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17 août 2017 4 17 /08 /août /2017 06:17
Le devoir d’hospitalité
 PAR 

Tandis qu’en France la solidarité est devenue un délit, sanctionné par les tribunaux, l’Union européenne laisse l’Italie criminaliser les ONG qui viennent au secours des migrants en Méditerranée. Cette politique de rejet et d’indifférence est aussi irréaliste qu’elle est inhumaine.

 

Un jour, on se souviendra avec honte qu’en France, au début du XXIe siècle, une démocratie, son État, ses gouvernants et ses juges, ont criminalisé ce geste élémentaire d’humanité : la solidarité. Et qu’ils l’ont fait alors que notre continent, face à un défi humanitaire sans précédent depuis les catastrophes européennes du siècle passé, avait rendez-vous avec son âme, pour reprendre la forte formule du président de SOS Méditerranée, Francis Vallat, ancien armateur fidèle aux solidarités élémentaires, comme tout marin l’a appris de la mer : « À un moment donné, quand quelqu’un coule, vous le sauvez… Nous, on essaie de sauver notre âme, celle de l’Europe » (lire ici notre entretien).

Pour l’heure, on se demande comment, lors de la prochaine rentrée des classes, les enseignants s’en sortiront face aux élèves qui les interrogeront sur la condamnation en appel de l’agriculteur Cédric Herrou à quatre mois de prison avec sursis pour avoir aidé des migrants, avec cette motivation jugée aggravante par les magistrats d’« une démarche d’action militante ». Une peine qui ne témoigne d’aucune mansuétude puisque, de nouveau mis en examen pour des faits similaires et n’ayant aucune intention de renoncer à son engagement avec tous les solidaires de la vallée de la Roya (Alpes-Maritimes), Cédric Herrou risque désormais la prison ferme à sa prochaine récidive.

Car la « solidarité » figure explicitement aux programmes de l’enseignement moral et civique (voir ici), dispensé aussi bien en école élémentaire qu’au collège et au lycée. En bonne place, ce mot venant juste après les trois de la devise républicaine (liberté, égalité, fraternité) et celui de laïcité, il fait partie des « principes » et des « valeurs » que l’éducation nationale est supposée transmettre à notre jeunesse afin que son « aptitude à vivre ensemble » soit portée par « une même exigence d’humanisme ». Selon son énoncé officiel (les programmes sont ici et ), cet enseignement prévoit même d’éduquer les élèves à« la sensibilité » comme « composante essentielle de la vie morale et civique : il n’y a pas de conscience morale qui ne s’émeuve, ne s’enthousiasme ou ne s’indigne ».

Dès l’école primaire, le « secours à autrui » est cité comme exemple de ce nécessaire « engagement » dans les affaires de la cité et la marche de l’humanité auquel préparent ces leçons, invitation à « agir individuellement et collectivement » afin de « s’impliquer dans la vie collective ». Quand on arrive au lycée, le refrain se fait encore plus insistant, ambitionnant « la formation d’une conscience morale », vantant « l’exercice du jugement critique » et plaidant pour « le sens de l’engagement ». L’affaire Cédric Herrou est donc bien, littéralement, un cas d’école qui illustre le divorce entre des gouvernants ayant renoncé aux principes dont notre République se réclame et des individus qui s’efforcent de les sauver en les faisant vivre, au-delà des grands discours(par exemple ici celui tenu par Emmanuel Macron, à confronter à la réalité expliquée).

Tout comme le maire de Grande-Synthe, Damien Carême, qui a refusé de se dérober face au devoir d’hospitalité (voir son blog sur Mediapart), Cédric Herrou est une figure morale, incarnant cette résistance éternelle à la raison d’État, à son cynisme froid et à son égoïsme imprévoyant. Les tenants de celle-ci ont coutume de ricaner au seul énoncé de ce mot, « morale », oubliant que l’État dont ils se prétendent les gardiens l’enseigne aux générations à venir, lui conférant une dimension civique en refusant de la reléguer au seul domaine de l’intime ou du spirituel. C’est pourquoi la désobéissance éthique (lireici et ) que revendiquent les militants solidaires des migrants et des réfugiés restera comme l’exemple même des combats par lesquels l’humanité s’est grandie quand les noms de ceux qui les ont méprisés ou réprimés seront définitivement oubliés.

Inventeur du concept de « désobéissance civile » en 1849, l’Américain Henry David Thoreau refusa de payer ses impôts pour empêcher qu’ils financent l’injuste guerre de conquête des États-Unis au Mexique, tout comme la féministe Hubertine Auclert fit de même en 1879 afin de revendiquer le droit de vote si longtemps refusé aux femmes. Qui ne convient, aujourd’hui, que l’une comme l’autre furent précurseurs et visionnaires quand les politiciens et les administrations auxquels ils s’opposaient ne voyaient pas plus loin que leur pouvoir immédiat, borné et limité, sans imagination ni anticipation ? Ainsi l’attitude des désobéissants d’hier et d’aujourd’hui est-elle autant politique que morale : en prenant leur risque, en s’indignant et en résistant, ils font de la démocratie un chantier toujours ouvert, en construction permanente.

« Le citoyen, demandait Thoreau, doit-il un seul instant, dans quelque mesure que ce soit, abandonner sa conscience au législateur ? Pourquoi, alors, chacun aurait-il une conscience ? Je pense que nous devons d’abord être des hommes, des sujets ensuite. » Un peu plus d’un demi-siècle auparavant, la Déclaration des droits de l’homme de 1789 ne disait pas autre chose en énonçant, dès son article 2, la « résistance à l’oppression »parmi « les droits naturels et imprescriptibles de l’Homme » (voir ici). Or, sauf à ignorer tout principe d’humanité, qui ne voit, parmi nous, qu’il y a en effet oppression quand des États se refusent à aider des hommes, des femmes et des enfants en détresse ou en péril, ne les secourent pas quand ils risquent la mort dans le simple espoir de survivre, ne les accueillent pas alors qu’ils fuient guerres et misères, violences et sécheresses, désordres économiques, dénis démocratiques et dérèglements climatiques, ne les nourrissent ni ne les hébergent, ne leur accordant même pas le minimum vital ? 

Loin de relever de pétitions de principe abstraites, ces mots, qui fondent une éthique de la solidarité, sont concrètement inscrits dans une foultitude de textes internationaux et européens – traités, conventions, résolutions, déclarations, directives, etc. – qui, depuis la Seconde Guerre mondiale, font obligation aux États de les respecter. Quand ces derniers les bafouent, avec la complicité active de gouvernants incapables d’être au rendez-vous de leur responsabilité historique, flattant les égoïsmes nationaux et jouant sur les replis identitaires, il revient donc à la société de les défendre. Tel est le sens de l’action de Cédric Herrou ainsi que de tant d’autres militant-e-s associatifs. Et c’est bien parce qu’elle dévoile l’injustice et la lâcheté des politiques officielles, de tri entre migrants et de fermeture des frontières, qu’elle devient insupportable au pouvoir en place.

Le réalisme est du côté des solidarités

Car, contrairement à ce que nous serine depuis des années la vulgate politicienne et médiatique, le réalisme est du côté de ce monde associatif et militant. Réalisme des principes, évidemment, qui, à force d’être piétinés par les administrations étatiques et les gouvernements en place, deviennent des mots vidés de leur sens et, pour le coup, des digues immensément fragiles face aux régressions xénophobes, autoritaires et identitaires. Ainsi, comment ne pas être alarmé par le fossé abyssal qui s’est creusé entre le monde unanime des défenseurs des droits humains et les politiques mises en œuvre, sous cette présidence comme sous les deux précédentes, à l’encontre des migrants ? Leur expertise, nourrie de l’expérience vécue, est tenue pour négligeable par un État qui ne raisonne qu’en termes de flux, de stocks et de chiffres, sans jamais prêter attention aux réalités humaines qu’ils recouvrent et à ce qu’elles pourraient lui apprendre.

Le très indépendant et fort respecté Défenseur des droits (ici et aussi là), la Commission consultative des droits de l’homme, à l’unanimité de la soixantaine d’associations qu’elle regroupe (), des ONG aussi diverses qu’Amnesty International, la Cimade, Médecins du monde, Médecins sans frontières et le Secours catholique (), tous ont beau avoir pris position contre cette criminalisation de la solidarité, proclamant qu’elle n’est que la mise en pratique de la défense des droits humains fondamentaux, rien n’y fait !

L’État continue son aveugle et irresponsable bonhomme de chemin, contrôle, réprime, interpelle, garde à vue, poursuit, met en examen, traduit en justice, condamne… « Ni trafiquants ni délinquants, lui ont récemment rétorqué plusieurs ONG et associations,ces personnes [qui viennent en aide aux migrants], inquiétées, intimidées, poursuivies et désormais condamnées, sont avant tout des défenseurs des droits humains. Car il s’agit bien de protéger les droits violés des personnes migrantes et réfugiées, qui sont confrontées à l’inaction, aux défaillances et même aux atteintes à ces droits portées par les autorités françaises. »

Mais ce que donne à voir ce divorce entre un État, qui parie sur une indifférence collective qu’il entretient, et des militants, dont les actes individuels s’efforcent de réveiller les consciences, c’est aussi l’irréalisme inopérant des politiques officielles quand, au contraire, le monde associatif fait preuve d’un pragmatisme efficace. Car qu’ont fait nos gouvernants depuis que l’accentuation interdépendante de crises démocratiques, humanitaires, sécuritaires, sociales, écologiques, etc., a accéléré la mise en branle d’une humanité en quête de survie et de dignité, venue du monde arabe et du continent africain ? Ils n’ont rien voulu comprendre ni entendre. Au lieu de prendre la mesure durable et persistante de cet ébranlement, ils s’entêtent à fuir le monde nouveau qu’il dessine, où réfugiés politiques et migrants économiques sont emmêlés, où les désastres guerriers et les désordres climatiques avancent de concert, où l’Europe est définitivement requise par un devoir d’hospitalité.

La même Union européenne qui impose à ses peuples des politiques économiques uniformes, sur lesquelles ils n’ont guère prise, a été incapable d’élaborer des réponses communes, solidairement partagées par ses États membres, sur les questions migratoires. Impuissante à inventer des solutions à la hauteur d’un défi historique, elle a préféré se défausser, écarter, repousser, mettre à distance, etc., cette réalité humaine qui la bouscule et la dérange. C’est ainsi qu’en 2015, elle a pressé le gouvernement italien de mettre fin à l’opération de secours en mer Mare Nostrum, pour donner la priorité, avec Frontex, à la surveillance de ses frontières. Puis, en 2016, elle a conclu cet accord de la honte avec la Turquie (lire ici), sous-traitant à Ankara le blocage des réfugiés, moyennant finances – les migrants ne sont plus qu’une monnaie d’échange – et silences – la dérive autoritaire du régime a continué de plus belle.

Or c’est ce même accord qu’avec le concours zélé de la France, l’UE veut aujourd’hui reproduire en Libye (lire là), dans un pays encore plus instable, dévasté et déchiré, où les violences et sévices subis par les migrants sont attestés. Comment ne pas redouter que cette promotion de la Libye en auxiliaire des politiques de contrôle migratoire ne s’accompagne d’une tolérance coupable envers les atteintes aux droits humains et aux principes démocratiques subies par son peuple ? Et d’autant plus que le semblant d’autorités libyennes et les autorités italiennes paraissent soudain s’être donné le mot, les premières pourchassant les navires de sauvetage en mer (lire ici), les secondes criminalisant les ONG qui les affrètent (lire ici l’alerte de Migreurop et là le rapport de Forensic Oceanography). C’est comme si, pour guérir une maladie, on s’en prenait aux médecins qui, vaille que vaille, tentent de la soigner. 

Le repli sur nous-mêmes, nos frontières, nos nations, nos conforts, nos indifférences, est une dangereuse illusion qui ne nous protégera pas des bouleversements de ce nouveau monde où « nous ne sommes plus seuls », selon la pertinente formule de Bertrand Badie qui aimerait trouver des gouvernants capables de voir loin, de penser large et d’agir au-delà du court terme (lire ici). Politistes, géographes, historiens, démographes, etc., nombreux sont les chercheurs qui documentent cette complexité inédite de la question migratoire qu’une politique digne de ce nom devrait oser prendre à bras-le-corps. S’ils étaient lus, mieux écoutés, nous entendrions cette pédagogie qui manque, capable à la fois de dire les difficultés objectives de l’accueil et de l’intégration tout en énonçant cette vérité que nous n’avons plus le choix, sauf à nous couper du mouvement du monde et de l’exigence d’humanité.

François Gemenne est l’un des plus notables d’entre eux qui, dans un appel lumineux à « ouvrir les frontières » (lire ici, accès payant), a mis en évidence le « vide politique abyssal » des réponses européennes à une crise qui, souligne-t-il, « n’est pas celle des réfugiés » : « Cette crise est d’abord celle de l’Europe. Parce qu’elle révèle son incapacité à répondre de façon digne et cohérente à l’une des plus graves crises humanitaires qu’elle ait connues à ses portes. » Europe, on le sait, fut une divinité de la mythologie grecque. Il y a un quart de siècle, le philosophe René Schérer exhumait l’une des figures qu’y prend Zeus, le dieu des dieux : Zeus hospitalier, dieu de l’hospitalité (voir ici). Ce Zeus que l’on retrouve dans l’Odyssée, lors du retour final du pérégrinant Ulysse à Ithaque.

Déguisé en mendiant, crasseux et misérable, Ulysse, méprisé des puissants dont il fut, est accueilli de bonne grâce par un humble porcher qui, à ses remerciements, réplique :« Étranger, je n’ai pas le droit, quand même viendrait quelqu’un de plus miséreux que toi, de manquer de respect envers un hôte. Ils sont tous envoyés de Zeus, étrangers et mendiants. » Lui-même helléniste, Jean-Pierre Vernant, cette haute figure de résistance démocratique et d’exigence intellectuelle, creusait ce sillon, où se mêlent antiques sagesses et compassions spirituelles, en nous invitant à jeter des ponts, à faire lien, à tendre la main, bref à être solidaires : « Pour qu’il y ait véritablement un dedans, encore faut-il qu’il s’ouvre sur le dehors pour le recevoir en son sein. Pour être soi, il faut se projeter vers ce qui est étranger, se prolonger dans et par lui. Demeurer enclos dans son identité, c’est se perdre et cesser d’être. On se connaît, on se construit par le contact, l’échange, le commerce avec l’autre. Entre les rives du même et de l’autre, l’homme est un pont. » 

Cédric Herrou et ses semblables sont de ces hommes qui, jetant des ponts, sauvent l’âme de l’Europe.

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17 août 2017 4 17 /08 /août /2017 06:13

Le président nouvellement élu a cru devoir à l'occasion de la commémoration de la rafle du Vel' d'Hiv inviter M. Netanyahou et dans le même mouvement prononcer une condamnation ex cathedra contre l'antisionisme identifié à l'antisémitisme. 

Ce comportement est inconcevable pour plusieurs raisons: en premier lieu parce que le premier ministre israélien est coupable de crimes de guerre, qu'il pratique une politique non seulement contraire à toutes les résolutions de l'ONU relatives au règlement pacifique juste et négocié du conflit au Proche-Orient mais en outre traite la déclaration d'indépendance d'Israël comme un chiffon de papier; celle-ci ne permet à aucun gouvernement israélien de faire fi des résolutions dont l'engagement à les respecter a conduit à la création de l'Etat d'Israël. 

En second lieu, cette invitation du premier ministre israélien pour la commémoration de la rafle du Vel d'Hiv conforte les propagandes - notamment celle d'Israël, répercutée par le Crif en France - qui veulent faire admettre à l'opinion publique qu'Israël est légitime pour parler au nom de tous les juifs, comme si toutes les victimes de la rafle, tous les survivants du génocide et leurs successeurs se reconnaissaient dans "le" sionisme. 

En troisième lieu, l'identification de l'antisionisme à l'antisémitisme est scandaleuse: il est notoire que "le" sionisme n'existe pas, ses variantes sont multiples; rappelons que Ben Gourion, qui se réclamait du "sionisme", considéra M. Begin comme un nouvel Hitler jusqu'à la guerre des Six-Jours; la politique israélienne subit ensuite de profondes inflexions jusqu'à aujourd'hui, où la version du "sionisme" de Jabotinsky, version d'ultradroite et quasi fascisante, l'inspire. Il n'existe et ne peut exister de définition univoque de ce courant idéologique traversé d'influences multiples et de contradictions considérables. 

Pour cette même raison, l'"antisionisme" est une terminologie qui n'admet aucune définition univoque. Celles et ceux qui éventuellement s'en réclament sont constitués par au moins deux courants distincts et opposés; le premier est d'inspiration démocratique, ne conteste pas la légitimité de l'Etat d'Israël au terme des résolutions de l'ONU et à ce titre entend protester globalement contre la politique de l'Etat d'Israël. Ignorer qu'en Israël même nombre de voix de progressistes se réclament de l'"antisionisme" révèle ou bien l'ignorance coupable du chef de l'Etat ou sa complicité avec la politique actuelle de l'Etat d'Israël. 

Un second courant se réclamant de "l'antisionisme" ne fait aucun mystère de son rejet des résolutions de l'ONU, considère globalement l'Etat d'Israël comme illégitime, sa création comme une erreur, et suspecte tout compatriote "juif", qu'il se déclare tel ou non, comme suspect de "sionisme"; ce courant est ouvertement antisémite et il se pare d'"antisionisme" pour éviter d'être traduit en justice; en France l'antisémitisme est un délit. 

Entretenir la confusion est gravissime et vise à empêcher la critique démocratique de la politique du gouvernement israélien, à criminaliser celles et ceux qui n'hésitent pas à la combattre en utilisant une terminologie sujette à caution mais dont le contexte de l'expression ne laisse aucune place à aucune interprétation équivoque. 

Enfin, c'est le plus grave, cette identification entre un délit et une terminologie discutable crée un précédent inadmissible: c'est le courant démocratique qui est seul visé et qui se trouve sous le coup d'un procès inquisitorial. Une autre voix juive a constamment refusé de placer son action sous le signe de "l'antisionisme" mais combattra avec résolution toute tentative d'intimidation de nos compatriotes qui tout en voulant à bon droit protester contre la politique israélienne ne mesurent pas les ambiguïtés de cette terminologie. 

 

Pascal Lederer et Olivier Gebuhrer

Coanimateurs d'Une autre voix juive  

http://uavj.free.fr 

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17 août 2017 4 17 /08 /août /2017 05:56

 

Moins d'une décennie après la grande crise de 2008, la finance mondiale est de retour sur un volcan. D'énormes masses financières se sont de nouveau accumulées, mettant le système sous pression. Les chiffres cités dans nos pages parlent d'eux-mêmes. 23 milliards de profits en 2016 pour les banques françaises. 75 milliards pour les groupes du CAC 40. 1 145 milliards de dividendes versés dans le monde avec, toujours pour la France, quasiment championne d'Europe et aux premiers rangs dans le monde en la matière, une hausse de 11 % au profit des actionnaires. Malgré les déclarations des États, les repentirs et les larmes de crocodile des grands organismes financiers qui n'avaient rien vu venir ou rien voulu voir, malgré les engagements des sommets internationaux promettant une régulation toujours reportée au lendemain, la fin des paradis fiscaux pour la saint-glinglin, toutes les conditions sont réunies pour une explosion de plus grande ampleur encore qu'en 2008.

Cela pour une raison simple. La clé de la crise de 2008, c'est une suraccumulation financière telle que les capitaux en concurrence sont amenés, pour se rentabiliser, à prendre des risques de plus en plus importants. Cela en les reportant en cascade sur d'autres organismes financiers par des jeux sophistiqués dont la multiplication des produits dérivés. Parmi ces risques, prêter de l'argent à des gens qui n'en ont pas. C'est de l'argent virtuel, du sable. Qu'ils cessent de rembourser, et la machine saute. C'est la crise des subprimes.

Les masses financières d'aujourd'hui se retrouvent dans une situation de véritable guerre financière dont les pauvres, les couches moyennes sont la chair à canon et les États les champs de bataille. En France, Emmanuel Macron est à la manœuvre. La mobilité et la flexibilité annoncées comme autant d'objectifs de la loi travail sont les accélérateurs d'une économie de prédation, volatile, orientée vers le profit à court terme et en quête permanente de rentabilité dans cette concurrence mondiale sans frein. C'est « danser » sur le volcan.

 

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17 août 2017 4 17 /08 /août /2017 05:51

Dix ans. Un « jeudi noir », un krach, le premier d’une longue série, s’abattait sur la planète finance. Pourtant ce jour-là, la ministre de l’Économie, Christine Lagarde – actuelle directrice du FMI –, affirmait dans les colonnes du Parisien que ceci « n’était pas un krach », tout juste « un ajustement » aux « gros excès » américains, « une correction brutale » mais « prévisible ». Et d’appeler les Français à garder « la tête froide ». Le système financier s’effondrait, entraînant avec lui la plus grave crise financière depuis la Grande Dépression. Fini le capitalisme triomphant, les ravages de la financiarisation éclatent à la face du monde, révélés par le scandale des subprimes. Créés au début des années 2000, ces crédits immobiliers à taux variables octroyés aux Américains les moins aisés les ont contraints à s’endetter pour se loger. La remontée des taux d’intérêt et la chute du marché immobilier auront raison de la capacité des ménages à honorer leurs échéances. La bulle éclate.

«LE BARIL DE POUDRE, QUI N'A PAS ENCORE EXPLOSÉ, EST TROIS OU QUATRE FOIS PLUS GRAND QU'EN 2007.» DENIS DURAND ÉCONOMISTE MEMBRE DU PCF

 

Dix ans après, la planète finance toujours en surchauffe

 

Dès août 2007, le scandale des subprimes plongeait l'économie mondiale dans une crise financière majeure. Une décennie plus tard, le monde de la finance, soutenu par les politiques néolibérales au pouvoir, continue de dicter sa loi.

Les images ont fait le tour du monde. Cartons sous le bras, les salariés de Lehman Brothers quittent leurs bureaux new-yorkais. 25 000 licenciements en une seule journée. La chute de la quatrième banque d'affaires américaine fait les gros titres. Une faillite symbole de la globalisation financière planétaire. Le ver est dans le fruit et les subprimes, actifs immobiliers pourris, sont partout. Avec la création de produits financiers complexes, les fonds d'investissement, de pension et l'ensemble des banques ­ y compris en France BNP Paribas ou Crédit agricole ­ en ont les caisses pleines. Des produits financiers qui désormais, ne valent plus rien. Tout le monde soupçonne tout le monde. Le marché est grippé. Mais il ne cède pas. Contrairement à 1929, les banques centrales volent au secours du système. Elles injectent des liquidités, rachètent les titres qui n'ont plus aucune valeur. Les entreprises, les ménages n'accèdent plus aux crédits. La récession est inévitable. Le vocabulaire économico-financier devient connu de tous. Les États dépensent, s'endettent pour empêcher que la récession ne se transforme en dépression.

 

LES BANQUES ONT RENOUÉ AVEC LES SUPERPROFITS

Dix ans plus tard, tous les décideurs politiques, « experts économiques » invités sur les plateaux télé s'enorgueillissent de la reprise économique. Sortie des lignes rouges, la croissance de la zone euro est positive depuis seize trimestres. Les banques ont renoué avec les superprofits et sont certifiées « solides » par nos institutions financières qui, chaque année, réalisent des krach-tests, appelés stress-tests. En 2016, les six premiers groupes bancaires français ont dégagé plus de 23 milliards d'euros de profits. Un record, loin cependant des 27,8 milliards de dollars de la première banque américaine, J.P. Morgan. Les multinationales exultent aussi. En 2016, celles du CAC 40 ont engrangé 75 milliards d'euros de profits (+ 32 % par rapport à 2015). Couchés sur une montagne de liquidités, les fonds d'investissement prospèrent : les affaires reprennent. En 2016, les levées de fonds ont atteint 14,7 milliards d'euros, selon l'Association française des investisseurs pour la croissance (Afic). Encore un record. À l'échelle mondiale, le capital-investissement a collecté 379 milliards de dollars l'an passé, dont près de 220 milliards dédiés aux LBO (leveraged buy-out, ce rachat à crédit d'entreprises en contrepartie duquel sont exigés des taux de rentabilité insupportables). Et 1 154,5 milliards de dollars de dividendes émanant des 1 200 plus importantes sociétés ont été versés. À cela s'ajoute la finance de l'ombre, celle des fonds spéculatifs, des filiales de banques basées dans les paradis fiscaux qui, en 2016, ont échangé pas moins de 84 500 milliards d'euros, soit l'équivalent de 150 % du PIB mondial.

La planète finance s'emballe. En voulant sauver le système, « en prolongeant comme elles l'ont fait l'injection massive de liquidités dans l'économie mondiale », les banques centrales « ont créé une source d'instabilité et de spéculation qui risque de se traduire par une nouvelle crise financière », note Dominique Plihon, économiste d'Attac.

« Le baril de poudre, qui n'a pas encore explosé, est trois ou quatre fois plus grand qu'en 2007 », alerte pour sa part l'économiste membre du PCF Denis Durand. Si « tout va bien », du moins pour une partie de la population, pour les 99 % autres citoyens du monde, la crise est toujours là, bien présente. Le chômage de masse perdure. Et la crise a exacerbé inégalités et risques environnementaux. En France, si les 1 % les plus riches détiennent 25 % du patrimoine national, aux États-Unis et en Chine, ces taux grimpent respectivement à 42,1 % et 43,8 %. Pour subvenir à leurs besoins, dix ans après la crise, les classes moyennes, paupérisées, continuent de s'endetter.

Globalement, « le problème de la dette n'a pas été résolu dans le monde, celle-ci s'est aggravée », note Dominique Plihon. Selon la Banque des règlements internationaux (BRI), les 44 plus grands pays affichent aujourd'hui une dette cumulée de 160 000 milliards de dollars, soit 235 % du PIB mondial. Lorsque la banque Lehman Brothers a fait faillite, la dette était inférieure à 200 % du PIB. « Nous sommes à un moment historique où jamais nous n'avons eu un montant de dettes aussi élevé et globalisé. Si en 2007 la dette concernait les ménages américains, espagnols et anglais..., des pays avancés, cette fois le surendettement touche aussi les pays émergents, comme la Chine. »

 

UN ENDETTEMENT ABSOLUMENT VERTIGEUX

Aux États-Unis, les étudiants, pour payer leurs études, ont accumulé une montagne de dettes pour atteindre 1 300 milliards de dollars, montant multiplié par deux en dix ans. Alors que pour l'ensemble du monde, la dette ­ publique ou privée ­ est passée de 190 % à 230 % du produit intérieur brut entre 2001 et aujourd'hui. En Chine, par exemple, l'endettement des entreprises a été multiplié par deux depuis 2008, avoisinant désormais 160 % du PIB.

Pis, explique l'économiste, « ce qui est catastrophique c'est que, avec les élections de Donald Trump et d'Emmanuel Macron, nous sommes entrés dans une nouvelle phase de déréglementation qui va remettre en cause les timides réformes financières qui ont été mises en place après la crise ». Aux États-Unis, le président milliardaire a engagé une réflexion sur la loi Dodd-Frank de 2010, qui régule le secteur bancaire, estimant que celle-ci avait « échoué à rendre les banques de Wall Street responsables, a-t-il déclaré au printemps dernier. Dans certains cas, elle produit même des effets totalement opposés (...), et consacre l'idée que les banques sont trop grosses pour faire faillite ».

 

LES SOLUTIONS POUR SORTIR DE LA CRISE SONT NOMBREUSES ET CONNUES

Il n'en fallait pas plus à Emmanuel Macron, alors candidat, pour affirmer devant les patrons de la CGPME que « les instances prudentielles veulent de la prudence et n'ont qu'un objectif de réduction du risque. Elles ont donc désincité les banques et les assurances à financer l'économie ». Et de souhaiter que « les grands ratios de solvabilité de liquidité et de fonds propres des banques et des assurances puissent être discutés au niveau européen à l'Ecofin chaque année ». Une détermination au timing parfait, juste avant le Brexit, qui va alimenter une course à la déréglementation sur les places européennes afin de concurrencer Londres, explique Dominique Plihon. En parallèle, les plans d'investissements publics promis pour relancer l'activité et la transition écologique sont abandonnés et ne figurent plus dans les budgets prévisionnels. Les lobbies de la finance ont trouvé leurs gouvernants.

Pourtant, les solutions pour sortir de la crise sont nombreuses et connues. Séparation des banques de dépôt et d'affaires, nationalisation de la Société générale et de la BNP création d'un pôle public bancaire, , fin des paradis fiscaux, taxation des transactions financières. Et surtout la mise en place d'une tout autre politique monétaire, qui sanctionne les activités spéculatives. Car, « il ne faut pas attendre des marchés financiers qu'ils financent le développement des services publics et l'emploi », rappelle Denis Durand. Face à la logique des dominants, « l'opposition ne peut être que frontale », ajoute Dominique Plihon.

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17 août 2017 4 17 /08 /août /2017 05:49

Lancée le 13 avril 2016 et destinée à élargir le socle du PS, la Belle Alliance populaire affiche aujourd’hui un bilan calamiteux et plusieurs de ses fondateurs ont déserté pour filer chez Macron. Son avenir sera scellé ces prochaines semaines lors de l'élaboration de la « nouvelle feuille de route » du PS. 

C’était le bébé de Jean-Christophe Cambadélis et de quelques-uns de ses proches. Il devait être le mouvement qui allait « dépasser le PS » pour « fondre un mouvement qui nous dépasse » et « construire une nouvelle fraternité ». Et puis… rien. Nada. Néant. La Belle Alliance populaire (BAP) n’a jamais dépassé, en plus d’un an d’existence, le statut de coquille vide. Certes, la primaire organisée par le PS s’est bien faite sous l’égide de la BAP et les partis satellites qui s'y étaient joints rapidement – PRG, Front démocrate, Parti écologiste, notamment – ont pu participer au scrutin. Mais le résultat n'en demeure pas moins catastrophique.

François de Rugy, par exemple, qui avait au nom du Parti écologiste candidaté à la candidature, a vite tourné casaque pour rejoindre Emmanuel Macron, et devenir président de l’Assemblée nationale en juin. Au PRG, ce n’est pas mieux : après avoir hésité à participer à la primaire, celui-ci s’est éloigné du PS sans un regard, et réfléchit même à fusionner avec les radicaux valoisiens. Quant à Manuel Valls, il s'est totalement affranchi des règles de la primaire, en soutenant Macron avant même le premier tour

Il fallait pourtant les voir, le 13 avril 2016, Jean-Christophe Cambadélis, mais aussi Julien Dray, le secrétaire d’État ex-EELV Jean-Vincent Placé, l’ancienne ministre PRG Sylvia Pinel, les écologistes François de Rugy et Denis Baupin, ainsi que quelques « représentants syndicaux et de la société civile », lancer à coups de grandes déclarations la Belle Alliance. L’opération avait commencé en septembre 2015, quand Cambadélis s’était fendu d’une lettre ouverte à la gauche et aux écologistes. Il écrivait alors : « Il ne s’agit pas de nous unir entre nous, entre appareils, dans un cartel. Il s’agit de nous unir avec le peuple de gauche, d’aller re-puiser notre légitimité et notre énergie, nos idées aussi, dans le peuple de gauche. Oui, cette alliance d’un nouveau type est une alliance populaire: la belle alliance, parce qu’elle dépasse nos propres formations. » 

Tout à leur optimisme, Cambadélis et ses proches croyaient même que cette BAP pourrait ensuite essaimer dans chaque département. Pour forcer la chance, l’université d’été du PS devait être celle de la Belle Alliance. Mais la BAP n’a pas jamais connu son heure de gloire nationale : en 2016, l’université d’été a été annulée in extremis, au vu de la mobilisation contre sa tenue à Nantes, dans la foulée du mouvement de contestation de la loi sur le travail de Myriam El Khomri et à quelques kilomètres de la ZAD de Notre-Dame-des-Landes. Elle avait été remplacée par une série de rendez-vous en région courant septembre, tous plus poussifs les uns que les autres.

Pis, le seul événement national, la convention nationale, a eu lieu dans une ambiance particulièrement lugubre, le 3 décembre 2016. En cause : le renoncement, quelques jours plus tôt, du président François Hollande à se représenter. Le centre de congrès de la Villette, à Paris, a vite paru surdimensionné. Il faut rappeler que le parti pariait sur la venue de 10 000 personnes (le chiffre de 15 000 avait même été avancé), avant de revenir à 5 000, puis 4 000, pour finalement n’annoncer que 3 000 personnes le jour même. Ce jour-là, lorsque nous interrogions le frondeur Christian Paul sur son absence à Paris, il nous répondait : « Nous n’avons jamais vraiment considéré la BAP comme une initiative opportune… la moitié du PS n’y est pas. »

Le meeting n’en a pas moins coûté au moins un million d’euros, selon un permanent du parti. Cette source, qui a demandé l'anonymat, pointe notamment le prestataire externe pour les bus : ils partaient de Paris le matin, allaient chercher les militants mais ne faisaient qu’un arrêt par département, avant, le soir, de les ramener et de revenir à Paris. Deux allers-retours dans la journée, parfois avec moins de 20 militants à bord… Autre exemple, cité par ce salarié de Solférino : un TGV privatisé pour ramener des militants de PACA, pour un coût d’au moins 150 000 euros. La direction du PS refuse pour l'instant de commenter ces chiffres, le coût de la BAP étant « en cours de consolidation » par la direction, qui s'engage à livrer le résultat au CE du 7 septembre. Ce qui est certain, c'est que le CDD du salarié chargé de s'occuper de la BAP a pris fin en avril et n'a pas été renouvelé. 

Interrogé sur l'avenir de la Belle Alliance, un de ses artisans, Rachid Temal, proche de Cambadélis et membre de la nouvelle direction collective du PS, refuse de se prononcer. « La BAP comme beaucoup d'autres questions seront débattues dans les semaines qui viennent par les adhérents, par les militants, par les fédéraux. Ce sera à la fin de ce processus qu'on saura ce qu'elle devient. » Luc Carvounas, député et membre lui aussi de la direction collégiale, se fait plus tranchant : « La BAP, c'était une belle idée, mais son démarrage a déjà été un peu bancal… Je l'avais dit à Cambadélis et Julien Dray. En réalité, elle reposait à l'époque de son lancement sur des réseaux style SOS Racisme, des réseaux qui ne portaient pas dans la société. » Tout est dit. Au passé.

 

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17 août 2017 4 17 /08 /août /2017 05:41
La guerre aux migrants continue: harcèlement des ONG en Méditerranée
Migreurop
La guerre aux migrants continue : harcèlement des ONG en Méditerranée
 
Le gouvernement italien, soutenu par l’ensemble des États de l’Union européenne (UE), vient de franchir une nouvelle étape dans la guerre menée contre les migrants en s’attaquant aux ONG qui tentent de les sauver des naufrages en Méditerranée.
Après qu’au printemps 2015, sous la pression des principales capitales de l’UE, inquiètes du « risque migratoire », il a mis fin à l’opération de secours en mer Mare Nostrum, cette mission avait progressivement été reprise par des ONG.
 
À ce jour, une grande partie des sauvetages en mer sont assurés par des organisations humanitaires, tandis que les États européens, au travers notamment de l’agence Frontex, concentrent leurs forces, et les financements publics, sur la surveillance des frontières et la lutte contre les « passeurs » : le résultat de cette politique délibérée de dissuasion est que le nombre de migrants ayant trouvé la mort dans la traversée de la Méditerranée, déjà dramatiquement élevé en 2015 (3.700), ne cesse d’augmenter (5.000 en 2016, sans doute plus encore en 2017 [1]). Devant l’absence de solidarité de ses partenaires européens – les opérations de « relocalisation », supposées soulager l’Italie, comme la Grèce, de la prise en charge des demandeurs d’asile arrivés sur leur sol, relèvent de la chronique d’un échec annoncé –, le gouvernement italien a choisi de prendre le leadership de la politique de laisser-mourir mise en œuvre depuis des années.
 
Alors que l’hécatombe en Méditerranée se poursuit, le nouvel instrument de cette politique est la criminalisation de la solidarité avec les migrants, pratiquée par nombre d’États dont la France [2].
 
Les ONG qui organisent les opérations de sauvetage en mer ont d’abord été entravées dans leur action par l’obligation de signer un « code de bonne conduite » les obligeant à accepter à bord des officiers de police armés, contrairement au principe de neutralité de l’action humanitaire. Les organisations réfractaires risquent de ne plus être en mesure de poursuivre leurs missions et sont dans le collimateur de la justice italienne.
 
L’une d’entre elles a ainsi vu son bateau placé sous séquestre par le procureur de Trapani, alors que les procédures et condamnations judiciaires se multiplient contre les « délinquant·e·s de la solidarité » : ainsi, le père Zerai, inspirateur de l’AlarmPhone qui signale les embarcations en difficulté, est visé par une enquête pour « aide à l’immigration illégale ».
 
L’objectif est clair : en mettant en cause les ONG, accusées de complicité avec des réseaux de « passeurs », il s’agit de faire place nette, de réduire à néant une action considérée comme favorisant un « appel d’air » migratoire et de faire taire des témoins du processus d’externalisation en Libye. L’UE, et notamment le gouvernement italien qui multiplie les coopérations avec les gardes-côtes libyens, parties prenantes des trafics d’êtres humains et des multiples violences infligées aux migrant·e·s, espère ainsi fermer l’une des dernières grandes routes maritimes permettant d’aller demander l’asile en Europe.
 
L’accord UE-Turquie du printemps 2016, qui a bloqué une grande partie des exilé·e·s voulant emprunter la route dite de la Méditerranée orientale, est considéré comme un modèle que l’UE veut reproduire avec la Libye, pays où chacun sait que les migrants subissent violences et sévices [3] avant d’entamer une traversée particulièrement dangereuse.
 
Aujourd’hui, c’est avec les factions en lutte en Libye que les gouvernements italien et français négocient. Dans ces vastes marchandages, les exilé·e·s sont une monnaie d’échange : ceux des groupes armés et des leaders actuellement en compétition qui réussiront à limiter les départs obtiendront les plus forts soutiens politiques et financiers. Il s’agit ainsi de rétablir les règles du jeu diplomatique qui prévalaient avant la chute du colonel Kadhafi : une Libye auxiliaire des politiques de contrôle migratoire de l’UE peut être reconnue comme un partenaire politique et économique à part entière, dussent les droits humains et les principes démocratiques passer à la trappe.
Alors que les défenseurs de droits humains, ainsi que les organisations internationales telles que le HCR [4], multiplient les alertes au sujet des dangers mortels que courent les étrangers en Libye, les exilé·e·s aujourd’hui victimes des milices et autres groupes criminels sont condamné.e.s à être remis aux mains de leurs geôliers.
 
À la suite d’autres leaders européens, le président français a ainsi retrouvé le fil de projets européens défendus depuis le début des années 2000 en proposant des camps de réfugiés en Libye, qui seraient la solution permettant à l’Europe de se défausser de ses obligations internationales en matière de protection des demandeurs d’asile et autres exilé·e ·s. La ligne politique est claire et connue : c’est celle de la sous-traitance du contrôle des frontières et de l’élévation du niveau de coercition à l’égard des réfugié·e·s. Dans ce contexte, les ONG de secours en mer sont devenues l’ennemi principal contre lequel tous les moyens étatiques sont engagés. Avec le concours de l’ensemble des militant·e·s solidaires des personnes tentant de faire valoir leur droit à émigrer, elles sont en effet l’ultime verrou empêchant que l’Europe ne réduise sa politique migratoire à un laisser-mourir dans une Méditerranée devenue cimetière. C’est pour cette raison que le réseau Migreurop défend toutes celles et ceux qui sont accusés du crime de solidarité.
13 août 2017
 
[1Missing Migrants Project (OIM) Latest Mediterranean Update
[2Charles Heller, Lorenzo Pezzani, « Cessez d’accuser les sauveteurs en mer », Libération, 18 juillet 2017
[3’You aren’t human any more : Migrants expose the harrowing situation in Libya and the impact of European policies Oxfam, MEDU, Borderline Sicilia 9 août 2017
[4Vincent Cochetel, Envoyé spécial du HCR en Méditerranée centrale : les camps et centres de détention pour migrants en Libye « ne sont autre que des prisons, certaines contrôlées par les autorités, d’autres par des milices et des trafiquants » où tous les migrants ramenés sur les côtes libyennes sont soumis à de « terribles conditions » (Ansa, 4 août 2017)

 

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16 août 2017 3 16 /08 /août /2017 06:47

"– Va : toi qui n’es pas bue, ô fosse de Conlie ! 
De nos jeunes sangs appauvris, 
Qu’en voyant regermer tes blés gras, on oublie 
Nos os qui végétaient pourris" (...)

La Pastorale de Conlie, de Tristan Corbière.

 

Suite à la défaite de Napoléon en septembre 1870, un gouvernement républicain tente de contenir et repousser la progression de l'armée prussienne. Gambetta, ministre de l'intérieur et de la guerre, ordonne "la résistance à outrance". Il pense repousser l'ennemi en levant une armée de volontaires. 
En octobre 1870, rapporte l'historien Joël Cornette, Gambetta accorde la formation d'une "armée de Bretagne" autonome, afin de renforcer l'action des armées de Loire et du Nord. Pour empêcher l'entrée des troupes ennemies en Bretagne, Emile de Kératry, promu "chef militaire provisoire" de cette armée de défense composée de volontaires, choisit le plateau de Conlie, au nord-ouest du Mans, pour installer ses troupes. Plus de 70 000 hommes sont ainsi rassemblés. Mais ils se voient condamnés à l'inactivité pendant près de trois mois, dans la boue et les pluies froides de l'automne puis de l'hiver, quasiment abandonnés à leur sort dans les conditions d'hygiène détestables d'un camp "inondé défoncé au point que certaines tentes ont été envahies par l'eau" (Kératry)". 
Le lieu prend vite le nom de "Kerfank", la ville de la boue. 
Les soldats désoeuvrés et torturés par les intempéries et les maladies (dont la variole) ont à peine à manger: une ration de 25 cl de bouillon de boeuf par jour. 
"Dans son numéro du 20 janvier, "L'Océan" fait paraître en première page la lettre indignée qu'Armand Fresneau, "ancien représentant d'Ille-et-Vilaine", vient d'écrire au général Chanzy:

"Savez-vous que, couchés ou plutôt ensevelis dans la neige, la boue, et sans autre vêtement qu'une blouse de serge brûlée, sans une chemise de rechange, nos mobilisés recevaient deux petites bottes de paille pour huit hommes, et que cette paille, bientôt réduite en fumier, servait sans être renouvelée pendant plusieurs semaines? 
Savez-vous que ces tortures se sont prolongées plus d'un mois dans ce camp de 50 000 à 60 000 hommes; et que le quart des compagnies nombreuses qui les ont subies a péri ou gît dans un grabat? 
Savez-vous lorsque, par malheur, un bataillon changeait de campement, il restait quelquefois vingt-quatre, et même quarante-huit heures sans manger?..."

Des journaux rennais parlent de 20% de soldats qui seraient restés dans la boue de Conlie.
En réalité, il y eut beaucoup moins de morts liés aux maladies, au froid, à la malnutrition, mais tout de même plus d'une centaine. 2000 des 60 000 soldats qui sont passés à Conlie ont dû être envoyés à l'infirmerie.

Les archives font état de 143 morts parmi les 60 000 hommes passés au camp de Conlie. À peu près autant à Sillé-le-Guillaume où les soldats sont envoyés en soin. "On est bien loin du génocide", écrit l'historien Yves Jézéquel, un "génocide" dénoncé plus tard par les nationalistes bretons, après Camille Le Mercier d'Erm. "Cependant, ajoute Jézéquel dans un article en ligne pour la BCD Bretagne avec le Conseil régional de Bretagne, l’état pitoyable des mobiles lors de leur retour à Rennes a soulevé l’indignation et une commission d’enquête parlementaire fera un rapport sur le camp, l’année suivante. La première des responsabilités incombe à Napoléon III qui a engagé la France dans une guerre alors qu’il reconnaît lui-même son état d’impréparation. Gambetta et Freycinet sont plus hantés par la crainte d’une nouvelle Chouannerie que soucieux de sauver la France. « Déplorable de gaspillage » avait écrit Gambetta en décembre 1870 au vu de rapports sur le camp. « Vous êtes un charlatan ! » lui lancera Jules Grévy, un de ses collègues du gouvernement. Keratry, plus velléitaire que compétent, donnant sa démission puis la reprenant à diverses reprises, s’est révélé ambitieux mais indécis et peu réaliste. L’incapacité à prendre des décisions cohérentes résulte surtout de l’impéritie d’un gouvernement provisoire, noyé – à l’instar des Bretons dans la boue de Conlie – dans des problèmes qui le dépassent, quand les responsables se laissent guider par leurs préjugés, leurs passions ou leurs ambitions".

Certains considéreront donc que Gambetta et les officiers de la République naissantes auraient traîné volontairement pour engager les Bretons dans les combats, voulant les éloigner de Paris et se méfiant de leur tempérament de "chouans" dans un contexte où l'on aurait craint une contre-révolution et le retour des impériaux.

La plupart des historiens qui s'intéressent à la question aujourd'hui mettent plutôt en avant la désorganisation de l'armée républicaine et des erreurs de commandement dans un contexte chaotique.

En tout cas, le résultat est là, la vie du soldat n'a guère de prix.

La désorganisation touche aussi le domaine purement militaire: les soldats ont des armes abîmées et obsolètes issues de l'écoulement des stocks de la guerre de sécession américaine, terminée en 1865.

Furieux d’être placé sous le commandement de Benjamin Jaurès, capitaine de vaisseau promu général, Keratry démissionne le 27 novembre. « Si j’avais su que je n’aurais pas d’armes je n’aurais pas levé d’armée » regrette-t-il alors. Marivault, nommé le 7 décembre, fait un rapport accablant : « 43 000 hommes dont la moitié à peine est armée de fusils de 11 modèles différents ». Dans une dépêche du 17 il annonce la démission du médecin Cuche impuissant à soigner les malades dans l’eau et conclut : « On meurt silencieusement mais la mesure est comble ». Il propose de replier une partie des mobilisés vers Rennes, puisque l’on n’a rien à leur offrir, ni entraînement, ni armes. Gambetta préfère les garder à Conlie. Des mobilisés crient d’ar gêr « à la maison ! », ce que Marivault, ignorant le breton, prend pour « à la guerre » ! Il prépare l’évacuation, contre les ordres de Gambetta.

Et c'est avec des effectifs décimés et des soldats éreintés, que les Bretons vont finalement être engagés dans la bataille du Mans le 11 janvier 1871, avec des armes presque inutilisables, et vite contraints au repli vers Laval face aux prussiens.

Tristan Corbière témoigne de sa colère et de sa sensibilité humaine face au sort pathétique des soldats bretons de Conlie dans ce très beau poème en forme de conversation désabusée:

 

La Pastorale de Conlie 
par un mobilisé du Morbihan

Moral jeunes troupes excellent. Off.

 

Qui nous avait levés dans le Mois-noir – Novembre – 
Et parqués comme des troupeaux 
Pour laisser dans la boue, au Mois-plus-noir – Décembre – 
Des peaux de mouton et nos peaux !

 

Qui nous a lâchés là : vides, sans espérance, 
Sans un levain de désespoir ! 
Nous entre-regardant, comme cherchant la France… 
Comiques, fesant peur à voir !

 

– Soldats tant qu’on voudra !… soldat est donc un être 
Fait pour perdre le goût du pain ?… 
Nous allions mendier ; on nous envoyait paître : 
Et… nous paissions à la fin ! 


– S’il vous plaît : Quelque chose à mettre dans nos bouches ?… 
– Héros et bêtes à moitié ! – 
… Ou quelque chose là : du cœur ou des cartouches : 
– On nous a laissé la pitié !

 

L’aumône : on nous la fit – Qu’elle leur soit rendue 
À ces bienheureux uhlans soûls ! 
Qui venaient nous jeter une balle perdue… 
Et pour rire !… comme des sous.

 

On eût dit un radeau de naufragés. – Misère – 
Nous crevions devant l’horizon. 
Nos yeux troubles restaient tendus vers une terre… 
Un cri nous montait : Trahison !

 

– Trahison… c’est la guerre ! On trouve à qui l’on crie !… 
– Nous : pas besoin… – Pourquoi trahis ?… 
J’en ai vu parmi nous, sur la Terre-Patrie, 
Se mourir du mal-du-pays.

 

– Oh, qu’elle s’en allait morne, la douce vie !… 
Soupir qui sentait le remord 
De ne pouvoir serrer sur sa lèvre une hostie, 
Entre ses dents la mâle-mort !… 

– Un grand enfant nous vint, aidé par deux gendarmes, 

– Celui-là ne comprenait pas – 
Tout barbouillé de vin, de sueur et de larmes, 
Avec un biniou sous son bras.

 

Il s’assit dans la neige en disant : Ça m’amuse 
De jouer mes airs ; laissez-moi. – 
Et, le surlendemain, avec sa cornemuse, 
Nous l’avons enterré – Pourquoi !…

 

Pourquoi ? dites-leur donc ! Vous du Quatre-Septembre ! 
À ces vingt mille croupissants !…

Citoyens-décréteurs de victoires en chambre, 
Tyrans forains impuissants !

 

– La parole est à vous – la parole est légère !… 
La Honte est fille… elle passa – 
Ceux dont les pieds verdis sortent à fleur-de-terre 
Se taisent… – Trop vert pour vous, ça !

 

– Ha ! Bordeaux, n’est-ce pas, c’est une riche ville… 
Encore en France, n’est-ce pas ?… 
Elle avait chaud partout votre garde mobile, 
Sous les balcons marquant le pas ? 

 

La résurrection de nos boutons de guêtres 
Est loin pour vous faire songer ; 
Et, vos noms, je les vois collés partout, ô Maîtres !… 
– La honte ne sait plus ronger. –

 

– Nos chefs… ils fesaient bien de se trouver malades ! 
Armés en faux-turcs-espagnols 
On en vit quelques-uns essayer des parades 
Avec la troupe des Guignols.

 

Le moral : excellent – Ces rois avaient des reines, 
Parmi leurs sacs-de-nuit de cour… 
À la botte vernie il faut robes à traînes ; 
La vaillance est sœur de l’amour.

 

– Assez ! – Plus n’en fallait de fanfare guerrière 
À nous, brutes garde-moutons, 
Nous : ceux-là qui restaient simples, à leur manière, 
Soldats, catholiques, Bretons…

 

À ceux-là qui tombaient bayant à la bataille, 
Ramas de vermine sans nom, 
Espérant le premier qui vint crier : Canaille ! 
Au canon, la chair à canon !… 


– Allons donc : l’abattoir ! – Bestiaux galeux qu’on rosse, 
On nous fournit aux Prussiens ; 
Et, nous voyant rouler-plat sous les coups de crosse, 
Des Français aboyaient – Bons chiens !

 

Hallali ! ramenés ! – Les perdus… Dieu les compte, – 
Abreuvés de banals dédains ; 
Poussés, traînant au pied la savate et la honte, 
Cracher sur nos foyers éteints !

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 

– Va : toi qui n’es pas bue, ô fosse de Conlie ! 
De nos jeunes sangs appauvris, 
Qu’en voyant regermer tes blés gras, on oublie 
Nos os qui végétaient pourris,

 

La chair plaquée après nos blouses en guenilles 
– Fumier tout seul rassemblé… 
– Ne mangez pas ce pain, mères et jeunes filles ! 
L’ergot de mort est dans le blé

Tristan Corbière, 1870

 

Voir aussi cette illustration de Jean Moulin, alias Romanin, de "La Pastorale de Conlie" qui ne peut qu'évoquer les charniers des camps de la mort nazis même si cette eau-forte présente au Musée des beaux-arts de Quimper a été réalisée une dizaine d'années plus tôt.

 

 

Carte postale souvenir de l'armée bretonne levée par la République - camp de Conlie

Carte postale souvenir de l'armée bretonne levée par la République - camp de Conlie

La Pastorale de Conlie », Jean Moulin. Eau-forte pour illustrer « Armor » de Tristan Corbière. (Musée des beaux-arts de Quimper)

La Pastorale de Conlie », Jean Moulin. Eau-forte pour illustrer « Armor » de Tristan Corbière. (Musée des beaux-arts de Quimper)

Tristan Corbière

Tristan Corbière

Lire Tristan Corbière (juillet 1845-mars 1875), le Rimbaud breton à la destinée pathétique, est une expérience unique, parfois difficile car certains poèmes font une grande place à la langue populaire et argotique oubliée de l'époque, ou sont au contraire savants et précieux, mais une expérience magique souvent, quand on tombe sur les pépites au milieu du pot-pourri, car Tristan a une vraie modernité dans son goût du paradoxe et de l'auto-portrait, dans l'observation et le sens du concret, le refus du lyrisme facile, et un sens de la formule remarquable. 
Fils d'Edouard Corbière, notable morlaisien, écrivain d'aventure maritime à succès, patron de la compagnie de navigation Morlaix-Le Havre, Tristan a grandi entre les manoirs de son père à Morlaix et Roscoff. Atteint de rhumatisme articulaire ou de tuberculose, sa maladie le marque physiquement à l'adolescence et lui empoisonne l'existence. 
Adepte de l'auto-dérision, de l'humour noir, de l'intrusion du trivial, du parler populaire, dans la poésie, c'est un peu le Gainsbourg tragique et malheureux de l'époque. 
Le poète d'un recueil "Les Amours Jaunes" éclectique et sombre, entre auto-portrait désabusé, satire sociale, célébration de la mer, des coutumes et parlers de la Bretagne bretonnante, eut des amours malheureux, mais une capacité de transcender la tristesse en rire et grotesque. 
Il s'abîma à Paris et n'y connut pas la gloire littéraire courtisée, écrivant et dessinant des caricatures pour une presse satirique de droite anti-communarde. 
Apollinaire et les surréalistes firent justice à son talent et sa poésie chercheuse et novatrice, et Jean Moulin, sous-préfet de Châteaulin, fut fasciné par cette figure tragique et ses poèmes, particulièrement ceux sur les Bretons du peuple, pleins de tendresse, lui qui réalisa des gravures magnifiques inspirées par la poésie de Tristan Corbière au milieu des années 30.

Allez, pour se faire plaisir, quelques vers de Triste-en-Corps-Bière le facétieux poète maudit, triste, drôle, nihiliste à la manière d'un fou du roi de Shakespeare, marin et dessinateur, polisseur de mots ,de formules et d'images à la trajectoire si éphémère:

"Épitaphe

Il se tua d'ardeur ou mourut de paresse. 
S'il vit, c'est par oubli; voici ce qu'il laisse: 
-Son seul regret fut de n'être pas sa maîtresse.-

Il ne naquit par aucun bout
Fut toujours poussé vent-de-bout, 
Et fut un arlequin-ragoût, 
Mélange adultère de tout.

Du je-ne-sais-quoi. - Mais ne sachant où; 
De l'or, - mais avec pas le sou; 
Des nerfs - sans nerf. Vigueur sans force; 
De l'élan, - avec une entorse;
De l'âme, - et pas de violon; 
De l'amour, - mais pire étalon. 
- Trop de noms pour avoir un nom. -

Coureur d'idéal, - sans idée; 
Rime riche, - et jamais rimée; 
Sans avoir été, - revenu; 
Se retrouvant partout perdu.

Poète, en dépit de ses vers; 
Artiste sans art, - et à l'envers
Philosophe, - à tort et à travers.

Un drôle sérieux, - pas drôle. 
Acteur, il ne sut pas son rôle; 
Peintre: il jouait de la musette; 
Et musicien: de la palette.

Une tête! - mais pas de tête; 
Trop fou pour savoir être bête; 
Prenant pour un trait le mot très. 
- Ses vers faux furent ses seuls vrais.

Oiseau rare - et de pacotille; 
Très mâle... et quelquefois très fille; 
Capable de tout, - bon à rien; 
Gâchant bien le mal, mal le bien. 
Prodigue comme était l'enfant
Du Testament, - sans testament. 
Brave, et souvent par peur du plat, 
Mettant ses deux pieds dans le plat.

Coloriste enragé, - mais blême; 
Incompris... - et surtout de lui-même; 
Il pleura, chanta juste faux; 
- Et fut un défaut sans défauts.

Ne fut quelqu'un, ni quelque chose
Son naturel était la pose.
Pas poseur, - posant pour l'unique; 
Trop naïf, étant trop cynique; 
Ne croyant à rien, croyant tout. 
- Son goût était dans le dégoût.

Trop cru, - parce qu'il fut trop cuit, 
Ressemblant à rien moins qu'à lui, 
Il s'amusa de son ennui, 
Jusqu'à s'en réveiller la nuit. 
Flâneur au large, - à la dérive, 
Epave qui jamais n'arrive...

Trop Soi pour se pouvoir souffrir, 
L'esprit à sec et à la tête ivre, 
Fini, mais ne sachant finir, 
Il mourut en s'attendant vivre
Et vécut, s'attendant mourir.

Ci-gît, - cœur sans cœur, mal planté, 
Trop réussi, - comme raté".

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16 août 2017 3 16 /08 /août /2017 04:10
Œufs contaminés : la sécurité alimentaire doit être une priorité.
PATRICK LE HYARIC
SAMEDI, 12 AOÛT, 2017
HUMANITE
 

Par Patrick Le Hyaric : "Ce  scandale des œufs contaminés amène à reposer la question des perturbateurs endocriniens et celle de  l’actuelle position de la Commission européenne sur ce sujet. Le principe de précaution doit être appliqué strictement. L’opinion des scientifiques doit être prise en compte.   Priorité doit être donné à la santé ! "

Après les scandales de la vache folle, des lasagnes à la viande de cheval, c’est le tour d’un nouveau scandale alimentaire et sanitaire. Des millions d’œufs ont été contaminés avec du Fipronil, un produit insecticide interdit dans la chaine alimentaire. Cet antiparasitaire est strictement interdit dans l’Union européenne. Pourtant il a été proposé et vendu au grand jour dans une foire agricole de Venray en Belgique, puis présenté comme un produit miracle dans plusieurs pays du nord de l’Europe. Des dizaines de super marchés, des entreprises spécialisées dans les produits transformés à base d’œufs sont concernés.   Il a été classé par l’Organisation mondiale de la santé comme « moyennement dangereux pour l’homme ». Il est déclaré « dangereux pour les reins, le foie et la thyroïde » par l’agence néerlandaise pour la sécurité alimentaire, la NVWA, qui ajoute que : « c’est également un perturbateur endocrinien ». La chose est donc plus sérieuse qu’on essaie de nous le dire !  De surcroit, il semble que dans certains ministères de l’agriculture de pays européens, on ait tenté de cacher le problème et sa gravité, selon plusieurs sources, depuis plus d’un an. 
 
Déjà une douzaine de  pays européens déclarent avoir été victimes de cette contamination de la chaine alimentaire. 
Il y a bien au sein de l’Union européenne une question  de confiance et de transparence entre gouvernements mus par la sacro-sainte loi de la concurrence de tous contre tous. Les coordinations entre mécanismes de contrôle et de sécurité ne semblent en tout cas pas efficaces. 
 La solidarité  entre les pays au nom de l’intérêt général et humain doit enfin prendre le pas sur les appétits de  profits et l’austérité faisant  fi de la santé. 
L’agence néerlandaise NVWA de sécurité sanitaire,  placée sous la tutelle du ministère de l’économie et non de la santé,  a vu ses effectifs baisser de moitié depuis 2003. Autant dire que le contrôle de la sécurité alimentaire est considérée comme secondaire au regard des dogmes européens  des critères de déficits public.
 
Ce  scandale des œufs contaminés amène à reposer la question des perturbateurs endocriniens et celle de  l’actuelle position de la Commission européenne sur ce sujet. Le principe de précaution doit être appliqué strictement. L’opinion des scientifiques doit être prise en compte.   Priorité doit être donné à la santé ! 
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15 août 2017 2 15 /08 /août /2017 08:18

 

D'ABORD débrider la croissance et relancer l'emploi ; le reste, on verra après : voilà le refrain qu'on entend partout. Aux Etats-Unis, Trump s'attaque à coups de décrets au Clean Power Act, le dispositif mis en place par Obama pour réduire les émissions de CO.., et renonce à fermer les centrales à charbon. De quoi, prétend Trump, donner du boulot à 100 000 mineurs.

 

En Russie, Poutine profite d'un forum international sur l'Arctique (en partie sous juridiction russe) pour annoncer qu'il considère cette région comme disposant d'« un potentiel économique colossal », avec son gaz et son pétrole, ses minerais, son trafic maritime naissant, et qu'en conséquence il compte bien l'exploiter à mort.

 

En France, le Medef pond un livre blanc anti-écolo dans lequel il avance 40 propositions pour « simplifier » - en clair, raboter - le droit de l'environnement. Par exemple, dès qu'un projet aurait reçu l'approbation des autorités publiques, plus personne n'aurait le droit de le mettre en cause devant les tribunaux. Le barrage de Sivens et l'aéroport de Notre-Dame-des-Landes auraient ainsi été inattaquables dès leur déclaration d'utilité publique... Bref, les spécialistes de la courte vue s'en donnent à cœur joie.

 

Pendant ce temps-là, en Nouvelle-Zélande, les députés viennent d'accorder au fleuve Te Awa Tupua le statut d'« entité vivante ». Tout comme un humain, il sera doté d'une personnalité juridique, dont les intérêts pourront être défendus devant les tribunaux par des personnes qui le représenteront, parleront et agiront en son nom. Ils sont fous, ces Maoris ?

Peut-être. Mais il y en a d'autres : l'Inde vient de reconnaître le Gange et l'un de ses affluents, la Yamuna, deux fleuves affreusement pollués, comme personnes morales. Déjà en 2008 l'Equateur avait inscrit dans sa Constitution les droits de Pachamama, la terre mère. La Bolivie avait suivi. L'an dernier, les Kanaks des îles Loyauté ont fait en sorte que des éléments de la nature, et bientôt certains animaux totémiques comme le requin, la tortue, certaines plantes ou sites sacrés, puissent eux aussi jouir de ce statut (« Libération», 29/3).

Reconnaître des droits à la nature pour mieux la protéger sera-t-il efficace ? Les juristes en débattent. Le 29 mars, le Parlement européen a évoqué la possibilité de lancer une initiative citoyenne sur ce sujet. « Le climat s'est emballé, la biodiversité s'est effondrée, la pollution est omniprésente, et les conditions mêmes de la vie sur Terre commencent à être menacées. Nous ne pouvons plus rester spectateurs »,note la juriste Valérie Cabanes (« Le Monde », 31/3).

 

Quoi ? La priorité ne serait plus la croissance à tout prix ? Il faudrait que l'homme ne soit plus entièrement « maître et possesseur de la nature » ? Et reconnaisse que celle-ci a le droit de se défendre contre ses attaques, ses prédations, ses nuisances ? Et se demande à quoi sert d'avoir du boulot si c'est pour construire un monde invivable ? On entend d'ici le rire de Trump, Poutine, Gattaz &Co.

 

Jean-Luc Porquet (Le Canard Enchaîné)

 

 

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15 août 2017 2 15 /08 /août /2017 08:14

A l’occasion de la commémoration du 72ème anniversaire des bombardements de Hiroshima et Nagasaki, le Parti communiste français tient à rappeler son engagement pour l’élimination des armes nucléaires, deux ans après la participation du PCF et de Pierre Laurent aux cérémonies du 70ème anniversaire au Japon.

Depuis, l’action conjointe d'associations, d'institutions internationales et de certains États a permis l'adoption par 122 pays d'un Traité d’Interdiction des Armes Nucléaires sous l'égide de l'ONU le 7 juillet dernier.
 En fournissant l’instrument juridique permettant d’aller vers la fin des armes nucléaires, ce traité représente une avancée considérable sur le chemin de leur élimination.

Les puissances dotées de l’arme nucléaire, signataires du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires, se sont jusqu’à présent tenues à l’écart des négociations. En revanche, elles ne sont pas en mesure d’empêcher la poursuite du processus ainsi enclenché ; elles ne pourront pas indéfiniment ignorer l’aspiration des peuples au désarmement et à la paix.

La France peut s'investir sur la scène internationale en impulsant une nouvelle politique étrangère et de sécurité au service de la paix, du désarmement et du développement durable. Pour commencer, la France doit renoncer à la prétendue « modernisation » de son arsenal nucléaire et se retirer des structures militaires de l’OTAN, organisation issue de la guerre froide qui entretient les tensions en Europe.

Le PCF en appelle aux français pour que notre pays rompe avec la logique du surarmement et de la guerre puis rejoigne le camp de la paix.

A l'appel du Mouvement de la paix, les communistes participeront nombreux aux marches de la paix organisées partout en France le 23 septembre prochain, à l’occasion de la Journée Internationale de la Paix.

 

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