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9 août 2017 3 09 /08 /août /2017 05:47

L'agriculteur Cédric Herrou a été condamné ce mardi à quatre mois de prison avec sursis pour « aide à l’immigration clandestine » par la cour d’appel d'Aix-en-Provence.

La condamnation en appel aura donc été plus sévère. Condamné en février à 3 000 euros d’amende avec sursis lors du procès en première instance au tribunal correctionnel de Nice, Cédric Herrou a finalement écopé ce mardi 8 août devant la cour d’appel d'Aix-en-Provence de quatre mois de prison avec sursis. Le motif ? « Aide à l’immigration clandestine ». Le parquet avait requis huit mois de prison avec sursis dans ce procès ouvert en juin et suivi par Mediapart. C'est « une peine d'avertissement », a précisé le président du tribunal, qui a incité l'agriculteur à ne pas commettre « d'autres infractions dans un délai de cinq ans ». « Ils n'ont qu'à me mettre en prison tout de suite », a répondu l'intéressé qui a promis de se pourvoir en cassation et d'aller jusqu'à la Cour européenne des droits de l'homme s'il n'obtenait pas gain de cause.

Âgé de 38 ans, Cédric Herrou était poursuivi pour avoir transporté des migrants de la frontière italienne jusqu’à chez lui en 2016 et organisé un camp d’accueil de réfugiés dans un ancien local désaffecté de la SNCF à Saint-Dalmas-de-Tende, dans les Alpes-Maritimes.

Mais il n'en a pas fini avec la justice : il a été également mis en examen le 26 juillet pour aide à l’entrée et à la circulation de personnes en situation irrégulière après avoir été arrêté en compagnie de 150 migrants à la gare de Cannes. Une garde à vue considérée par la Ligue des droits de l'homme comme un « déni de justice ». « La LDH est en droit de demander des comptes au gouvernement, pouvait-on lire alors dans un communiqué. (...) Il convient de lui rappeler que le délit de solidarité n’existe pas et que la France vient d’être sévèrement épinglée par la CEDH à ce propos. (...) La LDH exige la libération immédiate de Cédric Herrou, la levée de toute poursuite et la mise au pas des actes trop zélés d’une police obnubilée par la ligne de leur frontière. »

Invité ce mardi matin sur France Inter juste avant que ne tombe la condamnation, celui qui est devenu la figure emblématique du combat des habitants de la vallée de la Roya ne changeait pas sa position d'un iota et lançait à son tour un appel au gouvernement. Au micro de Pierre Weill, Cédric Herrou a ainsi invité le ministre de l'intérieur, Gérard Collomb, à se rendre dans son exploitation où il accueille plusieurs dizaines de migrants, dont une vingtaine de mineurs, et a vivement critiqué la politique de répression à l'œuvre à la frontière franco-italienne. « On est témoin de poursuite à travers la montagne de jeunes Noirs d'Afrique par les forces de l'ordre », assure l'interviewé qui regrette par ailleurs l'absence de centre d'accueil dans le département. 90 % des migrants qu'il héberge, dit-il, sont des demandeurs d'asile qui fuient la guerre.

"Je ne regrette rien"
"Je l'ai fait avec plaisir"
"Ils n'ont qu'à me mettre en prison, ce sera plus simple"#CedricHerrou pic.twitter.com/PjAP9wSLr9

— CNEWS (@CNEWS) 8 août 2017

 

Sur les réseaux sociaux, de nombreux messages de soutien circulaient ce mardi après l'annonce de la condamnation. « Tout mon soutien à Cédric Herrou », « La bévue de Cédric Herrou est d'avoir milité dans le Pays des droits de l'homme ! », « Face à la décision de justice prise à l'encontre de Cédric Herrou, une formule me revient : “Indignez-vous”. J'ai honte. Honte et honte », pouvait-on lire, entre autres, sur Twitter.

Dans l'après-midi, la LDH a réagit à son tour, évoquant une « insupportable dérive politique de la justice ». « En condamnant Cédric Herrou, la cour d'appel d'Aix-en-Provence montre qu'elle a parfaitement intégré la volonté politique du gouvernement d'interdire l'aide aux réfugiés en faisant de la solidarité un instrument de la répression, écrit la Ligue des droits de l'Homme. Alors que, dans le même temps, le préfet de région interdit, impunément, aux réfugiés de déposer leurs demandes d'asile, un homme, soucieux du sort de personnes dans le plus grand dénuement, est poursuivi et condamné. La LDH dénonce cette situation et assure Cédric Herrou de sa totale solidarité.

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8 août 2017 2 08 /08 /août /2017 06:09

N'en déplaise à certains, la BCE (Banque centrale européenne) n'est pas près de changer sa politique monétaire. 

 

Certains rêvent d'un retour au bon vieux temps d'avant la crise des « subprimes » : celui où l'on se fiait tranquillement au marché. Pourtant, s'il ne fallait citer qu'une seule bombe à retardement, les dettes accumulées par les États, les entreprises et les ménages, vont être insoutenables dès que les taux d'intérêt auront remonté.

Certains croient dur comme fer au retour à la normale et sont convaincus de l'imminence du changement de politique monétaire de la Banque centrale européenne (BCE) qui va en résulter. D'autres s'interrogent à propos du mécanisme de la prochaine crise qui va immanquablement survenir. Entre ces deux discours, c'est le grand écart !

En dépit de modestes progrès, ni le taux d'inflation, ni celui de la croissance, ni même celui de l'emploi (1) sont dans les clous. Mais le désir de croire à l'arrêt progressif des programmes mis en place par les banques centrales est plus fort que tout, question de conform isme. Même si la Federal Reserve américaine ne s'y engage qu'avec une extrême prudence, que la BCE ne s'y résout toujours pas, et que la Banque du Japon persévère dans le contraire. Les banques centrales ne marchent pas du même pas, cela ne devrait-il pas conduire à nous interroger ?

NOUVEAUX DÉFIS

Certains le font : « Les décideurs doivent oublier des décennies de croyances économiques orthodoxes », affirme dans l'hebdomadaire financier « l'Agefi » (2) l'un d'entre eux, Nicolas Moreau, qui dirige Deutsche Asset Management, la filiale de gestion d'actifs de la Deutsche Bank. Dans la nouvelle ère dans laquelle nous sommes entrés, « nous devons affronter de nouveaux défis structurels, parmi lesquels la baisse de la productivité, des conditions démographiques défavorables et des pertes d'emplois induites par l'irruption des nouvelles technologies ». Il en conclut qu'un « retour au cadre théorique de l'avant-crise serait tout simplement inapproprié », et que nous sommes entrés dans « une nouvelle période d'interventionnisme », par opposition à la politique consistant à se fier au marché.

 

États-Unis, Europe, Japon : les banques centrales ne marchent pas du même pas. Mauvais signe ?

Il n'y va pas de main morte, préconisant l'annulation par les banques centrales de la dette souveraine qu'elles détiennent, en raison de leurs achats massifs. Et, pour faire bonne mesure, de poursuivre pendant une longue période leur intervention afin de maintenir bas les taux obligataires, puis de « sérieusement » étudier une politique de garantie de l'emploi ainsi que l'instauration d'un revenu universel de base !

Côté rebondissement d'une crise qui n'a jamais c essé, Jai me Caruana, le directeur général de la Banque des règlements internationaux (BRI), qui regroupe les banques centrales, considère qu'il faut chercher l'équivalent des subprimes de 2007 en fouinant dans les arcanes du système financier : « Chaque crise a été rendue possible par une incompréhension collective qui a créé un angle mort sur le risque. » Mais à le suivre dans ces profondeurs, on a toutes les chances de s'y perdre.

 

UNE ÉNORME BULLE

Il y a pourtant des candidats sérieux au rôle de trouble-fête, qui ne peuvent pas passer inaperçus, comme les milliers de milliards de dollars injectés dans le système financier par les banques centrales. Destinées à relancer le crédit et l'économie, ces injections ont eu comme effet la constitution d'une énorme bulle instable d'actifs boursiers et ont encore grossi la masse des produits dérivés, ces instruments que l'investisseur américain Warren Buffett a qualifiés « d'armes financières de destruction massive ».

Une autre masse financière, qui n'est pas sans rapport avec la précédente, est porteuse du danger : la dette obligataire. Les analystes de l'Institut international de la finance estiment son stock mondial à 215000 milliards de dollars fin 2016, endettements des ménages, des entreprises et des États confondus. Or, la hausse des taux du marché obligataire, anormalement bas au regard de son historique, est considérée comme inéluctable. Lorsque les taux augmenteront, le service de la dette pèsera lourdement sur les budgets publics, et dans le contexte actuel de faible croissance et de niveau d'inflation destiné à durer, la dette souveraine sera de moins en moins soute-nable. Y a-t-il besoin d'aller chercher plus loin?

FRANÇOIS LE0LER0 Contact :@fdleclerc

(1) Peter Praet, l'économiste en chef de la BCE, a estimé à 18 % le taux de mesure élargi du chômage au sein de la zone euro, une fois pris en compte le temps partiel subi.

(2) «L'Agefi Hebdo » no 575 du 20 au 26 juillet 2017.

 

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8 août 2017 2 08 /08 /août /2017 06:04

 

Dans un communiqué, la FAPT-CGT revient sur le discours du président de la République Emmanuel Macron en clôture de la conférence des territoires. Réaffirmant sa volonté de couvrir le territoire français en haut débit d’ici 2020, le président en a profité pour introduire la notion de "bon débit", soit 8 megabits/seconde, qui pourrait se substituer dans certains cas au très haut débit, soit 30 megabits/s. Cette assertion fait peser la menace d’un risque d’inégalité d’accès à l’Internet, "selon que tu sois riche ou pauvre, selon que tu habites en ville ou à la campagne", commente la FAPT.

C’est un risque inacceptable, pour la FAPT-CGT, à l’heure d’une numérisation de la CGT qui touche toutes ses composantes. La CGT revendique pour sa part une couverture en très haut débit de 100% du territoire et donc de la population d’ici 2022 en privilégiant la fibre optique. La CGT défend une appropriation publique démocratique des activités de télécommunication, qui permettrait aux élus locaux, aux salariés du secteur, au même titre que les gouvernements et les opérateurs, de prendre des décisions sur la base de l"intérêt général, et non plus sur le seul critère de la rentabilité financière immédiate.

Cette appropriation publique permettrait d’imposer aux opérateurs d’investir sur leur fond propre pour la construction du THD fibres et de la 5G, de maitriser les réseaux pour une meilleure mutualisation, et de mettre fin à la précarité des employés du secteur. La FAPT-CGT craint en effet que le contrat de projet, tel que le prépare la Loi Travail XXL, ne soit imposé au secteur des télécommunications.

 

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8 août 2017 2 08 /08 /août /2017 06:01

Laurent Bigorgne, directeur de l’Institut Montaigne, s’est révélé être l’un des architectes de la victoire d’Emmanuel Macron. Il lui a fourni des notes et a activé son réseau. Son influence intellectuelle se fait sentir dans différents projets du gouvernement, sur l'école comme sur le droit du travail.

our le grand public, ce nom reste obscur. Laurent Bigorgne, directeur général de l’Institut Montaigne, a pourtant joué un rôle non négligeable dans la campagne d’Emmanuel Macron en lui fournissant pléthore de notes et en activant son réseau. Puis, sitôt l’élection gagnée, l’influence de l’Institut Montaigne s’est manifestée dans plusieurs secteurs, l’éducation et le social en tête.

Son nom n’apparaît sur aucun document officiel d’En Marche! et lui-même limite sa relation avec Emmanuel Macron à une amitié forte. Pourtant, l’exploitation des Macron Leaks montre une tout autre réalité : cumulant cette activité avec ses responsabilités à la tête de son think tank libéral, Laurent Bigorgne, 42 ans, a joué un rôle central dans l’élaboration du programme du candidat. Du printemps 2016 jusqu’au mois de mars 2017.

Dès son lancement en avril 2016, en parallèle de son efficace recherche de fonds, Emmanuel Macron a méthodiquement organisé l’« axe “Idées” » du mouvement afin de théoriser les rêves de « Révolution » du futur candidat. Il s’est formé autour d’un premier noyau ayant « vocation à être élargi dans les […] semaines [suivantes] », selon un document d’En Marche! d’avril. Sans surprise, apparaît dans cette première liste le nom de Laurent Bigorgne.

L’Institut Montaigne a été aussi l’un des incubateurs d’idées pour Emmanuel Macron, même s’il s’en défend. Ce think tank a été créé en 2000 par Claude Bébéar, le « parrain » du capitalisme français, fondateur d’Axa, et présidé par Henri de Castries, l’ami intime de François Fillon. L’Institut Montaigne se présente comme un club de réflexion indépendant, dont le mantra est d’« améliorer la cohésion sociale, l’efficacité de l’action publique et la compétitivité de l’économie ». Même sur le plan financier, l’organisme a placé des garde-fous pour contenir toute influence extérieure en limitant l’apport de chaque société à 2 % maximum du budget total.

Fort d’un pactole annuel de 3,8 millions d’euros, l’Institut, qui emploie une quinzaine de salariés, est financé par une kyrielle d’entreprises du CAC 40, comme Air France, SFR, Sanofi, Bouygues, Microsoft, Dassault, Orange, Veolia, Vinci, Total, Allianz, Groupe M6, LVMH, Bolloré, Rothschild, Banque Lazard ou encore le Crédit agricole, etc. En son sein, il existe une volonté de maintenir aussi une certaine indépendance politique, du moins officiellement.

Voilà pourquoi l’implication personnelle de Laurent Bigorgne dans En Marche! a irrité Claude Bébéar lorsqu’elle a été découverte. En avril 2016, lorsqu’En Marche! naît, Mediapart révèle que le mouvement est hébergé par une certaine Véronique Bolhuis, qui n’est autre que la compagne de Laurent Bigorgne. L’adresse du domicile privé du couple apparaît sur le site de l’association naissante, avant modification expresse.

Cette révélation a fait l’objet, après publication de l’article, d’une mise au point d’Emmanuel Macron, qui balaie tout lien entre En Marche! et l’Institut Montaigne. L’ancien ministre de l’économie écrit : « En Marche! n’a jamais été domiciliée à l’Institut Montaigne : cette association a été domiciliée au domicile privé de Véronique Bolhuis, qui est une amie personnelle et qui a accepté à ma demande de faire partie de l’équipe de préfiguration d’En Marche!. Mme Bolhuis est également la femme de Laurent Bigorgne, directeur de l’Institut Montaigne, mais cela ne saurait vous autoriser à faire un tel raccourci, puisqu’il conduit à travestir totalement la réalité. Par ailleurs, contrairement à ce que vous avancez, En Marche! n’a bénéficié d’aucun soutien logistique, encore moins “important” ni même “discret” de la part de l’Institut Montaigne, car les choses sont très simples : En Marche! n’a et n’a jamais eu aucun lien d’aucune sorte avec l’Institut Montaigne. »

Du reste, malgré cette défense acrobatique, le mélange des genres reste un peu fâcheux. Aujourd’hui encore, le directeur de l’Institut Montaigne se cramponne à cette version. Il considère que le fait que sa conjointe ait accepté de domicilier En Marche! chez eux relève de « sa responsabilité ». Il sous-entend par là que ces critiques sont mues par un fond de sexisme. Il assure avoir été en désaccord avec cette démarche, et même si, ajoute-t-il avec un peu de mauvaise foi, son domicile personnel « n’a rien à voir » avec l’Institut Montaigne. Cela n’a tellement rien à voir que le directeur a soumis, après cet épisode, sa démission au conseil de l’Institut. Sa direction l’a retenu, non sans l’admonester et lui rappeler son devoir de neutralité.

Dans la dernière ligne droite, Bigorgne s’est enfin dégagé du mouvement, non sans avoir réussi à injecter ses idées dans la campagne. À tel point qu’avant la nomination du ministre de l’éducation nationale – qui a échu à son ami Jean-Michel Blanquer –, le nom de Laurent Bigorgne était bien placé dans le jeu des pronostics. L’homme minore la rumeur dont il a fait l’objet avec un soupçon de fausse modestie. À l'entendre, l’actuel locataire de la rue de Grenelle était bien évidemment le meilleur choix pour occuper le poste.

Laurent Bigorgne a toutefois su placer ses pions pour la suite. D’abord, la nomination de Jean-Michel Blanquer rue de Grenelle sonne comme une victoire personnelle. Celui-ci ne s’en cache pas, il est très proche de l’Institut. À tel point que des séances de travail et des auditions d’experts ont eu lieu entre ces murs pour peaufiner son dernier ouvrage-programme, L’École de demain (éditions Odile Jacob), sorti en octobre 2016. Laurent Bigorgne le considère comme un ami proche et précise l’avoir rencontré dix ans auparavant. Il ne tarit pas d’éloges sur l’intelligence de celui dont il vante aussi « l’immense modestie » et la « probité intellectuelle ». De fait, il est difficile d’imaginer que le contact entre les deux hommes puisse se rompre.

L’autre réussite de l’Institut Montaigne apparaît dans l’organigramme du cabinet de Jean-Michel Blanquer depuis le 1er juin. Une certaine Fanny Anor endosse la fonction de conseillère spéciale. Laurent Bigorgne la connaît bien, et pour cause : il s’agit d’une ancienne salariée de l’Institut. Durant la campagne, il a été difficile de trouver un(e) responsable des questions d’éducation habilité(e) à expliquer les orientations du candidat en la matière. Fanny Anor, ancienne enseignante en histoire et géographie, a été l’une des rares à le faire et à rendre son nom public, après quelque temps de flou. Laurent Bigorgne raconte qu’elle a quitté son poste « un mois et demi avant le terme de la campagne ». Il assume. C’est aussi lui qui l’a introduite auprès d’Emmanuel Macron, lorsqu’elle lui a confié « avoir envie de partir », car « elle était intéressée par un candidat », précisément Emmanuel Macron.

« De belles bêtes intellectuelles »

Laurent Bigorgne se passionne pour l’éducation alors même que le think tank qu’il préside se targue d’embrasser toutes les thématiques importantes dans la société. Son appétence pour l’école trouve ses sources dans l’héritage familial, se plaît-il à raconter. Son père, proviseur d’un lycée professionnel en Meurthe-et-Moselle, lui a donné le goût du sujet. Il vient de la gauche, « pas celle de Mélenchon ou Hamon », concède-t-il volontiers. Pour le prouver, il rappelle qu’il a adhéré à l’Unef-ID dans ses jeunes années étudiantes. Lorsqu’il rencontre Claude Bébéar, le fondateur du groupe de réflexion, il lui précise tout de go « ses affinités intellectuelles » qu’il qualifie de « gauche tendance CFDT. » Il a grandi en admirant, entre autres, Jacques Chérèque, le père de François, secrétaire général de la CFDT de 2002 à 2012. Ce à quoi Bébéar rétorque : « Très bien, ça fera un équilibre entre nous deux », lorsqu’il le recrute pour devenir directeur des études en 2009.

Sa légende personnelle est belle et sûrement sincère, mais le directeur de l’Institut Montaigne reste un homme de réseau. Il a connu Emmanuel Macron, il y a bien longtemps, avant même que ce dernier nourrisse des velléités politiques. Il peine à se souvenir de la date exacte mais évalue leur amitié à une quinzaine d’années avec celui qu’il a rencontré par l’entremise de feu Richard Descoings, directeur atypique et parfois contesté de Sciences-Po, décédé en avril 2012.

La tête de l’Institut Montaigne reconnaît ne pas avoir inventé la mesure emblématique du programme d’Emmanuel Macron en matière éducative, que Jean-Michel Blanquer doit mettre en musique, à savoir la réduction des effectifs en CP et CE1 dans les réseaux d’éducation prioritaire (les REP), mais dit qu’il l’a « poussée ». Bigorgne nourrit beaucoup d’attente sur l’action du nouveau ministre de l’éducation nationale : « Je rendrai grâce à celui qui va concentrer les moyens là où il y en a le plus besoin. C’est ça la vraie rupture. S’il y a bien une chose que j’ai faite dans la campagne, c’est militer pour ça. »

Pour Laurent Birgorgne, toute cette aventure ne serait que le simple fruit d’amitiés. Selon son récit, on serait presque tenté de croire qu’En Marche! n’est en réalité qu’une petite initiative, façon start-up artisanale, lancée entre copains sur un coin de table, version française du garage de la Silicon Valley, et qui s’est achevée à l’Élysée. Bigorgne assume volontiers ce rôle d’entremetteur. Il dit avoir aussi usé de son influence en ayant, par exemple, réclamé une augmentation des postes d’enseignants. Pas sûr que cette requête aboutisse en ces temps de disette budgétaire. Sans oublier que le ministre nommé a œuvré comme Dgesco, le directeur général de l’enseignement scolaire, sorte de ministre bis. Il a un passif, il a travaillé sous l’ère Sarkozy durant laquelle 80 000 postes avaient été sabrés. Et le voici désormais pourfendeur assumé de « l'ennemi du service public » que serait « l'égalitarisme » (lire notre article).

Pour une partie de la communauté éducative, l’Institut Montaigne promeut un modèle éducatif libéral, ce qui peut apparaître comme problématique. Une étiquette encombrante pour Bigorgne, qui rêve de faire de son laboratoire d’idées un pivot central de la pensée en France. Pour lui, c'est évidemment une allégation mensongère nourrie par le modèle de financement  de l'Institut : « Dès lors que vous êtes financés par des entreprises, vous êtes libéral, alors qu'il y a peu de libéraux en France. » 

Il est toutefois délicat de recueillir des propos à visage découvert. Personne ne veut nourrir la polémique ou attaquer de manière trop frontale l’Institut.

 

 

Un fin connaisseur de la rue de Grenelle, marqué à gauche, estime que toute la bande de l’Institut Montaigne reste « de belles bêtes intellectuelles ». Un ancien du même ministère reconnaît que Laurent Bigorgne est « très intéressant » mais ne peut s’empêcher de relever que celui-ci doit se sentir « embêté » par les premiers pas de Jean-Michel Blanquer. Sur la question du redoublement, que le ministre souhaite « rétablir » (lire ici notre article sur le sujet) ou le retour à la semaine de quatre jours sur les rythmes scolaires, l’Institut Montaigne préconise tout l’inverse.

Un chercheur en sciences de l’éducation, qui goûte peu les orientations préconisées par Montaigne, considère que l'institut (et celui qui est aux commandes) est « idéologique » au sens où ses experts cultivent une approche scientifique pour tenter de résoudre les problèmes de l’école : « Ils estiment avoir ainsi des preuves par A+B sur l’efficacité d’une méthode ou réforme. » Un autre voit dans cette appétence « la limite de Montaigne ». Cette source déplore « leur croyance mécaniste en la science. Ils sont dans l’excès en en faisant leur matrice ». Ce qui est évidemment plus compliqué que cela. En témoigne l’épisode Céline Alvarez que la fine fleur de l’Institut Montaigne a soutenue et accompagnée (lire l’article de Laurence De Cock sur cette expérimentation). Au fond, poursuit ce connaisseur du système éducatif, l’école version Montaigne/Macron est un calque de la vision générale du président de la République : « L’éducation nationale est une vieille maison, on n’arrive pas à faire ce qu’on voudrait, alors il faut avoir une démarche d’entrepreneur et s’engager dans les territoires déshérités. Pour ce faire, ils voudraient aussi l’ouvrir à des initiatives privées comme les écoles de la seconde chance ou des associations comme Teach for France. »

Il est vrai que gravite dans la galaxie de l’Institut Montaigne l’association Agir pour l’école fondée 2010 par Laurent Cros à l’initiative de l’institut et abritée dans les mêmes locaux situés dans le très chic VIIIe arrondissement de Paris. Agir pour l’école se place sur le créneau de l’éducation prioritaire et fait la promotion de pratiques pédagogiques pour améliorer, par exemple, l’apprentissage de la lecture.

Un ancien du ministère de l’éducation nationale explique que Laurent Birgorgne a un positionnement idéologique plus subtil et complexe que « libéral ». Pour lui, il est très facile de dessiner son paysage idéologique parfaitement compatible avec En Marche! : « Il vient de la gauche et s’est mis sur la trajectoire de la droite éclairée, pas étonnant qu’il adhère à Macron. Bigorgne amène un prêt-à-penser ubérisé, technophile et progressiste sur l’éducation. La mouvance Montaigne essaie d’imaginer comment on assouplit le système, comment on individualise et responsabilise les acteurs, bref comment on les autonomise aussi. »

L’empreinte de l’Institut Montaigne sur le social

À sa décharge, explique cette source, Bigorgne « n’a pas une vision néocoloniale des banlieues à éduquer. Il ne s’inscrit pas dans les idées tradi-identitaires qui peuvent avoir un écho à droite. » Pour lui, le directeur de Montaigne reste « conscient des inégalités à l’école » et se tient éloigné de toutes ces initiatives très marquées à droite comme Espérances banlieues ou la Fondation pour l’école. Ces deux associations font la promotion du privé hors contrat avec un arrière-fond idéologique très rance (lire l'analyse de l’enseignant Grégory Chambat sur la question).

Selon lui, il ne faut pas verser dans une « fantasmagorie excessive » et surestimer leur influence, y compris au ministère de l’éducation nationale. « Si Montaigne a cet écho, c’est aussi parce qu’en dehors des fillonistes, on a du mal à trouver des gens qui pensent l’éducation. La gauche a un déficit là-dessus et manque de gens crédibles sur la question. » Il leur prédit toutefois quelques désillusions, notamment parce que « le système ne bouge pas par la tête » quand bien même on en aurait tous les leviers.

L’autre domaine dans lequel les idées de l’Institut Montaigne ont infusé concerne le volet social. Là aussi, Laurent Bigorgne a coordonné les groupes de travail. En matière sociale, priorité des priorités du nouveau pouvoir, l’influence des notes et réflexions de l’Institut Montaigne se révèle criante. Alors que « le projet de loi d’habilitation à prendre par ordonnances les mesures pour le renforcement du dialogue social » est arrivé à l’Assemblée nationale, les pistes de mesures concrètes envisagées par le ministère du travail sont désormais connues.

L’une des mesures phares, « de bon sens » comme l’a qualifiée Muriel Pénicaud lors de sa conférence de presse le 28 juin dernier, ce qu'elle a redit devant les députés, est le regroupement des instances représentatives du personnel au sein d’une seule et même institution. Dans son exposé des motifs, le projet de loi indique que le texte « définira en particulier les conditions de mise en place d’une instance fusionnée de représentation du personnel, se substituant aux délégués du personnel, au comité d’entreprise et au comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail ». Au terme des consultations avec les partenaires sociaux sur ce sujet, cette entité unique, appelée « conseil d’entreprise », pourrait être mise en place après accord collectif ou de branche.

Cette mesure ressemble étrangement à l’une des propositions contenues dans l’ouvrage Un autre code du travail est possible, édité sous l’égide de l’Institut Montaigne en mai 2016. Ce livre a été rédigé par Bertrand Martinot, ancien délégué général à l’emploi et la formation professionnelle (DGEFP) de 2008 et 2007 et conseiller de Nicolas Sarkozy de mai 2007 à septembre 2008, et – ô surprise ! – par Franck Morel, actuel conseiller social du premier ministre et ancien du cabinet de Xavier Bertrand quand celui-ci était ministre du travail de 2007 à 2012. 

Qu’écrivent les auteurs ? « Une simplification drastique des instances de représentation du personnel est aujourd’hui nécessaire. Elle devra s’accompagner d’une participation accrue de ces instances aux décisions concernant l’entreprise. À partir de 50 salariés, il est donc proposé de fusionner les fonctions de délégués du personnel, le comité d’entreprise, le CHSCT et les postes de représentants syndicaux auprès de ces instances pour créer une seule et unique instance. » Les similitudes sont flagrantes avec le projet de loi d'habilitation.

Dès septembre 2015, d’ailleurs, dans un rapport intitulé « Sauver le dialogue social », l’Institut Montaigne proposait déjà de « fusionner les instances de concertation en une seule instance, sans seuils d’effectifs ». Une demande qui évoque, une fois encore, la petite musique très en vogue aujourd’hui au ministère du travail.

Sur d’autres aspects de la réforme, l’ombre de l’Institut Montaigne plane de manière implacable sur le projet gouvernemental. Dans une note de juillet 2014, rédigée par Bertrand Martinot à l’occasion de la conférence sociale organisée par le précédent pouvoir et intitulée « Emploi : le temps des (vraies) réformes ? », le think tank évoque un assouplissement des contrats courts. « Le recours aux CDD serait facilité en y intégrant la possibilité de CDD longs (jusqu’à trois ans) à l’instar de ce qui existe dans le secteur public », écrit l’auteur. Une vieille demande du patronat qui, de manière extrêmement impromptue, a fait son irruption dans le projet de réforme du code du travail à travers la possibilité de l’extension du CDI de chantier, sorte de CDD long sans la prime de précarité actuellement appliquée dans le bâtiment, et les modifications des règles de recours aux CDD classiques. Ces deux évolutions sont aujourd’hui incluses dans le projet de loi d’habilitation. 

Le poids de l’Institut Montaigne dans la doxa gouvernementale se révèle également fort présent dans la construction de la future réforme de l’assurance-chômage qui sera discutée dès l’automne. Dans un rapport de mai 2017 sur le paritarisme de gestion, c’est-à-dire la gouvernance par les partenaires sociaux de certains organismes comme l’Unedic, un chapitre propose de « mettre un terme à la confusion des rôles dans le pilotage et dans la gestion de l’assurance-chômage » (page 96 du rapport). 

En tous points, en insistant sur la place de l’État qui influe sur les négociations, garantit la dette de l’organisme paritaire et agrée la convention négociée, l’institut porte un discours jumeau de celui d’Emmanuel Macron durant la campagne présidentielle. Invité chez Mediapart à deux jours du second tour, le désormais président de la République rappelait en quoi il était important, à ses yeux, de transférer tout ou partie de ce pilotage à l’État. « Dans la mesure où la réalité de son financement est l’impôt par la garantie d’État, l’État doit avoir son mot à dire », affirmait-il à l’époque. Une déclaration qui paraphrase l’Institut Montaigne, lequel analyse : « C’est l’État qui, aujourd’hui, assume la responsabilité de la situation dégradée de l’assurance-chômage sans que tous les leviers d’action soient à sa main. »

Chômage, emploi, dialogue social… Aujourd’hui, le programme que porte le pouvoir « en marche » s’inscrit dans les pas de ce think tank qui, année après année, a planté les jalons d’une réforme qui porte donc autant ses couleurs que celle de la nouvelle majorité. 

Aujourd’hui, Laurent Bigorgne affirme ne plus être en contact avec Emmanuel Macron depuis six mois. Il dit comprendre cette absence d’échange, désormais, « ce n’est plus un Français comme les autres, il a une mission ». En attendant, le président de la République n’a même pas pris le temps de répondre à son SMS de félicitations pour son élection, à laquelle il a pourtant tant contribué.

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8 août 2017 2 08 /08 /août /2017 05:53

 

La flexicurité à la danoise a réduit son volet sécurité, tandis que la pauvreté touche désormais près de 18 % de la population, selon Christèle Meilland, chercheuse à l'Institut de recherches économiques et sociales

 

L'Humanité : COMMENT DÉFINIR LA FLEXICURITÉ À LA DANOISE ?

CHRISTÈLE MEILLAND

Le modèle de flexicurité danois fait cohabiter une grande facilité de licenciement pour les patrons et une forme de sécurité pour les demandeurs d'emploi qui sont bien indemnisés par l'assurance-chômage, à hauteur de 90 % de leur salaire. Il comporte aussi une politique du marché de l'emploi active, avec une formation professionnelle forte et qui s'étend tout au long de la vie. L'objectif de cette politique, lorsqu'elle a été mise en place dans les années 1990, était de diminuer le taux de chômage qui atteignait 10 %. Il est redescendu en quelques années à moins de 5 %. Le taux de rotation des emplois est devenu très élevé, mais les Danois n'avaient plus peur de perdre leur poste car ils avaient confiance dans leur système.

 

L'Humanité : COMMENT DÉFINIR LA FLEXICURITÉ À LA DANOISE ?COMMENT LE SYSTÈME A-T-IL SURVÉCU À LA CRISE DE 2008 ?

CHRISTÈLE MEILLAND

Entre 2008 et 2015,le taux de chômage a doublé au Danemark, mais est resté inférieur à 10 %. À partir de 2010, et particulièrement depuis 2015 et l'élection du nouveau gouvernement de droite, plusieurs mesures ont été prises pour le faire évoluer. La durée d'indemnisation du chômage a baissé de six à quatre ans, puis à deux ans. Mais l'indemnisation reste de 90 % du salaire. De plus en plus de Danois sont tombés dans le système de l'assurance sociale. Il a fallu créer un « statut tampon » pour accueillir tous ces chômeurs en fin de droits qui ne pouvaient plus toucher l'indemnisation. Il a fallu aussi des mesures spécifiques d'accompagnement des travailleurs les plus vulnérables, qui ont été plus particulièrement touchés par le chômage : les immigrés, les femmes et les jeunes.

Depuis 2015, le gouvernement a aussi limité les pensions d'invalidité, repoussé l'âge de la retraite et diminué les minima sociaux. Le taux de pauvreté au Danemark est passé de 16,3 à 17,7 % depuis 2008, ce qui est signifiant et concerne tout particulièrement les jeunes. Donc, oui, depuis la crise, le modèle a évolué, assurément vers un renforcement de la flexibilité et un affaiblissement du volet sécurité. Mais je ne pense pas qu'à l'heure actuelle, cela remette totalement en question le modèle danois.

 

L'Humanité : COMMENT DÉFINIR LA FLEXICURITÉ À LA DANOISE ?EN FRANCE, LE GOUVERNEMENT DÉFEND L'ACCORD D'ENTREPRISE POUR FLUIDIFIER LE DIALOGUE SOCIAL. COMMENT CELA FONCTIONNE-T-IL AU DANEMARK ?

CHRISTÈLE MEILLAND

Le taux de syndicalisation est très élevé au Danemark. La force de ces syndicats permet la négociation des droits des salariés à l'échelle des accords nationaux interprofessionnels ou cadres sectoriels. Ce sont eux qui forment l'ensemble du droit conventionnel. Ils régissent le temps de travail, les congés parentaux, le salaire minimum... Pas les accords d'entreprise.

 

L'Humanité : COMMENT DÉFINIR LA FLEXICURITÉ À LA DANOISE ?QUELLES SONT AUJOURD'HUI LES CONDITIONS QUI PERMETTENT À CE MODÈLE DANOIS DE FLEXICURITÉ D'EXISTER ?

CHRISTÈLE MEILLAND

La population reste limitée, il s'agit d'un petit pays de 5,6 millions d'habitants. Le système coûte aussi très cher et doit être entretenu par des investissements publics importants, le tout est financé par une fiscalité en conséquence très élevée. Le système de formation professionnelle tout au long de la vie est aussi fondamental, il est efficace et en constante évolution. C'est une philosophie, les gens n'hésitent pas à se former et à se reconvertir. Et tout cela est piloté par un service public fort et décentralisé.

 

ENTRETIEN RÉALISÉ PAR PI. M.

 

FRANCE ET DANEMARK, DEUX POLITIQUES OPPOSÉES DE FINANCEMENT DE LA PROTECTION SOCIALE

Le modèle social danois a un coût. C'est le pays développé à la fiscalité la plus élevée. L'impôt sur le revenu (de 41 à 60 % du salaire brut des Danois, prélevé à la source) représente 25 % du PIB, contre 2,8 % en France. Les modes de financement de la protection sociale sont aussi diamétralement opposés: ce que la France finance par des cotisations sociales (63 % des recettes de la protection sociale), le Danemark le finance par des impôts dans les mêmes proportions (62,4 %). Le Danemark consacre près de 2 % de son PIB à sa politique de l'emploi, contre 0,55 % dans les pays de l'OCDE.

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8 août 2017 2 08 /08 /août /2017 05:51

 

Nous nous honorons ici d’avoir été parmi les premiers durant la campagne de l’élection présidentielle à avoir répété que M. Macron avait bien un programme : celui des milieux d’affaires. Ceci se confirme jour après jour. Insatisfait des orientations pourtant très libérales annoncées dans le discours de politique générale du Premier ministre de droite, le monde de la finance et de la rente n’a cessé de s’agiter les jours qui ont suivi pour réclamer du président de la République plus de clarté, plus d’audace, plus de faveurs. Bref, il ne faisait que réclamer avec gourmandise de confortables retours sur l’investissement qu’il avait placé depuis plus de deux ans sur l’un des siens, venu de la banque Rothschild, qui avait pu se faire la main sur le mélange des genres comme secrétaire général-adjoint de l’Élysée, puis ministre de l’Économie.

Pendant que les grands médias faisaient croire à l’état de grâce, des journaux comme « L’Opinion », « Challenges », des penseurs du libéralisme comme ce M. Koening dans Libération, tous ceux qui se sont retrouvés aux « rencontres économiques d’Aix » ou encore « l’association française des entreprises privées » et évidemment M. Gattaz sont, avec la rapidité de l’éclair, montés au créneau pour dénoncer l’insuffisant respect des promesses qui leur avaient été faites. Le discours du Premier ministre ne manquait pourtant pas de sales coups contre les salariés et les conquis sociaux, mais tout ce beau monde ne supportait pas que ce dernier ait annoncé de reculer de presque un an la transformation définitive du CICE en crédit d’impôt, de reporter la baisse pérenne des cotisations patronales, la diminution de la fiscalité du capital et le recentrage de l’impôt sur les grandes fortunes sur l’immobilier. Sans coup férir, le président a tranché en leur faveur. Et il a décidé d’un même élan de démolir le droit du travail par ordonnances, de réduire les dépenses publiques, de baisser les impôts des plus riches et d’augmenter la CSG. Autant de vieilles recettes de l’ultra-libéralisme servies dans de nouvelles gamelles géantes pour le festin à venir des privilégiés.

La modification de l’impôt sur les grandes fortunes vise à en extraire les actifs financiers qui sont la source essentielle de la rente des plus fortunés. Cela représente pour eux un nouveau cadeau de trois milliards d’euros, tandis que les retraités subiront durement le surplus de CSG. Les autres verront grandir la précarité, première conséquence de la nouvelle loi dite « travail ». Le contrat à durée déterminée sera attaqué au burin par « celui de chantier » tandis que les salariés injustement licenciés percevront des indemnités réduites. A tout cela, s’ajoutera la pression sur les salaires et la durée du travail que les employeurs ne manqueront pas d’exercer grâce à un code du travail déclinable entreprise par entreprise. L’impôt sur les sociétés va baisser à 28%. En même temps, la nouvelle diminution des crédits publics se fera contre la solidarité, particulièrement en matière de logement et de santé. De premières projections estiment que seulement 280 000 personnes vont bénéficier des nouveaux cadeaux fiscaux macroniens pour une valeur de 4,2 milliards d’euros. Macron est bien le nouveau président des riches ! C’est aussi le président qui obéit à Mme Merkel qui n’a de cesse de réclamer cette purge contre une hypothétique réforme de la zone Euro dont le contenu reste des plus flous.

La combinaison des décisions en cours forme un cocktail d’une brutalité inconnue jusque-là. On avait comparé M. Fillon à Mme Thatcher. M. Macron va les dépasser l’un et l’autre ! Pour financer les énormes cadeaux fiscaux aux plus fortunés et aux grandes entreprises, le pouvoir va déconstruire encore plus nos biens communs, nos services publics. La fin de l’impôt sur les grandes fortunes, comme les facilités fiscales aux grandes entreprises ne vont pas concourir à la relance des investissements utiles, mais viendront alimenter le feu roulant et dévorant des marchés financiers et de cette bulle spéculative menaçante qui ne cesse d’enfler. La nouvelle diminution de 13 milliards de dotations aux collectivités locales combinée à la fin de la taxe d’habitation seront utilisées pour obliger ces dernières à réduire leurs actions et leurs investissements au service du plus grand nombre. Les services publics de proximité et la démocratie locale en seront étouffés. Les conséquences pour l’emploi seront désastreuses.

Ce qui s’annonce peut donc être encore pire que ce qui s’est passé durant les deux derniers quinquennats. Le monde du travail, de la culture, de la santé, de l’éducation, de la justice, de la recherche ne peut rester plus longtemps dans l’expectative ou l’attente. Il doit dans sa diversité se faire entendre, se manifester contre ce pouvoir qui recherche un consensus, une « union nationale » d’un nouveau type au seul service des puissances financières en guerre entre elles pour rechercher le taux de  profit maximal. Il n’y a aucune illusion à se faire. De ce point de vue, la préparation de la journée nationale d’action du 12 septembre est importante, comme l’est le dialogue avec le maximum de salariés, de jeunes, de retraités, de créateurs pour une fête de l’Humanité contribuant à l’indispensable riposte contre le nouvel ordre des féodalités. Sa réussite se prépare dès maintenant. Ce sera celle de l’humain contre la voracité de l’argent-roi.

 

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7 août 2017 1 07 /08 /août /2017 08:50

Annoncées lors de la conférence nationale des territoires, la baisse de 13 milliards d'euros sur cinq ans et la réforme de la taxe d'habitation mettent en danger tous les domaines de la vie locale.

13 MILLIARDS DE BUDGETS LOCAUX SONT VISÉS, APRÈS LES 11,5 MILLIARDS DÉJÀ SUPPRIMÉS SOUS HOLLANDE.

 

Depuis sa ville populaire de Stains (Seine-Saint-Denis), Azzédine Taïbi, le maire communiste, fulmine. Les 13 milliards d’euros d’économies prévues par le gouvernement pour les collectivités locales au cours du quinquennat qui commence sont un véritable coup de massue. Ici, comme dans une grande majorité de communes et de départements français, on se demande : « Quand cela va-t-il s’arrêter ? » Car déjà, durant le mandat de François Hollande, les collectivités territoriales ont vu amputer leurs dotations de 11,5 milliards d’euros. À Stains, ce sont 3 millions en moins, entre 2014 et 2017 seulement. « On les a bien sentis ici », se souvient celui qui n’a pas attendu les annonces de la conférence nationale des territoires pour faire front contre la baisse des dotations avec le mouvement des « plumés de l’austérité », dès 2015.

 « Trois millions, c'est l'équivalent d'un conservatoire de musique, c'est le budget de fonctionnement annuel d'un centre de santé ou encore la mise en route d'un groupe scolaire de 6 classes », explique Azzédine Taïbi, inquiet des conséquences pour les services publics locaux. Alors, avec la politique d'austérité qui s'annonce plus violente que prévu puisque Emmanuel Macron annonçait 10 milliards de baisse au cours de sa campagne, Azzédine Taïbi craint pour les habitants des quartiers populaires, qui n'avaient pas besoin de ça.

L'Association des maires ville et banlieue s'est d'ailleurs émue de ce que la question des quartiers populaires prioritaires, des centres anciens dégradés ou ensembles d'habitats sociaux n'apparaisse pas comme une préoccupation particulière du chef de l'État. Même l'annonce de supprimer d'ici à trois ans la taxe d'habitation pour 80 % des ménages n'apportera, toujours selon l'association, « aucun bénéfice à des habitants qui sont pour la plupart déjà exonérés de tout ou partie de la taxe d'habitation ». L'association, qui n'avait d'ailleurs pas été conviée à la conférence nationale des territoires du 17 juillet, juge que l'effort des 13 milliards d'euros « de contribution à la réduction des déficits publics attendu des collectivités » ne peut pas être demandé « de façon identique aux territoires pauvres accueillant des pauvres et aux sites plus aisés ».

 

UNE INJUSTICE DE PLUS POUR LES COLLECTIVITÉS

Du côté des maires ruraux de France, on déplore aussi une péréquation bancale. À travers leur association (AMRF), ceux-ci rappellent que la dotation globale de fonctionnement par habitant dans leurs communes représente la moitié de celle par habitant des grandes villes. Et comme si les 13 milliards d'euros d'économies imposées ne suffisaient pas, l'AMRF vient de découvrir une annulation de crédits de près de 300 millions d'euros faite «en catimini estivale» par la publication d'un décret du 20 juillet. «La mobilisation des crédits des dotations d'équipements des territoires ruraux ou du fonds de soutien à l'investissement local se voit aujourd'hui remise en cause et amputée», réagit l'AMRF dans un communiqué paru le 26 juillet. «Cela pose un sérieux doute sur la sincérité des engagements gouvernementaux énoncés lors de la conférence nationale des territoires par le président de la République», s'insurge son président, Vanik Berberian, pour qui la perte de confiance des élus locaux envers le pouvoir exécutif et la haute administration est grandissante.

Une injustice de plus pour des collectivités qui réalisent des efforts budgétaires depuis longtemps. Au-delà du fait que celles-ci sont tenues d'équilibrer leur budget annuel, elles ont déjà contribué à hauteur de 34 % à l'effort de réduction des dépenses publiques durant le mandat de François Hollande, alors que leur part dans la dette publique représente à peine 10 %. Même dans les communes dirigées par des maires de droite, la situation n'est plus tenable. À Sceaux (Hauts-de-Seine), Philippe Laurent (UDI) s'interroge sur ce qu'il devra encore faire. Sans surprise, il valide la baisse des dépenses publiques mais réprouve que celles liées à l'activité des collectivités soient comptabilisées sous cette même dénomination. L'élu, également secrétaire général de l'Association des maires de France, craint aussi que des retards soient pris dans les investissements de sa commune. Enfouissement des réseaux, entretien d'assainissement, etc.

 

UN HORIZON QUI S'OBSCURCIT DE PLUS EN PLUS

 

 « Des adductions d'eau non entretenues, ce sont parfois des fuites d'eau de plusieurs mètres cubes», explique-t-il, précisant que pour sa ville, considérée comme huppée, la dotation de l'État est passée de 7,5 millions d'euros en 2013 à 2 millions en 2017. De ces sommes retranchées des budgets des collectivités, départements compris, ce sont autant de commandes publiques qui sont mises en danger et avec elles les emplois concernés. En effet, avec 70 % des investissements publics réalisés en France par les collectivités, ce sont des secteurs entiers de l'économie qui risquent de se retrouver avec un carnet de commandes aux pages blanches, notamment dans le BTP (bâtiment et travaux publics).

Les 13 milliards de ponction sur les collectivités, ce sont aussi les politiques de solidarité qui risquent d'en pâtir et avec eux leurs bénéficiaires, souvent déjà accablés par le chômage et la précarité. Mounire Lyame, conseiller départemental Front de gauche dans le Cher, voit un horizon qui s'obscurcit de plus en plus. « Au sein de notre conseil départemental dirigé par la droite, ce sont les aides sociales aux plus modestes qui sont remises en cause et particulièrement le RSA.» Accroissement des contrôles, suspicions de fraude, autant de mesures prises pour faire reposer les économies imposées par l'État sur les plus faibles. «C'est ainsi qu'un couple à qui leur fils versait un peu d'argent s'est vu diminuer le montant de leur RSA pour ce motif... et réclamer le "trop-perçu" depuis le jour où leur enfant a commencé à les aider financièrement », explique-t-il. Pourtant, «il y a d'autres solutions», assure Christian Favier, président du conseil départemental du Valde-Marne. «D'autres pistes d'économies sont possibles. Je pense par exemple que l'État devrait s'attaquer à l'évasion fiscale.» Dans les pas de Hollande et de Sarkozy avant lui, Emmanuel Macron s'empresse de répondre au dogme de la réduction à tout prix des dépenses publiques. Laissant pour compte élus et citoyens.

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7 août 2017 1 07 /08 /août /2017 08:49

Le recours déposé en février dernier auprès du Conseil constitutionnel par cent six députés de gauche à propos du traité de libre échange avec le Canada (Ceta) vient de recevoir de ce dernier une fin de non-recevoir motivée par une argumentation des plus inquiétantes.

Ce traité est si contesté que la Cour de justice européenne a émis quelques réserves et M. Macron a dû promettre de mettre en place une commission spéciale d'étude. Hier, le ministre Nicolas Hulot était l'un de ses fervents opposants. Les motifs de rejet de ce traité ne portent pas seulement sur son caractère commercial en abaissant ou en supprimant les barrières douanières, mais sur le fait que, pour amplifier le « libre échange », il est envisagé de réduire toutes les normes sociales, sanitaires, environnementales dans le cadre d'un nouveau corpus juridique, en dehors des législations nationales et européennes. Celui-ci serait verrouillé par la mise en place de juridictions spéciales traitant des modalités d'investissement des multinationales au nom du principe de libre concurrence. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle ses inspirateurs le qualifient d'accord «de nouvelle génération». Dans leur recours, les parlementaires étaient donc fondés à soulever plusieurs dispositions contraires à la Constitution française.

Ainsi, dès lors que des tribunaux spéciaux internationaux privés seraient chargés de traiter des différends entre des groupes privés et des États avec la possibilité d'imposer des sanctions et des obligations de réparations, les principes d'indépendance et d'égalité devant la loi seraient niés.

L'État pourrait se voir imposer des règles différentes de sa propre législation par des instances extérieures et susceptibles d'être confortées, notamment par ces tribunaux arbitraux au service de plaignants : les grandes sociétés transnationales. Le principe de souveraineté nationale serait bien remis en cause. Le Conseil constitutionnel confirme d'ailleurs que « l'accord aura, en application de l'article 55 de la Constitution, une autorité supérieure à celle des lois ».

Les « sages » tentent de faire croire que les juges des tribunaux arbitraux seraient indépendants, que les conflits d'intérêts n'existeraient pas grâce à de fumeux et vaseux « codes de bonne conduite ». Mensonge quand on se remémore tous les arrêts de telles juridictions spéciales contre des États parce qu'ils ont eu l'outrecuidance ici d'augmenter les salaires de base, là de contester la qualité des carburants, là encore de s'opposer à l'importation de produits considérés comme cancérigènes. Songeons aux scandales Monsanto ou du Dieselgate, sans parler de la nouvelle profession de M. Barroso et de quelques-uns de ses acolytes.

 

«LA DÉCISION DU CONSEIL CACHE UN NOUVEAU TRANSFERT DE SOUVERAINETÉ VERS LES INSTITUTIONS EUROPÉENNE.»

 

Dès lors que la Constitution française comme la charte européenne incluent désormais explicitement « le principe de précaution » et que le traité en deux mille pages ne trouve pas le moyen d'en faire une seule fois mention, il y a bien une saignante entaille dans notre droit fondamental. Le Conseil constitutionnel, qui en est pourtant le garant, veut empêcher les citoyens de le voir alors que les enjeux liés à la qualité alimentaire, à celle des médicaments, à l'environnement deviennent de grandes préoccupations des sociétés.

La décision du Conseil est donc très préoccupante. Elle est faite de contorsions plus proches d'une opinion politique cherchant à justifier l'injustifiable du point de vue de notre loi fondamentale. Elle cache un nouveau transfert de souveraineté vers les institutions européennes sur des questions comme le droit du travail, les normes sociales, sanitaires, environnementales, alimentaires. Ainsi, serait créée une nouvelle jurisprudence contre l'intérêt général : celle du droit des affaires, de la liberté de la société privée supérieure aux droits humains et aux libertés publiques.

Rien qui puisse donner une nouvelle légitimité à ce traité de libre-échange. Bien au contraire! Et celle du Conseil constitutionnel pourrait être encore davantage contestée.

Pour une information complète, le livre le Traité avec le Canada mis a nu, Éditions de l'Humanité (à commander sur l'Humanité.fr).

 

 

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7 août 2017 1 07 /08 /août /2017 08:47

 

Cela n'a pas fait un pli. Le premier été présidentiel signe la fin des illusions pour celles et ceux qui ont cru aux promesses d'une "nouvelle politique". Il n'y a jamais eu d'adhésion populaire au macronisme. Emmanuel Macron et sa majorité ont d'abord été élus par le puissant rejet du système actuel. Ce grand chamboule-tout n'était qu'une apparence trompeuse pour ne rien changer,  poursuivre et aggraver l'austérité. Après Sarkozy et Hollande, Macron fait le job pour lequel il a été choisi par le monde de la finance, la patronat et la commission européenne. 

Inédite sous la Vème République après trois mois de mandat, la chute d'indice de confiance du Président de la République et de son premier Ministre n'est que le début des difficultés pour le nouveau pouvoir. Après les amis et les amours, voilà le temps des emmerdes.

Les arbitrages politiques rendus ces dernières semaines, sur la loi dite travail, contre les plus fragiles dans notre société, les étudiants, les retraités, la curée libérale contre les politiques publiques, les fonctionnaires, les collectivités locales, s'accumulent et s'additionnent. La communication présidentielle peut tourner à plein régime, rien n'y fait, notre pays et notre société voient aujourd'hui plus clairement le vrai visage du macronisme. Les supercheries et les enfumages successifs, les "et en même temps", n'arrivent plus à masquer l'autoritarisme libéral, si violent pour les faibles et si doux pour les assujettis à l'ISF.

Des dates importantes sont inscrites à l'agenda de la rentrée, dont la journée d'action du 12 septembre. D'ici là, le parti communiste aura à cœur d'agir concrètement pour une société plus solidaire avec la vente solidaire de fruits et légumes, le 17 août, et les sorties à la mer pour les enfants et les familles privés de vacances. 

La prochaine Fête de l'Humanité - les 15, 16 et 17 septembre - va être, à n'en pas douter, le grand rendez-vous des convergences progressistes, celui des luttes, des débats et des possibles pour ne pas laisser l'avenir du pays entre les mains d'Emmanuel Macron et sa star-up présidentielle et parlementaire.

 

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7 août 2017 1 07 /08 /août /2017 08:44

Les militants d’En Marche! se prononcent sur les statuts de leur futur parti. Comités locaux sans pouvoir, direction ultra-puissante : le parti, où l'absence de démocratie est assumée, s'annonce très centralisé. Des militants attaquent les textes en justice.

Ils étaient des “marcheurs” et des “helpers”, concentrés autour d'un homme providentiel, avec pour seul objectif de faire d'Emmanuel Macron le nouveau président de la République. Une fois cet objectif atteint, au-delà des espérances, vu l'écrasante majorité parlementaire qui a suivi l'élection de leur héraut, le temps est venu de se structurer pour espérer pouvoir durer. Le dimanche 30 juillet prochain, La République en marche (LREM) va ainsi se muer en parti. Il est très probable qu’à l’issue de la consultation par voie électronique de ses adhérents, ses statuts soient ainsi adoptés.

Tour d'horizon des enjeux et des contraintes qui vont entourer le plus dur qui commence : s'inscrire dans la durée d'un monde politique espéré comme « nouveau », mais qui doit quand même passer par des rites « anciens »…

 

25 % tirés au sort, 75 % cooptés

Sur le papier, les comités locaux « constituent le socle fondamental du parti » : n’importe qui peut en créer un, choisir son mode de fonctionnement, y entrer, sans s'acquitter d'une cotisation. Il y a « un référent territorial » par département, ou plus si la densité du territoire l’exige. Celui-ci est nommé par le bureau exécutif et approuvé par le conseil national. Mais il n’a pas de « lien de tutelle avec les comités locaux, il n’a pas le droit de donner d’ordre », explique Anne Descamps, porte-parole du mouvement. Ces référents territoriaux constituent, avec les élus – parlementaires, présidents de collectivités, maires –, 75 % du « Conseil national », le parlement du parti. Les 25 % restants se décomposent en 20 % d’adhérents et 5 % d’animateurs locaux tirés au sort.

Ce scrutin a donné lieu à la première fronde interne du “mouvement-parti”. Trente-deux adhérents ont en effet déposé un référé au tribunal de grande instance de Créteil pour faire annuler la consultation, dénonçant le non-respect des statuts actuels d’En Marche!, qui prévoient un délai d’un mois entre la convocation à l’assemblée générale électronique et le début de celle-ci. Or les adhérents ont reçu leur convocation le 8 juillet et le scrutin a démarré le 23. 

 

« Aristocratie de droit divin »

Ce vice de forme vient s’ajouter à un certain nombre de griefs de fond de ces trente marcheurs qui réclament le report du vote. « 75 % des membres du Conseil national sont des référents départementaux, nommés par la direction nationale, ou des élus, élus par le peuple, certes, mais après avoir été choisis par la commission nationale d'investiture qui dépend directement du bureau exécutif », détaille Rémi Bouton, porte-parole du collectif La démocratie en marche. Il s’inquiète également du seuil de 20 % de comités ou d'adhérents à atteindre pour pouvoir soumettre une question au bureau exécutif, ou encore des deux tiers des adhérents à réunir pour réviser les statuts, quand le bureau exécutif peut le faire à n’importe quel moment. Or En Marche! compte aujourd’hui officiellement 375 000 adhérents et 3 200 comités locaux.

Après la convention sur les statuts, le 8 juillet dernier, les membres de Denfert, le comité parisien de Rémi Bouton, avaient discuté de ce qu’ils auraient voulu inscrire dans ces statuts. « Nous aurions voulu élire les référents plutôt que de se les voir imposer par le national, que ce soient des binômes paritaires plutôt qu’une seule personne, que les instances nationales soient élues. Et aussi que l’on mette en place la “civic-tech”, des outils de collaboration entre comités locaux, des plates-formes pour inventer un nouveau type de démocratie. » À la réception du projet de statuts, c’est le désenchantement. « La défiance envers les adhérents était à tous les étages, explique le “marcheur”. Ils voulaient supprimer les baronnies des partis traditionnels ? Ils les remplacent par une aristocratie de droit divin ! Les adhérents ne sont pas un tiers état, nous sommes un “quart état” ! »

 

 « Plafond de verre »

Comment quelqu’un qui, il y a quelques mois, se lançait à corps perdu dans l’aventure En Marche!, en est-il arrivé à une telle amertume ? « J’ai adhéré parce que je trouvais qu’Emmanuel Macron était séduisant. Ancien des radios libres, j’aime expérimenter. Mais lorsque je proposais des choses, mon référent territorial agissait souvent en verrou. Il ne nous rapportait pas beaucoup d'informations de ce qui se passait au “QG”. Il y avait comme un plafond de verre qui nous empêchait de prendre part à ce qui se passait dans les hautes sphères du mouvement. Nous, nous avions juste le droit de parler de militantisme, de faire les petites mains. Mais la politique était ailleurs. C’était très frustrant », témoigne Rémi Bouton. Dans un premier temps, le militant se tait, comprenant la nécessité d’une « opération commando » en vue des élections, et « pour ne pas faire de mal au mouvement ». « Mais sur les statuts, rien ne nécessitait un tel empressement », juge-t-il. 

La parole de Rémi Bouton et de ses camarades se heurte pour l'instant à un mur d'hostilité, du moins de la part des militants présents à la convention du 8 juillet que nous avons recontactés. Lorsqu'elle a vu les dissidents à la télévision, Rozenn, du comité d'Issoire, a tout de suite envoyé un message à son référent départemental pour lui demander ce que c'était que ce « bazar » : « Les législatives ont eu lieu il y a seulement deux mois ! Il faut laisser le temps au temps au lieu d'alerter tout le monde au moindre problème ! Mais bon, les gens veulent faire parler d'eux. » L'absence d'élections internes ne la dérange pas plus que cela : « Dans les autres partis, on élit des gens et pourtant, certains restent plus puissants que d'autres. » Son camarade Jacques-François, coréférent territorial en Côte-d'Or, relativise : « Trente personnes, c'est minime au vu du nombre d'adhérents. Il y a toujours des mécontents, des personnes aigries de n'avoir pas eu de poste. » Lui aussi défend le fonctionnement vertical du parti : « Pour l'instant, nous sommes dans une phase de création, nous avons besoin de gens compétents. Ils sont nommés seulement pour trois ans, au-delà, ça bougera. »

 

Une direction recrutée sur C.V. 

Du côté d’En Marche!, on assume sans complexe que le parti ne soit pas démocratique. « Nous ne voulons pas de strates, de corps intermédiaires qui captent la voix des adhérents. Nous ne voulons pas non plus des élections que proposent ceux qui s’opposent aux statuts, car la désignation nous permet de sélectionner des profils, des compétences, et de maintenir la parité. Revenons au principe de réalité : les élections au niveau local, c’est cela qui enkyste les partis », explique Anne Descamps. Comme dans une entreprise, c’est donc sur C.V. que les « référents territoriaux » sont recrutés par le bureau exécutif.

Anne Descamps préfère concentrer son discours sur l’innovation que constitue le tirage au sort d’un quart du parlement du parti : « Je préfère la démocratie directe à la démocratie indirecte. Nous sommes le seul parti qui permette aux adhérents de siéger de manière fixe dans les instances qui ont le pouvoir de désigner la direction exécutive du parti. Alors que d’habitude, les adhérents n’ont aucun rôle dans ces instances. » Sauf, peut-être, celui de les élire et de les réélire, ou pas.

 

 

Régler les problèmes par la hiérarchie

Un système qui « fonctionne si chacun joue son rôle », explique Anne Descamps. Elle le concède, le staff d’En Marche! a identifié « des verrous », « des relations interpersonnelles compliquées » : des conflits. « La réponse à ces verrouillages, ce ne sont pas des élections, c’est plus de fluidité. » Comprendre : en cas de crise ouverte, la direction nationale nommera un nouveau référent à la place du premier.

La porte-parole souligne aussi que les process mis en place par En Marche! ont permis de « solutionner » une partie de ces problèmes. « Avant le vote en lui-même, nous avons lancé une consultation sur des projets de statuts. Nous avons récolté 2 500 retours et pris en compte certaines demandes. Les référents territoriaux pourront être évalués de manière formalisée, ils pourront être soumis à un vote de confirmation sur proposition du bureau exécutif, et les comités locaux auront la possibilité de proposer un candidat », explique la cadre d’En Marche!

 

Des baronnies par le haut

« Les statuts d’En Marche! laissent aux comités locaux une grande autonomie, contrairement aux sections des partis. On remarque une absence de leader, qui marque le refus de la personnalisation. Mais surtout, surtout, il y a une absence totale de contrôle des adhérents sur les dirigeants », analyse Frédéric Sawicki, professeur de sciences politiques à Paris I.

Selon le politologue, l’absence d’intermédiaires est un leurre. « Les intermédiaires existent, mais ils sont désignés par le haut. Ce sont les référents territoriaux, sortes de préfets du parti. » Pour lui, mettre la formation de baronnies sur le compte des statuts, quels qu’ils soient, est une erreur. « Ce ne sont pas les statuts des anciens partis qui ont créé les baronnies, ce ne sont pas eux qui peuvent les empêcher dans les nouveaux partis. Il sera d’autant plus facile pour un maire de faire main basse sur le parti grâce à sa puissance – comme ce qui se passe actuellement à Montpellier – qu’il n’y a pas d’élections internes, pas d’élus qui peuvent rendre compte. Si vous ne précisez pas les droits des adhérents, qui va définir les règles ? Les plus puissants. »

 

« Néogaullisme »

Autre problème soulevé par Frédéric Sawicki, celui de la gratuité de l’adhésion. « Il n’est précisé aucune périodicité pour renouveler son adhésion. N’importe quel élu peut faire adhérer des dizaines de gens en un simple clic pour faire voter des choses, sans aucun contrôle. Si on ajoute la question de la possibilité de double appartenance, En Marche! peut être capté par n’importe quelle autre force politique. Il faut lier ces deux questions avec l’absence de pouvoirs des adhérents », décrypte le chercheur. L’impuissance des comités locaux expliquerait donc leur totale liberté. Cette liberté elle-même expliquerait pourquoi pas un centime des millions d’euros de subventions touchées par le parti après les élections ne sera reversé à ces comités sans passer par un appel à projet… piloté par le national.

« Nous sommes donc dans un système très centralisé, néogaulliste, quasi militaire, fait pour défendre une personne », juge Frédéric Sawicki, qui fait même un parallèle avec « le PC [le Parti communiste] de la grande époque, où les permanents étaient payés pour s’assurer que les militants restaient dans la ligne ». « Les chefs d’entreprise peuvent s’insérer dans ce système, sur le mode “tout le monde derrière le CA [conseil d'administration] !”. Mais pour les ex du parti socialiste, même ceux du Nouveau Centre, ou encore les gens issus du monde associatif, ça va être plus difficile. Cela sera-t-il compatible avec le rapport actuel, critique, aux institutions ? » s’interroge le politologue. À court terme, il doute surtout que le parti puisse se lancer dans les élections municipales sans faire vivre, y compris financièrement, les comités locaux.

 

Lanceurs d’alerte

Cette rigueur formelle a déjà suscité l’explosion publique de trente “marcheurs”. Leurs vaines tentatives de rencontrer les membres du QG, puis Jean-Paul Delevoye, et même Emmanuel Macron lui-même, les poussent à porter leur différend devant la justice, et à le médiatiser. Une seule possibilité pour que les statuts ultra-centralisateurs d’En Marche! ne soient pas adoptés : que la justice l’empêche. Résultats le 1er août. « Si on ne gagne pas, on aura lancé une alerte », estime Rémi Bouton.

 

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