Laurent Bigorgne, directeur de l’Institut Montaigne, s’est révélé être l’un des architectes de la victoire d’Emmanuel Macron. Il lui a fourni des notes et a activé son réseau. Son influence intellectuelle se fait sentir dans différents projets du gouvernement, sur l'école comme sur le droit du travail.
our le grand public, ce nom reste obscur. Laurent Bigorgne, directeur général de l’Institut Montaigne, a pourtant joué un rôle non négligeable dans la campagne d’Emmanuel Macron en lui fournissant pléthore de notes et en activant son réseau. Puis, sitôt l’élection gagnée, l’influence de l’Institut Montaigne s’est manifestée dans plusieurs secteurs, l’éducation et le social en tête.
Son nom n’apparaît sur aucun document officiel d’En Marche! et lui-même limite sa relation avec Emmanuel Macron à une amitié forte. Pourtant, l’exploitation des Macron Leaks montre une tout autre réalité : cumulant cette activité avec ses responsabilités à la tête de son think tank libéral, Laurent Bigorgne, 42 ans, a joué un rôle central dans l’élaboration du programme du candidat. Du printemps 2016 jusqu’au mois de mars 2017.
Dès son lancement en avril 2016, en parallèle de son efficace recherche de fonds, Emmanuel Macron a méthodiquement organisé l’« axe “Idées” » du mouvement afin de théoriser les rêves de « Révolution » du futur candidat. Il s’est formé autour d’un premier noyau ayant « vocation à être élargi dans les […] semaines [suivantes] », selon un document d’En Marche! d’avril. Sans surprise, apparaît dans cette première liste le nom de Laurent Bigorgne.
L’Institut Montaigne a été aussi l’un des incubateurs d’idées pour Emmanuel Macron, même s’il s’en défend. Ce think tank a été créé en 2000 par Claude Bébéar, le « parrain » du capitalisme français, fondateur d’Axa, et présidé par Henri de Castries, l’ami intime de François Fillon. L’Institut Montaigne se présente comme un club de réflexion indépendant, dont le mantra est d’« améliorer la cohésion sociale, l’efficacité de l’action publique et la compétitivité de l’économie ». Même sur le plan financier, l’organisme a placé des garde-fous pour contenir toute influence extérieure en limitant l’apport de chaque société à 2 % maximum du budget total.
Fort d’un pactole annuel de 3,8 millions d’euros, l’Institut, qui emploie une quinzaine de salariés, est financé par une kyrielle d’entreprises du CAC 40, comme Air France, SFR, Sanofi, Bouygues, Microsoft, Dassault, Orange, Veolia, Vinci, Total, Allianz, Groupe M6, LVMH, Bolloré, Rothschild, Banque Lazard ou encore le Crédit agricole, etc. En son sein, il existe une volonté de maintenir aussi une certaine indépendance politique, du moins officiellement.
Voilà pourquoi l’implication personnelle de Laurent Bigorgne dans En Marche! a irrité Claude Bébéar lorsqu’elle a été découverte. En avril 2016, lorsqu’En Marche! naît, Mediapart révèle que le mouvement est hébergé par une certaine Véronique Bolhuis, qui n’est autre que la compagne de Laurent Bigorgne. L’adresse du domicile privé du couple apparaît sur le site de l’association naissante, avant modification expresse.
Cette révélation a fait l’objet, après publication de l’article, d’une mise au point d’Emmanuel Macron, qui balaie tout lien entre En Marche! et l’Institut Montaigne. L’ancien ministre de l’économie écrit : « En Marche! n’a jamais été domiciliée à l’Institut Montaigne : cette association a été domiciliée au domicile privé de Véronique Bolhuis, qui est une amie personnelle et qui a accepté à ma demande de faire partie de l’équipe de préfiguration d’En Marche!. Mme Bolhuis est également la femme de Laurent Bigorgne, directeur de l’Institut Montaigne, mais cela ne saurait vous autoriser à faire un tel raccourci, puisqu’il conduit à travestir totalement la réalité. Par ailleurs, contrairement à ce que vous avancez, En Marche! n’a bénéficié d’aucun soutien logistique, encore moins “important” ni même “discret” de la part de l’Institut Montaigne, car les choses sont très simples : En Marche! n’a et n’a jamais eu aucun lien d’aucune sorte avec l’Institut Montaigne. »
Du reste, malgré cette défense acrobatique, le mélange des genres reste un peu fâcheux. Aujourd’hui encore, le directeur de l’Institut Montaigne se cramponne à cette version. Il considère que le fait que sa conjointe ait accepté de domicilier En Marche! chez eux relève de « sa responsabilité ». Il sous-entend par là que ces critiques sont mues par un fond de sexisme. Il assure avoir été en désaccord avec cette démarche, et même si, ajoute-t-il avec un peu de mauvaise foi, son domicile personnel « n’a rien à voir » avec l’Institut Montaigne. Cela n’a tellement rien à voir que le directeur a soumis, après cet épisode, sa démission au conseil de l’Institut. Sa direction l’a retenu, non sans l’admonester et lui rappeler son devoir de neutralité.
Dans la dernière ligne droite, Bigorgne s’est enfin dégagé du mouvement, non sans avoir réussi à injecter ses idées dans la campagne. À tel point qu’avant la nomination du ministre de l’éducation nationale – qui a échu à son ami Jean-Michel Blanquer –, le nom de Laurent Bigorgne était bien placé dans le jeu des pronostics. L’homme minore la rumeur dont il a fait l’objet avec un soupçon de fausse modestie. À l'entendre, l’actuel locataire de la rue de Grenelle était bien évidemment le meilleur choix pour occuper le poste.
Laurent Bigorgne a toutefois su placer ses pions pour la suite. D’abord, la nomination de Jean-Michel Blanquer rue de Grenelle sonne comme une victoire personnelle. Celui-ci ne s’en cache pas, il est très proche de l’Institut. À tel point que des séances de travail et des auditions d’experts ont eu lieu entre ces murs pour peaufiner son dernier ouvrage-programme, L’École de demain (éditions Odile Jacob), sorti en octobre 2016. Laurent Bigorgne le considère comme un ami proche et précise l’avoir rencontré dix ans auparavant. Il ne tarit pas d’éloges sur l’intelligence de celui dont il vante aussi « l’immense modestie » et la « probité intellectuelle ». De fait, il est difficile d’imaginer que le contact entre les deux hommes puisse se rompre.
L’autre réussite de l’Institut Montaigne apparaît dans l’organigramme du cabinet de Jean-Michel Blanquer depuis le 1er juin. Une certaine Fanny Anor endosse la fonction de conseillère spéciale. Laurent Bigorgne la connaît bien, et pour cause : il s’agit d’une ancienne salariée de l’Institut. Durant la campagne, il a été difficile de trouver un(e) responsable des questions d’éducation habilité(e) à expliquer les orientations du candidat en la matière. Fanny Anor, ancienne enseignante en histoire et géographie, a été l’une des rares à le faire et à rendre son nom public, après quelque temps de flou. Laurent Bigorgne raconte qu’elle a quitté son poste « un mois et demi avant le terme de la campagne ». Il assume. C’est aussi lui qui l’a introduite auprès d’Emmanuel Macron, lorsqu’elle lui a confié « avoir envie de partir », car « elle était intéressée par un candidat », précisément Emmanuel Macron.
« De belles bêtes intellectuelles »
Laurent Bigorgne se passionne pour l’éducation alors même que le think tank qu’il préside se targue d’embrasser toutes les thématiques importantes dans la société. Son appétence pour l’école trouve ses sources dans l’héritage familial, se plaît-il à raconter. Son père, proviseur d’un lycée professionnel en Meurthe-et-Moselle, lui a donné le goût du sujet. Il vient de la gauche, « pas celle de Mélenchon ou Hamon », concède-t-il volontiers. Pour le prouver, il rappelle qu’il a adhéré à l’Unef-ID dans ses jeunes années étudiantes. Lorsqu’il rencontre Claude Bébéar, le fondateur du groupe de réflexion, il lui précise tout de go « ses affinités intellectuelles » qu’il qualifie de « gauche tendance CFDT. » Il a grandi en admirant, entre autres, Jacques Chérèque, le père de François, secrétaire général de la CFDT de 2002 à 2012. Ce à quoi Bébéar rétorque : « Très bien, ça fera un équilibre entre nous deux », lorsqu’il le recrute pour devenir directeur des études en 2009.
Sa légende personnelle est belle et sûrement sincère, mais le directeur de l’Institut Montaigne reste un homme de réseau. Il a connu Emmanuel Macron, il y a bien longtemps, avant même que ce dernier nourrisse des velléités politiques. Il peine à se souvenir de la date exacte mais évalue leur amitié à une quinzaine d’années avec celui qu’il a rencontré par l’entremise de feu Richard Descoings, directeur atypique et parfois contesté de Sciences-Po, décédé en avril 2012.
La tête de l’Institut Montaigne reconnaît ne pas avoir inventé la mesure emblématique du programme d’Emmanuel Macron en matière éducative, que Jean-Michel Blanquer doit mettre en musique, à savoir la réduction des effectifs en CP et CE1 dans les réseaux d’éducation prioritaire (les REP), mais dit qu’il l’a « poussée ». Bigorgne nourrit beaucoup d’attente sur l’action du nouveau ministre de l’éducation nationale : « Je rendrai grâce à celui qui va concentrer les moyens là où il y en a le plus besoin. C’est ça la vraie rupture. S’il y a bien une chose que j’ai faite dans la campagne, c’est militer pour ça. »
Pour Laurent Birgorgne, toute cette aventure ne serait que le simple fruit d’amitiés. Selon son récit, on serait presque tenté de croire qu’En Marche! n’est en réalité qu’une petite initiative, façon start-up artisanale, lancée entre copains sur un coin de table, version française du garage de la Silicon Valley, et qui s’est achevée à l’Élysée. Bigorgne assume volontiers ce rôle d’entremetteur. Il dit avoir aussi usé de son influence en ayant, par exemple, réclamé une augmentation des postes d’enseignants. Pas sûr que cette requête aboutisse en ces temps de disette budgétaire. Sans oublier que le ministre nommé a œuvré comme Dgesco, le directeur général de l’enseignement scolaire, sorte de ministre bis. Il a un passif, il a travaillé sous l’ère Sarkozy durant laquelle 80 000 postes avaient été sabrés. Et le voici désormais pourfendeur assumé de « l'ennemi du service public » que serait « l'égalitarisme » (lire notre article).
Pour une partie de la communauté éducative, l’Institut Montaigne promeut un modèle éducatif libéral, ce qui peut apparaître comme problématique. Une étiquette encombrante pour Bigorgne, qui rêve de faire de son laboratoire d’idées un pivot central de la pensée en France. Pour lui, c'est évidemment une allégation mensongère nourrie par le modèle de financement de l'Institut : « Dès lors que vous êtes financés par des entreprises, vous êtes libéral, alors qu'il y a peu de libéraux en France. »
Il est toutefois délicat de recueillir des propos à visage découvert. Personne ne veut nourrir la polémique ou attaquer de manière trop frontale l’Institut.
Un fin connaisseur de la rue de Grenelle, marqué à gauche, estime que toute la bande de l’Institut Montaigne reste « de belles bêtes intellectuelles ». Un ancien du même ministère reconnaît que Laurent Bigorgne est « très intéressant » mais ne peut s’empêcher de relever que celui-ci doit se sentir « embêté » par les premiers pas de Jean-Michel Blanquer. Sur la question du redoublement, que le ministre souhaite « rétablir » (lire ici notre article sur le sujet) ou le retour à la semaine de quatre jours sur les rythmes scolaires, l’Institut Montaigne préconise tout l’inverse.
Un chercheur en sciences de l’éducation, qui goûte peu les orientations préconisées par Montaigne, considère que l'institut (et celui qui est aux commandes) est « idéologique » au sens où ses experts cultivent une approche scientifique pour tenter de résoudre les problèmes de l’école : « Ils estiment avoir ainsi des preuves par A+B sur l’efficacité d’une méthode ou réforme. » Un autre voit dans cette appétence « la limite de Montaigne ». Cette source déplore « leur croyance mécaniste en la science. Ils sont dans l’excès en en faisant leur matrice ». Ce qui est évidemment plus compliqué que cela. En témoigne l’épisode Céline Alvarez que la fine fleur de l’Institut Montaigne a soutenue et accompagnée (lire l’article de Laurence De Cock sur cette expérimentation). Au fond, poursuit ce connaisseur du système éducatif, l’école version Montaigne/Macron est un calque de la vision générale du président de la République : « L’éducation nationale est une vieille maison, on n’arrive pas à faire ce qu’on voudrait, alors il faut avoir une démarche d’entrepreneur et s’engager dans les territoires déshérités. Pour ce faire, ils voudraient aussi l’ouvrir à des initiatives privées comme les écoles de la seconde chance ou des associations comme Teach for France. »
Il est vrai que gravite dans la galaxie de l’Institut Montaigne l’association Agir pour l’école fondée 2010 par Laurent Cros à l’initiative de l’institut et abritée dans les mêmes locaux situés dans le très chic VIIIe arrondissement de Paris. Agir pour l’école se place sur le créneau de l’éducation prioritaire et fait la promotion de pratiques pédagogiques pour améliorer, par exemple, l’apprentissage de la lecture.
Un ancien du ministère de l’éducation nationale explique que Laurent Birgorgne a un positionnement idéologique plus subtil et complexe que « libéral ». Pour lui, il est très facile de dessiner son paysage idéologique parfaitement compatible avec En Marche! : « Il vient de la gauche et s’est mis sur la trajectoire de la droite éclairée, pas étonnant qu’il adhère à Macron. Bigorgne amène un prêt-à-penser ubérisé, technophile et progressiste sur l’éducation. La mouvance Montaigne essaie d’imaginer comment on assouplit le système, comment on individualise et responsabilise les acteurs, bref comment on les autonomise aussi. »
L’empreinte de l’Institut Montaigne sur le social
À sa décharge, explique cette source, Bigorgne « n’a pas une vision néocoloniale des banlieues à éduquer. Il ne s’inscrit pas dans les idées tradi-identitaires qui peuvent avoir un écho à droite. » Pour lui, le directeur de Montaigne reste « conscient des inégalités à l’école » et se tient éloigné de toutes ces initiatives très marquées à droite comme Espérances banlieues ou la Fondation pour l’école. Ces deux associations font la promotion du privé hors contrat avec un arrière-fond idéologique très rance (lire l'analyse de l’enseignant Grégory Chambat sur la question).
Selon lui, il ne faut pas verser dans une « fantasmagorie excessive » et surestimer leur influence, y compris au ministère de l’éducation nationale. « Si Montaigne a cet écho, c’est aussi parce qu’en dehors des fillonistes, on a du mal à trouver des gens qui pensent l’éducation. La gauche a un déficit là-dessus et manque de gens crédibles sur la question. » Il leur prédit toutefois quelques désillusions, notamment parce que « le système ne bouge pas par la tête » quand bien même on en aurait tous les leviers.
L’autre domaine dans lequel les idées de l’Institut Montaigne ont infusé concerne le volet social. Là aussi, Laurent Bigorgne a coordonné les groupes de travail. En matière sociale, priorité des priorités du nouveau pouvoir, l’influence des notes et réflexions de l’Institut Montaigne se révèle criante. Alors que « le projet de loi d’habilitation à prendre par ordonnances les mesures pour le renforcement du dialogue social » est arrivé à l’Assemblée nationale, les pistes de mesures concrètes envisagées par le ministère du travail sont désormais connues.
L’une des mesures phares, « de bon sens » comme l’a qualifiée Muriel Pénicaud lors de sa conférence de presse le 28 juin dernier, ce qu'elle a redit devant les députés, est le regroupement des instances représentatives du personnel au sein d’une seule et même institution. Dans son exposé des motifs, le projet de loi indique que le texte « définira en particulier les conditions de mise en place d’une instance fusionnée de représentation du personnel, se substituant aux délégués du personnel, au comité d’entreprise et au comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail ». Au terme des consultations avec les partenaires sociaux sur ce sujet, cette entité unique, appelée « conseil d’entreprise », pourrait être mise en place après accord collectif ou de branche.
Cette mesure ressemble étrangement à l’une des propositions contenues dans l’ouvrage Un autre code du travail est possible, édité sous l’égide de l’Institut Montaigne en mai 2016. Ce livre a été rédigé par Bertrand Martinot, ancien délégué général à l’emploi et la formation professionnelle (DGEFP) de 2008 et 2007 et conseiller de Nicolas Sarkozy de mai 2007 à septembre 2008, et – ô surprise ! – par Franck Morel, actuel conseiller social du premier ministre et ancien du cabinet de Xavier Bertrand quand celui-ci était ministre du travail de 2007 à 2012.
Qu’écrivent les auteurs ? « Une simplification drastique des instances de représentation du personnel est aujourd’hui nécessaire. Elle devra s’accompagner d’une participation accrue de ces instances aux décisions concernant l’entreprise. À partir de 50 salariés, il est donc proposé de fusionner les fonctions de délégués du personnel, le comité d’entreprise, le CHSCT et les postes de représentants syndicaux auprès de ces instances pour créer une seule et unique instance. » Les similitudes sont flagrantes avec le projet de loi d'habilitation.
Dès septembre 2015, d’ailleurs, dans un rapport intitulé « Sauver le dialogue social », l’Institut Montaigne proposait déjà de « fusionner les instances de concertation en une seule instance, sans seuils d’effectifs ». Une demande qui évoque, une fois encore, la petite musique très en vogue aujourd’hui au ministère du travail.
Sur d’autres aspects de la réforme, l’ombre de l’Institut Montaigne plane de manière implacable sur le projet gouvernemental. Dans une note de juillet 2014, rédigée par Bertrand Martinot à l’occasion de la conférence sociale organisée par le précédent pouvoir et intitulée « Emploi : le temps des (vraies) réformes ? », le think tank évoque un assouplissement des contrats courts. « Le recours aux CDD serait facilité en y intégrant la possibilité de CDD longs (jusqu’à trois ans) à l’instar de ce qui existe dans le secteur public », écrit l’auteur. Une vieille demande du patronat qui, de manière extrêmement impromptue, a fait son irruption dans le projet de réforme du code du travail à travers la possibilité de l’extension du CDI de chantier, sorte de CDD long sans la prime de précarité actuellement appliquée dans le bâtiment, et les modifications des règles de recours aux CDD classiques. Ces deux évolutions sont aujourd’hui incluses dans le projet de loi d’habilitation.
Le poids de l’Institut Montaigne dans la doxa gouvernementale se révèle également fort présent dans la construction de la future réforme de l’assurance-chômage qui sera discutée dès l’automne. Dans un rapport de mai 2017 sur le paritarisme de gestion, c’est-à-dire la gouvernance par les partenaires sociaux de certains organismes comme l’Unedic, un chapitre propose de « mettre un terme à la confusion des rôles dans le pilotage et dans la gestion de l’assurance-chômage » (page 96 du rapport).
En tous points, en insistant sur la place de l’État qui influe sur les négociations, garantit la dette de l’organisme paritaire et agrée la convention négociée, l’institut porte un discours jumeau de celui d’Emmanuel Macron durant la campagne présidentielle. Invité chez Mediapart à deux jours du second tour, le désormais président de la République rappelait en quoi il était important, à ses yeux, de transférer tout ou partie de ce pilotage à l’État. « Dans la mesure où la réalité de son financement est l’impôt par la garantie d’État, l’État doit avoir son mot à dire », affirmait-il à l’époque. Une déclaration qui paraphrase l’Institut Montaigne, lequel analyse : « C’est l’État qui, aujourd’hui, assume la responsabilité de la situation dégradée de l’assurance-chômage sans que tous les leviers d’action soient à sa main. »
Chômage, emploi, dialogue social… Aujourd’hui, le programme que porte le pouvoir « en marche » s’inscrit dans les pas de ce think tank qui, année après année, a planté les jalons d’une réforme qui porte donc autant ses couleurs que celle de la nouvelle majorité.
Aujourd’hui, Laurent Bigorgne affirme ne plus être en contact avec Emmanuel Macron depuis six mois. Il dit comprendre cette absence d’échange, désormais, « ce n’est plus un Français comme les autres, il a une mission ». En attendant, le président de la République n’a même pas pris le temps de répondre à son SMS de félicitations pour son élection, à laquelle il a pourtant tant contribué.