Ouest-France, 15 janvier 2014
Le "pacte de responsabilité" pour les entreprises passé à la loupe
Le président de la République a donné sa troisième grande conférence de presse depuis le début de son quinquennat, ce mardi à l'Elysée. Parmi les annonces attendues, le détail du "pacte de responsabilité" adressé aux entreprises. Les commentaires point par point de Pierre Cavret, journaliste à Ouest-France. Et la réaction du Medef de Bretagne.
Le président François Hollande lors de sa troisième grande conférence de presse depuis le début de son quinquennat. DR
Suppression des cotisations familiales
Après avoir réclamé 100 milliards d’euros de baisse de charges, Pierre Gattaz, le président du Medef, a baissé ses prétentions en parlant d’une trentaine de millions. Hier, il a promis un million d'emplois en cinq ans en échange de 30 Milliards d’euros d'allégement de charges. Le président François Hollande promet de mettre fin "d'ici 2017" aux cotisations familiales pour les entreprises et les travailleurs indépendants. "Cela représente 30 milliards d'euros de charges", a affirmé le chef de l'Etat. La question est de savoir comment et où il « tapera » dans les dépenses publiques. D’où l’annonce d’un conseil stratégique de la dépense publique. La dépense publique est de 1 000 milliards d’euros en France dont 600 millions pour les seules dépenses sociales.
« C'est sur l'offre qu'il faut agir »
Les prévisions de croissance sont de 0,9 % pour 2014. Pas suffisant. Le président François Hollande, dont la priorité et la boussole reste l’emploi, sait qu’il faut au moins 1,5 % de croissance et dans la durée pour créer des emplois « vertueux ». Il veut jouer sur tous les tableau et estime aussi que "c'est sur l'offre qu'il faut agir" pour que la France "produise plus, produise mieux". Alors que la France subit des vagues de plans sociaux, que 1 000 emplois sont perdus chaque jour, comment croire à une France plus productrice demain avec 34 plans industriels engagés seulement alors que le pays subit une désindustrialisation galopante depuis une trentaine d’années et que les investisseurs étrangers hésitent avant de s’engager eu égard à une fiscalité trop lourde ?
« Pas de transfert de charges sur les ménages »
Le président François Hollande a assuré qu'il n'y aurait pas de "transfert de charges des entreprises vers les ménages", dans le cadre des économies dans la dépense publique. Les économies doivent être "un préalable à toute baisse d'impôts", a déclaré le chef de l'Etat, ajoutant que celles-ci ne devaient pas "se traduire par un transfert de charges de l'entreprise vers les ménages, qui ne le supporteraient pas". À juger sur pièces.
Le pacte de responsabilité lancé le 21 janvier
Aller vite, sous-entendu, ne plus perdre de temps sur la baisse des charges, la simplification, la réforme fiscale ? En ce sens, le président Hollande veut passer des paroles aux actes. Ainsi, le 21 janvier, le pacte de responsabilité sera "officiellement lancé" . "Les partenaires sociaux seront reçus dans les jours suivants par le Premier ministre (Jean-Marc Ayrault) et les ministres concernés. Il s’agit là de rassurer les syndicats alors que le Medef donne le sentiment d’être à la manœuvre. La CFDT et d’autres centrales ne veulent pas de ce qu’elles appellent déjà un mano a mano avec le gouvernement. Avant la fin du mois de janvier ,les assises de la fiscalité des entreprises seront installées par Jean-Marc Ayrault annonce aussi le président tout en précisant que "le Haut conseil du financement de la protection sociale, celui qui doit réfléchir au mode de financement, donnera un premier rapport fin février".
Un virage politique
Social libéral, social-démocrate ? François Hollande botte en touche. « Je ne suis pas gagné par le libéralisme, c'est tout le contraire ». Pour autant son pacte de responsabilité, mis en avant dans cette conférence, en dit long sur son virage. Sauf à n’y voir que du marketing politique ? Pour rassurer le corps social et concernant la méthode, il précise que le débat passera par « le dialogue social ». Le ministre du Travail Michel Sapin a dit, récemment, qu’il mènerait la négociation en personne. À l’image de ce qui avait été fait pour la réforme des retraites et celle de la formation professionnelle.
Préserver la Sécurité sociale
En évoquant ce dossier lors de ses voeux télévisés, François Hollande avait surpris en évoquant des « abus et excès ». Fin 2014, le déficit s'élèvera à 12,8 milliards d’euros, malgré de gros efforts, et le déficit cumulé frisera les 150 milliards. La Sécu, dont les comptes n'ont pas été à l'équilibre depuis... 2001, est"au coeur de notre pacte républicain et j'entends la préserver parce que c'est le bien commun de ceux qui n'ont pas d'autres biens (...) nous devons lutter contre les fraudes et les abus. Il y en a toujours." Ces abus représentent 600 millions d'euros. "Ce qu'il faut c'est réduire la multiplication des prescriptions, des actes médicaux redondants, des médicaments qui en France nous font connaître des records de consommation", a souligné Frabçois Hollande. "C'est au prix de cet effort que nous pourrons garantir le modèle social de notre service public. » Il n’a pas tort.
L'avenir du CICE en question
Les PME ? Des priorités. La France soutiendra ses grandes entreprises. Mais ce sont les PME qui créent de l’emploi et assurent la vie et l’équilibre économique et social dans les territoires. Quel est l’avenir du Crédit impôt compétitivité emploi ? "C’est à peu près 12 milliards d’euros redistribués eux entreprises en 2014, 20 milliards en 2015", déclare François Hollande. En, 2016 ? "On verra". Mais il n’est pas impossible que le CICE soit reprofilé. L’hypothèse d’une refonte ou d’une bascule vers une baisse de charges est du domaine du possible. Pour que l’investissement revienne et que la confiance reparte, il faudra évidemment que le gouvernement fasse des arbitrages et engagent vraiment bon nombre d’économies dans les dépenses publiques. Sans oublier d’aider fortement les PME, parties prenantes du pacte de responsabilité et désireuses, elles aussi, d’un choc de simplification et d’une réforme fiscale adaptée.
Fin des cotisations sociales : « Une agréable surprise » pour le Médef Bretagne
Le Président de la République a annoncé, aujourd’hui, la fin des cotisations familiales pour les entreprises et les indépendants d’ici à 2017. Pour Joël Chéritel, président du Medef Bretagne, c’est « une agréable surprise » : « C’est une proposition que le Medef met en avant depuis longtemps. »
Patron de Retis, une entreprise de 140 personnes située à Montauban-de-Bretagne (Ille-et-Vilaine) et spécialisée en infrastructure de réseaux et de communications, Joël Chéritel a fait ses comptes : « Si je prends l’année 2013 et que je retire les cotisations familiales, cela représente pour moi une économie de 274 000 €. »
Le patron du Medef Bretagne remarque également que le chef de l’État n’a pas remis en cause le principe du Crédit impôt compétitivité emploi, « soit pour moi 150 000 € sur un an ». Deuxième bonne nouvelle, donc : « Avec ces charges en moins sur les entreprises, on va pouvoir créer de l’emploi et faire de meilleures marges. Tant mieux, puisque nous avons sur cette question du retard sur nos voisins. »
Joël Chéritel se félicite également de la volonté de réduire les dépenses de l’État, et notament de la question du regroupement des régions.
Reccueilli par Guillaume BOUNIOL.