L'ONG Global Footprint Network a établi au 2 août le jour où l'humanité aura épuisé les réserves naturelles planétaires pour l'année. C'est une situation que nous prenons très au sérieux. Certes chaque consommateur doit adopter des attitudes en conformité avec cet enjeu vital, toutefois l'efficacité commande de vite bâtir un nouveau mode de production beaucoup moins prédateur des ressources naturelles.
Il est urgent d'en finir avec un système qui se fixe comme priorité le seul appât du gain financier pour une minorité. C'est cette pollution financière qui empêche d'avancer vers le changement souhaitable.
Pour en finir avec la surconsommation, il faut d'abord en finir avec l'obsolescence programmée, vecteur de scandaleux profits, et tendre vers l'éco-conception durable pour chaque produit, ainsi développer les filières de recyclage et l'économie circulaire.
Nous proposons pour limiter la prédation des ressources naturelles d'en taxer le prélèvement. On compenserait ce nouvel impôt par l'octroi de crédits bancaires bonifiés à chaque fois que l'entreprise investit dans des process industriels « propres », qu'elle forme ses salarié-e-s et les rémunère à un bon niveau. Augmenter le pouvoir d'achat de chaque salarié-e, c'est permettre à chaque consommateur l’accès à des produits de meilleure qualité.
Pour cela, il est incontournable de décider un autre partage des richesses produites, de lutter contre l'évasion fiscale afin de développer considérablement la recherche, les services publics, et orienter l'argent vers les biens communs, moteurs d'un véritable développement humain durable.
Les députés Insoumis, communistes et socialistes, associés à deux non inscrits, vont déposer cette semaine un recours au Conseil constitutionnel sur le projet de loi habilitant le gouvernement à réformer par ordonnances le Code du travail, ont-ils annoncé jeudi dans un communiqué commun.
Le recours annoncé par les députés insoumis, communistes et socialistes auprès du Conseil constitutionnel pour tenter d'empêcher une nouvelle casse du Code du travail porte "principalement sur l'imprécision du mandat confié au gouvernement par les ordonnances, et sur le droit à la réparation intégrale du préjudice en cas de licenciement abusif", précisent les présidents Olivier Faure (Nouvelle Gauche), Jean-Luc Mélenchon (La France insoumise) et André Chassaigne (communistes). Deux des trois députés nationalistes corses y sont associés, selon un élu LFI.
Et il pourrait y avoir d'autres actions communes du même genre
Notant que "cette initiative commune est la seule qui permette à nos groupes d'opposition de saisir le Conseil constitutionnel pour s'assurer de la conformité des projets de loi votés par la majorité", car il faut au moins 60 députés pour une saisine, ils se disent prêts à la réitérer "chaque fois" qu'ils le jugeront nécessaire.
A leurs yeux, le projet de loi porté par la ministre du Travail Muriel Pénicaud contrevient à plusieurs principes et libertés constitutionnels.
Sur la forme, "la procédure d'adoption de cette loi a été marquée par des délais et conditions matérielles ayant empêché le Parlement d'exercer son rôle constitutionnel, et méconnaît notamment l'exigence de clarté et de sincérité du débat parlementaire", plaident notamment les trois présidents de groupe. Sur le fond, ils estiment que cette loi "méconnaît l'exigence de précision des finalités de l'habilitation qui découle de l'article 38 de la Constitution".
"En entretenant le vague sur les mesures à venir, la loi (...) laisse toute latitude au gouvernement pour modifier à sa guise le code du travail, sans garantie du respect des droits fondamentaux des salariés", déplorent Olivier Faure, Jean-Luc Mélenchon et André Chassaigne.
un "fait majeur"
Et "ce recours, qui est un fait majeur, est une manière de dire qu'on n'est pas dupes d'une session extraordinaire qui a servi à une loi de destruction massive du Code du travail, une loi ordinaire qui porte bien son nom sur la confiance (...) et qui fragilise le Parlement, une politique d'austérité sans équivalent", a déclaré Eric Coquerel lors d'une conférence de presse des seuls Insoumis.
(Avec AFP)
Communiqué de Pierre Dharréville, député PCF des Bouches-du-Rhône
" Dès le début de l'examen du projet de loi d’habilitation visant à réformer par ordonnances le code du travail, le groupe GDR a envisagé la possibilité de saisir le Conseil constitutionnel. Nous avons très rapidement pris des contacts en vue de faciliter cette saisine qui nécessitait la signature de 60 députés. Les deux autres groupes de gauche de l’Assemblée ayant chacun conçu le même projet de leur côté, nous nous sommes retrouvés pour faire échec à ce texte malgré son adoption le mercredi 2 août par le Parlement.
Nous nous félicitons qu'une telle convergence ait pu se concrétiser face à un projet d'une gravité extrême pour le monde du travail, portant atteinte aux fondements de notre pacte républicain. L’état d’esprit qui a animé cette démarche sera celui des députés communistes tout au long de cette législature. Nous voulons travailler à la construction d’une gauche combative face au libéralisme et ses déclinaisons modernes, et rechercher des convergences avec d'autres dans le respect des sensibilités et de l’histoire de chacun.
Nous escomptons l’aboutissement de ce recours afin de faire reculer la majorité et d’alimenter les mobilisations à venir."
LES GRANDS ENJEUX POUR NOTRE PLANÈTE, PAR GÉRARD LE PUILL
Macron, adepte de la « destruction créatrice », omet que nous entrons dans un monde de rareté...
Le seul but de la Cop21, l'obtention d'un accord et d'une ratification, quel qu'en soit le prix. Relever l'ambition des négociations, peu importe...
Dans son discours d'investiture prononcé le 14 mai à l'Élysée, Emmanuel Macron a rendu hommage à de Gaulle, Pompidou, Giscard d'Estaing, Mitterrand, Chirac, Sarkozy et Hollande, qui l'ont précédé à la présidence de la Ve République. Après tout, pourquoi pas ? Toutefois, glorifier François Hollande du succès de la COP21 est plutôt grotesque. Depuis qu'il fait de la politique, Hollande ignore les enjeux climatiques. En témoignent son parcours de parlementaire comme celui de premier secrétaire du PS. Le sujet ne l'a pas davantage passionné durant la préparation de la COP21, qui s'est tenue au Bourget en décembre 2015. Seule l'intéressait la conclusion d'un accord, quel qu'en soit le contenu, histoire d'obtenir un succès diplomatique à dix-huit mois de la fin de son mandat. Il y voyait un atout pour en solliciter un second auprès des électeurs. Dans le livre publié par les deux journalistes du « Monde » qui ont eu des années d'entretiens avec lui, François Hollande confie : « Je me suis intéressé à ce sujet tardivement, quand on a eu la COP21 (...), je pensais que l'écologie était un sujet mais il n'y avait pas de traduction électorale » (1).
Ces propos ont le mérite de la franchise. Emmanuel Macron n'est pas plus écologiste que François Hollande (lire la chronique de l'« HD » n° 562). Sa vision de l'économie est fondée sur ce que certains appellent la « disruption permanente ». C'est l'accélération de la théorie de la « destruction créatrice », conceptualisée dans la première moitié du XXe siècle par l'économiste autrichien Joseph Schumpeter, lequel observait d'un oeil parfois plus critique qu'enthousiaste l'usage fait des progrès technologiques pour rendre obsolètes des biens et des outils de production afin de les remplacer par d'autres plus performants.
RELIRE SCHUMPETER
Comme les économistes libéraux, Macron fait du Schumpeter puissance dix en ce début de XXIe siècle marqué par le réchauffement climatique. Sans voir que nous entrons dans un monde de rareté qui nous invite à économiser toutes les matières premières fossiles avec le double impératif d'en laisser aux générations futures et de freiner le réchauffement.
Ceux qui citent sans cesse Joseph Schumpeter n'ont pas bien lu leur idole. Car il écrivait aussi, dans son dernier livre (2), peu avant de mourir en 1950 : « Il y a beaucoup de chance, semble-t-il, pour que la concurrence "bienfaisante" du type classique fasse place à une concurrence destructrice, à "une guerre au couteau", ou, simplement, à des luttes pour des prises de contrôle menées sur le terrain financier. Or de telles manœuvres constituent autant de sources de gaspillage social. » Nous sommes dans cette « guerre au couteau » depuis plusieurs décennies. Mais, vu les intérêts qu'ils défendent, Macron et ses semblables ne veulent pas le voir.
glepuill@humanite.fr
(1) « Un président ne devrait pas dire ça ». Stock.
(2) Citation extraite du dernier livre de Gérard Le Puill : « Devant l'urgence climatique, bousculons les politiques », Éditions du Croquant.
Le FMI a tressé des louanges à la politique du gouvernement français le 17 juillet dernier, à la grande satisfaction des deux locataires de Bercy. Mais ces conclusions s'opposent complètement avec les analyses passées de l'institution.
Le 17 juillet dernier, le Fonds monétaire international (FMI) publiait les conclusions de la « mission de consultation » annuelle que l’institution mène au titre de l’article IV de ses statuts sur la France. Ces conclusions sont souvent assez convenues et suscitent assez peu l’intérêt. Mais celles-ci vont attirer l’œil. Le FMI réalise en effet en deux pages un éloge appuyé du programme – plus que des mesures réellement annoncées – d’Emmanuel Macron.
Selon le Fonds, « l’ambitieux programme de réformes du gouvernement pourrait fortement contribuer à résoudre les défis économiques auxquels la France se heurte de longue date ». Le reste est à l’avenant : éloge de la « priorité accordée à la réduction des dépenses publiques », à la « stratégie de réforme du marché du travail » qui est « vaste et ambitieuse » et aux « réformes projetées dans les domaines de la fiscalité des entreprises, des revenus du capital et du travail » qui devraient « stimuler l’investissement et l’emploi ». N’en jetez plus ! Tout se passe effectivement comme si la politique économique du gouvernement d’Édouard Philippe avait réalisé le rêve des équipes de l’institution de Washington.
Du reste, les deux locataires de Bercy, Bruno Le Maire, ministre de l’économie et des finances, et Gérald Darmanin, se sont fendus le jour même d’un communiqué pour « saluer » les conclusions du Fonds et se féliciter de cette « appréciation du FMI » qui « conforte la stratégie du gouvernement pour accroître notre compétitivité : engager des réformes structurelles et réduire la dépense publique tout en allégeant la fiscalité pour les Français ». Et de fait, pour qui s’en tient à n’observer que l’éloge d’une institution internationale sans s’intéresser à son bilan désastreux en termes de politique économique, ce soutien peut avoir un certain poids dans la stratégie de communication du gouvernement. Ce dernier aime en effet à se présenter comme porteur d’une stratégie « réaliste » et « rationnelle » dans la droite ligne de cette doctrine énoncée par Emmanuel Macron à Versailles le 3 juillet : « faire face au réel ».
Communiqué de presse de Bercy sur les conclusions du FMI.
N’empêche que ce beau tableau ne résiste guère à l’analyse. Pour plusieurs raisons. D’abord, ces conclusions apparaissent plus politiques qu’économiques du fait de la chronologie de sa publication. De 2013 à 2015, les conclusions de la consultation au titre de l’article IV sur la France ont été publiées en mai et juin. Sans doute, en 2017, compte tenu des élections présidentielles puis législatives, une telle publication était-elle délicate. Mais dans ce cas, le FMI devait-il les publier dès juillet, c’est-à-dire sur la seule foi des intentions du gouvernement et non de ses réalisations ? En 2012, lors de la précédente alternance politique, le FMI avait, en tout cas, pris davantage de temps. Ses conclusions avaient été finalisées fin octobre, prenant en compte les premières décisions du nouveau gouvernement. Du reste, ces conclusions apparaissent beaucoup plus mesurées que celles publiées en 2017 avec une évaluation des premières mesures prises et des recommandations pour l’avenir. On est loin de celles du 17 juillet où l’on a principalement une opinion du FMI sur un programme dont on ignore encore la réalité de la mise en œuvre.
Or la hâte du FMI pour encenser la politique envisagée par le gouvernement français pose problème. En effet, depuis le début du mois de juillet, cette politique a pris un tournant nouveau qui met en doute le caractère équilibré du programme Macron : priorité a été donnée à la réduction des dépenses publiques et des impôts. Une coupe pour 2018 de 20 milliards d’euros, soit 1 point de PIB, a été annoncée, notamment pour financer des baisses d’impôts massives sur les plus fortunés. Cette politique est très différente de celle promise puisque désormais la partie investissement et soutien à la demande est essentiellement mise en doute par cette priorité. Le FMI ignore cependant entièrement ce fait, tout en donnant une importance notable au plan d’investissement de 50 milliards d’euros sur le quinquennat dont on ignore ce qu’il sera et quel sera son financement. Bref, comme en 2012, le FMI eût sans doute été plus prudent et plus avisé d’attendre les premières mesures pour émettre ses conclusions. Ici, tout se passe comme si le FMI se contentait d’une évaluation d’un programme électoral, ce qui n’est pas tout à fait son rôle au titre de l’article IV de ses statuts.
Mais l’essentiel n’est sans doute pas ici. Il est bien dans le contenu de ces conclusions qui, en réalité, sont en désaccord complet avec l’évolution intellectuelle du Fonds. Depuis 2012, le FMI a en effet engagé une réflexion sur ses priorités à la suite des très lourdes erreurs commises lors de la crise européenne et particulièrement lors de la crise grecque. En janvier 2013, l’économiste en chef du FMI d’alors, Olivier Blanchard, avait publié un article avec un autre économiste du Fonds, Daniel Leigh, où ils reconnaissaient les erreurs de prévisions dues à la sous-estimation du « multiplicateur budgétaire », autrement dit de l’impact de la consolidation budgétaire sur la croissance. Cette erreur avait, à nouveau, été pointée du doigt en juillet 2016 lorsque le Bureau d’évaluation indépendant du FMI (IEO) a publié un rapport mettant au jour les principales erreurs commises lors de la crise européenne. L’IEO soulignait alors que « les programmes du FMI pour la Grèce et le Portugal ont inclus des projections de croissance largement trop optimistes ». Et d’ajouter que des « projections plus réalistes auraient rendu évidents les impacts sur la croissance et la dynamique de la dette de la consolidation budgétaire ».
Cette réflexion a conduit les chercheurs du FMI à aller fort loin dans la remise en cause de ce qu’on a pu appeler dans les années 1980 le « consensus de Washington », qui défendait une politique mêlant libéralisation et consolidation budgétaire. En juin 2016, trois économistes du Fonds, Jonathan Ostry, Prakash Loungani et Davide Furceri ont publié un texte devenu célèbre et titré « Le néolibéralisme est-il survendu ? » (« Neoliberalism : Oversold ? ») où étaient remis en cause les grands principes de ces politiques. Certes, ce texte ne représente pas la pensée du FMI en tant qu’institution, mais il s’agissait d’un message appelant à une vraie prise de conscience des limites des recettes utilisées depuis des années par le Fonds.
Comment le FMI oublie ses propres études
Tous ces travaux, toutes ces études semblent, dans le cas de l’analyse sur la France, être jetés par pertes et profits. La question du multiplicateur de la politique française n’est ainsi absolument pas abordée. Dans ses conclusions, le Fonds défend la « théorie du choc » en indiquant qu’« un effort majeur de réductions des dépenses est nécessaire dès le début ». Tout cela pour permettre à la dette de « repartir sur une trajectoire descendante » et de disposer de « marges de manœuvre budgétaire » en cas de crise à venir.
Quel sera l’impact sur la croissance de cet effort ? Aucun, si l’on en croit le FMI qui se contente d’indiquer que la croissance française « devrait pouvoir se hisser à 1,5 % cette année et accélérer l’an prochain ». L’impact pourrait donc être même favorable puisque, parallèlement, le FMI adopte l’idée d’une consolidation budgétaire d’un point de PIB en 2018. Il reconnaît que cet effort est « exceptionnel d’un point de vue historique » et il réclame ouvertement la baisse du nombre de fonctionnaires, la réduction des dépenses des administrations locales, la réduction des dépenses sur le logement et la santé, ainsi qu’une réforme des retraites. Et tout cela permettra à la croissance d’accélérer. Le FMI adoube à nouveau l’idée de « l’austérité expansive », autrement dit celle que la contraction de la demande de l’État soutient la demande globale.
Or, que disait l’étude de remise en cause du libéralisme publiée par le FMI en juin 2016 ? « Le bénéfice de la réduction de la dette en terme d’assurance contre une future crise budgétaire se révèle extrêmement faible même à des niveaux élevés de dette relativement au PIB. » Voilà l’argument principal du gouvernement français et de ses soutiens au FMI effacé. Et, du reste, ajoute la même note, « même si le bénéfice de cette baisse de la dette est faible, elle pourrait en valoir la peine si le coût est suffisamment faible ». Or, ajoute ce même texte, « le coût pourrait être élevé, beaucoup plus élevé que le bénéfice ». Et de conclure : « Le coût de la hausse des impôts ou des coupes dans les dépenses nécessaire pour réduire la dette peut être plus élevé que la réduction du risque de crise écartée par la réduction de l’endettement. » Voilà tout le discours du FMI et du gouvernement français détruit par des chercheurs… du FMI !
Mais il y a pire. Le texte de 2016 réglait son compte à l’austérité expansive : « Les politiques d’austérité (…) réduisent la demande et ainsi dégradent l’emploi. » Et d’ajouter : « En pratique, les épisodes de consolidation budgétaire ont été suivis, en moyenne, par des baisses plutôt que par des expansions de la production. » Les trois économistes évaluaient qu’en moyenne, un point de PIB de consolidation budgétaire conduit à une augmentation à long terme du chômage de 0,6 point. « Dans les exemples de consolidation budgétaire, les coûts à court terme de la baisse de la production et des transferts sociaux ainsi que du chômage le plus élevé ont été sous-estimés », ajoutaient les chercheurs. Cela est plutôt cohérent avec l’état de la recherche actuelle sur les effets négatifs durables de l’austérité budgétaire qui, notamment, ont été mis en lumière par Antonio Fatás et Lawrence Summers dans une étude qui, précisément, utilisaient les corrections de 2013 apportées par Blanchard et Leigh.
Autrement dit, la recherche économique actuelle pose un vrai problème à la politique économique menée par le gouvernement français. Il n’est pas possible de valider aveuglément l’idée que la baisse du déficit sera bénéfique à l’économie hexagonale sans prendre en compte ces objections et en se contentant des habituels discours moraux sur la dette « laissée à nos enfants » et l’effet bénéfique et magique de la neutralité ricardienne (qui estime que la baisse attendue des impôts induite par la consolidation budgétaire favorise la demande)… Il est donc assez étonnant de voir les conclusions du FMI refuser de soulever la question de l’impact de cette consolidation et nier ouvertement tout effet multiplicateur sur la croissance de l’austérité française, sans explications. L’argument (non évoqué par le FMI dans ses conclusions…) d’un meilleur environnement mondial ne saurait tenir. Rappelons qu’en 2010, avant que l’Europe ne se lance dans sa spirale austéritaire, la croissance mondiale paraissait plus solide qu’aujourd’hui…
Par ailleurs, la politique envisagée par le gouvernement français est profondément inégalitaire par deux leviers. D’abord, la réforme du marché du travail qui vise à imposer la modération salariale et, donc, à transférer de la richesse du travail vers le capital. Les conclusions de la revue du FMI sont sans appel sur ce point puisqu’elles réclament que cette réforme « aille de pair avec le maintien de la modération salariale ». D’ailleurs, tous les pays qui ont flexibilisé l’emploi ont vu leurs inégalités se dégrader, comme le soulignait une étude de l’OCDE d’octobre 2016, qui remarquait que, pour la première fois, et par la grâce conjuguée de l’austérité et des réformes, les inégalités continuaient à se creuser en dépit de la reprise de l’économie.
Le deuxième pilier de ce renforcement des inégalités est la politique fiscale du gouvernement. L’OFCE a bien montré, dans une modélisation récente, le caractère profondément inégalitaire des mesures fiscales envisagées et notamment de la transformation de l’ISF en impôt sur la fortune immobilière (IFI) et de la mise en place d’un prélèvement forfaitaire unique (PFU) de 30 % sur les revenus du capital. Là encore, il s’agit d’un transfert de richesse vers le capital et vers les 1 % les plus riches. Une telle politique ne peut se justifier que par la fameuse théorie du « ruissellement », selon laquelle lorsque les plus riches s’enrichissent encore, ils en font bénéficier le reste de l’économie. Dans ses conclusions du 17 juillet, le FMI adoube cette logique en affirmant que la réforme de la fiscalité des entreprises et des revenus du capital « devrait stimuler l’investissement et l’emploi ».
Le problème, c’est qu’aucune étude sérieuse ne valide cette théorie. Les études ont plutôt tendance à montrer qu’il faut, pour pouvoir bénéficier pleinement des baisses d’impôts, cibler les ménages peu riches ou endettés. L’évasion fiscale, l’attractivité des marchés financiers et la liberté de circulation des capitaux conduiraient même à penser que de tels cadeaux fiscaux aux plus riches coûtent au bout du compte très cher : le bénéfice en termes de consommation et d’investissement est limité et le coût budgétaire est lourd et pèse principalement sur les plus fragiles. Du reste, une note de discussion des équipes du FMI de juin 2015 titrée « Causes and Consequences of Income Inequality » (« Causes et conséquences des inégalités de revenus »), considérait comme nulle et non avenue la théorie du ruissellement. « Si la part des revenus des 20 % les plus riches augmente, alors la croissance du PIB décline à moyen terme », en déduisaient les économistes du FMI. Cette conclusion conduirait alors à penser que la politique du gouvernement français est dangereuse. L’optimisme du FMI dans ses conclusions sur la France semble donc peu crédible au vu même des travaux du FMI et demanderait, du moins, quelques explications.
Ces louanges du FMI au gouvernement français sont d’autant plus incompréhensibles que le Fonds, à l’image de la Banque mondiale et de l’OCDE, insiste de plus en plus sur le problème que posent les inégalités croissantes pour l’économie. « Il existe désormais de fortes preuves que les inégalités peuvent significativement abaisser et le niveau et la soutenabilité de la croissance », affirmaient en juin 2016 les trois économistes du FMI qui remettaient en cause le néolibéralisme. C’est aussi le fruit des travaux de nombreux économistes. Et les études citées du FMI de juin 2015 et juin 2016 soulignent l’importance de la politique fiscale dans la réduction des inégalités. Exactement l’inverse des politiques envisagées par la France. Or, rappelons-le, contrairement au discours libéral ambiant, la France n’est pas « championne de l’égalité ». L’étude citée de l’OCDE montre que son niveau d’inégalité demeure plus important que celui du Benelux et de l’Europe nordique et germanique, même si, précisément en raison des transferts sociaux, le niveau d’inégalité s’est moins dégradé qu’ailleurs pendant la crise. Elle n’a donc pas besoin de « davantage d’inégalité », mais sans doute de moins encore d’inégalités, ce que le FMI nie absolument dans ses conclusions.
In fine, ces conclusions du FMI sont fort étranges. Prématurées et univoques, elles nient la plupart des éléments de la recherche du Fonds. Tout se passe comme si, concernant la France, le « consensus de Washington », qui bat en retraite partout ailleurs, était toujours valable. En cela, elles ressemblent davantage à un soutien politique aux dirigeants français qu’à une analyse approfondie de la situation. La présence de Christine Lagarde, ancienne ministre de l’économie et des finances de la France, à la tête du FMI, pourrait-elle expliquer cette position ? En tout cas, ces conclusions posent clairement à nouveau un des problèmes pointé du doigt par le réquisitoire de l’IEO : celui de l’indépendance du FMI vis-à-vis des politiques nationaux et, notamment des politiques de la zone euro. Sous peine de voir de nouveau des risques économiques apparaître. Décidément, les leçons sont difficiles à retenir dans l’immeuble de la 19e rue de Washington…
Voilà connus les choix gouvernementaux en matière de gestion des finances publiques pour les cinq années qui viennent. Le plan prévoit une réduction globale des impôts de 14 milliards dès l'année prochaine. Au-delà d'un discours quelque peu embrouillé, le gouvernement a fait miroiter aux ménages un quasi-effacement de la taxe d'habitation et, aux salariés, une baisse substantielle des cotisations sociales. De quoi lever les réticences d'une grande partie de la population ? Tromperie, car le programme poursuit un objectif qui n'a pas grand chose à voir avec la justice fiscale et sociale. Examinons de plus près la stratégie proposée.
Le but d' Emmanuel Macron est d'éliminer ce que ce dernier nomme « les blocages et les rigidités qui freinent l'économie ». Ainsi, la réduction de l'impôt sur la fortune (l'ISF) et sa transformation en impôt sur l'immobilier (l'IFI) ont pour but de décourager les placements dans la pierre, ce qui est considéré comme un comportement de « rentier » et, à l'opposé, d'encourager le financement des entreprises et la prise de risques par les investisseurs. L'objectif est aussi d'attirer des investissements étrangers. Emmanuel Macron mise sur un « choc » fiscal et social qui renforcera l'attractivité de la France et soutiendra la croissance, et donc l'emploi. Somme toute, une démarche assez voisine de celle que Nicolas Sarkozy proposait dans le débat de la primaire de la droite, l'année dernière.
Les commentaires ont beaucoup porté sur l'équilibre économique d'un tel programme. Comment concilier de telles baisses d'impôts avec l'engagement de réduire le déficit public à 2,7 % du PIB en 2018 et à 0,5 % en 2022 ne signifie-il pas un programme plus drastique de coupes budgétaires ? Certains experts avancent le chiffre de 80 milliards d'euros ! La contradiction est évidente. Le gouvernement parie en fait sur un chômage à 7 % à la fin du quinquennat. Mais cet objectif pâtira, entre autres, des mesures d'austérité visant à combattre les déficits publics. La décrue du taux de chômage sera ralentie, fragilisant toute la construction financière gouvernementale.
Mais ce programme de réductions d'impôts se caractérise par son injustice. Un chiffre choc ressort des évaluations réalisées par l'Institut français des conjonctures économiques, l'OFCE : « 46 % des gains liés aux baisses d'impôts iront vers les 10 % de ménages les plus riches. » L'analyse est solide. L'institut estime même que 280 000 ménages parmi les plus favorisés vont être les principaux bénéficiaires d'une cascade de mesures allant de la sortie des actions de l'assiette de l'ISF à un allègement de la fiscalité de l'épargne, dont les différents régimes seront remplacés par un prélèvement forfaitaire unique (PFU) très favorable d'environ 30 %. Le gain représentera jusqu'à 2 200 euros en moyenne par ménage.
46 % DES GAINS LIÉS AUX BAISSES D'IMPÔTS IRONT AUX 10 % DE MÉNAGES LES PLUS RICHES. 280 000 SERONT LES PREMIERS BÉNÉFICIAIRES.
Par contre, les allègements d'impôts, notamment la quasi-suppression de la taxe d'habitation, seront, pour les autres catégories de ménages, contrebalancés par des mesures défavorables comme la taxe sur le tabac et l'alignement de la fiscalité du diesel... le prélèvement supplémentaire variant entre 450 et 700 euros par ménage et par an.
L'affichage de réductions d'impôts est censé créer, selon l'expression du premier ministre lui-même devant le Parlement, « un effet de souffle ». Soyons sûrs que la masse des ménages ne mettra pas longtemps à percevoir l'injustice des choix fiscaux gouvernementaux et à le faire savoir
« Nous ne procéderons pas par baisse brutale de dotation ». C’est ce qu’avait annoncé Emmanuel Macron lors de la Conférence Nationale des Territoires organisée au Sénat le 17 juillet dernier en affirmant qu’il n’y aurait pas d’annulation des crédits en cours.
Trois jours plus tard et dans le plus grand des secrets, c’est ce qu’a pourtant fait le gouvernement avec une coupe de 300 millions d’euros dès 2017. C’est un avant-goût de ce qui est projeté pour les années à venir et les 13 milliards d’euros de baisse de dotations aux collectivités. À terme, c’est le risque d’un affaiblissement certain de la capacité des pouvoirs publics à répondre aux besoins de nos concitoyens. Durant tout le mois de juillet, le Président de la République et le Premier ministre n’ont cessé d’afficher leurs intentions de dialogues et de travail commun avec les acteurs des collectivités territoriales. Pourtant, c’est en lisant le Journal officiel que les élus locaux et les parlementaires, représentants des territoires et de la nation, ont découvert le décret en question.
Dans le fond, cette coupe budgétaire est particulièrement grave puisqu’elle entraînera l’annulation de projets en cours de réalisation, singulièrement dans les communes rurales qui ont besoin d’être revitalisées. A la clé, cela correspond à la mise en danger d’entreprises locales, mais aussi d’associations. De plus, 46,5 millions d’euros sont pris sur le budget de la politique de la ville, soit près de 11% de ce que l’État avait prévu pour appuyer les communes dont les populations sont le plus en difficulté.
Sur la forme, le gouvernement s’inscrit dans une méthode de gestion comptable particulièrement anti-républicaine, évinçant les citoyens et leurs représentants de toute prise de décision. Cela confirme à quel point les débats lancés avec la Conférence Nationale des Territoires ne constituent que des discussions de façades.
Porte-voix des territoires et des élus locaux, les sénateurs du groupe Communiste Républicain et Citoyen s’opposent fermement aux pratiques du gouvernement. Tant que les élus locaux ne seront pas réellement écoutés, le renouveau politique affiché par l’exécutif ne sera jamais qu’un leurre. C’est pourquoi nous portons plus que jamais le projet d’une nouvelle République et d’une nouvelle décentralisation, outils de renforcement de l’action publique locale.
Députés et sénateurs vont pouvoir souffler, la loi d'habilitation autorisant le gouvernement à réformer le code du travail par ordonnances va être votée jeudi. Mais l'essentiel des mesures restent à préciser, en dehors de tout débat et dans un temps record. Un déni de démocratie sociale et politique.
Le rideau tombe provisoirement sur la loi travail, saison 2. Ce mercredi 2 août, le Sénat a adopté « le projet de loi d’habilitation à prendre par ordonnances les mesures pour renforcer le dialogue social », après l'Assemblée nationale le mardi 1er. Cela marquera la fin – provisoire – d’un feuilleton qui a débuté fin mai avec les premières consultations entre les partenaires sociaux et le président de la République, puis fin juin devant les députés de la commission des affaires sociales.
Mère des batailles macroniennes, que le président de la République a voulu mener en blitzkrieg au nom de l’urgence sur le front de l’emploi, cette réforme va bouleverser des pans entiers du code du travail et modifier en profondeur les règles qui régissent les relations entre syndicats et employeurs. Ce ne sont pas de petits sujets, ni des peccadilles à la marge. Il s’agit bien de grandes mutations que propose le nouveau pouvoir, fin prêt à tailler un peu plus dans les protections des salariés en assouplissant les règles du licenciement, en accélérant la mise en œuvre de plans sociaux ou en limitant l’accès aux prud’hommes.
En complément, le nouveau pouvoir s’entête à changer le mode d’emploi des relations sociales dont le sommaire a pourtant été réécrit très récemment avec la loi El Khomri d’août 2016 et la loi Rebsamen d’août 2015, sans que personne puisse à ce jour en connaître les effets malgré la promesse présidentielle de mieux évaluer les dispositions législatives.
Mediapart a documenté au fil des consultations entre les partenaires sociaux et le cabinet de la ministre du travail les évolutions majeures qui toucheront la vie même des salariés. Ce fut une étrange période, à partir du mois de juillet, où syndicats et organisations patronales se rendaient rue de Grenelle discuter de points hautement sensibles, comme l’instauration de l’instance unique du personnel ou la mise en place d’un barème obligatoire concernant les indemnités prud’homales, alors même qu’à 500 mètres de là, à l’Assemblée nationale, les députés votaient déjà lesdites dispositions.
Malgré cette illusion d’un parfait respect du dialogue qu’a souhaité donner le pouvoir, entretenue par certains négociateurs trop heureux de revenir dans le jeu de la discussion ou trop inquiets de regarder se détricoter le code du travail sans être à la table des pourparlers, la démocratie sociale a bel et bien été niée. Pour s’en convaincre, il suffisait de regarder la majorité parlementaire aphone et sourde, ne prêtant aucune attention aux inquiétudes syndicales et aux amendements de l’opposition les relayant, voter en bons soldats l’ensemble des dispositions mises à la discussion par un gouvernement bulldozer.
L’Élysée va trancher
Ce qui s’est joué depuis deux mois n’est donc ni plus ni moins que la victoire des cabinets ministériels sur les partenaires sociaux, la ministre du travail n’étant jamais présente lors des consultations. Ce qui se profile aujourd’hui va être la domination de l’Élysée qui, grâce à la technostructure de la direction générale du travail à la plume, va trancher dans le vif, à l’abri des regards.
Chacun leur tour, à partir du 21 août, les représentants des salariés et des employeurs vont certes être consultés, assure-t-on au ministère afin de prolonger la fable du dialogue social. Mais organisations syndicales et patronales n’auront, en tout et pour tout, qu’une petite semaine pour donner leur avis sur près de 200 pages d’ordonnances ultra-techniques, où chaque mot, chaque virgule, chaque formulation pèseront de tout leur poids sur l’orientation de la loi que l’on sait déjà fortement imprégnée des obsessions du Medef. La demande syndicale d’organiser une plénière où tous les « négociateurs » pourront échanger en un même lieu, dans le même temps et sur les mêmes contenus a été repoussée.
Le calendrier ultra-serré de la réforme se comprime à mesure que l’été avance. Le 28 août, les ordonnances seront soumises au conseil d’État alors que les syndicats les auront juste découvertes. Le 20 septembre, elles devront être adoptées en conseil des ministres, puis paraîtront au Journal officiel la semaine suivante. La boucle sera donc bouclée d’une séquence à la densité folle en termes de cadence. En revanche, elle laissera l’image d’une inutilité profonde du débat, ignorant le respect de la démocratie. Donnant ainsi à voir, en creux, un pouvoir tout à son assurance dévastatrice.
La nomination d'un premier ministre de droite, épaulé par deux ministres de la même tendance à Bercy, disait déjà de quel côté penchait le candidat Macron derrière son faux nez du « en même temps » de gauche et de droite. Lorsque, le 10 juillet dernier, le quotidien des milieux d'affaires britanniques « Financial Times » lui fait remarquer que ses baisses d'impôts pour les riches sont le signe d'une politique « plutôt » de droite, le président de la République répond tout de go : « Et à quoi vous attendiez-vous ? » En vérité, ce « en même temps », laissant croire qu'on pouvait à la fois mener une politique de gauche et de droite, ne visait qu'à tromper les gens en cachant le fond d'une vieille politique néolibérale qui partout sème inégalités, chômage et précarité.
Une vieille politique qui laisse la multitude de celles et ceux qui ont donné de la force à la France sur le bord de la route. Cela est théorisé depuis les couloirs du Château et résumé dans cette phrase qui, loin d'être une maladresse, est un fondement : « Les gens qui réussissent et les gens qui ne sont rien. » Ces derniers seront encore plus relégués avec les insupportables dernières décisions. Le pouvoir enlève 5 euros par mois à plus de 6 millions de personnes allocataires des aides personnalisées au logement, ceux-là mêmes qui terminent le mois à 10 euros près. Alors que les cadeaux fiscaux aux plus fortunés se multiplient, il fait bloquer les salaires et veut augmenter la CSG. Tout entier 11 se dévoue au service des puissances d'argent et se montre insensible aux souffrances des plus défavorisés, au point de décider de laisser basculer des millions de jeunes, de travailleurs et de privés d'emploi dans le « rien » de la pauvreté et de la souffrance sociale.
Pire, avec ce nouveau régime, les plus faibles paient pour garnir les comptes en banque des plus riches et non pas pour réduire quelque déficit que ce soit, selon les nouvelles fables destinées à hypnotiser les foules. La Commission européenne, le Fonds monétaire international et les milieux financiers se réjouissent du programme présidentiel de droite : flexibili-sation et précarisation du travail, et réduction des crédits publics utiles pour satisfaire aux demandes des petits comptables de Bruxelles ou de Berlin. C'est la voie de l'aggravation des injustices, inefficace de surcroît en empêchant la nécessaire relance créatrice d'emplois et permettant la transition environnementale. Les nouveaux transferts de richesse aux forces de l'argent ne font qu'alimenter une bulle financière qui pourrait replonger le monde dans les affres d'une nouvelle crise financière fatale aux petites entreprises, aux banques coopératives, à l'emploi et aux services publics.
On ne peut investir dans l'avenir pour éduquer, soigner mieux les gens, loger ou transporter tout le monde en respectant l'environnement, mieux informer ou permettre à chacun de se cultiver avec moins de services publics, ou en privatisant leurs missions. Il n'y a pas non plus d'efficacité économique et même d'amélioration de la productivité dans un gouffre d'inégalités.
Il est donc d'intérêt général de ne pas laisser faire. Que le s étudiants et tous les autres qui vont se voir amputés d'une partie de l'allocation logement, les jeunes privés de place à l'université, les collectivités et tous leurs administrés qui risquent d'être privés de services publics locaux, celles et ceux qui ne supportent pas qu'on réduise l'aide publique au développement alors que le pouvoir renonce au projet de taxation des transactions financières, toutes celles et ceux qui ne supportent pas cette dérive visant à inclure l'état d'urgence dans la loi, qui vont subir les nouveaux reculs sociaux et démocratiques contenus dans le nouveau projet de loi improprement baptisé « travail », si tous ceux-là se manifestent et manifestent sans attendre, alors l'intérêt public sera dans de bonnes mains.
À l'inverse, laisser faire préparerait des désenchantements douloureux et dangereux, au cœur d'une crise aggravée de la démocratie et de la politique. Les désillusions doivent se transformer en force du changement et non contribuer aux pires régressions. Toutes les occasions de se rencontrer pour préparer dans l'unité les nécessaires ripostes et pour ouvrir d'autres chemins seront les bienvenues. Il en est une à ne pas manquer, dont le retentissement, s'il est suffisant, sera utile à toutes les autres. Telle est en effet la vocation de la prochaine Fête de l'Humanité, dont le succès se prépare au cœur de l'été en tenant le plus grand compte du mécontentement qui grandit à l'égard de la politique gouvernementale. Nul doute que seront nombreux nos concitoyens qui répondront positivement aux propositions d'achat du bon d'entrée. Encore convient-il que la démarche soit très largement démultipliée en une foison d'initiatives. À ce prix, la Fête de l'Humanité pourra se situer au niveau que réclame l'offensive des forces de l'argent roi et de leurs mandataires politiques installés au pouvoir.
« Ce chien est à moi, disaient ces pauvres enfants. C'est là ma place au soleil. Voilà le commencement et l'image de l'usurpation de toute la terre », a écrit Pascal dans ses Pensées. Muriel Pénicaud, ministre du Travail, n'est pas une pauvre enfant, loin s'en faut, et elle n'est pas née de la dernière pluie, mais elle y tient. Ce million est à moi, c'est le prix de ma place au soleil. Chez Danone, comme l'écrit Pierre Ivorra dans nos pages, huit autres cadres dirigeants du groupe ont ainsi usé de leur place au soleil pour un montant de près de 5 millions d'euros, s'appuyant sur la hausse du cours de l'action au moment où le groupe annonçait 900 suppressions d'emplois. Ce n'est pas illégal, certes, et Mme Pénicaud s'estime blessée par des mises en cause « absurdes » qui relèveraient du « voyeurisme ».
Eh bien non, Madame la ministre du Travail. Enquêter sur les pratiques financières et les rémunérations des dirigeants d'un grand groupe du CAC 40, ce n'est pas du voyeurisme, c'est un devoir civique et une responsabilité sociale. Révéler dans quelles conditions les uns s'enrichissent par un coup de Bourse quand d'autres se dirigent vers la sortie et le chômage, c'est une œuvre de salubrité publique. Révéler, comme nous le faisons aujourd'hui, que plusieurs de ces mêmes dirigeants font partie des proches, comme vous-même, du président de la République, c'est poser la question majeure des liens d'un gouvernement avec la haute finance.
Quelle tartufferie que de vanter une loi de moralisation de la vie publique, de quelque nom qu'on la baptise, quand il devient clair que ce pouvoir est celui d'une caste, que c'est, oui, sa place au soleil, que c'est l'une des images de l'usurpation de la terre par les « élites » du capital mondialisé. Et vous êtes à la manœuvre, Madame, pour casser le Code du travail, limiter les indemnités prud'homales pour les salariés abusivement licenciés, « assouplir » les procédures légales de licenciement ! Oh, c'est vrai, vous n'êtes pas seule. Mais justement. Ça suffit. « Cet ordre est injuste, écrivait Bossuet. Il faut que les choses changent. »
SUITE DE NOS RÉVÉLATIONS SUR DES PRATIQUES ET DES PARCOURS EMBLÉMATIQUES DU SYSTÈME QUI SOUTIENT LE NOUVEAU POUVOIR.
La ministre du Travail, Muriel Pénicaud, n'est pas la seule en cause dans le scandale des plus-values réalisées par les dirigeants de la multinationale. Où l'on découvre que plusieurs administrateurs ont fait partie des équipes du candidat Macron.
PENDANT QUE MURIEL PÉNICAUD ET SES COLLÈGUES EMPOCHAIENT LE PACTOLE, 900 POSTES DE CADRE ÉTAIENT SUPPRIMÉS CHEZ DANONE EN 2013. LA GARDE PLUS OU MOINS RAPPROCHÉE DU CANDIDAT EMMANUEL MACRON
Ce n'est plus seulement l'affaire Pénicaud, du nom de la ministre du Travail, c'est aussi l'affaire Pénicaud & Co, celle des méthodes de pirate qui ont cours au sein des mastodontes du CAC 40, l'indice de la Bourse de Paris qui regroupe les sociétés à base française les plus puissantes, et, enfin -- de manière plus inattendue comme on le verra --, celle de la filière « yaourt » de la Macronie.
Premier fait établi : en plus de Muriel Pénicaud, alors directrice des ressources humaines (DRH), ils sont huit des dix membres du comité de direction de Danone, le géant français de l'agroalimentaire, à avoir réalisé au total 4,8 millions de plus-values grâce à la vente d'actions de leur entreprise, boostées par l'annonce d'un plan de 900 suppressions d'emplois de cadre en Europe, dont 230 en France.
La plus-value de Muriel Péricaud est la deuxième plus importante ; elle se monte à 1,1 million d'euros. Mais le conseil d'administration de Danone a aussi une grande responsabilité. C'est lui en fait qui décide des rémunérations des cadres dirigeants, des salaires, de l'attribution de stock-options ou d'actions gratuites. Et surprise ! On découvre que sur les 15 personnalités siégeant au conseil d'administration, plusieurs vont en 2016 ou 2017 s'engager au sein des équipes d'Emmanuel Macron, tout comme Muriel Pénicaud.
Les petites affaires des macroniens issus du groupe Danone
L'Humanité du 27 juillet a révélé l'affaire Pénicaud.
L'examen dans le détail des publications de Danone montre que le scandale Pénicaud n'affecte pas que l'ancienne DRH du groupe. La quasi-totalité du comité de direction est impliquée, bénéficiant au total de près de 5 millions d'euros de plus-values. Récapitulons l'affaire. L'Humanité du 27 juillet dernier révèle que l'actuelle ministre du Travail a réalisé en 2013 une plus-value de 1,13 million d'euros sur des stock-options perçues en tant que directrice des ressources humaines (DRH) de Danone, profitant de la flambée en Bourse qui a suivi l'annonce de suppressions d'emplois du groupe en Europe et en France.
LE JACKPOT DES STOCK-OPTIONS
Rappelons comment marche le jackpot des stock-options. Si le conseil d'administration d'un groupe décide de récompenser une équipe de direction pour sa gestion jugée favorable aux actionnaires, il peut lui attribuer des stock-options. Ces stock-options ne sont rien d'autre que des autorisations d'achat d'actions de la société à un prix avantageux, fixé à l'avance. Au bout de quelques années quatre le plus souvent , le bénéficiaire peut lever l'option, acheter les actions proposées à faible prix et les revendre au prix fort. C'est ce qui s'est passé chez Danone.
Le 19 février 2013, le groupe détaille le plan de suppression d'emplois annoncé en décembre 2012 et comme le souligne le journal le Monde ce même 19 février, ce plan est « salué à la Bourse de Paris par une hausse du titre Danone de 5 % dès l'ouverture ». La DRH du groupe et le comité de direction ne peuvent alors ignorer l'information. Durant cette période, le cours de l'action Danone évolue ainsi : 48,07 euros fin décembre 2012, 52,101 euros fin février, 58,41 euros fin avril 2013 lorsque Muriel Pénicaud vend ses titres. Elle les a achetés 34,85 euros l'unité. Elle réalise une plus-value de 23,46 euros par action, le bonus total, compte tenu du nombre d'actions vendues, s'élève à 1,13 million d'euros.
Une somme plus que rondelette qui s'ajoute à la rémunération courante versée par le groupe à sa DRH. Lors de sa nomination comme ministre du Travail, en 2017, Muriel Pénicaud déclare à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) avoir perçu les rémunérations suivantes lors de ses dernières années d'activité chez Danone : 1,2 million d'euros en 2012, 1 , 14 m i l l ion en 2013,2,4 millions en 2014. On suppose que ces sommes n'intègrent pas le 1,1 million d'euros de plus-value. S'ajoutent à cela les jetons de présence perçus en tant qu'administratrice d'Orange : 39 000 euros en 2012, 58 000 euros en 2013, 30 739 euros en 2014. Mais Muriel Pénicaud n'est pas toute seule à profiter des malheurs du monde. Avec elle, huit autres membres du comité de direction participent à la curée. À eux neuf, ils empochent un pactole de 4,8 millions d'euros (voir encadré) ! 4,8 millions pour 900 postes supprimés, soit 5 371 euros par emploi !
Qui donc a présidé à ce scandale ? Le conseil d'administration, sachant qu'à de rares exceptions, le vote de ces dispositions par les assemblées générales d'actionnaires n'est qu'une formalité. Et surprise ! Que découvre-t-on à l'examen des curriculum vitae des administrateurs ? Trois d'entre eux feront partie quelques années plus tard de la garde plus ou moins rapprochée du candidat Emmanuel Macron. Un quatrième viendra les rejoindre en 2014.
UNE CONCEPTION DE LA GESTION DES ENTREPRISES EST EN CAUSE
Le plus « capé » en 2013 est Jean-Michel Severino, sorte de Monsieur Afrique d'Emmanuel Macron. Il est l'ancien directeur général de l'Agence française du développement. Deuxième administrateur de Danone, agent actif de la filière yaourt de la Macronie, Jacques-Antoine Granjon, patron de Vente privée, un site en vogue de vente sur Internet. Suit, enfin, le trublion de cette filière lactée installée alors au conseil d'administration de Danone : Bruno Bonnell, ancien patron d'Infogrames puis dirigeant d'une société de robotique. Candidat de la République en marche à Villeurbanne, il a débarqué Najat Vallaud-Belkacem aux législatives et a été élu député.
Durant la campagne électorale, Mediapart l'a mis en cause pour avoir créé une société dans un paradis fiscal, au Delaware, aux États-Unis. Viendra les rejoindre en 2014 une recrue de poids : Lionel Zinsou, promu récemment président du think tank Terra Nova, un groupe de réflexion et de proposition proche du PS il y a peu encore, mais qui tend à se macroniser. L'homme, un Franco-Béninois, a été premier ministre du Bénin, petit État africain coincé entre le petit Togo et le grand Nigeria. Ancien de la banque Rothschild, comme Macron, il a été l'un des conseillers pour l'Afrique de ce dernier lors de la campagne électorale. En 2017, trois de ces hommes siégeaient toujours au conseil d'administration de Danone. Bruno Bonnell, lui, n'a pas été reconduit. Évidemment, rien ne donne à penser qu'il y a eu action concertée entre les futurs macroniens du conseil d'administration et la future macronienne du comité exécutif, c'est un système qui est en cause, une culture (lire ci-contre), une conception de la gestion des entreprises pour laquelle les salariés ne sont que des pions. C'est aussi cela qu'il faut changer.
UN PACTOLE DE PRÈS DE 5 MILLIONS D'EUROS
Sur les dix membres du comité exécutif de Danone en 2013, neuf ont levé des options d'achat d'actions de Danone puis les ont vendues, réalisant ainsi en cumulé 4,8 millions d'euros de plus-values. Trois personnes, liées respectivement à Franck Riboud, le PDG du groupe,Emmanuel Faber, directeur général délégué, et Bernard Hours, autre DG délégué, ont gagné au total 714500 euros.
Bernard Hours lui-même a empoché 646000 euros; Francisco Camacho, directeur de la division eaux, 108000 euros; Thomas Kunz, directeur du pôle produits laitiers, 1,3 million d'euros; Félix Martin, directeur général de la division nutrition infantile, 97000 euros; Flemming Morgan, directeur de la nutrition médicale, 750000 euros; JeanPhilippe Pare, directeur R&D, 131000 euros.
Enfin, Muriel Pénicaud a touché 1,13 million d'euros.
MISÈRE ! EN 2009, FRANCK RIBOUD ÉTAIT LE PATRON LE MIEUX PAYÉ DE FRANCE, AVEC UNE RÉMUNÉRATION DE 4,7 MILLIONS D'EUROS. MAINTENANT QU'IL N'EST PLUS PDG DE DANONE, IL NE PERÇOIT PLUS QUE 2 MILLIONS D'EUROS PAR AN...
21,94 C'EST, EN MILLIARDS D'EUROS, LE MONTANT DU CHIFFRE D'AFFAIRES DE DANONE EN 2016.
:
Favoriser l'expression des idées de transformation sociale du parti communiste.
Entretenir la mémoire des débats et des luttes de la gauche sociale.
Communiquer avec les habitants de la région de Morlaix.