AG du Front de gauche du pays de Morlaix du 8 juillet 2013
Compte rendu
18 présents
I. Reprise du débat sur les orientations et questionnements de l'atelier « Terres agricoles, transport, logement »
a) Le logement / terres agricoles
Hervé Penven a rappelé les questions que nous avions à trancher. Le 26 juin, nous avions débattu longuement de la première – faut-il interdire la construction de nouveaux lotissements sur des surfaces agricoles?
Jacques N: Il faut prendre en compte la diversité des territoires. Il y a des communes à urbanisation dispersée comme Plouigneau. Pour développer les hameaux, ce qui ne m'apparaît pas illégitime, il peut être nécessaire de récupérer quelques mètres carrés de terres agricoles pour utiliser les dents creuses des hameaux. C'est parfois aussi la condition pour maintenir une école, faire venir des enfants, renouveler la population... Moi, je suis pour qu'on tende vers cet objectif mais pas pour qu'on le présente de manière trop dogmatique. Il ne faut prendre des positions que si on est certain qu'elles sont applicables.
Alain D: on peut se donner comme orientation, en présentant les choses sous une forme applicable et pas trop brutale, d'être extrêmement économes dans l'utilisation de l'espace en préservant au maximum les terres agricoles.
François R: Il ne faut pas verrouiller, ni proposer un modèle politique clef en main. Cela ne marche plus. Sur les grandes orientations, il n'y a pas de désaccord entre nous. Le Front de Gauche qui veut avoir des élus se battra de manière privilégiée pour des solutions qui iraient vers ça. Il faut mettre en avant les orientations privilégiées qui peuvent nous différencier des autres: c'est le cas de la priorité au logement social. Après, on est ici en train de construire l'argumentaire, de nous entendre sur le fond des analyses et des propositions mais dans un programme, une plateforme municipal, on aura que 4 ou 5 lignes pour présenter les orientations sur chaque thème: c'est là qu'il faudra faire un travail spécifique pour peser les mots. Il faut formuler les choses en positif et garder la trame de ce texte comme un argumentaire dans les réunions publiques.
Didier A:je peux prendre l'exemple d'un ami qui a construit – en auto-construction écologique- un lotissement innovant en Penzé sur une terre qu'un agriculteur bio a vendu. Qu'est-ce que je dois lui dire? Que c'est illégitime? Il faut avoir voir quels logements on bâti sur les terres que l'on utilise pour l'habitat.
Jacques N: Dans la commune citoyenne modèle du Front de Gauche, on pourrait encourager les projets de lotissement auto-gérés partant des habitants développant l'habitat partagé. Les logements dans le bourg, point final, l'arrêt total d'utilisation des terres agricoles, c'est la position de la FNSEA. Il faut y prendre garde. Il faut faire attention à la structure réelle de nos communes à urbanisation dispersée.
Patrick LN: Globalement, on est tous assez proches les uns des autres. Et c'est vrai que le mot « interdiction » peut poser problème, et d'abord parce qu'«il est interdit d'interdire » ... Après, on doit montrer le chemin. Il ne faut pas faire de concessions pour faire plaisir aux uns et aux autres. Restons assez fermes sur nos idées tout en restant dans le positif.
Constance A: Il ne faut pas avoir peur de responsabiliser les gens, de leur présenter les enjeux. On ne peut pas ne pas se préoccuper de l'impact écologique de nos modes de vie. Tout le monde a le droit d'avoir une maison dans un endroit joli, et respectueux de la nature.
Alain D: On ne part pas sur un terrain vide. Il y a une urbanisation qui existe, des documents d'urbanisme qui existent. Le PLU à Morlaix est relativement équilibré. On peut le trouver sur le site de la ville. A Plouézoch, à Plougasnou, il y a aussi des PLU qui sont en train d'être conçus. Il y a une dimension environnementale à prendre en compte aussi, et pas qu'agricole.
Jacques N: S'il y a beaucoup de PLU qui sont en retard, en attente, c'est pour faire passer des projets de développement, d'acquisition foncière, sans respecter trop de contraintes environnementales. Les règles qui s'appliquent tant que les PLU ne sont pas pris en compte sont des anciennes règles d'urbanisme moins contraignantes.
Alain D: A Plouigneau le POS prévoyait le développement en couloir le long de l'ancienne N12. C'était en effet une aberration. On a toujours intérêt à s'intéresser de très près aux documents d'urbanisme, à participer aux discussions, à l'enquête publique, car ce sont ensuite des décisions qui nous engagent pour des années.
Serge P: Auparavant, on avait des petits bourgs, des villes moins grandes. Chacun voulait sa propre maison dans les 30 glorieuses. On construisait des cités, des zones commerciales. On a voulu développer encore plus. Aujourd'hui, beaucoup de gens n'ont pas les moyens d'avoir leurs propres maisons personnelles. L'urgence, c' est plutôt de détruire les taudis de centre-ville et de construire des logements collectifs confortables pour des gens qui ont peu de moyens. Ce qu'on observe dans les communes rurales, c'est que ce sont souvent les petites terres, pas rentables à exploiter, qui sont vendues par les paysans. C 'est dangereux; soit parce qu'elles sont rachetées par les gros, soit pour construire des lotissements.
Hervé P: Je vois où va le curseur: être extrêmement économe dans l'exploitation de l'espace.
S'agissant de l'utilisation de l'espace en général et des terres agricoles en particulier, on peut s'entendre sur la formule : "Le Front de Gauche exige d'être extrêmement économe dans l'utilisation de l'espace, en préservant au maximum les terres agricoles". Le bémol apporté par rapport à la formulation initiale ("arrêt complet de l'utilisation des terres agricoles…") vise simplement à permettre l'utilisation à la marge d'espaces agricoles (pour compléter un lotissement par exemple) et à éviter d'être trop contraint par une formulation négative. L'attention de tous est attirée sur le fait que plusieurs PLU sont en cours d'examen dans certaines communes, dont Morlaix, et qu'il est utile que chacun en prenne connaissance et participe éventuellement aux débats publics. Ajoutons que, même s'ils sont déjà élaborés, la pratique municipale peut toujours être infléchie dans le sens que nous souhaitons.
En matière de logements, il y a accord sur toute une série de priorités : priorité à la résorption des "dents creuses"; priorité au locatif sur l'accession à la propriété; priorité au logement social, refus du logement spéculatif; priorité aux petits collectifs écolos et à l'individuel groupé sur les pavillons; priorité à la mixité sociale et intergénérationnelle; priorité à la rénovation et à la reconstruction; valorisation de tous les projets de logements partagés et d'autoconstruction; cahiers des charges tenant compte de toutes ces exigences –qui se complètent- vis-à-vis des organismes d'HLM.
Il faut aussi prêter attention à la dimension écologique des lotissements et, à l'identique, que les communes définissent un cahier des charges vis à vis des organismes HLM.
Jacques N: Il faut aussi mettre en avant la notion « d'habitat non spéculatif » pour accorder des nouvelles constructions (pas d'appartements ou de maisons vides avant d'être bien vendus!). Dans notre programme, qui faut prendre note de ce qui donne du sens. On aurait peut-être avantage à faire référence à l'histoire ouvrière de Morlaix, coopératives du bâtiment, aux maisons castors du Léon...
Jean-Luc LC: l'éco-habitat, c'est très intéressant, mais c'est pas toujours facile à mettre en place. Ce sont des gens comme nous qui entendent vivre et bâtir des hameaux d'habitat écologique, raisonnable, partagé... mais souvent, on leur met pas mal de bâtons dans les roues.
b) les Transports
Hervé P: Est-ce qu'on est d'accord pour mettre en place un réseau de transport en public de qualité avec des liaisons suffisamment régulières (une dizaine par jours) sur toute la communauté d'agglo? Ce réseau devrait permettre, dans un premier temps, d'assurer une dizaine d'allers-retours quotidiens, six jours sur sept, entre Morlaix et les communes périphériques les plus proches et les plus peuplées. Des connections seront obligatoirement prévues (nous n'en avons pas encore envisagé toutes les modalités) pour les communes les plus petites et les plus éloignées. Ce réseau utilisera des véhicules appropriés (donc des petits cars avec places assises), qui pourront aussi servir pour les déplacements domicile-travail, y compris tôt le matin (cas de l'Hôpital en premier lieu).
Alain D: Il faudrait dans ce cas là consentir à une très forte augmentation du budget transport de Morlaix Communauté et à une augmentation du versement transports des employeurs publics et privés.
Patrick LN: Moi je crois qu'on aurait intérêt à s'intéresser de très près à la question de la gratuité des transports. On sait que le prix du billet ne représente qu'environ 20% du service. Est-ce que cela ne vaudrait pas le coût de rendre ce service plus attractif, plus accessible pour tous, vu l'enjeu social et écologique en finançant davantage le transport public par l'impôt, le versement transport des entreprises? La gratuité des transports publics est pratiquée dans une vingtaine de villes, de droite et de gauche. Cela produit un bond de la fréquentation. Il y a des économies réelles liées aux déplacements économisés en voiture: c'est peut-être 20% de dépenses en moins pour les ménages. Économiquement, socialement, ce serait formidable.
Avec le CCAS, on aide déjà les gens à avoir le transport gratuit, mais cela nécessite des démarches administratives, tout le monde ne les accomplit pas et cela stigmatise d'une certaine manière certains usagers des bus. Si on met des bus gratuits, même les riches les prennent. Il y a plus de mixité et bien plus de fréquentation. Le discours que l'on entend quand on propose cette mesure, c'est: « tout le monde va en abuser ». Et bien tant mieux, ça sera bon pour l'environnement, bon pour la vie sociale, bon pour l'agrément des centre-villes, délivrés d'une partie de leurs voitures. Troadec a expérimenté cela sur la communauté d'agglo du Poher et on s'aperçoit que le petit-fils va voir 3 fois par semaine sa grand-mère... Ce qu'on constate aussi, c'est que dans la vingtaine de villes où on a mis en place la gratuité, on est jamais revenu dessus.
Yves A: Cette notion de gratuité – financée par la contribution sociale en fonction des moyens – ça nous renvoie au fondement du service public. Créer du service public, c'est positif dans tous les sens. Cela donne une alternative concrète à la circulation en bus en faisant autre chose que culpabiliser les citoyens. Pourquoi la collectivité elle-même ne deviendrait-elle pas entrepreneur de transports? Il n'y aurait pas de profits au passage.
Didier A: A Vitré, 16000 habitants, on a mis en place la gratuité. Il y a beaucoup moins d'incivilités. On a multiplié par 7 le nombre de personnes transportées. Si le service redevenait payant, cela râlerait sérieusement. Il faut varier, sur l'échelle d'une communauté d'agglo, les modes de transport. Pourquoi pas le système des taxis brousse pour les personnes âgées, handicapées? Il faut partir des exemples qui fonctionnent ailleurs. Ce qu'on ne peut pas accepter, c'est que des jeunes payent 35€ d'amendes pour non compostage de billets. Cela tend leurs relations aux contrôleurs. En tant que précaire, le système de carte et tout ça pour avoir les transports gratuits, c'est difficile. C'est le problème avec les papiers...
Hervé P: Il ne faut pas fermer le débat mais la gratuité, ce n'est pas le débat complet. L'important, c'est d'avoir un réseau de transport complet et diversifié avec des véhicules divers.
Alain D: Ce qui est important, c'est la qualité des réponses proposées aux besoins. Dans la tête des gens, un réseau de transport en commun, ce n'est que des bus, et vient après l'idée « et la plupart du temps, ils sont vides », mais il peut y avoir d'autres types de transports.
Patrick LN: Si on va vers la gratuité, on va remplir les bus existants. On peut aussi réfléchir à mieux utiliser la ligne ferroviaire Morlaix-Roscoff, faire un Tram-Train.
Hervé P: Il va falloir que l'on fasse des propositions précises pour un réseau digne de ce nom, plans à l'appui, exigence au niveau des nouvelles lignes et des fréquences de transport en commun. Cela multiplierait peut-être par 10 le coût du réseau actuel urbain Morlaix-St Martin. Il faut voir ce que cela représente comme dépense, voir jusqu'à quel montant on peut augmenter le versement transport. La question du financement est à réfléchir pour le mois de septembre.
Patrick LN: On peut réfléchir avec les entreprises: des gens transportés gratuitement, c'est aussi moins de fatigue, un gain de pouvoir d'achat automatique pour les salariés.
Jean-Luc LC: C'est un dossier qui demande une étude. A la Manu, pendant longtemps, il y avait un mini-bus qui amenait les gens à droite à gauche. Mais les horaires étaient peut-être mal étudiées: en tout cas, les gens avaient pris l'habitude de peu s'en servir.
Pierre LS: Le premier employeur de Morlaix, c'est l'hôpital. Or, les employés et usagers utilisent peu le bus car les horaires ne sont pas adaptées.
Yves A: Le transport urbain à Morlaix actuellement, c'est Kéolis, une filiale de droit privé de la SNCF et une machine à sou. Il faut aller vers la régie publique.
Hervé P: Il y a une enquête à faire auprès des gens, des salariés et de leurs représentants syndicaux, sur les usages et les besoins, afin de mieux adapter les lignes et les horaires. C'est aussi notre rôle au FDG de le faire si on propose une réorganisation d'ensemble.
Patrick L N: Le transport, c'est une compétence de la communauté d'agglo. Il est possible de fixer un cahier des charges même en continuant à être en délégation de service public: par exemple, pour avoir 20% de plus de taux de remplissage au moins, passer à la gratuité. Il y a toute une réflexion à avoir sur la gratuité: sortir de l'approche comptable, aborder le problème sur le plan global.
Yves A: Fondamentalement, la notion de gratuité du service public, ça renvoie à la question: qu'est-ce qu'on fait des impôts? Comment on les fait rentrer pour mener des politiques de solidarités, d'intérêt général. La gratuité aurait un effet certain pour développer le transport en commun. Attention toutefois à ne pas échanger la gratuité contre la pub, le sponsoring. Il faut aller vers une harmonisation progressive des impôts locaux, une harmonisation des services au niveau de toute la communauté d'agglo. Aller vers la mise en commun des moyens et des finances. Cela éviterait de rester dans une forme d'urbanisme que l'on ne veut pas défendre. Avec des gens qui se barrent de Morlaix...
Hervé P: En matière de fiscalité locale, il y a nécessité d'harmonisation progressive entre toutes les communes, d'une part pour les raisons déjà exposées dans le rapport du groupe de travail sur ce sujet, d'autre part du fait des services nouveaux que nous proposons pour les 28 communes. Concrètement, cela veut dire un peu moins d'impôts locaux pour les morlaisiens, et un peu plus pour les autres. Cela ne se fera pas en un jour: c'est un objectif vers lequel il faut se diriger progressivement, mais résolument, et qu'il faut atteindre en 15-20 ans.
Daniel R: Il faut faire attention à deux choses, la vie des communes qui ont besoin de moyens, le ressenti des gens. Si je dis à Saint Thégonnec, dans 16 ans, vous aurez les mêmes impôts qu'à Morlaix, je ne suis pas sûr que cela sera bien reçu.
Ismaël D: Se diriger vers une harmonisation fiscale est nécessaire pour rompre avec la concurrence des communes afin d'attirer des habitants (via les prix des terrains, les taux d'imposition), laquelle a des effets préjudiciables en termes d'égalité, de mixité sociale, d'aménagement du territoire, d'écologie (les voitures individuelles sont plus utilisées quand on s'installe dans des communes périphériques). Cela peut se défendre auprès des gens à condition qu'il y ait une équité dans les services proposées (avec une vraie mutualisation des moyens) et si par exemple, un réseau de transport en commun performant, voire gratuit, fortement subventionné, facilite la mobilité et rend service au niveau du pouvoir d'achat des habitants des communes péri-urbaines. Ce réseau de transport en commun performant aurait aussi le mérite de désengorger un peu le centre-ville de Morlaix, et de le rendre plus agréable aussi sans doute pour les piétons.
Alain D: C'est tout un service qu'il faut entièrement refondre si on se dirige vers ce que l'on est en train de porter. Ce sont des décisions qui vont coûter beaucoup plus chères. Il faudra se poser objectivement la question du financement: le comment importe tout autant que le « vers quoi on veut aller? ». En dehors des services gratuits, il faut se demander comment réfléchir à la justice des autres politiques tarifaires, se poser la question pour tous les services de l'équilibre à trouver entre l'utilisateur et le contribuable.
Hervé P: Il ne faut pas avoir une approche strictement comptable. L'avoir mais ne pas avoir que cela. Il faut apporter une vision nouvelle, avoir une politique de dynamisation qui contribue à changer les pratiques, les mentalités.
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A la fin de ce débat, on décide sur la proposition de Jacques Normand de consacrer toute une partie d'une AG à la rentrée (septembre ou octobre) à la question de la gratuité (Dans quels domaines? Comment? Pourquoi? Quels bénéfices?) et de travailler plus spécifiquement sur la question de la gratuité des transports dans l'atelier « terres agricoles, logement, transport » dès le mois de septembre. Comme l'actualité politique et sociale est très chargée en ce moment et qu'il est indispensable de réfléchir aux moyens de lancer la bataille des retraites, on décide aussi de reporter le débat et la présentation des conclusions de l'atelier sur « le développement économique, social, écologique du pays de Morlaix » à l'AG du 30 août, afin de débattre de la situation politique de manière générale.
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II. Débat sur la situation politique.
Didier A: La première chose sur laquelle je voulais revenir, qui m'a interpellé, c'est Bartolone sans voix le 27 juin au Roudour... Il y a vraiment de quoi s'interroger: qu'un homme au sommet du pouvoir soit incapable de justifier la politique du gouvernement, de rassurer des militants de gauche, d'assumer des choix... Et pourtant, la critique était ferme mais on est resté courtois. Ce que j'en ai retiré: c'est qu'on va encore nous sortir plein de choses. On aura rien à dire. Ce sera, circulez... A Lorient, Hollande inaugurait un hôpital la semaine passée. Là encore, il y a eu un mouvement du personnel et là encore, il n'y a pas eu de réponses. Et nos parlementaires, à part couper des rubans, se congratuler réciproquement, qu'est-ce qu'ils font pour la population?
Pierre LS: Le jeudi 27 au Roudour, on a aussi vu le mal-être de camarades socialistes qui doutent profondément de la politique conduite par leurs dirigeants, qui savent qu'ils vont dans le mur du point de vue social et électoral.
Nicole L: J'ai aussi vu ce malaise. Il y a beaucoup de doute, d'incertitude chez les militants socialistes.
Pierre LS: Selon les échos que j'en ai eu, au niveau de la coopérative citoyenne de Morlaix, "ça pédale aussi dans la choucroute". La confiance n'est pas là, la cohésion non plus, il y a beaucoup d'interrogation sur la politique gouvernementale, le rôle du PS.
François R: La crise s'accentue. Elle se double d'une crise politique. Plus personne ne peut le nier. Le dernier symptôme, c'est le limogeage de Delphine Batho. Ce qu'elle dit, c'est qu'il y a un problème au niveau du gouvernement, on n'y arrive plus. On ne peut pas répondre à la demande de la population, de l'électorat de gauche, avec les exigences de Bruxelles, celles d'un système complètement fou. On ne peut plus prétendre être de gauche et gérer le système: il y a désormais une contradiction. La réforme des retraites sera peut-être la réforme de trop du gouvernement, si on parvient à restaurer la combativité de la population et des salariés, qui ne veulent pas entendre parler de nouvelles baisses des pensions, du moindre allongement de la durée du travail... La riposte commence à s'organiser maintenant. Le 10 septembre, il y a une journée inter-professionnelle. Il faut se tenir prêt, à l'échelle locale et départementale. Être une force politique à l'initiative de la riposte à cette réforme gouvernementale. Être dans un profil unitaire. Ce qui se joue actuellement au niveau national est plutôt encourageant: Attac, la Fondation Copernic, la CGT, Sud Solidaires, la FSU, les partis politiques de la vraie gauche (une partie de EELV mais pas encore la gauche du PS, même si Gérard Filoche fait un très bon travail de contre-intoxication) s'organisent pour planifier deux mois avant la riposte et la résistance à cette réforme anti-sociale. Il ne faudra pas que nous loupions le coche à Morlaix, il faudra tenir comme on sait le faire notre rôle d'activateur des luttes et du rassemblement pour les valeurs de gauche fondamentales. Aux moments des municipales, les gens sauront reconnaître le travail des uns et des autres. Dans le prochain numéro du journal du Front de Gauche du pays de Morlaix, il faut que la question des retraites soit centrale, avec un bon argumentaire.
Patrick LN: Ce qu'on voit actuellement, c'est que la force du lobbying de la finance est énorme. L'ennemi, il est nommé: ce n'est pas la droite, c'est la finance, le patronat. Les écolos sont très mal actuellement, ne parvenant pas à quitter pour des raisons purement opportunistes un gouvernement qui mène une politique de droite contre le monde du travail, l'écologie, en faveur du monde de la finance.
Yves A: De voir une ministre socialiste de l'écologie virée pour avoir fait son boulot d'alerte au niveau des effets anti-écologiques de la politique libérale et d'austérité du gouvernement, et des ministres écolos, qui, tout tranquillement, restent dans ce gouvernement, c'est tout de même savoureux...
Pierre LS: Actuellement, beaucoup d'associations, et notamment des associations qui travaillent au niveau du social, de la lutte contre la précarité, sont sur les dents, avec les baisses drastiques des budgets touchant de plein fouet les associations (budgets nationaux et des collectivités). On a intérêt à s'appuyer là dessus. Il peut y avoir demain un fort mouvement unitaire pour une autre politique.
Alain D: Il faut être attentif à tout ce qui se dit. Être attentif à la façon dont les choses bougent, et ça bouge très vite. Ne pas être les porte-voix de ce que les autres pensent. Être proposants d'un certain nombre d'actions et de contenus. Les exigences et les contraintes de l'Europe, c'est à dire de la finance internationale, deviennent insupportables, et dans tous les domaines. Cela crée des possibilités de rassemblement mais aussi que tout parte dans tous les sens. Dans notre rapport au PS, il ne faut pas mettre dans le même sac les militants, les électeurs et le gouvernement complice de cette évolution déplorable. Il faut mettre en cause la majorité, le gouvernement,, le président Hollande mais faire attention à la manière dont on parle du PS. A la rentrée, il faut parvenir à faire sauter la cloison mouvement social/ mouvement politique, si on veut faire reculer le gouvernement sur sa réforme des retraites, si on veut que ça ne soit pas qu'un coup de clairon. Des militants et électeurs du PS peuvent suivre. Ils sont mal actuellement tellement il est difficile pour eux de qualifier de gauche la politique de Hollande et de Ayrault.
Nicole L: D'un côté, on se dit que c'est pas possible que les gens continuent à supporter ça, mais d'un autre côté, on observe de la désespérance, de la résignation. Plutôt que d'être à la tête de la lutte à laquelle il nous faut participer, on doit se positionner comme recours possible. Aujourd'hui, la porte est grande ouverte au FN. Il faut convaincre, pour reprendre une formule de Généreux, que « nous on peut ». Montrer qu'on a les solutions pour sortir de l'impasse actuelle: qu'il est possible de mettre au pas la finance, d'imposer un autre partage des richesses.
Jacques N: le Front de Gauche doit être au centre de la réorganisation à gauche. Celle-ci n'est pas du domaine de l'irréalisable. On le voit quand un association, loin d'être hostile par principe au PS, comme la LDH, envoie une adresse au président de la République intitulée « Le changement, c 'est quand? » et très proche de nous dans l'analyse. « Quand est-ce que vous le faîtes, le changement? » Voilà en gros la teneur du message. Dans l'économie sociale et solidaire aussi, des gens qui sont dans la sphère des grands élus développent un argumentaire contre l'austérité et d'autres mesures du gouvernement. Il faut que l'on soit toujours dans l'éducation populaire, que l'on explique la nécessité de passer à une 6e République, ce que sait, en commençant par dire ce que cela représente à l'échelon communal.
Ismaël D: La force de notre participation à la bataille contre la réforme des retraites du gouvernement PS, qui aggrave celle de François Fillon et la légitime, sera cruciale politiquement, non seulement pour faire reculer le gouvernement et Hollande, mais encore pour mettre la question sociale du partage des richesses au centre du jeu et contrer la progression du FN parmi les citoyens dégoûtés par la situation sociale et l'impuissance ou le verrouillage des institutions politiques. Il faut tout faire pour que la riposte soit la plus unitaire possible, tenter, même si cela sera difficile, vu qu'on aura pas la CFDT et beaucoup de sympathisants socialistes avec nous, de recréer sur Morlaix une mobilisation comparable à celle de 2010. On peut gagner cette bataille sur un sujet essentiel et parlant pour tout le monde – ça dépendra encore une fois de notre capacité à prouver que le financement des retraites ne pose qu'un problème de partage des richesses, et n'exige pas de nouveau recul des droits- et cet épisode dont on ne connaît pas encore l'issue va peser lourd dans les élections municipales et européennes. Il va mettre clairement en évidence les responsables nationaux du PS sont devenus le relais des aspirations du MEDEF et des oukazes des pouvoirs néo-libéraux et pro-capitalistes en Europe (Merkel, la commission européenne). Il faut associer à mon avis à cette bataille pour la retraite, l'emploi et pour un autre partage des richesses un discours sur la 6e République car notre démocratie est clairement défaillante et malade du présidentialisme: Hollande décide de tout, sans rendre de compte à personne, il applique son agenda austéritaire sans tenir compte des engagements que les socialistes ont pris pendant les présidentielles et les législatives. Il y a un vrai problème de déliquescence de cette démocratie de plus en plus formelle, sur laquelle les pouvoirs financiers ont fait main basse avec le soutien de certains responsables politiques, confortablement installés dans l'alternance sans alternative. L'actualité des derniers jours, c'était aussi l'épisode lamentable du refus d'accorder l'asile et même l'autorisation de survoler la France à Snowden et à l'avion du président bolivien qui était censé le transporter, la reprise des négociations pour le grand marché transatlantique une semaine après les annonces sur l'espionnage de l'UE par les services secrets américains. Là encore, Hollande, après avoir un peu protesté pour la forme, a fait carpette devant les Américains, Merkel et Barroso. Je crois qu'on a rarement eu un pouvoir aussi atlantiste, aussi peu soucieux que la France compte comme puissance indépendante, capable de porter la voie d'un monde non soumis à l'impérialisme américain. Cela devrait chagriner les républicains, les gens soucieux de l'indépendance et de la grandeur de la France, bien au-delà de notre camp.
Jean-Luc LC: J'ai eu une conversation avec François P au sujet de la départementalisation des syndicats d'électrification, de la fermeture de la perception de Plouigneau, de l'étranglement des collectivités et des services publics. A chaque fois, on est dans le double discours de certains notables socialistes, qui savent parfaitement ce qu'il va se passer. Il y a une grosse hypocrisie de ces élus. Il faut qu'on se donne tous les moyens pour mobiliser, qu'on soit tous sur la même longueur d'onde. Il faut tout faire pour éviter de reproduire ce que l'on a vécu aux législatives: une abstention record. Les électeurs ne font pas assez la différence entre le PS, la politique gouvernementale, et le Front de Gauche. Seule la clarté de notre positionnement et notre politique d'opposition sans ambiguïté à l'austérité et à la politique menée par le gouvernement pourra les y aider. Pour l'instant, ça tangue dur à Brest, Quimper, dans d'autres villes où des élus PG, PCF font parfois des choix opportunistes contestables, et ce n'est pas bon pour notre crédibilité. Pour certains élus, le cordon n'est pas coupé avec le PS.
Patrick LN: les dirigeants PS, pour moi, comme on l'a dit l'autre jour à Plougonven en utilisant une expression heureuse, c'est clairement des faux-socialistes, et il ne faut pas craindre de le faire savoir. Ce que nous devons mettre en avant lors de la bataille des retraites, ce n'est pas simplement une énième lutte défensive de résistance, mais la force de nos propositions alternatives, de notre programme qui sur l'Europe, le partage des richesses, le financement des retraites et de la protection sociale, apporterait vraiment des solutions à la crise actuelle. Notre programme, il est tout petit mais costaud. Il y a aussi plein d'affaires qui tournent autour de nous: censure sur Médiapart, tentative d'emprisonnement des lanceurs d'alerte, refus de l'amnistie pour les syndicalistes, corruption organisée et de longue durée de certains élus socialistes et UMP, collusion avec les lobbies financiers et industriels... Il ne faut pas laisser au Front National la dénonciation en terme dru de ce climat fétide que les Français ressentent et qui les dégoûtent. On ne doit pas avoir de pudeur par rapport à des expressions comme « coup de balai », « qu'ils sont aillent tous », « il faut purifier l'atmosphère ». C'est la réalité qui est violente, et le ressenti des gens, pas ces mots là qui disent les choses. Il ne faut pas laisser au FN les mots « pourris », « corruption », « malaise ». Il faut dire « les citoyens au pouvoir », « place au peuple ». Ne surtout pas s'auto-censurer: les gens ressentent cette colère, nous devons aussi la porter et l'orienter vers un projet politique réellement transformateur. Par rapport aux municipales, il faut mettre en lieu les enjeux municipaux et européens. On y est, on y est... On doit avoir dans notre panoplie d'arguments des chiffres chocs qui résument les choses: 20 milliards de cadeaux fiscaux aux entreprises, un plan d'austérité de 20 milliards en 2014! Il faut aller au combat sur les retraites avec un discours de politique général. Nous devons aussi avoir une activité politique propre pour faire le lien entre la situation politique et les retraites.
Daniel R: Je crois qu'il faut faire très attention à ne pas accréditer le discours du « tous pourris », à utiliser la même sémantique populiste que le FN. Nous avons l'ambition d'agir dans une majorité de gauche, porteuse de progrès social: il ne faut pas nous mettre complètement en marge et nous enfermer dans une posture de dénonciation qui n'est pas constructive. C'est avec des arguments de fond que l'on va pouvoir montrer qu'il est possible de changer les choses, et à gauche.
François R: Ce qu'il est fondamental d'avoir à l'esprit, c'est que le rapport de force social entre les classes, n'ayons pas peur d'employer les « gros mots », est actuellement très favorable à la bourgeoisie, à la finance, au patronat. L'enjeu de la bataille des retraites, c'est de faire bouger un peu ce rapport de force à notre faveur, grâce à une prise de conscience nouvelle des intérêts de classe partagés et de la domination qui s'exerce et de laquelle on ne peut se sortir en reproduisant les vieilles recettes de l'alternance UMP-PS. La question des retraites est centrale pour le quotidien des gens. Ils ne veulent pas un semestre de plus, pas un centime de moins, pas travailler plus. Le Front de Gauche doit être à l'initiative, pas à la tête de ce mouvement. Le cadre national est déjà posé, avec appel des personnalités, sur un texte de Thomas Coutrot (économiste d'Attac), qui sera décliné localement avec des collectifs unitaires. Le Front de Gauche doit prendre l'initiative d'inviter tous les partenaires susceptibles de combattre cette réforme, sans exclusive. C'est une bataille centrale pour tenter de renforcer ce rapport de force qui nous est défavorable. Le lien avec la bataille contre l'austérité est évident. Il faut que nous lancions une invitation pour organiser un collectif local avec toutes les forces présentes. Nous devons avoir comme point central la lutte sociale et l'interprétation politique à en faire, comme démarche globale portée par un projet de société.
A la fin de la réunion, on décide:
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de faire un bureau du FDG le mardi 20 août (18h, 2, petite rue de callac) pour voir comment on peut lancer une campagne unitaire locale contre la réforme des retraites.
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De faire une AG du FDG à 20h le vendredi 30 août pour faire le point sur les actions militantes, la bataille des retraites, le calendrier de préparation des municipales et la méthode, et débattre des propositions de l'atelier « développement économique, social, écologique ».
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De faire une réunion consacrée au journal un peu avant à 17h30-18h, afin de voir comment on met en page les articles collectés (avec prévus un dossier de 2 pages sur les retraites, et un édito portant aussi sur cette question, et un dossier sur notre pré-projet des municipales annonçant les principales orientations construites dans les ateliers thématiques, + une dernière page « citoyenne » collectant les propos de rue sur la 6e République à construire).
Compte rendu réalisé le 15 juillet - ID