
LES GRANDS ENJEUX POUR NOTRE PLANÈTE, PAR GÉRARD LE PUILL
Tant que les centrales à charbon ou les mines (ici à Garzweiler en Allemagne) seront rentables, les investisseurs seront là. Avec ou sans Axa...
Nous avons appris récemment que le groupe Axa, spécialisé dans l'assurance, revoyait en hausse son engagement dans la lutte contre le réchauffement climatique. Sur ses 600 milliards d'euros d'actifs en portefeuille, Axa veut investir 12 milliards dans « l'immobilier vert » d'ici à 2020, contre 3 milliards en 2015.
Axa réduira désormais ses investissements dans les entreprises qui tirent au moins 30 % de leurs revenus du charbon. Il va également céder c'est-à-dire vendre à d'autres investisseurs le capital qu'il possède dans les entreprises qui construisent des centrales au charbon et dans celles qui extraient plus de 20 millions de tonnes de houille par an. Au total, 2,4 milliards d'euros pourraient ainsi changer de cible dans la course au profit.
À ce stade, rien ne prouve que les sommes soustraites aux entreprises charbonnières seront recyclées dans des industries moins polluantes. Certes, Axa va aussi sortir ses fonds de l'extraction du pétrole des sables bitumineux et des pipelines qui les transportent. Le groupe recyclera ainsi 700 millions d'euros sans que l'on sache si les nouveaux placements choisis seront aussi verts que les précédents étaient sombres.
L'assureur s'inquiète : un monde aux catastrophes climatiques trop fréquentes ne serait plus assurable...
Raisonnons en prenant pour argent comptant les annonces faites par Axa. Le capitalisme étant fondé sur la recherche du profit, nous savons que l'extraction du charbon continuera partout dans le monde tant que la demande mondiale en fera une activité rentable, même sans les capitaux du groupe Axa. Il en ira de même pour le pétrole extrait des sables bitumineux et pour les pipelines qui servent à le transporter. Tant que le retour sur investissement sera rémunérateur dans l'extraction des énergies fossiles très demandées sur un marché mondialisé, d'autres investisseurs prendront le relais des multinationales soucieuses de verdir leur vitrine.
Ajoutons qu'Henri de Castries, ancien PDG du groupe Axa, percevait une rémunération annuelle de 3,2 millions d'euros, avant de démissionner l'an dernier pour participer à la campagne présidentielle de François Fillon, dont il souhaitait devenir le ministre des Finances. Un homme qui s'offre une rémunération égale à 200 fois le Smic ne nous fera pas croire que l'activité de son groupe est à jamais tournée vers le sauvetage du climat et de la vie sur terre.
Mais peut-être y a-t-il une autre raison pour qu'Axa s'intéresse au climat. L'Américain Jad Ariss, son directeur des affaires publiques, l'avait laissé entendre le 13 décembre 2017 en déclarant au quotidien « les Échos » qu'il devait « veiller à faire ces désinvestissements dans les meilleures conditions possibles. Si vous n'êtes pas parmi les premiers à désinvestir, vous sortez à moins bon compte. Mais nous souhaitons avant tout être leader sur ce sujet et que d'autres s'engagent, car un monde qui se réchaufferait de 4 °C n'est plus assurable ».
C'est vrai, si ce monde n'est plus assurable à cause de l'ampleur des dégâts, les assureurs comme Axa disparaîtront aussi. Jad Ariss est un capitaliste lucide.
glepuill@humanite.fr

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