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4 août 2017 5 04 /08 /août /2017 05:33

Députés et sénateurs vont pouvoir souffler, la loi d'habilitation autorisant le gouvernement à réformer le code du travail par ordonnances va être votée jeudi. Mais l'essentiel des mesures restent à préciser, en dehors de tout débat et dans un temps record. Un déni de démocratie sociale et politique.

Le rideau tombe provisoirement sur la loi travail, saison 2. Ce mercredi 2 août, le Sénat a adopté « le projet de loi d’habilitation à prendre par ordonnances les mesures pour renforcer le dialogue social », après l'Assemblée nationale le mardi 1er. Cela marquera la fin – provisoire – d’un feuilleton qui a débuté fin mai avec les premières consultations entre les partenaires sociaux et le président de la République, puis fin juin devant les députés de la commission des affaires sociales.

Mère des batailles macroniennes, que le président de la République a voulu mener en blitzkrieg au nom de l’urgence sur le front de l’emploi, cette réforme va bouleverser des pans entiers du code du travail et modifier en profondeur les règles qui régissent les relations entre syndicats et employeurs. Ce ne sont pas de petits sujets, ni des peccadilles à la marge. Il s’agit bien de grandes mutations que propose le nouveau pouvoir, fin prêt à tailler un peu plus dans les protections des salariés en assouplissant les règles du licenciement, en accélérant la mise en œuvre de plans sociaux ou en limitant l’accès aux prud’hommes.

En complément, le nouveau pouvoir s’entête à changer le mode d’emploi des relations sociales dont le sommaire a pourtant été réécrit très récemment avec la loi El Khomri d’août 2016 et la loi Rebsamen d’août 2015, sans que personne puisse à ce jour en connaître les effets malgré la promesse présidentielle de mieux évaluer les dispositions législatives.

Mediapart a documenté au fil des consultations entre les partenaires sociaux et le cabinet de la ministre du travail les évolutions majeures qui toucheront la vie même des salariés. Ce fut une étrange période, à partir du mois de juillet, où syndicats et organisations patronales se rendaient rue de Grenelle discuter de points hautement sensibles, comme l’instauration de l’instance unique du personnel ou la mise en place d’un barème obligatoire concernant les indemnités prud’homales, alors même qu’à 500 mètres de là, à l’Assemblée nationale, les députés votaient déjà lesdites dispositions.

Malgré cette illusion d’un parfait respect du dialogue qu’a souhaité donner le pouvoir, entretenue par certains négociateurs trop heureux de revenir dans le jeu de la discussion ou trop inquiets de regarder se détricoter le code du travail sans être à la table des pourparlers, la démocratie sociale a bel et bien été niée. Pour s’en convaincre, il suffisait de regarder la majorité parlementaire aphone et sourde, ne prêtant aucune attention aux inquiétudes syndicales et aux amendements de l’opposition les relayant, voter en bons soldats l’ensemble des dispositions mises à la discussion par un gouvernement bulldozer.

L’Élysée va trancher

Ce qui s’est joué depuis deux mois n’est donc ni plus ni moins que la victoire des cabinets ministériels sur les partenaires sociaux, la ministre du travail n’étant jamais présente lors des consultations. Ce qui se profile aujourd’hui va être la domination de l’Élysée qui, grâce à la technostructure de la direction générale du travail à la plume, va trancher dans le vif, à l’abri des regards.

Chacun leur tour, à partir du 21 août, les représentants des salariés et des employeurs vont certes être consultés, assure-t-on au ministère afin de prolonger la fable du dialogue social. Mais organisations syndicales et patronales n’auront, en tout et pour tout, qu’une petite semaine pour donner leur avis sur près de 200 pages d’ordonnances ultra-techniques, où chaque mot, chaque virgule, chaque formulation pèseront de tout leur poids sur l’orientation de la loi que l’on sait déjà fortement imprégnée des obsessions du Medef. La demande syndicale d’organiser une plénière où tous les « négociateurs » pourront échanger en un même lieu, dans le même temps et sur les mêmes contenus a été repoussée.

Le calendrier ultra-serré de la réforme se comprime à mesure que l’été avance. Le 28 août, les ordonnances seront soumises au conseil d’État alors que les syndicats les auront juste découvertes. Le 20 septembre, elles devront être adoptées en conseil des ministres, puis paraîtront au Journal officiel la semaine suivante. La boucle sera donc bouclée d’une séquence à la densité folle en termes de cadence. En revanche, elle laissera l’image d’une inutilité profonde du débat, ignorant le respect de la démocratie. Donnant ainsi à voir, en creux, un pouvoir tout à son assurance dévastatrice.

 

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4 août 2017 5 04 /08 /août /2017 05:31

 

La nomination d'un premier ministre de droite, épaulé par deux ministres de la même tendance à Bercy, disait déjà de quel côté penchait le candidat Macron derrière son faux nez du « en même temps » de gauche et de droite. Lorsque, le 10 juillet dernier, le quotidien des milieux d'affaires britanniques « Financial Times » lui fait remarquer que ses baisses d'impôts pour les riches sont le signe d'une politique « plutôt » de droite, le président de la République répond tout de go : « Et à quoi vous attendiez-vous ? » En vérité, ce « en même temps », laissant croire qu'on pouvait à la fois mener une politique de gauche et de droite, ne visait qu'à tromper les gens en cachant le fond d'une vieille politique néolibérale qui partout sème inégalités, chômage et précarité.

Une vieille politique qui laisse la multitude de celles et ceux qui ont donné de la force à la France sur le bord de la route. Cela est théorisé depuis les couloirs du Château et résumé dans cette phrase qui, loin d'être une maladresse, est un fondement : « Les gens qui réussissent et les gens qui ne sont rien. » Ces derniers seront encore plus relégués avec les insupportables dernières décisions. Le pouvoir enlève 5 euros par mois à plus de 6 millions de personnes allocataires des aides personnalisées au logement, ceux-là mêmes qui terminent le mois à 10 euros près. Alors que les cadeaux fiscaux aux plus fortunés se multiplient, il fait bloquer les salaires et veut augmenter la CSG. Tout entier 11 se dévoue au service des puissances d'argent et se montre insensible aux souffrances des plus défavorisés, au point de décider de laisser basculer des millions de jeunes, de travailleurs et de privés d'emploi dans le « rien » de la pauvreté et de la souffrance sociale.

Pire, avec ce nouveau régime, les plus faibles paient pour garnir les comptes en banque des plus riches et non pas pour réduire quelque déficit que ce soit, selon les nouvelles fables destinées à hypnotiser les foules. La Commission européenne, le Fonds monétaire international et les milieux financiers se réjouissent du programme présidentiel de droite : flexibili-sation et précarisation du travail, et réduction des crédits publics utiles pour satisfaire aux demandes des petits comptables de Bruxelles ou de Berlin. C'est la voie de l'aggravation des injustices, inefficace de surcroît en empêchant la nécessaire relance créatrice d'emplois et permettant la transition environnementale. Les nouveaux transferts de richesse aux forces de l'argent ne font qu'alimenter une bulle financière qui pourrait replonger le monde dans les affres d'une nouvelle crise financière fatale aux petites entreprises, aux banques coopératives, à l'emploi et aux services publics.

On ne peut investir dans l'avenir pour éduquer, soigner mieux les gens, loger ou transporter tout le monde en respectant l'environnement, mieux informer ou permettre à chacun de se cultiver avec moins de services publics, ou en privatisant leurs missions. Il n'y a pas non plus d'efficacité économique et même d'amélioration de la productivité dans un gouffre d'inégalités.

Il est donc d'intérêt général de ne pas laisser faire. Que le s étudiants et tous les autres qui vont se voir amputés d'une partie de l'allocation logement, les jeunes privés de place à l'université, les collectivités et tous leurs administrés qui risquent d'être privés de services publics locaux, celles et ceux qui ne supportent pas qu'on réduise l'aide publique au développement alors que le pouvoir renonce au projet de taxation des transactions financières, toutes celles et ceux qui ne supportent pas cette dérive visant à inclure l'état d'urgence dans la loi, qui vont subir les nouveaux reculs sociaux et démocratiques contenus dans le nouveau projet de loi improprement baptisé « travail », si tous ceux-là se manifestent et manifestent sans attendre, alors l'intérêt public sera dans de bonnes mains.

À l'inverse, laisser faire préparerait des désenchantements douloureux et dangereux, au cœur d'une crise aggravée de la démocratie et de la politique. Les désillusions doivent se transformer en force du changement et non contribuer aux pires régressions. Toutes les occasions de se rencontrer pour préparer dans l'unité les nécessaires ripostes et pour ouvrir d'autres chemins seront les bienvenues. Il en est une à ne pas manquer, dont le retentissement, s'il est suffisant, sera utile à toutes les autres. Telle est en effet la vocation de la prochaine Fête de l'Humanité, dont le succès se prépare au cœur de l'été en tenant le plus grand compte du mécontentement qui grandit à l'égard de la politique gouvernementale. Nul doute que seront nombreux nos concitoyens qui répondront positivement aux propositions d'achat du bon d'entrée. Encore convient-il que la démarche soit très largement démultipliée en une foison d'initiatives. À ce prix, la Fête de l'Humanité pourra se situer au niveau que réclame l'offensive des forces de l'argent roi et de leurs mandataires politiques installés au pouvoir.

 

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3 août 2017 4 03 /08 /août /2017 05:47

 

« Ce chien est à moi, disaient ces pauvres enfants. C'est là ma place au soleil. Voilà le commencement et l'image de l'usurpation de toute la terre », a écrit Pascal dans ses Pensées. Muriel Pénicaud, ministre du Travail, n'est pas une pauvre enfant, loin s'en faut, et elle n'est pas née de la dernière pluie, mais elle y tient. Ce million est à moi, c'est le prix de ma place au soleil. Chez Danone, comme l'écrit Pierre Ivorra dans nos pages, huit autres cadres dirigeants du groupe ont ainsi usé de leur place au soleil pour un montant de près de 5 millions d'euros, s'appuyant sur la hausse du cours de l'action au moment où le groupe annonçait 900 suppressions d'emplois. Ce n'est pas illégal, certes, et Mme Pénicaud s'estime blessée par des mises en cause « absurdes » qui relèveraient du « voyeurisme ».

Eh bien non, Madame la ministre du Travail. Enquêter sur les pratiques financières et les rémunérations des dirigeants d'un grand groupe du CAC 40, ce n'est pas du voyeurisme, c'est un devoir civique et une responsabilité sociale. Révéler dans quelles conditions les uns s'enrichissent par un coup de Bourse quand d'autres se dirigent vers la sortie et le chômage, c'est une œuvre de salubrité publique. Révéler, comme nous le faisons aujourd'hui, que plusieurs de ces mêmes dirigeants font partie des proches, comme vous-même, du président de la République, c'est poser la question majeure des liens d'un gouvernement avec la haute finance.

Quelle tartufferie que de vanter une loi de moralisation de la vie publique, de quelque nom qu'on la baptise, quand il devient clair que ce pouvoir est celui d'une caste, que c'est, oui, sa place au soleil, que c'est l'une des images de l'usurpation de la terre par les « élites » du capital mondialisé. Et vous êtes à la manœuvre, Madame, pour casser le Code du travail, limiter les indemnités prud'homales pour les salariés abusivement licenciés, « assouplir » les procédures légales de licenciement ! Oh, c'est vrai, vous n'êtes pas seule. Mais justement. Ça suffit. « Cet ordre est injuste, écrivait Bossuet. Il faut que les choses changent. »

 

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3 août 2017 4 03 /08 /août /2017 05:43

SUITE DE NOS RÉVÉLATIONS SUR DES PRATIQUES ET DES PARCOURS EMBLÉMATIQUES DU SYSTÈME QUI SOUTIENT LE NOUVEAU POUVOIR.

La ministre du Travail, Muriel Pénicaud, n'est pas la seule en cause dans le scandale des plus-values réalisées par les dirigeants de la multinationale. Où l'on découvre que plusieurs administrateurs ont fait partie des équipes du candidat Macron.
PENDANT QUE MURIEL PÉNICAUD ET SES COLLÈGUES EMPOCHAIENT LE PACTOLE, 900 POSTES DE CADRE ÉTAIENT SUPPRIMÉS CHEZ DANONE EN 2013. LA GARDE PLUS OU MOINS RAPPROCHÉE DU CANDIDAT EMMANUEL MACRON

 

Ce n'est plus seulement l'affaire Pénicaud, du nom de la ministre du Travail, c'est aussi l'affaire Pénicaud & Co, celle des méthodes de pirate qui ont cours au sein des mastodontes du CAC 40, l'indice de la Bourse de Paris qui regroupe les sociétés à base française les plus puissantes, et, enfin -- de manière plus inattendue comme on le verra --, celle de la filière « yaourt » de la Macronie.

Premier fait établi : en plus de Muriel Pénicaud, alors directrice des ressources humaines (DRH), ils sont huit des dix membres du comité de direction de Danone, le géant français de l'agroalimentaire, à avoir réalisé au total 4,8 millions de plus-values grâce à la vente d'actions de leur entreprise, boostées par l'annonce d'un plan de 900 suppressions d'emplois de cadre en Europe, dont 230 en France.

La plus-value de Muriel Péricaud est la deuxième plus importante ; elle se monte à 1,1 million d'euros. Mais le conseil d'administration de Danone a aussi une grande responsabilité. C'est lui en fait qui décide des rémunérations des cadres dirigeants, des salaires, de l'attribution de stock-options ou d'actions gratuites. Et surprise ! On découvre que sur les 15 personnalités siégeant au conseil d'administration, plusieurs vont en 2016 ou 2017 s'engager au sein des équipes d'Emmanuel Macron, tout comme Muriel Pénicaud.

Les petites affaires des macroniens issus du groupe Danone

L'Humanité du 27 juillet a révélé l'affaire Pénicaud.

 

L'examen dans le détail des publications de Danone montre que le scandale Pénicaud n'affecte pas que l'ancienne DRH du groupe. La quasi-totalité du comité de direction est impliquée, bénéficiant au total de près de 5 millions d'euros de plus-values. Récapitulons l'affaire. L'Humanité du 27 juillet dernier révèle que l'actuelle ministre du Travail a réalisé en 2013 une plus-value de 1,13 million d'euros sur des stock-options perçues en tant que directrice des ressources humaines (DRH) de Danone, profitant de la flambée en Bourse qui a suivi l'annonce de suppressions d'emplois du groupe en Europe et en France.

LE JACKPOT DES STOCK-OPTIONS

Rappelons comment marche le jackpot des stock-options. Si le conseil d'administration d'un groupe décide de récompenser une équipe de direction pour sa gestion jugée favorable aux actionnaires, il peut lui attribuer des stock-options. Ces stock-options ne sont rien d'autre que des autorisations d'achat d'actions de la société à un prix avantageux, fixé à l'avance. Au bout de quelques années ­ quatre le plus souvent ­, le bénéficiaire peut lever l'option, acheter les actions proposées à faible prix et les revendre au prix fort. C'est ce qui s'est passé chez Danone.

Le 19 février 2013, le groupe détaille le plan de suppression d'emplois annoncé en décembre 2012 et comme le souligne le journal le Monde ce même 19 février, ce plan est « salué à la Bourse de Paris par une hausse du titre Danone de 5 % dès l'ouverture ». La DRH du groupe et le comité de direction ne peuvent alors ignorer l'information. Durant cette période, le cours de l'action Danone évolue ainsi : 48,07 euros fin décembre 2012, 52,101 euros fin février, 58,41 euros fin avril 2013 lorsque Muriel Pénicaud vend ses titres. Elle les a achetés 34,85 euros l'unité. Elle réalise une plus-value de 23,46 euros par action, le bonus total, compte tenu du nombre d'actions vendues, s'élève à 1,13 million d'euros.

Une somme plus que rondelette qui s'ajoute à la rémunération courante versée par le groupe à sa DRH. Lors de sa nomination comme ministre du Travail, en 2017, Muriel Pénicaud déclare à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) avoir perçu les rémunérations suivantes lors de ses dernières années d'activité chez Danone : 1,2 million d'euros en 2012, 1 , 14 m i l l ion en 2013,2,4 millions en 2014. On suppose que ces sommes n'intègrent pas le 1,1 million d'euros de plus-value. S'ajoutent à cela les jetons de présence perçus en tant qu'administratrice d'Orange : 39 000 euros en 2012, 58 000 euros en 2013, 30 739 euros en 2014. Mais Muriel Pénicaud n'est pas toute seule à profiter des malheurs du monde. Avec elle, huit autres membres du comité de direction participent à la curée. À eux neuf, ils empochent un pactole de 4,8 millions d'euros (voir encadré) ! 4,8 millions pour 900 postes supprimés, soit 5 371 euros par emploi !

Qui donc a présidé à ce scandale ? Le conseil d'administration, sachant qu'à de rares exceptions, le vote de ces dispositions par les assemblées générales d'actionnaires n'est qu'une formalité. Et surprise ! Que découvre-t-on à l'examen des curriculum vitae des administrateurs ? Trois d'entre eux feront partie quelques années plus tard de la garde plus ou moins rapprochée du candidat Emmanuel Macron. Un quatrième viendra les rejoindre en 2014.

UNE CONCEPTION DE LA GESTION DES ENTREPRISES EST EN CAUSE

Le plus « capé » en 2013 est Jean-Michel Severino, sorte de Monsieur Afrique d'Emmanuel Macron. Il est l'ancien directeur général de l'Agence française du développement. Deuxième administrateur de Danone, agent actif de la filière yaourt de la Macronie, Jacques-Antoine Granjon, patron de Vente privée, un site en vogue de vente sur Internet. Suit, enfin, le trublion de cette filière lactée installée alors au conseil d'administration de Danone : Bruno Bonnell, ancien patron d'Infogrames puis dirigeant d'une société de robotique. Candidat de la République en marche à Villeurbanne, il a débarqué Najat Vallaud-Belkacem aux législatives et a été élu député.

Durant la campagne électorale, Mediapart l'a mis en cause pour avoir créé une société dans un paradis fiscal, au Delaware, aux États-Unis. Viendra les rejoindre en 2014 une recrue de poids : Lionel Zinsou, promu récemment président du think tank Terra Nova, un groupe de réflexion et de proposition proche du PS il y a peu encore, mais qui tend à se macroniser. L'homme, un Franco-Béninois, a été premier ministre du Bénin, petit État africain coincé entre le petit Togo et le grand Nigeria. Ancien de la banque Rothschild, comme Macron, il a été l'un des conseillers pour l'Afrique de ce dernier lors de la campagne électorale. En 2017, trois de ces hommes siégeaient toujours au conseil d'administration de Danone. Bruno Bonnell, lui, n'a pas été reconduit. Évidemment, rien ne donne à penser qu'il y a eu action concertée entre les futurs macroniens du conseil d'administration et la future macronienne du comité exécutif, c'est un système qui est en cause, une culture (lire ci-contre), une conception de la gestion des entreprises pour laquelle les salariés ne sont que des pions. C'est aussi cela qu'il faut changer.

UN PACTOLE DE PRÈS DE 5 MILLIONS D'EUROS

Sur les dix membres du comité exécutif de Danone en 2013, neuf ont levé des options d'achat d'actions de Danone puis les ont vendues, réalisant ainsi en cumulé 4,8 millions d'euros de plus-values. Trois personnes, liées respectivement à Franck Riboud, le PDG du groupe,Emmanuel Faber, directeur général délégué, et Bernard Hours, autre DG délégué, ont gagné au total 714500 euros.

Bernard Hours lui-même a empoché 646000 euros; Francisco Camacho, directeur de la division eaux, 108000 euros; Thomas Kunz, directeur du pôle produits laitiers, 1,3 million d'euros; Félix Martin, directeur général de la division nutrition infantile, 97000 euros; Flemming Morgan, directeur de la nutrition médicale, 750000 euros; JeanPhilippe Pare, directeur R&D, 131000 euros.

Enfin, Muriel Pénicaud a touché 1,13 million d'euros.

___________________________________________________________________

MISÈRE ! EN 2009, FRANCK RIBOUD ÉTAIT LE PATRON LE MIEUX PAYÉ DE FRANCE, AVEC UNE RÉMUNÉRATION DE 4,7 MILLIONS D'EUROS. MAINTENANT QU'IL N'EST PLUS PDG DE DANONE, IL NE PERÇOIT PLUS QUE 2 MILLIONS D'EUROS PAR AN...
21,94 C'EST, EN MILLIARDS D'EUROS, LE MONTANT DU CHIFFRE D'AFFAIRES DE DANONE EN 2016.

 

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2 août 2017 3 02 /08 /août /2017 09:31

On croyait dimanche avoir vu un grave accident industriel. Le trafic en gare Montparnasse était hier encore largement perturbé, sans que les causes en soient connues. Des dizaines de milliers de passagers, très majoritairement attachés au service public, comme de cheminots, qui ont la fierté de leurs missions chevillée au corps, ont vécu des moments parmi les plus pénibles qui soient. Ce qu'il s'est passé, et singulièrement à cet endroit-là, atteint le paroxysme d'une dégradation généralisée, largement aussi incontestée que la rotation de la Terre autour du Soleil. Et c'est bien là où le bât blesse. « On sait qu'il y a eu un problème de gestion des priorités à la SNCF pendant de longues années. On a priorisé les lignes à grande vitesse aux dépens des lignes de proximité et c'est ça qu'on va corriger dans les semaines, les mois et les années qui viennent », déclare le député LREM préposé à la parole officielle sur les ondes de France Inter. On retrouve là l'argumentaire déployé de chef de l'État en ministre des Transports, qui porte une « loi de programmation » prévue dès le premier semestre 2018.

Oui, il y a urgence. Mais pour agir dans quel sens ? Les syndicats, fédération des cheminots CGT en tête, ne manquent d'alerter et d'interpeller l'État actionnaire sur l'état du réseau, mais aussi sur des choix de gestion qui cassent les savoir-faire et nourrissent une privatisation larvée, de sous-traitance en cascade en filialisation à tout-va. Tous comme les élus de gauche, comme en Occitanie, et singulièrement communistes, à qui l'on doit d'avoir ferraillé pour obtenir la modernisation incontestable du matériel TER dans maintes régions.

Après avoir livré à Vinci le jackpot de la LGV Paris-Bordeaux, il est assez cynique d'entendre le pouvoir parler d'arrêter les « grands projets inutiles », tandis que les présidents de droite de régions, tel Bruno Retailleau en Pays de la Loire, entament, sans que rien ni Bruxelles les y obligent, la mise en concurrence de la SNCF. Tout comme mettre en avant la ruralité pour pousser les feux de la priorité à la route, à voir le bilan social désastreux des cars Macron. Voilà qui ajoute aux raisons de se mobiliser très largement à la rentrée contre l'emballement dans la casse d'atouts publics au nom de logiques qui les minent de l'intérieur.

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2 août 2017 3 02 /08 /août /2017 09:09

Le député communiste Alain Bocquet à l’Assemblée nationale, en février dernier défendant le projet de COP fiscale. Mousse/E-Presse Photo.com

 

L’Assemblée nationale l’avait validée cet hiver, mais Matignon laisse au point mort la proposition de COP fiscale des députés communistes.

 

Il faut remonter au 2 février dernier pour avoir des nouvelles parlementaires de la COP (conférence des parties) fiscale mondiale. C’est en effet ce jour-là que l’Assemblée nationale validait la proposition du député communiste Alain Bocquet et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine (GDR) pour que la France propose une COP fiscale, reprenant le principe de la COP21, liée pour sa part aux enjeux climatiques et écologiques (lire notre édition du 3 février). « Comme les gaz à effet de serre font des trous dans la couche d’ozone, les paradis fiscaux et l’opacité créent des gouffres dans la finance mondiale », avait déclaré l’élu du Nord, dont c’était le dernier mandat. Depuis, plus rien. Le texte avait pourtant été bon train dans l’Hémicycle puisque, malgré l’abstention de la droite, la commission des Affaires européennes à l’Assemblée nationale comme celle des Finances l’avaient elles aussi adopté.

 

« Contre l’évasion fiscale » et « pour la laïcité financière »

Pourtant, si le travail parlementaire avait avancé depuis cette date, la France serait bien partie pour prendre la tête de la lutte « contre l’évasion fiscale » et « pour la laïcité financière ». L’évasion fiscale prive les comptes publics de la France de près de 80 milliards d’euros et est aujourd’hui « organisée, généralisée au cœur du système financier », décrivait Alain Bocquet. Dans le discours de politique générale du premier ministre, Édouard Philippe, elle était malgré tout passée sous silence alors même que ce dernier disait vouloir moraliser la vie publique. « Mais l’indécence de l’argent, elle crève les yeux ! » tonnait Pierre Laurent, sénateur de Paris, dans son intervention en réponse au discours d’Édouard Philippe. Le premier secrétaire du PCF relevait d’ailleurs que celui-ci ne disait « rien de l’évasion fiscale, qui coûte 80 milliards par an au pays, rien de la résolution votée à notre initiative par l’Assemblée nationale pour une COP fiscale mondiale ». À l’Assemblée nationale aussi, les communistes rappellent l’engagement des députés qui ont voté la résolution à la quasi-unanimité dans la précédente mandature. Mais là encore, alors que le 20 juillet dernier le député du Nord Fabien Roussel demandait au gouvernement ce qu’il comptait faire pour agir contre les paradis fiscaux en citant « la belle idée d’une COP fiscale et financière », les ministres ont botté en touche. Dans sa réponse, le ministre des Finances, Bruno Le Maire, a réussi à ne pas dire un mot sur cette dernière, arguant que la France était « à la pointe de la dénonciation des paradis fiscaux » dans le cadre du G20. Pas assez pour faire rentrer les dizaines de milliards d’euros concernés dans les caisses apparemment.

 

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2 août 2017 3 02 /08 /août /2017 09:05

Simulacre de négociations à huis clos, organisations syndicales écartées, Parlement réduit à une armée de scribes... Tout autant que nos droits, c'est la démocratie qui est en danger !

 

Primauté à l'accord d'entreprise, licenciement sans contrainte, précarité démultipliée... Le projet de loi d'habilitation du gouvernement à modifier le Code du travail par ordonnances, adopté par le Conseil des ministres du 28 juin, manifeste sa volonté de réduire à néant les droits des salariés. La CGT appelle à manifestation et grève le 12 septembre. Et le 9, le collectif Pour nos droits sociaux organise un meeting unitaire (1). Décryptage du projet.

 

Ce projet de loi d'habilitation se décline en neuf articles, dont six principaux. En voici l'essentiel.

 

ARTICLE 1. Un code du travail par entreprise

L'objectif revendiqué est de « reconnaître et attribuer une place centrale à la négociation collective notamment d'entreprise ». En fait, cet article consacre l'inversion de la hiérarchie des normes : l'accord d'entreprise deviendrait la règle. Preuve en est qu'il est précisé que l'article 1 devra définir les domaines dans lesquels l'accord d'entreprise ne pourra pas déroger à l'accord de branche et les domaines dans lesquels l'accord de branche pourra interdire toute dérogation. Il prévoit aussi d'« harmoniser le régime juridique » du licenciement en cas de refus par le salarié des modifications de son contrat de travail induites par un accord d'entreprise. Le texte ne dit pas quelles modifications le gouvernement veut apporter. On peut craindre qu'il ne remette en cause l'assimilation de ce licenciement à un licenciement économique afin de dégager l'employeur de ses obligations (indemnités, reclassement, priorité à la réembauche...)

Il entend donner une présomption de légalité aux accords d'entreprise.

Il reviendra donc à celui qui conteste de démontrer son illégalité. Pis, cette contestation ne pourra être faite que dans un délai qui reste à fixer après signature de l'accord. Autrement dit, un texte dont on découvrirait, hors délais, qu'il ne respecte pas la loi ne serait plus attaquable. Et, cerise sur le gâteau, si un juge venait à déclarer illégal(e) tout ou partie d'un accord, il pourrait moduler « l'effet dans le temps de sa décision ». C'est-à-dire que le texte pourrait continuer à s'appliquer encore un certain temps...

Un accord d'entreprise pourra déterminer la périodicité et le contenu des consultations et des négociations obligatoires. Fini les négociations annuelles obligatoires (NAO) sur les salaires, un patron pourra, si ça lui chante, imposer une périodicité de 2, 3 ou même 20 ans !

Il entend encore « faciliter le recours à la consultation des salariés ». L'employeur pourra convoquer un référendum d'entreprise pour imposer unilatéralement ses vues au cas où aucun syndicat n'accepterait de signer. Et fixer « les modalités d'appréciation du caractère majoritaire d'un accord ». Cela veut dire qu'il pourra décider de prendre en compte tous les syndicats, même ceux qui ne sont pas représentatifs dans l'entreprise, pour atteindre 50 %.

 

ARTICLE 2. Les instances représentatives du personnel muselées

Sous couvert de « simplification et (de) renforcement du dialogue économique et social » dans l'entreprise, il s'agit de « fusionner en une seule instance les délégués du personnel, le comité d'entreprise (CE) et le comité d'hygiène et de sécurité desconditions detravail (CHSCT)». La généralisation des délégations uniques du personnel (DUP) permet d'affaiblir les représentants du personnel. Dans les entreprises de moins de 600 salariés ayant opté pour une DUP, le nombre d'élus du personnel est inférieur à celles ayant conservé trois instances représentatives du personnel (IRP) distinctes. Enfin, un élu dans une DUP bénéficie au mieux de 21 heures de délégation, soit une heure de plus qu'un DP, qu'un élu CE et qu'un élu CHSCT, pour assumer à lui tout seul leurs trois fonctions. Outre réduire les moyens, notamment d'expertise, dont disposent les représentants du personnel, la DUP permettrait de faire disparaître les CHSCT, qui sont, en raison de leur droit d'ester en justice, dans le collimateur du patronat.

La DUP serait apte à négocier. Jusqu'à présent, la négociation est du ressort des seuls syndicats représentatifs. Ce qui réduit la possibilité du patronat de faire avaliser ses projets par des syndicats « maison ». Elle protège aussi les négociateurs salariés du chantage patronal.

Pour faire passer la pilule, il s'agirait d'augmenter la présence des salariés dans les conseils d'administration, aujourd'hui obligatoire à partir de 1 000 salariés. Reste que, étant minoritaires et soumis à des clauses de confidentialité, leur présence n'a qu'un intérêt très réduit.

Enfin, le texte vise la mise en place du « chèque syndical », payé par l'employeur, et que le salarié pourra demander afin de financer le syndicat de son choix. Cette mesure est dangereuse car elle crée une subordination financière du syndicat à l'employeur. Et, dans bon nombre d'entreprises, on imagine mal un salarié demander un chèque syndical au profit de la CGT !

Un accord d'entreprise, dont on découvrirait l'illégalité hors délais, ne serait plus attaquable!

 

ARTICLE 3. Licencier, c'est facile

L'article vise surtout à assurer à l'employeur une certaine impunité. Outre la mise en place d'un barème que devra respecter le tribunal des prud'hommes quand il fixera le montant des dommages et intérêt dus à un salarié victime d'un licenciement abusif, l'article prévoit de réduire les délais de recours contentieux pendant lesquels le salarié pourra poursuivre son employeur. Une réduction des délais de prescription au-delà desquels les employeurs ne pourront plus être poursuivis n'est pas écartée.

Il entend faciliter les licenciements en réduisant le risque de les voir annulés pour vice de forme. La mise en place d'un « périmètre d'appréciation » des difficultés de l'entreprise permettra à celles qui font des bénéfices de recourir à des licenciements économiques sans problème. Ce type de licenciement sera moins encadré et les obligations patronales (reclassement, critères d'ordre...) seront revues à la baisse et varieront selon la taille de l'entreprise.

Il s'agit aussi de sécuriser « les plans de départs volontaires ». Disposition particulièrement cynique, alors que beaucoup de départs « volontaires » masquent en fait des départs contraints.

Ce texte va précariser toujours plus les salariés. Ce sont les accords de branche et non plus la loi qui décideront des motifs de recours aux CDD ou à l'intérim, de la durée de ces contrats ou de leur renouvellement sur un même poste. Les branches pourront aussi créer des « contrats à durée indéterminée conclus pour la durée d'un chantier ou d'une mission ». L'employeur n'aura qu'à décréter que le projet est réalisé pour se débarrasser du salarié sans préavis, ni recours. Enfin, le recours au travail de nuit et le prêt de main-d'oeuvre seront facilités.

 

L'ARTICLE 4. Le patronat fait la loi

Il crée un droit d'opposition patronal à l'extension d'un accord. Autrement dit, le Medef disposera d'un vrai droit de censure du gouvernement.

 

L'ARTICLE 5. La pénibilité, quelle pénibilité ?

Ce texte porte un coup sévère à la reconnaissance de la pénibilité. Il autorise le gouvernement à modifier les règles de sa prise en compte, ouvrant la porte à la mise en place de critères « maison » pour la définir ou mesurer l'exposition des salariés.

 

L'ARTICLE 6. Les vices cachés

Cet article « fourre-tout » devra, une fois rédigé, être analysé avec vigilance. Sous couvert de « corriger des erreurs matérielles ou des incohérences », il pourrait servir à introduire de nouvelles mesures hostiles aux salariés.

Les articles 7 et 8 sont des articles techniques autorisant le gouvernement à légiférer par ordonnances. L'article 9, lui, repousse d'un an la mise en oeuvre du prélèvement à la source de l'impôt sur le revenu.

(1) L'appel « pour un Code du travail protecteur des salarié-e-s, non la loi travail XXL » à signer en ligne sur http://pournosdroitssociaux.fr

 

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1 août 2017 2 01 /08 /août /2017 07:24

Malgré les couacs au sein de la majorité, l'Assemblée a voté samedi les lois « pour la confiance dans la vie politique ». Cinq jours de débats pour une réforme étriquée. Récit.

Historique ? « Je n’utiliserais pas ce terme », dit en riant la ministre de la justice, lucide. Samedi dernier, alors que l’Assemblée nationale vient d’adopter les lois « pour la confiance dans la vie politique » (avec les voix du PS et de certains Républicains sur l'un des deux textes), Nicole Belloubet parle d’« un point de départ », d’« un marqueur politique ». Si la réforme contient des avancées incontestables (fin des emplois familiaux, contrôle des frais des parlementaires, etc.), elle paraît bien étriquée à l’arrivée. Ce mardi 1er août, sept sénateurs et sept députés doivent encore tenter de mettre les deux chambres d'accord. Car des « détails » ne sont toujours pas calés, telle la suppression de la « réserve parlementaire » à laquelle le Sénat s’accroche. En attendant, Mediapart revient sur cinq jours de débats, entre couacs et angles morts médiatiques. 

Activités de conseil : le gros raté

Samedi, 2 heures. Tout le monde veut en finir. D’ultimes amendements, parfois loufoques, défilent à la vitesse du son. Arrive soudain le « 201 » sur les déclarations d’intérêts. Il donne trois mois de « rab’ » aux députés pour dire s’ils détiennent « des participations directes ou indirectes qui confèrent le contrôle d’une société de conseil ». Qui prête encore attention ? En trente secondes, la socialiste Delphine Batho se jette sur le micro, la ministre se dit contre, les députés LREM votent pour.

C’est l’illustration d’un raté général : la question des activités de conseil des parlementaires n’a été discutée qu’en fin de course, de nuit, et au pas de charge, alors que c’était la principale leçon à tirer de « l’affaire Fillon ». Si la prohibition des emplois familiaux est utile, rappelons en effet que les emplois fictifs étaient déjà proscrits par le Code pénal, tandis que rien, strictement rien, n’interdisait au député Fillon de conseiller un milliardaire libanais vendeur de pipelines pour des dizaines de milliers d’euros… Or certaines entreprises, en l’état du texte, pourront toujours s’acheter l’influence d’un élu français.

Pas n’importe lequel, il est vrai. Les textes fixent de nouveaux interdits : seuls les députés ayant entamé leur activité de conseil un an avant l’élection pourront exercer, sans plus avoir le droit de servir des entreprises publiques, des banques, ou encore le BTP (la liste est là)… Mais le candidat Macron avait promis l’interdiction absolue durant sa campagne. « Vous avez été élu pour ça ! », tonne Alexis Corbière (France insoumise). Sur les bancs LREM, muets, les avocats trépignent. « La grande majorité des activités de conseil sont parfaitement honorables, s’indigne Émilie Chalas. Les interdire pousserait à la professionnalisation politique. » Pour Alice Thourot (avocate), il faut bien sûr empêcher l’« activité de conseil d’opportunité », lancée en cours de mandat ou de campagne, mais pas les plus anciennes. Les ambitieux de 2022 n’ont qu’à créer maintenant leur société…

À force, l’insistance de la gauche agace. « Nous venons d’apprendre par la presse que l’un de nos collègues du groupe La France insoumise aurait exercé une fonction de conseil », finit par tacler Jean Terlier (avocat lui aussi), en visant Alexis Corbière, créateur d’une boîte de communication pendant la présidentielle (radiée depuis). « Calomniateur débile ! », réplique l’intéressé, sans répondre au fond. Le verdict est de toutes façons sans appel : la mesure de prohibition totale, défendue par les groupes FI, communiste et socialiste, n’obtient que 2 voix dans les travées LREM. Quant à l’amendement PS obligeant les « députés-conseil » à lever le secret sur leur clientèle (auprès de la Haute autorité pour la transparence), il est balayé.

Pendant tout ce temps, un livre de poche trône sur le pupitre de la ministre : La Constitution commentée par Guy Carcassonne. C’est sa bible. Ancienne membre du Conseil constitutionnel, Nicole Belloubet siégeait parmi les « Sages » en 2013 quand ils ont retoqué une disposition des lois « transparence » qui, déjà, prétendait interdire toute activité de conseil aux parlementaires. Pour la gauche, il faut retenter à tout prix, tandis que la ministre explique combiner des interdictions partielles pour mieux contourner la censure et « viser l’efficacité ». « Ce n’est pas un recul, déclare ainsi Nicole Belloubet à Mediapart. On ne peut pas outrepasser la Constitution, nous sommes dans un État de droit. » Le droit au service de la politique ou de la politique au nom du droit ?

Dans la nuit, au-delà des activités de conseil, la gauche essaie aussi de plafonner l’ensemble des rémunérations annexes des députés (qui restent salariés, pharmaciens, etc.) au tiers de leur indemnité de mandat, sans le moindre succès. « Ça veut dire quoi ?, s’étrangle Christian Jacob (LR), agriculteur de métier. Qu’au mois de septembre j’arrête de traire mes vaches ! » À l’arrivée, la nouvelle loi dit juste que les sénateurs et députés devront « veiller à faire cesser » leurs conflits d’intérêts, selon des règles que le bureau de l’Assemblée sera chargé de « déterminer ». L’essentiel se jouera donc dans le huis clos d’un organe politique où, pour l’instant, 4 sièges sur 22 sont occupés par l’opposition. On hésite à compter Thierry Solère (LR membre des « Constructifs »), embauché sous la précédente législature par une entreprise de déchets à 12 000 euros par mois…

 

Mais où est donc Richard Ferrand ?

Pendant cinq jours, tous les présidents de séance, vice-présidents LREM de l’Assemblée (un chef d’entreprise, une kiné, un avocat, etc.), sont novices au « perchoir » autant qu’au Palais-Bourbon, à l’exception du patron, François de Rugy. Au moindre couac, l’opposition dégaine. Ulcéré de voir ses amendements examinés dans le désordre, le groupe communiste dénonce une confusion « entretenue ». Le placide Olivier Dussopt (PS) s’insurge contre des votes qui bégaient : « Vous avez appelé le vote deux fois, presque trois. Mais les députés [LREM] lèvent la main ou ne la lèvent pas ! De deux choses l'une : soit ça ne se reproduit pas, soit je demanderai un scrutin [électronique] sur chacun des amendements. » Le président de l’Assemblée, François de Rugy, est appelé à la rescousse.

Mais les jours suivants, rebelote. La majorité rejette par inadvertance un article de son cru, La France insoumise prend ses cliques et ses claques après un vote à main levée litigieux. Et le report du vote solennel sur le projet de loi « simple » (il y a un « organique » ensuite) finit de braquer les élus d’opposition, contraints d’annuler leur retour en circonscription ou de dénicher un collègue à qui donner délégation. Du grand bazar ? Un peu de bizutage aussi, car les droits de l’opposition ne sont jamais bafoués. Mais cette cacophonie brouille le message politique et l’opération « moralisation » n’imprime pas dans l’opinion. L’Élysée s’agace. Au point qu’Emmanuel Macron aurait déjà demandé, à en croire Le Figaro du 31 juillet, le remplacement des vice-présidents de l’Assemblée dont la technicité est jugée défaillante.

 

 

« Éviter une surpénalisation de la fraude fiscale »

« Le problème, ce n’est pas le noviciat, c’est le manque de gouvernance, décrypte un briscard socialiste. On ne peut pas laisser un groupe s’autogérer comme ça ! Les difficultés proviennent de l’absence conjuguée du président de l’Assemblée, du président de groupe [Richard Ferrand] et du ministre chargé des relations avec le parlement. » Ce dernier, Christophe Castaner, finira par s’installer sur le banc vendredi. Mais Richard Ferrand n’aura siégé que quelques minutes en cinquante heures de débat, sans même ouvrir la bouche

 

 

Au sein du groupe LREM, des « poids moyens » s’en plaignent, quand d’autres évoquent des « problèmes personnels ». L’enquête préliminaire visant le contrat de bail signé par les Mutuelles de Bretagne au profit de la SCI de sa compagne (quand il était directeur général) est dans toutes les têtes. Au PS, au-delà de ses absences, ses présences aussi font jaser : « Le “hasard” a fait que Ferrand était en séance au moment de l’amendement de Laurence Vichnievsky », ancienne magistrate (Modem) soucieuse d'inclure les « détournements de fonds privés » parmi les infractions passibles d'une nouvelle peine d'inéligibilité obligatoire. Échec assuré.

 

Fraude fiscale : le monopole de Bercy verrouillé

Richard Ferrand est bien là, en tout cas, à l’heure où le « verrou de Bercy » joue sa survie. En France, pour qu’un procureur de la République ouvre une enquête sur des soupçons de fraude fiscale, il faut une plainte préalable du ministère des finances. Dans l’ordre, le ministre du budget saisit la Commission des infractions fiscales (CIF), qui valide 85 % des dossiers, puis son administration saisit la justice pénale (seulement un millier de fois par an). À entendre le fisc, ce moyen de pression n’aurait pas son pareil pour faire rentrer les impôts et pénalités dans les caisses de l’État. Dans l’hémicycle, il y a ceux qui veulent supprimer le « verrou », et ceux qui espèrent l’assouplir. Ensemble, ils ont de quoi tenter un coup.

« Il faut retirer au ministre le pouvoir discrétionnaire d’épargner un fraudeur », gronde Alexis Corbière (FI). Non seulement les communistes applaudissent, mais certains bancs LR, et les centristes. « Qu’en est-il de l’indépendance de la justice ?, lance Philippe Vigier (UDI) à la garde des Sceaux. Cette loi ne peut pas s’attaquer à quelques icônes comme l’IRFM et la réserve parlementaires, parce que ça fait bien dans l’opinion, et laisser perdurer le verrou de Bercy ! » Nicolas Dupont-Aignan s’émeut : « Tout se passe dans le secret d’un bureau, celui du ministre, avec beaucoup d’arrangements et de salissures. »

Placide, le rapporteur général de la commission des finances, Joël Giraud, sort de sa poche une phrase d’Éliane Houlette, la magistrate qui dirige le parquet national financier, religieusement citée : « Le rôle de filtre assuré par la CIF est une bonne chose, il faut être pragmatique : nous serions dans l’incapacité de traiter l’ensemble des plaintes. » Loin d’acter le manque de moyens de la justice, Nicole Belloubet vante les « aspects extrêmement pratiques » d’un « verrou » qui permet « des rentrées fiscales non négligeables », ainsi que « d’éviter une surpénalisation systématique de la fraude ». Sur son banc, la rapporteure des projets de loi, l’avocate Yaël Braun-Pivet (LREM, premier mandat), ne dit pas la même chose, ni le contraire d’ailleurs, proposant de « procéder à l’examen approfondi du dispositif » à l’aide d’une mission parlementaire. « Des travaux, on en a des sacs et des sacs ! », fulmine André Chassaigne (PCF). Malgré le soutien de l’ensemble des communistes, des insoumis et des « Constructifs », rejoints par 27 LR (sur 41), plusieurs frontistes dont Marine Le Pen et Louis Aliot, 2 socialistes (sur 9), et un original LREM, la suppression du « verrou de Bercy » est repoussée.

Mais l’hémicycle est chauffé à blanc pour l’option de repli, moins clivante, déjà votée par le Sénat, et proposant juste une brèche dans le « verrou ». Pourquoi ne pas autoriser la justice, par exception, à engager des poursuites en solo lorsqu’elle tombe sur des faits de fraude fiscale au détour d’une enquête déjà ouverte ? Cette fois, le scrutin est serré. Tous les députés PS et Modem se rallient, laissant le groupe « macroniste » isolé et fissuré, avec 12 voix pour et 10 abstentions. L’amendement échoue à 21 voix près.

 

Les hauts fonctionnaires ignorés

Brusquement, en milieu de semaine, l’oratrice du groupe LREM annonce un nouveau nom de baptême. On bascule de « confiance dans l’action publique » à « confiance dans la vie politique ». Depuis le premier jour, les oppositions de gauche et de droite pilonnent en effet sur le pantouflage des hauts fonctionnaires et conseillers ministériels, leurs « va-et-vient » vers le privé, que l’intitulé d’origine paraît englober. « L’action publique, c’est large, sinon c’est de la publicité mensongère ! », soutient Ugo Bernalicis (FI). Or amendement après amendement, la ministre dénonce des « cavaliers législatifs », des hors-sujet. La majorité décide alors de graver dans le marbre un titre qui cible officiellement les responsables « politiques » et s’arrête aux portes de l’administration.

« Le terme pantouflage est un euphémisme pour évoquer les conflits d’intérêts de coulisse érigés en mode de gouvernance permanent, tance pourtant Delphine Batho (PS). Les membres de cabinet emportent leur carnet d’adresses dans le secteur privé puis reviennent, tout en veillant à un certain nombre d’intérêts. Il faut une frontière étanche. » L’ancien vice-président de l’Assemblée, Marc Le Fur (LR), ravit ses troupes en lâchant : « Nous, les parlementaires, sommes protégés non par notre vertu mais par la collégialité. Dans une administration, le ministre agit seul, il a un passé, des intérêts peut-être. Il en va de même pour son directeur d’administration. Alors qu’on en finisse avec la stigmatisation des parlementaires et qu’on construise une loi équilibrée ! » Le départ de Bruno Bézard, directeur du Trésor recruté en 2016 par un fonds d’investissement franco-chinois, revient sur toutes les langues, preuve que la commission de déontologie de la fonction publique (chargée de surveiller le pantouflage des fonctionnaires) serait trop coulante. Mais tous les amendements durcissant les règles, notamment sur les sas d’attente et « décontamination », sont écartés alors que le Sénat en avait adopté une batterie.

Dans les travées de La République en marche, composées à 10 % de chefs d’entreprise et 21 % de cadres du privé, on s’impatiente. « Je me permettrai d’évoquer un exemple, le mien, intervient Jacques Maire. Diplomate d’origine, j’ai travaillé dix ans dans un groupe privé puis je suis revenu en 2012 au Quai d’Orsay. Nous ne réussirons à réformer l’État que s’il y a des dizaines de passages de managers entre le public et le privé, un afflux massif de compétences [acquises] dans un environnement concurrentiel qui place le client au centre, comme il faut faire pour les usagers des services publics. »

Tout le monde ne parle pas le même langage. À gauche, François Ruffin (FI) cite un roman policier d’Edgar Poe, La Lettre volée, dans lequel l’inspecteur cherche en vain l’objet du crime, qu’il présuppose dissimulé. En réalité, le courrier est tellement en évidence que l’enquêteur passe à côté. « Comment ne pas voir le caractère grotesque d’une moralisation avec Emmanuel Macron à la tête de l’État ? », lance le député, rappelant le débauchage de l’inspecteur des finances par la banque Rothschild en 2008. « Le pantouflage, c’est la Lettre volée d’Edgar Poe », une « privatisation » de l’État que personne ne regarde.

Calmement, la majorité botte en touche. Sans se risquer sur le fond, Nicole Belloubet rappelle qu’une loi d’avril 2016, « fruit de deux ans de travail » parlementaire, a traité le sujet pour les fonctionnaires, instaurant des règles de déport en cas de conflits d’intérêts. Alors « faut-il remettre sur le métier un texte dont l’application pleine et entière ne date que d’un mois ? » Jugeant les « difficultés » tout à fait « réelles », la rapporteure de la commission des lois, Yaël Braun-Pivet (LREM), annonce une nouvelle « mission d’évaluation ». « Je ne m’engagerai pas sur un délai, glisse-t-elle. Je suis novice et ne connais pas le temps nécessaire pour une mission d’information parlementaire. » Ni, surtout, ce qu'il advient en général de ses conclusions… Sur ces questions, les plats repassent rarement deux fois au cours d'un quinquennat. À moins d'un nouveau scandale.

 

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1 août 2017 2 01 /08 /août /2017 06:07

 

Les chiffres de la balance commerciale française sont préoccupants. Depuis dix ans, les importations sont durablement supérieures aux exportations. Le phénomène a été quelque peu dissimulé par la baisse du prix du pétrole, qui a réduit notre facture énergétique. Mais, mois après mois, les déficits se sont cependant accumulés.

Nous l'avons ici même plusieurs fois démontré. Ce n'est pas dans le coût du travail que nous pouvons trouver une explication aux pertes de parts de marché des entreprises françaises. Reste le débat sur la flexibilité qui se concentre désormais autour de la réforme du Code du travail voulue par Emmanuel Macron.

Mais gardons-nous des faux constats. La flexibilité est déjà très forte en France et s'accompagne d'une productivité élevée. 87 % des embauches se font en contrat à durée déterminée. Un salarié sur six est à temps partiel, le plus souvent contraint. L'intérim est un mode de gestion des effectifs permanents dans certaines branches comme l'automobile. Enfin, en ce qui concerne la rupture conventionnelle, moins d'une rupture sur quatre correspond à une démission. Dans les trois quarts des cas, le salarié part sous la contrainte. Et voilà que, avec les ordonnances en préparation réformant le Code du travail, patronat et gouvernement peuvent faciliter les restructurations et les suppressions d'emplois censées rétablir la compétitivité du site France...

ce n'est pas le coût du travail qui explique les reculs des exportations, mais sa dévalorisation par les choix patronaux.

Le véritable handicap de compétitivité est ailleurs. Il trouve sa source dans les choix de gestion des entreprises : un taux plus faible de recherche et développement qui ne permet pas une modernisation des processus de production et des produits ; un effort de formation professionnelle qui stagne, voire régresse ; une priorité donnée à l'investissement financier. Banquiers et patrons ont oublié la notion basique de « système productif ». Le tissu industriel français est fragilisé et il est la proie de firmes étrangères et de fonds financiers anglo-saxons. Seuls surnagent quelques secteurs comme l'aéronautique, la pharmacie, l'agroalimentaire. Mais pour combien de temps encore ?

On mesure les conséquences de la dévalorisation du travail sur le commerce extérieur national. Ce n'est pas le volume des exportations qui baisse, mais le prix auquel la France vend ses produits. Le pays exporte à peu près autant de produits qu'il y a dix ans. Mais leur prix de vente baisse. Nous perdons des parts de marché en valeur parce que nous descendons en gamme !

Le Medef propose d'abaisser les salaires et les cotisations sociales pour s'adapter à cette évolution, alors qu'il faudrait viser une sortie par le haut. Il faut accroître la qualité, renforcer l'innovation, plutôt que de s'aligner sur un modèle low cost. Les leviers à mettre en oeuvre : le contrôle des aides publiques, le conditionnement de leur versement à des critères d'emploi et de progression des salaires, la sécurisation de la reprise des entreprises viables, la réforme de l'impôt sur les sociétés afin de favoriser l'investissement, la création de comités interentreprises dans les filières, l'encadrement des ruptures conventionnelles, l'interdiction des licenciements boursiers...

Il s'agit moins de trouver un hypothétique équilibre entre « flexibilité » et « sécurité » que de créer les conditions d'une dynamique des emplois, des innovations et de la sécurité collective, nécessaires pour accompagner un nouveau projet de développement.

(*) Économiste et syndicaliste.

 

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1 août 2017 2 01 /08 /août /2017 06:01

 

L'INFORMATISER C'EST ÔTER LES MOYENS DE CONTRÔLER COMMENT NOUS SOMMES PAYÉS.

Ils suppriment la feuille de paie papier pour une version électronique. En même temps, ils veulent la « simplifier » au point qu'on ne verrait plus le salaire brut, ni le détail décisif des différentes cotisations pré-affectées que nous mutualisons dans nos caisses sociales. Pourquoi un bulletin informatisé devrait-il être en même temps simplifié ?

Macron s'est engagé dans une manœuvre géante, en vue des mois de janvier 2018 et 2019, pour modifier à la fois nos salaires, brut et net, nos cotisations et nos impôts. Voilà un changement « technique » mis en œuvre bien opportunément par ceux qui ont intérêt à obscurcir nos moyens de contrôler la façon dont nos employeurs nous paient, dont nous cotisons à notre Sécu d'une part et dont l'impôt est prélevé par l'État d'autre part.

Les lois Sapin, Macron, El Khomri ont autorisé la dématérialisation de la feuille de paie... « sauf si le salarié refuse individuellement » et exige de recevoir une version papier. Et comment assurer la sécurité de ces documents ? 26% pensent déjà avoir perdu des bulletins de paie papiers. Mais n’y a-t-il pas autant de risques pour l’informatique que pour le papier ? 21% des salariés ne veulent pas de bulletin dématérialisé. 45% sont réticents à changer leurs habitudes.

 

Le décret d'application paru au « Journal officiel » en décembre 2016 prévoit que « le salarié doit être informé trois mois avant l'éventuelle fermeture d'un service en ligne, qu'il soit géré par l'employeur lui-même ou par un prestataire externe ». L'employeur est censé « garantir la disponibilité du bulletin de paie dématérialisé pendant cinquante ans, ou jusqu'aux 75 ans du salarié ». Bercy envisage déjà qu'on travaillera cinquante ans, jusqu'à 75 ans ? Qui croit que ça marchera ? 70 000 entreprises disparaissent chaque année et autant se créent. Un million d'entreprises ont moins de 11 salariés et l'informatique y laisse à désirer. Peut-être vaut-il mieux défendre encore nos bulletins de paie à la fois papier et bien détaillés ?

 

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