Le manque de perspective et de solutions politiques face aux grands défis environnementaux favorise une forme de résignation, avec cette idée que, inéluctablement, l’humanité va à la catastrophe. Pourtant, ma conviction est que l’humanité, même avec une population d’environ 8 milliards, que la plupart des démographes estiment être l’horizon de notre espèce, peut vivre en satisfaisant à ses besoins et en bonne entente. Il y a assez de ressources et de place sur Terre pour cela, et on peut trouver un chemin pour y parvenir. Mais gardons-nous bien d’une forme de discours facile sur ce sujet. Nier par exemple le défi scientifique, industriel et logistique que cela représente revient à une impasse. Ainsi en est-il de ce chiffre choc de 1 % des plus riches qui polluent autant qu’une bonne moitié de l’humanité la plus pauvre. Ce chiffre est vrai, mais il donne l’impression que le problème est juste une question d’inégalités à résorber. Pourtant, ce 1 % représente 15 % des émissions de CO2 mondiales : c’est bon à prendre, bien sûr, mais on comprend que, même avec une nécessaire politique égalitariste, le problème (85 %) restera entier. En réalité, ce chiffre montre avant tout que 50 % de la population manquent encore de tout, nos émissions étant révélatrices de notre niveau de vie. Assurer le développement de continents entiers comme l’Afrique, l’Asie du Sud-Est, l’Amérique du Sud, d’une part, tout en décarbonant complètement l’économie, d’autre part, et ce en trois décennies, est un défi gigantesque en soi, ce qu’on ne peut pas balayer avec quelques slogans. Mais, nier le défi politique et social est tout autant une impasse : dépasser le capitalisme et ne plus laisser le destin de l’humanité entre ses mains n’est plus une option mais une absolue nécessité politique. Le capitalisme nous a fait perdre de précieuses décennies dans la bataille climatique, en s’assurant que ses intérêts restaient préservés, avec une économie largement fondée sur les énergies carbonées, et en perpétuant un système consumériste assumé ne répondant pas aux vrais besoins de façon efficace. Cela transparaît y compris dans les rapports du GIEC, qui se garde bien de nommer l’éléphant capitaliste dans la pièce mais use de nombreuses formules soulignant la nécessité de changer complètement de paradigme économique. C’est en donnant de la perspective politique, en tenant les deux bouts, le défi scientifique et le défi politique, qu’on parviendra à progresser. C’est ce chemin que nous avons tracé dans la revue Progressistes et en collaboration avec le Parti communiste français avec le plan climat Empreinte 2050, sur la base d’une modélisation de Victor Leny. Une bataille politique qui se traduit aussi mondialement avec les travaux du GIEC et les différentes COP, qui ont permis, par la pression de l’opinion publique en dix ans, de passer d’une perspective de 4 degrés à 3 degrés de réchauffement. Certes, cela reste encore loin des 1,5-2 degrés prônés par l’accord de Paris, mais on le voit, les COP servent malgré tout – et on peut obtenir des progrès si on mène la bataille intelligemment.
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