Pierre Laurent:
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Pierre Laurent:
Hier soir, sur LCI, Valérie Précresse a bénéficié de près de trois heures d’antenne pour parler d’elle-même et de son projet pour la France. Un projet dont l’application aboutirait à réduire les ressources de la Sécurité sociale, de l’UNEDIC et surtout des caisses de retraite. En réalité la candidate LR propose une augmentation des salaires nets de 10 % durant le quinquennat sans qu’il en coûte un centime aux employeurs.
Deux semaines après la première émission d’un nouveau genre inaugurée à Uzerche en Corrèze avec Valérie Pécresse et à l’initiative de BFMTV, la chaîne d’info LCI a produit hier soir à Paris un copié collé avec, là aussi, la candidate LR à la présidence de la République comme première invitée. Comme sur BFM, l’émission a duré de 20H50 à 23H30. Comme sur la chaîne concurrente, il n’y eut pas d’interruption publicitaire. De même, six électeurs, quatre femmes et deux hommes ne croyant plus guère aux paroles politiques, furent invités à écouter la candidate dans le studio de LCI pour être interrogés sur leur ressenti en fin d’émission.
L’émission était animée par David Pujadas et Ruth Elkrief. Pour mieux connaître l’intimité de la candidate, les téléspectateurs eurent droit à une photo sur écran de Jean-Louis Pécresse, le mari de la dame ainsi qu’un éloge d’une adolescente à sa maman. Puis, pendant que la candidate répondait aux questions des deux journalistes, les visages des six invités défilaient à tour de rôle en petits flashs sur l’écran afin de guetter leur intérêt, seconde après seconde. On parla de la présence de la France au Mali après l’annonce du renvoi de l’ambassadeur ; puis ce fut le tour de la situation en Ukraine, des quotas annuels d’immigrés que la France accueillera si Valérie Précresse devient présidente de la République, du renvoi des clandestins, de la délinquance, du mariage homosexuel, de la procréation médicalement assistée.
La soirée était déjà très avancée quand vint de moment de parler des sujets économiques et sociaux. Il fallait donc les traiter rapidement alors que l’émission avait été plutôt ennuyeuse jusque-là. On prit tout de même me temps de passer de brefs extraits des récents discours où l’on revoyait la candidate LR accuser à cinq ou six reprises le président Macron d’avoir « cramé la caisse » avec sa politique du « quoiqu’il en coûte » depuis deux ans.
Les propositions économiques et sociales de la candidate furent alors présentées en quelques minutes. Valérie Précresse a redit qu’elle fera augmenter les salaires de 10 % durant le prochain quinquennat si elle devient présidente de la République. Ce sera 3 % de plus dès l’été 2022. Mais cette première augmentation ne coûtera rien aux patrons puisque la candidate a redit que l’équivalant de ces 3 % sera soustrait des cotisations qui alimentent les caisses de retraites. La candidate veut mettre en place une « conférence » au cours de laquelle les entreprises décideront des augmentations de salaires à venir. Il faudrait que cette augmentation cumulée atteigne 5 % dès la fin de l’année 2023, les 5 % suivants étant obtenus durant les trois dernières années du mandat.
Valérie Pécresse a aussi promis « des baisses d’impôts, des baisses de normes (sic) et je continuerai la baisse des cotisations retraite », a-t-elle affirmé. Elle a aussi promis de mettre fin aux 35 heures de travail hebdomadaire avant d’ajouter ceci : « je veux la liberté pour les entreprises. Elles décident et à partir de 35 heures toutes les heures supplémentaires sont défiscalisées et ne supportent pas de charges ».
Alors que David Pujadas s’était montré pointilleux sur certains sujets, cette partie du projet de la candidate LR n’a suscité aucune question de sa part, pas plus que de celle de Ruth Elkrief. Pourtant, le recours sans limite aux heures supplémentaires défiscalisées et délestées de toute cotisation ne manquerait pas de provoquer des effets pervers. Pour rependre le langage de la candidate LR, on peut dire que Valérie Pécresse veut « cramer » les caisses de retraite en augmentant considérablement le nombre d’heures travaillées qui pourront échapper à toute cotisation sociale.
Outre la Caisse nationale d’assurance vieillesse (CNAV) et les caisses de retraites complémentaires, la Sécurité sociale et l’UNEDIC subiront, suite à ce choix politique, une baisse sensible de leurs ressources alors qu’elles sont décisives pour la préservation de notre santé et pour ne pas laisser une partie de la population sombrer dans la grande pauvreté quand elle perd son emploi. Car dès lors qu’ils dépenseront moins pour chaque heure de travail payée en heure supplémentaire, les patrons flexibiliseront les horaires journaliers, hebdomadaires et mensuels plutôt que d’embaucher. Comme Valérie Précresse veut aussi faire passer l’âge de départ à retraite de 62 à 65 ans, elle calcule peut-être que la durée de vie moyenne des hommes et des femmes de ce pays reculera bientôt au lieu de progresser.
La France compte aujourd’hui 14,6 millions de retraités dont 6,5 millions d’hommes et 8,1 millions de femmes. La pension moyenne mensuelle nette était de 1 390 € en 2020. Mais celle des femmes est très en deçà de ce chiffre. Ces hommes et ces femmes ont cotisé durant leur vie de travail pour acquérir ce droit et tout actif de ce pays sera un jour retraité à condition de ne pas mourir avant. Le droit çà la retraite acquis à la Libération est mis en cause dans le projet de Valérie Pécresse qui se réclame pourtant du gaullisme.
Il est donc dommage et difficilement compréhensible que David Pujadas et Ruth Elkrief se soient abstenus de poser la moindre question sur le devenir de la vie en société quand une candidate à la plus fonction de l’État avance l’idée d’une telle régression sociale.
La course à l’Élysée se jouera aussi sur la question climatique. Mais le président sortant ne pourra capitaliser sur son bilan en la matière. Celui qui se rêvait en leader mondial du climat est allé de renoncement en renoncement. Et, à la fin, les plus pauvres paient la facture.
Dans un rapport publié ce mercredi, le Réseau Action Climat rappelle : « À l’issue de ce quinquennat, la plupart des indicateurs sont dans le rouge. »
Souvenons-nous de 2017. À peine un pied posé à l’Élysée, Emmanuel Macron répondait « Make Our Planet Great Again » à Donald Trump, qui entendait sortir son pays de l’accord de Paris. Un quinquennat plus tard, passé à faire gober des couleuvres à ses ministres de l’Écologie, la douche est forcément glaciale. Pour le climat, pour la biodiversité, pour les plus précaires. Voilà donc l’heure du bilan, à l’approche d’une présidentielle où l’environnement est devenu l’une des priorités des Français. Sans surprise, il n’est pas glorieux. Dans un rapport publié ce mercredi, le Réseau Action Climat (RAC) pointe des « résultats insuffisants et une méthode à revoir ». Avant lui, Attac dressait le même constat dans un livre publié la semaine dernière. Bref, rien ne va ou presque. « À l’issue de ce quinquennat, la plupart des indicateurs sont dans le rouge », rappelle le RAC. Retour sur la mandature du renoncement climatique.
On le sait : les plus riches sont aussi ceux qui polluent le plus. Une politique équitable demanderait donc aux principaux responsables du réchauffement climatique de contribuer davantage à l’effort. « Mais c’est en dehors du logiciel macroniste de taxer les plus riches », assure Quentin Parrinello, responsable plaidoyer chez Oxfam, organisation membre du RAC. Conséquence : l’exécutif augmente, fin 2018, la taxe carbone et fait grimper le prix des carburants, obligeant les plus pauvres à payer la facture de la transition énergétique. Naît alors le mouvement des gilets jaunes sur les ronds-points et dans les rues et la taxe finit par être abandonnée. « La fiscalité écologique est une façon de faire changer les comportements des consommateurs, explique Quentin Parrinello. Mais puisqu’ils n’avaient aucune alternative, les précaires ne pouvaient changer leur comportement. Ils ont donc subi. »
Pour la justice sociale et climatique, on repassera donc. Puisque, plutôt qu’une taxe sur le kérosène censée pénaliser les plus riches et les multinationales, l’actuelle majorité a préféré augmenter l’« éco-contribution » sur les billets d’avion d’un montant qui varie « entre 1,5 et 18 euros », note le RAC. Une goutte d’eau. Autre renoncement : le malus « au poids » dans l’automobile qui devait viser les véhicules lourds polluants en augmentant le prix d’achat de 10 euros par kilo au-dessus de 1,8 tonne. Une mesure qui concerne 2 % du marché alors que la Convention citoyenne sur le climat préconisait de fixer le seuil à 1,4 tonne pour cibler 26 % du marché. « Macron ne veut pas toucher à la croissance de certaines industries polluantes. Mais plus on le fait tard, plus ça sera difficile », conclut Quentin Parrinello.
Pour permettre à un pays de se défaire de ses émissions de CO2, il ne suffit pas de le contraindre, il faut aussi lui offrir des alternatives. Dans tous les secteurs économiques, des politiques de décarbonation sont possibles sans que cela pèse sur les citoyens. Et plus, même : bien ficelées, elles peuvent contribuer à renforcer l’équité. « Tout le monde se déplace, se nourrit et se chauffe », résume Anne Bringault, coordinatrice des programmes du RAC. Un atout, quand l’enjeu est justement « d’embarquer tout le monde dans la transition ». Or, sur ce point, le quinquennat d’Emmanuel Macron n’a pas donné l’orientation attendue.
Premier secteur émetteur de gaz à effet de serre (31 % en 2019), celui des transports cumule les lacunes, pour ce qui est, par exemple, de renverser la dépendance à la voiture individuelle. Les politiques cyclables ont certes bénéficié d’un plan dédié, mais il reste minimal. « Le niveau d’investissement de l’État atteint à peine 0,75 euro par habitant et par an », avance le RAC dans son rapport. Le transport ferroviaire, pour sa part, a continué de vieillir. L’âge moyen des lignes est de vingt-neuf ans, « contre dix-sept ans en Allemagne et quinze ans en Suisse », et pire encore : de plus de trente-six ans (36,7) pour les plus petites lignes, qui, depuis 2017, ont perdu une centaine de gares et haltes ferroviaires. Dans le même temps, les politiques structurelles sont loin d’avoir contribué à réduire les distances à parcourir au quotidien. « En milieu urbain, souligne Attac, le foncier devient rare et cher, aggravant les problèmes de logement, mais aussi de transport pour celles et ceux qui travaillent en ville sans avoir les moyens d’y habiter. » Extension des déserts médicaux ou recul des services publics dans les communes rurales et les zones périurbaines sont allées dans le même contresens écologique.
Les politiques alimentaires (24 % de notre empreinte carbone) n’ont pas mieux soutenu la transition. La promesse électorale d’Emmanuel Macron d’intégrer 50 % de produits bio ou issus de circuits courts dans les cantines scolaires et les restaurants d’entreprises en 2022 est loin d’avoir été tenue : la part du bio dans la restauration collective n’était que de 5,6 % en 2020.
Foin de transition écologique juste sans transition sociale équivalente : depuis 2018, organisations environnementales et syndicats de travailleurs se sont tous mis d’accord sur ce point. « La question de la justice sociale ne se limite pas à la question écologique, mais cette dernière ne se résoudra pas sans justice sociale », résume Vincent Gay, d’Attac. Anticiper les transitions industrielles de façon à ne pas les faire subir aux travailleurs s’avère en ce sens indispensable. L’industrie lourde (75 % des émissions de l’industrie) est singulièrement concernée, sans se voir pour autant contrainte d’anticiper sa conversion. Le plan de relance de l’économie française au sortir de la crise aurait pu être l’opportunité de le faire : il s’en est abstenu. « En revanche, Emmanuel Macron a mis en œuvre sa réforme de la Caisse des dépôts et consignations (CDC) pour en faire une entreprise financière gérée selon les standards du marché », relève Attac. Un processus de privatisation rampant, poursuit l’organisation, qui pourrait peser lourd sur les emplois liés à la transition. « La CDC finance plus de 70 % de la construction et de la réhabilitation des logements sociaux, ainsi que la plupart des infrastructures et des équipements d’intérêt général. » Au total, note encore Attac, elle « est le principal investisseur dans le doma ine de la transition écologique et sociale ». Selon l’Ademe, la transition énergétique dans le seul secteur de la construction pourrait générer 196 000 nouveaux emplois d’ici à 2050.
Entrée en vigueur ce mardi, la hausse de 2 % en moyenne des péages relance le débat sur la nationalisation des autoroutes. Et de profondes interrogations sur une privatisation qui ressemble à un scandale d’État.
Et maintenant, les autoroutes ! Annoncée il y a quelques mois, l’information a été confirmée par les arrêtés publiés, ce dimanche, au Journal officiel : les péages des réseaux autoroutiers augmenteront bien d’environ 2 % en moyenne à compter de ce mardi. La note s’alourdit donc pour les automobilistes qui subissent déjà l’envolée des prix du carburant.
Alors que, à quelques mois de l’élection présidentielle, la question du pouvoir d’achat tend à s’imposer comme l’une des principales préoccupations des Français, l’annonce tombe mal pour le gouvernement. D’autant plus que la crise des Gilets jaunes a déjà prouvé que l’automobile est un sujet qui peut se révéler explosif.
Cette hausse n’est en réalité pas une surprise puisqu’elle rentre dans un cadre annuel, prévu par les contrats d’exploitation qui lient l’État à trois groupes privés gérant les plus de 9 100 kilomètres d’autoroutes concédées en France. En effet, depuis leur privatisation en 2006, les sociétés concessionnaires d’autoroutes (SCA) « historiques » sont détenues par trois géants de la gestion d’infrastructures – Vinci, Eiffage et Abertis – qui cumulent aujourd’hui plus de 90 % du réseau autoroutier français.
Pour se donner bonne image, Vinci Autoroutes a indiqué dans un communiqué qu’il allait geler les tarifs des péages « sur la majorité des trajets courts de son réseau ». « C’est habile de leur part, commente Vincent Delahaye ( Public Sénat), mais il faudrait que l’on puisse avoir des chiffres afin de savoir ce que leur coûte vraiment ce geste, et de quelles manières il va être amorti », poursuit le sénateur centriste.
Rapporteur en 2020 d’une commission d’enquête sur « le contrôle, la régulation et l’évolution des concessions autoroutières », l’élu connaît bien le sujet. Selon lui, ces augmentations trahissent l’important déséquilibre des contrats passés avec ces sociétés. « L’État n’a pas été suffisamment vigilant avec les contrats de gestion du réseau, estime-t-il. (…) Lorsqu’il y a eu privatisation, au début des années 2000, il aurait fallu en revoir les termes. Aujourd’hui, cette hausse vient nourrir des concessionnaires qui sont largement bénéficiaires, sans que l’on puisse estimer que le résultat soit très satisfaisant en termes de service public. »
En effet, les conclusions du rapport sénatorial auquel il a participé sont accablantes : l’État y apparaît clairement comme le grand perdant face à des opérateurs privés qui ont engendré des bénéfices hors normes.
Il apparaît que, dès le départ, la cession des autoroutes au secteur privé a été mal engagée. Initié en 2002 et mise en place en plusieurs temps, le processus aurait fait perdre à l’État pas moins de 7 milliards d’euros de recettes potentielles. Mais ce n’est pas tout : si d’un côté l’État a perdu, de l’autre côté, les sociétés concessionnaires affichent des résultats insolents : elles ont ainsi versé 24 milliards d’euros de dividendes à leurs actionnaires entre 2006 – année qui marque la fin du processus de privatisation – et 2019. À ce rythme, les estimations d’un bureau indépendant indiquent que deux des trois groupes, Vinci Autoroutes et Eiffage, pourraient atteindre la rentabilité attendue lors de la privatisation dès l’année prochaine, soit 10 ans avant la fin de leurs concessions.
En 2015, alors que l’avidité des sociétés d’autoroutes était déjà pointée du doigt – elles avaient déjà augmenté les prix des péages de 21,7 % en sept ans et vu leur chiffre d’affaires bondir de 26 % – le gouvernement avait accepté un allongement des concessions, repoussées pour certaines jusqu’à 2036. D’ici là, les dividendes devraient encore continuer d’augmenter pour atteindre les 40 milliards d’euros.
Les négociations, alors tenues secrètes selon le souhait des sociétés d’autoroute de préserver le secret des affaires, ont été menées par l’actuelle ministre du Travail, Élisabeth Borne, à l’époque directrice de cabinet de la ministre de l’Environnement, Ségolène Royal, et Alexis Kohler, actuel secrétaire général de l’Élysée et directeur de cabinet, à l’époque, du ministre de l’Économie : Emmanuel Macron.
Ainsi, l’État s’est lui-même, dès le début de l’opération, sciemment mis des bâtons dans les roues. « Les contrats de concession n’ont pas été revus lors de la privatisation », pointe le rapport sénatorial, ce qui a eu pour effet de placer l’État en position de faiblesse lors des négociations qui ont suivi. Une situation qui « l’a conduit à accepter des taux de rentabilité trop élevés par rapport aux conditions de marché et donc des allongements de la durée des concessions et des augmentations tarifaires excessives. »
Pour le député insoumis François Ruffin, l’affaire frise le scandale d’État. « Thierry Breton, Bruno Le Maire, Dominique de Villepin, Élisabeth Borne, Alexis Kohler, Emmanuel Macron… Qu’ont en commun tous ces noms ? Ils ont organisé, ensemble, par leur incompétence, ou par leur malveillance, le pillage des autoroutes de France. Ils ont transformé les automobilistes en vaches à lait de la Sanef, de Eiffage, de Vinci », affirmait-il à l’Assemblée le 14 janvier dernier.
Et le débat sur la renationalisation des autoroutes de refaire surface. Après les communistes en 2019, les députés Insoumis ont déposé à leur tour, fin en novembre dernier, une proposition de loi visant à nationaliser les autoroutes. Ce lundi, Fabien Roussel a confirmé la position du PCF : « La privatisation des autoroutes est un scandale. (…) Je ne renouvellerai pas les concessions. (…) Nous nationaliserons les autoroutes en reprenant les concessions au fur et à mesure ». De leur côté, les sénatrices et sénateurs du Groupe communiste, républicain citoyen et écologiste ont indiqué dans un communiqué souhaiter « aller vers une renationalisation de ces concessions ». S’appuyant sur la stratégie présidentielle de « quoi qu’il en coûte », les sénateurs estiment « qu’au regard des taux d’emprunt aujourd’hui, cet investissement pourrait prendre sa place dans un plan de relance ambitieux » inséré dans le cadre d’une « maîtrise publique des infrastructures ». Un « retour à une gestion publique » qui, selon les élus communistes, permettrait à la fois de baisser les coûts des péages tout en apportant de nouvelles ressources à l’État. Tout le contraire donc, des choix mis en œuvre jusqu’à aujourd’hui.
Qu’on le veuille ou non, la présidentielle passe aussi par les plateaux de l’animateur star de C8. Claire Sécail étudie les contenus politiques de Touche pas à mon poste depuis la rentrée. Verdict : l’extrême droite y est comme à la maison.
De son propre aveu, il s’est « fait manœuvrer ». Jean-Luc Mélenchon et ses équipes ont en travers de la gorge le passage du candidat FI chez Cyril Hanouna dans Face à Baba, le 27 janvier. Ils crient au traquenard, à cause entre autres d’un face-à-face avec Éric Zemmour taillé pour le polémiste, qui a duré une heure dix au lieu des vingt minutes prévues.
Surprenant, sur la chaîne de Vincent Bolloré ? Pas vraiment, répond Claire Sécail. La chercheuse au CNRS scrute et répertorie les contenus des émissions de Cyril Hanouna depuis le mois d’août, et notamment le temps d’antenne consacré aux questions politiques (17 % en moyenne).
Avec environ 1,5 million de téléspectateurs quotidiens, Touche pas à mon poste (TPMP) a bien grandi depuis sa création en 2010, où il occupait une obscure case horaire sur France 4. Douze ans plus tard, TPMP est devenu un espace fréquenté de la bataille culturelle, qui se décline avec les autres shows de Cyril Hanouna : l’hebdo Balance ton post et le plus événementiel Face à Baba.
Or, selon l’universitaire, ces émissions, sous couvert d’un esprit cool, pluraliste et détendu revendiqué par l’animateur, déroulent le tapis rouge aux idées nationalistes et identitaires.
CLAIRE SÉCAIL
Chercheuse au CNRS, spécialiste des médias
D’après vos résultats, est-ce qu’on peut conclure que l’extrême droite joue « à domicile » chez Hanouna, comme semble s’en rendre compte, un peu tard, la France insoumise ?
53 % du temps d’antenne politique de TPMP est consacré à l’extrême droite. Je dis ça, mais il faut noter que sur C8, comme sur CNews, on ne présente jamais les invités comme d’extrême droite, ce qui contribue à banaliser leurs idées. Éric Zemmour a la meilleure part. C’est autour de lui que se construisent les contenus, les débats, comme a pu l’apprendre à ses dépens Jean-Luc Mélenchon dans Face à Baba. Cela démontre d’ailleurs qu’il y a une stratégie idéologique au sein du groupe Bolloré dans son ensemble, et non pas seulement sur CNews. Non pas que Cyril Hanouna soit d’accord avec Éric Zemmour. Mais il est le loyal entrepreneur des idées de Vincent Bolloré, qui lui a signé un contrat à 250 millions d’euros sur cinq ans. Hanouna a par ailleurs de bonnes relations avec les insoumis, mais ils ne lui servent qu’à être des contradicteurs idéaux face à la parole d’extrême droite qui, elle, cadre le débat, dans la logique du clash. Cela permet ainsi de faire croire à un pseudo-pluralisme interne.
Et les chroniqueurs, non plus, n’assurent pas la contradiction…
Le 27 octobre, Juliette Briens, influenceuse identitaire, pro-Zemmour, invitée régulière de TPMP, peut tranquillement dire que « grâce à la France libre de Pétain, grâce à Vichy, il y a des juifs qui ont pu s’échapper de France » sans que personne ne la reprenne sur cette énormité historique. Cela tient à la constitution du plateau : les chroniqueurs n’ont pas les savoirs historiques pour lui répondre, ils sont pour la plupart issus du divertissement ou de la téléréalité. Il ne faut pas perdre de vue auprès de qui ce discours est diffusé. L’Audimat de TPMP est constitué d’un public jeune, issu des milieux populaires, avec un niveau d’éducation moindre qu’ailleurs. C’est redoutable. TPMP, en ce sens, acculture son public, en plus de dévoyer tous les principes traditionnels de production de l’information. Je pense par exemple aux consultations Twitter présentées à l’antenne comme des sondages fiables, qui rythment l’émission. Je ne comprends pas comment des ex-journalistes comme Gilles Verdez ou Isabelle Morini-Bosc peuvent participer à ce dévoiement, tout en se permettant d’accuser en plateau des confrères, comme Élise Lucet, de faire du journalisme à charge…
Quand est-ce que Touche pas à mon poste a muté en émission « politique » ?
TPMP s’est politisée par étapes. En 2013, le premier homme politique d’envergure nationale à s’y rendre a été Jean-Luc Mélenchon, alors que l’émission ne s’intéressait pas du tout à la politique. Puis, en 2017, Nicolas Dupont-Aignan était venu se plaindre chez Hanouna qu’il n’était pas invité à un débat sur TF1. Le basculement, c’est la crise des gilets jaunes, qui conduit à la création de Balance ton post (BTP), plus orienté sur les sujets de société. Cyril Hanouna se targue alors d’être le seul à inviter des figures gilets jaunes, ce qui n’est pas vrai, puisque BFM propose des dispositifs similaires.
Comment résumer la ligne éditoriale de Cyril Hanouna ?
Le récit qu’entretient Hanouna sur ses émissions, c’est l’idée que lui donne la parole à tout le monde, sous-entendu à ceux qui ne l’ont pas ailleurs. Mais TPMP est surtout la pierre philosophale du populisme. Sous couvert de pluralisme, toutes les questions objectivables y sont présentées comme des opinions, sans vérification des faits. C’est un café du commerce permanent, à l’heure de l’apéro, où on construit une vérité alternative, avec un esprit de communauté – Hanouna et ses « fanzouzes », qui lui sont tout dévoués.
TPMP peut-elle être vue comme l’héritière de ce que Tout le monde en parle était dans les années 2000 ? Thierry Ardisson aussi a eu des invités peu recommandables, comme Alain Soral ou le conspirationniste Thierry Meyssan.
En partie, à ceci près que cette émission était hebdomadaire et que ce genre d’invités ne constituait pas une ligne éditoriale, mais des coups médiatiques et provocateurs que se permettait, de temps en temps, Thierry Ardisson. Chez Hanouna, cela fait système, au service d’un projet politique qui est clair quand on regarde l’ensemble des chaînes de Bolloré.
En dehors de la FI, la gauche a-t-elle voix au chapitre sur TPMP et consorts ?
La gauche représente environ 12 % du temps d’antenne, insoumis compris. La gauche hors FI est soit invisibilisée – c’est le cas du PCF, qui n’existe tout simplement pas, ou des Verts (1,8 % du temps d’antenne) –, soit évoquée de manière systématiquement négative. Anne Hidalgo est victime d’un bashing permanent, en tant que maire de Paris. Cela tranche avec la bienveillance d’Hanouna envers ses invités d’extrême droite, comme Stanislas Rigault, de Génération Z, qu’il contribue à rendre sympathique. Les propositions de gauche ne font par ailleurs jamais l’objet de débat en plateau, là où le moindre fait politique ou parapolitique autour de Zemmour est commenté. Le 6 décembre, l’émission s’est même mise au service de sa propagande électorale, alors qu’il se lamentait d’avoir du mal à réunir ses signatures. Sa vidéo d’appel aux élus, produite exprès pour l’émission, a été relayée telle quelle.
La majorité, aussi, est un bon client…
Oui, il y a une sorte de bénéfice mutuel entre les macronistes et Hanouna. À partir du « happening » de Macron sur TPMP, pendant l’entre-deux-tours de 2017, va s’enclencher une logique de renvoi d’ascenseur entre Hanouna et le gouvernement. Marlène Schiappa a largement contribué à transformer l’animateur des nouilles dans le slip en un incontournable du débat politique, en allant régulièrement sur son plateau, et en déclarant qu’il devrait animer le débat du second tour en 2022. Il devient une courroie de transmission de la communication gouvernementale. Prenez Jean-Michel Blanquer. Il ne voulait pas aller sur TPMP par peur de la grossièreté ou d’être trop bousculé. Résultat, son passage s’est tellement bien passé, les questions étaient si inoffensives, que ses équipes n’ont qu’une envie, c’est d’y retourner.
Depuis le début de la pandémie, le président a fait le choix d’une gestion verticale de la crise sanitaire, appliquant les fondamentaux du modèle jupitérien qu’il aime tant. C’est ainsi que douze textes ont été adoptés en deux ans au Parlement. Nul ne conteste le besoin d’agir pour endiguer cette pandémie. Mais la prise de décision en conseil de défense et le choix de porter le cœur des lois uniquement sur les restrictions de liberté sont révélateurs d’un libéralisme autoritaire qui affaiblit nos libertés publiques et notre démocratie.
En transformant le passe sanitaire – sans en faire le bilan – en passe vaccinal, une nouvelle étape est franchie. C’est un choix d’exclusion et de sanction qui est assumé. Certains souhaiteraient même appliquer, comme au Québec, la suppression d’aides sociales pour les non-vaccinés ou le déremboursement des soins hospitaliers. Marginaliser encore plus celles et ceux qui sont le plus éloignés des politiques publiques, voici la démarche cynique du gouvernement.
Au fond, c’est une société de contrôle social que souhaite instaurer ce gouvernement, où les pratiques des citoyens, réduits à l’état de consommateurs, sont connues, classées, fichées. Bientôt, tout le monde pourra contrôler tout le monde. Surtout, ces bases de données énormes, demain aux mains des Gafam, constituent un trésor commercial immense pour prospecter, cibler les publics et les contenus à leur destination jusqu’à la sphère la plus intime. Sans jamais, semble-t-il, interroger la légitimité de tous ces moyens de contrôle et leur finalité.
Finalement, c’est tout notre arsenal législatif des dernières années qui mériterait d’être évalué, des lois sécuritaires aux lois sur le renseignement ou l’antiterrorisme qui, au nom de problèmes réels et sérieux, ont peu à peu restreint nos libertés et confié à des acteurs privés des prérogatives de contrôle et de pouvoir régalien. Nous nous sommes accoutumés à une perte de droits, à des restrictions basées sur un impératif sécuritaire, mettant notamment en péril notre droit à manifester et la liberté d’association. Lorsque nous cédons un peu de liberté au nom de la sécurité sanitaire, qui garantit que nous la retrouverons un jour ?
Le gouvernement n’a cure des alertes des associations, du Défenseur des droits, des organisations syndicales. Car la logique derrière tous ces dispositifs est celle du « business first » : l’économie avant tout !
L’activité économique doit se maintenir à tout prix, le « quoi qu’il en coûte » devient un « quoi qu’il advienne ». Le meilleur exemple en est l’obligation de télétravail, finalement facultative et non contraignante : liberté totale et sans contrainte pour le capital, stigmatisation et division pour le peuple. Dans le même temps, les suppressions de lits dans les hôpitaux, de postes dans les écoles et d’autres services publics, la réforme de l’assurance-chômage, en clair, les orientations libérales, ont suivi leur cours au grand plaisir des marchés financiers, dont les dividendes fleurissent et les grandes fortunes croissent.
Ce libéralisme autoritaire révèle un échec patent de la gestion de cette crise sanitaire : celui de n’avoir jamais répondu aux besoins populaires. Face aux incertitudes et peurs causées par une situation inédite, il aurait fallu faire corps en plaçant la démocratie comme une des solutions. Il n’est pas trop tard pour renforcer les moyens et les missions du service public, et valoriser la culture scientifique pour convaincre sur la vaccination et le respect des gestes barrières, afin de ne pas laisser d’espace aux obscurantistes et complotistes en tout genre.
Espérons que ces enjeux seront au cœur du débat présidentiel qui s’ouvre.
A l’ouverture du Congrès de la JC ce matin, avec les messages d’accueil de Pierre Garzon, maire de Villejuif, et Ozer Ostorun, secrétaire départemental du PCF et le rapport d’ouverture de Léon Deffontaines. La jeunesse a toutes les raisons de s’organiser pour faire respecter ses droits et construire la société à laquelle elle aspire majoritairement. Une société débarrassée de la précarité de la vie, de l’exploitation capitaliste de l’homme et la nature, une société de Paix et de coopérations.
Le MJCF veut faire entendre, dans la campagne présidentielle, la mobilisation contre un système de sélection qui « brise des rêves, des avenirs, des aspirations ». A l'occasion de son congrès, ses militants ont déployé des banderoles dans la capitale le 28 janvier et lancé une pétition en ligne.
Sur la passerelle Léopold Sedar-Senghor à Paris, les passants ont vu se déployer une banderole appelant à stopper Parcoursup, vendredi 28 janvier en fin d’après-midi. Rapidement décrochée par la police, elle venait d’être installée en surplomb de la Seine par des militants du Mouvement des jeunes communistes de France (MJCF). Quelques instants plus tard, ils sont environ 200 à se rassembler sur l’esplanade du Musée d’Orsay, sur la rive qui fait face au jardin des tuileries. Ce même jour, le congrès de leur mouvement s’est ouvert en banlieue, à Villejuif. Et avec cet événement, les jeunes communistes ont décidé de lancer une offensive politique contre le système d’inscriptions et de sélection dans les universités. Nombre d’entre eux, tous militants qu’ils soient, sont en premier lieu concernés par ce système décrié, comme les autres jeunes de leur génération. « C’est un problème qui nous touche », explique Yvelin, militant de La Garenne Colombes. Le secrétaire général du MJCF, Léon Deffontaines, nous en rappelle le bilan chiffré : « un jeune sur deux s’est retrouvé inscrit dans une filière par défaut. 80 000 d’entre eux sont sans affectation à l’issue du processus ». Après une première année dans le supérieur, les tentatives de réorientation passant à nouveau par les algorithmes de Parcoursup risquent d’exploser alors que le processus vient de démarrer pour la prochaine rentrée. « Parcoursup est symptomatique des politiques libérales et du macronisme, fustige Léon Deffontaines. Il a brisé des rêves, des avenirs, des aspirations ». Du coup, le MJCF a mis en ligne ce même 28 janvier une pétition appelant à l’abrogation de ce système, que les lycéens et les étudiants peuvent signer sur « stopparcoursup.org ».
Et il ne s’agit pas d’une lubie des seuls jeunes communistes… Jordi, étudiant à Montpellier, nous confirme que c’est le sujet de préoccupation numéro un des lycéens lorsqu’il en discute avec eux. « Ce système est non seulement injuste, mais il sème aussi la division entre ceux qui n’arrivent pas à avoir de place ». Avec ses initiatives, qui ne se limitent pas à la pétition en ligne avec notamment des actions de blocage de lycées dans plusieurs villes lors du mouvement de grève du 27 janvier, le MJCF tente « d’organiser cette colère ». « On a vu fleurir ici et là quelques tentatives d’auto-organisation des lycéens et des étudiants contre Parcoursup », expliquent Emma et Eva, jeunes communistes de Toulouse. « Mais c’est parfois mal organisé et ça ne dure pas », précisent les deux militantes, qui travaillent à mobiliser leurs collègues étudiants. Chez les autres militants du MJCF, on est très désireux de passer à l’action également. Lorsque Léon Deffontaines prend la parole sur l’esplanade du musée d’Orsay, les drapeaux rouges s’agitent. « Nous avons besoin d’une jeunesse formée et diplômée pour relever les défis de l’avenir. Et nous revendiquons un revenu étudiant, pour mettre fin à la galère des salariés étudiants », lance-t-il sous les applaudissements. Il s’en prend à la politique d’Emmanuel Macron, mais n’épargne pas « le quinquennat précédent » : « Le Parti socialiste est tout aussi responsable de la sélection que la République en marche ». À ses côtés, Jeanne Péchon, secrétaire nationale de l’Union des étudiants communistes, dénonce en Parcoursup une « plateforme qui n’a pas remis l’humain au cœur du processus ».
« Ce sont les élèves issus des classes populaires qui subissent le plus cette sélection discriminatoire, fondée sur le dossier scolaire », rappelle le texte de la pétition. À Rennes, Victor et Clément constatent que c’est encore plus vrai qu’ailleurs. « C’est une université très populaire, installée dans un quartier tout aussi populaire, rapportent les deux jeunes. On a 42 % de boursiers, qui sont les premiers touchés par la sélection de Parcoursup ». De ce fait, le 27 janvier, ils ont compté de nombreux étudiants et lycéens dans la manifestation intersyndicale. « Quand on en parle avec les étudiants, ça fait tilt. On est en train d’organiser des mobilisations, et ça tombe bien parce que Rennes est aussi une université très politisée ». Les deux militants constatent aussi un affaiblissement historique des syndicats étudiants, et estiment que le MJCF a pris une bonne initiative avec ces actions contre Parcoursup : « ça permet de faire des conjonctions, que les organisations se retrouvent ».
La campagne électorale est aussi une occasion pour le MJCF de relancer la contestation contre la sélection, de l’imposer dans les débats. « Nous voulons, avec la pétition, que les candidats à la présidentielle se positionnent, insiste Léon Deffontaines. Pour l’instant, Fabien Roussel a affirmé qu’il en terminerait avec Parcoursup s’il est élu », souligne également le dirigeant des Jeunes communistes.
Je m’attarde cette semaine sur trois événements qui montrent à quel point le système capitaliste est un antihumanisme. Qu’il s’agisse des EHPAD avec les révélations du livre Les Fossoyeurs de Victor Castanet, de la situation faite à EDF et à l’avenir de notre système de production d’énergie ou du débat autour de l’augmentation du salaire net via une baisse des cotisations sociales… Tout montre qu’il est urgent de défricher les chemins d’un après-capitalisme, que nous appelons communisme.
L'opération Pécresse et le salaire net
Attention dangers. Si l’électorat de gauche, si nos concitoyennes et nos concitoyens attachés à la sécurité sociale, restaient l’arme au pied à l’occasion des élections présidentielle et législatives, s’ouvrirait, bien malgré eux, une vaste entreprise de démolition de notre système de protection sociale.
Les candidats de droite, de M. Macron à l’extrême droite, ne le revendiquent pas ouvertement, mais leurs propositions, entre lesquelles les différences il y a l’épaisseur d’une feuille de papier à cigarette, y aboutissent toutes. Pour préserver les intérêts du grand capital, les uns et les autres ne veulent ni augmenter les salaires, ni bloquer les prix, ni diminuer les impôts indirects désormais baptisés « impôts de consommation » et encore moins augmenter les impôts sur le capital dit « impôts de production » Ces mots nouveaux de la doxa libérale.
Tous en cœur avec Mme Pécresse, ils ont trouvé un subterfuge. Il a une apparence trompeuse de bon sens, un goût artificiel de justice, un mauvais parfum de reconnaissance du travail. Il s’agit, en réalité, d’un subtil poison qui détruirait la sécurité sociale, c’est-à-dire la capacité de notre communauté nationale à protéger tous ses membres de la maladie, à améliorer les capacités de l’hôpital et les conditions des personnels de santé.
Voici l’entourloupe ! Pour les droites, afin d’augmenter le salaire net sans toucher à la répartition de la valeur créée par le travail, il suffirait de réduire les cotisations sociales des travailleuses et des travailleurs. En apparence le travailleur touchera plus, mais il le rendra au centuple en cas de maladie et par la faiblesse induite des pensions de retraite. Ce que le salarié aura l’illusion de gagner d’une main, l’assuré social, il s’agira généralement de la même personne, le rendra de l’autre. C’est la partie de la rémunération socialisée donnant les moyens de faire face à la maladie, au financement des hôpitaux et des retraites qui diminuerait d’autant. Seul l’employeur serait gagnant ! Et les recettes de la sécurité sociale seront d’autant affaiblies.
Mieux, où plutôt pire encore. La travailleuse, le travailleur, sa famille paierait le manque à gagner au prix fort, notamment par une augmentation de 2%, dans un premier temps, de la TVA. Cet impôt indirect le plus injuste qui ponctionne directement et lourdement le pouvoir d’achat populaire.
Plus fondamentalement, le transfert des cotisations sociales sur le travail, vers l’impôt, constitue une modification majeure de la conception même de la protection sociale universelle construite par le ministre communiste Ambroise Croizat, telle qu’elle est conçue par le programme du Conseil national de la Résistance (CNR). Dans l’esprit et la lettre de cette avancée civilisationnelle, dans une France ruinée par six années de 2e Guerre mondiale, la cotisation sociale contribue au redressement du pays parce qu’elle est un prélèvement sur la valeur ajoutée issue de la création collective de richesses, c’est-à-dire du travail.
Gérée par les organisations de travailleurs, elle est protégée de toutes formes de spéculations boursières ou immobilières. Elle est orientée vers la caisse de recouvrement de la sécurité sociale et distinct de la gestion de l’État. Ainsi, elle est à l’abri des tours de vis et des ajustements décidés par les gouvernements, désormais aux ordres des injonctions des autorités européennes. À l’opposé, l’impôt est prélevé par le Trésor public et ne donne aucun droit.
Intégrer plus avant la protection sociale au budget de l’État, en remplaçant des cotisations par des impôts, reviendra à subordonner l’efficacité (ou l’inefficacité) des politiques sociales à des considérations purement financières. Pourtant, tout le monde s’accorde, en pleine pandémie, à reconnaître que grâce à notre système de sécurité sociale – certes imparfait et affaiblie par de multiples coups de canif – la crise a pu être amortie.
Si un tel projet aboutissait, tandis que les plus fortunés se tourneraient vers les assurances privées, les catégories les plus modestes, au premier rang desquelles se trouveraient celles et ceux dont le salaire net a été un peu augmenté, seraient placés dans une situation de terrible insécurité sanitaire.
En 1910, défendant sa loi sur les retraites ouvrières et paysannes, Jean Jaurès avait alerté déjà : « l’assistance (l’argent des impôts versé aux plus démunis) quelle qu’elle soit, si soucieuse qu’elle soit de l’équité et de la dignité des hommes, c’est toujours… Le pauvre incliné pour recevoir. C’est souvent l’arbitraire, c’est l’indétermination… Avec l’assurance (le droit à une prestation sociale issue d’une cotisation), c’est un droit certain qui met l’homme debout, qui assure son droit à une heure déterminée…. Il a un droit certain, mathématique, qui respecte pleinement sa dignité d’homme. »
C’est une autre cohérence que dessinent les macronistes et les droites de tout poil. Dans leurs conseils de campagne, dans des cercles parisiens de la pensée libérale, on mijote en ce moment les mêmes projets.
M. Pascal Perri, dans une chronique chez nos confrères « Les Echos » daté du lundi 24 janvier dévoile ce qui se trame : « Est-ce bien le rôle du travail de financer la santé et la famille » interroge-t-il ? Et de conclure : « Il faudra tôt ou tard cesser d’accabler le salarié pour mettre un peu plus à contribution le consommateur » (1)
Ainsi les droites, qui feignent de répondre à la demande d’augmentation des salaires, construisent une arme de destruction massive de notre système de protection sociale. Or, l’heure appelle tout l’inverse : investir massivement, dans la santé et l’hôpital. Ils comptent donc faire le contraire.
Ce projet caché, si nous ne le démystifions pas, annonce aussi une profonde période d’austérité pour faire payer au prix fort le remboursement de la dette par les catégories populaires.
Dans ces conditions, pour un électeur se réclamant de la gauche, s’abstenir reviendra a donné un blanc-seing à la destruction de la sécurité sociale. Cette grande innovation communiste à la Libération. Ce ferment de communisme. Aujourd’hui, Fabien Roussel suit la même trajectoire pour mettre l’économie au service de l’humain. Au cœur des engagements de son programme, il y a le mieux vivre, de toutes et tous, garantie et sécurisé avec une sécurité sociale « bien commun » de ses cotisants. Avec la prise en charge à 100%, la suppression des franchises médicales, la fin des dépassement d’honoraires, la fin de la tarification à l’acte, du forfait hospitalier et des urgences payantes, le développement des centres de santé, l’ouverture de milliers de places d’étudiants en médecine, le développement de la médecine du travail, un plan débattu avec les syndicats et les élus pour l’hôpital public, la création rapide de 100 000 postes, la création d’hôpitaux et de maternités de proximité, la fin des déserts médicaux, la mise hors marchandisation financière des médicaments et des vaccins.
Le financement de telles ambitions pour notre pays est possible grâce à une cotisation additionnelle sur les revenus financiers des entreprises et des banques ; l’augmentation des salaires (brut et net), la sécurité de l’emploi ; l’égalité salariale femmes-hommes. Ce serait justice.
Nous faisons nôtre ce principe républicain de solidarité, mis en place par les ordonnances des 4 et 19 octobre 1945 : « De chacun selon ses besoins, à chacun selon ses moyens » formule inspirée du nouveau testament, reprise par Louis Blanc puis par Karl Marx (2). La civilisation est de ce côté. La barbarie de l’autre.
(1) Pascal Perri est économiste et géographe, chroniqueur aux Échos et LCI.
(2) Karl Marx dans critique du programme de Gotha
Les cotisations employeurs ont déjà beaucoup été abaissées depuis des années/
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Sous le gouvernement Balladur en 1993 : exonération des cotisations d’allocations familiales pour les salaires jusqu'à 1,1 Smic et réduction de moitié pour les salaires compris entre 1,1 et 1,2 Smic.
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En 1995 -1998, les ristournes Juppé réduction des cotisations sociales pour les salaires situés entre le Smic et 1,2 fois le Smic puis 1,3 Smic cumulables avec les réductions des cotisations familles.
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2005 réforme Fillon : le dispositif est unifié et le seuil d’exonération est porté à 1,6 Smic
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2013-2016 dispositif Hollande avec le crédit d’impôt à hauteur de 4% puis 6% de la masse salariale jusqu’à 2,5 Smic puis pacte de solidarité et de responsabilité : baisse de 1,8 point des cotisations patronales jusqu’à 1,6 Smic puis 3,6 Smic en 2016.
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2019 transformation par le gouvernement Macron du CICE en diminution des cotisations patronales.
Tout ceci a-t-il contribué à augmenter les salaires, à réduire le temps de travail, à créer de l’emploi ? Poser la question, c’est y répondre !