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10 août 2017 4 10 /08 /août /2017 05:40

LE REPLI SUR L'ENTREPRISE SERAIT UNE RÉGRESSION DES RELATIONS SOCIALES.

IL FAUT PENSER À UNE NOUVELLE FAÇON DE PRODUIRE.

 

Le gouvernement profite des vacances d'été pour rédiger les ordonnances visant à réformer le Code du travail. Les dernières entrevues des organisations syndicales avec le premier ministre sur le sujet n'ont pas vraiment éclairé sur les arbitrages à venir. Ce dont on est sûr, c'est que le président tranchera avant la fin août.

Pendant ce temps, gouvernement et patronat ressassent le même argumentaire. L'excès de règles collectives inscrites dans le Code du travail pénaliserait le développement de l'emploi. Flexibiliser le contrat de travail et contourner les syndicats permettraient dès lors de mieux lutter contre le chômage. Face à cette attaque, il peut être tentant de défendre le statu quo, en oubliant que la crise a aussi révélé les faiblesses de l'organisation du marché du travail à la française.

La précarité a gagné du terrain. Le travail et l'emploi sont bien « malades ». D'où le besoin de repenser la manière dont se crée la richesse, la place du travail et son contenu.

Le danger du recours à la procédure expéditive des ordonnances se trouve en tous points confirmé. Le retour à une croissance soutenable exige une mobilisation sans précédent des capacités humaines. C'est dès maintenant qu'il faut mettre en oeuvre une politique globale tendant vers un nouveau plein-emploi. Et ce n'est certainement pas par une mise en concurrence accrue des salariés qu'on atteindra cet objectif. On attend toujours un véritable débat public permettant de faire un état des lieux et d'organiser la confrontation des analyses.

Au lieu d'organiser le repli sur l'entreprise qui consacrerait une régression des relations sociales, le Code du travail a besoin de s'enrichir de nouvelles dimensions. Les évolutions du travail et des technologies supposent de mettre l'individu et le travail au coeur d'une nouvelle manière de produire. Il faut donc protéger les capacités humaines et développer le travail de qualité, reconnu, bien payé, dans une perspective de développement humain durable. Il y a bien un nouveau système à construire qui implique de nouvelles logiques de solidarité, constitutives d'une véritable « sécurité sociale professionnelle ».

On ne peut se contenter de déplorer les suppressions d'emplois. Il faut bâtir un droit d'intégration dans l'emploi. C'est-à-dire à un système cohérent de garanties permettant au salarié d'acquérir une qualification professionnelle, de faire valoir ses compétences dans l'entreprise, d'exercer une activité compatible avec sa vie personnelle, de retrouver un travail s'il perd son emploi. Cela suppose d'assurer une vraie rupture avec la vision du salaire comme coût à réduire et avec la fatalité du passage par la case chômage. Cela justifie de s'attaquer à la croissance financière et de promouvoir les conditions d'un nouveau type de productivité.

Le travail n'est pas une marchandise, mais une richesse collective à protéger et à développer. L'échange sur lequel porte le contrat de travail ne concerne pas un bien ou un service. Il met en jeu l'homme, la personnalité et les capacités du travailleur, et doit prendre en compte le temps long de la vie. La puissance publique est légitime à le garantir, notamment en compensant, via le Code du travail, l'inégalité de la relation dans l'entreprise entre travail et capital.

Tels sont les enjeux d'une bataille sociale qui porte loin et que les salariés sauront rapidement s'approprier, « trêve estivale » ou pas.

 

(*) Économiste et syndicaliste.

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9 août 2017 3 09 /08 /août /2017 05:55

Chaque incendie est une occasion, pour les responsables politiques, d'adresser de vibrants messages de soutien aux soldats du feu. Mais les sapeurs-pompiers, financés par les collectivités, sont directement victimes des coupes budgétaires. Ils dénoncent le danger qu'elles leur font courir sur le terrain. 

 

Var, envoyée spéciale.– L’horloge indique huit heures du matin, ce 25 juillet, quand Samuel part relever ses camarades, qui se sont battus contre les flammes toute la nuit. Cela fait vingt-quatre heures qu’il n’a pas fermé l’œil : il était de garde à la caserne. Toute la journée, il enchaîne les brasiers : Artigues le matin, Tourves l’après-midi, et Bormes-les-Mimosas le soir. Samuel a « fait » les incendies de 2003. Lorsqu’il a vu le panache de fumée assombrir, au loin, un ciel orangé, il a su que « ça allait prendre de l’ampleur ».

Terre brûlée à Bormes-les-Mimosas © Reuters

 

Flammes de 10 mètres

Toute la soirée, Samuel et trois de ses camarades défendent, avec leur camion, des « points sensibles » : des maisons habitées ou pas, des vignes, des champs, des campings et des lotissements. À la nuit tombée, ils sont envoyés vers un endroit isolé pour défendre un bâtiment. Peu à peu, les flammes piègent Samuel et son équipage. Elles atteignent 10, parfois 15 mètres de haut, mais ils ne disposent que d’un camion de 4 000 litres d’eau. Un ruisseau, quand il faudrait un fleuve pour éteindre le bûcher.

Encerclés, les hommes regagnent à la hâte la cabine du véhicule. Les flammes lèchent le camion, les hommes pleurent, la fumée leur brûle les yeux et les poumons. À l’intérieur, les pièces de plastique se distillent dans des « pschhiiit » infernaux. Paniqués, ils déclenchent le système d’autoprotection du camion contre le feu. L’un d’entre eux prend le volant, et conduit à l’aveuglette à travers le brasier. Le feu les poursuit, jusqu’à ce qu’ils trouvent répit dans un champ de vignes.

Quand le collègue qui vient les relever, au petit matin, rencontre leur regard, il y trouve « du vide ». Entend à plusieurs reprises : « on a failli y passer ». Frôler la mort a des conséquences psychiques, et l’équipage, sonné, se voit proposer un passage par le cabinet du psychologue, afin d’amoindrir le risque du syndrome de choc post-traumatique. L’un d’eux est hospitalisé, pour avoir respiré des fumées. 

Cette nuit-là, comme celles d’après, les pompiers du Var seront occupés à diverses tâches. Noyer les lisières de l’incendie pour éviter que le feu ne reprenne, constituer des lignes de véhicules pour prévenir son avancée, monter des tuyaux de 500 mètres pour étouffer les flammes…

 

Après le feu, la colère

Une semaine plus tard, à la terrasse d’un PMU toulonnais, la peur du feu a laissé place à la colère. Autour de la table, quelques pompiers professionnels veulent témoigner, pleins d’amertume face à ce qu’ils appellent le « cinéma » du premier ministre et du ministre de l’intérieur, venus rendre hommage aux sapeurs-pompiers le 26 juillet dernier. « Parce qu’on en a marre de la belle image qu’on donne de nous au moment des feux de forêt », lancent les pompiers professionnels.

Mis à part Sébastien Jansem, le représentant syndical de la fédération autonome, majoritaire dans le département, aucun d’eux ne veut voir son identité dévoilée, par peur des représailles que pourrait exercer le commandement. « Avant, on s’engueulait un bon coup, on réglait les histoires, et puis c’était fini. Maintenant, c’est plus pernicieux, on vous refuse des stages, on vous bloque dans votre progression », justifie Éric. Pourtant, lui comme ses camarades ne veulent pas rester muets. Tous ont en tête le terrible accident de 2003, dans lequel trois pompiers sont morts brûlés dans leur camion, à La Garde-Freinet. Parler, pour éviter que cela recommence.

Écusson des pompiers du Var © Elsa Sabado

 

« S’il y avait eu plus de véhicules, notre gestion de ces incendies aurait pu être bien meilleure », jure Sébastien Jansem. Le camion n’est pas le moindre des emblèmes du « monde pompier ». Mais même dans le Var, dont le service départemental d’incendie et de secours (SDIS) est l’un des plus importants de France, la maintenance des machines rouges et rutilantes s’est beaucoup dégradée. « À la caserne de La Seyne-sur-Mer, seul un camion sur trois était en état de marche au moment du déclenchement des incendies. L’un d’entre eux était en réparation depuis juin, pour une histoire de plaquette de freins. Et l’année dernière, c’était le même cirque : les camions sont revenus du garage le 25 juillet », s'offusque Jean-Jacques. Le manque de budget retarde les formations, qui interviennent de plus en plus tard. Les camions, très anciens, tombent en panne. Les réparer prend un nombre de jours lui aussi allongé par la baisse de moyens du SDIS 83. Et ils ne sont pas prêts à temps pour la saison des incendies.

 

Parc vieillissant

Un camion permet de créer un « groupe d’intervention en feux de forêt » (GIFF), l’unité de base de l’armée des soldats du feu. Sur chacun d’eux sont affectés quatre pompiers. « En 2003, il y avait 32 groupes d’intervention en feux de forêt. Aujourd’hui, on n'en compte plus que 25 », se désole Sébastien Jansem. Fin juillet, 10 camions étaient déployés sur l’incendie d’Artigues, et 14 sur Bormes-les-Mimosas. « Or dix camions sur un incendie pareil, ça ne suffit pas. Du coup, il y a plus de reprises de feu », poursuit Jean-Jacques.

Le parc vieillit. « L’échelle de remplacement de La Seyne-sur-mer a 46 ans, illustre Lionel. Quand l’incendie est puissant, et que l’eau met quelques secondes de plus que d’habitude à sortir de la lance, vous les sentez passer. À Artigues, on a entendu les gars crier très fort. Et la peur est mauvaise conseillère : on perd nos réflexes, on fait des erreurs qui peuvent avoir des conséquences graves », explique Jean-Jacques. Le manque de matériel est tel que les pompiers ont dû appeler l’équipementier Euromaster pour changer les pneus d’un camion durant le feu d’Artigues. Les véhicules seront mis au rencart en 2019. Et bien souvent, non remplacés.

 

 

Lâcher d'eau sur la forêt © Reuters

 

Côté avions, la situation n’est pas meilleure. Le 15 juin, pour le début de la saison, manquaient à la flotte du groupement aérien de la sécurité civile quatre Canadair, un Tracker et un Dash, des avions qui larguent de l’eau ou des produits retardants sur le feu. Un mois plus tard, quand les incendies ont commencé, la situation n’avait pas bougé d’un pouce. En cause : la Sabena, société de maintenance, a emporté en 2014 le marché de la maintenance des Tracker et des Dash, en plus de celle des Canadair. Selon Stéphan Le Bars, représentant Syndicat national du personnel navigant de l'aéronautique civile, elle n'aurait pas honoré le contrat qui la liait à la sécurité civile. « Et c’était la même chose l’année dernière. Il a fallu qu’on fasse tout un tapage médiatique pour que notre directeur général frappe du poing sur la table et obtienne ces avions », explique le syndicaliste, après avoir tiré la sonnette d’alarme sur France Info, au cœur de la crise. Sur le papier, la sécurité civile peut traiter deux incendies distants de 300 kilomètres avec un groupe de six avions sur chaque feu. En juillet, il y avait seulement quatre Canadair sur le continent, et deux en Corse. « Résultat, alors que l’on arrive à circonscrire les incendies à 800, 900 hectares habituellement, le feu de Biguglia en Corse a dévasté 2 200 hectares. C’est énorme », raconte Stéphan Le Bars.

 

Un personnel à sec

Les incitations à la baisse sur les financements de ce service relié au ministère de l’intérieur a aussi des conséquences sur le personnel.  Depuis 2010, le service a perdu 27 pilotes de ligne et totalise 73 pilotes au lieu des 84 nécessaires. Or les pilotes ne peuvent conduire que pendant huit heures d’affilée. « Comme nous n’avions pas d’équipage de réserve, nous avons été obligés de retarder les départs. Et tant que nous n’intervenons pas, le feu fait sa vie », explique Stéphan Le Bars. Et met celle des sapeurs-pompiers, au sol, en danger. 

À terre aussi, la question du personnel est un point sensible. « Toute l’année, on tourne avec les effectifs qu’on devrait avoir en temps de grève. À la caserne de Toulon, la plus grosse du Var, on est 23 pompiers de garde la journée, 21 la nuit. En 2009, nous étions 960 sur le département, nous ne sommes plus que 905 aujourd’hui », relève Sébastien Jansem. Ce sous-effectif a des conséquences sur l’organisation de la caserne. « Avant, il y avait un groupe affecté à chaque véhicule. Aujourd’hui, il n’y a pas assez de pompiers. On peut être affecté à plusieurs véhicules en même temps, un camion incendie, une ambulance, et un véhicule léger par exemple. Et on sort avec le premier qui sonne. Ce qui fait que pendant l’incendie, il a fallu remplacer du personnel sur le camion de pompiers parce que ceux qui y étaient affectés étaient sur une autre mission », détaille le représentant syndical. Le problème est le même dans l’autre sens. Quand les pompiers se ruent sur le feu, au moment des incendies, il n’y a plus personne en caserne pour assurer l’entretien des véhicules et leur inventaire. Et plus grand monde non plus pour assurer les urgences du quotidien.

Le volontariat a des limites

Pour compenser ce sous-effectif, le SDIS a recours aux pompiers volontaires, qui constituent le gros de ses troupes. « À la caserne du Luc, qui compte 80 volontaires en tout, ils envoient chaque jour 25 pompiers au feu. Ces gens ont un autre travail à côté ! Ça ne peut pas tenir très longtemps comme ça ! », fulmine Éric. Un constat qui fait écho à celui de Romain Pudal, auteur de l’ouvrage Retour de flamme à La Découverte. Pour la première fois, il a entendu à la télévision, un responsable des pompiers demander aux employeurs de la région de libérer les pompiers volontaires de leurs tâches professionnelles. « Cela montre les limites du volontariat. Il y a un discours sur le côté noble, magnifique, de l’engagement citoyen. Mais être volontaire est de plus en plus difficile », constate Romain Puidal. En effet, les pompiers volontaires proviennent pour la plupart de classes populaires, ont une carrière de plus en plus heurtée, faite de CDD et d’intérim. « Le volontariat est certes un engagement, mais cela devient aussi une source de revenus. Les pompiers sont en permanence en train de dealer d’un côté avec la caserne, de l’autre avec leur travail. C’est pour cela que le modèle de sécurité civile à la française peut rapidement atteindre ses limites. Dans ces conditions, l’efficacité des sapeurs est déjà de l’ordre du miraculeux », estime le chercheur.

Caserne de Toulon © Elsa Sabado

Caserne de Toulon © Elsa Sabado

Caserne de Toulon © Elsa Sabado

Chaque année, les chiffres du volontariat baissent. « Il y a surtout une difficulté à fidéliser les volontaires : c’est une activité exigeante, fatigante, qui demande de jongler entre plusieurs vies. Alors quand les sapeurs partent faire leurs études, ont des enfants ou un boulot, ils arrêtent », explique encore Romain Pudal. D’autant qu’avec le gel des embauches de pompiers professionnels, le passage par les pompiers volontaires ne représente plus un tremplin vers le statut de fonctionnaire. « Cette année, un millier de jeunes vont perdre le bénéfice du concours qu’ils ont obtenu il y a trois ans, faute de recrutement. Dans le Var, ils doivent être une quarantaine à être dans cette situation », regrette Sébastien Jansem.

 

Une hiérarchie nostalgique du commandement militaire

Dernière doléance : le rapport avec la hiérarchie. « Certains officiers se comportent comme si la caserne était leur propre entreprise. Ils confondent management et commandement, et certains voudraient nous faire continuer sur un mode paramilitaire. Or, cela, avec les jeunes, ça ne passe plus », explique Lionel. Ces gradés ont souvent moins d’expériences sur le terrain que les hommes du rang, devenus professionnels après des années de volontariat. « Il leur manque parfois la légitimité du terrain. Et les plus intransigeants sont loin d’être les plus exemplaires. Ce décalage est difficile à accepter », confirme Éric.

La départementalisation a, semble-t-il, accentué cette défiance. « Avant, le directeur était à l’étage au-dessus. Aujourd’hui, il est à une heure et demie de route, à Draguignan, et il faut lui envoyer 300 mails pour espérer le contacter. En parallèle, ils nous ont mis, dans chaque centre, un chef de service qui n’a pas les mêmes pouvoirs, qui ne prend pas d’initiatives, et qui est là uniquement pour faire appliquer les ordres », remarque encore Éric. 

Mais pour comprendre la colère provoquée par les grands feux, il faut avoir une vision globale, sur l’année, de l’activité des pompiers. Dans le Var, le nombre d’interventions a augmenté de 1,6 % en 2013/2014, de 2,42 % en 2014/2015, et de 4,87 % en 2015. 

Sébastien Jansem, représentant de la Fédération autonome des sapeurs-pompiers © Elsa Sabado

Sébastien Jansem, représentant de la Fédération autonome des sapeurs-pompiers © Elsa Sabado

Les pompiers sont le service public de la dernière chance. Handicap, détresse sociale, SDF, ils sont sur tous les fronts délaissés par l’État. Depuis le début de l’année, par exemple, l’Agence régionale de santé a cessé de financer les ambulances privées sur 20 communes du Var. Les pompiers assurent désormais cette mission. Ils sont aussi au service du SAMU, à qui ils reprochent parfois de les obliger à se déplacer alors qu’il n’y a pas d’urgence, pour faire de la « bobologie ». Ils se substituent à la police, quand il s’agit de s’occuper de personnes en état d’ébriété. Sans oublier les commerçants qui les appellent pour des malaises devant leur échoppe, lorsqu’ils veulent simplement faire fuir le SDF qui y a trouvé place.

 

Informatisation

L’informatisation du système d’appels a aussi modifié l’exercice du métier. « En salle opérationnelle, les appels sont désormais enregistrés. Du coup, il y a moins de tri : dans le doute, on envoie toujours un véhicule pour vérifier qu’il n’y a pas de danger, par peur du contentieux », explique Sébastien. Les systèmes de téléalarme pour personnes âgées, qui redirigent automatiquement vers les pompiers si deux proches n’ont pas répondu à leurs appels, participent aussi à l’engorgement du service. 

Enfin, les pompiers déplorent un « changement de mentalité ». « Les gens nous appellent en nous disant qu’ils ont repéré une personne allongée sur la route. Lorsqu’on leur demande ce qu’elle a, ils nous répondent qu’ils ne se sont pas arrêtés pour savoir, et qu’en appelant les pompiers, ils exercent déjà leur devoir de citoyen », raconte Éric. 

 

« Où est l'argent ? »

Face à cette augmentation de l’activité, les financements ne suivent pas. Sur le Var, ils n’avaient, jusqu’à cette année, jamais baissé. Mais au conseil d'administration du 22 juin dernier, juste avant les grands feux, le couperet est tombé : moins 600 000 euros dans l’escarcelle du SDIS. « L’État a supprimé 32 millions d’euros l’année passée à l’ensemble des conseils départementaux de France. Pour justifier cette coupe, il a expliqué que 20 millions seraient alloués à la création d’un service de gestion unique des appels, et reviendraient donc aux SDIS par un autre biais. Seulement voilà, on nous a annoncé au printemps que la création de ce dispositif était repoussée sine die. Je demande donc au gouvernement de M. Macron : où est l’argent ? », tempête Françoise Dumont, présidente du SDIS 83 et conseillère départementale Les Républicains.

Si le conseil départemental finance le SDIS à hauteur de 47 %, les 53 % restants sont abondés par les communes. Auparavant, chaque commune finançait son service de secours et d’incendie. En 2001, le service est transféré au niveau départemental. Depuis, les communes sont en désaccord sur la répartition des contributions. « Un manque à gagner de 5 millions d’euros » pour le SDIS, regrette Sébastien Jansem.

 

 

Vision court-termiste

Edouard Philippe vient soutenir les pompiers © Twitter

Edouard Philippe vient soutenir les pompiers © Twitter

« J’appelle l’État, le premier ministre, celui de l’intérieur, à prendre leurs responsabilités. Ils peuvent bien venir serrer la main des pompiers, ça ne règle pas le problème de fond. Les pompiers sont au bord de la rupture. Les communes sont de bonne volonté, mais elles ne peuvent plus payer certains services. Et les 300 millions d’euros de coupe annoncés dernièrement ne vont pas aider les collectivités à financer leur service incendie », poursuit l’élue, dont le candidat aux présidentielles, François Fillon, proposait, rappelons-le, une économie de vingt milliards d’euros sur les collectivités.

« J’ai entendu, notamment dans un rapport sénatorial, que les pompiers coûtaient trop cher, que les professionnels étaient trop payés, parce qu’ils ne faisaient que deux heures d’intervention sur leurs 24 heures de garde », relève Romain Pudal. Un raisonnement qui, selon lui, ne tient pas. L’intervention constitue le climax des activités des pompiers, mais pas la seule. Pensons au sport, à l’entraînement qu’exige la discipline, à la formation continue, aux manœuvres, à l’entretien des camions… « J’ai l’habitude de dire que nous sommes payés : “au cas où” », ironise Romain Pudal. Et il ajoute : « Oui, les pompiers ont un coût. Et la plupart du temps, la forêt ne brûle pas. Mais on ne peut pas avoir une vision court-termiste, en disant, puisque ça ne brûle pas depuis x années, il faut réduire le budget. Parce que le jour où il y a un attentat ou un feu, tout le monde est content que des moyens soient disponibles à trois minutes de la maison. »

 

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9 août 2017 3 09 /08 /août /2017 05:53

1,8 million de tonnes de blé en 2015 ; 1,4 million de tonnes en 2016... après la canicule de juin dernier, la récolte poursuivra-t-elle sa baisse ?

Les aléas climatiques qui ont frappé l'agriculture française depuis la tenue de la COP21 de décembre 2015, à Paris, doivent être observés avec la plus grande attention afin d'en tirer toutes les leçons. En 2016, la récolte de céréales à paille a diminué de 30 % par rapport à une année normale. Des pluies importantes et un manque de luminosité ont fait de sorte que beaucoup d'épis n'ont pu se remplir de grain. Cette année, les jours de canicule de la troisième semaine de juin ont desséché les tiges de blé encore vertes, lesquelles n'ont pu faire monter les nutriments destinés au remplissage des épis. Des baisses importantes de rendement sont redoutées dans plusieurs régions céréalières.

Les pluies de 2016 comme les températures élevées de 2017 sont deux conséquences différentes du changement climatique, avec un réchauffement global moyen de + 1°C depuis le milieu du XIXe siècle. Mais ce réchauffement n'est pas linéaire et ses conséquences sont multiples. Cette année, un hiver trop doux a fait prendre de l'avance à la végétation au début du printemps. Du coup, deux à trois nuits de gelées tardives ont brûlé les bourgeons des vignes dans plusieurs régions de France. Des vignerons ont perdu jusqu'à 80 % de leur potentiel de récolte avant même la formation des grappes.

Il faut que les états généraux de l'alimentation mènent à de nouveaux mode de vie et de culture.

Du côté des éleveurs, le rendement herbager des prairies est déjà largement amputé du fait de la sécheresse printanière et de la canicule de juin. Quand l'herbe manque, il faut acheter du grain et d'autres fourrages pour nourrir les bêtes. Le prix de revient du litre de lait et du kilo de viande augmente sans que suive le prix de vente sur un marché mondialisé.

À la suite de son élection, le président Macron avait demandé à plusieurs ministres d'organiser dès cet été des états généraux de l'agriculture et de l'alimentation. Ils ont débuté le 20 juillet. A priori l'idée est séduisante. N'oublions pas toutefois que l'énarque Macron fut, en 2007-2008, le rapporteur de la commission Attali, qui préconisait le pillage du travail des paysans pour, soi-disant, permettre aux grandes surfaces de nous proposer des prix bas. Ce rapport servit à définir le contenu de la loi de modernisation économique (LME) votée par la droite et appliquée depuis 2009.

Cet été, les assises voulues par Macron auront une certaine utilité si elles servent les intérêts des générations appelées à traverser le siècle en cours. Pour produire de la nourriture, il faut réapprendre aux humains à coopérer avec la nature sans lui demander plus qu'elle ne peut donner de manière durable. Planter des arbres dans les plaines céréalières, refaire du maraîchage autour des villes, manger moins de viande, stocker de l'eau de pluie sont des orientations à mettre en place dès maintenant si nous voulons que les natifs du XXIe siècle aient de quoi manger d'ici à l'an 2100. Mais, bien que Nicolas Hulot soit devenu le ministre d'État chargé de la transition écologique et solidaire, rien ne nous prouve que ces priorités sont celles du gouvernement dirigé par Édouard Philippe.

 

 

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9 août 2017 3 09 /08 /août /2017 05:49

 

Quand bien même la condamnation en appel de Cédric Herrou à quatre mois de prison avec sursis est inférieure aux réquisitions du parquet, ce jugement est une étape de plus dans le harcèlement dont est victime ce militant de la solidarité aux exilés et aux migrants à la frontière franco-italienne.

Alors que la France vient d'être rappelée à l'ordre par la Cour européenne des droits de l'homme pour les traitements indignes infligés aux migrants, Cédric Herrou, comme l'ensemble des militants des droits humains, agit dans le sens de ce que l'Etat devrait faire. Le délit de solidarité n'existe pas. Le devoir d'humanité n'est-il pas inscrit au fronton de nos bâtiments publics...FRATERNITÉ.

Sur une telle question, seule une réponse plaçant l'être humain au centre des préoccupations est acceptable. Le "plan migrants" tel que présenté par le ministre de l'Intérieur serait une grave rupture avec les valeurs et les principes de notre République.

Aujourd'hui, c'est l'Etat qui devrait être condamné et Cédric Herrou remercié pour son engagement solidaire et humaniste auprès de femmes, d'hommes et de très nombreux enfants qui vivent un enfer quotidien.

Quand il était ministre, E.Macron avait voulu se démarquer du premier Ministre Valls en appelant à la compassion des Européens à l'égard des réfugiés. C'était avant.

 

Olivier Dartigolles, porte parole du PCF

 

 

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9 août 2017 3 09 /08 /août /2017 05:47

L'agriculteur Cédric Herrou a été condamné ce mardi à quatre mois de prison avec sursis pour « aide à l’immigration clandestine » par la cour d’appel d'Aix-en-Provence.

La condamnation en appel aura donc été plus sévère. Condamné en février à 3 000 euros d’amende avec sursis lors du procès en première instance au tribunal correctionnel de Nice, Cédric Herrou a finalement écopé ce mardi 8 août devant la cour d’appel d'Aix-en-Provence de quatre mois de prison avec sursis. Le motif ? « Aide à l’immigration clandestine ». Le parquet avait requis huit mois de prison avec sursis dans ce procès ouvert en juin et suivi par Mediapart. C'est « une peine d'avertissement », a précisé le président du tribunal, qui a incité l'agriculteur à ne pas commettre « d'autres infractions dans un délai de cinq ans ». « Ils n'ont qu'à me mettre en prison tout de suite », a répondu l'intéressé qui a promis de se pourvoir en cassation et d'aller jusqu'à la Cour européenne des droits de l'homme s'il n'obtenait pas gain de cause.

Âgé de 38 ans, Cédric Herrou était poursuivi pour avoir transporté des migrants de la frontière italienne jusqu’à chez lui en 2016 et organisé un camp d’accueil de réfugiés dans un ancien local désaffecté de la SNCF à Saint-Dalmas-de-Tende, dans les Alpes-Maritimes.

Mais il n'en a pas fini avec la justice : il a été également mis en examen le 26 juillet pour aide à l’entrée et à la circulation de personnes en situation irrégulière après avoir été arrêté en compagnie de 150 migrants à la gare de Cannes. Une garde à vue considérée par la Ligue des droits de l'homme comme un « déni de justice ». « La LDH est en droit de demander des comptes au gouvernement, pouvait-on lire alors dans un communiqué. (...) Il convient de lui rappeler que le délit de solidarité n’existe pas et que la France vient d’être sévèrement épinglée par la CEDH à ce propos. (...) La LDH exige la libération immédiate de Cédric Herrou, la levée de toute poursuite et la mise au pas des actes trop zélés d’une police obnubilée par la ligne de leur frontière. »

Invité ce mardi matin sur France Inter juste avant que ne tombe la condamnation, celui qui est devenu la figure emblématique du combat des habitants de la vallée de la Roya ne changeait pas sa position d'un iota et lançait à son tour un appel au gouvernement. Au micro de Pierre Weill, Cédric Herrou a ainsi invité le ministre de l'intérieur, Gérard Collomb, à se rendre dans son exploitation où il accueille plusieurs dizaines de migrants, dont une vingtaine de mineurs, et a vivement critiqué la politique de répression à l'œuvre à la frontière franco-italienne. « On est témoin de poursuite à travers la montagne de jeunes Noirs d'Afrique par les forces de l'ordre », assure l'interviewé qui regrette par ailleurs l'absence de centre d'accueil dans le département. 90 % des migrants qu'il héberge, dit-il, sont des demandeurs d'asile qui fuient la guerre.

"Je ne regrette rien"
"Je l'ai fait avec plaisir"
"Ils n'ont qu'à me mettre en prison, ce sera plus simple"#CedricHerrou pic.twitter.com/PjAP9wSLr9

— CNEWS (@CNEWS) 8 août 2017

 

Sur les réseaux sociaux, de nombreux messages de soutien circulaient ce mardi après l'annonce de la condamnation. « Tout mon soutien à Cédric Herrou », « La bévue de Cédric Herrou est d'avoir milité dans le Pays des droits de l'homme ! », « Face à la décision de justice prise à l'encontre de Cédric Herrou, une formule me revient : “Indignez-vous”. J'ai honte. Honte et honte », pouvait-on lire, entre autres, sur Twitter.

Dans l'après-midi, la LDH a réagit à son tour, évoquant une « insupportable dérive politique de la justice ». « En condamnant Cédric Herrou, la cour d'appel d'Aix-en-Provence montre qu'elle a parfaitement intégré la volonté politique du gouvernement d'interdire l'aide aux réfugiés en faisant de la solidarité un instrument de la répression, écrit la Ligue des droits de l'Homme. Alors que, dans le même temps, le préfet de région interdit, impunément, aux réfugiés de déposer leurs demandes d'asile, un homme, soucieux du sort de personnes dans le plus grand dénuement, est poursuivi et condamné. La LDH dénonce cette situation et assure Cédric Herrou de sa totale solidarité.

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8 août 2017 2 08 /08 /août /2017 06:09

N'en déplaise à certains, la BCE (Banque centrale européenne) n'est pas près de changer sa politique monétaire. 

 

Certains rêvent d'un retour au bon vieux temps d'avant la crise des « subprimes » : celui où l'on se fiait tranquillement au marché. Pourtant, s'il ne fallait citer qu'une seule bombe à retardement, les dettes accumulées par les États, les entreprises et les ménages, vont être insoutenables dès que les taux d'intérêt auront remonté.

Certains croient dur comme fer au retour à la normale et sont convaincus de l'imminence du changement de politique monétaire de la Banque centrale européenne (BCE) qui va en résulter. D'autres s'interrogent à propos du mécanisme de la prochaine crise qui va immanquablement survenir. Entre ces deux discours, c'est le grand écart !

En dépit de modestes progrès, ni le taux d'inflation, ni celui de la croissance, ni même celui de l'emploi (1) sont dans les clous. Mais le désir de croire à l'arrêt progressif des programmes mis en place par les banques centrales est plus fort que tout, question de conform isme. Même si la Federal Reserve américaine ne s'y engage qu'avec une extrême prudence, que la BCE ne s'y résout toujours pas, et que la Banque du Japon persévère dans le contraire. Les banques centrales ne marchent pas du même pas, cela ne devrait-il pas conduire à nous interroger ?

NOUVEAUX DÉFIS

Certains le font : « Les décideurs doivent oublier des décennies de croyances économiques orthodoxes », affirme dans l'hebdomadaire financier « l'Agefi » (2) l'un d'entre eux, Nicolas Moreau, qui dirige Deutsche Asset Management, la filiale de gestion d'actifs de la Deutsche Bank. Dans la nouvelle ère dans laquelle nous sommes entrés, « nous devons affronter de nouveaux défis structurels, parmi lesquels la baisse de la productivité, des conditions démographiques défavorables et des pertes d'emplois induites par l'irruption des nouvelles technologies ». Il en conclut qu'un « retour au cadre théorique de l'avant-crise serait tout simplement inapproprié », et que nous sommes entrés dans « une nouvelle période d'interventionnisme », par opposition à la politique consistant à se fier au marché.

 

États-Unis, Europe, Japon : les banques centrales ne marchent pas du même pas. Mauvais signe ?

Il n'y va pas de main morte, préconisant l'annulation par les banques centrales de la dette souveraine qu'elles détiennent, en raison de leurs achats massifs. Et, pour faire bonne mesure, de poursuivre pendant une longue période leur intervention afin de maintenir bas les taux obligataires, puis de « sérieusement » étudier une politique de garantie de l'emploi ainsi que l'instauration d'un revenu universel de base !

Côté rebondissement d'une crise qui n'a jamais c essé, Jai me Caruana, le directeur général de la Banque des règlements internationaux (BRI), qui regroupe les banques centrales, considère qu'il faut chercher l'équivalent des subprimes de 2007 en fouinant dans les arcanes du système financier : « Chaque crise a été rendue possible par une incompréhension collective qui a créé un angle mort sur le risque. » Mais à le suivre dans ces profondeurs, on a toutes les chances de s'y perdre.

 

UNE ÉNORME BULLE

Il y a pourtant des candidats sérieux au rôle de trouble-fête, qui ne peuvent pas passer inaperçus, comme les milliers de milliards de dollars injectés dans le système financier par les banques centrales. Destinées à relancer le crédit et l'économie, ces injections ont eu comme effet la constitution d'une énorme bulle instable d'actifs boursiers et ont encore grossi la masse des produits dérivés, ces instruments que l'investisseur américain Warren Buffett a qualifiés « d'armes financières de destruction massive ».

Une autre masse financière, qui n'est pas sans rapport avec la précédente, est porteuse du danger : la dette obligataire. Les analystes de l'Institut international de la finance estiment son stock mondial à 215000 milliards de dollars fin 2016, endettements des ménages, des entreprises et des États confondus. Or, la hausse des taux du marché obligataire, anormalement bas au regard de son historique, est considérée comme inéluctable. Lorsque les taux augmenteront, le service de la dette pèsera lourdement sur les budgets publics, et dans le contexte actuel de faible croissance et de niveau d'inflation destiné à durer, la dette souveraine sera de moins en moins soute-nable. Y a-t-il besoin d'aller chercher plus loin?

FRANÇOIS LE0LER0 Contact :@fdleclerc

(1) Peter Praet, l'économiste en chef de la BCE, a estimé à 18 % le taux de mesure élargi du chômage au sein de la zone euro, une fois pris en compte le temps partiel subi.

(2) «L'Agefi Hebdo » no 575 du 20 au 26 juillet 2017.

 

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8 août 2017 2 08 /08 /août /2017 06:04

 

Dans un communiqué, la FAPT-CGT revient sur le discours du président de la République Emmanuel Macron en clôture de la conférence des territoires. Réaffirmant sa volonté de couvrir le territoire français en haut débit d’ici 2020, le président en a profité pour introduire la notion de "bon débit", soit 8 megabits/seconde, qui pourrait se substituer dans certains cas au très haut débit, soit 30 megabits/s. Cette assertion fait peser la menace d’un risque d’inégalité d’accès à l’Internet, "selon que tu sois riche ou pauvre, selon que tu habites en ville ou à la campagne", commente la FAPT.

C’est un risque inacceptable, pour la FAPT-CGT, à l’heure d’une numérisation de la CGT qui touche toutes ses composantes. La CGT revendique pour sa part une couverture en très haut débit de 100% du territoire et donc de la population d’ici 2022 en privilégiant la fibre optique. La CGT défend une appropriation publique démocratique des activités de télécommunication, qui permettrait aux élus locaux, aux salariés du secteur, au même titre que les gouvernements et les opérateurs, de prendre des décisions sur la base de l"intérêt général, et non plus sur le seul critère de la rentabilité financière immédiate.

Cette appropriation publique permettrait d’imposer aux opérateurs d’investir sur leur fond propre pour la construction du THD fibres et de la 5G, de maitriser les réseaux pour une meilleure mutualisation, et de mettre fin à la précarité des employés du secteur. La FAPT-CGT craint en effet que le contrat de projet, tel que le prépare la Loi Travail XXL, ne soit imposé au secteur des télécommunications.

 

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8 août 2017 2 08 /08 /août /2017 06:01

Laurent Bigorgne, directeur de l’Institut Montaigne, s’est révélé être l’un des architectes de la victoire d’Emmanuel Macron. Il lui a fourni des notes et a activé son réseau. Son influence intellectuelle se fait sentir dans différents projets du gouvernement, sur l'école comme sur le droit du travail.

our le grand public, ce nom reste obscur. Laurent Bigorgne, directeur général de l’Institut Montaigne, a pourtant joué un rôle non négligeable dans la campagne d’Emmanuel Macron en lui fournissant pléthore de notes et en activant son réseau. Puis, sitôt l’élection gagnée, l’influence de l’Institut Montaigne s’est manifestée dans plusieurs secteurs, l’éducation et le social en tête.

Son nom n’apparaît sur aucun document officiel d’En Marche! et lui-même limite sa relation avec Emmanuel Macron à une amitié forte. Pourtant, l’exploitation des Macron Leaks montre une tout autre réalité : cumulant cette activité avec ses responsabilités à la tête de son think tank libéral, Laurent Bigorgne, 42 ans, a joué un rôle central dans l’élaboration du programme du candidat. Du printemps 2016 jusqu’au mois de mars 2017.

Dès son lancement en avril 2016, en parallèle de son efficace recherche de fonds, Emmanuel Macron a méthodiquement organisé l’« axe “Idées” » du mouvement afin de théoriser les rêves de « Révolution » du futur candidat. Il s’est formé autour d’un premier noyau ayant « vocation à être élargi dans les […] semaines [suivantes] », selon un document d’En Marche! d’avril. Sans surprise, apparaît dans cette première liste le nom de Laurent Bigorgne.

L’Institut Montaigne a été aussi l’un des incubateurs d’idées pour Emmanuel Macron, même s’il s’en défend. Ce think tank a été créé en 2000 par Claude Bébéar, le « parrain » du capitalisme français, fondateur d’Axa, et présidé par Henri de Castries, l’ami intime de François Fillon. L’Institut Montaigne se présente comme un club de réflexion indépendant, dont le mantra est d’« améliorer la cohésion sociale, l’efficacité de l’action publique et la compétitivité de l’économie ». Même sur le plan financier, l’organisme a placé des garde-fous pour contenir toute influence extérieure en limitant l’apport de chaque société à 2 % maximum du budget total.

Fort d’un pactole annuel de 3,8 millions d’euros, l’Institut, qui emploie une quinzaine de salariés, est financé par une kyrielle d’entreprises du CAC 40, comme Air France, SFR, Sanofi, Bouygues, Microsoft, Dassault, Orange, Veolia, Vinci, Total, Allianz, Groupe M6, LVMH, Bolloré, Rothschild, Banque Lazard ou encore le Crédit agricole, etc. En son sein, il existe une volonté de maintenir aussi une certaine indépendance politique, du moins officiellement.

Voilà pourquoi l’implication personnelle de Laurent Bigorgne dans En Marche! a irrité Claude Bébéar lorsqu’elle a été découverte. En avril 2016, lorsqu’En Marche! naît, Mediapart révèle que le mouvement est hébergé par une certaine Véronique Bolhuis, qui n’est autre que la compagne de Laurent Bigorgne. L’adresse du domicile privé du couple apparaît sur le site de l’association naissante, avant modification expresse.

Cette révélation a fait l’objet, après publication de l’article, d’une mise au point d’Emmanuel Macron, qui balaie tout lien entre En Marche! et l’Institut Montaigne. L’ancien ministre de l’économie écrit : « En Marche! n’a jamais été domiciliée à l’Institut Montaigne : cette association a été domiciliée au domicile privé de Véronique Bolhuis, qui est une amie personnelle et qui a accepté à ma demande de faire partie de l’équipe de préfiguration d’En Marche!. Mme Bolhuis est également la femme de Laurent Bigorgne, directeur de l’Institut Montaigne, mais cela ne saurait vous autoriser à faire un tel raccourci, puisqu’il conduit à travestir totalement la réalité. Par ailleurs, contrairement à ce que vous avancez, En Marche! n’a bénéficié d’aucun soutien logistique, encore moins “important” ni même “discret” de la part de l’Institut Montaigne, car les choses sont très simples : En Marche! n’a et n’a jamais eu aucun lien d’aucune sorte avec l’Institut Montaigne. »

Du reste, malgré cette défense acrobatique, le mélange des genres reste un peu fâcheux. Aujourd’hui encore, le directeur de l’Institut Montaigne se cramponne à cette version. Il considère que le fait que sa conjointe ait accepté de domicilier En Marche! chez eux relève de « sa responsabilité ». Il sous-entend par là que ces critiques sont mues par un fond de sexisme. Il assure avoir été en désaccord avec cette démarche, et même si, ajoute-t-il avec un peu de mauvaise foi, son domicile personnel « n’a rien à voir » avec l’Institut Montaigne. Cela n’a tellement rien à voir que le directeur a soumis, après cet épisode, sa démission au conseil de l’Institut. Sa direction l’a retenu, non sans l’admonester et lui rappeler son devoir de neutralité.

Dans la dernière ligne droite, Bigorgne s’est enfin dégagé du mouvement, non sans avoir réussi à injecter ses idées dans la campagne. À tel point qu’avant la nomination du ministre de l’éducation nationale – qui a échu à son ami Jean-Michel Blanquer –, le nom de Laurent Bigorgne était bien placé dans le jeu des pronostics. L’homme minore la rumeur dont il a fait l’objet avec un soupçon de fausse modestie. À l'entendre, l’actuel locataire de la rue de Grenelle était bien évidemment le meilleur choix pour occuper le poste.

Laurent Bigorgne a toutefois su placer ses pions pour la suite. D’abord, la nomination de Jean-Michel Blanquer rue de Grenelle sonne comme une victoire personnelle. Celui-ci ne s’en cache pas, il est très proche de l’Institut. À tel point que des séances de travail et des auditions d’experts ont eu lieu entre ces murs pour peaufiner son dernier ouvrage-programme, L’École de demain (éditions Odile Jacob), sorti en octobre 2016. Laurent Bigorgne le considère comme un ami proche et précise l’avoir rencontré dix ans auparavant. Il ne tarit pas d’éloges sur l’intelligence de celui dont il vante aussi « l’immense modestie » et la « probité intellectuelle ». De fait, il est difficile d’imaginer que le contact entre les deux hommes puisse se rompre.

L’autre réussite de l’Institut Montaigne apparaît dans l’organigramme du cabinet de Jean-Michel Blanquer depuis le 1er juin. Une certaine Fanny Anor endosse la fonction de conseillère spéciale. Laurent Bigorgne la connaît bien, et pour cause : il s’agit d’une ancienne salariée de l’Institut. Durant la campagne, il a été difficile de trouver un(e) responsable des questions d’éducation habilité(e) à expliquer les orientations du candidat en la matière. Fanny Anor, ancienne enseignante en histoire et géographie, a été l’une des rares à le faire et à rendre son nom public, après quelque temps de flou. Laurent Bigorgne raconte qu’elle a quitté son poste « un mois et demi avant le terme de la campagne ». Il assume. C’est aussi lui qui l’a introduite auprès d’Emmanuel Macron, lorsqu’elle lui a confié « avoir envie de partir », car « elle était intéressée par un candidat », précisément Emmanuel Macron.

« De belles bêtes intellectuelles »

Laurent Bigorgne se passionne pour l’éducation alors même que le think tank qu’il préside se targue d’embrasser toutes les thématiques importantes dans la société. Son appétence pour l’école trouve ses sources dans l’héritage familial, se plaît-il à raconter. Son père, proviseur d’un lycée professionnel en Meurthe-et-Moselle, lui a donné le goût du sujet. Il vient de la gauche, « pas celle de Mélenchon ou Hamon », concède-t-il volontiers. Pour le prouver, il rappelle qu’il a adhéré à l’Unef-ID dans ses jeunes années étudiantes. Lorsqu’il rencontre Claude Bébéar, le fondateur du groupe de réflexion, il lui précise tout de go « ses affinités intellectuelles » qu’il qualifie de « gauche tendance CFDT. » Il a grandi en admirant, entre autres, Jacques Chérèque, le père de François, secrétaire général de la CFDT de 2002 à 2012. Ce à quoi Bébéar rétorque : « Très bien, ça fera un équilibre entre nous deux », lorsqu’il le recrute pour devenir directeur des études en 2009.

Sa légende personnelle est belle et sûrement sincère, mais le directeur de l’Institut Montaigne reste un homme de réseau. Il a connu Emmanuel Macron, il y a bien longtemps, avant même que ce dernier nourrisse des velléités politiques. Il peine à se souvenir de la date exacte mais évalue leur amitié à une quinzaine d’années avec celui qu’il a rencontré par l’entremise de feu Richard Descoings, directeur atypique et parfois contesté de Sciences-Po, décédé en avril 2012.

La tête de l’Institut Montaigne reconnaît ne pas avoir inventé la mesure emblématique du programme d’Emmanuel Macron en matière éducative, que Jean-Michel Blanquer doit mettre en musique, à savoir la réduction des effectifs en CP et CE1 dans les réseaux d’éducation prioritaire (les REP), mais dit qu’il l’a « poussée ». Bigorgne nourrit beaucoup d’attente sur l’action du nouveau ministre de l’éducation nationale : « Je rendrai grâce à celui qui va concentrer les moyens là où il y en a le plus besoin. C’est ça la vraie rupture. S’il y a bien une chose que j’ai faite dans la campagne, c’est militer pour ça. »

Pour Laurent Birgorgne, toute cette aventure ne serait que le simple fruit d’amitiés. Selon son récit, on serait presque tenté de croire qu’En Marche! n’est en réalité qu’une petite initiative, façon start-up artisanale, lancée entre copains sur un coin de table, version française du garage de la Silicon Valley, et qui s’est achevée à l’Élysée. Bigorgne assume volontiers ce rôle d’entremetteur. Il dit avoir aussi usé de son influence en ayant, par exemple, réclamé une augmentation des postes d’enseignants. Pas sûr que cette requête aboutisse en ces temps de disette budgétaire. Sans oublier que le ministre nommé a œuvré comme Dgesco, le directeur général de l’enseignement scolaire, sorte de ministre bis. Il a un passif, il a travaillé sous l’ère Sarkozy durant laquelle 80 000 postes avaient été sabrés. Et le voici désormais pourfendeur assumé de « l'ennemi du service public » que serait « l'égalitarisme » (lire notre article).

Pour une partie de la communauté éducative, l’Institut Montaigne promeut un modèle éducatif libéral, ce qui peut apparaître comme problématique. Une étiquette encombrante pour Bigorgne, qui rêve de faire de son laboratoire d’idées un pivot central de la pensée en France. Pour lui, c'est évidemment une allégation mensongère nourrie par le modèle de financement  de l'Institut : « Dès lors que vous êtes financés par des entreprises, vous êtes libéral, alors qu'il y a peu de libéraux en France. » 

Il est toutefois délicat de recueillir des propos à visage découvert. Personne ne veut nourrir la polémique ou attaquer de manière trop frontale l’Institut.

 

 

Un fin connaisseur de la rue de Grenelle, marqué à gauche, estime que toute la bande de l’Institut Montaigne reste « de belles bêtes intellectuelles ». Un ancien du même ministère reconnaît que Laurent Bigorgne est « très intéressant » mais ne peut s’empêcher de relever que celui-ci doit se sentir « embêté » par les premiers pas de Jean-Michel Blanquer. Sur la question du redoublement, que le ministre souhaite « rétablir » (lire ici notre article sur le sujet) ou le retour à la semaine de quatre jours sur les rythmes scolaires, l’Institut Montaigne préconise tout l’inverse.

Un chercheur en sciences de l’éducation, qui goûte peu les orientations préconisées par Montaigne, considère que l'institut (et celui qui est aux commandes) est « idéologique » au sens où ses experts cultivent une approche scientifique pour tenter de résoudre les problèmes de l’école : « Ils estiment avoir ainsi des preuves par A+B sur l’efficacité d’une méthode ou réforme. » Un autre voit dans cette appétence « la limite de Montaigne ». Cette source déplore « leur croyance mécaniste en la science. Ils sont dans l’excès en en faisant leur matrice ». Ce qui est évidemment plus compliqué que cela. En témoigne l’épisode Céline Alvarez que la fine fleur de l’Institut Montaigne a soutenue et accompagnée (lire l’article de Laurence De Cock sur cette expérimentation). Au fond, poursuit ce connaisseur du système éducatif, l’école version Montaigne/Macron est un calque de la vision générale du président de la République : « L’éducation nationale est une vieille maison, on n’arrive pas à faire ce qu’on voudrait, alors il faut avoir une démarche d’entrepreneur et s’engager dans les territoires déshérités. Pour ce faire, ils voudraient aussi l’ouvrir à des initiatives privées comme les écoles de la seconde chance ou des associations comme Teach for France. »

Il est vrai que gravite dans la galaxie de l’Institut Montaigne l’association Agir pour l’école fondée 2010 par Laurent Cros à l’initiative de l’institut et abritée dans les mêmes locaux situés dans le très chic VIIIe arrondissement de Paris. Agir pour l’école se place sur le créneau de l’éducation prioritaire et fait la promotion de pratiques pédagogiques pour améliorer, par exemple, l’apprentissage de la lecture.

Un ancien du ministère de l’éducation nationale explique que Laurent Birgorgne a un positionnement idéologique plus subtil et complexe que « libéral ». Pour lui, il est très facile de dessiner son paysage idéologique parfaitement compatible avec En Marche! : « Il vient de la gauche et s’est mis sur la trajectoire de la droite éclairée, pas étonnant qu’il adhère à Macron. Bigorgne amène un prêt-à-penser ubérisé, technophile et progressiste sur l’éducation. La mouvance Montaigne essaie d’imaginer comment on assouplit le système, comment on individualise et responsabilise les acteurs, bref comment on les autonomise aussi. »

L’empreinte de l’Institut Montaigne sur le social

À sa décharge, explique cette source, Bigorgne « n’a pas une vision néocoloniale des banlieues à éduquer. Il ne s’inscrit pas dans les idées tradi-identitaires qui peuvent avoir un écho à droite. » Pour lui, le directeur de Montaigne reste « conscient des inégalités à l’école » et se tient éloigné de toutes ces initiatives très marquées à droite comme Espérances banlieues ou la Fondation pour l’école. Ces deux associations font la promotion du privé hors contrat avec un arrière-fond idéologique très rance (lire l'analyse de l’enseignant Grégory Chambat sur la question).

Selon lui, il ne faut pas verser dans une « fantasmagorie excessive » et surestimer leur influence, y compris au ministère de l’éducation nationale. « Si Montaigne a cet écho, c’est aussi parce qu’en dehors des fillonistes, on a du mal à trouver des gens qui pensent l’éducation. La gauche a un déficit là-dessus et manque de gens crédibles sur la question. » Il leur prédit toutefois quelques désillusions, notamment parce que « le système ne bouge pas par la tête » quand bien même on en aurait tous les leviers.

L’autre domaine dans lequel les idées de l’Institut Montaigne ont infusé concerne le volet social. Là aussi, Laurent Bigorgne a coordonné les groupes de travail. En matière sociale, priorité des priorités du nouveau pouvoir, l’influence des notes et réflexions de l’Institut Montaigne se révèle criante. Alors que « le projet de loi d’habilitation à prendre par ordonnances les mesures pour le renforcement du dialogue social » est arrivé à l’Assemblée nationale, les pistes de mesures concrètes envisagées par le ministère du travail sont désormais connues.

L’une des mesures phares, « de bon sens » comme l’a qualifiée Muriel Pénicaud lors de sa conférence de presse le 28 juin dernier, ce qu'elle a redit devant les députés, est le regroupement des instances représentatives du personnel au sein d’une seule et même institution. Dans son exposé des motifs, le projet de loi indique que le texte « définira en particulier les conditions de mise en place d’une instance fusionnée de représentation du personnel, se substituant aux délégués du personnel, au comité d’entreprise et au comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail ». Au terme des consultations avec les partenaires sociaux sur ce sujet, cette entité unique, appelée « conseil d’entreprise », pourrait être mise en place après accord collectif ou de branche.

Cette mesure ressemble étrangement à l’une des propositions contenues dans l’ouvrage Un autre code du travail est possible, édité sous l’égide de l’Institut Montaigne en mai 2016. Ce livre a été rédigé par Bertrand Martinot, ancien délégué général à l’emploi et la formation professionnelle (DGEFP) de 2008 et 2007 et conseiller de Nicolas Sarkozy de mai 2007 à septembre 2008, et – ô surprise ! – par Franck Morel, actuel conseiller social du premier ministre et ancien du cabinet de Xavier Bertrand quand celui-ci était ministre du travail de 2007 à 2012. 

Qu’écrivent les auteurs ? « Une simplification drastique des instances de représentation du personnel est aujourd’hui nécessaire. Elle devra s’accompagner d’une participation accrue de ces instances aux décisions concernant l’entreprise. À partir de 50 salariés, il est donc proposé de fusionner les fonctions de délégués du personnel, le comité d’entreprise, le CHSCT et les postes de représentants syndicaux auprès de ces instances pour créer une seule et unique instance. » Les similitudes sont flagrantes avec le projet de loi d'habilitation.

Dès septembre 2015, d’ailleurs, dans un rapport intitulé « Sauver le dialogue social », l’Institut Montaigne proposait déjà de « fusionner les instances de concertation en une seule instance, sans seuils d’effectifs ». Une demande qui évoque, une fois encore, la petite musique très en vogue aujourd’hui au ministère du travail.

Sur d’autres aspects de la réforme, l’ombre de l’Institut Montaigne plane de manière implacable sur le projet gouvernemental. Dans une note de juillet 2014, rédigée par Bertrand Martinot à l’occasion de la conférence sociale organisée par le précédent pouvoir et intitulée « Emploi : le temps des (vraies) réformes ? », le think tank évoque un assouplissement des contrats courts. « Le recours aux CDD serait facilité en y intégrant la possibilité de CDD longs (jusqu’à trois ans) à l’instar de ce qui existe dans le secteur public », écrit l’auteur. Une vieille demande du patronat qui, de manière extrêmement impromptue, a fait son irruption dans le projet de réforme du code du travail à travers la possibilité de l’extension du CDI de chantier, sorte de CDD long sans la prime de précarité actuellement appliquée dans le bâtiment, et les modifications des règles de recours aux CDD classiques. Ces deux évolutions sont aujourd’hui incluses dans le projet de loi d’habilitation. 

Le poids de l’Institut Montaigne dans la doxa gouvernementale se révèle également fort présent dans la construction de la future réforme de l’assurance-chômage qui sera discutée dès l’automne. Dans un rapport de mai 2017 sur le paritarisme de gestion, c’est-à-dire la gouvernance par les partenaires sociaux de certains organismes comme l’Unedic, un chapitre propose de « mettre un terme à la confusion des rôles dans le pilotage et dans la gestion de l’assurance-chômage » (page 96 du rapport). 

En tous points, en insistant sur la place de l’État qui influe sur les négociations, garantit la dette de l’organisme paritaire et agrée la convention négociée, l’institut porte un discours jumeau de celui d’Emmanuel Macron durant la campagne présidentielle. Invité chez Mediapart à deux jours du second tour, le désormais président de la République rappelait en quoi il était important, à ses yeux, de transférer tout ou partie de ce pilotage à l’État. « Dans la mesure où la réalité de son financement est l’impôt par la garantie d’État, l’État doit avoir son mot à dire », affirmait-il à l’époque. Une déclaration qui paraphrase l’Institut Montaigne, lequel analyse : « C’est l’État qui, aujourd’hui, assume la responsabilité de la situation dégradée de l’assurance-chômage sans que tous les leviers d’action soient à sa main. »

Chômage, emploi, dialogue social… Aujourd’hui, le programme que porte le pouvoir « en marche » s’inscrit dans les pas de ce think tank qui, année après année, a planté les jalons d’une réforme qui porte donc autant ses couleurs que celle de la nouvelle majorité. 

Aujourd’hui, Laurent Bigorgne affirme ne plus être en contact avec Emmanuel Macron depuis six mois. Il dit comprendre cette absence d’échange, désormais, « ce n’est plus un Français comme les autres, il a une mission ». En attendant, le président de la République n’a même pas pris le temps de répondre à son SMS de félicitations pour son élection, à laquelle il a pourtant tant contribué.

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8 août 2017 2 08 /08 /août /2017 05:53

 

La flexicurité à la danoise a réduit son volet sécurité, tandis que la pauvreté touche désormais près de 18 % de la population, selon Christèle Meilland, chercheuse à l'Institut de recherches économiques et sociales

 

L'Humanité : COMMENT DÉFINIR LA FLEXICURITÉ À LA DANOISE ?

CHRISTÈLE MEILLAND

Le modèle de flexicurité danois fait cohabiter une grande facilité de licenciement pour les patrons et une forme de sécurité pour les demandeurs d'emploi qui sont bien indemnisés par l'assurance-chômage, à hauteur de 90 % de leur salaire. Il comporte aussi une politique du marché de l'emploi active, avec une formation professionnelle forte et qui s'étend tout au long de la vie. L'objectif de cette politique, lorsqu'elle a été mise en place dans les années 1990, était de diminuer le taux de chômage qui atteignait 10 %. Il est redescendu en quelques années à moins de 5 %. Le taux de rotation des emplois est devenu très élevé, mais les Danois n'avaient plus peur de perdre leur poste car ils avaient confiance dans leur système.

 

L'Humanité : COMMENT DÉFINIR LA FLEXICURITÉ À LA DANOISE ?COMMENT LE SYSTÈME A-T-IL SURVÉCU À LA CRISE DE 2008 ?

CHRISTÈLE MEILLAND

Entre 2008 et 2015,le taux de chômage a doublé au Danemark, mais est resté inférieur à 10 %. À partir de 2010, et particulièrement depuis 2015 et l'élection du nouveau gouvernement de droite, plusieurs mesures ont été prises pour le faire évoluer. La durée d'indemnisation du chômage a baissé de six à quatre ans, puis à deux ans. Mais l'indemnisation reste de 90 % du salaire. De plus en plus de Danois sont tombés dans le système de l'assurance sociale. Il a fallu créer un « statut tampon » pour accueillir tous ces chômeurs en fin de droits qui ne pouvaient plus toucher l'indemnisation. Il a fallu aussi des mesures spécifiques d'accompagnement des travailleurs les plus vulnérables, qui ont été plus particulièrement touchés par le chômage : les immigrés, les femmes et les jeunes.

Depuis 2015, le gouvernement a aussi limité les pensions d'invalidité, repoussé l'âge de la retraite et diminué les minima sociaux. Le taux de pauvreté au Danemark est passé de 16,3 à 17,7 % depuis 2008, ce qui est signifiant et concerne tout particulièrement les jeunes. Donc, oui, depuis la crise, le modèle a évolué, assurément vers un renforcement de la flexibilité et un affaiblissement du volet sécurité. Mais je ne pense pas qu'à l'heure actuelle, cela remette totalement en question le modèle danois.

 

L'Humanité : COMMENT DÉFINIR LA FLEXICURITÉ À LA DANOISE ?EN FRANCE, LE GOUVERNEMENT DÉFEND L'ACCORD D'ENTREPRISE POUR FLUIDIFIER LE DIALOGUE SOCIAL. COMMENT CELA FONCTIONNE-T-IL AU DANEMARK ?

CHRISTÈLE MEILLAND

Le taux de syndicalisation est très élevé au Danemark. La force de ces syndicats permet la négociation des droits des salariés à l'échelle des accords nationaux interprofessionnels ou cadres sectoriels. Ce sont eux qui forment l'ensemble du droit conventionnel. Ils régissent le temps de travail, les congés parentaux, le salaire minimum... Pas les accords d'entreprise.

 

L'Humanité : COMMENT DÉFINIR LA FLEXICURITÉ À LA DANOISE ?QUELLES SONT AUJOURD'HUI LES CONDITIONS QUI PERMETTENT À CE MODÈLE DANOIS DE FLEXICURITÉ D'EXISTER ?

CHRISTÈLE MEILLAND

La population reste limitée, il s'agit d'un petit pays de 5,6 millions d'habitants. Le système coûte aussi très cher et doit être entretenu par des investissements publics importants, le tout est financé par une fiscalité en conséquence très élevée. Le système de formation professionnelle tout au long de la vie est aussi fondamental, il est efficace et en constante évolution. C'est une philosophie, les gens n'hésitent pas à se former et à se reconvertir. Et tout cela est piloté par un service public fort et décentralisé.

 

ENTRETIEN RÉALISÉ PAR PI. M.

 

FRANCE ET DANEMARK, DEUX POLITIQUES OPPOSÉES DE FINANCEMENT DE LA PROTECTION SOCIALE

Le modèle social danois a un coût. C'est le pays développé à la fiscalité la plus élevée. L'impôt sur le revenu (de 41 à 60 % du salaire brut des Danois, prélevé à la source) représente 25 % du PIB, contre 2,8 % en France. Les modes de financement de la protection sociale sont aussi diamétralement opposés: ce que la France finance par des cotisations sociales (63 % des recettes de la protection sociale), le Danemark le finance par des impôts dans les mêmes proportions (62,4 %). Le Danemark consacre près de 2 % de son PIB à sa politique de l'emploi, contre 0,55 % dans les pays de l'OCDE.

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8 août 2017 2 08 /08 /août /2017 05:51

 

Nous nous honorons ici d’avoir été parmi les premiers durant la campagne de l’élection présidentielle à avoir répété que M. Macron avait bien un programme : celui des milieux d’affaires. Ceci se confirme jour après jour. Insatisfait des orientations pourtant très libérales annoncées dans le discours de politique générale du Premier ministre de droite, le monde de la finance et de la rente n’a cessé de s’agiter les jours qui ont suivi pour réclamer du président de la République plus de clarté, plus d’audace, plus de faveurs. Bref, il ne faisait que réclamer avec gourmandise de confortables retours sur l’investissement qu’il avait placé depuis plus de deux ans sur l’un des siens, venu de la banque Rothschild, qui avait pu se faire la main sur le mélange des genres comme secrétaire général-adjoint de l’Élysée, puis ministre de l’Économie.

Pendant que les grands médias faisaient croire à l’état de grâce, des journaux comme « L’Opinion », « Challenges », des penseurs du libéralisme comme ce M. Koening dans Libération, tous ceux qui se sont retrouvés aux « rencontres économiques d’Aix » ou encore « l’association française des entreprises privées » et évidemment M. Gattaz sont, avec la rapidité de l’éclair, montés au créneau pour dénoncer l’insuffisant respect des promesses qui leur avaient été faites. Le discours du Premier ministre ne manquait pourtant pas de sales coups contre les salariés et les conquis sociaux, mais tout ce beau monde ne supportait pas que ce dernier ait annoncé de reculer de presque un an la transformation définitive du CICE en crédit d’impôt, de reporter la baisse pérenne des cotisations patronales, la diminution de la fiscalité du capital et le recentrage de l’impôt sur les grandes fortunes sur l’immobilier. Sans coup férir, le président a tranché en leur faveur. Et il a décidé d’un même élan de démolir le droit du travail par ordonnances, de réduire les dépenses publiques, de baisser les impôts des plus riches et d’augmenter la CSG. Autant de vieilles recettes de l’ultra-libéralisme servies dans de nouvelles gamelles géantes pour le festin à venir des privilégiés.

La modification de l’impôt sur les grandes fortunes vise à en extraire les actifs financiers qui sont la source essentielle de la rente des plus fortunés. Cela représente pour eux un nouveau cadeau de trois milliards d’euros, tandis que les retraités subiront durement le surplus de CSG. Les autres verront grandir la précarité, première conséquence de la nouvelle loi dite « travail ». Le contrat à durée déterminée sera attaqué au burin par « celui de chantier » tandis que les salariés injustement licenciés percevront des indemnités réduites. A tout cela, s’ajoutera la pression sur les salaires et la durée du travail que les employeurs ne manqueront pas d’exercer grâce à un code du travail déclinable entreprise par entreprise. L’impôt sur les sociétés va baisser à 28%. En même temps, la nouvelle diminution des crédits publics se fera contre la solidarité, particulièrement en matière de logement et de santé. De premières projections estiment que seulement 280 000 personnes vont bénéficier des nouveaux cadeaux fiscaux macroniens pour une valeur de 4,2 milliards d’euros. Macron est bien le nouveau président des riches ! C’est aussi le président qui obéit à Mme Merkel qui n’a de cesse de réclamer cette purge contre une hypothétique réforme de la zone Euro dont le contenu reste des plus flous.

La combinaison des décisions en cours forme un cocktail d’une brutalité inconnue jusque-là. On avait comparé M. Fillon à Mme Thatcher. M. Macron va les dépasser l’un et l’autre ! Pour financer les énormes cadeaux fiscaux aux plus fortunés et aux grandes entreprises, le pouvoir va déconstruire encore plus nos biens communs, nos services publics. La fin de l’impôt sur les grandes fortunes, comme les facilités fiscales aux grandes entreprises ne vont pas concourir à la relance des investissements utiles, mais viendront alimenter le feu roulant et dévorant des marchés financiers et de cette bulle spéculative menaçante qui ne cesse d’enfler. La nouvelle diminution de 13 milliards de dotations aux collectivités locales combinée à la fin de la taxe d’habitation seront utilisées pour obliger ces dernières à réduire leurs actions et leurs investissements au service du plus grand nombre. Les services publics de proximité et la démocratie locale en seront étouffés. Les conséquences pour l’emploi seront désastreuses.

Ce qui s’annonce peut donc être encore pire que ce qui s’est passé durant les deux derniers quinquennats. Le monde du travail, de la culture, de la santé, de l’éducation, de la justice, de la recherche ne peut rester plus longtemps dans l’expectative ou l’attente. Il doit dans sa diversité se faire entendre, se manifester contre ce pouvoir qui recherche un consensus, une « union nationale » d’un nouveau type au seul service des puissances financières en guerre entre elles pour rechercher le taux de  profit maximal. Il n’y a aucune illusion à se faire. De ce point de vue, la préparation de la journée nationale d’action du 12 septembre est importante, comme l’est le dialogue avec le maximum de salariés, de jeunes, de retraités, de créateurs pour une fête de l’Humanité contribuant à l’indispensable riposte contre le nouvel ordre des féodalités. Sa réussite se prépare dès maintenant. Ce sera celle de l’humain contre la voracité de l’argent-roi.

 

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