putschistes-boliviens

[10https://www.primeralinea.info/me-ofrecieron-detencion-domiciliaria-si-denunciaba-a-evo/

[11La décision du TSE sera confirmée le 7 septembre 2020 par le juge Alfredo Jaimes Terrazas de la troisième chambre constitutionnelle de la ville d’El Alto.

[12Des mesures de régulation du secteur ont provoqué des émeutes en août 2016 et se sont soldées, après la mort de deux manifestants, par le lynchage et l’assassinat du vice-ministre de l’Intérieur, Rodolfo Illanes, venu négocier.

[13 Lire Denis Rogatyuk in Le Vent se lève  : https://lvsl.fr/bolivie-anatomie-du-coup-detat/

[14En 2005, la COB n’a pas appuyé la première élection d’Evo Morales.

[15http://estrategia.la/2020/06/03/bolivia-golpistas-lucran-con-toda-compra-desde-gases-lacrimogenos-a-respiradores/

[16La groupe a été neutralisé par la police le 16 avril 2009 dans un hôtel de Santa Cruz lors d’une opération durant laquelle quatre de ses participants ont été tués – Eduardo Rózsa Flores (croato-bolivien), Michael Dwyer (irlandais) et Arpad Magyarosi (roumano-hongrois).

[17https://eldeber.com.bo/pais/destituyen-al-procurador-general-del-estado-jose-maria-cabrera_200981

[18« Usted Elige », Radio FM 90.1, Chuquisaca.

[19http://www.medelu.org/La-longue-campagne-du-Tout-sauf-Evo

[20https://correodelsur.com/sociedad/20200731_aparece-mujer-que-dice-ser-quien-se-ve-en-el-video-intimo-ruega-que-no-se-difunda-mas.html

[21Quelques eurodéputés Verts et membres du groupe Gauche unitaire européenne/Gauche verte nordique (GUE/NGL) ont néanmoins sauvé l’honneur en récusant les propos aussi caricaturaux qu’obscènes de la ministre de facto.

 

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12 octobre 2020 1 12 /10 /octobre /2020 18:51
Haut-Karabakh, 2015 - Photo Ismaël Dupont

Haut-Karabakh, 2015 - Photo Ismaël Dupont

Devoir de paix

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La guerre fait rage. C'est la guerre depuis le 27 septembre en République d'Artsakh et elle s'étend à l'Arménie. L'autocrate Ilham Aliyev a lancé les armées de l'Azerbaïdjan à l'assaut de la petite et jeune enclave démocratique du Caucase. Ardemment soutenues par le sanguinaire Recep Tayyip Erdogan, les forces armées azéries sont supplées par des mercenaires djihadistes, recrutés en Syrie, chassés du Rojava où ils se sont tristement distingués. Dès les premières heures de l'offensive, les victimes parmi les civils se comptaient par dizaines. Cette guerre doit être stoppée.

Un cessez-le-feu et un processus de paix sont urgents; nul ne peut prévoir l'étendue des conséquences régionales et internationales dramatiques qui, déjà, se font sentir. Tout doit être mis en œuvre pour que le dialogue politique prenne le pas sur le déchaînement de la violence militaire. Aujourd'hui vendredi 9 octobre, Vladimir Poutine prend l'initiative et invite à Moscou les chefs de la diplomatie arménienne et azerbaïdjanaise à venir y conclure une première trêve.

Beaucoup, avec raison, rappellent les racines anciennes du conflit. Mais cette guerre, puisqu'il faut le rappeler, n'était pas inévitable.

Dans une déclaration publiée, moins d'un an auparavant, le Parti communiste français (PCF), inquiet des bruits de bottes venus de Bakou et des provocations successives du président turc, appelait instamment la France, membre du groupe de Minsk, à ouvrir une perspective politique avant que les armes ne sèment à nouveau la mort: «Parce que cela constituerait une première étape dans un indispensable processus d'apaisement et dans la résolution politique du conflit, le PCF demande instamment au Président de la République de prendre acte du processus démocratique par lequel la population du Haut Karabagh a proclamé la République. Le PCF engage également le gouvernement de la France à agir dans les plus brefs délais pour que la Haute-représentante de l'Union européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, Federica Mogherini, porte avec notre pays cette reconnaissance devant les instances internationales multilatérales. Ces dernières doivent placer les populations du Haut Karabagh, menacées de génocide, sous protection internationale 1.» Rien n'a été fait, ou si peu, si mal, par les membres du groupe de Minsk pour prévenir l'escalade.

En juillet de cette année, des accrochages militaires à la frontière de l'Arménie et de l'Azerbaïdjan illustraient la volonté du président de cette dernière de quitter les pourparlers de paix et de s'imposer par la voie militaire. Mais tout en appelant à respecter le cessez-le-feu de 2016 et à «reprendre le dialogue», la France, notamment, a semblé déjà résignée à ce que la situation dégénère. En toutes connaissances de cause, puisque 6 mois avant, en janvier, elle s'était félicitée de la conclusion d'un joli contrat de vente d'armes avec Bakou.

Des leçons devront en être tirées. En attendant, aujourd'hui, alors que la désolation et la souffrance règnent, seules les vociférations nationalistes se font entendre.

Tandis qu'à Stepanakert et Erevan, les civils tentent de sauver leur vie, tandis que déjà la moité de la population du Haut Karabakh, soit près de 75 000 personnes, ont fui les bombardement vers l'intérieur du pays, que des centaines de réfugiés sont recueillis en Arménie, les rues de la capitale azérie résonnent, elles, d'appels au génocide. Un cauchemar.

Il est de notre devoir d'opposer à la guerre et la haine, un large et massif front de paix, de solidarité et de fraternité pour imposer que les populations bombardées soient placées sous protection internationale et que les armes se taisent.

Le PCF appelle l'ensemble des défenseur.e.s de la paix, des droits humains et du droit international en France, en Europe, en Arménie, en Azerbaïdjan, en Turquie, en Artsakh à s'unir et à agir pour un arrêt des combats et l'ouverture, sous égide l'ONU, de pourparlers de paix.

Monsieur le Président, la France qui a vendu et vend ses armes tant à l'Azerbaïdjan qu'à l'Arménie malgré l'embargo, ainsi qu'à la Turquie depuis des années, contribuant à une sur-militarisation du Caucase et du Moyen-Orient, a aujourd'hui le devoir et la responsabilité de contribuer à ouvrir un véritable chemin de paix car comme l'écrivit Jean Giono: «Il ne suffit pas d'être pacifiste, même si c'est du fond du cœur et dans une farouche sincérité; il faut que ce pacifisme soit la philosophie directrice de tous les actes de votre vie. Toute autre conduite n'est que méprisable lâcheté.»

Lydia SAMARBAKHSH
Responsable du secteur International du PCF

Haut-Karabakh, conflit entre l'Azerbaidjan et l'Arménie : Devoir de paix - Interventions du PCF et analyse de L'Humanité
Haut-Karabakh : le théâtre d’un conflit sans fin
Mercredi 7 Octobre 2020 - L'Humanité, 7 octobre

Depuis dix jours, l’Arménie et l’Azerbaïdjan se livrent des combats sans précédent depuis la première guerre du Karabakh, en 1994. Les acteurs et stratégies sont les mêmes.

 

Les affrontements entre Erevan et Bakou pour le Haut-Karabakh ont repris le 27 septembre. Une offensive militaire lancée par l’Azerbaïdjan a déclenché les plus importants combats depuis la fin de la guerre, en 1994. Ce premier conflit n’a jamais été véritablement éteint ou gelé : en 2016, le pays avait été secoué par une guerre de quatre jours. « On y retrouve exactement les mêmes acteurs, vingt-six ans plus tard, avec les mêmes revendications. Des deux côtés, on se préparait à reprendre les armes, en multipliant les déclarations belliqueuses et les tirs le long de la ligne de front chaque année. Les Arméniens ayant plus à perdre dans la remise en cause du statu quo », note Achot, habitant d’Erevan.

 

Les prémices de la première guerre débutent en 1988, en pleine perestroïka. Le nouveau dirigeant Mikhaïl Gorbatchev, qui est arrivé à la tête de l’Union soviétique en 1985, se voit confronté à un des premiers mouvements nationalistes. Pétitions, manifestations, l’enclave du Karabakh réclame son rattachement à la République soviétique d’Arménie en votant en février 1988 l’unification. Cette province peuplée en majorité d’Arméniens, qui a été rattachée à l’Azerbaïdjan en 1921 par Staline, dénonce l’attitude de Bakou à son égard. Ce mouvement est soutenu par d’importantes personnalités arméniennes et russes. Mais Gorbatchev refuse d’appliquer le principe d’autodétermination des peuples prévu dans la Constitution soviétique, par peur que cela n’ouvre d’autres demandes. Cette période d’affrontements politiques débouche sur des affrontements ethniques entre pogrom, comme à Soumgaït, contre des Arméniens, et nettoyage ethnique contre les Azéris. Avec l’effondrement de l’URSS, en 1991, naît le premier conflit « indépendantiste ». La république du Haut-Karabakh de l’Artsakh proclame son indépendance en 1992 et entraîne un conflit armé régional. Les deux parties se sont lancées dans une course à l’armement. L’Azerbaïdjan se tourne déjà vers la Turquie.

« Dans les années 1990, on a assisté aux mêmes scènes de maisons détruites soufflées par des tirs de missile ou d’obus, d’immeubles en feu, d’écoles en cendres, d’enfants, de femmes et de personnes âgées qui fuient en désordre les zones des combats dans des vieux bus hors d’âge. Mais aussi de caves et de souterrains sous les maisons abritant à la lueur de maigres bougies ceux qui n’ont pas pu fuir  », se remémore le journaliste Jean Royan qui a couvert le conflit. À l’époque, la ville de Stepanakert avait déjà essuyé d’importants tirs d’artillerie. Mais elle était alimentée en eau et en électricité, à la différence d’Erevan. La capitale arménienne, qui avait essuyé un violent séisme en 1988, subissait également un terrible blocus mené par Bakou, la privant de nombreuses choses. « À ces situations dramatiques pour les civils, s’ajoutait à l’époque un flot ininterrompu des réfugiés qui erraient sur les routes, Arméniens d’Azerbaïdjan ou Azéris d’Arménie. Des familles se retrouvaient dans des abris de fortune, dans un dénuement total », poursuit le reporter.

Des équipements militaires plus sophistiqués

Mais, sur le terrain, la différence est nette entre les deux périodes. Lors du premier conflit, les Arméniens, avec les troupes d’autodéfense du Karabakh soutenues par Erevan, se trouvaient à l’offensive et ont réussi à s’imposer militairement. Aidés par les Russes, ils avaient réussi à se saisir d’une zone tampon autour de l’enclave. Cette fois-ci, Bakou est à l’offensive pour récupérer les territoires azéris, dénonçant l’inertie du groupe de Minsk, créé en 1992 pour trouver une issue diplomatique (dépendant de l’OSCE) et chauffé à blanc par Ankara. Pour l’enseignant-chercheur à Sciences-Po et journaliste Gaïdz Minassian, « la différence réside aussi dans le fait que les deux États (Arménie et Azerbaïdjan) ont fait l’expérience d’un processus de paix, d’un cessez-le-feu même précaire et de discussions diplomatiques. L’autre nuance entre les deux conflits porte sur les équipements militaires beaucoup plus importants et sophistiqués, notamment du côté azéri, et sur un Caucase intégré à la mondialisation ».

Ce nouveau conflit utilise les mêmes méthodes. Le recours à des mercenaires turkmènes ou syriens et l’appui de conseillers militaires sont à l’œuvre du côté azerbaïdjanais via les autorités turques. Leurs forces sont équipées de drones de fabrication israélienne, armes qui n’existaient pas à l’époque du conflit. « En 1991, les Azéris affirmaient que des mercenaires russes appuyaient les troupes arméniennes, qui recevaient des primes pour chaque matériel militaire détruit. Mais les militaires azéris rejetaient toute accusation sur l’appui dans leurs rangs de conseillers turcs, justifiant que de nombreux officiers étaient des anciens d’Afghanistan avec suffisamment d’expérience du terrain… » rappelle Jean Royan.

Un cessez-le-feu est signé à Moscou le 16 mai 1994

Le bilan de la première guerre a atteint les 30 000 morts et plus d’un million de réfugiés en Azerbaïdjan et en Arménie. Un cessez-le-feu est signé à Moscou le 16 mai 1994, Bakou acceptant l’arrêt des combats pour éviter une déroute. Erevan obtient le contrôle de l’ancienne région autonome du Haut-Karabakh et des territoires adjacents. Cela représente jusqu’à 14 % du territoire de l’ancienne République soviétique d’Azerbaïdjan. « Le rôle de la Turquie a également évolué. Ankara a souhaité casser ce processus de paix pour s’afficher, comme sur d’autres dossiers, comme un acteur incontournable dans ce conflit au même titre que la Russie. Est-ce dans le groupe de Minsk ou dans un autre format avec la Russie ? » interroge Gaïdz Minassian, auteur du livre les Sentiers de la victoire. Aujourd’hui, on déplore déjà plus de 300 morts.

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12 octobre 2020 1 12 /10 /octobre /2020 18:47
République démocratique du Congo.  La justice dérange ceux qui veulent le chaos - Marc de Miramon interroge le docteur Denis Mukwege, prix Nobel de la Paix 2018 - L'Humanité, 13 octobre 2020
République démocratique du congo. « La justice dérange ceux qui veulent le chaos »
Mardi 13 Octobre 2020

Prix Nobel de la paix 2018 pour son travail de réparation des femmes victimes de viol en RDC, le docteur Denis Mukwege se bat pour la fin de l’impunité dans son pays.

 

Denis Mukwege Gynécologue et prix Nobel de la paix 2018

Depuis quinze ans, plus de 40 000 femmes ont été soignées par vos équipes alors qu’une paix a officiellement été signée en RDC en 2003. Où en est cette guerre quasi oubliée ?

Denis Mukwege La situation politique, sécuritaire et humanitaire est très grave, pourtant nous percevons un effet de fatigue et une certaine lassitude de la communauté internationale, malgré le fait que la situation humanitaire est encore l’une des plus tragiques au monde, notamment en termes de personnes déplacées (plus de 5 millions) et alors que climat sécuritaire et politique reste très préoccupant et volatil. Sur le plan politique, les élections de 2018, qui ont eu lieu après deux ans de retard, n’ont été ni transparentes ni régulières, et les institutions d’appui à la démocratie telles que la Cour constitutionnelle et la Commission électorale ont perdu leur légitimité et leur crédibilité. Au niveau sécuritaire, il existe toujours plus d’une centaine de milices qui sèment la terreur dans de nombreuses régions. Un récent rapport du Bureau conjoint des Nations unies pour les droits de l’homme en République démocratique du Congo (RDC) s’alarme de la détérioration de la situation des droits humains dans les provinces en conflit, en particulier en Ituri, au Nord et au Sud Kivu, mais aussi au Tanganyika, et a documenté plus de 4 000 violations et atteintes aux droits de l’homme sur l’ensemble du territoire de la RDC au cours du premier semestre de l’année 2020, parmi lesquelles on compte un bilan humain très lourd de plus 1 300 morts ! Chez nous, les chiffres ne diminuent pas du tout. Rien qu’au mois d’août, au niveau de mon hôpital à Panzi et dans les centres hospitaliers que nous gérons dans le Nord et le Sud Kivu, nous avons reçu 248 victimes de violences sexuelles, ce qui fait en moyenne 8 par jour. Pourtant, nous pensons que le chemin de la paix existe, et il passera par la justice, par une gouvernance démocratique et un commerce transparent et responsable des minerais.

Votre ancien hôpital, celui de Lemera, a été la cible d’une violente attaque en 1996, que s’est-il passé ?

Denis Mukwege Le 6 octobre 1996, le monde dans lequel j’avais commencé ma vie professionnelle s’est écroulé : plus de 35 de mes patients et des membres du personnel soignant de l’hôpital de Lemera, dans la province du Sud Kivu, ont été sauvagement massacrés. Cette date restera pour toujours gravée dans ma mémoire et marque le début de la première guerre du Congo (1996-1998) et des atrocités de masse commises dans notre pays. Les troupes de l’Alliance des forces démocratiques pour la libération du Congo (AFDL) qui se présentaient comme des « libérateurs », dirigées par Laurent Désiré Kabila et soutenues par le Rwanda commencèrent leur marche à travers le pays pour en chasser les Hutus et mettre fin à l’ère du maréchal Mobutu. Ce crime de guerre commis à l’hôpital de Lemera est répertorié dans le rapport Mapping des Nations unies parmi les violations graves des droits de l’homme et du droit international humanitaire commises en RDC entre 1993 et 2003. Vingt-quatre ans après ce massacre, rien n’a été fait pour rendre justice aux victimes et à leur famille, ni pour honorer la mémoire de ceux qui reposent dans une fosse commune sans la moindre plaque commémorative. C’est inacceptable.

Depuis, vous avez été vous-même victime de plusieurs tentatives d’assassinat. Pouvez-vous nous raconter de quelle manière votre vie a été menacée ?

Denis Mukwege Dans un monde d’inversion de valeurs, où la manipulation et les mensonges sont légion, dire la vérité, dénoncer la violence et les massacres, et réclamer la fin de l’impunité nous exposent en effet à diverses menaces et intimidations. Le 26 octobre 2012, j’ai échappé de justesse à une tentative d’assassinat. Ma famille a été séquestrée et mon gardien et ami de toujours est d’ailleurs mort en cherchant à me sauver la vie. Plus récemment, notre plaidoyer pour la justice transitionnelle dérange ceux qui ont intérêt à maintenir le chaos organisé en RDC et qui cherchent à éluder la justice et leurs responsabilités. J’ai reçu divers messages menaçants, ainsi que mon épouse et certains proches collaborateurs.

Le conflit en RDC est considéré comme le plus meurtrier depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, et vous tentez de mettre en lumière ces crimes en exhumant le rapport Mapping, rendu public en 2010. Comment expliquez-vous cette indifférence de la communauté internationale ?

Denis Mukwege Aucune famille, aucune communauté n’a été épargnée par ces décennies de conflit armé. Il faut briser ce cycle de la violence et de l’impunité. Personne ne peut dire que l’on ne sait pas ce qu’il se passe en RDC. La communauté internationale y est largement présente depuis des décennies. Les sources d’information crédibles et fiables ne manquent pas. Jour après jour, mois après mois, année après année, de nouvelles violations des droits humains sont documentées, rapportées et analysées. L’absence de mise en œuvre des recommandations formulées dans le rapport Mapping est particulièrement choquante quand on connaît l’ampleur et la gravité des crimes commis. Il faut se souvenir que, même avant sa sortie, des pays incriminés dans le rapport ont fait de fortes pressions pour que ce dernier ne soit pas publié. Nous saluons le courage de la Haut-Commissaire des Nations unies en fonction à l’époque, Me Navi Pillay, d’avoir néanmoins publié le rapport en 2010, mais nous déplorons l’absence de réaction de la communauté internationale et ce système de à « deux poids, deux mesures » qui lui fait perdre toute crédibilité face aux injustices de notre monde.

Paul Kagame a violemment réagi à la publication du rapport Mapping, et accuse ses auteurs de vouloir transformer le Rwanda de pays victime en pays bourreau. Comprenez-vous cette colère de Kigali ?

Denis Mukwege Nous pensons que seule une justice indépendante et impartiale est habilitée à établir les chaînes de responsabilités militaires et politiques pour les crimes graves répertoriés dans le rapport Mapping. Personne ne cherche à minimiser la gravité du génocide rwandais, mais chacun doit répondre de ses actes. Des crimes graves ont aussi été commis en RDC par toute une série d’acteurs étatiques et non étatiques, congolais et étrangers. De nombreuses armées étrangères, y compris celles du Rwanda et de l’Ouganda, sont intervenues sur le territoire congolais. Ces mêmes pays ont téléguidé des milices en RDC. Ces faits sont documentés et connus de tous. Chacun doit faire face à ses responsabilités.

La diplomatie américaine en RDC vient d’affirmer soutenir « les efforts visant à obtenir justice et à mettre fin à l’impunité », en se référant explicitement à ce même rapport Mapping. Avez-vous le sentiment que vos efforts sont en train de changer concrètement la situation ?

Denis Mukwege Les lignes commencent, en effet, à bouger. L’ambassadeur Hammer est venu nous rendre visite à l’hôpital de Panzi récemment et a réaffirmé que les États-Unis soutiennent les efforts visant à obtenir justice et à mettre fin à l’impunité en RDC. Il faut saisir ce « momentum », et nous sommes avant tout très inspirés par le réveil de la population congolaise, qui s’engage avec de plus en plus de conviction pour exiger que la justice soit rendue. À l’occasion des dix ans de la publication du rapport Mapping, le 1er octobre 2020, des manifestations pacifiques ont eu lieu à Bukavu, à Goma et dans de nombreux endroits du pays, et même en Europe, à Paris, à Bruxelles et à Genève, ce qui nous donne beaucoup d’espoir. Nous sommes encore au début de ce processus de justice transitionnelle, qui, nous l’espérons, nous amènera de la dictature à la démocratie et de la guerre à la paix.

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5 octobre 2020 1 05 /10 /octobre /2020 05:25

 

Maurice Lemoine, né en 1944, est un journaliste et écrivain, rédacteur en chef de La Chronique d'Amnesty International de 1993 à 1996, avant de rejoindre le Monde diplomatique dont il a également été le rédacteur en chef.

Il est « spécialiste du monde Caraïbe et latino-américain ».

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Venezuela : l’enquête de l’ONU accuse les forces de sécurité de 5 094 meurtres depuis 2014 » (France 24, 17 septembre 2020). A compter du 15 septembre, pas un média qui ne titre sur l’information. Légitimement d’ailleurs, car c’en est une, et particulièrement choquante. Bien qu’assez récurrente, si l’on y regarde d’un peu plus près. La mise en cause de la République bolivarienne et de son président Nicolás Maduro sur le thème des « droits humains » ne réapparaît-elle pas en force tous les trois ou six mois ? La source de cette dernière mouture paraît toutefois incontestable : un trio d’« enquêteurs » mandatés par le Conseil des droits de l’Homme des Nations unies (ONUCDH) qui viennent de publier un rapport – « Les auteurs de crimes contre l’humanité doivent rendre des comptes » – contenant des preuves d’atrocités couvertes et même ordonnées par le président Maduro ainsi que des hauts responsables de son gouvernement.

C’est le 27 septembre 2019, après un rapport déjà particulièrement sévère présenté (le 5 juillet) par la Haute-Commissaire aux droits de l’Homme de l’ONU, la chilienne Michelle Bachelet, que le Conseil qu’elle dirige a décidé de créer en urgence une « Mission internationale indépendante » chargée d’un complément d’enquête sur les plus graves des violations des droits humains commises depuis 2014 au Venezuela [1]. Proposée par des pays du Groupe de Lima notoirement inféodés à Washington – Argentine (de l’ex-président Mauricio Macri), Brésil, Chili, Colombie, Guatemala, Honduras, Paraguay, Pérou, Canada –, soutenue par l’Union européenne, la résolution 42/25 ne fut néanmoins adoptée que grâce à une « majorité » des plus relatives : 19 voix pour, sept contre et 21 absentions. La Mission, est-il alors précisé, devra présenter un rapport sur les résultats de ses travaux au cours de la 45e session du Conseil, « en septembre 2020 ». Nous y voilà… Cette présentation aura lieu finalement dans le cadre d’un dialogue interactif, le mercredi 23. Mais, c’est une semaine auparavant que le résumé du Rapport [2], et moins souvent le Rapport lui-même (443 pages) [3] ont été communiqués aux médias. Dans le même temps, une visioconférence permettait à la cheffe des « enquêteurs », la portugaise Marta Valiñas, d’adresser son message aux « envoyés plus ou moins spéciaux ».

De ce document rédigé par « une équipe d’investigation qui a réalisé un travail titanesque » (d’après le quotidien espagnol El País), et des déclarations de Mme Valiñas, il ressort essentiellement que  : « Les autorités et les forces de sécurité vénézuéliennes ont, depuis 2014, planifié et exécuté de graves violations des droits de l’homme, dont certaines – y compris les exécutions arbitraires et le recours systématique à la torture – constituent des crimes contre l’humanité »  ; le Président Maduro et les ministres de l’Intérieur et de la Défense avaient connaissance de ces atrocités : « Ils ont donné des ordres, coordonné des activités et fourni des ressources pour faire avancer les plans et les politiques dans le cadre desquels les crimes ont été commis »  ; « d’autres juridictions, conformément à leurs lois nationales, ainsi que la Cour pénale internationale (CPI), devraient envisager des actions en justice contre les individus responsables des crimes identifiés par la Mission ».

« Un rapport onusien accuse Maduro de crimes contre l’humanité » titre en conséquence Le Monde, le 19 septembre 2020. Ecrit depuis Bogotá (capitale du Venezuela du président autoproclamé Juan Guaido), l’article détaille par le menu le rapport accablant : « Assassinats, disparitions forcées, torture, viols, violences sexuelles, traitements inhumains ». Le lecteur un tant soit peu attentif bute toutefois sur un détail intrigant : contrairement à tous ses confrères, qui mentionnent les « 5094 victimes des forces de sécurité » évoquées dans le Rapport, le quotidien du soir ne le fait pas. Question : pourquoi ce chiffre phare des « enquêteurs de l’ONU » n’apparaît-il pas ? « Elémentaire, mon cher Nixon ! », nous permettrons-nous de persifler...


 Le 5 octobre 2019, sous le titre « Massacre au goutte à goutte au Venezuela », le même Le Monde dénonçait spectaculairement sur une pleine page : « La force publique a tué environ 18 000 personnes depuis 2016, des exécutions extrajudiciaires pour la plupart. » Comment dès lors faire avaler au lecteur non amnésique que le quotidien dit de « référence » et chasseur de « fake news » passe en un an de « 18 000 victimes de Maduro depuis 2016 » à « 5 094 depuis 2014 » ? Les respectables journaleux se sont pris eux-mêmes au piège qu’ils tendent en permanence au Venezuela. Il ne leur reste qu’un recours pour dissimuler leur prouesse : escamoter la « vérité du moment ».

Moins précautionneux (ou plus « couillons » !), les 90 % de leurs confrères, qui eux aussi, il y a une douzaine de mois, ont fait leurs choux gras des « 18 000 exécutions », se font prendre la main dans le pot de confiture en passant totalement à côté de la contradiction.

Autre « star » de la manipulation permanente et, dans le cadre de cet épisode, de la récupération éhontée : Erika Guevara-Rosas, directrice du programme « Amériques » à Amnesty International. A travers un communiqué de l’organisation, elle se félicite : « Le rapport de la mission d’établissement des faits se fait l’écho des actes dénoncés ces dernières années par des organisations vénézuéliennes et internationales de défense des droits humains, et expose des informations détaillées sur ces actes [4] » Bizarre, vous avez dit Bizarre ? Le14 mai 2019, Amnesty dénonçait « au moins 8 000 exécutions extrajudiciaires – « dont huit ont fait l’objet d’un examen approfondi », précisait l’ONG – commises par les forces de sécurité vénézuéliennes entre 2015 et 2017 ». Si les informations de l’ONUCDH sont fiables, puisque « détaillées », il serait bon qu’Amnesty explique, ne serait-ce qu’aux militants qui la financent, des gens très majoritairement honnêtes, sincères et dévoués, d’où viennent les 3 000 morts supplémentaires qu’elle a attribué au gouvernement bolivarien sur une durée par ailleurs inférieure de trois années.

« Les victimes du gouvernement Maduro n’ont jamais été aussi proches de voir leurs tortionnaires devoir rendre des comptes », se félicite pour sa part José Miguel Vivanco, directeur « Amérique » de Human Rights Watch (HRW). C’est de cette institution financée entre autres par l’Open Society Foundations du banquier philanthrope (et véreux) George Soros [5] – qui lui a publiquement fait cadeau de 100 millions de dollars depuis 2010 – que sont sorties, le 18 septembre 2019, les fameuses « 18 000 exécutions extrajudiciaires » qui, par l’intermédiaire des médias, ont secoué l’opinion [6].
Ce n’est pas notre sujet et c’est d’ailleurs enfoncer une porte ouverte que de rappeler l’alignement systématique de cette organisation « paragouvernementale » sur les visées de la politique extérieure des Etats-Unis. Le 17 novembre 2019, son directeur Kenneth Roth légitimait l’action de la droite néolibérale et de l’extrême droite raciste boliviennes en saluant ainsi leur coup d’Etat réussi : « Evo Morales a été la victime d’une contre-révolution destinée à défendre la démocratie contre une fraude électorale et sa propre candidature illégale. L’armée lui a retiré son appui parce qu’elle n’était pas prête à tirer sur le peuple pour le maintenir au pouvoir. » Une fois l’objectif atteint, avec ses conséquences criminelles, il ne reste à HRW qu’à brouiller les pistes pour se dédouaner et restaurer sa crédibilité en « s’insurgeant », quelques mois plus tard, contre la peine « excessive » de vingt ans de prison dont le gouvernement de facto menace Evo Morales, le chef d’Etat renversé, accusé de « terrorisme et sédition » [
7].

S’agissant du Venezuela, le plus extravagant reste néanmoins à venir. Dans sa présentation du 5 juillet 2019 devant l’Organisation qu’elle dirige, la Haute-commissaire Bachelet dénonçait 5 287 morts imputables aux Forces de sécurité « pour la seule année 2018 » [8]. Une différence abyssale (et plutôt favorable à Caracas, pourrait-on s’amuser) avec les 5 094 meurtres depuis… 2014 » dernièrement annoncés. Deux chiffres absolument incompatibles, émanant du même prestigieux organisme : le Conseil des droits de l’Homme des Nations unies.
Contacté par nos soins sur l’incohérence de ces chiffres, l’ONUCDH nous a répondu en la personne de M. Fortune Conor, conseiller média de la Mission, en explicitant les seules données produites par cette dernière : « Selon les critères imposés par son mandat », celle-ci « n’a pu inclure que les chiffres relatifs aux cas sur lesquels elle a enquêté ou qu’elle a analysés directement – soit 54 cas d’exécutions extrajudiciaires (53 dans le cadre d’opérations de sécurité/contrôle social et un dans le cadre de manifestations). Mais ces cas illustrent des schémas plus larges – la Mission a également examiné 2 552 incidents supplémentaires impliquant 5 094 décès par les forces de sécurité, même si tous n’étaient pas nécessairement arbitraires. Dans les deux cas, cela ne veut pas dire qu’il s’agit du nombre total et exhaustif – c’est le nombre que la Mission a pu vérifier parmi les cas examinés. »
Du très approximatif, non ? Et qui – premier point sur lequel on pourrait s’arrêter – n’éclaire en rien le bilan exorbitant avancé par le précédent rapport de Mme Bachelet. Laquelle serait la bienvenue si elle s’en expliquait.

Un tel désordre devrait attirer l’attention. Il n’en est rien. Du Washington Post au Parisien, de CNN à Europe 1, du colombien El Tiempo à l’œcuménique La Croix, de Valeurs actuelles à France Inter etde Fox News à France Culture ou Libération, la logique de l’émotion et l’hostilité systématique à l’égard de la « révolution bolivarienne » prévalent sur le travail de vérification ou même la simple réflexion. Qu’on leur balance 18 000, 8 000, 5 000 morts (sur une période d’une ou six années), à quelques mois d’intervalle, ou pourquoi pas au même moment, peu importe aux petits soldats de la grande presse, écrite parlée et télévisée : ils diffusent. Ils ont leur content de morts et d’atrocités. Ils peuvent également se prévaloir de la quintessence de l’incurie.

Dans son rapport de l’an dernier sur la « répression de la dissidence pacifique » et ses fameuses 5 287 victimes en 2018, Mme Bachelet précisait : « L’information analysée par l’ONUCDH indique que beaucoup de ces morts violentes pourraient constituer des exécutions extrajudiciaires ».
Perdu au milieu du rapport de Human Right Watch qui a ameuté la planète sur les 18 000 martyres assassinés par les sbires de Maduro, on pouvait découvrir cette perle : « Personne n’a encore compilé des informations détaillées permettant de savoir si ces éliminations commises par les forces de sécurité ont été des exécutions extrajudiciaires, mais… (…) »

Même procédé dans le Rapport produit ces derniers jours par la Mission onusienne, comme on l’a vu précédemment dans la réponse que nous a fait M. Fortune Conor. « (…) La Mission a (…) également examiné plus de 2500 incidents supplémentaires impliquant plus de 5000 meurtres par les forces de sécurité, bien que tous n’aient pas nécessairement été arbitraires. »

Le vocabulaire n’a rien d’innocent (pas plus que le nombre des cas censément « analysés » et non simplement « examinés »). Un dangereux délinquant abattu dans des conditions « pas nécessairement arbitraires » n’est pas victime d’un « meurtre » mais sans doute ou peut-être du funeste résultat d’un violent affrontement. Ce que l’on peut pour le moins subodorer, à titre d’exemple, en lisant ces passages ($ 1061 et 1063) perdus au milieu des plus de 400 pages reprenant de A à Z le discours des franges les plus radicales de l’opposition vénézuélienne : « Début 2015, les gangs criminels opérant à El Cementerio, El Valle et Cota 905 auraient fusionné (…) En 2016, le gang comptait entre 70 et 120 membres, utilisant la Cota 905 comme base d’extorsion, d’enlèvement, de vol de véhicules et de trafic de drogue. Le gang disposait d’un arsenal important comprenant des grenades, des fusils et des armes légères. (…) Avant l’arrivée de l’OLP [Opérations pour la libération du peuple [9]] à La Cota 905 en juillet 2015, il y avait eu une série d’attaques contre la police de Caracas et une contre un membre du gouvernement. Le 5 juin 2015, cinq officiers de police ont été blessés par un groupe d’individus lourdement armés. Ce même mois, le 20 juin 2015, le véhicule blindé transportant le ministre des sports Pedro Infante a été attaqué à l’aide d’armes à feu, bien que personne n’ait été blessé. Le lendemain, 21 juin 2015, deux agents de la PNB [Police nationale bolivarienne] ont été blessés dans le secteur de Los Laureles. » Contexte qui permet à Mme Valiñas d’affirmer en conférence de presse que les « meurtres » (attribués à la « répression ») ont lieu « sous le couvert du combat contre la criminalité ». Sachant qu’elle n’a manifestement jamais entendu parler de la situation chaotique des Etats jouxtant la frontière colombienne, infestés de groupes paramilitaires infiltrés [10].

En tout état de cause, qu’on lise le document à l’endroit, à l’envers, en commençant par le haut ou par le bas, rien ne confirme le terrible bilan attribué aux forces de sécurité. Les affirmations péremptoires n’y sont justifiées que par une litanie de conditionnels : « Il existe des motifs raisonnables de croire que Maduro et ses ministres de l’Intérieur et de la Défense ont ordonné ou contribué… »  ; « La mission a trouvé des motifs raisonnables de croire que les autorités et les forces de sécurité vénézuéliennes… »  ; « La Mission trouve des motifs raisonnables de croire que des détentions arbitraires ont été utilisées pour attaquer des personnes en raison de leur affiliation politique, de leur participation, de leurs opinions, ou expressions pendant la période considérée. »
 

En ce qui nous concerne, nous avons des motifs raisonnables de croire qu’aucun jury d’Assises ne condamnerait un prévenu sur des bases aussi vaporeuses. Ce que confirment d’ailleurs les auteurs du Rapport lorsque, après avoir osé un extravagant « la Mission considère que les faits sont établis s’il existe des motifs raisonnables de les affirmer » (§ 1977)ils se doivent de concéder : « Les conclusions de la Mission n’équivalent pas à une condamnation pénale et les informations présentées ici sont, à bien des égards, inférieures à ce qui serait nécessaire pour obtenir une condamnation pénale. » On osait à peine le suggérer...

Par la voix de son ministre des Affaires étrangères Jorge Arreaza, Caracas a dénoncé un document « truffé de contrevérités, élaboré à distance, sans rigueur méthodologique par une mission fantôme dirigée contre le Venezuela et contrôlée par des gouvernements inféodés à Washington ». Un grand classique : qu’il soit de droite (Colombie, Bolivie) ou de gauche (Venezuela, Nicaragua, Equateur du temps de Rafael Correa), tout gouvernement rue dans les brancards quand il est pareillement mis en cause par l’ONUCDH ou, plus spécifiquement s’agissant de cette partie du monde, par la Cour interaméricaine des droits de l’Homme (CIDH), qui dépend d’une succursale de Washington, l’Organisation des Etats américains (OEA). Pour autant, et pour en rester au cas qui nous intéresse, rien ne permet d’affirmer que Caracas a tort par définition.

Trois « experts » ont mené cette « enquête ». Deux, Marta Valiñas (Portugal) et Paul Seils (Royaume-Uni), ont fait leur carrière sein de ce qui – la « défense des droits humains » – est devenu une vaste bureaucratie. Y « faire du chiffre » (comme, dans un autre registre, la police française du temps de Nicolas Sarkozy) et enchaîner les dénonciations globalement alignées sur la doxa géostratégique dite « occidentale » permettent de s’y assurer une trajectoire professionnelle réussie. Compte tenu des luttes d’influence et des rapports de force au sein de l’ONU et de son Conseil des droits de l’Homme, une investigation par trop en décalage avec les « attentes » des commanditaires rendrait hautement aléatoire la perspective d’un nouveau poste ou d’une autre Mission (assez confortablement rémunérés).

Marta Valiñas, donc, est passée de diverses ONG à l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) [11] et à la Cour pénale internationale (CPI). Paul Seils a pour sa part travaillé pour l’ONUCDH, la CPI et l’Institut européen de la paix (IEP), dont il est l’actuel vice-président. Créé en 2014 par neuf ministres européens des Affaires étrangères [12], l’IEP s’inspire des modèles de l’US Institute of Peace, outil du gouvernement américain, et de Swisspeace, son équivalent helvétique. La « société civile » n’a pas grande implication là-dedans.

Dernier pilier du trio de limiers « indépendants », le chilien Francisco Cox Vial a lui été employé au sein du « Programme de justice internationale » de… Human Right Watch ainsi que par la CIDH (sur le cas des 43 étudiants mexicains disparus à Ayotzinapa) ; en tant qu’avocat pénal, il a défendu dans son pays nombre de notables de la droite dure et patronale parmi lesquels, en 2019, la ministre de l’Education du gouvernement de Sebastián Piñera, Marcela Cubillos. Fille du premier ministre des Affaires étrangères de la dictature du général Pinochet, celle-ci était sous le coup d’une « accusation constitutionnelle » présentée par le Parti socialiste à la Chambre des députés [13]. Finalement blanchie (par 77 voix contre 73), la « pinochettiste » assumée a démissionné le 28 février 2020 et a rejoint depuis la campagne menée par la droite dure contre un changement de Constitution.
 Le 25 octobre 2019, alors qu’une répression policière féroce éborgnait, mutilait et tuait au cœur des foules chiliennes défilant et manifestant, Cox Vial s’est distingué dans un entretien accordé au quotidien La Tercera en niant contre toute évidence le viol systématique des droits humains, en affirmant « les institutions et l’Etat ont fonctionné » et en défendant le gouvernement Piñera [
14].

C’est à distance, sans jamais pénétrer sur le territoire vénézuélien, et en contexte de pandémie limitant les déplacements et les rencontres depuis de longs mois, que les limiers de la Mission ont enregistré les 274 témoignages de victimes directes, de leurs proches, de témoins, d’ex-fonctionnaires de l’Etat bolivarien, d’avocats, de représentants d’ONG, de rapports, de « documents confidentiels », sans parler des « sources ouvertes » (lire : les médias d’opposition).
Interrogé par la chaîne télévisée EVTV, de Miami, sur la manière dont la Mission a établi le contact avec ces accusateurs, Cox Vial a révélé : « Nous avons lancé un appel public pour que l’information nous soit communiquée. Il y avait des intermédiaires, des personnes qui se sont connectées par le biais du site web ; c’est de nombreuses manières différentes que ces sources nous sont parvenues (...) Tous, pour des raisons de sécurité, ont parlé de manière anonyme [
15]. » Sans vouloir se montrer trop tatillon, on se permettra de noter que, côté rigueur scientifique et objectivité des sources, ce type de procédure engendre davantage de problèmes qu’il n’en résout.
 
Dans le même entretien, Cox Vial a refusé de révéler le nombre de fonctionnaires actifs ayant collaboré pour dénoncer le « chavisme » et ses crimes contre l’Humanité. Pourtant, le rapport allègue de leur participation avec une particulière insistance. De même qu’il laisse une place de choix, pour ne pas dire qu’il élève au rang de « star », un ex-responsable éminent du « régime », l’ancien directeur du Service national de renseignement bolivarien (SEBIN), le général Christopher Figuera. Evoquant avoir découvert une « culture de la torture » à son arrivée dans l’institution, celui-ci « a déclaré à la Mission que le président Maduro décidait qui devait être torturé, qui devait rester en détention et qui pouvait être libéré. » Du « très lourd », comme on dit.

Pour la petite (ou la Grande) histoire, et s’agissant de cet ex-général, on précisera ici quelques détails pas forcément secondaires. Aide de camp d’Hugo Chávez pendant douze ans, Figuera est devenu directeur de la Direction générale du contre-espionnage militaire (DGCIM) en 2017, puis du SEBIN le 30 octobre 2018 (après que son prédécesseur, le général Gustavo González López, ait été déplacé de la fonction suite au décès de Fernando Albán, conseiller municipal du parti d’opposition Primero Justicia, mort en tombant de la fenêtre du dixième étage d’un immeuble du SEBIN où il était détenu ; le gouvernement affirma qu’il s’agissait d’un suicide, l’opposition dénonça un assassinat).
Dès le 15 février 2019, Figuera tombe sous le coup de sanctions étatsuniennes (Executive Order n° 13692) pour son rôle de chef d’une institution réprimant « ceux qui veulent un changement démocratique au Venezuela ». Confronté à ce type de menace, chacun se retrouve face à sa conscience et se soumet ou pas. Figuera choisit de basculer. Le 30 avril 2019, il participe à l’ « Opération Liberté », une tentative de coup d’Etat menée par Juan Guaido qu’accompagne un groupuscule de militaires. Une escouade des fonctionnaires du SEBIN libère l’un des chefs emblématiques de l’opposition, Leopoldo López, assigné à résidence en vertu de l’assouplissement d’une condamnation à 13 ans et 6 mois de prison pour son rôle dans le déclenchement des « guarimbas » (violence insurrectionnelle) de 2014 (43 morts, dont neuf policiers, et plus de 800 blessés). Toutefois, le « pronunciamiento » échoue. Tandis que López se réfugie dans l’ambassade d’Espagne, Figuera disparaît. Quelques jours plus tard, il rejoint sa famille préalablement mise à l’abri à Miami, où il est accueilli à bras ouverts par ceux qui la veille le traitaient d’assassin.

La défection du général est confirmée le 7 mai par le vice-président américain Mike Pence en personne, qui annonce la levée « immédiate » des sanctions le concernant. Depuis Bogotá (plus que jamais capitale du Venezuela de Guaido), l’ambassade des Etats-Unis communique : « La mesure adoptée aujourd’hui en accord avec le Département d’Etat démontre que les sanctions américaines ne sont pas nécessairement permanentes et ont comme objectif de favoriser un changement positif de conduite [16]. » Washington confirme, à l’intention des membres des Forces armées nationales bolivariennes (FANB) : « Il s’agit là d’un exemple à suivre ». Dès lors, Figuera remplit à la perfection le contrat de « collaborateur » qui lui garantit un séjour serein plutôt qu’un cul-de-basse-fosse au Pays de la Liberté. Multipliant les accusations spectaculaires contre Maduro et son entourage, il va jusqu’à « révéler » que le groupe « terroriste » libanais du Hezbollah opère à Caracas, à Maracay et dans la région insulaire de Nueva Esparta, avec la bénédiction du gouvernement.

S’agit-il là d’un témoin hautement crédible ? Peut-être bien que oui, mais sûrement que non. N’importe qui en conviendrait. Même nos aventuriers des droits de l’Homme perdus. « La Mission est consciente de son rôle reconnu dans la tentative de coup d’Etat d’avril 2019 et de son intention exprimée d’impliquer le président Maduro dans la commission de crimes graves », note-t-elle en préambule (§ 15). Néanmoins, « la Mission s’est appuyée sur certaines des informations fournies par M. Figuera, citées tout au long de ce rapport, en appliquant le critère de la preuve raisonnable. Ce faisant, la Mission note que d’autres informations reçues, y compris d’autres initiés – anonymes, témoins oculaires, sources vérifiables et vérifiées, repentis, délateurs récompensés ? –, corroborent certaines parties des déclarations fournies par M. Figuera et que les informations fournies par le général Figuera étaient, à première vue, cohérentes et plausibles sur le plan interne.  » D’autant que (c’était couru d’avance, ça ne pouvait pas se terminer autrement) : « La Mission n’a pas eu connaissance de plaintes de torture pendant la période où il était directeur. »

Dans sa logique a géométrie très variable, la Mission évacue le fait que Figuera a également dirigé la Direction générale du contre-espionnage militaire (DGCIM), qu’elle met autant en cause que le SEBIN tout au long de son document, et en particulier dans le passage suivant : « Les commandants, y compris les autorités de haut niveau au sein du SEBIN et de la DGCIM, avaient pleinement connaissance de ce type de crimes, qui se produisaient souvent dans les bâtiments mêmes où ils travaillaient. »
Autre détail amusant : le 6 mai 2019, alors qu’il est toujours attaqué par certaines ONG pour son rôle passé au sein de l’appareil bolivarien, Figuera répond au quotidien de droite espagnol ABC : « Elles le font pour justifier les fonds que leur assigne l’USAID » (une agence officielle étatsunienne liée au Département d’Etat) [
17].

Egalement victimes de la répression (§ 257) : les militaires et leurs associés. Dans son intention de blanchir les actions criminelles auxquelles le pouvoir a dû répondre, la Mission n’a pas peur de se ridiculiser. Qu’on en juge : « Depuis 2017, il y a eu un certain nombre d’arrestations d’officiers militaires en exercice et retraités, qui auraient été impliqués dans des tentatives de coup d’Etat visant à renverser le gouvernement du président Maduro. Le nombre de conspirations présumées a augmenté, de même que le nombre d’actes d’opérations de contre-espionnage à leur encontre [18]  ». Une réaction manifestement excessive ! Pourquoi le pouvoir, après s’être laissé déstabiliser, ne se contente-t-il pas de capituler ?


 A ajouter au passif : « Des civils ont également été tués, à la suite d’opérations militaires, comme celle menée dans la sous-région de Barlovento, dans l’Etat de Miranda, à la mi-octobre 2016, peut-on lire dans le résumé du Rapport, l’élément le plus communément survolé par les médias. Celle-ci s’est terminée par un massacre après que des soldats aient arbitrairement détenu 35 hommes, dont certains ont disparu et ont été torturés. Douze victimes, toutes âgées de 30 ans ou moins, ont été exécutées extrajudiciairement et enterrées dans des fosses communes. Deux d’entre elles avaient des balles qui leur avaient transpercé le crâne et dix autres avaient probablement des blessures à la machette à la poitrine, au cou et à la tête. »

Un détail manque (brièvement mentionné dans le Rapport complet) à ce récit terrifiant : dès que les faits ont été dénoncés par des proches des victimes, une enquête a été diligentée. C’est l’unité d’investigations scientifiques, pénales et criminelles (CICPC) qui, le 25 novembre 2016, a découvert les fosses communes. Depuis février 2017, douze soldats appartenant au Bataillon 323 de la Caraïbe sont incarcérés. Deux d’entre eux ont été condamnes à vingt-deux ans et neuf mois de prison (le Ministère public a fait appel et en réclame vingt-six). Les procès des autres militaires, dont le lieutenant-colonel Rojas Córdova, sont toujours en cours. Vous avez dit « impunité » systématique ?

D’après le procureur général William Saab, 565 fonctionnaires des corps de sécurité de l’Etat ont été inculpés depuis août 2017, parmi lesquels 31 civils, 143 membres du CICPC et 138 de la Police nationale bolivarienne (PNB), pour homicide, torture, traitement cruel et inhumain, privation de liberté ; 127 agents de la sécurité de l’Etat et 13 civils ont été condamnés, dont 36 de la PNB et 26 de la Garde nationale bolivarienne (GNB).

Nul n’est tenu de croire Saab à 100 %. Toutefois, on ne voit pas en quoi seraient davantage crédibles un certain nombre des ONG vénézuéliennes qui ont alimenté le Rapport de leurs témoignages « accablants » : le Comité des familles des victimes du Caracazo (COFAVIC, financé par la Fondation Konrad Adenauer et l’USAID) ; le Centre de Justice et paix (CEPAZ, tributaire de fonds de l’Union européenne) ; l’Association civile contrôle citoyen (liée au Département d’Etat américain) ; le Forum pénal (dépendant financièrement de Freedom House) ; Espace public (l’USAID et Freedom House à nouveau) ; etc…


 Et, au fait… Quid l’ex-procureure générale Luisa Ortega, titulaire de la fonction durant dix années avant d’être destituée le 5 août 2017 et de faire défection ? Elle a été haïe pour son action « répressive » pendant les « guarimbas » de 2014 qu’elle jugeait alors (à juste titre, de notre point de vue) « violentes, agressives, mettant en danger la liberté de ceux qui n’y participent pas » et « financées par les Etats-Unis », avant de faire emprisonner et condamner Leopoldo López, le héros des opposantsS’étant démarquée du pouvoir, accusée conjointement avec son époux Germán Ferrer (député du Parti socialiste unifié du Venezuela ; PSUV) de corruption et extorsion à la tête du Ministère public, elle s’est enfuie en Colombie. Elle y siège désormais en tant que « procureure générale en exil » au sein du Tribunal suprême de justice (TSJ) fantoche, dépourvu de tout pouvoir, mis en place par Guaido dans l’enceinte du Parlement du pays voisin. Ortega est donc désormais une amie. A ce titre, elle est citée à plusieurs reprises dans le Rapport qu’elle a nourri de ses accusations, mais pas pour son rôle dans l’ « atroce » répression des « guarimbas (sur laquelle elle ne s’exprime pas, laissant à d’autres le soin de les dénoncer).


 L’un des principaux arguments développé par la Mission a été d’expliquer que, si elle n’a pu enquêter sur le terrain – ce que lui reproche vivement Caracas –, c’est précisément parce que le gouvernement vénézuélien ne l’a pas autorisée à entrer dans le pays. Ce qui est vrai. Dès avant le vote entérinant la création de cette Mission, l’ambassadeur vénézuélien auprès de l’ONU, Jorge Valero, avait averti que son pays n’entendait pas coopérer avec les enquêteurs, soulignant que Caracas avait mis sur pied une « coopération technique » avec la Haute-Commissaire aux droits humains Michelle Bachelet. Ce qui est vrai aussi ! « L’imposition de mécanismes de surveillance supplémentaires ne comptera jamais sur le consentement de mon pays », ajouta donc Valero.

Là n’est pas le moindre paradoxe d’une période marquée, quoi qu’on en pense, par une incontestable décrispation. Le 31 août, fruit des négociations menées avec la faction grandissante de la droite qui, lasse des extravagances « Trumpo-Guaidoliennes », entend participer aux élections législatives prévues le 6 décembre prochain, le président Maduro a gracié cent dix opposants, élus, activistes et militants poursuivis ou condamnés pour délits à caractère politique. Le 14 septembre, alors que n’avait pas encore explosé la bombe de la « Mission des enquêteurs indépendants », Mme Bachelet se félicitait de cet élargissement et annonçait que le pacte signé un an auparavant entre son Bureau et le gouvernement bolivarien allait être renouvelé d’un commun accord pour une année afin d’accentuer la coopération engagée, grâce à un déploiement renforcé de six fonctionnaires de l’ONU dans le pays. Au cours de la semaine précédente, précisa Mme Bachelet, ses fonctionnaires (présents sur place, eux) avaient visité les sièges du SEBIN et de la DGCIM, s’y entretenant avec trente-neuf personnes emprisonnées pour raisons politiques. Elle souligna qu’au cours des douze derniers mois, ont été réalisées quatorze visites de prisons. « Ces visites ont constitué un saut qualitatif remarquable. J’espère que cette pratique constructive se poursuivra et servira à améliorer la condition des détenus et que d’autres centres emblématiques pourront être visités prochainement. »
Le rôle ambigu de Mme Bachelet à l’égard du Venezuela ne doit pas empêcher de souligner cette avancée [
19]. On peut d’ailleurs subodorer que la substance ravageuse du Rapport, fruit d’une initiative du Groupe de Lima, a entre autres objectifs de torpiller ces relations de dialogue entamées avec le gouvernement Maduro. Certes, si elles se poursuivent, ces relations permettront une amélioration de la protection des droits humains. Mais, en réalité, il s’agit là de la dernière des préoccupations de Washington et du camp Guaido (Donald Trump ne menace-t-il pas pas de sanctions les magistrats de la CPI qui oseraient s’en prendre aux Etats-Unis ?). Tous n’ont qu’un objectif : faire « tomber » Maduro et, à travers lui, le « chavisme ». Ce Rapport dit « de l’ONU » sert à merveille leurs desseins. Quarante-cinq fonctionnaires de l’administration vénézuélienne y sont nommément accusés – les plus mentionnés s’appelant Nicolás Maduro (cité 335 fois) et le président de l’Assemblée nationale constituante Diosdado Cabello (mis en cause 66 fois).

Un tel éclairage concernant un chef d’Etat en exercice est sans précédent dans la région. « En Amérique latine, plusieurs ont été signalés par différentes organisations, d’anciens gouvernements au Guatemala, au Pérou, au Honduras, au Chili, en Argentine, dans d’autres pays, a confié Valiñas en conférence de presse, manifestement très satisfaite de son rôle dans cette opération. Mais si nous parlons d’être identifiés par une Mission de détermination des faits de l’ONU, non, ça n’était jamais arrivé. » Dans quelques jours, Guaido reprendra l’argument avec délectation.
En ce sens, les réactions engendrées par la publication du Rapport seront sans surprise. Lors d’un point téléphonique avec des journalistes, le secrétaire d’Etat américain Mike Pompeo l’a qualifié d’ « extraordinaire », prouvant, s’il était encore nécessaire, qu’il n’y a que les imbéciles qui ne changent pas d’avis. Le 20 juin, Pompeo accusait d’hypocrisie le Conseil des droits de l’Homme de l’ONU – dont les Etats-Unis se sont retirés en 2018 –suite au vote d’une résolution condamnant le racisme et les violences ayant suivi la mort de George Floyd. Maduro a « anéanti son propre peuple » et « doit partir », a ajouté Pompeo le 18 septembre depuis le Guyana, lors d’une tournée de quatre jours en Amérique du Sud, qui l’a également amené au Suriname ainsi qu’au Brésil et en Colombie des très droitiers présidents Jair Bolsonaro et Iván Duque. Sur quatre pays, trois frontaliers du Venezuela, qui constitua le centre des conversations.

Lors de sa dernière étape, à Bogotá, Pompeo se tenait tout sourires aux côtés de Duque quand celui-ci, au cours d’une conférence de presse surréaliste dans un pays où les dirigeants sociaux et populaires « se font tirer comme des lapins », a appelé la communauté internationale à agir contre son homologue vénézuélien en raison de ses « crimes contre l’humanité ».

Dans cette perspective désormais agitée en permanence, l’impérialisme et les extrémistes vénézuéliens peuvent s’appuyer sur la caution de leurs chiens de garde qui, depuis des lustres, préparent les opinions publiques du monde entier.

Dans un Tweet, le directeur « Amériques » de Human Right Watch (HRW), José Miguel Vivanco, a considéré comme « découverte la plus notable » de cette enquête le fait que Maduro en personne et ses ministres de l’Intérieur (Néstor Reverol) et de la Défense (Vladimir Padrino López) soient désignés comme les instigateurs de « crimes aberrants ».

Comme HRW, Amnesty International bénéficie d’un statut consultatif spécial aux Nations unies. Le 20 mai 2019, appuyant elle aussi le Groupe de Lima, elle a recommandé la création de la fameuse commission d’enquête par le Conseil des droits de l’homme et « l’activation de la compétence universelle ». Cette procédure du droit international estime que n’importe quel Etat est compétent pour la poursuite et le jugement d’un crime, même si celui-ci n’a pas été commis sur son territoire, ou a été commis par une personne étrangère à l’encontre d’une victime étrangère, sans que cet Etat lui-même soit la victime de l’infraction. A court ou moyen terme, une arme de plus dans l’obscène « chasse au Maduro » – dont la tête a déjà été mise à prix quand l’administration Trump, en mars dernier, a offert 15 millions de dollars (12,6 millions d’euros) pour toute information pouvant conduire à sa capture !

« Disons que si Maduro se rend la semaine prochaine dans un pays qui accepte le principe de la compétence universelle, commente Marco Roscini, professeur de droit international de l’Université de Westminster, il pourrait théoriquement être arrêté dès son arrivée, si un tribunal ou un procureur en décide ainsi. Le problème est que Maduro est un président en exercice, il bénéficie donc de l’immunité présidentielle (…) Toutefois, après avoir quitté ses fonctions, s’il le fait un jour, il pourrait être poursuivi dans un autre pays du monde par un tribunal national pour les crimes contre l’humanité qu’il a commis lorsqu’il était président [20] »

A travers une conférence de presse informelle donnée sur l’application Zoom, depuis sa luxueuse chambre d’hôtel, à Washington, en marge de la 75e Assemblée générale de l’Organisation des Nations unies (au sein de laquelle s’est officiellement exprimé le président légitime de la République bolivarienne du Venezuela, Nicolás Maduro), Guaido en a appelé à la mise en œuvre de la « Responsabilité de protéger » (« Responsibility To Protect » ou R2P), les mécanismes qu’il a qualifié de « diplomatie préventive » étant « épuisés ». Sans préciser s’il envisageait des conséquences aussi globalement positives pour la population que celles constatées dans un autre pays récemment « protégé », la Libye, le secrétaire général de l’Organisation des Etats américains (OEA), Luis Almagro, a vigoureusement appuyé l’idée : « Dans le domaine des droits de l’homme, la rapidité d’action des organes impliqués dans leur défense est urgente. C’est littéralement une question de vie ou de mort », a-t-il déclaré.

Prévu à l’origine pour être révélé le 23 septembre, ce Rapport « dévastateur », on l’a vu, a été précipitamment porté à la connaissance des médias et du public dès le 14. Une course de vitesse était en effet engagée. Pompeo avait besoin de ces « révélations » spectaculaires pour donner du relief aux objectifs de sa tournée sud-américaine et re-légitimer ses peu reluisants alliés d’extrême droite, Duque et Bolsonaro.

Par ailleurs, et surtout, il s’agit désormais d’exercer une forte pression sur l’Union européenne. Jusque-là inconditionnellement alignée sur Washington, celle-ci laisse apparaître des signes de distanciation. Comme il l’a fait avec l’ONU, le pouvoir vénézuélien lui a demandé d’envoyer des observateurs lors des élections législatives de décembre prochain. Jusque-là sans résultat. « Les conditions pour des élections transparentes ne sont pas réunies, a répondu en substance le chef de la diplomatie européenne Josep Borell et, bien que cette échéance conforme à la Constitution ait été annoncée par Caracas depuis plusieurs mois, « les délais sont trop courts pour organiser une mission d’observation d’ici le 6 décembre prochain ». Une déclaration audacieuse : s’agissant du scrutin présidentiel bolivien du… 18 octobre, sous la coupe d’un gouvernement de facto issu d’un coup d’Etat, ce problème de « délais » ne s’est jamais posé !


Toutefois, estimant encourageantes les mesures de libération d’opposants annoncée par Maduro, la ministre des Affaires étrangères espagnole Arancha González Laya vient de déclarer que son pays « pourrait appuyer le processus électoral ». Même Paris, on le sait de source sûre, se pose des questions : on y estime à présent que l’« aventure Guaido » a piteusement échoué et que, en voulant la perpétrer, les Etats-Unis se fourvoient. On jouerait volontiers, au Quai d’Orsay, voire à l’Elysée, la carte Henrique Capriles. Dirigeant historique de l’opposition, candidat de la droite à la présidence en 2012 et 2013, contre Chávez puis Maduro, celui-ci, le 2 septembre, s’est prononcé pour une participation massive aux législatives, que prétendent boycotter le président autoproclamé et les siens.
Même la Conférence épiscopale vénézuélienne, l’un des secteurs traditionnellement les plus anti-chavistes du pays, semble avoir abandonné ses rêveries purificatrices en publiant un communiqué dans lequel elle demande à l’opposition de prendre ses responsabilités et de rejeter l’abstention. La voie interventionniste et insurrectionnelle semble prendre l’eau.

Or, pour en revenir aux préoccupations de la Maison-Blanche, le 17 septembre, doit débuter une réunion par vidéoconférence du Groupe international de contact (GIC) sur le Venezuela – lequel rassemble des pays européens (dont le Royaume-Uni, la France, l’Allemagne, l’Espagne et l’Italie) et latino-américains [21].
Fort opportunément tombe du ciel le Maduro marqué du signe de « la Bête » qui doit permettre à Washington de garder la maîtrise du jeu.

Au nom de l’Espagne, González Laya qualifie de « préoccupant » le Rapport de la Mission. Fort des révélations qu’il contient, le porte-parole du groupe parlementaire CDU/CSU pour la politique étrangère au Bundestag, l’allemand Jürgen Hardt, intime à Maduro de « rendre le pouvoir au président légitime, Juan Guaido »  ; « une réponse convaincante de l’Union européenne et de ses alliés est nécessaire », intime-t-il aussitôt. Objectif atteint : dès le 17, malgré les réticences de l’Argentine, les membres du GIC expriment leur soutien au travail du Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme et de la Mission d’enquête indépendante, expriment leur profonde inquiétude quant aux violations des droits humains au Venezuela, avant de trancher : « Pour l’instant, les conditions pour un processus électoral transparent, inclusif, libre et juste ne sont pas réunies »

Depuis, Borrell a fait savoir que, une « fenêtre d’opportunité » existant, il a « reçu des appuis » pour la poursuite de conversations destinées à obtenir de Caracas une nouvelle date de scrutin. Une mission diplomatique et « technique » de l’UE s’est envolée à cet effet le 24 septembre pour le Venezuela.
Par la voix de Manfred Weber, son président de groupe au Parlement européen, le très conservateur Parti populaire européen (PPE) a exprimé sa préoccupation et demandé des explications à Borrell en invoquant le désormais célèbre rapport de l’ONU et une possible saisine de la CPI : « Légitimer le dictateur Maduro et lui offrir une quelconque perspective de normalité internationale serait inacceptable. » Pour le Département d’Etat, la sous-secrétaire adjointe du Bureau de l’Hémisphère occidental (l’Amérique latine), Carrie Filipetti, a manifesté une réprobation plus menaçante que diplomatique : « Nous espérons que ce message est vraiment clair pour nos partenaires internationaux, et en particulier pour le Haut Représentant Borrell, qui doit comprendre que ce ne sont pas des gens qui vont tenir des élections libres et équitables. Ce sont des meurtriers, des tyrans et des terroristes. Nous ne devrions pas être en train de négocier avec eux. »
N’écartant pour sa part aucune éventualité, Elliott Abrams, l’homme qui dirige l’intensification de l’étranglement économique du Venezuela, a prévenu l’UE : « Des élections frauduleuses ne sont pas moins frauduleuses si elles ont lieu dans quelques mois. » 

Pour faire bonne mesure (et en attendant « mieux ») Washington a annoncé le 22 septembre que cinq premiers dirigeants de l’opposition décidée à jouer « la démocratie » tombent sous le coup de ses sanctions « pour leur complicité dans les tentatives de Maduro de déposséder le peuple du Venezuela de son droit de choisir ses dirigeants lors d’élections libres et équitables (…) En agissant de la sorte, ces individus concourent aux tentatives grossières d’un dictateur désespéré et illégitime pour s’emparer du pouvoir de facto et de le conserver », sachant que, « le 16 septembre, une mission d’enquête indépendante de l’ONU mise en place par le Conseil des droits de l’homme a fait état d’horribles violations des droits de l’homme sous le régime illégitime [22]  ».

Tout sauf le vote ! Tout sauf une Assemblée nationale renouvelée, légitime et en état de fonctionner ! A travers l’instrumentalisation des « droits de l’Homme », tel est le jeu des rouages qui font aller le Venezuela comme il va.


[1Organe intergouvernemental, le Conseil des droits de l’Homme est composé de 47 Etats élus au scrutin secret, pour un mandat de trois ans, par l’Assemblée générale des Nations Unies.

[2https://news.un.org/fr/story/2020/09/1077352

[3« Conclusiones detalladas de la Misión internacional independiente de determinación de los hechos sobre la República Bolivariana de Venezuela », Consejo de Derechos Humanos, A/HRC/45/33CRP.11, 15 de septiembre de 2020 (document disponible uniquement en espagnol et en anglais).

[4« Venezuela. Un rapport choc de l’ONU vient étayer les accusations de crimes contre l’humanité et désigne les auteurs présumés », Amnesty International, 16 septembre 2020.

[5Le 16 septembre 1992, à la tête de son fond spéculatif Quantum, établi dans un paradis fiscal des Antilles néerlandaises, Soros a lancé un raid éclair sur la Banque d’Angleterre (la banque centrale du Royaume-Uni), la pillant de 1,1 milliard de livres en une seule journée.

[6https://www.hrw.org/news/2019/09/18/venezuela-extrajudicial-killings-poor-areas

[7https://www.hrw.org/es/news/2020/09/11/bolivia-abuso-del-sistema-de-justicia-para-perseguir-opositores

[8Lire « Venezuela : Aux sources de la désinformation » – http://www.medelu.org/Venezuela-aux-sources-de-la-desinformation

[9Opérations policières mises en place pour lutter contre la criminalité.

[10A l’heure où nous rédigeons cet article, un affrontement avec un groupe de dissidents des Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC) ou de paramilitaires aurait, dans l’Etat d’Apure, fait 15 victimes parmi ces derniers et 4 au sein des Forces de sécurité.

[11Organisation issue en 1995 de l’ensemble des négociations tenues à partir de 1973 sous l’appellation de CSCE [Conférence sur la sécurité et la coopération en Europe]) entre les Etats européens, le Canada et les Etats-Unis, afin d’établir un système de sécurité et de coopération en Europe. La CSCE avait elle-même adopté l’Acte final du Sommet d’Helsinki (1975) précisant les principes régissant les relations entre les Etats signataires, dont l’URSS et ses alliés (notamment l’inviolabilité des frontières et le respect des droits de l’homme).

[12Belgique, Finlande, Italie, Hongrie, Luxembourg, Pologne, Espagne, Suède, Confédération helvétique.

[13Dans le système chilien, l’ « accusation constitutionnelle » est un processus de nature juridique et politique, semblable au processus de destitution.

[14http://revistadefrente.cl/aca-chile-el-estado-ha-funcionado-francisco-cox-vial-uno-de-los-abogados-del-infome-de-la-onu-sobre-derechos-humanos-en-venezuela/

[15https://evtvmiami.com/exclusiva-cox-desde-el-regimen-delataron-a-nicolas-maduro/

[16https://co.usembassy.gov/es/el-tesoro-cancela-sanciones-impuestas-a-ex-alto-funcionario-de-inteligencia-venezolano-tras-su-ruptura-publica-con-maduro-y-destitucion/

[17https://www.abc.es/internacional/abci-nuevo-mensaje-general-cristopher-figuera-redes-sociales-201906052114_noticia.html

[18 « Le nombre d’opérations ou de coups d’Etat allégués par de hauts fonctionnaires du gouvernement, note le rapport, est passé de 3 entre 2014 et 2016 à au moins 16 entre 2017 et 2020. Cela s’ajoute à d’autres cas de conspirations militaires présumées en dehors du cadre d’une opération spécifique. »

[19http://www.medelu.org/Michelle-Bachelet-la-Chilienne-qui-a-oublie-d-ou-elle-vient

[20 BBC News, Londres, 17 septembre 2020.

[21Côté « latino », le Costa Rica, l’Equateur et le Panamá font partie de ce GIC créé le 7 février 2019 à l’initiative du Mexique et de l’Uruguay ; l’Argentine (de centre gauche) vient de le rejoindre, tandis que la Bolivie (d’extrême droite) l’a quitté.

[22https://translations.state.gov/2020/09/22/les-etats-unis-sanctionnent-de-nouvelles-personnes-impliquees-dans-les-tentatives-du-regime-illegitime-de-maduro-de-corrompre-les-elections-democratiques-au-venezuela/

 

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30 septembre 2020 3 30 /09 /septembre /2020 16:04
Joe Slovo

Joe Slovo

JOE SLOVO , secrétaire général du Parti communiste d'Afrique du Sud

Joe Slovo, né en 1926 à en Lituanie et mort à 68 ans en 1995 à Johannesburg. Il a été chef du Parti communiste sud-africain (South African Communist Party, SACP), et membre du Congrès national africain (African National Congress, ANC).

"Pour les Sud-Africains puritains et calvinistes , ce juif athée avait tout du traître : cosmopolite , communiste et , surtout , blanc ayant pris fait et cause pour la dignité des Noirs . Il était à peine mieux connu de ses partisans . Beaucoup d'entre eux furent surpris à son retour au pays , après un exil de près de trente ans , de voir apparaître un blanc sous ce nom de Slovo à la consonance vaguement africaine. " ( Le Monde )

" Joe Slovo ( Yossel Mashel Slovo , de son véritable nom ) était né en 1926 , dans une modeste famille juive de Lituanie . Il arrive en Afrique du Sud à l'âge de neuf ans . Etudiant en droit , puis avocat , il adhère au Parti communiste dès les années 40 , après un bref détour par l'armée sud-africaine qui lutte en Afrique du Nord contre les troupes de l'Axe . De retour à Johannesburg , il épouse , en 1949 , Ruth First , fille du trésorier du Parti communiste sud-africain (SACP).

L'Etat n'est guère tendre pour ceux qui s'opposent à la mise en place de l'apartheid , politique officielle de l'Afrique du Sud depuis la victoire du Parti national (NP) aux élections de 1948. Joe Slovo court de procès en procès , comme avocat , et bientôt comme inculpé , membre dirigeant du Parti communiste , puis des organisations que lui et ses amis animent pour résister à l'étouffement politique qui gagne le pays .

En 1960 , les émeutes de Sharpeville marquent le tournant vers la lutte armée. Dans son autobiographie , Nelson Mandela révèle que le Parti communiste interdit n'y était pas favorable , persuadé que la « voie démocratique » n'était pas encore totalement bouchée . Quoi qu'il en soit , l'organisation militaire de l'ANC , "Umkhonto we Sizwe" ( le Fer de lance de la nation ), est fondée . Joe Slovo , aux côtés de Nelson Mandela , en est l'un des dirigeants ( np : ce dernier sera arrêté en aout 62 au retour d'un périple africain puis d'un séjours à la frontière algéro-marocaine où il a reçu une courte formation militaire de la part de cadres FLN , il est aussi fait mention d'un autre entraînement militaire reçu en Ethiopie ; quant à Slovo , il est passé dans la clandestinité et quitte le pays en juin 1963 .)

Le parcours de Joe Slovo est alors peu connu . On le reverra dans plusieurs capitales d'Afrique où il dirige les activités militaires de l'ANC et où le traquent les services sud-africains. En 1982 , à Maputo , sa femme , Ruth First ( np : membre du PCSA , journaliste , anthropologue , chercheuse sud-africaine , connue pour son engagement dans la lutte contre l'apartheid . Ses parents , Julius et Mathilda First , immigrés juifs arrivés de Lituanie en 1906 furent membres fondateurs du Parti communiste sud-africain ) , est tuée par l'explosion d'un colis piégé qui lui était destiné ." ( Le Monde )
( Le colis en question fut un envoi des Services secrets de Pretoria ... )

" Slovo reste partisan , pendant toutes ces années , d'un lien fort avec l'Union soviétique." ( Wikipédia )

" En 1985 , Joe Slovo devient le premier Blanc à faire partie de la direction nationale de l'ANC , poste qu'il cumule alors avec celui de chef d'état-major d'Umkhonto we Sizwe et celui de membre du conseil politico-militaire . Un an plus tard , il devient secrétaire général du Parti communiste sud-africain .

Cette période marque le début des tractations secrètes entre l'organisation nationaliste et les émissaires les plus éclairés de l'Afrique du Sud blanche . Là encore , le rôle exact de Joe Slovo reste à établir . Revenu d'exil en 1990 , membre de la délégation qui négocie avec le gouvernement , il est celui qui , à Durban , un an plus tard , au congrès de l'ANC , propose un partage du pouvoir avec la minorité blanche . Durant le 49e congrès de l'ANC à Bloemfontein ( décembre 1994 ) , Nelson Mandela , rendant hommage à la « clairvoyance » de Joe Slovo , avait laissé entendre que cette perspective n'avait pas été facilement acceptée . Amaigri , profondément marqué par le cancer ( qui l'emportera le 6 janvier 1995 ) , celui qui , entretemps , était devenu ministre du logement du premier gouvernement multiracial reçut l'ovation des congressistes .
« Jamais je n'ai regretté d'avoir pris le chemin de la lutte », déclara-t-il simplement. "
( Le Monde )

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30 septembre 2020 3 30 /09 /septembre /2020 15:44
Affiche de la 20e édition de Miss Polpetta, le concours de boulettes de viande de Prevalle dans la province de Brescia en Lombardie

Affiche de la 20e édition de Miss Polpetta, le concours de boulettes de viande de Prevalle dans la province de Brescia en Lombardie

Pour les amateurs de grande cuisine et de boulettes de viande, le concours organisé par notre camarade Andréa Lauro et ses amis de Lombardie: Miss Polpetta, Miss boulette! Formellement déconseillé aux végétariens, aux anti-communistes, et à toute personne hostile à la pataphysique !
 
Traduction de notre correspondant du Chiffon Rouge à l'international, Andréa Lauro: 
 
Première fête de la boulette de viande!
Cette année encore, nous sommes heureux de vous annoncer que le 11 octobre aura lieu l'attende concours de Miss Boulette avec en jeu le trophée de la mère boulette, la mère de toutes les boulettes. Cette année, le concours de Miss Boulette se déroulera en plein air , ce qui prendra la forme d’un festival. Compte tenu de la participation des éditions précédentes, le comité organisateur organise des inscriptions publiques et limite la participation aux vingt premiers inscrits.
Pour participer, vous devez vous inscrire en envoyant un e-mail à cette adresse ou contacter personnellement le comité en déclarant votre participation avant minuit du 9 octobre. Un e-mail vous sera envoyé pour confirmer votre inscription.
Voici le règlement unique et sans appel:
- chaque boulette participante doit être présentée en quantité d’au moins 40 exemplaires (pour que tous les participants puissent goûter et voter vos boulettes)
- chaque plat de boulettes peut être accompagné de trois participants au maximum
- le goût et la présentation seront notés. Les modalités de vote seront expliquées sur place.
- un mathématicien de renommée internationale sera présent pour éviter les fraudes et les contestations.
 
Par implantation/présentation, on entend : comment se présentent les boulettes en elles-mêmes, comment elles sont disposées et où elles sont placées.
- Par goût, on entend l’arôme que les boulettes dégagent, la consistance au moment de la morsure et les saveurs qui se dégagent pendant la mastication ainsi que les premiers effets et saveurs résultant de la déglutition.
- Il faut se rappeler que c’est le concours de Miss Boulette et pas de Miss Sauce ou Sughetto, c’est pour ça qu’il y a le concours de Miss Scarpetta

L’ajout de la mention "sagra" entraîne l’introduction des règles suivantes:

-l’espace occupé par chaque boulette participante est le suivant:
longueur 3 mètres
largeur 2,50 mètres
hauteur infinie
-dans votre espace d’exposition il est donné la possibilité de cuisiner avec votre propre équipement
- d’éventuelles tables, points d’appui, chaises, structures d’exposition, décors..... doivent être prises par les participants (pour nous comprendre sur place, vous trouverez seulement l’herbe peut-être humide, nous recommandons chaussure appropriée)
 
De 10h00 à 12h00, nous allons procéder à l’affectation des postes disponibles et vous aurez le temps d’installer et éventuellement cuisiner. tandis que la dégustation débutera à partir de 12h00. La fête fermera à 17h00. Pendant la journée il y aura la possibilité de s’inscrire à la Casa del Bao pour l’année 2020-2021.

Bannissez les couverts en plastique, les assiettes en plastique, les gobelets en plastique, les boulettes en plastique.......

N’oubliez pas que les boulettes de viande sucrées sont les bienvenues, mais hors concours. La journée sera animée par la musique live.
Il fonctionnera bar de steppe : bon vin, boissons diverses et café. Le bar de steppe n’a pas de verres : si vous voulez boire, apportez-les à la maison (pas de plastique)

Le concours se déroulera à Prevalle, Brescia, Italie, près du terrain, qui se trouve, pour ceux qui ne le savent pas, à la sortie de la rocade de Prevalle la première route à gauche. Sur le terrain, vous ne pouvez pas vous garer, juste chargement-déchargement, Vous pouvez ensuite vous garer dans le village et atteindre le terrain à pied.

Vu les temps, seuls les participants à la compétition peuvent participer à l’événement.
Cette édition ne se déroulera qu’avec un temps optimal. En cas de rejet, vous serez informés en temps et en heure. Dans ce cas, vous réessayerez le dimanche suivant.
 
Le Comité ex-Soviet

Si consiglia di leggere tutto molto lentamente e attentamente

MISS POLPETTA 2020

XX CONCORSO UNIVERSALE CULINARIO

Prima sagra della polpetta

Anche quest'anno siamo lieti di comunicarvi che in data 11 ottobre si terrà l'atteso concorso di Miss Polpetta con in palio il trofeo della polpetta madre, la madre di tutte le polpette. Quest'anno il concorso di Miss polpetta  si svolgerà all'aperto , di conseguenza prenderà le sembianze di sagra.Considerata l'affluenza delle passate edizioni,considerato il valore internazionale assunto dal suddetto concorso, il comitato organizzatore indice pubbliche iscrizioni e limita la partecipazione ai primi venti iscritti.

Per poter partecipare è necessario iscriversi inviando una mail a questo indirizzo o contattare personalmente il comitato dichiarando la propria partecipazione entro la mezzanotte del  9 Ottobre. Vi verrà inviata una mail di conferma della vostra avvenuta iscrizione.

Di seguito illustriamo il regolamento unico ed insindacabile:

- ogni polpetta partecipante deve essere presentata in quantità di almeno 40 esemplari (per far si che tutti i partecipanti possano assaggiare e votare le vostre polpette)

- ogni piatto di polpette può essere accompagnato da massimo tre partecipanti

- saranno votati il gusto e la presentazione. Le modalità di votazione verranno spiegate in loco.

- per evitare brogli e contestazioni sarà presente un matematico di fama internazionale.

 Per impiattamento/presentazione si intende: come si presentano le polpette in se stesse, come sono disposte e dove sono adagiate.

- Per gusto si intende: l'aroma che le polpette emanano, la consistenza nel momento del morso e i sapori che si sprigionano durante la masticazione ed i primi effetti e sapori derivanti dal deglutimento.   

- Va ricordato che si tratta del concorso di miss polpetta e non di miss salsetta o sughetto, per quello c'è il concorso di miss scarpetta

In conseguenza dell'aggiunta della dicitura "sagra" vengono introdotte le seguenti regole anch'esse insindacabili:

-lo spazio occupabile per ogni polpetta partecipante è il seguente:

 lunghezza 3 metri

 larghezza 2,50 metri

 altezza infinito

-nel proprio spazio espositivo è data la possibilità di cucinare con le proprie attrezzature

- eventuali tavoli, punti d'appoggio, sedie,strutture espositive, scenografie........ devono essere portate dai partecipanti (per capirci in loco troverete solo erba forse bagnata, si consiglia scarpa adatta)

Dalle ore 10.00 alle ore 12:00 si procederà con l'assegnazione delle postazioni disponibili e si avrà il tempo di installare e eventualmente cucinare.  mentre la degustazione avrà inizio dalle ore 12.00. La sagra chiuderà alle 17. Durante la giornata ci sarà la possibilità di tesserarsi alla casa del bao per l'anno 2020-2021.

Bandite le posate di plastica, i piatti di plastica, i bicchieri di plastica, le polpette di plastica..........

si ricorda che le polpette dolci sono gradite, ma fuori concorso. La giornata sarà allietata da musica dal vivo. 
Funzionerà bar della steppa : vino buono, bevande varie e caffè. Il bar della steppa non ha bicchieri: se vuoi bere portateli da casa (no plastiche)
 
Il concorso si svolgerà a Prevalle, Brescia, Italia,  presso il campo,che si trova, per chi non lo sapesse, all'uscita della tangenziale di prevalle la prima stradina a sinistra. Al campo non si può parcheggiare, solo carico-scarico, Si può poi parcheggiare in paese e raggiungere il campo a piedi
Visti i tempi possono partecipare all'evento solo gli iscritti alla competizione.
Questa edizione si svolgerà solo con tempo ottimale. in caso di rinvio verrete avvisati per tempo. In caso ci si riproverà la domenica seguente.
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