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17 octobre 2021 7 17 /10 /octobre /2021 08:48

 

Le troisième rapport d’évaluation de la réforme de la fiscalité du capital de 2018 n’a pas pu identifier d’effets économiques positifs, seulement une hausse gigantesque des dividendes versés aux ultra-riches. Le récit d’Emmanuel Macron s’effondre face à la réalité.

C’est une étude qui fait dérailler le récit gouvernemental. Le troisième rapport d’évaluation de la réforme de la fiscalité du capital réalisé par France Stratégie a été publié ce 14 octobre et il tire un bilan très sévère de ces mesures. Le seul vrai effet est celui qui était attendu : l’augmentation de la fortune des plus riches. Pour le reste, l’impact sur l’investissement et l’activité, le rapport ne parvient pas à identifier des liens.

 

Rappelons que cette réforme de la fiscalité du capital s’appuyait sur deux mesures phares. D’une part, la suppression au 1er janvier 2018 de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) et sa transformation en impôt sur la fortune immobilière (IFI), ce qui revenait à exonérer le patrimoine mobilier (actions, or, obligations, comptes divers) de cet impôt. D’autre part, la création d’un prélèvement forfaitaire unique (PFU) de 30 % sur les revenus du capital, qui fonctionnait comme une forme de « bouclier fiscal » pour ces revenus et leur donnait un avantage fiscal considérable, pour les plus riches, face aux revenus du travail.

Par ailleurs, pour bien saisir la sévérité du rapport, dont les termes restent extrêmement prudents, il faut avoir en tête la composition du comité d’évaluation. Ce dernier a été construit sur mesure pour produire une évaluation positive. Il est formé d’économistes mainstream convaincus des effets bénéfiques de cette réforme, d’élus de la majorité, de représentants du Medef, de syndicats « réformistes » (CFTC et CFDT) et de fonctionnaires de la Banque de France ou de la Direction générale du Trésor. Autant dire que si ce comité avait été capable de démontrer le moindre effet macroéconomique positif, il ne s’en serait guère privé. Mais il n’en est rien.

Dans son avis, le comité ne peut donc écrire, presque désolé, que « l’observation des grandes variables économiques – croissance, investissement, flux de placements financiers des ménages, etc. –, avant et après les réformes, ne suffit pas pour conclure sur l’effet réel de ces réformes. En particulier, il ne sera pas possible d’estimer par ce seul moyen si la suppression de l’ISF a permis une réorientation de l’épargne des contribuables concernés vers le financement des entreprises ».

 

L’observation des grandes variables économiques – croissance, investissement, flux de placements financiers des ménages, etc. –, avant et après les réformes, ne suffit pas pour conclure sur l’effet réel de ces réformes

 

Comité d'évaluation de la réforme de la fiscalité du capital, 3e rapport, octobre 2021

C’est un véritable camouflet, même si le Comité appelle évidemment à la patience et envisage un effet à long terme du « ruissellement » défendu par le gouvernement et Emmanuel Macron, qui ont toujours prétendu que la fin de l’ISF et l’instauration du PFU étaient des armes pour l’investissement et pour l’emploi.

Mais derrière la glose un peu ennuyée du comité, il y a une réalité concrète : rien n’a changé dans les comportements macroéconomiques après la réforme. Et, partant, il n’est pas possible d’attribuer à ladite réforme la paternité de la baisse du chômage ou du niveau élevé du taux d’investissement, comme le font les représentants de la majorité.

Le comité affirme d’ailleurs qu’il n’y a pas eu d’impact de la réforme sur les fameux « départs » de personnes fortunées du pays, qui étaient une des raisons avancées régulièrement pour en finir avec l’ISF. Ces « départs » avaient commencé à ralentir dès 2013 et on ne constate pas « d’inflexion particulière » dans ce mouvement. Le comité signale certes une augmentation des « retours », mais à quoi servent ces calculs ? Le seul intérêt éventuel de l’analyse de ces mouvements est de connaître l’impact de ceux-ci en termes économiques. Or on sait depuis longtemps qu’ils sont nuls et le rapport vient le confirmer.

Le résultat est le même sur le PFU qui était censé permettre de dégager des fonds pour réinvestir dans les entreprises. Le comité ne peut qu’affirmer qu’il n’existe « aucun impact sur l’investissement et les salaires des entreprises détenues davantage par les personnes physiques suite au PFU ». Par ailleurs, la hausse des dividendes, sur laquelle on reviendra, s’est accompagnée d’une hausse de l’investissement immobilier, malgré le maintien de l’IFI. Le comité indique que pour les ménages qui ont vu leurs dividendes augmenter de 100 000 à un million d’euros en moyenne en 2018, l’augmentation de l’investissement immobilier a été de 150 000 euros.

La réforme fiscale a donc favorisé, outre les consommations de luxe, l’immobilier, dont la valeur est soutenue par les banques centrales. Bref, on est très largement dans l’investissement improductif, ce qui correspond, sans surprise, à la structure du capitalisme contemporain. On s’en doutait avant la réforme, on en a confirmation.

 

Evolution des dividendes versés aux ménages © France Stratégie

À défaut d’un effet économique identifiable, la réforme a, en revanche, eu un effet sur le patrimoine et les revenus des plus fortunés. Et c’est même le seul effet que le comité est capable d’identifier avec certitude. Et les chiffres sont vertigineux. En 2018, les dividendes versés aux ménages résidant en France ont augmenté de 9 milliards d’euros sur un an, à 23 milliards d’euros, soit une hausse de 64 %. Et le flux s’est encore accru en 2019 de 1 milliard d’euros, avant de se stabiliser à ce niveau très élevé en 2020, en pleine crise sanitaire et alors que le gouvernement « demandait » de réduire ces versements.

Lorsque l’on dit « versés aux ménages », il faut savoir de quoi on parle : 45 % de la hausse de 9 milliards d’euros a été captée par 5 000 foyers qui ont vu leurs dividendes dépasser 100 000 euros par an, et 13 %, soit 1,2 milliard d’euros, ont été captés par 310 foyers, qui ont touché plus d’un million d’euros de dividendes par an. Il s’est ensuivi un creusement des inégalités au sein même de la classe la plus aisée, au bénéfice des 0,1 % les plus riches.

 

Évolution des revenus © France Stratégie

Ce qui est important, c’est que le comité, malgré certains doutes, ne peut pas dissimuler le lien de cause à effet entre l’instauration du PFU et cette hausse des dividendes versés. « Les équipes de recherche sont à même d’établir l’existence d’un effet causal de l’instauration du PFU sur le versement de dividendes aux ménages », indique le rapport, qui enfonce le clou : « Le comité considère que la majorité de cette augmentation [des dividendes] a bien été causée par l’instauration du PFU. »

Une politique de classe, en dépit des évaluations

Bref, le principal effet de la réforme de la fiscalité favorable aux riches, c’est bien que les riches sont devenus plus riches. Pas étonnant, pourrait-on dire. Et pourtant, cette évidence a été combattue et est encore combattue aujourd’hui par la majorité présidentielle.

Cette dernière s’appuie sur une étude récente de la Direction du Trésor (le « rapport économique, social et financier 2022 », que l’on trouvera ici) pour affirmer que les plus pauvres auront le plus gagné sur le quinquennat. En réalité, cette mesure ne prend pas en compte l’effet d’accumulation provoqué par la réforme du capital.

Elle estime ainsi à 1,8 milliard d’euros par an l’effet de la réforme sur les 10 % les plus riches, ce qui correspond au « manque à gagner » fiscal. Mais comme on vient de le voir, l’effet sur les revenus des plus riches est beaucoup plus vaste et pourrait être près de quatre fois supérieur à ce chiffre. D’autant que l’étude de la Direction du Trésor n’inclut pas les effets sur ces mêmes ménages de la baisse de 50 milliards d’euros des impôts sur les entreprises et de sa conséquence sur les dividendes.

On pourra donc tordre les chiffres comme on voudra : Emmanuel Macron a été et reste le président des riches. Il est celui qui a le plus protégé la croissance des revenus des ultra-riches. Et cela en dépit même de l’évidence que les effets macroéconomiques de cette politique étaient nuls.

Certes, cette conclusion avait déjà été anticipée par beaucoup, y compris dans Mediapart, dès 2017. La structure intellectuelle de la « théorie du ruissellement » est celle du capitalisme du milieu du XIXe siècle, un capitalisme centré sur les produits de luxe et sur l’investissement direct des grandes fortunes.

Elle est inopérante dans un contexte de capitalisme ultra-financiarisé et où les capitaux circulent quasi librement. Les bénéfices dégagés par ces réformes ne se sont pas retrouvés dans l’économie française parce qu’ils sont allés là où les rendements sont les plus attrayants : à l’étranger, dans l’immobilier et dans les marchés financiers. L’incompréhension de cette réalité pourtant évidente est le voile qui permet de faire accroire à la classe moyenne qu’il faut épargner les plus riches. Et c’est pourquoi ce type de rapport, comme celui du comité d’évaluation, est important : il ne peut dissimuler le désastre économique et social de cette réforme. Et sape les bases de l’imposture.

Pourtant, Emmanuel Macron reste accroché à cette idée. Voici encore deux jours, le 12 octobre, lors de la présentation du « plan France 2030 », il avait encore fait l’éloge de cette réforme comme étant la source de la fin de la désindustrialisation en France. Le 1er mai dernier, ce même président de la République avait déjà fait ce lien en prétendant qu’avec l’ISF « les patrons se seraient carapatés ». Il en avait fait cette conclusion : « Heureusement que l’on a supprimé cette aberration » et qu’on « aurait dû le faire 10 à 15 ans plus tôt ».

Emmanuel Macron sur l'ISF pendant son entretien avec la PQR © Le Parisien

Les faits donnent donc désormais clairement tort à Emmanuel Macron. Un comité constitué sur mesure pour confirmer l’efficacité de la réforme en est incapable et ne sait identifier qu’un seul effet : l’enrichissement des plus riches. Tout le récit économique du gouvernement sombre alors. Mais il ne faut pas s’attendre à une remise en cause. Ce récit peut, comme le fait Bercy, s’accrocher à la dernière bouée de sauvetage du ruissellement : il faut encore attendre et, même, aller plus loin.

C’est d’ailleurs la seule concession que peut faire l’avis du comité : espérer que cela marche plus tard. Décidément, l’espoir fait vivre le capitalisme contemporain : outre l’innovation qui viendra nous sauver, il faut aussi attendre que les réformes portent leurs fruits…

En réalité, la seule vraie boussole de ce quinquennat, c’est cette réforme de la fiscalité du capital. Aucune crise, ni les « gilets jaunes », ni la crise sanitaire, n’a remis en cause la conviction profonde de l’exécutif sur ce point. En dépit de son impopularité, la fin de l’ISF est restée un point non négociable pour Emmanuel Macron. C’est donc ici qu’il faut chercher son identité politique et économique.

Au passage, on remarquera combien les « évaluations »,  jugées essentielles au moment de voter les réformes, relèvent de l’imposture. Lorsqu’elles ne vont pas dans le sens souhaité par le pouvoir, on se contente de les ignorer ou de demander plus de temps. Les mauvaises évaluations du Crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) ont conduit à sa pérennisation en baisses de cotisations.

Les travaux empiriques du récent « prix Nobel » David Card sur les vertus du salaire minimum sont ignorés par le pseudo-comité d’experts du Smic, comme ont été ignorées les études empiriques sur les effets de la baisse de la fiscalité du capital (notamment celle, célèbre, de Danny Yagan, publiée en 2019 dans l’American Economic Review, sur la réforme de 2003 aux États-Unis et qui prédisait les effets du PFU).

 

Si l’évaluation montre que des capitaux ne sont pas suffisamment injectés dans l’économie française, je proposerai de rétablir l’ISF

 

Marlène Schiappa en 2019

En 2019, sous la pression des gilets jaunes, le président de la République avait concédé qu’il se soumettrait à l’évaluation de la réforme de la fiscalité du capital. Laurent Saint-Martin et Benjamin Griveaux, député LREM, avaient, à l’époque, demandé de laisser passer deux ans. On y est. Marlène Schiappa va-t-elle proposer de rétablir l’ISF comme elle s’y était alors engagée ? « Si l’évaluation montre que des capitaux ne sont pas suffisamment injectés dans l’économie française, je proposerai de rétablir l’ISF », avait-elle alors affirmé.

Évidemment, on comprend la fonction de l’évaluation : c’est une façon de gagner du temps et de pérenniser des mesures qui, une fois en place, ne peuvent plus être remises en cause, car on ferait alors prendre des risques à « l’emploi ». C’est un piège politique qui s’apparente à une forme d’escroquerie. Dès 2018, chacun avait déjà les moyens de savoir que cette réforme de la fiscalité du capital était une mesure de classe et non une mesure économique. L’évaluation était donc de la poudre aux yeux et c’est ce que ce rapport confirme. Il n’aura aucun impact politique et n’en demande aucun.

Il n’empêche : dans un débat présidentiel où Emmanuel Macron va prétendre avoir pratiqué une politique redistributive et efficace, cette évaluation est un démenti cinglant. L’abnégation avec laquelle l’Élysée a nié l’histoire et les études économiques pour mener sa politique de classe avec la vieille ficelle du « ruissellement » ne fait guère du camp présidentiel celui de la « raison » comme il prétend l’être parfois.

 

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15 octobre 2021 5 15 /10 /octobre /2021 14:00

Invité de la matinale de Public Sénat, Ian Brossat s’est montré à une baisse des taxes sur les carburants face à la hausse des prix de l’énergie. L’adjoint communiste à la mairie de Paris et directeur de campagne de Fabien Roussel est ensuite revenu plus largement sur la politique énergétique, en réaffirmant la place du nucléaire dans le mix énergétique français.

 

"Ça suffit d‘avoir un Etat qui rackette les Français." Ian Brossat

"On ne peut pas se passer du nucléaire pour sortir des énergies carbonées." Ian Brossat

Rédaction Public Sénat

« En moyenne, depuis un an, les Français ont perdu 1100 euros du simple fait de la hausse des factures d’énergie, c’est quasiment un SMIC parti en fumée, c’est monstrueux », a alerté Ian Brossat ce vendredi matin sur notre antenne. Effectivement, la facture est salée, mais le « bouclier tarifaire » et la revalorisation du chèque-énergie n’ont-ils pas mis un coup d’arrêt à cette hausse ? « Le gouvernement se conduit d’une manière invraisemblable, sur le gaz ils ont bloqué les prix une fois qu’ils avaient explosé » répond le directeur de campagne de Fabien Roussel, qui n’est pas non plus convaincu par le dispositif du chèque-énergie : « Le chèque énergie s’adresse à une petite partie des Français, et tant mieux pour eux, mais les petites classes moyennes n’ont pas accès à ce dispositif. »

Ainsi, Ian BROSSAT, se dit favorable à une baisse des taxe, qui toucherait l'ensemble de la population : "Nous soutenons avec Fabien ROUSSEL la baisse des taxes, qui, sur l'énergie représentent une partie importante de la facture.". Il poursuit : "la solution c'est la baisse des taxes. ça suffit  d'avoir un Etat qui rackettent les Français et qui profite de l'augmentation des prix.". Pour remédier à cela, l'adjoint communiste à la mairie de Paris s'en remet à lqa mesure proposée par Fabien ROUSSEL, d'une "taxe flottante" dont le taux baisse quand les prix augmentent.

 

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15 octobre 2021 5 15 /10 /octobre /2021 13:45
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15 octobre 2021 5 15 /10 /octobre /2021 13:40

 

(Communiqué de presse)

La question du prix de l’énergie — celui de l’électricité, du gaz comme celui à la pompe — est aujourd’hui au cœur des préoccupations des Françaises et des Français.

Alors que nous sommes au milieu du mois seulement, des millions de familles, de salariés, de jeunes ou de retraités doivent déjà se serrer la ceinture et faire face à des arbitrages financiers terribles : choisir entre remplir convenablement son frigo ce week-end ou commencer à chauffer son logement, s’autoriser une dépense pour les enfants ou faire le plein d’essence.

Alors même que le gouvernement encaisse plusieurs milliards d’euros supplémentaires avec les taxes qu’il perçoit sur l’énergie, Emmanuel Macron n’a pris aucune mesure pour faire baisser les factures des Françaises et des Français, aucune mesure pour augmenter les salaires, aucune mesure pour augmenter les pensions de nos retraites..

 

Mes 7 propositions pour faire baisser la facture d’énergie et redonner du pouvoir d’achat :

  • Je propose aux Françaises et aux Français trois mesures, immédiates et concrètes, pour leur permettre de faire face à cette crise et leur redonner du pouvoir d’achat.
  1. Une baisse immédiate de 30 % des taxes sur le prix du gaz et de l’électricité ;
  2. La mise en place d’une taxe flottante sur l’essence financée sur les dividendes des compagnies pétrolières. Aujourd’hui, 61 % de taxes pèse sur le prix du litre d’essence (TVA et TICPE). Mettons ne place une taxe flottante sur l’essence pour faire baisser de le montant des taxes quand les prix du baril montent.
  3. Ces actions pour le pouvoir d’achat doivent s’accompagner de mesures visant à diminuer l’usage de véhicules polluants. Alors que 10 millions de véhicules anciens seront interdits de circuler d’ici 2025 dans les Zones à Faibles Emissions, pénalisant les ménages les plus modestes, il est indispensable d’augmenter les primes pour l’achat de véhicules neufs et d’occasion non polluants, avec des aides d'au moins 5000 euros pour l'achat de véhicules d'occasion Crit'Air 1 ou 2, qui doit s’ajouter aux primes existantes (à la casse, reprise par le constructeur…) pour des véhicules non concernés par le malus automobile.

 

  • À ces trois mesures de court terme, je souhaite proposer aux Français un changement de cap sur long terme à l’occasion du prochain mandat, à travers 4 mesures pour aider à développer les mobilités les moins polluantes : 

=> La réduction la TVA à 5,5 % sur l’achat de vélos dès 2022.

=> L’accompagnement des collectivités vers la gratuité des transports en commun à horizon 2025. C’est une mesure à la fois sociale et écologique.

=> La création de 100 000 kilomètres de pistes cyclables à l’échelle du pays à horizon 2027.

=> Le maintien et le développement des lignes et des gares ferroviaires du quotidien.

 

 

Fabien Roussel, député du Nord, candidat à la Présidence de la République,

Paris, le 14 octobre 2021.

 

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14 octobre 2021 4 14 /10 /octobre /2021 05:35

 

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14 octobre 2021 4 14 /10 /octobre /2021 05:33

Inédit depuis des décennies, la droite s’empare de la question des salaires et veut rivaliser de propositions ! Thème central de la présidentielle, chaque camp a sa solution et deux conceptions politiques s’affrontent.

Alors que la Macronie se mobilise pour expliquer aux Français, et en dépit de la réalité qu’ils vivent chaque mois, qu’Emmanuel Macron a fait beaucoup pour leur pouvoir d’achat, à gauche comme à droite tout le monde parle « hausse des salaires ». Sauf que, en les regardant de près, les propositions sont radicalement opposées.

À gauche, quelle que soit la méthode retenue, chaque parti souhaite augmenter salaires et pouvoir d’achat. Il en est ainsi du Parti socialiste, qui compte « réduire les écarts salariaux dans les entreprises » moyennant des contraintes fiscales pour les entreprises qui ne s’y plieraient pas. Sa candidate, Anne Hidalgo, s’est pour l’instant prononcée en faveur d’un « doublement » du salaire des professeurs, et une augmentation des salaires dans certaines professions « invisibles » telles que les soignants ou les caissières de 15 %, s’inspirant ainsi d’une proposition de la CFDT.

Pour le PCF, en revanche, le Smic doit passer à 1 800 euros brut, et son porte-parole, Ian Brossat, indique qu’une conférence salariale sera convoquée en cas de victoire à la présidentielle. Dans la fonction publique, territoriale ou d’État, le PCF compte augmenter les salaires de 30 %, tandis que la nationalisation d’EDF et d’Engie permettrait de reprendre le contrôle des prix de l’énergie et de faire baisser la facture de 40 %. La France insoumise entend également augmenter le Smic, à 1 400 euros net, et instaurer une limitation des écarts de salaires de 1 à 20 dans les entreprises. Ils proposent en outre une « loi d’urgence sociale », un « panier alimentaire de 5 et fruits et légumes » à un prix abordable pour les plus modestes. Chez les écologistes d’EELV, c’est le « 13mois écolo », c’est-à-dire un ensemble de mesures visant à améliorer le pouvoir d’achat dans le cadre de la transition écologique qui est mis en avant. Sur le Smic, EELV soutient l’indexation à 60 % du salaire médian, sur le modèle de la proposition de la Confédération européenne des syndicats.

 

« Charges » et « cotisations », une différence fondamentale

À droite, on parle salaires, mais les annonces restent conformes à l’orthodoxie libérale. Pour la plupart des candidats déclarés, le problème, ce sont les « charges ». Michel Barnier veut les réduire pour les salaires de 1,6 à 2,5 fois le Smic. Xavier Bertrand doit annoncer ses intentions « fin septembre ». Valérie Pécresse déroulait ses propositions lors d’un débat face à Fabien Roussel, à la Fête de l’Humanité. Elle dit vouloir augmenter les salaires de 10 % et compte convaincre « les entreprises de participer à hauteur d’un tiers, car elles ont reçu beaucoup d’aide de l’État et des régions ».

« Je voudrais un autre tiers via des économies sur la dépense publique et un dernier tiers de transfert de fiscalité avec moins de cotisations sociales », affirmait également la présidente de la région Île-de-France. Une proposition assez proche de celle du très droitier Nicolas Dupont-Aignan, qui veut lui aussi augmenter les salaires de 10 %, en baissant les cotisations sociales de « 30 % sur la durée du quinquennat ». À l’extrême droite, Marine Le Pen rejette des hausses de salaires qui feraient « peser une charge sur des entreprises dans de grandes difficultés économiques », et se contenterait de « rendre du pouvoir d’achat aux Français » en nationalisant les autoroutes et en privatisant l’audiovisuel.

Ces différences entre droite et gauche sont fondamentales. Comme le rétorquait Fabien Roussel à Valérie Pécresse, « ce n’est pas une hausse de salaire que vous proposez, c’est un jeu de bonneteau. Car votre hausse, c’est nous qui allons la payer, par la baisse de la dépense publique ». Sur les cotisations sociales, le secrétaire national du PCF rappelle que « c’est du salaire différé, c’est ce qui nous permet d’accéder à la santé, à la carte Vitale et aux politiques familiales. Nous sommes même capables de les augmenter si, dans un grand débat avec les Français, nous leur disons que cela garantit un revenu étudiant pour nos jeunes et des retraites au-dessus de 1 200 euros » !

Doubler le salaire des enseignants, c’est possible ?

C’est la proposition lancée par Anne Hidalgo, candidate socialiste, et accueillie avec une certaine tiédeur. « Ça ne semble pas très réaliste, mais cela a le mérite de montrer d’une manière un peu tranchante qu’il y a un rattrapage énorme à faire », estime Benoît Teste, secrétaire général de la FSU. Les contours des bénéficiaires de la proposition de la candidate socialiste restent encore flous. Pour le sociologue François Dubet, si elle concerne uniquement les enseignants et non les autres personnels de l’éducation nationale, cela peut « ouvrir la boîte de Pandore des comparaisons et des ressentiments, tout en engendrant de nouvelles inégalités ». La question du financement d’une mesure aussi coûteuse (estimée à 20 à 30 milliards d’euros par l’OCDE) reste paradoxalement à préciser par la candidate, qui n’a pour l’heure rien dit, ne serait-ce que d’un éventuel retour de l’ISF ou d’une quelconque taxation du capital.

 

Le PCF veut en finir avec les écarts vertigineux. Entre 680 et 1 700 années de Smic, c’est ce que gagnent en douze mois les cinq patrons les mieux payés de France. Un écart vertigineux auquel le PCF entend s’attaquer à l’occasion de l’élection présidentielle. « Le salaire des patrons du CAC 40 a progressé de 30 % en un an. Le Smic, lui, va progresser de… 2 %. Cherchez l’erreur ! Je propose le Smic à 1 800 euros brut et l’encadrement des salaires dans un rapport de 1 à 20 », explique le candidat communiste, Fabien Roussel. À l’instar des mesures défendues dès 2016, et à plusieurs reprises depuis, à l’Assemblée nationale par les parlementaires communistes, il s’agit d’interdire par la loi les écarts de rémunération au-delà d’une multiplication par 20 entre celui qui gagne le moins et celui qui gagne le plus au sein d’une entreprise, patron compris. « Cette règle est vertueuse car l’augmentation de celui qui est le mieux payé provoque celle de celui qui l’est le moins », résume le député PCF Pierre Dharréville. De quoi garantir une meilleure répartition des richesses produites.

 

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14 octobre 2021 4 14 /10 /octobre /2021 05:12
Hommages à notre camarade Michel Etievent, historien, spécialiste d'Ambroise Croizat et de la création de la Sécu
L'Humanité, 14 octobre 2021

L'Humanité, 14 octobre 2021

Disparition de Michel Etievent : continuer le combat de ce « fils d’usine » (Fabien Roussel)
 
C’est avec une grande émotion, un profond sentiment de tristesse et de perte que j’ai appris la disparition brutale de notre camarade Michel Etievent. Je pense d’abord à sa famille, à sa Lysiane, à son Aurélien, le «colporteur de rêves» dont il était si fier, à toutes «les petites gens» de sa vallée de la tarentaise dont lui, «le fils d’usine» était l’ami et pour l’amour desquels il était devenu et poète et conteur.
Ce journaliste communiste, qui disait avoir appris le métier à l’Humanité dont il fut le correspondant, alimentant dans les années 70, la rubrique «luttes» de reportages sur les conflits ouvriers, la rubrique sport au moment des Jeux d’Albertville, était devenu le biographe d’Ambroise Croizat. Sa biographie «Ambroise Croizat ou l’invention sociale» est un livre de référence pour le mouvement ouvrier. Conférencier, cet ardent défenseur de la sécurité sociale répétait inlassablement que «chaque Français possède une carte du parti communiste en poche. C’est la carte vitale qui donne la plus grande dignité à tous. Cotiser selon ses moyens, recevoir selon ses besoins». Michel avait également fait sienne l’affirmation d’Ambroise Croizat « Nous devons parler de conquis sociaux et non d’acquis car le patronat ne désarme jamais».
Écrivain, auteur d’une quarantaine d’ouvrages, Michel dédicaçait encore son dernier livre à la fête de l’Humanité, et il y a trois jours encore au salon du livre à Hermillon.
Sa disparition est un coup au cœur. Il nous laisse le souvenir de sa belle personne, ses livres, ses combats, ses rêves. Nous te continuerons, camarade.
Fabien Roussel.
MICHEL ÉTIÉVENT : ADIEU À L’AMI,
AU FRÈRE, AU CAMARADE
Les mots manquent, ce matin, après une nuit cauchemardesque, d'incompréhension et de retour de souvenirs émus. Michel Etiévent, l’ami de trente ans, le camarade de toujours, nous a donc quittés. Difficile à imaginer, en vérité. Il y a quelque chose d’abstrait dans cette disparition, et pourtant elle est là, cruelle dans sa vérité nue, injuste et brutale.
Michel, je l’ai connu en 1991, avant les Jeux olympiques d’Albertville, durant lesquels il chroniqua pour l’Humanité, avec talent et vivacité politique. Depuis, nous ne nous étions jamais quittés et il avait publié dans le journal de Jaurès de très, très nombreux articles marquants, indispensables. Il était un compagnon rare et précieux de l’Humanité. Il était un frère fidèle, tenace et présent.
Écrivain, essayiste, historien et conférencier, notre conteur de la Tarentaise, véritable mémoire de la vallée, de son passé industriel et de sa vie pastorale, a toujours été au côté des humains, des «petits», narrant à l’infini les existences de ceux qui firent tout avec la modestie du peuple. Poète à la langue unique, au talent oratoire hors norme, il a beaucoup écrit, publié, nous laissant une trace de son engagement et de ses combats. Communiste et cégétiste, il avait depuis une dizaine d’années embrassé la défense de la Sécurité sociale, rendant vivante l’œuvre d’Ambroise Croizat, son héros. Reconnu nationalement pour ce combat, il donna un sens profond et véritable à l’Idée, héritée du Conseil national de la Résistance. Il répétait souvent : "Chaque Français possède une carte du Parti communiste dans sa poche. C'est la carte Vitale, qui donne la plus grande dignité à tous. Cotiser selon ses moyens, recevoir selon ses besoins."
Michel, ce n'est pas possible.
Nous ne parlerons plus de tes écrits, nous n’imaginerons plus ensemble l’avenir de la montagne à l’heure du réchauffement climatique et du néolibéralisme, nous n’échangerons plus sur les conséquences de la désindustrialisation. Nous n’irons plus aux champignons, sur les hauteurs de Petit-Cœur, au-dessus de La Léchère, à humer l’air des cimes, le cœur levé, le poing dressé et l’âme légère. Mais nous te lirons toujours, nous t'écouterons à jamais.
Pour clore une discussion, avant la prochaine, il disait toujours : "Sois fort." Alors, continuons à être forts.
Je pense à ta Lysiane, à ton Aurélien, devenu lui aussi l'un des Colporteurs de Rêves. Je pense à toi, à tes montagnes, à ton savoir, à ce qu’il y a de plus précieux en ce monde : la transmission.
Tristesse infinie. Et déjà ce manque irréparable.
Jean-Emmanuel Ducoin, journaliste à l'Humanité
J’apprends la disparition de Michel Etievent. Je suis bouleversé.
Écrivain, essayiste, historien, conférencier, collaborateur de plusieurs journaux dont l’Humanité, Michel Etievent à mis, sa vie durant, son talent et son amour de l’écriture au service du mouvement ouvrier et des valeurs de progrès social et humain.
C’est un militant de l’émancipation humaine qui disparaît. L’un de ses combats les plus emblématiques fut sa volonté de faire connaître Ambroise Croizat et cette conquête sociale historique que fut en France la construction de la sécurité sociale.
Il participait régulièrement à l'inauguration de Places Ambroise Croizat dans les villes. Son livre "Ambroise Croizat ou l’invention sociale" est un livre référence pour toutes celles et ceux engagé·e·s aujourd'hui pour de nouvelles inventions sociales.
Michel Etievent ne supportait pas l’injustice. En avril dernier, il réagissait à la fermeture de l’usine Ferropem en ces termes : "Je suis un fils d’usine, cette fermeture est pour moi un arrachement, une mutilation."
Le mouvement ouvrier, celui de la création, se sent orphelin aujourd’hui. Mais nous sommes déterminés à poursuivre dans la voie qu’il a tracée, celle de la connaissance du monde ouvrier et de ses luttes, pour construire un monde de justice, d’égalité, et de droits gagnés pour tous.
Pierre Laurent, président du Conseil National du PCF
Quelle tristesse d'apprendre le décès de notre camarade Michel Etiévent, historien qui à contre-courant pendant les années de glaciation néo-libérale a défendu la mémoire du ministre communiste Ambroise Croizat, bâtisseur de la Sécurité Sociale. Nous échangions régulièrement avec Michel Etiévent sur facebook et je l'avais rencontré à la Fête de l'Huma Bretagne avant de lire son livre passionnant sur Ambroise Croizat et ses nombreuses contributions à l'Humanité. Nous l'avions invité pour un ciné-débat à Plourin les Morlaix sur la naisse de la Sécurité Sociale au nom du PCF Pays de Morlaix en 2015 mais un mal de dos avait contrarié l'initiative. 
C'est un homme, une voix, une rigueur, une énergie et un enthousiasme qui vont beaucoup nous manquer! Toutes mes pensées pour ses proches, sa famille, ses amis.
Ismaël Dupont, secrétaire départemental du PCF Finistère
Hommages à notre camarade Michel Etievent, historien, spécialiste d'Ambroise Croizat et de la création de la Sécu

Qui se souvient de Ambroise Croizat?... En dehors de quelques lecteurs de l'Humanité, de militants de la CGT ou du Parti Communiste, et plus récemment des lecteurs du Fakir ou autres auditeurs de Là-bas si j'y suis qui grâce au travail du brillant François Rufin, ont pu redécouvrir ce personnage historique extraordinaire mais aujourd'hui partiellement tombé dans l'oubli?

Quel média, quel éditorialiste, quel intellectuel médiatique aborde l'œuvre révolutionnaire et néanmoins si proche de nous de ce député communiste ouvrier, fils du peuple, que la République capitularde, puis Vichy, firent croupir dans leurs prisons abjectes, à Paris puis en Algérie, avant qu'il ne soit libéré en 1943 et ne contribue à mettre en place les bases de la démocratie sociale à la française au sortir de la guerre, après avoir été un des contributeurs du programme du CNR: « Les jours heureux ».

Le devoir de mémoire, on s'y astreint volontiers quand il s'agit de remuer les plaies avec une certaine complaisance voyeuriste ou sensationnaliste, de confronter l'homme et la nation à leurs limites, à leurs souffrances passées, à leurs puissances de destruction et de division, mais surtout, se disent les gardiens de la mémoire, petits ou grands bourgeois serviteurs du système qui se conçoivent aussi souvent comme des gardiens du troupeau, n'allons pas montrer, en faisant revivre des figures héroïques et populaires de la conquête sociale, que la volonté du peuple a su être souveraine, que le progrès social rapide et réel, facteur d'émancipation immédiate des travailleurs, ont pu être d'actualité.

On efface les traces ...

Les traces de la fierté et de la combativité ouvrière, de la République sociale et de la contribution décisive qu'y ont apporté les luttes des travailleurs et des communistes admirablement dévoués, intelligents et rassembleurs, formés par l'expérience de l'injustice sociale, les combats ouvriers, les jours lyriques du Front Populaire, la répression sans pitié d'une droite revancharde et collaboratrice, la Résistance et l'espérance d'un monde meilleur.

L'historien Michel Etiévent, universitaire de Grenoble qui a collaboré récemment au film « Les jours heureux » de Gilles Peret, nous permet de découvrir ce si noble modèle d'humanité et d'action politique au service du peuple dans une biographie magnifiquement illustrée qui fait la part belle aux dits et écrits de Croizat et de ses compagnons, Ambroise Croizat ou l'invention sociale (Editions GAP, 20€).

J'ai rencontré Michel Etiévent à la fête de l'Humanité Bretagne de Lanester et nous espérons pouvoir l'inviter à venir parler à Morlaix au printemps prochain d'Ambroise Croizat et de ses réalisations comme député, négociateur du programme du CNR, ministre du Travail de la Libération.

Les éléments d'information qui suivent sont tous empruntés au livre de Michel Etiévent dont on ne saurait trop recommander l'achat et la lecture. 

Ambroise Croizat est né en 1901 dans la vallée de la Tarentaise, en Savoie.

Son père, originaire de Chambéry, est ferblantier dans la métallurgie et « travaille douze heures par jour, face à l'éclat des fours, sept jours sur sept (la loi sur l'attribution du congé hebdomadaire ne date que du 13 juillet 1906), le visage et les mains brûlés par les ébarbures de métal en fusion ». Ils travaillent d'abord à Notre-Dame de Briançon et vivent dans une maisonnette de deux pièces bien exigües pour une famille de cinq, mais c'était le lot commun du peuple à l'époque. En 1906, son père, ayant récemment adhéré au Parti Ouvrier Français et à la CGT est un des meneurs d'une grande grève organisée après un accident de travail ayant causé la mort de huit ouvriers. Il est licencié et doit embaucher à Ugine, dans une autre usine, dont il sera à nouveau chassé pour activités syndicales.

Ambroise commence à travailler à treize ans comme apprenti ajusteur-outilleur dans une usine de Lyon. A 19 ans, au sortir de la guerre, il adhère à la Jeunesse socialiste qui rejoint la IIIème Internationale et prend vite des responsabilités dans le Syndicat CGTU des Métaux. Dans les années 1920, Ambroise Croizat milite contre le militarisme, pour une paix plus juste avec l'Allemagne, contre le colonialisme et la guerre du Rif au Maroc, quand Pétain et Franco s'associent pour éliminer les insurgés dans les montagnes du Nord du Maroc. En 1926, il devient permanent du PCF à Paris, puis secrétaire général de la Fédération CGTU des métaux, pour laquelle il organise des grèves partout en France pour les salaires, la réduction du temps de travail, contre le chômage. En 1934, le PCF et la CGTU lancent une stratégie de Front Populaire face à la montée de la menace fasciste et la tentative de coup d'état du 6 février 1934. Les mots d'ordre de la gauche unifiés sont « Pain, Paix, Liberté ». L'unité de la CGT sera finalement réalisée le 1er mars 1936, deux mois avant l'arrivée du Front Populaire au pouvoir. Aux élections législatives du 28 avril 1936, Croizat devance le candidat socialiste sortant de 900 voix environ dans la circonscription de Plaisance, 14e arrondissement de Paris puis il est élu député avec trois mille voix d'avance sur le candidat de droite.

« Devant la porte de l'usine,

Le travailleur soudain s'arrête.

Le beau temps l'a tiré par la veste,

Et comme il se retourne

Et regarde le soleil,

Tout rouge, tout rond,

Souriant sous un ciel de plomb,

Il cligne de l'œil

Familièrement:

Dis-donc camarade soleil,

Tu ne trouves pas

Que c'est plutôt con

De donner une journée pareille

A un patron? »

A l'image de ces Paroles de Jacques Prévert, l'été 1936 est lumineux. Dès la victoire du Front Populaire, un vaste mouvement de grèves avec occupations d'usines traverse la France. Le but est autant d'aider le gouvernement face au patronat que de le pousser à entreprendre les profondes réformes réclamées depuis longtemps par la classe ouvrière. Tout commence à l'usine Bréguet-Le Havre, une usine de construction d'avions, le 9 mai, à l'initiative des métallos. Croizat est présent sur place. Il encourage le mouvement qui s'étend à l'ensemble de la métallurgie: dès le 14 mai, les ouvriers de Block à Courbevoie, de Lavalette à Saint-Ouen, d'Hochkiss à Levallois prennent en main leurs usines. Les 33 000 travailleurs de Renault à Billancourt les rejoignent le 28 mai. Le mouvement s'étend aux grands magasins pour paralyser, fin mai, la France entière. Partout, on prend possession des ateliers. On y entretient l'outil, on y découvre les loisirs et la culture. Le 7 juin s'ouvrent les discussions qui aboutiront aux Accords de Matignon qui donneront à la classe ouvrière les congés payés, les 40 heures, les conventions collectives, le libre exercice du droit syndical.. Dans les entreprises, les salaires augmentent de 15 à 40%, doublent parfois. Une énorme flambée syndicale accompagne le mouvement. Le 25 novembre 1936, à la tribune du Congrès d'unité de la Fédération des métaux, Croizat dresse un premier bilan: « En mars dernier, nous étions 40 000, en juin 100 000, aujourd'hui 700 000, repartis en 725 syndicats. A Lyon, de 1000 adhérents en trois syndicaux lors de l'unité, le syndicat unifié enregistre aujourd'hui 25 000 cartes. Marseille passe de 600 à 15 000 adhérents, Bordeaux de 300 à 10 000, dans le Haut Rhin, 97% des ouvriers se sont syndiqués. Partout, les métallos ont été à la pointe du mouvement et s'enorgueillissent aujourd'hui de l'avoir déclenché. La France vit de belles heures. Jamais de son histoire, le mouvement ouvrier n'aura connu de telles conquêtes. En un mois a té réalisé ce que trente législatures n'étaient jamais parvenues à accomplir. Le patronat a cédé mais restons vigilants. Tout reste à faire. Dans chaque secteur, chaque entreprise, il faut maintenant défendre et faire germer les acquis obtenus. Tout dépendra du syndicat, de sa puissance. Tout dépendra de nous, et de nous seuls...  ».

Depuis mai 1936, Croizat siège à la « Commission spéciale » du gouvernement qui a été chargée d'élaborer les réformes et veille à leur application sur le terrain. En 1937, il inaugure des maisons de repas, des parcs de loisirs, des colonies de vacances pour la classe ouvrière. Mais dès février 1937, le gouvernement, sous la pression du patronat, décide d'une pause dans les réformes. La guerre civile en Espagne, et le refus de Blum et du gouvernement, sous la pression anglaise notamment, de venir en aide à la République assiégée par les fascistes, éloigne les communistes de leurs alliés socialistes et radicaux. Le 12 novembre 1938, le gouvernement Daladier publie une série de décrets-lois qui instaurent la baisse des salaires, déjà fortement grignotés par l'inflation (50% en 2 ans), des impôts nouveaux et surtout la fin de la semaine des 40 heures, qualifiée pour l'occasion de « loi de paresse et de trahison nationale ». Entre ces parlementaires qui vont remettre la République dans les mains de Vichy et l'UMP actuelle, la comparaison s'impose... Daladier le capitulard s'écrie déjà tel un Jean-François Copé, reprenant le discours haineux des privilégiés vis à vis de la classe populaire: « Cette loi est responsable de tous les maux de l'économie. On ne peut avoir une classe ouvrière à deux dimanches et un patronat qui s'étrangle pour faire vivre le pays ». En novembre 1938, suite à de grandes grèves ouvrières suivies de licenciements arbitraires et d'états de sièges policiers, le gouvernement envoie les troupes devant les entreprises. Le 1er décembre 1938, 36 000 ouvriers sont licenciés dans l'aéronautique et les arsenaux, 8000 dans la chime et l'autombile. Plus de la moitié sont des responsables syndiquaux CGT. Dans son modeste appartement du 79, rue Daguerre où il vit depuis 1936, Croizat rédige son édito: « Le 30 novembre, le patronat a opéré le savant triage qu'il attendait. Il tient sa revanche sociale sur 1936. Des femmes ont faim, des enfants ont froid. L'homme n'est plus au travail. Partout, les consignes ont été données par les patrons revanchards. Des listes noires circulent. Les sous-traitants des grandes entreprises ont été sommés de ne pas embaucher des ouvriers licenciés sous peine de voir leurs commandes supprimées. La haine est partout. Ils ont défendu leurs outils parce qu'ils croyaient en la grandeur de la France, en ses traditions de dignité, en cet espoir que mai 1936 avait fait éclore. Plus que jamais, nos solidarités vont vers eux. C'est eux, la France. Cette France bafouée par ceux qui ne rêvaient que de revanche ».

Le mouvement ouvrier est décapité. Début 1939, avec l'aval de Daladier, Hitler s'empare de la Tchécoslovaquie. Le pacte germano-soviétique signé à l'été 1939, les communistes, contre lesquels on avait déjà prévus des mesures de rétorsion en cas de conflit avant la connaissance du pacte, sont jetés en pâture. Le 27 août, l'ensemble de la presse communiste est interdite. Le 26 septembre, le PCF est dissous. 666 élus sont déchus. Le 7 octobre 1939, Croizat est arrêté sur les marches de l'Assemblée Nationale, puis enfermé à la Prison de la Santé avec d'autres députés communistes, dont le père de Guy Môquet, bientôt fusillé à Chateaubriand, Prosper. L'extrême-droite réclame purement et simplement la loi martiale pour les communistes. En Janvier 1940, Croizat fait parti des 36 députés communistes condamnés à 5 ans de prison au terme d'un simulacre de procès, sous l'impulsion des anciens collègues de l'Assemblée Nationale, dont certains appartenaient à la majorité du Front Populaire. En octobre 1941, Croizat est au côté de Prosper Môquet quand le député communiste apprend l'assassinat de son fils Guy, arrêté le 13 octobre 1940 alors qu'il distribuait des tracts, le plus jeune des otages cégétistes ou communistes fusillés à Châteaubriand. Dans son ouvrage « Le temps des illusions », le chef de cabinet de Pétain révéla, quelques temps plus tard, que le nom de Guy Môquet ne figurait pas sur la liste des otages de Châteaubriand. Le ministère de l'Intérieur l'avait « rajouté ».

En avril 1941, Croizat et ses camarades communistes sont envoyés en prison en Algérie, où ils vivent dans des conditions de détention très dures. Le débarquement allié à Alger a lieu le 8 novembre 1942 mais les députés communistes ne sont libérés que le 5 février 1943, après trois ans d'enfermement. Les communistes dérangent, inquiètent. Les Américains craignent qu'une fois libérés, ils ne deviennent vite les principaux animateurs de la politique anti-vichyste et soulèvent entre autre le problème du droit à la Liberté des pays du Maghreb. Et de fait, une fois libéré, Ambroise Croizat contribue à réorganiser le mouvement communiste et le syndicat au Maghreb, à tel point qu'en janvier 1944, la CGT affiche 120 000 adhérents en Afrique du Nord. Dès août 1943, dans un discours devant un public d'ouvriers, il parle de cette France nouvelle qui naîtra de la Libération: « Redonner à la Nation sa grandeur et aux travailleurs la place qu'ils méritent par leur effort et leur sang versé sera notre tâche. Les larmes et la mort n'auront pas été vaines. Elles accoucheront d'une France nouvelle, celles des nationalisations et de la Sécurité Sociale ».

« En septembre 1943, Ambroise Croizat rejoint, au titre de la CGT clandestine, l'Assemblée Consultative instaurée autour du Conseil National de la Résistance créé par De Gaulle à Alger le 3 juin 1943. Il préside la commission du Travail. C'est là que va prendre vie le programme du Conseil National de la Résistance. «Véritable déclaration des droits nouveaux, charte des futures grandes réformes nées dans la nuit et le feu du maquis ». (Michel Etiévent).

Le lien de la résistance aux conquêtes sociales de la Libération, c'est d'abord un contexte politique: c'est la gauche et les communistes qui à partir de 1943 constituent les gros bataillons de la résistance armée intérieure tandis que même la résistance de droite ou de centre-droit se déporte vers la gauche en voyant le patronat et la droite traditionnelle s'enfoncer dans la collaboration en France occupée et en mesurant combien l'unité de la Résistance, qui ne peut se faire que sur un projet politique commun, est précieuse pour gagner et la guerre et préparer l'après-guerre, éviter une soumission de la France aux probables vainqueurs américains. C'est aussi une donnée existentielle: la lutte forge et se nourrit du rêve, de l'exigence, de l'optimisme: elle est surtout le fait d'hommes jeunes qui rêvent d'un pays neuf débarrassé des injustices, des faillites démocratiques et sociales de l'avant-guerre, celles-ci s'étant encore aggravées pendant l'occupation. Dans la douleur, la soif de vivre est immense: c'est elle qui permet d'endurer en attendant des lendemains meilleurs, de s'astreindre à une discipline de fer, de consentir au sacrifice de sa vie en sachant qu'il prépare un monde meilleur, que le combat ne sera pas vain. « La souffrance engendre les rêves, écrit Michel Etiévent, et les rêves parlent tout haut ». Et l'auteur de citer De Gaulle lui-même, homme d'ordre qui a cette époque considère la réforme sociale et morale de la France inéluctable: « Impossible de ne pas entendre la voix profonde du peuple comme on entend la rumeur de la mer... La France délivrée ne voudra ni reprendre la route de l'abîme, ni demeurer dans celle de l'esclavage. D'avance, elle a choisi un chemin nouveau. Elle aura subi trop d'épreuves pour ne pas être résolue à de profondes transformations. Elle veut que cesse un régime économique dans lequel les grandes sources de la richesse nationale échappaient à la Nation, où la conduite des entreprises excluait la participation des organisations des travailleurs ».

 

Le Conseil National de la Résistance, né le 27 mai 1943 grâce aux efforts de Jean Moulin notamment, chargé par le général de Gaulle de travailler à unifier la résistance intérieure et à la soumettre à l'autorité du général, à l'époque rival de Giraud, soutenu par les américains et même les anglais en sous-main, trace les contours de son programme révolutionnaire par l'ampleur et le caractère structurel des réformes proposés, même s'il ne met pas à bas le capitalisme, se contentant de le neutraliser en partie et de créer de nombreuses espaces de socialisation des richesses, est arrêté le 15 mars 1944. Il paraît en zone sud sous le nom simple et magnifique « Les jours heureux » et décline au futur liberté, démocratie économique, solidarité, avec pour fondement L'humain et l'intérêt général d'abord. « Mettre définitivement l'homme à l'abri du besoin, en finir avec l'indignité, la souffrance, le rejet, l'exclusion ». Les mots esquissent les grandes réformes qui fondent une nouvelle République de citoyens ayant conquis une égalité fondamentale. L'invention sociale est en marche: « Instaurer une véritable démocratie économique et sociale impliquant l'éviction des féodalités économiques et financières de la direction de l'économie... Retour à la Nation des grands moyens de production monopolisés, fruit du travail commun, des sources d'énergie, des richesses du sol-sol, des compagnies d'assurance et des grandes banques... Droit d'accès dans le cadre de l'entreprise aux fonctions de direction et d'administration pour les ouvriers et participation des travailleurs à la direction de l'économie... Droit au travail... Liberté de pensée et d'expression ».

Le chantier s'ouvre à la Libération avec une classe ouvrière grandie par engagement dans la résistance, une CGT à cinq millions d'adhérents, un parti communiste à 27% des voix... Le « Parti des Fusillés », premier parti de France, a acquis le prestige et l'autorité d'un parti national, d'autant que les groupes FTP ont accepté de rendre les armes pour que s'installent les commissaires de la République et l'autorité des lois plutôt que celles des maquis. En Octobre 1945, 5 millions de voix se portent aux législatives sur les communistes, qui obtiennent 151 députés à l'Assemblée Nationale. Le 13 novembre 1945, De Gaulle, chef du gouvernement provisoire, fait appel à cinq communistes. Aucun grand ministère régalien mais Charles Tillon au ministère de l'armement, François Billoux à l'Economie Nationale, Marcel Paul à la Production Industrielle, tandis que Maurice Thorez se voit confier un ministère d'état et qu'Ambroise Croizat hérite du travail et de la Sécurité Sociale.

 L'ordonnance qui crée la Sécurité Sociale paraît le 4 octobre 1945. La protection sociale, qui relevait jusque là des « Assurances sociales » (loi du 5 avril 1928, combattue par les patrons d'entreprises jusqu'à la nouvelle loi du 1er juillet 1930), ne protégeait contre la maladie qu'une faible partie des salariés et de leurs ayant droit. A peine un tiers de la population française... Le système était anarchique, avec une multitude de caisses patronales, confessionnelles, syndicales, mutuelles, concurrentes entre elles et n'offrant pour la plupart qu'une protection aléatoire. Pour les retraites (loi de 1910), la couverture est dérisoire ou inexistante. Pas plus d'un million de Français en bénéficient, alors que 5 millions d'entre eux pourraient y prétendre et n'ont pour seuls recours que la charité et leurs économies. 

 

"Désormais, analyse Michel Etiévent, la sécurité sociale devient un droit fondamental, universel, obligatoire et solidaire et non un mécanisme d'assurance couvrant un risque. Dans l'esprit d'Ambroize Croizat, la Sécurité Sociale devait couvrir tous les travailleurs, salariés ou non (loi du 22 mars 1946). Les non-salariés (petits commerçants, professions libérales et artisans notamment) refusèrent par la voix de leurs responsables, qui n'acceptaient pas de se laisser assimiler à de "vulgaires prolétaires". Beaucoup le regretteront. 

Le nouveau système va "digniser" l'ensemble autour de quatre mots clefs: 

L'unicité: une institution unique, obligatoire, couvrira désormais l'ensemble des domaines de la protection sociale, des "risques sociaux", dit-on à l'époque (maladie, vieillesse, décès, invalidité ainsi que les accidents du travail, gérés jusque-là par les assurances privées). "L'ambition, déclarait Croizat à l'Assemblée, le 20 mars 1946, est d'assurer le bien-être de tous, de la naissance à la mort. De faire enfin de la vie autre chose qu'une charge ou qu'un calvaire". 

L'universalité: la couverture est étendue à tous les citoyens, avec la volonté de généraliser à court terme le nouveau système. Et ceci malgré l'opposition de certaines professions qui refuseront de s'y intégrer....

La solidarité: c'est la pierre angulaire du système. Solidarité inter-générations, solidarité actifs-inactifs, malades bien-portants. Le tout financé par les richesses créées dans l'entreprise. En ce qui concerne le financement de l'institution, les propos de Croizat sont d'une modernité brûlante: "Outre le fait que cela grèverait fortement les contribuables, disait-il, faire appel au budget de l'Etat serait subordonner l'efficacité de la politique sociale à des considérations purement financières qui paralyseraient les efforts accomplis". 

Démocratie enfin, et c'est là "l'exception française" car seule une gestion par les intéressés eux-mêmes peut garantir que la santé restera un droit fondamental pour tous. Là encore, les mots du ministre sont novateurs: "Pour la première fois, l'appareil nouveau met la gestion de l'intérêt des travailleurs dans les mains des travailleurs eux-mêmes. Ceci est d'autant plus important car l'assurance (et particulièrement pour les accidents du travail) relevait jusqu'à ce jour de compagnies commerciales et, pour les allocations familiales, d'une gestion purement patronale". 

L'ordonnance n'avait fait qu'énoncer les principes. Il restait à bâtir l'édifice. Ce sera l'oeuvre principale de Croizat. Entouré d'une équipe au sein de laquelle on retrouve entre autres, Marcel Willard, Jean Briquet, Maurice Patinaud, Marcel Lamour, Le Quéré, Henri Raynaud, le "bâtisseur de la Sécu" y consacrera l'essentiel de ses deux années de ministère. Deux ans d'un chantier immense, rendu possible par l'élan de solidarité et le nouveau rapport de forces politiques qui suit la Libération. Tout est à faire, substituer à l'immense fatras des 1093 Caisses diverses et organismes privés un système cohérent, décentralisé, bâti autour de 138 Caisses primaires d'assurance-maladie et 113 caisses d'allocations familiales, essentiellement gérées - au début tout du moins- par les travailleurs...".. 

En mai 1946, grâce aux efforts d'Ambroise Croizat, une loi accorde une pension de retraite à tous les salariés âgés de plus de 65 ans. Quand Croizat quittera le gouvernement en mai 1947, le montant des retraites sera majoré de 130 à plus de 200%. 4 millions de français bénéficient de la retraite.

Croizat présente ainsi dans un discours à l'Assemblée Nationale le 4 août 1946 le sens de son action gouvernementale:

"La sécurité sociale, née de la terrible épreuve que nous venons de traverser, appartient et doit appartenir à tous les Français et à toutes les Françaises, sans considération politique, philosophique ou religieuse. Ce qu'elle donne aux Français ne résulte pas de la compassion ou de la charité, elle est un droit profond de la nature humaine. Elle sera, nous en sommes sûrs, d'une portée considérable à long terme. Elle permet d'espérer, en raison des perfectionnements postérieurs qui pourront lui être apportés, voir la France et la République se placer au premier rang des nations du point de vue du progrès social...".

Le travail de Croizat au ministère du travail ne s'arrête pas là. Le 25 février 1946, il fait voter la loi sur la majoration des heures supplémentaires (25% entre 40 et 45h, 50% au-delà, 100% les dimanches et jours fériés). Il fit de même pour l'augmentation des primes et le travail de nuit et du dimanche. C'est également Croizat qui fixe la durée des congés payés à un mois pour les jeunes de moins de 18 ans et à 3 semaines pour la classe d'âge entre 18 et 21 ans. Il est également à l'origine d'un vrai service public de l'emploi, de la refonte d'une grande partie du Code du Travail, de la revalorisation des rentes des mutilés du Travail et des vieux mineurs, de la création d'un Conseil national du Travail chargé d'examiner les projets relatifs à la législation sociale, mais également d'innover en la matière. Il engage un vaste chantier dans le domaine de la formation professionnelle pour libérer l'enseignement technique de la tutelle patronale ou confessionnelle. Grâce à ses efforts et à ceux de Maurice Thorez, de nouveaux statuts de la fonction publique sont adoptées. "On y trouve des avancées extraordinaires comme la reconnaissance intégrale du droit syndical, la participation des syndicats à la gestion du personnel, la démocratisation du recrutement, l'égalité des sexes pour l'accès à la promotion dans les services publics". On développe la prévention des accidents et des maladies du travail en créant la médecine du travail, les ancêtres des comités hygiène et sécurité. On attribue pour la première fois un rôle économique et décisionnel aux comités d'entreprise. En avri 1946, Croizat propose d'instituer l'égalité de salaire entre homme et femme: "Si l'égalité politique est une victoire partielle, l'égalité économique est une victoire complète" dit-il alors. 

" Aux côtés de Marcel Paul, complice de longue date, il se battra avec acharnement pour imposer le statut des mineurs (14 février 1946) et celui du personnel du gaz et de l'électricité (22 juin 1946). Il cosignera d'ailleurs ces documents, qui vont transformer les conditions matérielles, sociales et culturelles des agents de ces deux services publics. On retrouve en effet, dans les deux statuts, des avancées considérables: sécurité d'emploi, protection sociale de haut niveau, unicité de traitement, activités sociales gérées par les travailleurs eux-mêmes, 1% des recettes d'EDF pour les électriciens et les gaziers".

Pour faire comprendre et obtenir une mise en oeuvre concrète de ces mesures en contournant les obstacles et les difficultés, Croizat effectue des centaines de déplacements, aussi bien à Paris qu'en province. Il y démontre sa capacité d'écoute et son humilité, en même temps que son sens de l'efficacité et du travail bien fait.

Cette profond mouvement de rénovation sociale de la société française pour l'universalité de l'accès au droit et la souveraineté du travail va pourtant s'interrompre.

En 1946, le patronat redresse la tête, sabote l'application du programme du CNR. Les tensions au sein du gouvernement croissent. Droite et socialistes freinent les nationalisations ou remettent en cause les statuts des mineurs, des gaziers et électriciens, des cheminots et des travailleurs de chez Renault... Ils entament la guerre d'Indochine. Le blocage des salaires et la flambée des prix créent un climat social tendu. Les pressions des Américains sur le gouvernement s'accentue pour faire sortir les communistes.

L'éviction a lieu le 5 mai 1947. Le motif est la solidarité trop voyante des communistes aux revendications des ouvriers de Renault. En réalité, dans un contexte de début de guerre froide, les Américains monnayent leur aide à la France contre une marginalisation des communistes.  

Evincé du gouvernement, Croizat reprend à plein temps la tête de la Fédération CGT de la métallurgie. En cette année charnière, les grèves contre le blocage des salaires et la vie chère se multiplient: mineurs, métallos, dockers, ouvriers de chez Renault. "La police intervient. Elle embarque, incarcère. Partout, au coeur des carreaux de Lorraine ou du Pas de Calais, la violence s'installe. A Firminy, dans le bassin de la Loire, la grève lancée le 4 octobre 1948 tournera à l'émeute entre mineurs et CRS pour la possession du puits". 2 mineurs sont tués par balle.

Croizat tonne en décembre 1947 dans l'Union des métallurgistes: "Ce gouvernement n'a pas hésité à faire tirer sur les grévistes, à employer des gaz lacrymogènes, en un mot, à mettre tout en oeuvre pour venir à bout de la résistance ouvrière. Rien n'a été ménagé. On a utilisé des mesures répressives et spéculé à fond sur la misère et la faim des valeureux combattants... Si Hitler n'a pas réussi à mater le peuple, ce n'est pas Jules Moch et ses sbires qui y parviendront".  

Plus tard, en 1950, Croizat bataille contre le plan Schuman et le projet de Communauté du Charbon et de l'Acier avec l'Allemagne. Il y voit un projet de mise sous tutelle américaine, de réduction de l'indépendance industrielle de la France. Il remet aussi en cause les cadences et la productivité imposés par le patronat dans les industries.

En juillet 1950, Croizat, déjà éprouvé par un cancer du poumon, perd son fils, ouvrier électricien de 26 ans, dans un accident du travail à Lyon. Il meurt le 12 février 1951 après une opération qui n'a pas suffit. Son cortège funèbre, le 17 février 1951, rassemble des centaines de milliers de personnes venus lui rendre hommage.

A cette vie exemplaire et si riche de réalisations durables et révolutionnaires, nous avons le désir d'être fidèles à notre humble niveau en perpétuant et prolongeant l'héritage et surtout en commençant par le défendre face à la réaction capitaliste progressant depuis 30 ans sous des gouvernements de droite comme (prétendument) de gauche sous couvert de modernisme, d'adaptation à la mondialisation, à la concurrence internationale.

Ismaël Dupont

 

Hommages à notre camarade Michel Etievent, historien, spécialiste d'Ambroise Croizat et de la création de la Sécu
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13 octobre 2021 3 13 /10 /octobre /2021 19:04
43 %

À partir du dossier de la revue Challenges de cet été sur l’enrichissement phénoménal de 500 familles, il a été calculé que le patrimoine de ce club de super-riches représentait en 2010 11 % du PIB français, 33 % en 2020 et 43 % en 2021. Merci Macron. Voilà en tout cas une info qui fait nettement moins de bruit dans les médias que les soubresauts d’un Zemmour ou les mémoires d’un Tapie.

Gérard Streiff, PCF

43 % - Gérard Streiff
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13 octobre 2021 3 13 /10 /octobre /2021 19:02
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13 octobre 2021 3 13 /10 /octobre /2021 05:11
Présidentielle 2022. Contre l’extrême droite, Fabien Roussel brandit la loi Gayssot - L'Humanité, 12 octobre 2021
Présidentielle 2022. Contre l’extrême droite, Fabien Roussel brandit la loi Gayssot
Mardi 12 Octobre 2021 - L'Humanité

Le candidat PCF propose de rendre inéligibles les personnes condamnées pour racisme ou incitation à la haine.

Faut-il empêcher les condamnés pour racisme de candidater à l’Élysée ? C’est en tout cas la proposition de Fabien Roussel. Invité sur Radio J, dimanche, le candidat PCF à l’élection présidentielle a déclaré vouloir «renforcer la loi Gayssot en rendant inéligibles des personnes qui sont condamnées pour racisme, pour incitation à la haine raciale, pour discrimination en fonction de sa religion».

La loi Gayssot, adoptée en 1990, réprime tout acte raciste, antisémite ou xénophobe. L’article premier stipule que « toute discrimination fondée sur l’appartenance ou la non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion est interdite ». Pour le député du Nord, si «aujourd’hui, des juges d écident de rendre inéligibles des responsables politiques, des élus qui ont, par exemple, fait du détournement de fonds», il pourrait en être de même d’une condamnation pour discrimination raciale ou religieuse, puisque ces faits « portent atteinte aux valeurs de la République, à la cohésion nationale ».

Une référence à Zemmour, probable candidat

En effet, une peine complémentaire d’inéligibilité s’avère automatique pour tous les crimes et pour certains délits, qui n’incluent pas les délits d’incitation à la haine raciale, ni de discrimination raciale. Seul le juge peut aujourd’hui décider, de manière discrétionnaire, si une personne déclarée coupable de ces faits peut être interdite de se présenter à une élection.

Le communiste faisait référence à Éric Zemmour, probable futur candidat à la présidentielle. En effet, le polémiste d’extrême droite a été plusieurs fois condamné par la justice. Une première fois en 2011, pour provocation à la discrimination raciale lorsqu’il avait dit, en 2010, sur le plateau de Salut les Terriens (Canal Plus), à propos du contrôle au faciès : «Mais pourquoi on est contrôlé 17 fois ? Pourquoi ? Parce que la plupart des trafiquants sont noirs et arabes, c’est comme ça, c’est un fait. »

Puis, en 2019, la Cour de cassation a confirmé la condamnation du polémiste pour provocation à la haine religieuse envers les musulmans, après qu’il eut évoqué une « invasion » de la France sur l’émission C à vous (France 5), en 2016.

Le 11 octobre, Éric Zemmour a réagi aux propos de Fabien Roussel au micro de Sud Radio : «C’est la vieille technique des communistes, c’est-à-dire on invente des délits d’opinion et puis, après, on fait condamner pour ces délits d’opinion qu’on a inventés.» Une référence à la loi Gayssot, qui porte le nom du député communiste qui l’a initiée, et qui serait une insupportable machine à censurer pour Éric Zemmour. On lui rappellera que le racisme ne saurait être une opinion, mais qu’il fait bel et bien de lui un délinquant au regard de la justice.

Présidentielle 2022. Contre l’extrême droite, Fabien Roussel brandit la loi Gayssot - L'Humanité, 12 octobre 2021
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