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3 août 2017 4 03 /08 /août /2017 05:36

Pierre Gattaz et Alexandre Saubot pour le Medef ; Muriel Pénicaud, ministre du Travail, Édouard Philippe, premier ministre : tous tout sourires !

 

CODE DU TRAVAIL. UN ÉTÉ MEURTRIER

 

LE MIRACLE DE LA FLEXIBILITÉ

Créer des emplois en flexibilisant le marché du travail, la promesse n'est pas neuve. Le problème, c'est que les résultats sont rarement au rendez-vous. En France, les lois d'« assouplissement » s'empilent depuis les années 1970, mais n'ont jamais permis d'endiguer le chômage. En Allemagne, la flexibilisation du marché du travail a certes fait baisser le taux de chômage officiel, mais au prix d'une précarisation accrue des travailleurs : le taux de pauvreté atteint 17 %, et 27 % des salariés sont employés à temps partiel (contre 18 % en France). Les statistiques officielles ne tiennent jamais compte de cette zone grise que l'on appelle « halo du chômage », où se croisent chômeurs découragés (qui renoncent à s'inscrire à Pôle emploi) et travailleurs à temps partiel subi (désireux de travailler plus). Certaines études estiment que si l'on réintégrait ce halo dans les chiffres officiels, il faudrait multiplier le taux de chômage allemand par trois ! De quoi relativiser le mythe de la « réussite » made in Germany...

 

L'ARNAQUE DES DROITS NOUVEAUX

«La mondialisation et les nouvelles technologies ont rendu le marché du travail plus incertain, en multipliant les changements de métier mais aussi les passages par le chômage. Face à cette évolution, il est nécessaire de donner aux actifs des protections nouvelles. » Difficile de ne pas acquiescer au préambule du ministère du Travail dans le projet de loi d'habilitation.

Malheureusement, on cherche encore les avancées que les salariés des « nouvelles technologies » pourront se mettre sous la dent ! Il n'y a rien, par exemple, sur la situation des « ubérisés », ces salariés trimant pour des plateformes en tant qu'autoentrepreneurs. Le texte renvoie à une future réforme de la formation professionnelle, éternel serpent de mer de la politique française. En revanche, de nombreux droits sont d'ores et déjà détricotés. C'est le cas du compte pénibilité, maigre avancée du quinquennat précédent, qui est vidé de sa substance. Quatre des dix critères d'accès au compte personnel sont dans le collimateur du gouvernement : manutention manuelle de charges, postures pénibles, vibrations mécaniques et exposition aux agents chimiques.

 

LE PLAFONNEMENT DES INDEMNITÉS PRUD'HOMALES, FAUX CADEAU AUX PME

L'autre promesse de la loi travail 2, c'est d'alléger le fardeau que constituerait le poids des indemnités prud'homales pour les petites entreprises. D'où la volonté de les plafonner. Mais le chiffon rouge agité par les libéraux ne résiste pas aux observations. Des chercheurs du CNRS ont passé au crible un échantillon de décisions rendues par les prud'hommes (« Marianne » du 27 avril 2016). Résultats : loin d'être ciblées, les PME écopent en moyenne d'indemnités trois fois moins élevées que les grands groupes (8 039 euros contre 25 000). Par ailleurs, 43 % des demandes d'indemnités sont rejetées pour les salariés de petites boîtes, alors que le taux s'élève à 31 % pour les grands groupes. C. B

 

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3 août 2017 4 03 /08 /août /2017 05:33

Devant le palais de justice d’Istanbul, dans la foule attendant la décision des juges, la romancière turque Asli Erdogan a lu une lettre adressée à l’un des 17 accusés, Turhan Günay, par sa fille.

 

Vendredi 28 juin au soir, la cour a ordonné la remise en liberté provisoire, dans l’attente d’un verdict, de sept des onze accusés encore en détention, lors du procès du quotidien d’opposition turc Cumhuriyet. Et a fixé au 11 septembre la prochaine audience. Présente dans la foule qui attendait la décision des juges, la romancière turque Asli Erdogan, auteure de Le silence même n’est plus à toi, arrêtée le 16 août 2016 puis remise en liberté provisoire 132 jours plus tard, revient sur l’importance du procès.

Sept employés du journal sont relâchés, cinq, dont plusieurs grands noms, restent derrière les barreaux. Quelle est votre réaction ?

Cette décision est la confirmation de l’arbitraire qui sévit dans ce pays. Les membres du journal sont tous accusés de la même chose, mais certains sont remis en liberté, d’autres non. L’injustice causée par ce procès est irréversible, car il n’aurait jamais dû avoir lieu. Et pourtant il y a tellement d’autres procès de ce genre en Turquie. Mais pour les familles de ceux qui sont libérés, il s’agit quasiment d’un miracle.

 

Vous sentez-vous proche des 17 inculpés dans ce procès ?

Je connais personnellement deux d’entre eux, Turhan Günay, le responsable du supplément livres de Cumhuriyet, et le caricaturiste Musa Kart. Je suis très heureuse qu’ils sortent de cet enfer, même s’ils ne sont pas au bout de leur peine. Pour quelqu’un qui est passé par là, je sais que la remise en liberté n’est pas la fin des souffrances. Le procès continue. Une fois que vous avez été incarcéré dans une cellule, vous n’en sortez jamais vraiment. Être accusé de terrorisme est lourd à porter. Et c’est révoltant. Je suis contre toute forme de violence. Déjà dans les années 1990, j’écrivais sur la non-violence. Comment puis-je être une terroriste du PKK (Parti des travailleurs du Kurdistan) si je refuse de porter les armes ?

Des centaines de personnes sont venues soutenir Cumhuriyet ce vendredi, notamment à travers une lecture publique du quotidien devant le palais de justice d’Istanbul. Comment jugez-vous la réaction de la société civile turque face à ces procès en chaîne ?

Le rassemblement était encerclé par des centaines de policiers et des camions blindés. Les personnes qui viennent ici apporter leur soutien risquent d’être arrêtées à tout moment. Cela a un double effet : d’une part, l’extrême pression qui pèse sur la société civile fait que son message a du mal à passer. D’un autre côté, des personnes qui ne partagent pas forcément les mêmes idées politiques réalisent qu’elles sont plus fortes ensemble et décident de s’unir. Soit vous croyez en la liberté d’expression et vous la défendez, soit pas. C’est l’essence de cette liberté. Même si vous êtes mon ennemi, je suis pour que vous ayez la liberté de vous exprimer. Il n’y a rien de nouveau, Voltaire le disait il y a 300 ans. Mais aujourd’hui, dans la Turquie du XXIe siècle, nous devons encore débattre de ces valeurs essentielles.

La répression en Turquie est-elle toujours aussi forte, un an après votre arrestation le 16 août 2016 ?

Quand j’ai été arrêtée, les purges étaient à leur pic. Trois cents personnes attendaient avec moi leur acte d’accusation ce jour-là. Le couloir du commissariat était rempli de personnes menottées. Il n’y avait pas assez de menottes pour tout le monde. Ce furent les jours les plus durs. Le phénomène n’a pas disparu mais il est devenu chronique. C’est peut-être pire car le public s’habitue. Le ministère de l’intérieur a publié les chiffres : chaque semaine, il procède à 1 200 arrestations politiques. Ce n’est pas seulement un nombre, ce sont des vies humaines qui souffrent, mais la population turque s’habitue à cette réalité.

 

Malgré la décision de la justice de lever votre interdiction de sortie de territoire le 22 juin, vous n’avez toujours pas récupéré votre passeport. Pourquoi ?

C’est un jeu. Le gouvernement turc a annoncé au monde entier que mon interdiction de sortie du territoire était levée. Mais puisque nous nous trouvons sous l’état d’urgence, un décret stipule que n’importe quel passeport peut être confisqué. La police et la justice se renvoient la balle. Ce qui m’attriste le plus, c’est que j’ai reçu deux prix littéraires très importants, le prix Marguerite-Yourcenar en France et le prix de la paix Erich-Maria-Remarque en Allemagne, qui sera remis en septembre. Je ne suis pas sûre de pouvoir y aller. Or c’est le genre de récompense qui n’arrive qu’une seule fois dans la vie d’un écrivain.

 

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2 août 2017 3 02 /08 /août /2017 09:31

On croyait dimanche avoir vu un grave accident industriel. Le trafic en gare Montparnasse était hier encore largement perturbé, sans que les causes en soient connues. Des dizaines de milliers de passagers, très majoritairement attachés au service public, comme de cheminots, qui ont la fierté de leurs missions chevillée au corps, ont vécu des moments parmi les plus pénibles qui soient. Ce qu'il s'est passé, et singulièrement à cet endroit-là, atteint le paroxysme d'une dégradation généralisée, largement aussi incontestée que la rotation de la Terre autour du Soleil. Et c'est bien là où le bât blesse. « On sait qu'il y a eu un problème de gestion des priorités à la SNCF pendant de longues années. On a priorisé les lignes à grande vitesse aux dépens des lignes de proximité et c'est ça qu'on va corriger dans les semaines, les mois et les années qui viennent », déclare le député LREM préposé à la parole officielle sur les ondes de France Inter. On retrouve là l'argumentaire déployé de chef de l'État en ministre des Transports, qui porte une « loi de programmation » prévue dès le premier semestre 2018.

Oui, il y a urgence. Mais pour agir dans quel sens ? Les syndicats, fédération des cheminots CGT en tête, ne manquent d'alerter et d'interpeller l'État actionnaire sur l'état du réseau, mais aussi sur des choix de gestion qui cassent les savoir-faire et nourrissent une privatisation larvée, de sous-traitance en cascade en filialisation à tout-va. Tous comme les élus de gauche, comme en Occitanie, et singulièrement communistes, à qui l'on doit d'avoir ferraillé pour obtenir la modernisation incontestable du matériel TER dans maintes régions.

Après avoir livré à Vinci le jackpot de la LGV Paris-Bordeaux, il est assez cynique d'entendre le pouvoir parler d'arrêter les « grands projets inutiles », tandis que les présidents de droite de régions, tel Bruno Retailleau en Pays de la Loire, entament, sans que rien ni Bruxelles les y obligent, la mise en concurrence de la SNCF. Tout comme mettre en avant la ruralité pour pousser les feux de la priorité à la route, à voir le bilan social désastreux des cars Macron. Voilà qui ajoute aux raisons de se mobiliser très largement à la rentrée contre l'emballement dans la casse d'atouts publics au nom de logiques qui les minent de l'intérieur.

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2 août 2017 3 02 /08 /août /2017 09:09

Le député communiste Alain Bocquet à l’Assemblée nationale, en février dernier défendant le projet de COP fiscale. Mousse/E-Presse Photo.com

 

L’Assemblée nationale l’avait validée cet hiver, mais Matignon laisse au point mort la proposition de COP fiscale des députés communistes.

 

Il faut remonter au 2 février dernier pour avoir des nouvelles parlementaires de la COP (conférence des parties) fiscale mondiale. C’est en effet ce jour-là que l’Assemblée nationale validait la proposition du député communiste Alain Bocquet et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine (GDR) pour que la France propose une COP fiscale, reprenant le principe de la COP21, liée pour sa part aux enjeux climatiques et écologiques (lire notre édition du 3 février). « Comme les gaz à effet de serre font des trous dans la couche d’ozone, les paradis fiscaux et l’opacité créent des gouffres dans la finance mondiale », avait déclaré l’élu du Nord, dont c’était le dernier mandat. Depuis, plus rien. Le texte avait pourtant été bon train dans l’Hémicycle puisque, malgré l’abstention de la droite, la commission des Affaires européennes à l’Assemblée nationale comme celle des Finances l’avaient elles aussi adopté.

 

« Contre l’évasion fiscale » et « pour la laïcité financière »

Pourtant, si le travail parlementaire avait avancé depuis cette date, la France serait bien partie pour prendre la tête de la lutte « contre l’évasion fiscale » et « pour la laïcité financière ». L’évasion fiscale prive les comptes publics de la France de près de 80 milliards d’euros et est aujourd’hui « organisée, généralisée au cœur du système financier », décrivait Alain Bocquet. Dans le discours de politique générale du premier ministre, Édouard Philippe, elle était malgré tout passée sous silence alors même que ce dernier disait vouloir moraliser la vie publique. « Mais l’indécence de l’argent, elle crève les yeux ! » tonnait Pierre Laurent, sénateur de Paris, dans son intervention en réponse au discours d’Édouard Philippe. Le premier secrétaire du PCF relevait d’ailleurs que celui-ci ne disait « rien de l’évasion fiscale, qui coûte 80 milliards par an au pays, rien de la résolution votée à notre initiative par l’Assemblée nationale pour une COP fiscale mondiale ». À l’Assemblée nationale aussi, les communistes rappellent l’engagement des députés qui ont voté la résolution à la quasi-unanimité dans la précédente mandature. Mais là encore, alors que le 20 juillet dernier le député du Nord Fabien Roussel demandait au gouvernement ce qu’il comptait faire pour agir contre les paradis fiscaux en citant « la belle idée d’une COP fiscale et financière », les ministres ont botté en touche. Dans sa réponse, le ministre des Finances, Bruno Le Maire, a réussi à ne pas dire un mot sur cette dernière, arguant que la France était « à la pointe de la dénonciation des paradis fiscaux » dans le cadre du G20. Pas assez pour faire rentrer les dizaines de milliards d’euros concernés dans les caisses apparemment.

 

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2 août 2017 3 02 /08 /août /2017 09:05

Simulacre de négociations à huis clos, organisations syndicales écartées, Parlement réduit à une armée de scribes... Tout autant que nos droits, c'est la démocratie qui est en danger !

 

Primauté à l'accord d'entreprise, licenciement sans contrainte, précarité démultipliée... Le projet de loi d'habilitation du gouvernement à modifier le Code du travail par ordonnances, adopté par le Conseil des ministres du 28 juin, manifeste sa volonté de réduire à néant les droits des salariés. La CGT appelle à manifestation et grève le 12 septembre. Et le 9, le collectif Pour nos droits sociaux organise un meeting unitaire (1). Décryptage du projet.

 

Ce projet de loi d'habilitation se décline en neuf articles, dont six principaux. En voici l'essentiel.

 

ARTICLE 1. Un code du travail par entreprise

L'objectif revendiqué est de « reconnaître et attribuer une place centrale à la négociation collective notamment d'entreprise ». En fait, cet article consacre l'inversion de la hiérarchie des normes : l'accord d'entreprise deviendrait la règle. Preuve en est qu'il est précisé que l'article 1 devra définir les domaines dans lesquels l'accord d'entreprise ne pourra pas déroger à l'accord de branche et les domaines dans lesquels l'accord de branche pourra interdire toute dérogation. Il prévoit aussi d'« harmoniser le régime juridique » du licenciement en cas de refus par le salarié des modifications de son contrat de travail induites par un accord d'entreprise. Le texte ne dit pas quelles modifications le gouvernement veut apporter. On peut craindre qu'il ne remette en cause l'assimilation de ce licenciement à un licenciement économique afin de dégager l'employeur de ses obligations (indemnités, reclassement, priorité à la réembauche...)

Il entend donner une présomption de légalité aux accords d'entreprise.

Il reviendra donc à celui qui conteste de démontrer son illégalité. Pis, cette contestation ne pourra être faite que dans un délai qui reste à fixer après signature de l'accord. Autrement dit, un texte dont on découvrirait, hors délais, qu'il ne respecte pas la loi ne serait plus attaquable. Et, cerise sur le gâteau, si un juge venait à déclarer illégal(e) tout ou partie d'un accord, il pourrait moduler « l'effet dans le temps de sa décision ». C'est-à-dire que le texte pourrait continuer à s'appliquer encore un certain temps...

Un accord d'entreprise pourra déterminer la périodicité et le contenu des consultations et des négociations obligatoires. Fini les négociations annuelles obligatoires (NAO) sur les salaires, un patron pourra, si ça lui chante, imposer une périodicité de 2, 3 ou même 20 ans !

Il entend encore « faciliter le recours à la consultation des salariés ». L'employeur pourra convoquer un référendum d'entreprise pour imposer unilatéralement ses vues au cas où aucun syndicat n'accepterait de signer. Et fixer « les modalités d'appréciation du caractère majoritaire d'un accord ». Cela veut dire qu'il pourra décider de prendre en compte tous les syndicats, même ceux qui ne sont pas représentatifs dans l'entreprise, pour atteindre 50 %.

 

ARTICLE 2. Les instances représentatives du personnel muselées

Sous couvert de « simplification et (de) renforcement du dialogue économique et social » dans l'entreprise, il s'agit de « fusionner en une seule instance les délégués du personnel, le comité d'entreprise (CE) et le comité d'hygiène et de sécurité desconditions detravail (CHSCT)». La généralisation des délégations uniques du personnel (DUP) permet d'affaiblir les représentants du personnel. Dans les entreprises de moins de 600 salariés ayant opté pour une DUP, le nombre d'élus du personnel est inférieur à celles ayant conservé trois instances représentatives du personnel (IRP) distinctes. Enfin, un élu dans une DUP bénéficie au mieux de 21 heures de délégation, soit une heure de plus qu'un DP, qu'un élu CE et qu'un élu CHSCT, pour assumer à lui tout seul leurs trois fonctions. Outre réduire les moyens, notamment d'expertise, dont disposent les représentants du personnel, la DUP permettrait de faire disparaître les CHSCT, qui sont, en raison de leur droit d'ester en justice, dans le collimateur du patronat.

La DUP serait apte à négocier. Jusqu'à présent, la négociation est du ressort des seuls syndicats représentatifs. Ce qui réduit la possibilité du patronat de faire avaliser ses projets par des syndicats « maison ». Elle protège aussi les négociateurs salariés du chantage patronal.

Pour faire passer la pilule, il s'agirait d'augmenter la présence des salariés dans les conseils d'administration, aujourd'hui obligatoire à partir de 1 000 salariés. Reste que, étant minoritaires et soumis à des clauses de confidentialité, leur présence n'a qu'un intérêt très réduit.

Enfin, le texte vise la mise en place du « chèque syndical », payé par l'employeur, et que le salarié pourra demander afin de financer le syndicat de son choix. Cette mesure est dangereuse car elle crée une subordination financière du syndicat à l'employeur. Et, dans bon nombre d'entreprises, on imagine mal un salarié demander un chèque syndical au profit de la CGT !

Un accord d'entreprise, dont on découvrirait l'illégalité hors délais, ne serait plus attaquable!

 

ARTICLE 3. Licencier, c'est facile

L'article vise surtout à assurer à l'employeur une certaine impunité. Outre la mise en place d'un barème que devra respecter le tribunal des prud'hommes quand il fixera le montant des dommages et intérêt dus à un salarié victime d'un licenciement abusif, l'article prévoit de réduire les délais de recours contentieux pendant lesquels le salarié pourra poursuivre son employeur. Une réduction des délais de prescription au-delà desquels les employeurs ne pourront plus être poursuivis n'est pas écartée.

Il entend faciliter les licenciements en réduisant le risque de les voir annulés pour vice de forme. La mise en place d'un « périmètre d'appréciation » des difficultés de l'entreprise permettra à celles qui font des bénéfices de recourir à des licenciements économiques sans problème. Ce type de licenciement sera moins encadré et les obligations patronales (reclassement, critères d'ordre...) seront revues à la baisse et varieront selon la taille de l'entreprise.

Il s'agit aussi de sécuriser « les plans de départs volontaires ». Disposition particulièrement cynique, alors que beaucoup de départs « volontaires » masquent en fait des départs contraints.

Ce texte va précariser toujours plus les salariés. Ce sont les accords de branche et non plus la loi qui décideront des motifs de recours aux CDD ou à l'intérim, de la durée de ces contrats ou de leur renouvellement sur un même poste. Les branches pourront aussi créer des « contrats à durée indéterminée conclus pour la durée d'un chantier ou d'une mission ». L'employeur n'aura qu'à décréter que le projet est réalisé pour se débarrasser du salarié sans préavis, ni recours. Enfin, le recours au travail de nuit et le prêt de main-d'oeuvre seront facilités.

 

L'ARTICLE 4. Le patronat fait la loi

Il crée un droit d'opposition patronal à l'extension d'un accord. Autrement dit, le Medef disposera d'un vrai droit de censure du gouvernement.

 

L'ARTICLE 5. La pénibilité, quelle pénibilité ?

Ce texte porte un coup sévère à la reconnaissance de la pénibilité. Il autorise le gouvernement à modifier les règles de sa prise en compte, ouvrant la porte à la mise en place de critères « maison » pour la définir ou mesurer l'exposition des salariés.

 

L'ARTICLE 6. Les vices cachés

Cet article « fourre-tout » devra, une fois rédigé, être analysé avec vigilance. Sous couvert de « corriger des erreurs matérielles ou des incohérences », il pourrait servir à introduire de nouvelles mesures hostiles aux salariés.

Les articles 7 et 8 sont des articles techniques autorisant le gouvernement à légiférer par ordonnances. L'article 9, lui, repousse d'un an la mise en oeuvre du prélèvement à la source de l'impôt sur le revenu.

(1) L'appel « pour un Code du travail protecteur des salarié-e-s, non la loi travail XXL » à signer en ligne sur http://pournosdroitssociaux.fr

 

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2 août 2017 3 02 /08 /août /2017 08:05

Le Conseil constitutionnel estime que l’accord de libre-échange entre le Canada et l’Europe (CETA) est conforme à la constitution. Plus que le rejet en lui-même, ce sont ses arguments qui posent question. Pris dans une dérive libérale, il érige une nouvelle fois la liberté d’entreprendre comme principe cardinal de notre constitution, l’emportant sur toutes les autres libertés publiques.

Pour le Conseil constitutionnel, l’accord de libre-échange entre le Canada et l’Europe ne pose aucun problème. Dans une décision publiée le 31 juillet, l’institution estime que ce traité ne comporte aucun changement majeur qui imposerait une révision constitutionnelle. Insistant sur le fait qu’ils ont reçu seize contributions extérieures et procédé à dix auditions des membres du conseil constitutionnel – Laurent Fabius, Claire Bazy-Malaurie, Michel Charasse, Valéry Giscard d’Estaing, Jean-Jacques Hyest, Lionel Jospin, Corinne Luquiens, Nicole Maestracci et Michel Pinault –, ils avalisent tout ce qui a été négocié à Bruxelles.  « Au terme de son analyse, et dans le strict cadre de son examen de constitutionnalité d’un accord qui, pour une large partie, relève de la compétence exclusive de l’Union européenne, le Conseil constitutionnel a jugé que celui-ci n’implique pas de révision de la Constitution », indiquent-ils.

Cette décision, liée à un recours de 106 députés de gauche en février, était particulièrement attendue. Par les responsables politiques, d’associations, d’ONG, qui espéraient donner un coup d’arrêt à ce traité qu’ils jugent liberticide. Par le gouvernement qui, pour respecter sa promesse de campagne de réexaminer le dossier, vient de nommer une commission d’experts. L’avis du Conseil constitutionnel, cependant, risque de ne pas clore les débats. Loin de là.

 

Négocié pendant des mois en catimini, donnant lieu à une crise majeure avec la Wallonie, puis adopté par une large majorité du Parlement européen en février, le CETA est toujours contesté tant il soulève de problèmes. Car ce n’est pas un accord comme les autres. Même les défenseurs de ce traité en parlent comme d'un accord de « nouvelle génération ». Il ne s’agit en effet plus simplement d’un accord de libre-échange, visant à réduire des barrières douanières. Il s’agit d’établir un corpus de règles entre l’Europe et le Canada, reposant à la fois sur les normes des produits, les modalités d’investissement, les protections des investisseurs, allant jusqu’à l’établissement de juridictions hors des États pour trancher les différends.

Dans leur recours devant le Conseil constitutionnel, les députés avaient soulevé plusieurs points qui leur semblaient contraires à la constitution française. Le CETA leur paraissait nier les principes d’indépendance et d’impartialité des juges et de principe d’égalité devant la loi, puisqu'une juridiction spéciale, une sorte de tribunal arbitral permanent, est prévue dans le cadre de ce traité. Celle-ci est appelée à traiter les différends entre les groupes privés et les États, imposer sanctions et réparations aux États pour des pratiques qui seraient jugées contraires aux accords du CETA.

L’accord, selon eux, portait aussi atteinte aux principes de souveraineté nationale, dans la mesure où l’État français pourrait se voir imposer des règles relevant normalement de sa compétence par des instances où il n’était pas représenté, d’autant que la faculté de l’État de pouvoir révoquer ce traité n’était pas assurée. Enfin, à la suite de nombreuses organisations, les députés relevaient que l’accord entre l’Europe et le Canada passait outre le principe de précaution, inscrit pourtant dans la constitution comme dans la charte européenne.

Le Conseil constitutionnel a décidé de rejeter tous ces arguments. Plus que le rejet en lui-même, ce sont les motifs qu’il avance pour le faire qui posent question. L'institution y confirme une dérive libérale de plus en plus accentuée, qui s’était déjà manifestée lors de sa censure de tout dispositif de lutte contre la fraude fiscale des grands groupes ou, plus récemment, dans une décision passée inaperçue cassant les dispositifs destinés à lutter contre l’accaparement des terres agricoles par des fonds étrangers. Dans son avis sur le CETA, le Conseil constitutionnel érige une nouvelle fois la liberté d’entreprendre comme principe cardinal de notre constitution, l’emportant sur toutes les autres libertés publiques.

Dans sa décision, le Conseil rappelle d’emblée comment il convient de lire le CETA : il reprend la définition donnée en préambule du traité : « L’accord a comme objectif de créer un marché élargi et sûr pour les marchandises et les services des parties et d’établir des règles claires, transparentes, prévisibles et mutuellement avantageuses pour régir leurs échanges commerciaux et leurs investissements. » En un mot, pour le Conseil constitutionnel, il ne peut sortir que du bien de ce traité, puisque c’est écrit. Dès lors, il n’y a guère de raison de s’inquiéter.

Parmi les points les plus litigieux de l’accord entre le Canada et l’Europe figure la création d’une juridiction spéciale pour trancher les différends entre les groupes et les États. « Un mécanisme qui porte atteinte au principe d’indépendance et d’égalité », avaient insisté les députés dans leur recours. Cette crainte est infondée, assure le Conseil constitutionnel.

À lire sa décision, il semble désormais que les règles de « bonne gouvernance », selon le jargon cher aux entreprises, soient érigées en principe constitutionnel, ayant valeur de loi. Puisque le Conseil constitutionnel, pour justifier le fait « que la procédure (...) ne méconnaît pas les principes d’égalité et d’impartialité », met en avant les « règles d’éthique » prévues pour le fonctionnement de cette juridiction d’exception.

Il insiste ainsi sur le fait que les membres seront indépendants, que les situations de conflit d’intérêts sont prévues, que les membres ne sont nommés que pour cinq ans, renouvelables une fois. Doit-on rappeler que la loi est plus contraignante que les codes de bonne conduite et que ces derniers n’ont jamais protégé de rien. On peut citer au hasard les incessantes affaires de lobbying, telles celles touchant Monsanto, les multiples scandales financiers, l’embauche de José Manuel Barroso, ancien président de la Commission européenne comme conseiller spécial chez Goldman Sachs…

De l'intérêt général

 

Pour le Conseil constitutionnel, la formation de ce tribunal arbitral d’exception ne contrevient pas non plus au principe d’égalité devant la loi, inscrit dans la constitution. Car cette juridiction a pour objet d’assurer aux investisseurs étrangers que ceux-ci bénéficieront de droits égaux à ceux des investisseurs nationaux et pourront poursuivre les États s’ils s'estiment lésés, au nom du « traitement juste et équitable ».

Même si seuls les investisseurs canadiens investissant en France pourront la saisir, en cas de différend avec l’État français, cela ne crée pas de rupture d’égalité avec les autres, assurent les membres du Conseil. « Cette différence de traitement entre les investisseurs canadiens et les autres investisseurs étrangers en France répond au double motif d’intérêt général tenant, d’un côté, à créer de manière réciproque un cadre protecteur pour les investisseurs français au Canada et, de l’autre, à attirer les investissements canadiens en France », est-il écrit dans l’avis. Voilà une nouvelle définition de l’intérêt général qui justifie bien de tordre quelques grands principes, de renoncer à ce que les groupes privés travaillant sur son territoire soient soumis à la justice commune.  

De la même manière, le Conseil constitutionnel ne voit aucun risque d’atteinte à la souveraineté avec le CETA. Certes, l’accord prévoit la possibilité par la suite pour les États de légiférer et d’établir des règles supplémentaires en commun. Mais c’est « sur une base volontaire », insiste-t-il. De même, les décisions des comités de suivi du CETA, prévus entre l’Union européenne et le Canada, se feront « par consentement mutuel », précise-t-il. Enfin, cet accord n’a aucun caractère irrévocable, soutient-il, puisque « l’accord prévoit la possibilité d’interrompre son application provisoire en cas d’impossibilité pour une partie de le ratifier ».

Pourtant, en introduction à toute sa démonstration sur le maintien des principes de souveraineté, le Conseil constitutionnel rappelle : « Dès lors que la France aura ratifié l'accord et que celui-ci sera entré en vigueur, les règles qui y figurent s'imposeront à elle. La France sera liée par ces stipulations qu'elle devra appliquer de bonne foi en application des “règles du droit public international”. L'accord aura, en application de l'article 55 de la Constitution, une autorité supérieure à celle des lois. Il appartiendra aux divers organes de l'État de veiller à l'application de cet accord dans le cadre de leurs compétences respectives. Ainsi, l'ordre juridique interne défini par la Constitution impose au législateur de respecter les stipulations des traités et accords internationaux régulièrement ratifiés ou approuvés. Il incombe toutefois au Conseil constitutionnel de s'assurer que la capacité à édicter des normes de droit interne n'est pas limitée dans une mesure telle qu'il en résulterait une atteinte aux conditions essentielles d'exercice de la souveraineté nationale. »

Ainsi, le CETA n’est pas contraignant, mais il l’est bien malgré tout. Et s'il était même susceptible de contenir des dispositions contraires aux principes d’édicter la loi, cela ne justifie pas de s’en préoccuper pour le moment. Comment expliquer que le Conseil constitutionnel, dont la première mission est de veiller au respect des principes fondateurs et d’émettre des avis clairs, entretienne le flou et le clair-obscur ? Est-ce pour ne pas avoir avoué que le CETA signifie un nouveau transfert vers l’Europe et un nouvel abandon de souveraineté, mais qu’il est urgent de cacher, au nom d'un nouvel « intérêt général » ?

La même remarque vaut pour le principe de précaution. De multiples associations et ONG n’ont cessé de dénoncer la disparation de toute référence à ce principe, que ce soit en matière d'environnement, de société, de consommation, dans le projet d’accord de libre-échange. Le Canada ne le reconnaissant pas, il y a tout lieu de craindre, disent-elles, que les échanges se fassent selon les normes les plus basses. Elles redoutent que les groupes privés utilisent les bases arrière du Canada pour imposer qui leurs poulets javellisés, qui leur bœuf aux hormones, ou leurs insecticides interdits en Europe, et attaquent les règles européennes, au nom de la concurrence libre et non faussée.

Là encore, le Conseil constitutionnel estime qu’il n’y a rien à redire, que les craintes sont infondées. Certes, reconnaît-il, le principe de précaution n’est pas explicitement cité dans l’accord. Mais le texte du CETA, rappelle-t-il, prévoit de « favoriser le développement durable par une coordination et une intégration accrues de leurs politiques et mesures respectives en matière de travail, d’environnement et de commerce ». Surtout, poursuit-il, « l'absence de mention expresse du principe de précaution dans les stipulations de l'accord qui relèvent d'une compétence partagée entre l'Union européenne et les États membres n'emporte pas de méconnaissance de ce principe ». Mais si ce principe est si admis, s’il s’impose à tout le monde, pourquoi dans un traité de plus de 2 000 pages ne pas l’avoir inscrit une fois ?

La confusion volontairement entretenue par le Conseil constitutionnel ne va pas redonner une plus grande légitimité à ce traité de libre-échange de plus en plus contesté. En revanche, elle risque de mener à une contestation de plus en plus ouverte contre une institution qui, manifestement, a perdu les références consubstantielles à sa mission.

 

 

 

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1 août 2017 2 01 /08 /août /2017 07:29

 

Un peu plus de 8 millions de Vénézuéliens ont voté dimanche en faveur d’une Assemblée constituante  malgré la violence déclenchée par une opposition puissante disposant de moyens considérables financiers et médiatiques soutenue par le gouvernement des Etats-Unis et la CIA. Un succès pour le mouvement populaire et progressiste vénézuélien.

En France et plus généralement en Europe, la tendance médiatique est à l’acharnement contre le pouvoir en place à Caracas en procédant à une manipulation de l’information. Les images des manifestations de la dite « opposition » qui se traduisent généralement par des scènes de guerre sont largement diffusées alors que les rassemblements chavistes sont passés sous silence. On évoque plus de cent morts depuis le début des affrontements en oubliant de préciser que des candidats à la constituante et des militants chavistes ont été assassinés tandis que les forces de l’ordre  ont enregistré nombre de morts et de blessés. Les médias des Bolloré, Drahi, Lagardère et ceux du «  service public » ont choisi leur camp : celui de l’extrême droite vénézuélienne. 

Ils rejoignent ainsi les pires forces réactionnaires du continent latino américain dans des pays qui osent remettre en cause le verdict des urnes vénézuéliennes alors que ces mêmes pays se distinguent par la corruption, le népotisme et les atteintes aux droits de l’homme. Je veux parler du Mexique, du Pérou, de Panama, de l’Argentine et de la Colombie.

Ce n’est pas au Venezuela  que 45 étudiants ont été assassinés sans aucune suite judiciaire, que les fosses communes débordent d’hommes et de femmes martyrisés, que la misère et l’analphabétisme sévit dans tout le pays, mais au Mexique.

Ce n’est pas au Venezuela que le rapport 2017 d’Amnesty  relève la multiplication de violences contre les femmes et les populations indigènes, que l’armée et la police s’illustrent par des opérations répressives dans le villages éloignés de la capitale, mais au Pérou.

Ce n’est pas au Venezuela que la finance internationale camoufle ses méfaits, mais au Panama.

Ce n’est pas au Venezuela que le pouvoir s’attaque aux grands mères des disparus durant la dictature, que la répression s’abat sur le mouvement ouvrier mais en Argentine.

Ce n’est pas au Venezuela que des centaines d’opposants politique restent toujours emprisonnés malgré des «  accords de paix », que des militants de gauche sont assassinés mais en Colombie.

Le Venezuela n’a pas de leçon à recevoir de ces régimes corrompus et fascisants. Son peuple doit dans la paix enfin retrouvée surmonter lui et lui seul l’épreuve en cours.

 

 

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1 août 2017 2 01 /08 /août /2017 07:28

 

41,53% des Vénézuéliens ont pu se rendre aux urnes ce dimanche 30 juillet, malgré un climat de violence accru par l'opposition au président Nicolas Maduro qui refusait de présenter des candidats au scrutin et qui entendait l'empêcher en rendant la situation incontrôlable. 10 personnes ont ainsi perdu la vie au cours de cette journée de vote, montant le bilan macabre de ces quatre derniers mois d'affrontements politiques aigus à près de 130 morts.

Le peuple vénézuélien paie d'un lourd tribut son aspiration à la paix. La veille du vote, des militants masqués prétendant défendre la démocratie avaient saccagé du matériel électoral en le brûlant en place publique.

L'opposition appelle déjà à des actions lundi et mercredi, jour d'installation de l'Assemblée constituante ; elle est notamment appuyée par l'Administration américaine qui parle, avec l'élection de dimanche, d'un "pas vers la dictature" et qui brandit à nouveau la menace de sanctions, et par les autorités de Colombie, où 1 million de Vénézuéliens ont émigré pour fuir les violences et trouver du travail.

C'est continuer à jeter de l'huile sur le feu alors qu'il s'agirait pour la communauté internationale de créer les conditions d'une médiation internationale sous égide de l'ONU afin de rétablir la paix et la sécurité au Venezuela.

Le Parti communiste français, partisan de la paix et du dialogue national, appelle le gouvernement français à agir fermement en ce sens plutôt que d'emboîter le pas à un président Trump qui multiplie ces jours-ci les déclarations et décisions agressives.

Le PCF adresse aux forces de la paix, de la justice sociale et de la démocratie vénézuéliennes sa solidarité et affirme la nécessité d'un arrêt immédiat des violences qui endeuillent le peuple du Venezuela.

Parti communiste français,
Paris, le 31 juillet 2017

 

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1 août 2017 2 01 /08 /août /2017 07:27

Comme chaque 31 juillet, Patrick LE HYARIC a rendu hommage à Jean JAURES, devant le café du croissant où a été assassiné cet homme de paix qui, entre mille combats, créa il y a 113 ans le journal l’Humanité. Tandis que l’actuel directeur du journal rappelait l’engagement de son fondateur pour les droits des travailleurs, nous sommes allés à la rencontre de celles et de ceux pour lesquels la pensée et l’œuvre de JAURES sont plus que jamais d’actualité.

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1 août 2017 2 01 /08 /août /2017 07:24

Malgré les couacs au sein de la majorité, l'Assemblée a voté samedi les lois « pour la confiance dans la vie politique ». Cinq jours de débats pour une réforme étriquée. Récit.

Historique ? « Je n’utiliserais pas ce terme », dit en riant la ministre de la justice, lucide. Samedi dernier, alors que l’Assemblée nationale vient d’adopter les lois « pour la confiance dans la vie politique » (avec les voix du PS et de certains Républicains sur l'un des deux textes), Nicole Belloubet parle d’« un point de départ », d’« un marqueur politique ». Si la réforme contient des avancées incontestables (fin des emplois familiaux, contrôle des frais des parlementaires, etc.), elle paraît bien étriquée à l’arrivée. Ce mardi 1er août, sept sénateurs et sept députés doivent encore tenter de mettre les deux chambres d'accord. Car des « détails » ne sont toujours pas calés, telle la suppression de la « réserve parlementaire » à laquelle le Sénat s’accroche. En attendant, Mediapart revient sur cinq jours de débats, entre couacs et angles morts médiatiques. 

Activités de conseil : le gros raté

Samedi, 2 heures. Tout le monde veut en finir. D’ultimes amendements, parfois loufoques, défilent à la vitesse du son. Arrive soudain le « 201 » sur les déclarations d’intérêts. Il donne trois mois de « rab’ » aux députés pour dire s’ils détiennent « des participations directes ou indirectes qui confèrent le contrôle d’une société de conseil ». Qui prête encore attention ? En trente secondes, la socialiste Delphine Batho se jette sur le micro, la ministre se dit contre, les députés LREM votent pour.

C’est l’illustration d’un raté général : la question des activités de conseil des parlementaires n’a été discutée qu’en fin de course, de nuit, et au pas de charge, alors que c’était la principale leçon à tirer de « l’affaire Fillon ». Si la prohibition des emplois familiaux est utile, rappelons en effet que les emplois fictifs étaient déjà proscrits par le Code pénal, tandis que rien, strictement rien, n’interdisait au député Fillon de conseiller un milliardaire libanais vendeur de pipelines pour des dizaines de milliers d’euros… Or certaines entreprises, en l’état du texte, pourront toujours s’acheter l’influence d’un élu français.

Pas n’importe lequel, il est vrai. Les textes fixent de nouveaux interdits : seuls les députés ayant entamé leur activité de conseil un an avant l’élection pourront exercer, sans plus avoir le droit de servir des entreprises publiques, des banques, ou encore le BTP (la liste est là)… Mais le candidat Macron avait promis l’interdiction absolue durant sa campagne. « Vous avez été élu pour ça ! », tonne Alexis Corbière (France insoumise). Sur les bancs LREM, muets, les avocats trépignent. « La grande majorité des activités de conseil sont parfaitement honorables, s’indigne Émilie Chalas. Les interdire pousserait à la professionnalisation politique. » Pour Alice Thourot (avocate), il faut bien sûr empêcher l’« activité de conseil d’opportunité », lancée en cours de mandat ou de campagne, mais pas les plus anciennes. Les ambitieux de 2022 n’ont qu’à créer maintenant leur société…

À force, l’insistance de la gauche agace. « Nous venons d’apprendre par la presse que l’un de nos collègues du groupe La France insoumise aurait exercé une fonction de conseil », finit par tacler Jean Terlier (avocat lui aussi), en visant Alexis Corbière, créateur d’une boîte de communication pendant la présidentielle (radiée depuis). « Calomniateur débile ! », réplique l’intéressé, sans répondre au fond. Le verdict est de toutes façons sans appel : la mesure de prohibition totale, défendue par les groupes FI, communiste et socialiste, n’obtient que 2 voix dans les travées LREM. Quant à l’amendement PS obligeant les « députés-conseil » à lever le secret sur leur clientèle (auprès de la Haute autorité pour la transparence), il est balayé.

Pendant tout ce temps, un livre de poche trône sur le pupitre de la ministre : La Constitution commentée par Guy Carcassonne. C’est sa bible. Ancienne membre du Conseil constitutionnel, Nicole Belloubet siégeait parmi les « Sages » en 2013 quand ils ont retoqué une disposition des lois « transparence » qui, déjà, prétendait interdire toute activité de conseil aux parlementaires. Pour la gauche, il faut retenter à tout prix, tandis que la ministre explique combiner des interdictions partielles pour mieux contourner la censure et « viser l’efficacité ». « Ce n’est pas un recul, déclare ainsi Nicole Belloubet à Mediapart. On ne peut pas outrepasser la Constitution, nous sommes dans un État de droit. » Le droit au service de la politique ou de la politique au nom du droit ?

Dans la nuit, au-delà des activités de conseil, la gauche essaie aussi de plafonner l’ensemble des rémunérations annexes des députés (qui restent salariés, pharmaciens, etc.) au tiers de leur indemnité de mandat, sans le moindre succès. « Ça veut dire quoi ?, s’étrangle Christian Jacob (LR), agriculteur de métier. Qu’au mois de septembre j’arrête de traire mes vaches ! » À l’arrivée, la nouvelle loi dit juste que les sénateurs et députés devront « veiller à faire cesser » leurs conflits d’intérêts, selon des règles que le bureau de l’Assemblée sera chargé de « déterminer ». L’essentiel se jouera donc dans le huis clos d’un organe politique où, pour l’instant, 4 sièges sur 22 sont occupés par l’opposition. On hésite à compter Thierry Solère (LR membre des « Constructifs »), embauché sous la précédente législature par une entreprise de déchets à 12 000 euros par mois…

 

Mais où est donc Richard Ferrand ?

Pendant cinq jours, tous les présidents de séance, vice-présidents LREM de l’Assemblée (un chef d’entreprise, une kiné, un avocat, etc.), sont novices au « perchoir » autant qu’au Palais-Bourbon, à l’exception du patron, François de Rugy. Au moindre couac, l’opposition dégaine. Ulcéré de voir ses amendements examinés dans le désordre, le groupe communiste dénonce une confusion « entretenue ». Le placide Olivier Dussopt (PS) s’insurge contre des votes qui bégaient : « Vous avez appelé le vote deux fois, presque trois. Mais les députés [LREM] lèvent la main ou ne la lèvent pas ! De deux choses l'une : soit ça ne se reproduit pas, soit je demanderai un scrutin [électronique] sur chacun des amendements. » Le président de l’Assemblée, François de Rugy, est appelé à la rescousse.

Mais les jours suivants, rebelote. La majorité rejette par inadvertance un article de son cru, La France insoumise prend ses cliques et ses claques après un vote à main levée litigieux. Et le report du vote solennel sur le projet de loi « simple » (il y a un « organique » ensuite) finit de braquer les élus d’opposition, contraints d’annuler leur retour en circonscription ou de dénicher un collègue à qui donner délégation. Du grand bazar ? Un peu de bizutage aussi, car les droits de l’opposition ne sont jamais bafoués. Mais cette cacophonie brouille le message politique et l’opération « moralisation » n’imprime pas dans l’opinion. L’Élysée s’agace. Au point qu’Emmanuel Macron aurait déjà demandé, à en croire Le Figaro du 31 juillet, le remplacement des vice-présidents de l’Assemblée dont la technicité est jugée défaillante.

 

 

« Éviter une surpénalisation de la fraude fiscale »

« Le problème, ce n’est pas le noviciat, c’est le manque de gouvernance, décrypte un briscard socialiste. On ne peut pas laisser un groupe s’autogérer comme ça ! Les difficultés proviennent de l’absence conjuguée du président de l’Assemblée, du président de groupe [Richard Ferrand] et du ministre chargé des relations avec le parlement. » Ce dernier, Christophe Castaner, finira par s’installer sur le banc vendredi. Mais Richard Ferrand n’aura siégé que quelques minutes en cinquante heures de débat, sans même ouvrir la bouche

 

 

Au sein du groupe LREM, des « poids moyens » s’en plaignent, quand d’autres évoquent des « problèmes personnels ». L’enquête préliminaire visant le contrat de bail signé par les Mutuelles de Bretagne au profit de la SCI de sa compagne (quand il était directeur général) est dans toutes les têtes. Au PS, au-delà de ses absences, ses présences aussi font jaser : « Le “hasard” a fait que Ferrand était en séance au moment de l’amendement de Laurence Vichnievsky », ancienne magistrate (Modem) soucieuse d'inclure les « détournements de fonds privés » parmi les infractions passibles d'une nouvelle peine d'inéligibilité obligatoire. Échec assuré.

 

Fraude fiscale : le monopole de Bercy verrouillé

Richard Ferrand est bien là, en tout cas, à l’heure où le « verrou de Bercy » joue sa survie. En France, pour qu’un procureur de la République ouvre une enquête sur des soupçons de fraude fiscale, il faut une plainte préalable du ministère des finances. Dans l’ordre, le ministre du budget saisit la Commission des infractions fiscales (CIF), qui valide 85 % des dossiers, puis son administration saisit la justice pénale (seulement un millier de fois par an). À entendre le fisc, ce moyen de pression n’aurait pas son pareil pour faire rentrer les impôts et pénalités dans les caisses de l’État. Dans l’hémicycle, il y a ceux qui veulent supprimer le « verrou », et ceux qui espèrent l’assouplir. Ensemble, ils ont de quoi tenter un coup.

« Il faut retirer au ministre le pouvoir discrétionnaire d’épargner un fraudeur », gronde Alexis Corbière (FI). Non seulement les communistes applaudissent, mais certains bancs LR, et les centristes. « Qu’en est-il de l’indépendance de la justice ?, lance Philippe Vigier (UDI) à la garde des Sceaux. Cette loi ne peut pas s’attaquer à quelques icônes comme l’IRFM et la réserve parlementaires, parce que ça fait bien dans l’opinion, et laisser perdurer le verrou de Bercy ! » Nicolas Dupont-Aignan s’émeut : « Tout se passe dans le secret d’un bureau, celui du ministre, avec beaucoup d’arrangements et de salissures. »

Placide, le rapporteur général de la commission des finances, Joël Giraud, sort de sa poche une phrase d’Éliane Houlette, la magistrate qui dirige le parquet national financier, religieusement citée : « Le rôle de filtre assuré par la CIF est une bonne chose, il faut être pragmatique : nous serions dans l’incapacité de traiter l’ensemble des plaintes. » Loin d’acter le manque de moyens de la justice, Nicole Belloubet vante les « aspects extrêmement pratiques » d’un « verrou » qui permet « des rentrées fiscales non négligeables », ainsi que « d’éviter une surpénalisation systématique de la fraude ». Sur son banc, la rapporteure des projets de loi, l’avocate Yaël Braun-Pivet (LREM, premier mandat), ne dit pas la même chose, ni le contraire d’ailleurs, proposant de « procéder à l’examen approfondi du dispositif » à l’aide d’une mission parlementaire. « Des travaux, on en a des sacs et des sacs ! », fulmine André Chassaigne (PCF). Malgré le soutien de l’ensemble des communistes, des insoumis et des « Constructifs », rejoints par 27 LR (sur 41), plusieurs frontistes dont Marine Le Pen et Louis Aliot, 2 socialistes (sur 9), et un original LREM, la suppression du « verrou de Bercy » est repoussée.

Mais l’hémicycle est chauffé à blanc pour l’option de repli, moins clivante, déjà votée par le Sénat, et proposant juste une brèche dans le « verrou ». Pourquoi ne pas autoriser la justice, par exception, à engager des poursuites en solo lorsqu’elle tombe sur des faits de fraude fiscale au détour d’une enquête déjà ouverte ? Cette fois, le scrutin est serré. Tous les députés PS et Modem se rallient, laissant le groupe « macroniste » isolé et fissuré, avec 12 voix pour et 10 abstentions. L’amendement échoue à 21 voix près.

 

Les hauts fonctionnaires ignorés

Brusquement, en milieu de semaine, l’oratrice du groupe LREM annonce un nouveau nom de baptême. On bascule de « confiance dans l’action publique » à « confiance dans la vie politique ». Depuis le premier jour, les oppositions de gauche et de droite pilonnent en effet sur le pantouflage des hauts fonctionnaires et conseillers ministériels, leurs « va-et-vient » vers le privé, que l’intitulé d’origine paraît englober. « L’action publique, c’est large, sinon c’est de la publicité mensongère ! », soutient Ugo Bernalicis (FI). Or amendement après amendement, la ministre dénonce des « cavaliers législatifs », des hors-sujet. La majorité décide alors de graver dans le marbre un titre qui cible officiellement les responsables « politiques » et s’arrête aux portes de l’administration.

« Le terme pantouflage est un euphémisme pour évoquer les conflits d’intérêts de coulisse érigés en mode de gouvernance permanent, tance pourtant Delphine Batho (PS). Les membres de cabinet emportent leur carnet d’adresses dans le secteur privé puis reviennent, tout en veillant à un certain nombre d’intérêts. Il faut une frontière étanche. » L’ancien vice-président de l’Assemblée, Marc Le Fur (LR), ravit ses troupes en lâchant : « Nous, les parlementaires, sommes protégés non par notre vertu mais par la collégialité. Dans une administration, le ministre agit seul, il a un passé, des intérêts peut-être. Il en va de même pour son directeur d’administration. Alors qu’on en finisse avec la stigmatisation des parlementaires et qu’on construise une loi équilibrée ! » Le départ de Bruno Bézard, directeur du Trésor recruté en 2016 par un fonds d’investissement franco-chinois, revient sur toutes les langues, preuve que la commission de déontologie de la fonction publique (chargée de surveiller le pantouflage des fonctionnaires) serait trop coulante. Mais tous les amendements durcissant les règles, notamment sur les sas d’attente et « décontamination », sont écartés alors que le Sénat en avait adopté une batterie.

Dans les travées de La République en marche, composées à 10 % de chefs d’entreprise et 21 % de cadres du privé, on s’impatiente. « Je me permettrai d’évoquer un exemple, le mien, intervient Jacques Maire. Diplomate d’origine, j’ai travaillé dix ans dans un groupe privé puis je suis revenu en 2012 au Quai d’Orsay. Nous ne réussirons à réformer l’État que s’il y a des dizaines de passages de managers entre le public et le privé, un afflux massif de compétences [acquises] dans un environnement concurrentiel qui place le client au centre, comme il faut faire pour les usagers des services publics. »

Tout le monde ne parle pas le même langage. À gauche, François Ruffin (FI) cite un roman policier d’Edgar Poe, La Lettre volée, dans lequel l’inspecteur cherche en vain l’objet du crime, qu’il présuppose dissimulé. En réalité, le courrier est tellement en évidence que l’enquêteur passe à côté. « Comment ne pas voir le caractère grotesque d’une moralisation avec Emmanuel Macron à la tête de l’État ? », lance le député, rappelant le débauchage de l’inspecteur des finances par la banque Rothschild en 2008. « Le pantouflage, c’est la Lettre volée d’Edgar Poe », une « privatisation » de l’État que personne ne regarde.

Calmement, la majorité botte en touche. Sans se risquer sur le fond, Nicole Belloubet rappelle qu’une loi d’avril 2016, « fruit de deux ans de travail » parlementaire, a traité le sujet pour les fonctionnaires, instaurant des règles de déport en cas de conflits d’intérêts. Alors « faut-il remettre sur le métier un texte dont l’application pleine et entière ne date que d’un mois ? » Jugeant les « difficultés » tout à fait « réelles », la rapporteure de la commission des lois, Yaël Braun-Pivet (LREM), annonce une nouvelle « mission d’évaluation ». « Je ne m’engagerai pas sur un délai, glisse-t-elle. Je suis novice et ne connais pas le temps nécessaire pour une mission d’information parlementaire. » Ni, surtout, ce qu'il advient en général de ses conclusions… Sur ces questions, les plats repassent rarement deux fois au cours d'un quinquennat. À moins d'un nouveau scandale.

 

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