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2 septembre 2017 6 02 /09 /septembre /2017 06:50
Ce que le gouvernement fait aux salariés
 PAR  ET 

Au nom d’une modernité supposée, le gouvernement a dévoilé, jeudi 31 août, une série de mesures qui rogne les droits des salariés en cas de licenciement, affaiblit les prud’hommes et déprécie la représentation du personnel.

 

Qu’on ne s’y trompe pas. Il s’agit d’un « projet de transformation du code du travail d’une ampleur inégalée ». Après trois mois de jeu du chat et de la souris avec les représentants des salariés et du patronat, la ministre du travail Muriel Pénicaud a cessé de se cacher derrière son petit doigt. Ce jeudi 31 août à midi, elle a présenté, aux côtés du premier ministre Édouard Philippe, le contenu des ordonnances qui vont bouleverser les règles régissant les relations entre employeurs et employés en France.

Les longues semaines de concertation plus ou moins sincère ont accouché de cinq ordonnances, courant sur 160 pages et mettant en musique 36 « mesures concrètes majeures » (elles sont disponibles ici). Leur objectif est on ne peut plus clair, selon la ministre : « Changer l’état d’esprit du code du travail », afin d’assurer plus de « liberté », de « sécurité » et de « capacité d’initiative » aux entreprises. Ce qui constituerait « une impulsion déterminante pour l’investissement et l’emploi en France ».

Autrement dit, le gouvernement entend bouleverser la philosophie générale du code du travail, le faisant passer d’un texte pensé pour défendre les salariés face aux abus de leur employeur à un outil de « sécurisation » des pratiques des chefs d’entreprise. Quelques minutes plus tôt, Édouard Philippe avait lui aussi vanté les mesures radicales présentées. Certes, « nous savons que le droit du travail n’est pas la première cause du chômage en France, en aucune façon », a-t-il concédé. Néanmoins, a-t-il assuré, « personne ne peut aujourd’hui soutenir que notre droit du travail favorise l’embauche », ni « qu’il protège efficacement et qu’il aide au développement des entreprises ».

« Pour le patron d’une petite ou d’une moyenne entreprise ou pour l’investisseur étranger, le droit du travail tel qu’il existe est souvent perçu comme un frein à l’embauche et comme un frein à l’investissement », a persisté le premier ministre. Il contredit là une toute récente étude de l’Insee qui montre justement que les chefs d’entreprise pour qui les risques juridiques et les coûts d’un licenciement sont des barrières à l’embauche sont très minoritaires. Mais qu’importe.

Le principal est de coller à la vision du monde que le président Emmanuel Macron ajustement détaillée le jour même dans Le Point, disant à quel point, « dans un monde très schumpetérien », il est « important de libérer le processus de “destruction créatrice” » dans le monde du travail. Et c’est à cette « libération » que s’est attelé le gouvernement. Une fois les ordonnances signées par le président et publiées au Journal officiel, puis ratifiées par le Parlement avant la fin de l'année, les salariés et les employeurs français vont entrer dans un nouveau monde, aux règles totalement bouleversées. En voici les points clés.

  • Une attaque en règle contre les prud’hommes

Fin juillet au ministère du travail, on ne cachait pas que le but de la réforme du droit du travail visait à combattre « la peur de l’embauche des chefs d’entreprise, qu’elle soit rationnelle ou irrationnelle ». Dans cette optique, la première cible à abattre est constituée par les 210 conseils des prud’hommes, épouvantail immanquablement dressé par le patronat. Sans surprise au vu des intentions affichées ces dernières semaines, le gouvernement ne dissimule pas son ambition : rendre moins attractif le recours aux prud’hommes en cas de licenciement jugé abusif. Il s’agit de « favoriser la création d’emplois, en apportant beaucoup plus de sécurité au chef d’entreprise dans sa décision d’embaucher », affirme le premier ministre, ainsi que d’apporter « plus de visibilité pour le salarié ».

La mesure phare consiste en un barème obligatoire, précisant le montant des indemnités que les prud’hommes pourront accorder à un salarié licencié de manière illégale. Jusqu’à présent, pour un salarié justifiant d’au moins deux ans d’ancienneté, la somme allouée ne pouvait pas représenter moins de six mois de salaire. Ce plancher est désormais divisé par deux : trois mois minimum à partir de deux ans d’ancienneté, et un mois entre un an et deux ans. Pour les très petites entreprises (TPE), employant dix salariés maximum, ce plancher est très largement réduit : un demi-mois de salaire jusqu’à deux ans d’ancienneté, puis une hausse lente jusqu’à 2,5 mois de salaire, à partir de neuf années d’ancienneté.

Mais la grande nouveauté réside du côté du plafond : désormais, les tribunaux ne pourront pas allouer plus d’un certain montant. Et ce montant est faible. Jusqu’à sept ans de présence dans l'entreprise, les prud’hommes ne pourront pas accorder beaucoup plus d’un mois de salaire par année d’ancienneté, et l’on passe à moins d’un mois par année d’ancienneté dès dix ans de présence dans l’entreprise. Quant au maximum autorisé, il ne dépasse pas l’équivalent de 20 mois de salaire, à partir de 29 ans d’ancienneté. Ce barème ne s’appliquera toutefois pas en cas de licenciement qui violerait « les libertés fondamentales », notamment dans les cas de harcèlement ou de discrimination.

À titre de comparaison, un barème, purement indicatif, est aujourd’hui à la disposition des juges, et il va jusqu’à 24 mois de salaire. Mais, assure la ministre du travail, le barème obligatoire nouvellement créé « donne de la sécurité car il donne de la visibilité ». Sécurité et visibilité pour l’employeur, bien sûr, qui saura désormais combien lui coûtera un licenciement, même illégal. Ou combien il lui faudra verser à son salarié pour trouver un accord à l'amiable, et s’éviter toute procédure devant les prud’hommes.

Comme nous le détaillions ici, ce barème va porter un sérieux coup aux salariés les plus âgés et les plus anciens dans les entreprises. Désormais, ils ne pourront pas toucher plus de 20 mois de salaires aux prud’hommes, alors qu’aujourd’hui, la moitié des salariés totalisant plus de 20 ans d’ancienneté y obtient plus de deux ans de salaire. Ils sont un quart dans la tranche 15-20 ans d’ancienneté, et 20 % dans la tranche des 10-15 ans. Or, les salariés de plus de 50 ans sont justement ceux dont la proportion a beaucoup grimpé par rapport au nombre total d’affaires jugées aux prud’hommes. Et ceux qui sont le plus susceptibles de ne pas retrouver d’emploi une fois qu’ils sont licenciés…

Cette baisse drastique des indemnités prud’homales ne suffisait manifestement pas à rassurer les employeurs. Le gouvernement a donc décidé de réduire la durée pour saisir les prud’hommes après un licenciement. Elle était de deux ans depuis 2013, elle passe à un an (c’était déjà le délai légal en cas de licenciement économique). Une division par deux qui masque un recul beaucoup plus important sur le moyen terme : entre 2008 et 2013, le délai de saisine des prud’hommes était de cinq ans. Et avant 2008, il était de… 30 ans. Comme Mediapart l’a révélé en juillet, le nombre de recours aux prud’hommes s’effondre en France depuis 2015, avec des chiffres mensuels de saisines chutant parfois de plus de 45 % en un an. Nul doute que les mesures de « sécurisation »contenues dans les ordonnances vont encore accélérer le phénomène. D’autant que désormais, les « erreurs de forme de bonne foi [de l’employeur – ndlr] ne l’emporteront plus sur le fond » et ne seront plus « pénalisées » aux prud’hommes, a encore insisté Muriel Pénicaud.

 

Face à ce tsunami, l’augmentation des indemnités légales de licenciement ne pèse pas lourd : le gouvernement a annoncé que cette somme, due à tout salarié en CDI licencié pour motif personnel ou économique, passerait de l’équivalent d’un cinquième de mois de salaire par année d’ancienneté à un quart de mois de salaire.

  • Les entreprises pourront négocier une baisse de rémunération

C’est un point que le gouvernement s’est bien gardé de mettre en avant, et le mot« primes » n’apparaît nulle part dans les ordonnances, ni dans le dossier de presse mitonné par le ministère du travail. Et pourtant, une rupture majeure dans le droit du travail est introduite. Elle incarne à elle seule « l’inversion de la hiérarchie des normes », tant dénoncée pendant la contestation de la loi Travail, première saison, au printemps 2016.

Grâce au texte présenté ce 31 août, il sera désormais possible pour une entreprise de négocier avec ses représentants syndicaux une baisse ou une disparition de toutes les primes (sauf celles concernant les travaux dangereux), même si elles sont prévues dans la convention collective de la branche professionnelle dont l’entreprise dépend. Jusqu’ici, la hiérarchie des normes imposait qu’un avantage prévu par une branche s’applique au moins aussi bien dans toutes les entreprises du secteur.

Désormais, si une banque souhaite par exemple supprimer le versement du 13e mois à ses guichetiers, malgré la mention explicite de ce complément de rémunération dans la convention collective du secteur bancaire, cela sera possible. Il faudra pour cela que l’employeur obtienne l’accord de syndicats représentant plus de 50 % des salariés. Les exemples peuvent se multiplier à l’infini : primes d’ancienneté, chèques-vacances, indemnités de départ à la retraite ou de déplacement… Tout pourra être réduit ou supprimé.

Pour beaucoup d'entreprises, c’est la porte ouverte à des pressions très fortes venues des donneurs d’ordre : on imagine aisément une grande entreprise demandant à son sous-traitant de faire baisser ses coûts salariaux, sous la menace de suspendre ses commandes. Et on comprend tout aussi facilement que lorsque plusieurs entreprises d’un secteur s’engageront dans cette voie, les autres devraient fatalement suivre, un jour ou l’autre.

Le gouvernement préfère donner un exemple moins inquiétant : « Les salariés comme l’employeur pourraient décider de négocier une prime de garde d’enfant plutôt que d’ancienneté », a suggéré la ministre du travail, assurant qu’elle faisait « un pari sur la confiance et sur l’intelligence collective des entreprises et des salariés ».

  • Fin de la règle unique pour les contrats courts

Jusqu’à aujourd’hui, les motifs de recours aux contrats à durée déterminée, ainsi que la façon de les utiliser pour les entreprises, étaient régis par une règle nationale unique. C’est cette tradition intangible que le gouvernement fait voler en éclats. Avec les ordonnances, chaque branche professionnelle pourra définir, dans le cadre de négociations entre syndicats et patrons, la façon dont elle entend réguler l’emploi des contrats courts, notamment sur leur durée, leur renouvellement ou leur nombre total pour un même salarié.

En 2014, on dénombrait plus de 700 branches professionnelles. Suite à des fusions, elles devraient être environ 400 à la fin de l’année, et le gouvernement espère faire rapidement baisser ce nombre à environ 200. En théorie, il sera donc possible que la France compte plus de cent façons différentes de régir le recours au contrat à durée déterminé (CDD). Ces règles devraient pouvoir largement outrepasser la loi actuelle, qui veut que la durée totale d’un CDD sur le même poste ne dépasse 18 mois en tout et ne soit pas renouvelée plus d’une fois. Si un secteur d’activité le souhaite, il devrait pouvoir aller jusqu’à des CDD de cinq ans, c’est-à-dire la limite légale européenne.

Les branches auront aussi la possibilité d'activer un nouveau dispositif, dont nous avonsdéjà détaillé les risques : le contrat de chantier. Un type de CDI, mais qui n’est à durée indéterminée que sur le papier, puisqu’il permettra de se séparer d’un salarié dès que le chantier ou le dossier qui lui aura été confié sera achevé. Selon le gouvernement, ce faux CDI est censé offrir une moins grande précarité que le CDD, qui restreint notamment les possibilités d’obtenir un prêt bancaire ou tout simplement un logement. Mais on ne voit pas pourquoi les banques ou les bailleurs seraient plus conciliants face aux détenteurs de ce CDI de chantier. En revanche, les employeurs seront sans doute ravis s’ils n’ont pas à verser à leur employé une prime de précarité, aujourd'hui obligatoire en cas de recours à un CDD. « Nous faisons confiance aux employeurs et aux organisations syndicales pour négocier ou non sur ces sujets », a expliqué Muriel Pénicaud.

  • Des départs encore facilités dans les entreprises

Édouard Philippe l’a martelé. « Les entreprises doivent pouvoir organiser une gestion prévisionnelle des emplois » et « il faut pouvoir agir vite et en toute sécurité ». Le gouvernement va donc permettre aux entreprises de négocier plus facilement avec leurs syndicats pour autoriser des réductions d’effectifs. Le tout, au service d’un unique objectif : « Renforcer l’attractivité du territoire ».

D’abord, les ordonnances vont permettre de créer des accords de compétitivité très souples. Afin que les entreprises puissent « s’adapter plus vite aux évolutions à la hausse ou à la baisse du marché », elles auront le droit de faire signer aux représentants du personnel des accords majoritaires « simplifiés » en matière de temps de travail, de rémunération et de mobilité.

Surtout, le gouvernement sort de son chapeau un nouveau type de plan de départs, qu’il qualifie lui-même de « rupture conventionnelle collective ». Il était jusqu'à présent resté particulièrement discret sur cette innovation. Si l’entreprise estime qu’elle doit se réorganiser, pour des motifs autres que purement économiques (modifier la pyramide des âges de ses effectifs, par exemple), elle pourra proposer à la signature un accord majoritaire prévoyant des départs volontaires, en échange de conditions favorables, comme une prime de départ. Si tous les salariés utilisant ce plan de départs d’un nouveau type sont volontaires, l’entreprise pourra s’en séparer d’un seul coup, et sans les contraintes légales inhérentes aux plans sociaux. Ces départs, « strictement volontaires », devront être homologués par l’administration.

Cette démarche rappelle fortement la rupture conventionnelle, autorisée depuis 2009 : lorsqu’un salarié individuel et son employeur trouvent un accord, le salarié quitte l’entreprise sans qu'elle ait besoin de recourir à la procédure lourde du licenciement. Une procédure qui peut bien sûr donner lieu à des abus, notamment des licenciements déguisés. Difficile de croire que la nouvelle « rupture conventionnelle collective » ne déclenchera pas, elle aussi, des écarts suspects de la part des entreprises.

  •  La santé d’une multinationale appréciée sur sa seule filiale française 

Autre nouveauté – et non des moindres –, l’appréciation du périmètre pour déterminer la santé économique d’une entreprise. Derrière cette formule bien obscure se cache un enjeu de taille : pour juger du bien-fondé du déclenchement d'un plan social dans la filiale française d'un  groupe international, ou de la fermeture d’un site, faut-il prendre en compte la situation de la multinationale au niveau mondial, ou seulement celle de sa filiale française ?

L’une des ordonnances introduit une mesure, voulue par Emmanuel Macron lorsqu’il était ministre de l’économie, mais qui avait été retirée du projet de loi El Khomri, car trop explosive : demain, seul le territoire national sera retenu pour apprécier les difficultés du groupe international qui licencie en France. Et ce pour « être aux standards européens » et prendre une mesure « très regardée par les investissements internationaux », plaide Muriel Pénicaud.

Pourtant, les conséquences d’une telle décision, soutenue à bout de bras par le Medef, peuvent être désastreuses. Car choisir de faire du cadre national le critère de bonne santé économique d’un groupe multinational, cela revient à donner la priorité aux licenciements dans le traitement des difficultés des sites français. Cela revient donc à protéger les bénéfices réalisés ailleurs et à désinciter ces groupes à investir dans l’Hexagone pour sauver des emplois, souvent industriels. C’est les inciter, en revanche, à faire des choix qui viendront toujours alimenter les résultats financiers, plutôt que faire celui d’investir dans l’avenir des sites français.

Le texte concerné ajoute, comme seul garde-fou face à la possibilité pour un groupe d'organiser sciemment des difficultés économiques dans sa propre filiale, la vague formule « sauf fraude ». Or, la fraude demeure difficile à apprécier et longue à juger, comme les Continental, à Clairoix, ont pu l’expérimenter.

Dans une France largement désindustrialisée, souffrant d’une baisse de sa capacité de production, ce choix ne va faire qu’exacerber la compétition entre les travailleurs au sein des groupes internationaux. Il fera donc, par ricochet, peser une forte pression sur le coût du travail français : soumis à cette concurrence intra-groupe, les salariés devraient accepter des concessions en termes de salaires, de conditions de travail et de temps de travail, provoquant ainsi un dumping social au détriment de leurs intérêts.

  • L’irruption du référendum d’initiative patronale

Encore une révolution. Une fois les ordonnances publiées, les dirigeants de petites entreprises pourront soumettre directement à leurs troupes un projet de texte modifiant leurs conditions de travail. Si au moins deux tiers des salariés votent en sa faveur, le texte sera adopté. Ce n’est ni plus ni moins que l’introduction dans le droit du travail du référendum d’initiative patronale, qui était jusqu’à présent un casus belli pour les syndicats, comme nous l’expliquions ici.

Prudent, le gouvernement a réservé cette nouveauté aux très petites entreprises : celles employant moins de 11 salariés, ou moins de 20 salariés si elles ne comptent pas de délégué syndical (ce qui est le cas de 96 % des entreprises de moins de 50 salariés). Jusque-là, et seulement depuis la loi El Khomri de 2016, le droit du travail ne prévoyait qu’un référendum d’initiative syndicale, ouvert aux syndicats sur un texte qui avait rassemblé les signatures de syndicats représentant plus de 30 % des salariés, mais qui n’avait pas été validé car n’atteignant pas 50 % des voix dans l’entreprise. Le bouleversement est donc majeur. Le principe, appelé de ses vœux depuis longtemps par la droite, est rejeté par un grand nombre de syndicalistes. Ils craignent que ce référendum ne cache un chantage à l’emploi, les chefs d’entreprise l’utilisant pour faire accepter aux salariés une dégradation de leur conditions de travail.

Parallèlement, le gouvernement ouvre un nouveau droit pour les PME : si l’entreprise compte moins de 50 salariés, il sera possible de négocier des accords collectifs avec un élu du personnel, sans qu’il soit mandaté par une organisation syndicale pour le faire, comme cela était obligatoire jusqu’ici. De quoi faire encore grincer des dents les organisations syndicales, qui dénoncent le contournement de leurs prérogatives.

Le gouvernement rétorque qu’il s’agit de faire entrer le dialogue social dans les petites entreprises, voire de leur donner « la priorité ». « Neuf entreprises sur dix sont des entreprises de moins de 50 salariés. Et paradoxalement, ce sont les éternelles oubliées du droit du travail », a regretté le premier ministre. Selon lui, c’est terminé.

  • Une instance unique qui dilue la représentation des salariés

Voici « la pointe de l’innovation sociale » de cette réforme, selon le ministère du travail. La fusion pure et simple des instances représentatives du personnel, à savoir les délégués du personnel, le comité d’entreprise et le CHSCT, sous le nom de conseil social et économique (CSE). Aujourd'hui, comme détaillé ici, cette possibilité est offerte aux employeurs pour les entreprises de moins de 300 salariés, et possible avec un accord dans les plus grandes. Elle va devenir obligatoire pour tous. Problème : on ne sait encore rien des moyens, des heures de délégation réservées aux représentants du personnel, ni des budgets qui seront alloués à cette nouvelle instance. La réponse sera apportée avec les décrets d'application, publiés avant la fin de l'année. Mais il est facile de percevoir que cette mesure a pour but, selon une formule gouvernementale, « de faire mieux avec moins ».

Mieux, difficile à dire à ce stade. Avec moins, c’est une chose actée. De fait, cette nouvelle instance devra en partie financer l'ensemble des études que le comité d'entreprise a aujourd'hui le droit de commander à des experts comptables et autres cabinets spécialisés, pour s'assurer de la bonne marche de l'entreprise. Actuellement, l'entreprise est tenue d'en financer à 100 % la plupart. Avec les ordonnances, les expertises devront être financées à hauteur de 20 % par les représentants du personnel, y compris celles concernant la santé et la sécurité. Seules celles commandées en cas de plan social ou de risque imminent seront du ressort unique de l'employeur.

Il s'agit d'un renversement total des règles existantes aujourd’hui, prétendument pour responsabiliser les acteurs et permettre une meilleure codécision avec l’employeur. Le risque est en fait clair : moins d’expertises, moins de possibilités pour les représentants des salariés d’aller fouiller dans les méandres de leur entreprise pour éclairer leur décision.

D’ailleurs, les cabinets travaillant aujourd’hui avec les comités d’entreprise et les CHSCT (Syndex, Secafi, Technologia…), qui défendent évidemment leur activité, ne s’y trompent pas. Dès le 30 août, ils ont alerté sur l’absence actuelle de marges de manœuvre financières, qui va forcement s'aggraver, et pointé la contradiction d’une telle mesure avec le but affiché du gouvernement de promouvoir un bon dialogue social.

Dernier aspect de cette révolution copernicienne : pour toutes les entreprises, si la majorité des syndicats l'acceptent, les délégués syndicaux, qui négocient les accords, pourront être absorbés par l'instance unique. Ils perdront ainsi une place, indépendante, tout à fait singulière. L'instance unique, quant à elle, ne bénéficiera pas d'un membre élu de plus pour prendre en charge les missions du délégué syndical disparu. C’est pourtant, selon le ministère du travail, « une vraie avancée ».

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2 septembre 2017 6 02 /09 /septembre /2017 06:41
Ordonnances : communiqué du groupe CRC au Sénat

vendredi 1er septembre 2017

Dès la présentation de ces ordonnances au Parlement, les sénateurs communistes, républicains et citoyens porteront la voix du monde du travail dans l’hémicycle sénatorial en formulant des propositions pour un Code du travail du XXIe siècle.

Ils seront présents le 12 septembre dans les manifestations aux côtés des salarié-e-s mobilisé-e-s contre ce projet de casse du Code du travail.

Le 31 août, le groupe a publié un communiqué :

Toutes et tous dans la rue avec les syndicats le 12 septembre !

Le gouvernement a présenté aux syndicats et à la presse le contenu des futures ordonnances de casse du Code du travail. Elles répondent mot pour mot aux exigences du Medef et de la finance.

Conformément aux critiques de notre groupe en séance lors des débats sur la loi d’habilitation, les ordonnances inversent bien la hiérarchie des normes en faveur des accords d’entreprise et affaiblissent le principe de faveur au détriment des protections collectives. Les patrons pourront même imposer une réduction des salaires en modifiant le montant des primes d’ancienneté. C’est bien l’accord d’entreprise qui devient l’alpha et l’oméga du droit du travail et non pas l’accord de branche comme certains le prétendent.

Dans le même temps, le gouvernement a maintenu son choix d’imposer un plafonnement des indemnités prud’homales en cas de licenciement abusif et réduit les délais de recours à un an. Il porte un coup grave au CDI avec l’extension des contrats de projet et dérégule encore plus les CDD.

On retire aux salariés toute possibilité de se défendre en affaiblissant les syndicats, avec notamment la possibilité pour les patrons de négocier directement dans les entreprises de moins de 20 salariés. À la flexibilité des droits, le gouvernement ajoute l’insécurité avec la fusion des institutions représentatives du personnel. Les sénatrices et sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen sont opposé-e-s à ce coup de force social. Ils seront présents le 12 septembre dans les manifestations aux côtés des salarié-e-s mobilisé-e-s contre ce projet de casse du Code du travail.

Dès la présentation de ces ordonnances au Parlement, ils porteront la voix du monde du travail dans l’hémicycle sénatorial en formulant des propositions pour un Code du travail du XXIe siècle.

Ordonnances Macron de démantèlement du code du travail: communiqué du groupe communiste au Sénat
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1 septembre 2017 5 01 /09 /septembre /2017 05:15
Un pouvoir néomonarchique au service d’un capitalisme tyrannique
 PAR 

Usant des pouvoirs exorbitants que lui confèrent les institutions de notre monarchie bien peu républicaine, Emmanuel Macron engage avec les ordonnances une confrontation sociale majeure, qui pourrait consacrer une victoire importante du capital sur le travail.

 

C'est peu dire que l’histoire qui va se jouer ce jeudi 31 août, avec la révélation par le gouvernement du contenu des ordonnances pour dynamiter le code du travail, est d’importance. À double titre : parce que cette réforme majeure constitue un va-tout politique pour Emmanuel Macron. Qu’elle aboutisse et entre en application ou qu’elle déclenche une tempête et en sorte en lambeaux, c’est, dans tous les cas de figure, le quinquennat entier du nouveau chef de l’État qui en sera marqué, renforcé dans un cas, ébranlé dans l’autre. Mais plus profondément, c’est, avec cette réforme, le spectre d’un nouveau capitalisme qui se profile. Après plus de 30 années de lente et progressive dérégulation économique et sociale, sa mise en œuvre constituerait l’ultime coup de boutoir faisant tomber le capitalisme français issu de l’après-guerre. En quelque sorte, elle marquerait une victoire considérable et durable du capital sur le travail.

Le premier enjeu, qui est politique, est le plus facilement identifiable. Porté à l’Élysée dans des circonstances historiques exceptionnelles, par la force d’un vote de rejet du parti d’extrême droite et de sa porte-voix, Marine Le Pen, et non par un vote d’adhésion à son projet néolibéral, Emmanuel Macron a pris, sitôt au pouvoir, la responsabilité d’ignorer la gravité de la crise démocratique. Loin de dialoguer avec tout le pays et d’essayer de le rassembler, il s’est au contraire lové avec délectation dans les institutions antidémocratiques de la Ve République, celles du « coup d’État permanent », pour imposer de manière autoritaire, par le biais des ordonnances, une politique économique et sociale parmi les plus violentes que la France ait connues depuis la dernière guerre.

C’est le paradoxe de ce début de quinquennat. Alors que la crise démocratique que traverse la France n’a jamais été aussi profonde – parce que le pays a eu trop longtemps le sentiment que le pouvoir était sans cesse confisqué par des élites arrogantes et imbues d’elles-mêmes, ne prenant jamais le soin d’être à son écoute ou de le consulter –, Emmanuel Macron a fait aussitôt l’exact contraire de ce qui aurait été nécessaire. Au lieu de refonder notre démocratie anémiée, au lieu de redonner vie à la démocratie politique en offrant aux contre-pouvoirs et, au tout premier chef, au Parlement, un rôle véritable, au lieu de refonder notre démocratie sociale, gravement malade, en redonnant enfin aux partenaires sociaux un rôle qu’ils ont perdu depuis longtemps, le chef de l’État a usé au contraire de tous les pouvoirs exorbitants que lui confèrent des institutions autoritaires qui n’ont d’équivalent dans aucune autre grande démocratie au monde.

Triste spectacle ! Ainsi a-t-on vu, sitôt la tempête présidentielle passée, un Emmanuel Macron jouer les petits roitelets ridicules et omnipotents, décidant de tout, se pavanant d’abord pour son sacre dans la cour Napoléon, devant le Carrousel du Louvre, puis plus tard, jusqu’à Versailles, n’écoutant pas même sa propre majorité, laquelle, par surcroît, ne s’est pas affirmée – ou pas encore ? –, se comportant le plus souvent comme un conglomérat mollasson de béni-oui-oui. Tant et si bien que, loin de revivre, la démocratie est sortie encore un peu plus abîmée de ces premiers mois d’un quinquennat mimant tous les travers d’un régime monarchique.

D’ailleurs, Emmanuel Macron assume visiblement lui-même sans la moindre gène ce legs monarchique qui empoisonne depuis si longtemps la vie démocratique française. Du début jusqu’à la fin, cela parcourt même, de manière pas même subliminale, sonentretien avec Le Point, publié ce 31 août : « Par la Constitution de 1958, le président de la République n'est pas seulement un acteur de la vie politique, il en est la clé de voûte », commence-t-il par déclarer, avant de faire référence à plusieurs au… Roi-Soleil !«  ”Ne vous laissez pas gouverner ; soyez le maître ; n'ayez jamais de favori ni de premier ministre”, conseillait Louis XIV à son petit-fils le roi d'Espagne Philippe V. », poursuit-il. Puis, il ajoute : « Louis XIV avait structuré un pouvoir central assis sur une monarchie absolue parfaitement décrite par Saint-Simon : la société de cour. Celle-ci existe toujours, sous une autre forme, car la France est un vieux pays dont le fantasme monarchiste est toujours présent. Cette comparaison s'arrête là, même si notre pays a besoin d'être dirigé. Cette phrase de Louis XIV souligne aussi la nécessité de ne céder à aucune coterie. C'est cela, la vraie liberté. » Et pour finir, il y a cette ultime référence :« J'assume cette part de transcendance qui fait qu'en France le processus démocratique n'est jamais tout à fait parvenu à son terme. Louis XIV, dont vous parliez, a maçonné son royaume avec des impôts, une armée, une administration. »

C’est en cela qu’Emmanuel Macron joue gros avec ces ordonnances. Car c’est sa première véritable épreuve du feu. En quelque sorte, le « coup d’État permanent » dont use le chef de l’État va se prolonger par un « coup d’État social » – la formule utilisée par La France insoumise est assurément pertinente – dont va dépendre toute la suite du quinquennat.

Il faut bien sûr relativiser la victoire politique qu’Emmanuel Macron empocherait si, d’aventure, il parvenait à mettre en œuvre ses ordonnances. Car, sur le long terme, on devine sans peine l’effet politique prévisible. Loin de conjurer la catastrophe démocratique qui a failli porter au pouvoir en France, en mai dernier, la dirigeante d’un parti néofasciste (ou postfasciste, peu importe la dénomination retenue), la mise en œuvre méthodique d’un programme de régression sociale, avec pour premier pilier la mise à bas de pans entiers du code du travail, aurait pour effet prévisible d’alimenter encore davantage le vote protestataire et pourrait rendre inéluctable en 2022 une victoire de Marine Le Pen, qui n’a été en 2017 qu’une menace, fût-elle sérieuse.

 

En somme, qu’Emmanuel Macron parvienne ou non à ses fins, cela ne pourrait guère modifier, au moins à moyen terme, l’issue du scénario politique dans lequel nous sommes entrés : on pressent que tous les ingrédients sont de toute façon réunis pour que la crise démocratique à l’œuvre actuellement se creuse toujours un peu plus. C’est comme une machinerie infernale : on sent venir la catastrophe démocratique qui, un jour, pourrait balayer la République.

 

Mais si les événements politiques que nous vivons sont d’une considérable importance, c’est aussi parce que les mutations économiques et sociales voulues par Emmanuel Macron, avec en lever de rideau ces ordonnances, vont constituer un ultime coup de boutoir, qui pourrait faire définitivement tomber le modèle social français.

Il faut certes avoir à l’esprit que la contre-réforme voulue par Emmanuel Macron vient de très loin. Et que beaucoup d’autres coups, au fil des dernières décennies, ont déjà ébranlé le modèle social français issu de l’après-guerre et dont les heures de gloire ont été les « Trente Glorieuses ».

Le point de bascule de cette histoire, il n’est pas difficile de l’identifier : c’est la chute du Mur, en 1989. Avant cela, le mouvement de déréglementation libérale planétaire avait certes déjà commencé. Par des chocs successifs, le monde stable voulu par les vainqueurs de la Seconde Guerre mondiale, codifié sur les plans monétaire et financier par les accords de Bretton Woods signés en juillet 1944 et, sur le plan social, par la déclaration de Philadelphie deux mois avant – déclaration qui donnera naissance à l’Organisation internationale du travail (OIT) –, est déjà gravement ébranlé.

Il y a d’abord eu la déréglementation monétaire : décrétée le 15 août 1971 par le président américain Richard Nixon, la fin de la convertibilité du dollar en or est le premier et grand coup de boutoir, qui plonge le monde dans un univers plus instable, où les marchés financiers vont progressivement conquérir une force considérable. Dans le prolongement de la vague ultralibérale, dont les champions sont Ronald Reagan et Margaret Thatcher, la déstabilisation du monde ancien s’accélère. Dès 1984, il y a la déréglementation boursière, dont le maître d’œuvre en France – ce n’est pas le moindre des paradoxes – est le socialiste Pierre Bérégovoy. Dans le même temps, il y a les premières mesures de déréglementation du marché du travail, avec l’apparition des premières formes d’emploi précaire.

Basculement dans un nouveau capitalisme

À partir de 1986, un nouveau séisme va tout changer : les privatisations. Tout se combine et s’accélère. Dans cette fureur libérale à laquelle droite et gauche s’abandonnent, la déréglementation fiscale prend le relais : au début du second septennat de Mitterrand, la France accepte de mettre quasiment à bas sa fiscalité de l’épargne. Au printemps 1989 – les socialistes veulent tellement faire du zèle en matière de libéralisme qu’ils anticipent la décision européenne –, c’est la libéralisation définitive des mouvements de capitaux.

Le fait est donc incontestable : si le virus libéral s’immisce partout, si la logique du « moins d’État » ou du « moins d’impôt » provoque de plus en plus de ravages, il reste que jusqu’à la fin des années 1980, le modèle social français, celui du capitalisme rhénan, n’est pas encore gravement affecté. Il commence certes à se fissurer, mais il tient encore debout. En outre, ce capitalisme a ses règles : il est régi par les principes de l’économie de marché, mais les grandes entreprises privées vivent le plus souvent en endogamie ou en consanguinité avec l’État. Surtout, ce système d’économie de marché est adossé à un système fort de régulation sociale : Sécurité sociale, assurance chômage, caisses complémentaires de retraite… En clair, le capitalisme rhénan cohabite avec l’État-providence et même en tire avantage.

Ce capitalisme, c’est celui qui a pris son envol en Allemagne, après que le SPD eut abjuré le marxisme et se fut converti à l’économie de marché, à l’occasion de son congrès de 1959, tenu à Bad Godesberg, petite localité au bord du Rhin. D’où l’appellation de « capitalisme rhénan »… Ce capitalisme-là est, à l’évidence, le plus favorable au compromis social. Il a éclos et s’est consolidé sous les Trente Glorieuses ; il offre du« grain à moudre », selon la formule d’André Bergeron, le vieux dirigeant de Force ouvrière. En clair, selon les rapports de force du moment, et selon les variations de la conjoncture, le compromis entre travail et capital peut changer.

Mais le grand vent des privatisations finit par tout changer. Suscitant une montée en puissance formidable des grands fonds d’investissement étrangers dans le capital des entreprises françaises, modifiant leurs règles de gouvernance au profit de la « share holder value » (profit pour l’actionnaire) ou de la « corporate governance »(gouvernement d’entreprise), il accélère brutalement le basculement du capitalisme français, du capitalisme rhénan vers le capitalisme patrimonial à l’anglo-saxonne, un capitalisme qui fait la part belle aux actionnaires.

C’est en cela que l’effondrement du Mur constitue un événement majeur : les marchés financiers ont alors l’intuition que l’époque leur devient hautement favorable et qu’elle est propice à une modification radicale du rapport de force entre le capital et le travail.

L’Europe continentale – à commencer par l’Allemagne et la France – commence à vivre une formidable mutation du capitalisme. Progressivement, le capitalisme rhénan s’efface au profit d’un capitalisme qui exerce une véritable tyrannie sur le travail, fait la part belle aux actionnaires, avec en première ligne les fonds de pension. Un capitalisme qui ignore le compromis social et qui interdit la réforme.

C’est cette lame de fond qui finit par ébranler le modèle français. En quelques années, le taux de détention du capital des groupes français du CAC 40 par les fonds d’investissement étrangers, dont les sulfureux fonds de pension anglo-saxons, passe d’environ 5 % en 1985 à plus de 47 ou 48 % à la fin des années 1990 – au-delà de 60 % pour certaines firmes. C’est une course folle, car la France est prise d’un complexe libéral et s’ouvre aux grands vents de la mondialisation de manière plus forte que ne le font les États-Unis ou la Grande-Bretagne, qui connaissent des taux de détention par l’étranger de leurs champions nationaux beaucoup plus faibles : de l’ordre de 20 % dans le premier cas et moins de 30 % dans le second.

La droite d’abord, la gauche ensuite offrent sans complexe les grands groupes français aux marchés financiers. C’est le retour de la Monarchie de Juillet, accommodée à la sauce anglo-saxonne : « Allez-y ! Servez-vous. Tout cela est à vous. Enrichissez-vous… »

La Monarchie de Juillet est loin mais, à leur manière, Balladur et Sarkozy, puis Strauss-Kahn et Fabius marchent sur ses brisées, livrant en pâture aux marchés les plus beaux fleurons de l’économie française. Jusqu’aux services publics : de France Télécom à Gaz de France. Et, du temps où il est le ministre de l’économie de François Hollande, Emmanuel Macron poursuit ce travail de sape, en dérégulant le transport routier ou en offrant les aéroports régionaux aux appétits des grands fonds d’investissement – ou même d’oligarques chinois corrompus. Au diable le service public et tout ce qui va avec : l’égalité d’accès garantie à tous les citoyens pour des besoins fondamentaux, la péréquation des tarifs…

Les effets de contamination de ces privatisations sont considérables. Le virus modifie radicalement la vie des entreprises. Avec l’entrée au capital des grands groupes français d’actionnaires boulimiques, qui exigent des rentabilités beaucoup plus spectaculaires, les principes de gestion sont complètement bouleversés. Fini, les patrons à l’ancienne, monarques de droit divin, arbitrant au gré de leurs humeurs, de la conjoncture ou des rapports de force, en donnant satisfaction tantôt à leurs salariés par des revalorisations de leurs rémunérations, tantôt à leurs clients par des baisses de prix, tantôt à leurs actionnaires par des hausses des dividendes. Désormais, dans le nouveau système, il n’y a plus guère que les actionnaires qui comptent.

Ce sont d’abord les grilles de rémunération des entreprises qui explosent. À la solde de leurs actionnaires, et non plus arbitres d’intérêts parfois contradictoires, les PDG sont dans ce nouveau système remerciés grassement pour leur allégeance à leurs nouveaux maîtres. Stock-options, golden parachutes, retraites dites chapeaux : au fil des ans, c’est un véritable déluge d’or dont ils profitent.

Cette richesse extravagante au sommet des entreprises a pour corollaire un phénomène nouveau et massif : l’apparition des « working poors » (travailleurs pauvres). Le capitalisme anglo-saxon favorise le recours à des formes d’emploi précaire et le plus flexible possible. Pour en rester au même exemple, celui de l’automobile, près d’un emploi sur deux dans ce secteur provient désormais de l’intérim. Autrement dit, le travail ne protège plus de la précarité, voire de la pauvreté.

Le sévère diagnostic de Marx

La progression du virus va au-delà. Par effet de contagion, il fait des marchés financiers l’arbitre de toutes les grandes décisions. Rares sinon impossibles en Europe continentale jusqu’en 1999 – date d’un raid historique du Britannique Vodafone sur le groupe Mannesmann, qui traumatise toute l’Allemagne –, les OPA deviennent fréquentes et ne choquent plus grand monde. Les plans sociaux des entreprises changent de logique : autrefois, les patrons justifiaient les licenciements en prétendant qu’il fallait couper les « branches mortes » de leur groupe ; désormais, ils coupent aussi les branches basses, celles qui sont rentables mais, à leur goût, dans des proportions insuffisantes au regard de la boulimie de leurs actionnaires. Cette nouvelle époque, marquée par une véritable tyrannie du capital sur le travail, ouvre la voie à des licenciements d’un nouveau type : des licenciements boursiers, pour caresser les marchés dans le sens du poil – comme ceux de Michelin face auxquels Lionel Jospin avait avoué son impuissance.

De proche en proche, c’est tout le modèle social français qui est en passe d’imploser. Avec le développement de l’intérim, c’est tout le droit du licenciement, c’est-à-dire tout un pan du code du travail qui passe à la trappe ; avec une couverture d’assurance maladie ou une couverture retraite de moins en moins protectrice, ce sont les systèmes d’assurance privée individuelle et de capitalisation qui progressivement prospèrent. Bref, ce sont tous les grands acquis sociaux qui sont mis, les uns après les autres, par terre. Au fil des ans, c’est la déclaration de Philadelphie qui, page après page, est déchirée en mille morceaux.

 

Mais cette mutation que traverse la France, cette régression sociale qu’elle commence à connaître ont eu un autre effet prévisible – et dont aujourd’hui le pays paie le prix : elles ont engendré une boulimie de plus en plus forte des milieux d’affaires ; elles les ont rendus de plus en plus insatiables, les poussant dans une attitude de surenchère de plus en plus folle. Rien que de très logique ! À partir de la chute du Mur, le capital prend l’ascendant sur le travail. Et dans cette modification du rapport de force, il devient de plus en plus exigeant.

Et c’est ainsi que dans les milieux patronaux, c’est le « toujours plus » qui finit par l’emporter. Hier, il y avait des courants du patronat, à commencer par celui rassemblé autour de l’UIMM, la fédération de la métallurgie, qui préconisaient une politique de compromis social, face à d’autres courants plus libéraux. Aujourd’hui, ces temps sont révolus et les débats au sein du Medef mettent en présence des clans tous plus libéraux les uns que les autres…

Dans cette logique de surenchère antisociale, les milieux d’affaires cherchent à accréditer l’idée, de très longue date, que si la France a bel et bien connu une mutation économique majeure au cours de ces trois dernières décennies, le modèle social français n’a, lui, que peu évolué. Ce qui est une contre-vérité notoire. Dans une enquête récente(lire Les quarante ans de dérégulation qui ont mis le code du travail en miettes), nous avons souligné à quel point les coups de boutoir contre le modèle social français ont été nombreux et répétés depuis la fin des années 1970. En quelque sorte, le vœu de Denis Kessler, l’ex-numéro 2 du Medef, de détricoter le programme du Conseil national de la résistance a bel et bien été exaucé.

Mais enfin ! Cette fable d’un retard de la France dans la déréglementation de son marché du travail, et plus généralement de son modèle social, a pris au fil des ans de la consistance. Et Emmanuel Macron en est, si l’on peut dire, l’héritier : c’est lui qui a été investi par les milieux d’affaires pour porter les derniers coups contre le modèle social, pour balayer les derniers miasmes de « l’esprit de Philadelphie », pour reprendre la formule qu’Alain Supiot avait mise en titre d’un ouvrage fameux (lire Justice sociale : le manifeste de l’après-guerre aux oubliettes) pour décrire le modèle social français de l’après-guerre.

Pour le patronat – on le mesure bien au soutien enflammé et un tantinet embarrassant que Pierre Gattaz apporte ces jours-ci à Emmanuel Macron –, c’est donc, à tort ou à raison, un combat majeur qui commence. La mère de toutes les batailles : enfin, là où Jacques Chirac ou Nicolas Sarkozy ont avancé à pas mesurés, il se trouve enfin un chef de l’État qui est disposé à avancer sabre au clair.

Même si ce coup de boutoir des ordonnances n’est pas le premier, il est donc d’une considérable importance. D’autant qu’il ne fait qu’ouvrir une réforme sociale de beaucoup plus grande importance. Car après le dynamitage du code du travail, il y aura celui de l’assurance chômage et la mise à mort, grâce au basculement des cotisations vers la CSG, du seul régime social encore paritaire (lire La dangereuse contre-révolution fiscale de Macron). Dans son entretien au Point, Emmanuel Macron avoue d'ailleurs lui-même que le basculement des cotisation chômage a pour objet de mettre un terme au paritarisme: « L'État a donc plus que son mot à dire, puisque c'est lui qui finance  ! Sortons de cette hypocrisie française vieille de plusieurs décennies  ! », dit-il.

Il y a aussi de lourdes menaces qui pèsent sur le Smic, qui a pour l’instant résisté tant bien que mal à des décennies de dérégulation sociale, malgré les assauts répétés dont il a fait l’objet (lire La réforme du Smic a déjà ses artisans).

Bref, si Emmanuel Macron gagne la bataille des ordonnances, c’est tout le modèle social français qui va en être affecté, bien au-delà du seul droit du travail. Alors que la politique contractuelle est progressivement entrée en crise dans le cours des années 1980, c’est la place même de la négociation collective qui va être remise en cause, avec la consécration de l’inversion de la hiérarchie des normes sociales et le primat donné à l’entreprise. Et même encore plus profondément, c'est une remise en cause grave du fait syndical qui se profile, dans un contexte où les grandes confédérations sont déjà en très mauvaise santé.

Autrement dit, ce n’est pas à tort, tout de même, que les milieux d’affaires placent autant d’espoir en Emmanuel Macron : si son projet aboutit, il consacrera une victoire radicale du capital sur le travail. Dans l’histoire sociale française, ces ordonnances pourraient donc constituer un point de bascule majeur.

 

Fac-similé de l'édition originale du "Manifeste du parti communiste" © www.marxists.orgFac-similé de l'édition originale du "Manifeste du parti communiste" © www.marxists.org

Avec cette aventure dans  laquelle il se lance, à qui Emmanuel Macron fait-il donc penser ? À Charles X, porte-drapeau de la Restauration, qui avait eu la détestable envie de promouvoir des ordonnances liberticides – ce qui avait d’ailleurs précipité sa chute (lire Ordonnances : aux sources du coup d’État permanent) ? À Louis-Philippe ou à son ministre, le conservateur François Guizot (1787-1874), qui promettait aux classes dominantes des heures fastueuses, avec son invitation célèbre : « Enrichissez-vous ! » ? En vérité, s’il est utile de se replonger dans le passé pour éclairer le présent, c’est une autre comparaison historique qui vient immanquablement à l’esprit, piochée précisément à l’époque où la monarchie de Juillet s’effondre.

 

Exactement à la même époque, parlant du« rôle éminemment révolutionnaire » de la bourgeoisie, Karl Marx avait eu, dans leManifeste du parti communiste publié en février 1848, des formules fameuses pour décrire les mutations que celle-ci avait su conduire : « Partout où elle a conquis le pouvoir, elle a foulé aux pieds les relations féodales, patriarcales et idylliques. Tous les liens complexes et variés qui unissent l’homme féodal à ses “supérieurs naturels”, elle les a brisés sans pitié pour ne laisser subsister d’autre lien, entre l’homme et l’homme, que le froid intérêt, les dures exigences du “paiement au comptant”. Elle a noyé les frissons sacrés de l’extase religieuse, de l’enthousiasme chevaleresque, de la sentimentalité petite-bourgeoise dans les eaux glacées du calcul égoïste. »

Changement d’époque ! C’est aujourd’hui un rôle éminemment régressif que jouent les milieux d’affaires, dont Emmanuel Macron est le fondé de pouvoir. Le seul constat qui reste d’actualité, c’est que le capital, s’il emporte cette confrontation importance face au travail, a bien l’intention que les réformes engagées restent submergées par « les eaux glacées du calcul égoïste ».

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31 août 2017 4 31 /08 /août /2017 11:30
Libération de Salah Hamouri: lettre de Xavier Compain, porte-parole du PCF Bretagne, à Jean-Yves Le Drian, ministre de l'Europe et des Affaires étrangères

PCF Bretagne

1 ter rue du 71ème Régiment d'Infanterie,

22000 SAINT-BRIEUC

 

Monsieur Jean-Yves Le Drian

Ministre de l'Europe

et des Affaires Étrangères

37 quai d'Orsay

75351 PARIS

 

 

 

Saint-Brieuc, le 31 août 2017

 

 

 

Monsieur le Ministre,

 

 

Dans la nuit du 22 au 23 août, Salah Hamouri, franco palestinien, a été arrêté à son domicile, à Jérusalem-Est, par l'armée israélienne, sans qu'aucun motif ne lui soit apporté ainsi qu'à sa famille.

 

Ces méthodes d'intimidation contre ceux qui se mobilisent pour faire reconnaître les droits du peuple palestinien à vivre dans un état libre et indépendant sont inacceptables.

 

Ce mardi 29 août, nous apprenions, avec consternation et colère, que notre compatriote a été condamné à six mois de détention administrative sur ordre de Monsieur Avigdor Lieberman, Ministre de la Défense israélien.

 

Je vous demande, Monsieur le Ministre, d'intervenir avec détermination auprès du gouvernement israélien pour protéger et obtenir la libération d'un enfant de notre République.

 

Je vous prie d'agréer, Monsieur le Ministre, l'expression de ma haute considération.

 

 

 

Xavier COMPAIN

Secrétaire Régional du PCF Bretagne

Libération de Salah Hamouri: lettre de Xavier Compain, porte-parole du PCF Bretagne, à Jean-Yves Le Drian, ministre de l'Europe et des Affaires étrangères
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30 août 2017 3 30 /08 /août /2017 07:07

 

À l’avant-veille de la présentation par le gouvernement de sa réforme du Code du travail, le secrétaire général de la CGT alerte sur la gravité d’un texte conçu pour laisser les mains libres aux grands groupes en détruisant les protections des salariés

Pour la CGT, le doute n’est plus de mise. « On va vers une remise en cause sans précédent du droit du travail »,  explique ce mardi dans l’Humanité Philippe Martinez. Salaires, recours aux CDD, « CDI » intérimaires : sur tous ces sujets, c’est « la fin des repères collectifs » et la « précarité  à long terme » qui s’organisent, selon le secrétaire général de la CGT. « On voudrait nous faire croire  qu’il s’agit d’un projet nouveau  et qu’il est la seule solution  pour réduire le chômage, mais c’est un mensonge d’État. (…) Est-ce que travailler une heure par mois, c’est un emploi ?  En réalité, ces ordonnances  sont faites pour les grandes entreprises », poursuit le dirigeant syndical.

Philippe Martinez explique dans nos colonnes comment  la CGT prépare dans les entreprises la riposte avec la journée de grève du 12 septembre, qu’il envisage comme « une première étape ». « On a déjà connu des ordonnances qui ne sont pas entrées dans la loi », lance-t-il.

 

ENTRETIEN RÉALISÉ PAR SÉBASTIEN CRÉPEL

 

Julien Jaulin/hanslucas

 

À l’avant-veille de la présentation par le gouvernement de sa réforme du Code du travail, le secrétaire général de la CGT, Philippe Martinez, alerte sur la gravité d’un texte conçu pour laisser les mains libres aux grands groupes en détruisant les protections des salariés.

 

Le contenu précis des ordonnances pour réformer le Code du travail reste secret, malgré les rendez-vous donnés aux syndicats la semaine dernière. Pouvez-vous confirmer que les points les plus dangereux pour les salariés y figureront ?

PHILIPPE MARTINEZ Comme on ne nous a pas donné les ordonnances, nous n’en connaissons que les tendances fortes. Mais l’on va clairement vers une remise en cause sans précédent du droit du travail. Le gouvernement continue à parler d’excès de rigidité, de manque de libertés qui seraient la cause du chômage pour justifier la casse des droits des travailleurs. Cela veut dire la fin des repères collectifs, les règles dans leur très grande globalité étant désormais définies dans chaque entreprise. Cette inversion de la hiérarchie des normes s’appliquera aussi en matière de salaires, contrairement à ce que le gouvernement prétend, puisque, même si l’on ne touche pas aux grilles dans les branches, les ordonnances devraient permettre par exemple de rediscuter dans chaque entreprise de la prime d’ancienneté, laquelle peut représenter jusqu’à 20 % du salaire. La même logique prévaut pour des droits inscrits dans le Code du travail qui concernent l’ensemble des salariés, comme le nombre de renouvellement des CDD. Cela sera renvoyé aux branches, qui pourront faire ce qu’elles voudront. Le gouvernement souhaite étendre aussi le recours au CDI dit de projet, qui n’est rien d’autre que de la précarité à long terme, puisque ce contrat pourra être remis en cause du jour au lendemain. Et puis d’autres régressions sont glissées dans les textes, comme les temps d’habillage et déshabillage qui ne seront plus comptés en heure de nuit quand le salarié termine son poste à 21 heures.

 

Et concernant l’indemnisation du licenciement ?

PHILIPPE MARTINEZ La tête de chapitre, c’est : on augmente un peu les indemnités légales comme le font d’ailleurs déjà certaines branches, et tout ce qui est préjudice sera barémisé. Or 85 % des jugements aux prud’hommes le sont pour faute grave d’un patron. Désormais, ce dernier pourra provisionner un licenciement, quels que soient le préjudice et la gravité de sa faute, puisqu’il saura combien il devra débourser le jour où il voudra se débarrasser d’un salarié. C’est très grave. Je pense que le gouvernement ne changera pas d’avis non plus sur sa volonté de ramener au périmètre national l’appréciation des difficultés d’un établissement ou d’une entreprise en cas de licenciement. Typiquement, cela veut dire qu’une bataille comme celle des Molex ne pourra plus être menée. C’est un scandale, quand on sait les pouvoirs comptables des entreprises pour faire passer du jour au lendemain un établissement dans le rouge. Beaucoup ont des filiales auxquelles elles louent des locaux, il leur suffit de doubler le loyer…

 

Les instances du personnel seront-elles fusionnées comme le gouvernement le souhaite ?

PHILIPPE MARTINEZ On nous a laissé entendre que cela sera dans les ordonnances, quelle que soit la taille de l’entreprise, suppression des CHSCT à la clé. Fusion des institutions, ça veut dire moins de moyens, moins d’élus, moins d’heures de délégation, etc. Avec la possibilité, que le gouvernement dit ne pas avoir tranchée mais qui est dans le paysage, de permettre des négociations sans syndicat dans les petites entreprises. Cela est condamné par tous les syndicats au plan européen. Une récente étude a d’ailleurs démontré que l’absence d’implantation syndicale, quel que soit le pays, favorise le creusement des inégalités, notamment salariales.

 

La CGT a-t-elle été entendue sur certains points ?

PHILIPPE MARTINEZ Il semble qu’on ait été entendu en partie en matière de discrimination syndicale, ce qui montre que notre bataille sur les libertés syndicales, qui a abouti à l’adoption par le Conseil économique, social et environnemental des conclusions du rapporteur CGT sur le sujet, pèse dans les discussions. Mais c’est à vérifier jeudi.

 

François Hollande a critiqué le projet de son successeur, en fustigeant des « sacrifices qui ne sont pas utiles ». Y a-t-il une rupture avec la loi El Khomri ?

PHILIPPE MARTINEZ On voudrait nous faire croire qu’il s’agit d’un projet nouveau et qu’il est la seule solution pour réduire le chômage, mais c’est un mensonge d’État. Il faut casser cette idée que ce sont de nouvelles têtes avec de nouvelles idées qui sont au pouvoir : ce sont les mêmes avec les mêmes mots et les mêmes logiques. On reste dans la continuité des lois Hollande-Macron. La porte qu’ils n’ont pas pu pousser jusqu’au bout l’an dernier parce que la mobilisation les en a empêchés, ils essaient aujourd’hui de l’ouvrir complètement.

 

Le gouvernement se targue d’une situation qui s’améliore sur le front de la croissance et de l’emploi pour justifier d’aller plus loin dans la flexibilité du marché du travail…

PHILIPPE MARTINEZ À qui profite la pseudo-reprise économique ? Aux actionnaires. La France est championne d’Europe de la distribution de dividendes ! Mais le chômage ne baisse pas réellement, les radiations de chômeurs continuent. Par contre, la nature de l’emploi change, comme on l’a vu auparavant en Espagne ou en Allemagne. Il existe désormais une Allemagne à deux vitesses entre les travailleurs qui bénéficient de conventions collectives et les contrats ultra-précaires et à temps très partiel. C’est aussi le cas en Italie, où se développe l’embauche à l’heure. Derrière l’emploi, il faut donc poser la question de la qualité du travail. Est-ce que travailler une heure par mois, c’est un emploi ? En réalité, ces ordonnances sont faites pour les grandes entreprises car les artisans et les petits patrons ne veulent pas de la loi de la jungle, ils ont besoin de conventions collectives, sinon, c’est le plus fort qui définit les règles à son avantage.

 

 

Vous avez salué la méthode du gouvernement. Beaucoup critiquent pourtant son opacité et l’absence de véritable négociation collective…

PHILIPPE MARTINEZ Quand on dit qu’on va changer profondément les choses, c’est mieux de demander l’avis des syndicats, plutôt que d’apprendre le contenu de la loi dans la presse comme cela s’est passé l’an dernier. C’est cela que j’ai dit. Mais j’ai dit aussi que la manière de procéder du gouvernement relevait de l’enfumage, parce que, à l’issue des discussions, on ne connaît pas le contenu de ses arbitrages, ni ce qu’il a retenu des dix-sept pages de propositions de la CGT. C’est tout l’art de la communication du gouvernement : faire croire qu’il y a une négociation sans dévoiler son projet, et entretenir le flou jusqu’au dernier moment pour éviter que les syndicats ne fassent front commun. C’est un semblant de négociation, on ne peut même pas parler de concertation, juste de discussion. Le gouvernement tire ainsi à sa façon les enseignements de la mobilisation de l’année dernière, ce qui montre au passage qu’elle n’a pas compté pour rien. Ils se sont dit, cette fois, on ne va pas leur mettre sous les yeux un projet définitif, on va les recevoir séparément en communiquant sur les « 50 réunions » programmées. Mais, pour la CGT, cela s’est résumé à 7 fois une heure. Et cette méthode permet de dire des choses différentes aux uns et aux autres. La CGT a demandé officiellement une multilatérale (une réunion où les organisations seraient reçues ensemble – NDLR), sans réponse du gouvernement.

 

La CFTC a parlé d’un rééquilibrage de la copie du gouvernement en faveur de la branche par rapport à la loi El Khomri. Le confirmez-vous ?

PHILIPPE MARTINEZ Non, puisque nous n’avons aucun texte écrit.

 

Vous appelez à une journée de grève le 12 septembre. Où en est sa préparation ?

PHILIPPE MARTINEZ Les militants ont diffusé un tract à un million d’exemplaires cet été. Des initiatives ont été organisées durant notre campagne auprès des saisonniers et pendant le Tour de France cycliste. Des plans de travail sont prêts pour la rentrée. Nous visons une mobilisation ancrée le plus possible dans les entreprises. Nous avons tiré les enseignements du mouvement de l’année dernière. Des manifestations, il faut en faire parce que ça se voit, mais il faut aussi des actions dans les entreprises. Donc l’idée, c’est de préparer le 12 septembre avec les salariés, entreprise par entreprise, branche par branche, afin de partir des réalités de chacun pour établir des convergences.

 

FO n’appelle pas au 12 septembre. Comment percevez-vous l’évolution de son discours par rapport à l’an dernier ?

PHILIPPE MARTINEZ J’écoute ce que dit Jean-Claude Mailly, il a salué la méthode par rapport à l’absence de discussion de l’année dernière. Sur le fond, le secrétaire général de FO dit : on verra le 31 août. De notre côté, nous travaillons à réussir la mobilisation du 12 septembre. Nous prenons nos responsabilités sans rien imposer aux autres syndicats. Il y a des liens, des échanges avec les syndicats de Force ouvrière qui ont débouché, dans plus d’une trentaine de départements maintenant, à des appels unitaires, même si cela ne se fait pas toujours autour du rendez-vous du 12. Une grande fédération comme celle des transports appelle au 12 septembre, donc le débat se poursuit chez les militants FO. Je note aussi la position intéressante de la CGC, même si ce syndicat dit qu’il n’est pas dans sa culture d’appeler à la grève. Et je trouve la CFDT beaucoup moins enthousiaste que l’année dernière. Enfin, chez les étudiants, l’Unef appelle au 12 septembre. Tout cela montre l’utilité de la présence de la CGT dans les réunions au ministère. Le gouvernement espérait un petit débat feutré en attendant le 31 août, nos comptes rendus aident les salariés mais aussi les militants des autres organisations à comprendre les tenants et les aboutissants de ce qui se trame. On verra jeudi les positions des uns et des autres. Il restera encore deux semaines pour préparer le 12 septembre.

 

Quel écho suscite votre appel à se mobiliser chez les salariés ?

Philippe Martinez On note un mécontentement et de l’effervescence. Mais on ne sait jamais à l’avance comment cela se traduira. On a vu l’année dernière qu’il ne suffit pas de signer une pétition en ligne pour qu’une grève démarre dans chaque entreprise. C’est notre travail de syndicaliste de faire en sorte que ce mécontentement s’exprime dans un « tous ensemble » plutôt que chacun reste dans son coin. Pour cela, il faut sortir des slogans trop globalisants et aller au plus près des travailleurs. Regardons la lutte très intéressante des coursiers de Deliveroo, ils incarnent le modèle du travail rêvé par Emmanuel Macron. Pourquoi se battent-ils ? Pour obtenir des garanties collectives en matière de rémunération. Et ils s’aperçoivent que sans instance représentative des salariés il est difficile de faire valoir ses revendications. Ceux qu’on présente comme les travailleurs de demain se battent pour obtenir ce qu’ont les autres travailleurs, présentés comme des archaïques et des passéistes. Nous voulons faire converger les uns et les autres, à partir de ces réalités différentes.

 

Y aura-t-il des suites au 12 septembre ?

PHILIPPE MARTINEZ Nous tenons une assemblée de rentrée ce mardi, nous allons y réfléchir.

 

Le temps, très restreint jusqu’à l’adoption des ordonnances, n’est-il pas un obstacle à une mobilisation de longue durée ?

PHILIPPE MARTINEZ Les ordonnances ne sont pas la loi, elles ont six mois pour le devenir. Il y aura un retour à l’Assemblée nationale pour décider si ces ordonnances seront inscrites dans la loi. On a déjà connu des ordonnances qui ne sont pas entrées dans la loi…

 

Il existe donc encore un champ pour développer la mobilisation ?

PHILIPPE MARTINEZ Bien sûr, il y a du temps. C’était déjà comme ça l’année dernière avec le 49-3 : ils essaient de mettre des barrières pour empêcher d’agir. Nous, nous faisons confiance au pouvoir d’intervention des salariés, des retraités, des jeunes, des étudiants.

 

Le 12 septembre ne sera donc pas un baroud d’honneur ?

PHILIPPE MARTINEZ Dans l’esprit de la CGT, le 12, c’est une première étape. En général, dans les grands tours cyclistes, il y a plusieurs étapes

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29 août 2017 2 29 /08 /août /2017 12:00
Un procès pour l'amiante: proposition de loi co-signée par le député communiste de Seine-Maritime Jean-Paul Lecoq
Un procès pour l’amiante : proposition de loi co-signée par le député Jean-Paul Lecoq

mardi 29 août 2017

Jean-Paul Lecoq, Député de Seine-Maritime, vient de co-signer une proposition de loi afin de faciliter un procès au pénal qu’attendent depuis plus de 20 ans les victimes de l’amiante.

Communiqué de Jean-Paul Lecoq :

"Alors même que dans d’autres pays des poursuites ont été engagées et des condamnations appliquées contre ceux qui ont tué pour s’enrichir dans le drame de l’amiante, en France le Parquet vient nous dire qu’il n’y aurait pas de responsable aux 3.000 morts par an causés par ce poison utilisé pendant des décennies.

Cela fait 20 ans que les victimes de l’amiante en France attendent un procès au pénal.

Le 19 juillet j’ai interpellé la Ministre à l’Assemblée sur cette question, elle a répondu à côté du sujet posé. Qu’à cela ne tienne, avec d’autres députés, nous venons de déposer une proposition de loi visant à réviser la loi dite « Fauchon » et à supprimer ainsi toute impunité pénale des responsables d’entreprise dans le drame de l’amiante. En effet, la loi n° 2000-647 du 10 juillet 2000 dite « loi Fauchon » a eu pour
objet de limiter le risque pénal principalement pour les décideurs publics et privés. Il est temps de revenir sur cette injustice. Chaque parlementaire devra donc se prononcer prochainement sur cette proposition. Plus question de tourner autour du sujet : ceux qui veulent vraiment que justice soit rendue, voteront cette proposition."

 Télécharger la Proposition de loi visant à réviser la loi dite « Fauchon » et à supprimer toute impunité pénale des responsables d’entreprise dans le drame de l’amiante

Un procès pour l'amiante: proposition de loi co-signée par le député communiste de Seine-Maritime Jean-Paul Lecoq
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29 août 2017 2 29 /08 /août /2017 08:32

Voilà qui devrait fragiliser la décision politicienne prise sans débat en Conseil Municipal et sans consultation de la Commission Enseignement et des parents d'élève prise par Agnès Le Brun et sa majorité début 2016 de supprimer les plats de substitution dans les cantines des écoles publiques et de faire du plat unique (entrée et plat de résistance, avec viande presque tout le temps et avec porc certains jours) la norme pour les enfants des écoles publiques à Morlaix, poussant certaines familles à ne pas inscrire leurs enfants à la cantine certains jours, ou certains enfants à ne pas manger tout à fait à leur faim certains jours. 

Créant un sentiment de stigmatisation chez beaucoup de familles d'origine africaine ou maghrébine, de culture musulmane. 

Alors qu'il n'y avait aucun débat sur les plats de substitution (une omelette ou du poisson pour les enfants végétariens et les enfants ne mangeant pas de porc) auparavant chez les parents. 

Décision prise par Agnès Le Brun, maire Les Républicains de Morlaix, avant la campagne des primaires de la Droite et qu'elle soit nommée porte-parole de Sarkozy pour les questions d'éducation. Une mesure qui a plongé dans l'incompréhension et l'embarras beaucoup de familles de culture musulmane ou simplement de régime culturel alimentaire sans porc, mais aussi des familles et des enfants végétariens. Une mesure visant quelque part à montrer que la laïcité aurait un problème avec les enfants d'origine musulmane, comme si la laïcité de l'école supposait que tous mangent la même chose, que tous mangent du porc. Laïcité d'exclusion, contre laïcité de tolérance et d'intégration.

Il est intéressant que la décision du tribunal administratif reprenne des arguments que nous invoquions à l'époque. Voilà qui devrait relancer le débat et notre mobilisation pour des cantines scolaires publiques maternelles et primaires, qui, comme dans le secondaire, au collège et au lycée, comme à l'école privée, accueillent la différence.   

Voir les positions que j'avais prise, en tant qu'élu d'opposition Front de Gauche membre de la Commission Enseignement du Conseil Municipal de Morlaix, début 2016, avec les autres élus d'opposition, et l'association des parents d'élèves des écoles publiques, devenue Amicale Laïque des écoles publiques de Morlaix, qui allaient tout à fait à l'encontre de cette mesure compliquant la vie des familles et des enfants pour rien, sinon un affichage laissant entendre que la République aurait des problèmes avec ses citoyens de culture musulmane.  

Pendant des mois, nous nous sommes battus contre cette décision injuste et intolérante qui créait un problème là où il n'y en avait pas, avec des arguments voisins de ceux du tribunal qui casse aujourd'hui la décision du maire de droite de Châlon-sur-Saône. 

Ismaël Dupont, élu d'opposition  PCF-Front de Gauche à Morlaix et Morlaix-Communauté

le 29 août 2017 

Menu unique dans les cantines scolaires de Morlaix: point de vue

Menu unique à Morlaix : "la majorité s'accroche à son bout de viande" (Le Télégramme)

Passage au menu unique à Morlaix dans les cantines scolaires: lettre de l'opposition à Agnès Le Brun et aux élus de la majorité, particulièrement ceux de la Commission Enseignement

Passage au menu unique dans les cantines scolaires de Morlaix avec suppression des adaptations pour les régimes sans porc et végétariens: intervention de Sébastien Portier pour les parents d'élèves de l'école Gambetta le 5 février devant la mairie

Passage au menu unique: Lettre des associations de parents d'élèves des écoles publiques de Morlaix au maire, Agnès Le Brun

Menu unique: 200 personnes devant la mairie de Morlaix le vendredi 5 février pour protester contre la décision de la droite morlaisienne (Le Télégramme et le Ouest-France)

Menus des cantines scolaires: avis de l'observatoire de la laïcité

Agnès Le Brun, trop c'est trop!

Chalon-sur-Saône: la suppression des menus sans porc à la cantine décidée par un maire de droite en 2015 annulée... Et à Morlaix?

Le Télégramme, 29 août: 

 

La justice a annulé, hier, la suppression, par la municipalité de Chalon-sur-Saône, des menus sans porc dans les cantines scolaires. Une décision qui fragilise les dispositions similaires adoptées ailleurs en France. 

C'est un jugement qui risque de faire polémique. Sans trancher la question sur un plan religieux, la justice a retoqué, hier, la décision municipale de ne plus servir de menus de substitution au porc dans les cantines de Chalon-sur-Saône (Saône-et-Loire). La commune, par la voix de son avocat, a d'ores et déjà annoncé vouloir faire appel du jugement. Les élus de Chalon-sur-Saône avaient voté, en septembre 2015, une délibération mettant fin à la distribution de menus de substitution au porc dans les restaurants scolaires. La décision du maire LR, Gilles Platret, avait déclenché une controverse jusque dans son propre camp. Hier, le tribunal administratif de Dijon a estimé que cette décision méconnaissait « l'intérêt supérieur de l'enfant ». Le juge souligne, toutefois, qu'il ne prend « aucune position de principe à caractère général » et qu'il n'a pas examiné l'argument de la violation de la liberté de conscience et de culte, soulevé par la Ligue de défense judiciaire des musulmans, l'association à l'origine du recours contre la délibération municipale. Maître Jean-Baptiste Jacquenet-Poillot, l'avocat de la partie requérante, pense avoir désormais « un maximum de chances » de gagner contre la « vingtaine » de décisions similaires prises ailleurs en France. Pour sa part, le Rassemblement des musulmans de France s'est réjoui du jugement du tribunal.

« Fichier religieux »


Dans son jugement, la juridiction avance trois arguments principaux : ces menus étaient proposés depuis 1984 « sans jamais faire débat » ; la Ville n'a pas motivé sa décision par une contrainte technique ou financière ; et elle n'a pas « démontré l'impossibilité d'une méthode alternative pour éviter que les enfants ne soient fichés ou regroupés selon leurs choix » alimentaires. Un « fichier » à caractère « religieux », selon Gilles Platret, auquel sa mesure aurait permis de mettre fin. « Pas un enfant n'est sorti des cantines de Chalon en ayant faim », avait-il fait valoir.
 

Le Télégramme, 29 août 2017

Chalon-sur-Saône: la suppression des menus sans porc à la cantine décidée par un maire de droite en 2015 annulée... Et à Morlaix?
DISCRIMINATIONS
Chalon-sur-Saône : la justice annule la fin des menus sans porc dans les cantines
Par LIBERATION, avec AFP   (mis à jour à )

Visant les élèves musulmans au nom de la «laïcité», cette décision du maire LR Gilles Platret avait mis fin à une pratique ancienne qui n'avait jusqu'alors jamais suscité le débat.

Le tribunal administratif de Dijon a annulé ce lundi la décision de la ville de Chalon-sur-Saône qui avait supprimé depuis 2015 les menus de substitution au porc dans les cantines scolaires. Le tribunal a estimé dans son jugement (à lire ici) que «cette décision n’avait pas accordé, au sens de la convention internationale relative aux droits de l’enfant, une attention primordiale à l’intérêt des enfants». «Il s’est ainsi prononcé, sans prendre aucune position de principe à caractère général, au regard du seul cas particulier des cantines scolaires de Chalon-sur-Saône», précise le tribunal dans un communiqué.

Le conseil municipal de Chalon-sur-Saône avait voté en septembre 2015, à une large majorité, une délibération mettant fin à la distribution de menus de substitution au porc dans les restaurants scolaires, servis dans cette commune depuis 1984.

Cette mesure avait auparavant fait l'objet d'un recours en référé de la Ligue de défense judiciaire des musulmans en août 2015, recours qui avait été rejeté par le tribunal administratif de Dijon, lequel avait estimé qu'il n'y avait pas d'urgence à statuer. Ce qu'il a donc fini par faire deux ans plus tard.

A l'époque, le maire LR de la commune, Gilles Platret, s'était réjoui d'une«première victoire pour la laïcité».

Son tweet est donc démenti ce lundi par la justice.

Vendredi, le rapporteur public s’était prononcé pour l’annulation de la décision, estimant que cette mesure «a mis fin à une pratique ancienne et durable qui jusqu’ici n’avait pas fait débat».

LIBERATION avec AFP

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29 août 2017 2 29 /08 /août /2017 07:29

Contrats aidés

Les victimes de la précarité basculent dans le néant

 

Les APL nourriraient l’appétit spéculatif des propriétaires ? Alors le gouvernement s’en prend aux locataires bénéficiaires. Les contrats aidés coûteraient cher et sont inefficaces contre le chômage ? Alors Muriel Pénicaud, la ministre du Travail, préconise leur arrêt. Des salariés témoignent d’une décision qui leur met la tête sous l’eau. Premier député à avoir interpellé la ministre, le communiste Alain Bruneel réagit sur l’absence de solutions viables pour l’emploi portées par le gouvernement. Pour la CGT, dans un communiqué rendu public vendredi, « 7 500 euros par emploi (cela) n’est-il pas moins élevé que le montant du Cice, de 340 000 euros par emploi, bien souvent au seul profi t des entreprises du CAC 40, sans autre résultat que de nourrir les dividendes versés aux actionnaires »… À La Réunion, où 75 % de ces contrats sont supprimés, la rentrée a dû être reportée, démontrant la place prise par ces emplois dans le secteur public et associatif.

Le gouvernement a annoncé la réduction drastique des enveloppes allouées aux contrats aidés, laissant des milliers de bénéficiaires brutalement sur le carreau et mettant à mal un secteur associatif sacrifié aux économies budgétaires.
Le coup de massue a surpris tout le monde. Le 9 août, Muriel Pénicaud, la ministre du Travail, déclarait que les contrats aidés étaient « coûteux » et « pas efficaces dans la lutte contre le chômage ». Le gouvernement a rapidement mis son plan d'économie drastique à exécution. Dans la foulée, la direction de Pôle emploi en Île-de-France a reçu l'ordre de la délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle (DGEFP) de geler toutes les prescriptions de CUI (contrats uniques d'insertion) et de CAE (contrats d'accompagnement dans l'emploi). Une mesure brutale qui concerne aussi bien les renouvellements que les nouveaux contrats. Les seules exceptions admises étant notamment dans le domaine de l'éducation nationale et pour les adjoints de sécurité. Les premières lueurs d'inquiétude ont commencé à poindre chez les titulaires de ces contrats, réservés aux allocataires du RSA, aux personnes éloignées de l'emploi ou sans formation.
DES CENTAINES DE MILLIERS DE PERSONNES SUR LE CARREAU

Laura, 28 ans, en CUI depuis un an dans une structure culturelle à Rennes (Illeet-Vilaine), n'a pas tardé à recevoir un mail alarmiste de son conseiller Pôle emploi. « Il m'a demandé de renvoyer au plus vite ma convention signée pour espérer que mon renouvellement soit pris en compte. » Pour la jeune femme, les vacances deviennent source d'angoisse. « Mon prolongement ne devait pas poser de problème ; là, je suis dans l'incertitude la plus totale, sans savoir si je vais pouvoir continuer au mois de septembre. Je suis méga stressée rien qu'à l'idée de retourner au chômage. » En charge de tâches administratives, de la gestion, de la production, elle est un maillon central de la petite association. « Je suis investie sur un projet qui ne se fera pas si je ne suis plus présente ; mon départ mettrait aussi en péril le devenir de la structure. Mon employeur aurait éventuellement les moyens de me faire un CDD de deux mois, mais pas plus. » Elle ne fait pas pour autant l'apologie de ce type de contrat. « Ce CUI est clairement une béquille. Avec 1 200 euros d'indemnités par mois, on ne va pas bien loin. Mais j'ai eu la chance que les 150 heures de formation obligatoire soient respectées par l'employeur, ce qui n'est pas le cas de nombre de gens que je connais. »

Avec ces coupes claires dans les budgets, ce sont des centaines de milliers de personnes qui vont se retrouver sur le carreau. Sur l'année 2017, le gouvernement prévoit seulement 293 000 contrats aidés, dont 110 000 nouveaux contrats au deuxième semestre (dont une moitié irait à l'éducation nationale). Une chute drastique par rapport l'année 2016 qui avait vu 459 000 emplois signés.

DES BÉNÉFICIAIRES SANS AUCUNE SOLUTION

« Les contrats aidés sont un pis-aller en termes de politique de l'emploi, mais on s'attaque encore à l'emploi précaire, considère François Millet, du Snu-Pôle emploi Île-de-France. Je pense que toute la violence sociale de cette décision n'a pas encore eu le temps d'émerger, beaucoup de gens ne sont pas au courant. » Si le gouvernement évoque un grand plan d'investissement à venir sur la formation professionnelle et l'apprentissage en contrepartie de cette coupe massive, en attendant, les bénéficiaires privés de leurs contrats se retrouvent sans aucune solution. « Leur argument est assez creux. L'arrêt de certains CUI-CAE ne se traduira pas par des formations à la hauteur », poursuit le syndicaliste.

Ces contrats aidés, qui coûtent chaque année en moyenne 3 milliards d'euros à l'État, sont largement utilisés comme une arme antichômage à court terme depuis la création des travaux d'utilité collective (TUC), en 1984. Ils n'ont cessé de servir d'amortisseur en période de crise économique et de tenter de palier les échecs des politiques sur le front de l'emploi, comme cela a été le cas durant le quinquennat de François Hollande. À moyen terme, leur bilan est mitigé. « Une amélioration limitée de l'insertion professionnelle des bénéficiaires » est constatée par la Dares dans une étude datée de mars 2017.

« On est critique de ce genre de contrat, lance d'emblée Florian Martinez, porteparole du syndicat Asso, les bénéficiaires ne touchent pas de prime de précarité, n'entrent pas dans les seuils sociaux de la structure, mais leur suppression ne sera pas remplacée par un emploi. C'est un vrai plan social éclaté, un drame humain qui se prépare. »

Les associations n'ont pas tardé à tirer la sonnette d'alarme. Déjà prises à la gorge par la faiblesse des subventions publiques, ces structures n'ont souvent pas d'autre choix que de recourir à ce type de contrats pris en charge par l'État à hauteur de 55 % à 80 %.

La nouvelle passe d'autant plus mal que certaines structures remplissent des missions d'utilité publique. Comme l'Association des quartiers du marché-gare, spécialisée dans l'aide aux devoirs à Montauban (Tarn-et-Garonne), qui n'a pas vu renouveler son contrat aidé. Une catastrophe pour son président, André Gréder. « Notre activité existe depuis trente ans ; comme un de nos professeurs ne peut pas rester, nous allons devoir réduire la voilure. Nous

sommes une des pièces maîtresse de la vie sociale du quartier, mais nous n'avons même pas de quoi embaucher un emploi statutaire. Nous sommes tout le temps obligés de nous battre pour trouver des financements, pour chercher des fonds. Nous avons interpellé le préfet, le conseil régional, le député, nous attendons des réponses.» Tout un pan des services publics est aussi menacé de rupture par ce tour de vis. Sur l'île de La Réunion, la rentrée des classes a même dû être décalée de cinq jours faute de personnel (voir article cicontre). Si la CGT déplore « une grosse erreur» quant à la soudaineté de la réduction des contrats aidés, elle réclame aussi que les postes habituellement en contrats de ce type dans l'éducation nationale « soient budgétés » pour des contrats normaux et que les actuels bénéficiaires du dispositif « soient ainsi recrutés sur des postes », à un moment où les besoins en service public n'ont jamais été aussi croissants. Au Secours populaire de Montauban, en pointe sur les questions de solidarité et de lutte contre la pauvreté, l'impact est également redoutable : « Nous avons cinq contrats aidés, dont deux qui ne seront pas prolongés, lance Francette Noël, présidente de l'association. Ça va être très compliqué de continuer à fonctionner, à recevoir 30 à 40 familles tous les après-midi. »

Gérard, en charge de la communication au Secours populaire, est un de ces employés contraints au départ. À 57 ans, avec un statut de travailleur handicapé, il n'a pas grand espoir de retrouver un emploi. « J'ai appris ça du jour au lendemain, bim, c'était fini. Je vais rédiger des CV, aller à Cap emploi (équivalent de Pôle emploi pour les personnes en situation de handicap), mais je ne me fais pas d'illusions. » Malgré la faiblesse des revenus de son contrat aidé, 650 euros par mois, « juste une blague », précise-t-il, Gérard regrette que ces économies budgétaires frappent une nouvelle fois en priorité « des hommes et des femmes qui n'ont pas besoin de ça. Cela complique aussi la marche d'associations aux missions plus qu'utiles et qui ont déjà subi la suppression de la réserve parlementaire »...

Pour ces laissés-pourcompte, le retour au chômage ou la perspective de postes encore plus mal payés est un crève-coeur.Frédéric Martinez entrevoit déjà une entourloupe: «On n'arrête pas d'entendre que les objectifs de services civiques ne sont pas remplis; une partie des contrats aidés pourrait basculer sur ces missions encore plus précaires (indemnisés 570 euros par mois en moyenne), alors qu'il faudrait au contraire plus de moyens pour le secteur associatif pour créer de l'emploi de qualité. Seules 53 % des personnes travaillent en CDI.» Mais avec ces tailles budgétaires à la serpe sur les contrats aidés et une réforme du Code du travail en voie de casser le CDI, la précarisation généralisée est bien en marche.

 

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« LA SUPPRESSION DES CONTRATS AIDÉS, C’EST 280000 PERSONNES QUI SE VERRONT RELÉGUÉES DE CONTRATS PRÉCAIRES AU RANG DU CHÔMAGE», LA CGT.

 

« C'EST UN VRAI PLAN SOCIAL ÉCLATÉ, UN DRAME HUMAIN QUI SE PRÉPARE. » FLORIAN MARTINEZ, PORTE-PAROLE DU SYNDICAT ASSO

 

 

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28 août 2017 1 28 /08 /août /2017 14:29
photo Ouest-France

photo Ouest-France

Recueilli par Patrice Moyon.

Pour Philippe Martinez, secrétaire général de la CGT, la réforme du Code du travail ne créera pas d’emplois. La CGT a d’ores et déjà appelé à une mobilisation le 12 septembre alors que le gouvernement s’est gardé de révéler ses arbitrages sur les sujets sensibles. Entretien.

Alors que des concertations sur les mesures de la réforme du Code du travail s’achèvent aujourd’hui entre les partenaires sociaux et le gouvernement, Philippe Martinez, le secrétaire général de la GT répond à Ouest-France.

Relancer le dialogue social, c’est plutôt une bonne idée ?

Philippe Martinez : Le dialogue social existe déjà dans les entreprises. L’objectif, avec la réforme du Code du travail, c’est d’abord de poursuivre ce qui a été entamé l’an dernier avec la loi El Khomri et n’a pu être achevé grâce aux mobilisations que l’on a connues. On en est à la septième ou huitième réforme du droit du travail depuis Chirac. Est-ce que cela a permis de faire baisser le chômage ? Non. Un petit boulot plutôt que pas de boulot : c’est la phrase que Macron aime prononcer. La volonté, c’est donc clairement de renforcer la précarité.

Vous avez appelé à une mobilisation pour le 12 septembre sans connaître le contenu de ces ordonnances. Surprenant.

On n’a pas joué la politique de la chaise vide. On a participé aux réunions qui ne sont pas des négociations. Même si le gouvernement se refuse toujours à nous donner un texte, on a des tendances lourdes qui nous permettent aujourd’hui d’assumer nos responsabilités.

Mais Force ouvrière (FO) ne vous suit pas. Pourquoi ?

C’est à eux qu’il faut le demander. Et pour l’instant, on ne connaît pas le contenu exact des ordonnances. La CGC n’appelle pas à manifester. Mais elle reste très critique. Des étudiants pourraient être là, tout comme les retraités et ceux qui sont concernés par la réforme de l’APL (Aide personnalisée au logement). Tous les ingrédients sont là pour une mobilisation.

Que craignez-vous avec cette réforme ?

L’inversion de la hiérarchie des normes nous inquiète. Un certain nombre de primes aujourd’hui négociées dans le cadre de la branche pourraient l’être dans le cadre de l’entreprise. C’est le cas des primes d’ancienneté.

De la même façon, aujourd’hui ce qui fait foi, c’est le contrat de travail. Demain, un accord d’entreprise prévoyant de travailler plus et de gagner moins pourrait être rendu obligatoire avec un licenciement en cas de refus. Et sans aucune possibilité de recours.

Une multinationale faisant des profits pourra mettre en avant des pertes dans une filiale française pour justifier des licenciements. On sait bien que par un simple jeu d’écriture comptable, on peut mettre un établissement dans le rouge.

Vous restez opposé à la fusion des institutions représentatives du personnel ?

Le comité d’entreprise, les représentants du personnel et le CHSCT seraient réunis dans une même instance. Je ne comprends pas qu’on fasse disparaître le CHSCT (Comité d’hygiène de sécurité et des conditions de travail) au moment où l’on constate de plus en plus de souffrance au travail.

Sans CHSCT, plus de possibilité de recourir à une expertise indépendante ou d’agir en justice pour savoir si une réforme de l’organisation du travail aura des conséquences sur la santé. C’est aussi moins de moyens pour les salariés.

Et l’extension des contrats de chantier qui pourraient être étendus à d’autres secteurs que le bâtiment ?

Je ne sais pas comment ils vont les appeler. Mais ce sont des contrats précaires. On est dans l’inconnu. Là encore, on diminue les droits collectifs des salariés et leur rémunération.

Moins de 10 % des salariés français sont syndiqués. Pouvoir négocier sans passer par les syndicats pourrait sembler logique ?

Pas pour nous. Qu’est-ce qui mesure la représentativité des syndicats : le nombre d’adhérents ou les élections ? Est-ce que vous diriez que les partis politiques ne sont pas représentatifs. Et à elle seule, la CGT compte plus d’adhérents - 690 000 - que tous les partis réunis. Et les salariés votent. Vous voyez qu’on est représentatif. Se passer des syndicats, c’est le grand rêve du Medef

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28 août 2017 1 28 /08 /août /2017 05:51

 

L’échange CSG contre cotisations sociales patronales épargne la finance et sera source de divisions.

Avec la baisse des APL, la fin des contrats aidés ou encore la rédaction des ordonnances de la loi travail, on croyait épuisée la réserve de mauvais coups de l’été. C’était sans compter l’annonce, hier, d’une hausse de la CSG dès le 1er janvier qui ne sera pas intégralement compensée par la baisse des cotisations maladie et chômage, comme Emmanuel Macron s’y était engagé initialement pour prétendument « augmenter le pouvoir d’achat ». Le ministère des Comptes publics a en e­ et indiqué que, si la hausse de 1,7 point de la CSG s’appliquerait bien dès la nouvelle année, la suppression des cotisations pour les salariés du privé qu’elle est censée financer se ferait en fait « en deux temps », avec une première baisse au 1er janvier et une seconde qui n’interviendra qu’à l’automne 2018. Plusieurs milliards d’euros seront ainsi subtilisés au pouvoir d’achat des Français entre les deux échéances pour réduire le déficit public, a confirmé le ministre Gérald Darmanin, sur Twitter. 

Avec la hausse de la CSG, le pouvoir d’achat va bel et bien être globalement amputé. Philippe Turpin/Photononstop

 

Le gouvernement a annoncé hier qu’il étalerait en 2018 la baisse des cotisations sociales des salariés du privé. Mais la hausse de la CSG, elle, s’appliquera dès le 1er janvier. Bilan : la promesse de « hausse » du pouvoir d’achat se transforme en purge au nom de l’austérité.

La manœuvre du gouvernement est astucieuse. D’une main, il rehausse la CSG pour tous ou presque, puisque l’assiette de cet impôt s’applique à tous les types de revenus : salaires du privé, du public, retraites, épargne, allocations chômage. Seuls les retraités percevant une pension de moins de 1 200 euros pour une personne seule et 1 800 euros pour un couple ne seront pas assujettis à la hausse de 1,7 point, ainsi que les chômeurs. De l’autre main, il rend une part de cet argent en baisse de cotisations sociales aux salariés du privé (les fonctionnaires et retraités n’étant pas concernés par cette mesure) pour que le solde sur leur salaire net soit positif, c’est à dire que le montant de la baisse des cotisations dépasse légèrement celui de la hausse de la CSG. Cela afin de faire croire que la promesse annoncée n’est pas différée : « Dès le 1er janvier, un gain de pouvoir d’achat bénéficiera aux salariés et aux indépendants », assure Bercy.

depuis le début, la mesure sent l’arnaque

Mais ce transfert ne sera que partiel : pour le reste, les sommes récupérées serviront à boucher les trous des budgets d’austérité de l’équipe Macron-Philippe pour rentrer dans les clous de la prévision de déficit public ramené à 2,7 % du PIB l’an prochain. Et, grâce à ces recettes nouvelles, à financer indirectement les autres priorités du gouvernement, comme la suppression de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) sur les patrimoines en actions.

Dans son communiqué, le ministre des Comptes publics n’indique pas le montant de ce qui sera ponctionné ainsi dans le porte-monnaie des ménages. Les Échos parlaient hier de plusieurs « milliards d’euros par rapport à la facture totale de cette réforme si la baisse totale des cotisations avait été immédiate ». « C’est gravissime », s’insurge le président du groupe de la Gauche démocrate et républicaine (GDR) à l’Assemblée nationale, le député PCF André Chassaigne, pour qui ce choix met à nu « les vraies priorités » du gouvernement. « Une fois le voile déchiré de l’effet trompeur sur le pouvoir d’achat, reste un projet de liquidation du système de financement de notre protection sociale par la substitution de la CSG aux cotisations sociales. C’est la porte ouverte à une prise en main par l’État de la Sécurité sociale et à la baisse de ses recettes pour ouvrir petit à petit le secteur au privé », alerte l’élu du Puy-de-Dôme.

Tollé également à droite, sous la plume du président (LR) de la commission des Finances de l’Assemblée, Éric Woerth, sur Twitter : « L’augmentation des impôts c’est pour tout de suite, la baisse des cotisations c’est pour après, on dirait de la vieille politique. » Même le dernier carré des hollandistes a condamné la manœuvre, le député PS Stéphane Le Foll estimant que la hausse de la CSG va servir à faire « de la trésorerie. (…) Ce sont des choix politiques que je ne partage pas », a déclaré l’ex-ministre hier sur BFMTV.

De quoi alimenter l’opposition à une mesure qui, depuis le début, sent l’arnaque : faire supporter aux salariés du privé eux-mêmes une partie de la « hausse » de leur salaire net en piochant dans leurs cotisations, c’est-à-dire dans la partie brute de leur salaire. Les retraités et fonctionnaires étant mis à contribution pour financer l’autre partie. Une « opération blanche » pour le pouvoir d’achat total des Français, puisque les sommes distribuées d’un côté devaient être exactement compensées par la hausse de la CSG pour tous. Le capital n’étant que très peu mis à contribution grâce à la future taxe forfaitaire plafonnant l’imposition de leurs revenus à 30 % tout compris, inclus les prélèvements sociaux comme la CSG, ce qui les mettra à l’abri d’une mauvaise surprise fiscale. La répartition des richesses produites entre salaires et capital promet ainsi de ne pas être affectée par la mesure, à la différence de vraies augmentations de salaires.

Avec la publication du détail de sa mise en œuvre, le dispositif risque de tourner au jeu de massacre pour le pouvoir d’achat, car celui-ci va bel et bien être globalement amputé dans un premier temps. D’autant que Bercy n’évoque nullement un rattrapage du produit de la hausse de la CSG non reversé aux salariés du privé les trois premiers semestres de 2018 : le « gain (sic) sera amplifié par une seconde baisse des cotisations à l’automne », se contente de préciser le communiqué. Les Français « vont faussement gagner du pouvoir d’achat. On va leur donner ce qu’on leur prend dans leur poche. (…) Tout cela est une arnaque », a taclé hier le député de la France insoumise Éric Coquerel sur Europe 1.

Pour Macron, mieux vaut taxer les retraités que les riches

Les retraités et les fonctionnaires ont particulièrement du souci à se faire. Pour les premiers, aucune compensation ne viendra soulager la facture de l’alourdissement de la CSG. Sur ce point, Emmanuel Macron ne se renie pas : celui-ci estimait dès 2008, en tant qu’inspecteur des finances rapporteur au Conseil d’orientation des retraites (COR), que « la substitution progressive de la CSG aux cotisations sociales » contribue « à mieux répartir les prélèvements entre classes d’âge dans la mesure où la CSG est moins concentrée sur les classes d’âge d’actifs ». En clair : il vaut mieux taxer les retraités. Quant aux fonctionnaires, Bercy promet des « discussions » à l’automne pour « définir les modalités d’une compensation », sans que l’on en sache davantage aujourd’hui. Or, avec le gel du point d’indice décidé au début de l’été, leur pouvoir d’achat est déjà sévèrement entamé.

 

 

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