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11 novembre 2016 5 11 /11 /novembre /2016 07:17
La victoire de Donald Trump souligne les aveuglements européens (Hubert Huertas, Médiapart)

Excellent journaliste politique à France Culture, Hubert Huertas fait le rapprochement entre la situation américaine et la situation européenne: "Cela craque de toute part": entre "rage identitaire" et discrédit du politique au service du système capitaliste et néo-libéral, tout est réuni en France, en Europe, comme aux Etats-Unis, pour que notre société malade vomisse des monstres du type de Donald Trump. 

Le vote américain souligne les aveuglements européens
 PAR HUBERT HUERTAS

Euphorie à travers l’Europe, dans les partis d’extrême droite. Pendant que la gauche s’interroge sur elle-même, Donald Trump a été félicité par Marine et Jean-Marie Le Pen. Sa victoire fait écho aux aveuglements des responsables européens.

 

Il fallait bien que ça arrive… Que ça craque quelque part. À force de Front national en France depuis 35 ans, de Vlam Belang en Belgique, de « Parti pour la liberté » aux Pays-Bas, d’AfD (Alternative pour l’Allemagne), de « Ligue du Nord » puis de « Mouvement cinq étoiles » en Italie, de « Jobbik » en Hongrie, de « Parti de la Grande Roumanie », de « FPÖ » quasiment majoritaire en Autriche, de « Parti du progrès » en Norvège, de « Parti populaire » au Danemark, d’humiliation des Grecs, de Brexit, on s’était habitué…

Cette furieuse envie de se replier sur soi, de chasser les étrangers ou d’organiser, comme Beppe Grillo, des journées « Vaffanculo » en direction des politiques et des élites en général, cette perspective tranquille de second tour pour Marine Le Pen aussi, et cette impossibilité de choisir une autre voie, bref ces symptômes qui crevaient les yeux étaient si répétitifs, et si systématiques, qu’on s’était habitué.

L’Europe se désagrège depuis des années. Un à un les pays de l’Union sont gagnés par une rage identitaire, même dans cette Allemagne pourtant citée en modèle de sagesse, mais reconnaissons-le, nous partagions une certitude majoritaire. Il existait un paratonnerre. Un plafond de verre qui nous mettait à l’abri. La poussée générale de l’extrême droite était identifiée, mais contenue pour toujours. Ces gens-là ne seraient jamais majoritaires. Ils étaient trop effrayants. Leur présence dérangeante pouvait même, comme en France, être intégrée au maintien du système. Marine Le Pen au second tour, et alors ? C’est la primaire de la droite qui désignerait le président de la République et basta. Cet inconfort devenait même un élément de confort pour les candidats au trône !

Quant aux diktats des économistes officiels, ceux qui prennent leurs œillères pour des lunettes et leurs folies pour une science exacte, ils répétaient imperturbablement leurs évangiles. Déficit, austérité, réduction de l’État, concurrence obligatoire, et tant pis si un à un, presque partout, les gouvernements étaient renversés. Le premier ministre d’un paradis fiscal, le Luxembourg, devenait président de la Commission européenne, et son prédecesseur pouvait aller chez Goldman Sachs. Et alors ? Circulez, y a rien à voir.

Partout les mêmes situations, intenables, les mêmes conflits d’intérêts, les mêmes souffrances en bas, et le même sentiment d’abandon, mais ça pouvait durer mille ans puisque le monde allait comme il allait depuis Reagan et Thatcher et qu’il n’y avait « pas d’alternative ».

Et voilà que le plafond de verre vient de nous tomber sur la tête. Voilà que l’inimaginable est arrivé au cœur même du réacteur. On n’écartait pas l’idée qu’un pouvoir « populiste » puisse arriver aux manettes, on le redoutait, mais on l’imaginait dans un petit coin reculé. L’Autriche par exemple, ou la Hongrie, c’était certes un peu chagrin mais on ne meurt pas d’un bouton sur le nez.

Ça s’est passé en Amérique ! Dans le saint des saints. On se faisait peur avec Marine Le Pen en France, et son grand frère est devenu président des États-Unis. Hillary Clinton avait beau être impopulaire, disqualifiée, sans charisme, représentante d’un milieu politique rejeté, rien ne nous alertait vraiment, en dépit des avertissements (lire ici l’analyse prophétique de Michael Moore). L’élection de Donald Trump ne pouvait pas avoir lieu. Le plafond de verre nous mettait à l’abri.

Et nous voilà abasourdis, tandis que des milliers de manifestants défilent aux États-Unis. Cette élection n’est pas seulement américaine. Elle est la nôtre. C’est l’histoire intime de nos nations européennes depuis trente ans. Ce qui a porté Donald Trump, les mêmes ressentiments, le même sentiment de déclassement, les mêmes peurs d’être largué sur le bord du chemin, menacé par les étrangers, alimente clairement l’extrême droite et une partie de la droite française ; il fallait lire et entendre les commentaires de Marine Le Pen, de Nicolas Sarkozy, ou de Jean-François Copé (lire l'article d'Ellen Salvi, La victoire de Donald Trump donne des ailes à Nicolas Sarkozy). Et ce qui alimente l’extrême droite française nourrit les mouvements voisins à travers toute l’Europe. Si la qualité du « malade » nous interpelle à ce point, c’est que nous partageons son virus.

Nous pataugeons aussi dans les mêmes contradictions, et elles sont intenables. Que s’est-il passé aux États-Unis, et que se passe-t-il chez nous avec les forces censées incarner le peuple ? Que fait la gauche depuis trente ans, du rouge vif au rose pâle ? Elle perd ce peuple. Elle l’oublie. Elle se l’est fait voler, et cette coupure se voit parfois sur son visage, quand elle éprouve, face à lui, des dégoûts d’aristocrate. Cette « gauche » installée se contente de lancer des alertes pour contrer les « populistes », comme autrefois la droite agitait la menace des chars soviétiques sur la place de la Concorde en cas d’arrivée de Mitterrand au pouvoir.

Sous leur forme sociale-démocrate, ou sociale-libérale, ces courants en appellent à la patience, ils crient « sois sage ! » à des gens qui n’en peuvent plus. Ils n’en appellent pas aux grands changements, mais au respect des critères de Maastricht. Symbole de ce glissement gestionnaire : qui entendait-on pleurer en chœur, mercredi matin après le désastre de la nuit ? Les « démocrates » et les Bourses du monde entier. Dans la soirée, les Bourses reprenaient des couleurs, pas la démocratie…

Aux États-Unis, le peuple a donc reçu cinq sur cinq le discours d’un milliardaire trouble, lui-même fils de milliardaire. Donald Trump, parce qu’il parle comme une petite frappe, est devenu l’archétype du déclassé, la figure injustement persécutée par la pensée unique, comme Sarkozy aimerait bien le redevenir en France. Le déclassé numéro un, le héro antisystème dans le fauteuil du président, il fallait quand même le faire. Après avoir brassé des milliards dans l’immobilier, après avoir évité de payer ses impôts, ce prolo-là est à la tête de l’économie et de l’armée la plus puissante de la planète, mais c’est un banni parmi les bannis ! C’est un poor lonesome cow-boy. L’image serait loufoque si elle ne menaçait pas la France, dans les semaines qui viennent, et si, au-delà des échéances conjoncturelles, elle n’exprimait pas l’effondrement tragique de nos systèmes démocratiques.

Petit père de son peuple et petit père « démerdez-vous »

Mais puisque le mal est fait, ne tombons pas d’un extrême à l’autre. Ne passons pas du déni à la fascination. Le triomphe de Donald Trump, donc son accession au pouvoir, le menace autant qu’il le consacre. Il gérait la parole et il devra passer aux actes. Les malheurs le dopaient, il va devoir les soigner. S’il a été élu, c’est en galvanisant ses électeurs excédés, et ce n’est pas le tout d’avoir été messie au moment de la campagne, encore faut-il devenir sauveur. Ce n’est pas le tout d’avoir dénoncé le système, il va falloir l’incarner. Ce n’est pas le tout d’avoir promis des murs, il va falloir les construire et qu’ils soient infranchissables, ce qui sera impossible. Ce n’est pas le tout d’avoir électrisé les déclassés, il va falloir les reclasser. Ce n’est pas le tout d’avoir joué sur le clavier des passions, il va falloir dépassionner les foules, sous peine d’être emporté.

L’expérience américaine est une excellente nouvelle à court terme pour tous les démagogues européens, elle ravit Nicolas Sarkozy et pourra doper Marine Le Pen en mai prochain, mais elle est redoutable à moyen terme. La force de ces courants extrêmes, propulsés par la même colère, c’est, au moins pour la plupart, de n’avoir jamais gouverné. Aux innocents les mains pleines. L’accession de l’un des leurs au fauteuil de président des États-Unis est une immense victoire, mais un profond danger pour tous les populistes. Donald Trump se retrouve au pied de son mur, et c’est à lui de l’escalader, au nom de tous les autres.

La tâche sera d’autant plus difficile qu’elle ne dépendra pas de son savoir-faire technique ni de celui de son équipe. L’accession de Donald Trump à la présidence des États-Unis est fondée sur une histoire trop ancienne, et trop globale, pour être contournée par une habileté conjoncturelle. Désormais président, le magnat de l’immobilier incarne une contradiction fondamentale, et cette contradiction le piégera comme elle a piégé ses adversaires « du système ».  

Car de quoi souffrent les fameux déclassés américains, comme ceux d’Europe ? Ils sont épuisés par un mal dont les symptômes se traduisent par un repli nationaliste, parfois xénophobe ou raciste, et par un sentiment d’abandon. Ils souffrent d’insécurité. Non pas, ou pas seulement de cette insécurité physique martelée dans les discours, pas seulement de la menace des délinquants ou des étrangers, mais d’une insécurité sociale. La tragédie de dizaines de millions d’Européens et d’Américains, c’est de survivre au jour le jour. De ne ne pas savoir de quoi sera fait le lendemain, pour eux et, pire encore, pour leurs enfants. Ce que réclament les électeurs de Trump, c’est d’être protégés, et protégés par qui ? Par l’État, naturellement. La preuve, ils viennent de transformer leur héros en chef des États-Unis.

Or Trump est l’héritier de Ronald Reagan et de Margaret Thatcher pour qui l’État, par principe, n’est pas la solution mais le problème. Or Trump, non content d’hériter d’un État minimum, va encore lui couper les vivres en lançant un programme général de baisse d’impôts, y compris pour les plus riches. Le premier acte de ce président qui jure de reprendre les choses en main sera donc de se couper un bras, en vertu de ses intérêts, et des lois du libéralisme. Il compte sur la fameuse théorie du ruissellement pour financer ses promesses. Les riches étant plus riches, les pauvres seront moins pauvres car l’argent ruissellera. Or depuis Reagan, pas un dollar n’a ruisselé, les riches sont infiniment plus riches, et les pauvres se sont retrouvés à voter Trump dans l’espoir de s’en sortir. Les sociétés en crise qui sécrètent des mouvements extrémistes, partout en Occident, en appellent à la protection d’un État fort, mais elles sont les filles d’une théorie libérale qui met en pratique son affaiblissement. C’est cet État que Trump promet de renforcer avec des murs, tout en l’affaiblissant dans ses moyens et ses actions, notamment en détruisant l’amorce de système de santé mise en place par Obama. Difficile d’être à la fois un petit père de son peuple et un petit père qui dit « démerdez-vous ».  

La contradiction est si puissante, et si incontournable, que le nouveau président sera confronté à des choix dramatiques. Ou bien, même entouré de Sarah Palin en guise de Nadine Morano, il mettra du vin dans son eau et deviendra un politicien classique. Ou bien il persistera sans changer de système, parce qu’il est Trump et qu’un Trump ne transige pas, et on ne voit pas comment cohabitera sa promesse protectionniste, ses grands travaux et l’équilibre budgétaire du pays dans cette économie sans règle, vomie par ses électeurs.

C’est là que surgit la question la plus inquiétante de cette arrivée au pouvoir, dans l’une des nations les plus puissantes du monde. Quand les problèmes sont insolubles sur le plan intérieur, les « faucons » les transfèrent en général à l’extérieur, en désignant un ennemi, comme ils le font à l’intérieur en désignant les étrangers. Compte tenu de ce qu’on a vu de Donald Trump, et entendu dans sa bouche, cette hypothèse ne peut pas être écartée. Englué dans les réalités, ce descendant lointain de Reagan a toutes les chances de devenir le fils de Bush, de l’Irak, du 11-Septembre, et le créateur de nouvelles aventures.

Hubert Huertas

 

Hubert Huertas

Hubert Huertas

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10 novembre 2016 4 10 /11 /novembre /2016 09:55

Pour Israël, avec Trump pas d’Etat palestinien

Le Figaro avec AFP, mercredi 9 novembre 2016

Le ministre israélien de l’Education Naftali Bennett, chef de file du lobby colon, a déclaré aujourd’hui que l’idée de créer un Etat palestinien coexistant avec Israël était révolue avec l’élection de Donald Trump.

"La victoire de Trump offre à Israël la chance de renoncer immédiatement à l’idée de création d’un Etat palestinien", a dit dans un communiqué M. Bennett, connu pour son opposition à un tel Etat. "Telle est la position du président élu" Donald Trump et "telle devrait être notre politique, tout simplement (...) L’époque de l’Etat palestinien est révolue", a-t-il ajouté.

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9 novembre 2016 3 09 /11 /novembre /2016 08:13
Pourquoi les députés du HDP ne siègeront plus au parlement turc? (L'Humanité, 7 novembre 2016)
Car c’est bien, analyse le HDP, ce combat que mènent ses députés pour la démocratie que vise aujourd’hui Erdogan.
Le Parti démocratique des peuples rappelle que le plan poursuivi par le président turc pour s’attribuer les pleins pouvoirs, fait partie d’une stratégie d’ensemble qui a déjà comporté plusieurs étapes: levée de l’immunité parlementaires des députés du HDP, mise en place de l’état d’urgence et des décrets-lois suite à la tentative du coup d’état attribué à Gülen en juillet, et maintenant emprisonnement des députés, s’ajoutant à toutes les autres atteintes à l’état de droit : arrestation massive de juges, de fonctionnaires, de journalistes, d’universitaires, fermeture de médias, de maisons d’édition, et de tout ce qui d’une manière ou d’une autre pourrait contester le pouvoir absolu du maître d’Ankara.
Pourquoi les députés du HDP ne siègeront plus au parlement turc ?
JEAN-JACQUES RÉGIBIER
LUNDI, 7 NOVEMBRE, 2016
L'HUMANITE
En refusant que ses députés participent désormais aux débats de la Grande assemblée nationale de Turquie, le HDP entend protester contre l’emprisonnement de 9 d’entre eux, mais il veut  aussi mettre en place de nouvelles formes d’expression démocratique et lance une vaste consultation à travers tout le pays.
 
Puisque le parlement turc n’est plus qu’une caricature de représentation démocratique, quel intérêt pour les députés du HDP de continuer à y siéger, d’autant que même ceux qui ne sont pas encore en prison, sont empêchés d’agir ( leur siège à Ankara est interdit d’accès et personne ne peut plus entrer dans le bâtiment.)
C’est ce que fait valoir le HDP après l’emprisonnement de 9 de ses députés - dont ses deux leaders historiques, Selahattin Demirtaş et Figen Yüksekdağ - sur les 59 qui avaient été élus en juin 2015. En opérant cette rafle, ce ne sont pas simplement les 6 millions d’électeurs qui avaient voté pour le Parti démocratique des Peuples que le gouvernement d’Erdogan a décidé de rayer d’un trait de plume, ce sont aussi, explique le HDP, « les millions de citoyens qui poursuivent la lutte pour la démocratie, la liberté, l'égalité, les droits du travail, la libération et la justice des femmes. »
On a en effet un peu rapidement tendance à identifier le HDP à un parti « kurde », comme si sa seule revendication tournait autour de l’indépendance de ce peuple.
Or ce qu’il met en avant dans son programme politique est bien plus large, passant par un combat pour les droits démocratiques, pour l’écologie politique et pour l’égalité hommes-femmes. Une égalité que le HDP met déjà en œuvre sur le terrain puisque par exemple, toutes les communes qu’il dirige sont obligatoirement administrées par deux maires, une femme et un homme.
 
Un coup d’état peut en cacher un autre
 
Car c’est bien, analyse le HDP, ce combat que mènent ses députés pour la démocratie que vise aujourd’hui Erdogan.
Le Parti démocratique des peuples rappelle que le plan poursuivi par le président turc pour s’attribuer les pleins pouvoirs, fait partie d’une stratégie d’ensemble qui a déjà comporté plusieurs étapes: levée de l’immunité parlementaires des députés du HDP, mise en place de l’état d’urgence et des décrets-lois suite à la tentative du coup d’état  attribué à Gülen en juillet, et maintenant emprisonnement des députés, s’ajoutant à toutes les autres atteintes à l’état de droit : arrestation massive de juges, de fonctionnaires, de journalistes, d’universitaires, fermeture de médias, de maisons d’édition, et de tout ce qui d’une manière ou d’une autre pourrait contester le pouvoir absolu du maître d’Ankara.
Pour le Comité exécutif central du HDP, c’est bien à un autre « coup d’état » qu’on assiste aujourd’hui en Turquie, celui perpétré par Erdogan et son parti, l’AKP, et c’est contre ce coup d’état que toutes les forces démocratiques doivent se mobiliser. Le HDP se propose de prendre la tête de cette mobilisation.
 
Pour une « République démocratique »
 
Aux mesures dictatoriales prises par Erdogan, le HDP propose de répondre par une vaste consultation démocratique.
« Dans les prochains jours, expliquent les responsables du parti, nous visiterons les quartiers, les villages, les districts et les provinces et nous irons de porte en porte, écoutant les plaintes et les propositions de tout le monde. Nous discuterons avec les institutions constituantes de notre parti, mais aussi avec tous nos alliés, avec toutes les institutions, avec les forces de la démocratie, de la paix et du travail, avec les organisations de la société civile, les syndicats et les associations professionnelles, les groupes religieux, ceux qui s’occupent d’environnement et d’écologie, etc… »
Objectif : écouter d’abord, puis rassembler les propositions afin de définir un programme de mesures destinées à ramener la Turquie dans le giron des démocraties civilisées.
Puisque ce travail n’est plus possible à l’intérieur du parlement turc, le HDP a décidé de le faire en dehors.
 
« Au cours de la dernière année et demie, analyse le HDP, le gouvernement d’Erdoğan-AKP, a dévasté tout le pays avec l’objectif de réaliser ce qu’il appelle un « régime présidentiel à la turque ». Il a ainsi causé la mort, provoqué des blessures, ou le déplacement et la perte d'emploi de milliers de personnes, ce qui a mené à une augmentation de la tension et de la polarisation entre les gens dans le pays. » Ce qui est présenté comme un régime présidentiel  «  à la turque », n’est rien d’autre que la dictature d'un seul homme, « c'est le fascisme, et cela signifie la guerre, l'oppression, l'agitation et la tyrannie, » résume le parti qui  propose de lutter contre l'oppression et la tyrannie, « non seulement pour le peuple kurde, mais pour tous les peuples de la Turquie.»
 
C’est donc en rassembleur de toutes les forces qui souhaitent le retour de la démocratie que se pose aujourd’hui le HDP, qui appelle à la résistance contre le régime totalitaire d’Erdogan. « Le fait de ne pas élever la voix maintenant constituerait une grave menace pour tous les pays de la région et pour les peuples d'Europe, » ajoutent les responsables du HDP, qui en appellent « à tous ceux qui veulent agir pour la liberté, l'égalité, la laïcité démocratique et la justice. » Le HDP a par ailleurs fermement condamné l'attentat à la bombe qui a eu lieu à Diyarbakır le 4 novembre.
 
 
Pourquoi les députés du HDP ne siègeront plus au parlement turc? (L'Humanité, 7 novembre 2016)
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9 novembre 2016 3 09 /11 /novembre /2016 07:27

 

 
Mickaël More , essayiste , cinéaste , politiste progressiste américain l'avait annoncé dès juillet 2016.
 
Pourrions-nous nous inspirer de cette analyse pour conjurer les menaces qui se dressent devant nous !?
 
La victoire de Trump, c'est d'abord le retour de bâton pour des démocrates qui ont abandonné les classes populaires, qui ont sacrifié les industries et les emplois au big business et au libre-échange, qui, pour le cas d'Hillary Clinton en tout cas, vivent dans une bulle de privilèges si loin de la population laborieuse... Ce qui n'aurait pas été le cas de Bernie Sanders. 
 
 
La victoire de Trump est extrêmement dangereuse car ce type grossier est complètement déréglé moralement et intellectuellement. 
 
Elle nous place néanmoins face au défi de reconstruire l'ancrage populaire de la gauche par une perspective politique de transformation offerte à tous ceux qui souffrent actuellement des dégâts provoqués par le système capitaliste et libéral. 

 
 
 
Cinq raisons pour lesquelles Trump va gagner (Michael Moore, juillet 2016)
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6 novembre 2016 7 06 /11 /novembre /2016 09:08
les dirigeants du HDP, la coalition de gauche laïque partisane d'une Turquie démocratique offrant les conditions d'une véritable égalité des droits entre les citoyens

les dirigeants du HDP, la coalition de gauche laïque partisane d'une Turquie démocratique offrant les conditions d'une véritable égalité des droits entre les citoyens

Samedi 5 novembre seront organisées dans de nombreuses villes de France plusieurs initiatives de soutien au peuple kurde.

Les élu-e-s régionaux du groupe Front de Gauche s’associeront à cette mobilisation, et apportent tout leur soutien aux populations kurdes persécutées en Turquie par le gouvernement Erdogan.

Au Kurdistan de Turquie depuis la fin 2015, 21 villes ont été assiégées par les forces armées turques, bombardées et détruites, comme Cizre. Ces violences, faisant de très nombreuses victimes, ont entrainé l’exode de 500 000 personnes.

Depuis la tentative de coup d’état du 15 juillet 2016 dans toute la Turquie, et au Kurdistan en particulier, la répression s’est accrue contre toute l’opposition ; 60 000 à 70 000 personnes ont été arrêtées ou destituées, les assassinats et les attentats se multiplient.

Au Kurdistan de Syrie, les chars turcs ont traversé la frontière, les villes et villages kurdes ont été bombardés.

Il faut d’urgence un grand mouvement de solidarité internationale envers le peuple kurde, et envers tous les démocrates turcs. Il appartient au Gouvernement français, et à tous les élu-e-s de réagir avec vigueur.

Pour Céline Malaisé, présidente du groupe Front de Gauche, « cette solidarité est d’autant plus importante que dans les pays voisins de la Turquie, notamment en Syrie, les forces kurdes mobilisées contre l’État islamique sont porteuses d’une véritable alternative progressiste et démocratique pour cette région, en soutenant les droits des minorités et l’égalité des sexes, la laïcité et le respect de tous les cultes.

C’est en ce sens que nous avons proposé récemment à la Région Ile-de-France d’apporter un soutien concret au Rojava (Kurdistan syrien), et d’agir pour le droit à l’autodétermination des peuples. Notre proposition n’a malheureusement pas été retenue par Valérie Pécresse, mais nous entendons bien continuer à soutenir ce combat».

Le groupe Front de Gauche en Ille de France, le 4 novembre 2016

(PCF, Ensemble, Parti de Gauche, République et Socialisme)

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6 novembre 2016 7 06 /11 /novembre /2016 08:12
Infos Syrie Résistance: avec le peuple syrien, ni Bachar, ni Daech! : Quelques conséquences possibles de l’échec de l’accord russo-américain sur la Syrie, par Ziad Majed

Pour ses victimes, un crime de guerre ce n'est pas de la rhétorique !
 

- Depuis des années la population d'Alep-Est reçoit bombes et barils d'explosifs, qui ont ravagé la ville et fait des milliers de victimes.

- A présent, pour faire tomber Alep, l'offensive du régime et de ses alliés russe et iranien se concrétise par un saut qualitatif dans la sauvagerie : bombes incendiaires et au phosphore, usage massif de bombes antibunkers dont la puissance permet d'effondrer des immeubles entiers et de casser les abris souterrains. Sont systématiquement détruits les hôpitaux, les écoles, les boulangeries, les ressources d'eau, les convois humanitaires... Il s'agit de terroriser les habitants, de les priver de tous les moyens de survivre, d'empêcher que les blessés soient soignés... Les enfants sont les premières victimes de cette situation.

- En faisant d'Alep un enfer, Poutine réédite Grozny : une victoire militaire au prix d'une ville rasée, un peuple martyrisé en vue de contraindre les rebelles à reddition et la population à abdiquer.

- Poutine écarte d'un revers de main l'accusation d’être coupable de crimes de guerre :rhétorique !, dit-il.

- Poutine a été contraint de surseoir à sa visite en France initiatlement prévue le 19 octobre. Il la dit renvoyée « à une date qui conviendra ».

- Tant que durent ses bombardements et ses crimes de guerre, Poutine ne saurait être le bienvenu. Ni à Paris, ni ailleurs...


Souria Houria & Collectif « Avec la Révolution syrienne » (Alternative libertaire, CEDETIM, EELV, Émancipation, Ensemble !, NPA, Union Syndicale Solidaires, UJFP)
Les articles de la lettre traduisent la diversité des organisations parties prenantes

Quelques conséquences possibles de l’échec de l’accord russo-américain sur la Syrie

Ziad Majed

(Traduit de l’arabe par Marcel Charbonnier)

Le cessez-le-feu en Syrie s’est effondré. Il avait été imposé par un accord russo-américain le 11 septembre 2016 et avec lui s’est effondré provisoirement un ensemble d’ententes mutuelles qui auraient pu déboucher sur une période de coopération militaire directe entre Moscou et Washington.

Lavrov est à la manœuvre, Kerry se contente de réagir

La diplomatie russe, appuyée depuis le 30 septembre 2015 par des milliers de raids aériens contre l’opposition syrienne armée et les civils dans les zones qu’elle contrôle, a mené une offensive sur deux niveaux. Le premier cherche à imposer une « solution politique » maintenant au pouvoir Assad et son régime tout en introduisant des personnalités « indépendantes » et « oppositionnelles » dans un gouvernement d’« union nationale », faisant ainsi voler en éclats le principe d’un pouvoir de transition stipulé par la Déclaration de Genève. Le deuxième consiste à pousser vers une solution militaire fondée sur l’avancée lente mais constante des forces du régime et de ses alliés libanais et irakiens soutenus par l’Iran, rognant progressivement les régions situées sur la ligne Deraa-Damas-Homs-Hama-Alep et fortifiant les « frontières » des deux départements de Lattaquié et de Tartous.

Autrement dit, les Russes se sont employés à gagner du temps sur le plan diplomatique en s’efforçant d’empêcher toute discussion sur le devenir d’Assad, et parallèlement ils ont procédé à des opérations militaires qui ne laissent aucune continuité territoriale entre les régions où se trouvent des forces de l’opposition. Ceci permettrait à Moscou d’affirmer ultérieurement que la Syrie serait «divisée entre des régions sous le contrôle du régime où se trouveraient les grandes villes, des régions contrôlées par Daesh et des régions où les Kurdes s’imposent». Quant au reste de la Syrie, il serait constitué de poches isolées contrôlées par l’opposition et d’une unique région étendue (Idlib) contrôlée par l’organisation Fath al-Shâm [Conquête du Levant], nouvelle dénomination du Front al-Nusra, que Moscou et Washington considèrent être un mouvement terroriste. Tout cela rendrait sans objet et sans justification la demande du départ d’Assad, et offrirait aux Russes la possibilité d’intensifier leurs bombardements sur la région d’Idlib, enfin de laisser aux officiers iraniens la gestion des opérations militaires contre les poches assiégées [encore] tenues par l’opposition.

De son côté, Washington n’a déployé aucune stratégie pour faire face à cette double offensive russe. Ainsi, politiquement, les déclarations américaines ont été pleines de contradictions – entre des propos sur la conditionnalité du départ d’Assad, ou sur le fait qu’il s’agirait d’un couronnement d’une période de transition dans laquelle celui-ci serait partie prenante, ou le soin à éviter d’aborder carrément cette question, ce qui suggère qu’elle n’est plus à l’ordre du jour.

Sur le plan militaire, après avoir insisté sur l’interdiction de fournir aux opposants syriens armés des missiles air-sol (qui auraient pu modifier radicalement l’équilibre des forces dès 2012) et après avoir refusé toute mise à l’étude de l’imposition de zones d’exclusion aérienne en Syrie, Washington a traité la question militaire [en Syrie] de manière expérimentale et dépourvue de toute détermination. Entre le fait de fournir à quelques formations résistantes dans le nord et le sud de la Syrie des armes légères et de moyen calibre susceptibles de les aider à poursuivre le combat, mais sans leur donner la puissance de feu minimale qui leur permettrait d’emporter une victoire décisive, et celui de laisser la principale tâche de soutien militaire à des alliés régionaux (la Turquie, l’Arabie saoudite et le Qatar), la politique américaine sur le terrain n’a eu aucune cohérence. Sa seule constante a consisté à bombarder depuis 2014 l’organisation Daesh et à assurer une couverture aérienne, dans le nord-est de la Syrie, aux forces kurdes combattant contre celle-ci.

Ces derniers mois, il est apparu que l’Administration de Barack Obama et son Secrétaire d’État John Kerry s’efforcent de conclure avec les Russes un accord permettant de geler la situation militaire en Syrie, d’alléger la gêne que ressent Washington du fait de critiques [internationales] croissantes à son égard et à l’encontre de sa « politique » en Syrie, et de redonner vie au processus de négociations de Genève, même si celui-ci piétinait. En effet, la négociation, ne serait-ce qu’à la seule fin de négocier, reste un élément important dans la balance américaine, un peu à la manière de ce qui prévaut entre les Palestiniens et les Israéliens : c’est une garantie contre toute escalade militaire sur le terrain et cela permet de dire que des efforts diplomatiques sont déployés, sans lesquels « la seule alternative serait la guerre et davantage de destructions ».

Les développements du mois d’août, qui a vu s’engager la bataille d’Alep, la déportation par le régime de la population de Dârayâ, et l’intervention militaire turque dans le nord de la Syrie pour y combattre Daesh et les forces kurdes, ont sans doute été ce qui a accéléré le rythme des pourparlers entre les deux ministres des Affaires étrangères Lavrov et Kerry. Ces pourparlers ont abouti à un accord comportant nombre d’ambiguïtés et de lacunes, qui reflète une précipitation « diplomatique ». Laquelle fait que tant la mise en application de cet accord qu'au contraire tout retard dans sa mise en application apportent de l’eau au moulin de la stratégie de Moscou en Syrie.

Cet accord est fondé sur des principes d’imposition d’une trêve militaire dans toutes les régions de la Syrie, à l’exception de celles où se déroulent des combats contre Daesh, et l’arrêt de tous les raids aériens qui ne viseraient pas cette organisation, ainsi que la fourniture d'aide humanitaire dans les régions assiégées, et à Alep le retrait des combattants des alentours de la route du Castello, afin de pouvoir acheminer des aides humanitaires vers les quartiers est de la ville sous garantie de l’armée de terre russe.

L’accord comportait également l’affirmation de l’institution d’une « coopération » ou d’une coordination russo-américaine dans le cas où la trêve tiendrait et où des aides humanitaires auraient pu être acheminées, une coopération visant à ce que soit ajoutée dorénavant à Daesh et à l’Armée de Khalid Ibn al-Walîd qui en dépend (dans certaines poches des départements de Deraa et de d’Al-Quneïtra) l’organisation Fath al-Shâm [Conquête du Levant] et les groupes « Jund al-Aqsâ » [Les Soldats de la mosquée Al-Aqsâ] et le Parti Islamiste du Turkestan dans les régions rurales autour d’Alep, d’Idlib et de Hama.

L’accord imposait que Washington veillerait à éloigner ceux qu’elle considère formations armées « modérées » des groupes susmentionnés, et à remettre à Moscou des informations à leur sujet afin de leur éviter de se faire bombarder. En échange, Moscou garantirait que l’aviation de guerre du régime Assad ne survolerait plus aucune région faisant l’objet d’une coopération militaire russo-américaine.

Le Secrétariat d’État américain [Affaires étrangères] et la Maison Blanche ayant accepté ces conditions, après avoir rejeté l’exigence russe d’ajouter les mouvements « Ahrâr al-Shâm » [les Libres de Syrie] et Jaysh al-Islâm [Armée de l’Islam] à la liste des mouvements « extrémistes » qui doivent être visés, se sont heurtés aux objections du Ministère américain de la défense [le Pentagone]. Ce dernier a émis des réserves sur l’accord dans lequel il voit un chèque en blanc donné à la Russie en Syrie et une aide apportée à Moscou, sans aucune contrepartie, pour mener à bien ses plans.

L’accord russo-américain, conclu malgré ces réserves, n’avait pas abordé la question des conditions du processus politique, à l’exception d’une invitation à reprendre celui-ci. En conséquence, le régime ne fait pas partie de son ordre du jour et il apparaît comme innocent de tout crime méritant le qualificatif de terroriste ou devant logiquement impliquer qu’il soit pris pour cible (et de même, en ce qui concerne ses alliés régionaux), en dépit du fait qu’une résolution internationale adoptée quelques jours auparavant [la signature de l’accord russo-américain] accusait le régime d’avoir utilisé du chlore dans un bombardement visant des civils. En dépit aussi des rapports d’Amnesty International et de Human Rights Watch qui évoquent les crimes commis dans les prisons du régime, où plus de 300 détenus succombent chaque mois à la torture, la sous-nutrition et les maladies.

Photo Ziad Majed (Souria Houria)

Photo Ziad Majed (Souria Houria)

Ces derniers mois, il est apparu que l’Administration de Barack Obama et son Secrétaire d’État John Kerry s’efforcent de conclure avec les Russes un accord permettant de geler la situation militaire en Syrie, d’alléger la gêne que ressent Washington du fait de critiques [internationales] croissantes à son égard et à l’encontre de sa « politique » en Syrie, et de redonner vie au processus de négociations de Genève, même si celui-ci piétinait. En effet, la négociation, ne serait-ce qu’à la seule fin de négocier, reste un élément important dans la balance américaine, un peu à la manière de ce qui prévaut entre les Palestiniens et les Israéliens : c’est une garantie contre toute escalade militaire sur le terrain et cela permet de dire que des efforts diplomatiques sont déployés, sans lesquels « la seule alternative serait la guerre et davantage de destructions ».

Les développements du mois d’août, qui a vu s’engager la bataille d’Alep, la déportation par le régime de la population de Dârayâ, et l’intervention militaire turque dans le nord de la Syrie pour y combattre Daesh et les forces kurdes, ont sans doute été ce qui a accéléré le rythme des pourparlers entre les deux ministres des Affaires étrangères Lavrov et Kerry. Ces pourparlers ont abouti à un accord comportant nombre d’ambiguïtés et de lacunes, qui reflète une précipitation « diplomatique ». Laquelle fait que tant la mise en application de cet accord qu'au contraire tout retard dans sa mise en application apportent de l’eau au moulin de la stratégie de Moscou en Syrie.

Cet accord est fondé sur des principes d’imposition d’une trêve militaire dans toutes les régions de la Syrie, à l’exception de celles où se déroulent des combats contre Daesh, et l’arrêt de tous les raids aériens qui ne viseraient pas cette organisation, ainsi que la fourniture d'aide humanitaire dans les régions assiégées, et à Alep le retrait des combattants des alentours de la route du Castello, afin de pouvoir acheminer des aides humanitaires vers les quartiers est de la ville sous garantie de l’armée de terre russe.

L’accord comportait également l’affirmation de l’institution d’une « coopération » ou d’une coordination russo-américaine dans le cas où la trêve tiendrait et où des aides humanitaires auraient pu être acheminées, une coopération visant à ce que soit ajoutée dorénavant à Daesh et à l’Armée de Khalid Ibn al-Walîd qui en dépend (dans certaines poches des départements de Deraa et de d’Al-Quneïtra) l’organisation Fath al-Shâm [Conquête du Levant] et les groupes « Jund al-Aqsâ » [Les Soldats de la mosquée Al-Aqsâ] et le Parti Islamiste du Turkestan dans les régions rurales autour d’Alep, d’Idlib et de Hama.

L’accord imposait que Washington veillerait à éloigner ceux qu’elle considère formations armées « modérées » des groupes susmentionnés, et à remettre à Moscou des informations à leur sujet afin de leur éviter de se faire bombarder. En échange, Moscou garantirait que l’aviation de guerre du régime Assad ne survolerait plus aucune région faisant l’objet d’une coopération militaire russo-américaine.

Le Secrétariat d’État américain [Affaires étrangères] et la Maison Blanche ayant accepté ces conditions, après avoir rejeté l’exigence russe d’ajouter les mouvements « Ahrâr al-Shâm » [les Libres de Syrie] et Jaysh al-Islâm [Armée de l’Islam] à la liste des mouvements « extrémistes » qui doivent être visés, se sont heurtés aux objections du Ministère américain de la défense [le Pentagone]. Ce dernier a émis des réserves sur l’accord dans lequel il voit un chèque en blanc donné à la Russie en Syrie et une aide apportée à Moscou, sans aucune contrepartie, pour mener à bien ses plans.

L’accord russo-américain, conclu malgré ces réserves, n’avait pas abordé la question des conditions du processus politique, à l’exception d’une invitation à reprendre celui-ci. En conséquence, le régime ne fait pas partie de son ordre du jour et il apparaît comme innocent de tout crime méritant le qualificatif de terroriste ou devant logiquement impliquer qu’il soit pris pour cible (et de même, en ce qui concerne ses alliés régionaux), en dépit du fait qu’une résolution internationale adoptée quelques jours auparavant [la signature de l’accord russo-américain] accusait le régime d’avoir utilisé du chlore dans un bombardement visant des civils. En dépit aussi des rapports d’Amnesty International et de Human Rights Watch qui évoquent les crimes commis dans les prisons du régime, où plus de 300 détenus succombent chaque mois à la torture, la sous-nutrition et les maladies.

L’accord a donc éliminé toute allusion à la question des emprisonnés, des personnes disparues et des civils assiégés, et du danger de déportation pesant sur eux. Par conséquent, en plus de son caractèretop-down, de son parti pris pour le régime et d’une classification en «organisations terroristes» ne satisfaisant exclusivement que la Russie et les États-Unis sans prise en compte aucune des réalités sur le terrain en Syrie, l’accord a ignoré tous les droits des Syriens.

Les conséquences de cet accord russo-américain et les conséquences de son effondrement

Durant sa première semaine d’application, l’accord russo-américain a entraîné une diminution des opérations militaires dans la plupart des régions syriennes et une diminution des bombardements aériens, même si ces derniers n’ont jamais tout à fait cessé. Cela a eu pour effet une diminution du nombre des victimes civiles : c’est là son principal et unique acquis.

En revanche, aucune aide humanitaire n’a pu pénétrer dans les régions assiégées, les checkpoints tenus par le régime et ses alliés n’ayant pas permis aux convois humanitaires de passer.

L’accord a donné au régime syrien, à ses alliés et à certaines formations de l’opposition armée l’occasion de réorganiser leurs troupes et de se redéployer sur le terrain autour d’Alep et aux entrées de cette ville. Il a permis à la Russie d’afficher un rôle dirigeant sur le plan mondial en matière de processus politique syrien et de possibilité de transformer celui-ci en un processus militaire russo-américain.

Plus important – pour Moscou –, l’accord a généré un état d’intense trouble politique chez les formations et les brigades de l’opposition syrienne en raison de la difficulté, sur le terrain, de se séparer de l’organisation Fath al-Shâm, avec tout ce que cela signifie en termes de tensions dans des régions où non seulement les positions militaires des uns et des autres sont imbriquées, mais où il existe même des liens de parenté entre combattants des deux bords et des liens de voisinage et d’amitié renforcés par un sentiment commun d’être les victimes de la même oppression. Ainsi, toute séparation est susceptible de générer des affrontements et un grave éclatement. Par contre, tout maintien de l’alliance entre ces mouvements expose ceux-ci à une forte probabilité d’être les victimes de bombardements russo-américains.

De la même manière, les dissensions entre le Secrétariat d’État américain et le Pentagone, et le fait que Washington ait refusé de divulguerin extenso le contenu de l’accord et de se concerter à son sujet avec ses alliés tant européens que locaux ont révélé le trouble suscité chez les Américains par les initiatives unilatérales prises par les Russes, ainsi que l’absence de tout leadership américain.

Mais étant donné que la semaine de trêve n’ait pas permis de satisfaire les mesures d’acheminement d’aide humanitaire aux régions assiégées prévues par l’accord, et le fait que l’ONU en ait attribué la responsabilité au régime syrien, puis le raid aérien américain, à Deir ez-Zor, dans lequel plusieurs dizaines de soldats du régime ont été tués ou blessés, ce à quoi s’ajoutent les deux raids russes et assadiens contre un convoi d’aides humanitaires international mis au point par le Croissant Rouge syrien, ainsi que sur l’unité médicale (raids dans lesquels ont été tués plus de vingt employés, sauveteurs et infirmiers), tout cela a entraîné la cessation de la mise en application de l’accord russo-américain.

Le 19 septembre, le régime Assad a déclaré que la trêve avait pris fin et ses forces ont immédiatement entrepris de bombarder les quartiers est d’Alep et à mener des raids aériens contre de nombreuses localités dans les régions d’Alep et d’Idlib. A la suite, s’est enclenché une vaste escalade militaire, à compter du 22 septembre, avec une intensité inouïe des bombardements effectués par l’aviation russe sous la couverture de laquelle les forces du régime et de ses alliés ont progressé notamment dans la région du camp [de réfugiés palestiniens] de Handarât (au nord-est d’Alep). Au cours du bombardement, plus de cent cinquante civils ont été tués (en 72 heures), de nouveaux crimes de guerre ont été commis, surtout contre les hôpitaux et les centre médicaux, s’ajoutant à d’innombrables violations gravissimes du droit humanitaire international.

Politiquement, les forces de l’opposition syrienne ont répliqué en disant qu’elles n’étaient « plus concernées par le processus politique » dans le contexte de la guerre d’extermination à laquelle était exposée la population d’Alep. Sur le terrain, dans le département d’Idlib, trois formations militaires [Suqûr al-Jabal – les Faucons de la Montagne, Al-Firqa 13 et Al-Firqa al-Shimâliyya – Brigade du Nord] ont fusionné, formant l’ « Armée Libre d’Idlib » [Jaysh ’Idliba-l-Hurr] – que l’aviation russe s’est empressée de viser directement. Il est clair que Moscou veut modifier l’équilibre militaire dans la ville d’Alep et reprendre ses raids aériens dans les autres régions, ce qui revient pour la Russie à reprendre l’initiative militaire pour imposer sa volonté politique.

Mis à part des protestations verbales, Washington n’a pas réagi, se contentant d’appeler, avec Paris et Londres, à une réunion du Conseil de sécurité (le 25 septembre). De cette réunion a résulté une condamnation américaine, française et britannique des crimes de guerre perpétrés à Alep par la Russie et par le régime Assad, à laquelle ont répondu une défense de sa politique par le régime, et de ses positions par la Russie, et une confusion du Secrétaire général Ban Ki-moon et de l’envoyé spécial en Syrie Stefan de Mistura, qui se sont abstenus de pointer un index accusateur sur ceux qui perpètrent lesdits crimes de guerre.

Une deuxième réunion du conseil de sécurité s’est tenue le 8 octobre dans un contexte de haute tension entre Occidentaux et Russes s’est soldée par unveto russe contre un projet de résolution français, exigeant le cessez le feu, la fin des raids et l’acheminement d’aide humanitaire.

Entre temps, les forces de l’opposition syrienne soutenues par l’armée turque continuent à progresser contre Daech. Leur progrès met fin à l’expansion territoriale des forces kurdes soutenues par Washington non loin de la frontière avec la Turquie. Il est donc fort probable que cette opposition lance prochainement une grande offensive vers la ville de Raqqa et élargisse ainsi la zone qu’elle contrôle autour de l’Euphrate dans le nord de la Syrie.

Des scénarios pour les semaines à venir

De ce qui précède, ainsi que de certaines expériences passées, on peut dire que les probabilités d’un changement dans les approches internationales du conflit syrien au cours des prochaines semaines sont extrêmement faibles.

Cela signifie que nous allons être confrontés principalement à deux possibilités.

La première possibilité, c’est la poursuite de l’escalade militaire russe, Moscou cherchant à donner au régime, aux combattants du Hezbollah et des milices chiites irakiennes et afghanes, ainsi qu’aux officiers iraniens, la possibilité de réaliser une « avancée militaire » dans l’est d’Alep s’accompagnant de la poursuite de la mise à exécution du plan de grignotage du terrain et d’exil forcé pour ses habitants (dans le quartier d’Al-Waer, à Homs, à Ma’dhamiyyet-al-Shâm et dans nombre de localités au sud de Damas).

Cette tentative sera confrontée aux mêmes positions indécises des Américains, qui autoriseront peut-être à leurs alliés dans la région de fournir à certaines formations armées de l’opposition des armes pour se défendre et d’entraver l’«acquis » russo-assadien, mais sans se « compromettre directement » et sans prendre d’engagements clairs avant la fin programmée du mandat du président Obama (le 20 janvier 2017).

La deuxième possibilité est celle d’une recherche d’une nouvelle trêve et d’un cessez-le-feu à Alep, suivis par des pourparlers entre Washington et Moscou sur leur possible coopération et les moyens de relancer le processus politique.

Les deux alternatives, pour les mois à venir, penchent donc en faveur de la politique suivie par la Russie tant « diplomatiquement » que militairement.

Cela impose par conséquent que l’opposition syrienne (ainsi que certains de ses alliés arabes) recherche des formes de renforcement de sa résistance militaire jusqu’à la fin de cette année, ainsi que des moyens lui permettant de lancer des initiatives politiques et juridiques au sein des instances internationales. Autrement dit, davantage de coordination militaire sur le plan national syrien, et ce pas seulement selon la logique régionale aujourd’hui dominante. Cela exige également une répartition des rôles et des ententes sur le terrain entre les formations combattantes afin d’éviter les tensions et les rivalités. Parallèlement à cela, il est indispensable d’insister sur les dossiers concernant les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité que perpètre le régime Assad afin de maintenir la possibilité que celui-ci soit jugé et de rendre pratiquement impossible toute normalisation internationale directe avec lui.

Quant aux amis des Syriens, leurs voix sont plus que jamais importantes aujourd’hui, surtout dans les pays occidentaux. Réclamer l’arrêt des bombardements et l’envoi aux zones assiégées de convois humanitaires protégés, réclamer plus de sanctions contre la Russie, demander des enquêtes sur les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité commis en Syrie, et réclamer enfin l’armement de l’opposition syrienne par des armes sol-air afin de protéger les civils des bombardements aériens sont aujourd’hui des priorités.

Ziad Majed (Souria Houria)

Un bombardement saoudien contre des funérailles a fait 140 morts à Sanaa le 8 octobre

Un crime précédé de beaucoup d’autres, notamment depuis l’intervention militaire d’une coalition, sous l’égide de l’Arabie saoudite, contre les Houthistes, soutenus par l’Iran et responsables à leur tour de multiples exactions . Nous dénonçons avec la même vigueur les bombardements russes contre Alep et ceux des Saoudiens qui détruisent le patrimoine historique yéménite et font des centaines de victimes civiles. Comme en Syrie, les revendications de liberté et de dignité, créées en 2011 au Yémen par des centaines de milliers de manifestants, continuent à être noyées dans le sang.

F. M.-B.

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6 novembre 2016 7 06 /11 /novembre /2016 08:03
Porte de Damas, entrée du quartier arabe (chrétien et musulman) - vieille ville de Jérusalem

Porte de Damas, entrée du quartier arabe (chrétien et musulman) - vieille ville de Jérusalem

Déclaration de l'organisation israélienne B'Tselem au Conseil de Sécurité de l'ONU:

 

Je me suis exprimé aux Nations Unies contre l’occupation parce que j’aspire à la qualité d’être humain. Et les êtres humains, lorsqu’ils sont responsables d’une injustice envers d’autres êtres humains, ont l’obligation morale de réagir.

Je me suis exprimé aux Nations Unies contre l’occupation parce que je suis israélien. Je n’ai pas d’autre pays. Je n’ai pas d’autre citoyenneté ni d’autre avenir. J’ai grandi ici et y serai enterré. Je me soucie du destin de cet endroit, du destin de ses habitants et de son destin politique, qui est aussi le mien. Et, au vu de tous ces liens, l’occupation est un désastre.

Je me suis exprimé aux Nations Unies contre l’occupation parce que les collègues de B’Tselem et moi-même, après tant d’années de travail, sommes arrivés à plusieurs conclusion. En voici une : la réalité ne changera pas si le monde n’intervient pas. Je soupçonne notre gouvernement, dans son arrogance, de savoir cela et, de ce fait, de s’occuper à répandre la peur d’une telle intervention.

Une intervention du monde contre l’occupation est tout aussi légitime que n’importe quelle question de droits humains. Et ce d’autant plus qu’il s’agit d’un thème tel que notre pouvoir sur un autre peuple. Ce n’est pas un problème israélien interne, mais une question internationale, c’est flagrant. Voici une autre conclusion : il n’y a aucune chance que la société israélienne de son bon vouloir et sans aucune aide, mette fin au cauchemar. De trop nombreux mécanismes font un cas à part de la violence que nous mettons en œuvre pour contrôler les Palestiniens. Trop d’excuses se sont accumulées. Il y a eu trop de peurs et d’angoisse – des deux côtés – au cours des 50 dernières années. Au bout du compte, j’en suis sûr, Israéliens et Palestiniens mettront fin à l’occupation, mais pas sans l’aide du monde.

Les Nations Unies, c’est beaucoup de choses. Beaucoup sont problématiques, certaines complètement insensées. Je ne les approuve pas. Mais les Nations Unies c’est aussi l’organisation qui nous a donné un État en 1947 et cette décision est la base de la légitimité internationale de notre pays, celui dont je suis citoyen. Et chaque jour de l’occupation nous fait non seulement croquer avec délice la Palestine, mais aussi détruire la légitimité de notre pays.

Je ne comprends pas ce que le gouvernement veut que les Palestiniens fassent. Nous avons régi leurs vies depuis près de 50 ans, nous avons déchiqueté leur terre en petits morceaux. Nous exerçons un pouvoir militaire et bureaucratique avec grand succès et nous nous arrangeons parfaitement avec nous mêmes et avec le reste du monde.

Qu’est ce que les Palestiniens sont supposés faire ? S’ils osent manifester, c’est du terrorisme populaire. S’ils appellent à des sanctions, c’est du terrorisme économique. S’ils utilisent des moyens légaux, c’est du terrorisme judiciaire. S’ils se tournent vers les Nations Unies, c’est du terrorisme diplomatique.

Il s’avère que quoi que fasse un Palestinien à part se lever le matin et dire « merci patron, merci maître, c’est du terrorisme. Qu’attend le gouvernement, une lettre de reddition ou la disparition des Palestiniens ? Ils ne disparaîtront pas.

Nous ne disparaîtrons pas non plus, ni ne nous tairons. Nous devons le répéter partout : l’occupation ne résulte pas d’un vote démocratique. Notre décision de contrôler leurs vies, pour autant que cela nous convienne, est une expression de violence et non de démocratie. Israël n’a pas de raison valable de continuer ainsi. Et le monde n’a pas de raison valable de continuer à nous traiter comme il l’a fait jusqu’à présent – que des mots et pas d’action.

Je me suis exprimé au Conseil de Sécurité de l’ONU contre l’occupation parce que je suis optimiste, parce que je suis Israélien, parce que je suis né à Haïfa et que je vis à Jérusalem, et parce que je ne suis plus un jeune homme et que chaque jour de ma vie a été marqué par le contrôle que nous exerçons sur eux. Et parce qu’il est impossible de continuer ainsi.

Nous ne devons pas continuer ainsi. Je me suis exprimé au Conseil de Sécurité de l’ONU contre l’occupation parce que j’aspire à la qualité d’être humain.

 

Hagai El-Ad est le directeur exécutif du groupe de défense des droits humains B’Tselem.

Hagai El-Ad - directeur exécutif du groupe de défense des droits humains israélien B'Tselem

Hagai El-Ad - directeur exécutif du groupe de défense des droits humains israélien B'Tselem

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4 novembre 2016 5 04 /11 /novembre /2016 06:29
Syrie: la droite française prône un rapprochement avec la Syrie de Poutine, alliée du régime criminel et illégitime de Bachar al-Assad (Médiapart, 2 novembre)
Syrie: la droite française prône un rapprochement avec la Russie
2 NOVEMBRE 2016 | PAR PIERRE PUCHOT ET ELLEN SALVI

Pour leur deuxième débat, jeudi, les candidats à la primaire de droite et du centre s’exprimeront sur la lutte contre le terrorisme et ses implications internationales. À l’opposé de la diplomatie française, la plupart prônent un rapprochement avec la Russie, alliée du régime de Bachar al-Assad.

 

Ce sera l’un des sujets majeurs du deuxième débat de la primaire de la droite et du centre. Jeudi 3 novembre au soir, les sept candidats au scrutin de novembre retrouveront leur pupitre et leur temps de parole limité pour aborder plusieurs sujets d’ampleur, comme l’avenir de l’Europe, la lutte contre la délinquance ou encore l’éducation. Lors de cette nouvelle émission, diffusée cette fois-ci sur iTélé, BFM-TV et RMC, il sera également question de la lutte contre le terrorisme et de ses implications internationales.

Une question épineuse, sur laquelle les ambitieux de 2017 ont des idées bien arrêtées. Parmi eux, Nicolas Sarkozy, François Fillon et Alain Juppé qui, lorsqu’ils étaient encore au pouvoir, ont tous trois défendu, en 2011, la campagne de bombardements aériens en Libye, laquelle a favorisé le renversement de Mouammar Kadhafi. Respectivement président de la République, premier ministre et ministre des affaires étrangères, ce sont les mêmes qui avaient décidé, en mars 2012, de fermer l’ambassade française à Damas (Syrie), plongeant dans le désarroi l’opposition démocratique au régime de Bachar al-Assad.

 

À l’époque, les trois concurrents au scrutin de novembre étaient d’accord pour refuser toute forme de discussion avec le président syrien. « On a fait une erreur, s’est justifié Fillon, le 27 octobre. Tout le monde disait : “Bachar al-Assad va sauter dans les quinze jours”, parce que tout le monde pensait qu’on était en face d’une révolution populaire, comme en Égypte ou comme en Tunisie. » Quatre ans plus tard, l’ex-chef du gouvernement a changé d’avis. Prônant un rapprochement avec la Russie, il va jusqu’àaffirmer qu’il « faut aider le régime de Bachar al-Assad qui, avec tous les défauts qui sont les siens, est sur le point de tomber ».

Comme lui, nombreux sont ceux, au sein de LR (ex-UMP), à estimer que Poutine détient la clef du dénouement syrien et de l’anéantissement de l’État islamique (EI) ; d’aucuns, comme Alain Juppé et Nathalie Kosciusko-Morizet, restant toutefois très critiques vis-à-vis du président russe. Bruno Le Maire quant à lui va même jusqu’à réclamer une opération terrestre en Syrie, se démarquant non seulement de ses adversaires, mais aussi de son ancien mentor, Dominique de Villepin. Passage en revue de ce que prépare la droite en cas d’alternance en 2017.

  • Nicolas Sarkozy

« Nous avons besoin des Russes… » Nicolas Sarkozy est l’homme de tous les revirements. Président, il ouvrit grand les portes de l’Élysée au président libyen Mouammar Khadafi, avant de lui déclarer la guerre. Le président russe a, lui, fait le chemin inverse dans l’esprit de l’ex-chef de l’État. De paria – dans un entretien accordé au magazine Le Meilleur des mondes, en novembre 2006, il annonçait même qu’il ne serrerait pas les mains « tachées du sang des Tchétchènes » –, Vladimir Poutine est aujourd’hui devenu un interlocuteur incontournable pour dénouer le conflit syrien.

« On ne réglera pas le bourbier, le drame syrien sans la Russie, plus nous avons des désaccords avec monsieur Poutine, plus il faut discuter avec lui », a déclaré Sarkozy à Europe 1, le 20 octobre. À tel point que la Russie est devenue le principal angle d’attaque contre Hollande en matière de politique étrangère. « Je n'ai toujours pas compris pourquoi on avait annulé la visite de monsieur Poutine, je n'ai toujours pas compris pourquoi, la semaine dernière, monsieur Hollande ne voulait pas parler à monsieur Poutine et pourquoi il se précipite à Berlin pour parler avec lui. »

Durant son quinquennat, la relation de l’ex-chef de l’État à son homologue russe fut pourtant erratique : en octobre 2007, quelques jours avant sa première visite officielle à Moscou, Nicolas Sarkozy décrivait notamment la Russie comme « un pays qui complique la résolution des grands problèmes du monde », plutôt qu'un « facilitateur ». Mais depuis la fin de son mandat, l’ancien président a rencontré deux fois Vladimir Poutine. Et a visiblement recollé les morceaux.

Face à un conflit dont le développement dessine une partie de l’avenir du monde, Sarkozy tient à faire valoir son point de vue sur la question syrienne : le 20 octobre, toujours sur Europe 1, il estimait qu’« à l'évidence, il faut prolonger la trêve humanitaire à Alep », même si « tout le monde sait bien qu'elle ne réglera pas le problème de la Syrie ».

À part ça ? Comme il l’a annoncé, en juin dernier, dans un entretien accordé à plusieurs journaux européens, Sarkozy plaide pour l’organisation d’« une grande conférence » pour « reconstruire » la Syrie, avec « un nouveau style de gouvernance où la diversité est respectée ». Mais encore ? Bachar al-Assad « ne peut être l'avenir de la Syrie : il a 250 000 morts sur la conscience. Mais il ne faut pas refaire l'erreur de l’Irak. Saddam Hussein, dictateur sanglant, ne pouvait pas être l'avenir de ce pays, mais il fallait parler avec les membres du parti Baas. C'est la même chose pour la Syrie ». Et donc ? Il faut« des forces arabes au sol ».

Selon l’ex-chef de l’État, « il faut naturellement des forces au sol qui complètent le travail de la force aérienne », mais « il ne s'agit en aucun cas d'envoyer des troupes européennes. Ne rejouons pas une histoire de l'Orient contre l'Occident ». « Ce sont les peshmergas, ce sont les Kurdes qui ont des succès parce qu'ils ont le soutien de la coalition internationale dans les airs, ajoute-t-il. Mais ce n'est pas suffisant. Il faut des forces arabes au sol. L'Arabie saoudite, les Émiriens et d'autres ont dit qu'ils y étaient prêts. Il faut les encourager. »

 

Rien de bien neuf donc dans les déclarations de Nicolas Sarkozy, sauf le fait de confier à Riyad et aux Émirats la résolution du conflit syrien. Problème : l’exemple du bourbier yéménite ne plaide pas franchement pour une telle mesure… Loin de résoudre le conflit, l’intervention de l’Arabie saoudite au Yémen à partir de 2015 est au contraire un véritable fiasco, dont Riyad – accusée de « crime de guerre » par des ONG – ne sait plus comment se sortir.

  • François Fillon

« Quand on est en guerre, on doit choisir son principal adversaire, écrit François Fillon dans Vaincre le totalitarisme islamique (éd. Albin Michel). De Gaulle, pendant la Seconde Guerre mondiale, avait choisi : l’adversaire, c’était Hitler et il n’a pas hésité à s’allier avec les Russes pour le combattre. » Pour vaincre l’État islamique, l’ancien premier ministre prône le même rapprochement. « Il faut s’attaquer à ce mal, il faut le faire avec les Russes, il faut le faire avec les Iraniens, il faut le faire avec tous ceux qui sont prêts à nous aider à le réaliser », arguait-il lors du premier débat entre les candidats, le 13 octobre.

Quand on l’interroge sur les raids aériens russo-syriens contre les secteurs d’Alep-Est sous contrôle rebelle, qui ont fait environ 500 morts et 2 000 blessés depuis le 22 septembre selon l’ONU, il botte en touche et refuse de parler de « crimes de guerre ». « Il ne faut pas utiliser des mots comme ça, sans pouvoir vérifier », a-t-il affirmé, le 27 octobre, dans « L’Émission politique », sur France 2. La veille, des frappes aériennes sur une école située dans la province d’Idlib (nord-ouest de la Syrie) avaient tué 22 enfants et 6 enseignants, selon l’Unicef.

François Fillon veut en finir avec « les postures morales », le « politiquement correct » et l’« angélisme ». « Il y a deux camps en Syrie et non pas trois comme on le dit, assurait-il encore le 13 octobre. Le camp de ceux qui veulent mettre en place ce régime totalitaire islamique que j’évoquais tout à l’heure. Et puis, il y a les autres. Moi, je choisis les autres parce que je considère que ce danger-là est trop grave pour la paix mondiale et qu’il nécessite aujourd’hui que nous nous alliions à des gens que nous n’aimons pas ou dont nous n’approuvons pas l’organisation politique et économique. » En d’autres termes : il faut s’allier à Vladimir Poutine et à Bachar al-Assad pour lutter contre l’EI.

En écartant les rebelles syriens et en proposant une telle alliance, l’ancien premier ministre entérine le fait que les bombardements d’Alep relèveraient de la lutte contre le« totalitarisme islamique ». Et enterre un peu rapidement les conclusions de l’émissaire de l’ONU pour la Syrie, Staffan de Mistura, qui estimait début octobre que sur les quelque 8 000 combattants de la rébellion à Alep, seuls 900 appartiennent à l’ancienne branche syrienne d’Al-Qaïda, le Front Fateh Al-Cham (anciennement Front Al-Nosra,qui a renoncé cet été à son allégeance avec l’organisation d’al-Zawhari). Et se demandait si la présence de ces 900 combattants n’offrait pas à Moscou et Damas un « alibi facile »pour détruire la ville.

À aucun moment, François Fillon ne prend en compte le fait qu’une partie de la rébellion anti-Assad lutte elle aussi contre l’État islamique. Il oublie aussi comment le régime syrien a joué des années durant avec le djihadisme, comment il s’en est servi et comment il en a parfois favorisé l’émergence, avant et après le début de la révolution syrienne. Poussé dans ses retranchements, l’ancien premier ministre a fini par reconnaître, le 27 octobre, que « la Russie est un régime instable et dangereux », tout en réclamant la levée des sanctions contre Moscou. Pourtant, son tropisme russe est ancien. À Matignon, il a même profité de la défiance de Poutine vis-à-vis de Sarkozy, qui avait déclaré avant son élection qu’il ne lui serrerait jamais la main.

Depuis lors, les liens ne se sont jamais rompus. « Attention à l'excès de vodka », l’a d’ailleurs prévenu Alain Juppé sur France Inter. Rien d’étonnant à retrouver dans l’équipe de campagne de Fillon l’un des porte-voix de la Russie en France : Thierry Mariani, député LR (ex-UMP) des Français de l’étranger, vice-président du groupe d’amitié France-Russie à l’Assemblée et coprésident de l’association Dialogue franco-russe. C’est lui qui s’était rendu à Damas, au printemps dernier, en compagnie de quatre autres députés de l’opposition, dont deux soutiens de Fillon (Valérie Boyer, sa porte-parole, et Nicolas Dhuicq, député de l’Aube). Ensemble, ils avaient rencontré Bachar al-Assad et étaient rentrés en France pour vanter l’intervention russe en Syrie.

Cette position, en parfaite contradiction avec celle du gouvernement français, les députés Dhuicq et Mariani l’avaient déjà défendue en novembre 2015, lors d’un précédent voyage à Damas, organisé par SOS Chrétiens d’Orient, association qui se présente comme apolitique, mais compte dans ses rangs nombre de figures issues de l’extrême droite. L’ancien premier ministre a d’ailleurs fait du soutien aux chrétiens d’Orient l’un de ses marqueurs de campagne. « Bachar al-Assad est soutenu par beaucoup de chrétiens d’Orient, qui considèrent que l’arrivée des sunnites en Syrie serait soit le cercueil soit la valise », a-t-il encore précisé sur le plateau de « L’Émission politique ».

  • Alain Juppé

« Ni Poutinophobe, ni Poutinolâtre », Alain Juppé estime qu’« il faut naturellement parler avec monsieur Poutine », mais surtout pour lui « dire franchement ce que l'on a sur le cœur ». « Profondément choqué par ce qui se passe à Alep », l’ancien ministre des affaires étrangères (de mars 1993 à mai 1995, puis de nouveau de février 2011 à mai 2012) dénonce clairement « un crime de guerre perpétré par le régime de Bachar al-Assad avec ses alliés russes ».

« Parler avec Poutine, ça consiste aussi à le mettre devant ses responsabilités, a dit celui qui refuse la levée des sanctions contre Moscou, lors du premier débat à la primaire, le 13 octobre. Il faut lui poser la question : quelle est la solution pour sortir de ce qui se passe en Syrie ? Est-ce que c’est de rétablir purement et simplement Bachar al-Assad au pouvoir ? Si c’est ça, la paix ne reviendra pas en Syrie. »

 

Dès octobre 2015, le maire de Bordeaux estimait, dans un billet de blog, que la situation en Syrie relevait de « notre fiasco ». « Nous avions […], Américains et Européens, un objectif  clair : éliminer Bachar, responsable à nos yeux de l’écrasement de son peuple, de la radicalisation de son opposition et finalement de la montée en puissance de Daech. Et faciliter la transition vers une Syrie sans Bachar », écrivait-il à l’époque, déplorant que la diplomatie française ne se soit pas donné les moyens de cet objectif et qu’elle ait laissé Poutine l’emporter.

Après avoir longtemps été sur la ligne « ni Daech ni Bachar » du gouvernement français, le maire de Bordeaux estime aujourd’hui qu’il y a une « hiérarchie » dans les priorités et que la première d’entre elles est d’« écraser Daech ». Pour autant, « cela ne sert à rien de s’acoquiner avec Bachar », a-t-il affirmé dans « L’Émission politique », sur France 2, le 6 octobre.

Bien plus prudent que ses adversaires à la primaire, Juppé a grimacé en entendant Fillon plaider pour une alliance avec l’Iran, au cours du débat qui les opposait. « Il faut y aller avec une longue cuillère », lui a-t-il rétorqué, rappelant que « l’Iran soutient le Hezbollah, les milices chiites en Irak et également Bachar al-Assad contre toutes les formes d’opposition en Syrie ».

Le 17 octobre, lors d’un discours à l’Institut Montaigne, à Paris, il expliquait encore vouloir « élargir et consolider » la coalition internationale qui lutte contre l’EI. Mais pour ce faire, « les bombardements russes à Alep doivent cesser », a-t-il prévenu, accusant clairement Poutine de vouloir, aux côtés de Bachar al-Assad, « liquider toute opposition respectable au régime » syrien.

Syrie: la droite française prône un rapprochement avec la Syrie de Poutine, alliée du régime criminel et illégitime de Bachar al-Assad (Médiapart, 2 novembre)
  • Nathalie Kosciusko-Morizet

Les déclarations de Nathalie Kosciusko-Morizet sur le sujet sont assez rares. Comme les autres candidats à la primaire, la députée de l’Essonne a critiqué François Hollande pour son attitude vis-à-vis de Poutine, mais ne s’est guère exprimée sur le reste. Interrogé par Mediapart, son entourage explique qu’elle est contre une intervention terrestre, se méfie de la « russophilie » de ses concurrents et prône « un rapport de force et de bienveillance ». Sans doute développera-t-elle ses arguments lors du deuxième débat.

  • Bruno Le Maire

Il est celui dont la position est la plus franche. La plus irréaliste et la plus dangereuse aussi, pour la région comme pour les intérêts de la France. Treize ans après l’invasion de l’Irak par les États-Unis, Bruno Le Maire veut réitérer et organiser une opération terrestre en Syrie, contre l’avis de son ancien mentor, Dominique de Villepin. Une opération terrestre contre Daech, et seulement contre Daech, promet-il. « Cette coalition, la France devrait y participer à sa mesure avec des troupes au sol », assurait-il dans Le Monde, en septembre 2015.

Outre le fait que la France n’a pas les moyens d’intervenir seule, notamment sans un appui militaire des États-Unis et des services de renseignement saoudiens, qui sont difficilement contrôlables et qui suivraient immanquablement leur propre agenda – ce que Le Maire conçoit d’ailleurs très bien quand il explique que « la France ne peut pas porter seule ce fardeau » –, l’ajout de forces étrangères sur le sol syrien ne manquerait pas de provoquer une nouvelle extension du conflit. Et non sa résolution.

Par quels moyens l’ancien ministre estime-t-il que les troupes de la coalition pourraient intervenir ? Avec les rebelles ? Dans ce cadre, comment considérer Fateh Al-Cham et ses 10 000 combattants djihadistes qui se battent aux côtés des rebelles contre les troupes de Bachar al-Assad et contre l’État islamique ? Comment, surtout, soutenir les rebelles sans s’aliéner l’armée du régime ? Ou alors avec l’armée syrienne ? Celle-là même qui produit massacre sur massacre depuis mars 2011, jusqu’à perdre le soutien de la majeure partie de la population ?

La Syrie n’est pas l’Irak, où une coalition internationale menée par l’armée irakienne est actuellement à l’œuvre pour reprendre Mossoul à l’EI. Contesté par une large partie de sa population, prêt à tous les crimes, notamment au bombardement de sa propre population au moyen de barils de TNT, pour se maintenir au pouvoir, le régime syrien lutte pour sa survie et utilise tous les moyens à sa disposition pour tenter de vaincre les rebelles. Depuis 2013, il n’a pas hésité à pactiser régulièrement avec l’État islamique, les deux parties ayant intérêt à ne pas se combattre pour concentrer leurs forces sur les révolutionnaires syriens.

L’armée syrienne n’est donc pas perçue comme un acteur légitime par une majorité des Syriens. La coalition menée par la France devra-t-elle alors intervenir seule, sans appui local ? Ce serait garantir son échec. La mise en place de la coalition pose en elle-même problème. Car on voit mal comment la France pourrait convaincre les États-Unis d’appuyer une intervention au sol, alors que Barack Obama a refusé de s’impliquer à une échelle bien moindre – en usant de frappes aériennes contre les troupes de Bachar al-Assad à l’été 2013 ou en instaurant une no fly zone à l’est du pays pour protéger les civils syriens.

On peut également s’interroger sur la réaction de la Russie et de l’Iran à une telle offensive, eux qui maintiennent littéralement en vie le régime de Damas. L’hypothèse d’une offensive générale et concertée contre Daech est le rêve de Poutine, à condition que lui-même la dirige. Ainsi, Moscou exigerait que la France s’aligne elle aussi sur les intérêts de Damas et laisse de côté les rebelles syriens.

On le voit bien, la perspective d’une offensive terrestre occidentale au cœur de la guerre civile syrienne est irréaliste dans sa mise en place, comme dans sa projection sur le terrain. Mais surtout, elle risquerait de produire des effets désastreux. L’un d’entre eux serait de redorer l’image de l’État islamique, en poussant les militants djihadistes du monde entier à la soutenir tant l’organisation apparaîtrait seule contre tous et pourrait ainsi alimenter sa propagande contre les « croisés ». Car l’EI n’est pas seulement une armée, c’est aussi une idéologie que la guerre ne peut que nourrir.

La proposition de Bruno Le Maire est également une aberration du point de vue des relations internationales. Croire que la France puisse convaincre la Russie et l’Arabie saoudite de coopérer dans une coalition à moyen terme est aussi absurde que d’imaginer qu’une intervention terrestre en Syrie puisse être limitée, dans un conflit larvé sur tout un territoire qui dure depuis plus de cinq ans, avec une très forte autonomisation des multiples acteurs locaux dont l’évolution des stratégies n’est pas toujours prévisible, et dont certains ne manqueraient pas de considérer l’entrée en guerre de la coalition comme une agression.

Une illusion aussi grossière que celle qui consisterait à émettre la possibilité de bombardements « propres », sans pertes civiles – les fameux « dommages collatéraux ». Cette rhétorique de l’« intervention limitée » risquerait enfin d’entraîner la France et ses alliés dans un bourbier dont elle aurait toutes les peines à s’extraire, sans même évoquer les multiples pertes humaines parmi les troupes de la coalition.

  • Jean-Frédéric Poisson

Le président du Parti chrétien-démocrate (PCD, fondé par Christine Boutin) fait partie des parlementaires français qui ont rencontré Bachar al-Assad dans ses salons de Damas, contre l’avis du Quai d’Orsay. La première fois en juillet 2015, à l’initiative de l’association SOS Chrétiens d’Orient, la seconde au mois d’octobre suivant. « L’échange a duré 1 h 20 et s’est très bien passé. Il est courtois, souriant, moderne dans sa manière de parler, pas du tout guindé. Entre l’image de boucher et celui que j’ai rencontré, on ne doit pas parler du même homme », avait-il déclaré au Figaro, à son premier retour.

« Je ne serais pas allé en Syrie si j’avais considéré que l’État français faisait son travail, s’était-il encore justifié sur la webtélé d’extrême droite TV Libertés. Mais il ne le fait pas. Il traite le régime de Damas de façon légère, très imprudente, dans une ignorance totale de ce qui se passe sur le terrain. » Plus récemment encore, Jean-Frédéric Poisson s’est dit « attristé, extrêmement profondément, de ce qui se passe à Alep », tout en continuant de penser que la France a « autre chose à faire que de déboulonner le président syrien » et qu’il faut « d’abord s’occuper des mouvements terroristes ». Il est, sur ce point, sur la même ligne que François Fillon, dont il pointe la responsabilité de la situation actuelle quand il rappelle que « la décision de fermer l’ambassade de France à Damas avait été prise par Sarkozy, Fillon et Juppé en mars 2012 ».

  • Jean-François Copé

« En politique, comme en diplomatie, il faut pourtant choisir le moindre mal. » Suivant ce précepte, Jean-François Copé, qui avait appelé en 2015 à « écraser militairement Daech », prône lui aussi la mise en place d’une grande coalition pour bombarder l’État islamique : « Sous mandat de l’ONU, les Russes et l’Otan pourraient apporter leur appui aérien tandis qu’une force internationale, composée notamment de troupes issues d’armées du Moyen-Orient (Turquie, Égypte, Arabie, Iran), pourrait intervenir sur le terrain, assure-t-il. Cela ne serait pas vu d’un mauvais œil par les populations locales, qui souffrent de la tyrannie de Daech dont de nombreux contingents sont étrangers (Européens, Caucasiens, Maghrébins…). »

Ce disant, le député et maire de Meaux commet la même erreur que Nicolas Sarkozy en négligeant les principes élémentaires des relations internationales et les oppositions d’intérêts. Copé le reconnaît d’ailleurs lui-même : « Il s’agirait pour cela de faire avancer, main dans la main, Iran et Arabie. Quel défi ! Leur rivalité est séculaire mais ils ont un intérêt commun : la fin de Daech. » Or l’Iran, qui n’a pas connu d’attentat sur son sol depuis l’apparition de l’EI, tire profit d’un Irak affaibli depuis l’invasion américaine en 2003. Il n’a également aucun intérêt à s’impliquer davantage en Syrie, où son effort de guerre est déjà significatif aux côtés de Bachar al-Assad.

De même, la Russie vendra cher son soutien à la mise en place d’une coalition et demandera un alignement général sur les intérêts de son allié, le régime syrien. Pour pouvoir largement bombarder Daech, il faudrait se rapprocher du responsable d’une guerre civile qui a fait plus de 200 000 morts en Syrie depuis 2011. « Le moindre mal », nous dit François Copé. C’est justement cette politique du « moindre mal » qui conduit la France à s’associer à l’Arabie saoudite – accusée de crimes de guerre au Yémen –, dévoyant ainsi les principes au nom desquels elle mène la guerre contre Daech depuis 2014.

 

 

 

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2 novembre 2016 3 02 /11 /novembre /2016 06:06
En Turquie, plus aucune dissidence n'est tolérée (Nicolas Chevron- Médiapart, 1er novembre)
En Turquie, plus aucune dissidence n’est tolérée
1 NOVEMBRE 2016 | PAR NICOLAS CHEVIRON

Trois jours ont suffi pour donner aux Turcs le sentiment d’entrer dans une nouvelle phase de leur histoire. Mise au pas des universités, arrestation des dirigeants du quotidien Cumhuriyet, les autorités d’Ankara ont confirmé que les voix dissidentes ne seraient plus tolérées.

 

Istanbul (Turquie), de notre correspondant.-  Turquie, année zéro est le titre d’un opuscule publié en février par les Éditions du Cerf. Son auteur, Kadri Gürsel, un journaliste turc réputé, membre du directoire de l’International Press Institute, y explique comment la Turquie qu’il connaissait, inspirée par des principes tels que « le progrès, la science, la raison, l’égalité des sexes, la laïcité », bref le pays dessiné par le fondateur de la République turque, Mustafa Kemal Atatürk, n’existait plus et ne reviendrait pas. Comment elle a été transformée par un régime du président Recep Tayyip Erdogan décidé à « domestiquer la laïcité et les libertés » et à « dominer [le]Proche-Orient ».

En ce matin du lundi 31 octobre 2016, l’auteur de ce petit livre se fraye difficilement un chemin dans la foule rassemblée devant son journal, Cumhuriyet. Au milieu des cris et des slogans – « la presse indépendante ne se taira pas », « si tu te tais aujourd’hui, ton tour viendra demain » –, il explique brièvement les raisons de son empressement, avant de s’éclipser : « La police est chez moi, j’y vais avec mes avocats pour me constituer prisonnier. » Kadri Gürsel a été rattrapé par sa prophétie. À l’instar de quatorze de ses confrères du vieux quotidien kémaliste – l’ensemble du comité exécutif de la FondationCumhuriyet, le directeur de la publication, Murat Sabuncu, plus quelques chroniqueurs –, l’éditorialiste est accusé par le parquet général d’Istanbul d’avoir« commis des crimes au nom des organisations terroristes FETÖ/PDY et PKK/KCK, sans appartenir à ces organisations ».

L’acronyme FETÖ désigne, dans la novlangue judiciaire turque, l’organisation du prédicateur islamiste Fethullah Gülen, un ancien allié du parti AKP au pouvoir, tenu pour responsable de la tentative manquée de coup d’État du 15 juillet. Le PKK, ou Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), a quant à lui repris la lutte armée contre les forces de sécurité turques en juillet 2015, après l’abandon de pourparlers de paix. Le ministère public reproche notamment aux journalistes d’avoir « publié des informations légitimant le putsch peu avant le 15 juillet ».

Les accusations font sourire les intéressés. Les deux groupes mentionnés sont aux antipodes de Cumhuriyet, un quotidien fondé en 1924, un an après la création de la République dont il porte le nom et les valeurs, laïques et nationalistes. « Depuis des années, j’essaie de tourner en caricature ce que nous vivons dans ce pays. Mais en ce moment, j’ai l’impression de vivre moi-même dans une caricature », déclare à la presse le dessinateur du journal, Musa Kart, avant de se rendre à la police.

« Au journal, on s’attendait à une telle opération. Simplement, on ne savait pas quelle forme elle prendrait », confie l’éditorialiste Ayse Yildirim, rencontrée sur le parvis du quotidien. « Ils ont choisi d’arrêter tous nos dirigeants sur la base d’accusations ridicules, qui défient l’entendement. Ils veulent clairement mettre la main surCumhuriyet. » Le coup de filet n’est en effet pas une surprise. Accusés d’espionnage et de divulgation de secrets d’État après la diffusion par Cumhuriyet d’images démontrant l’existence d’un trafic d’armes supervisé par les services secrets turcs à destination des combattants de  l’opposition syrienne, l’ex-directeur du journal, Can Dündar, et le chef du bureau d’Ankara, Erdem Gül, avaient déjà passé 93 jours en prison et n’avaient dû leur libération, en février 2016, qu’à une décision de la Cour constitutionnelle. L’opération contre le journal kémaliste intervient en outre dans un contexte de répression sans précédent des médias, rendu possible par l’argument de la lutte contre les auteurs du putsch raté et l’instauration, le 20 juillet, de l’état d’urgence. Depuis cette date, près de 140 agences de presses, journaux, magazines, radios et télévisions ont été fermés pour leur proximité supposée avec Gülen ou le PKK, dont une quinzaine de titres proches du mouvement kurde mis sous scellés samedi soir. Quelque 130 journalistes étaient déjà derrière les barreaux avant les interpellations du 31 octobre.

Dans ce paysage médiatique ravagé, Cumhuriyet fait ainsi figure de dernier bastion de la presse d’opposition. D’où l’importance de cette nouvelle attaque judiciaire. « La Turquie est à un tournant : faire taire Cumhuriyet aujourd’hui, cela veut dire s’assurer que toutes les institutions, toutes les organisations et tous les partis seront réduits au silence demain », commente Ayse Yildirim. Elle intervient de surcroît alors que la publication d’un décret mettant fin à l’élection des recteurs d’universités, désormais nommés par le président Erdogan sur présentation d’une liste par le Conseil de l’enseignement supérieur (YÖK), et prononçant l’expulsion de 1 263 personnels universitaires (parmi 11 000 fonctionnaires licenciés), a terni la commémoration des 93 ans de la République.

Complétant ce tableau, la justice turque a prononcé dimanche 30 octobre le placement en détention provisoire de Gültan Kisanak et Firat Anli, les deux maires HDP (mouvance kurde) de Diyarbakir (sud-est), la principale ville kurde de Turquie, élus avec 55 % des voix en 2014 et aujourd’hui accusés de soutenir le PKK. La décision, qui fait suite à la destitution pour le même motif, en septembre, de 24 maires kurdes et à leur remplacement par des administrateurs judiciaires, a été sévèrement critiquée par les défenseurs des droits de l’homme. « L’emprisonnement de Kisanak et Anli sans preuve crédible de leur implication dans un acte criminel est l’indice le plus criant à ce jour de la volonté du gouvernement de nier le droit pour le peuple du sud-est de la Turquie d’avoir des représentants politiques démocratiquement élus », a affirmé lundi dans un communiqué Emma Sinclair-Webb, responsable de Human Rights Watch pour la Turquie.

Cette nouvelle opération contre le HDP, qui laisse présager une fermeture prochaine du parti, rend encore plus improbable un retour des belligérants turcs et kurdes à la table des négociations. « Même dans nos rêves, nous ne verrons plus de processus de paix pour la question kurde. De toute façon, vouloir une solution démocratique est désormais quasiment un délit », commente dans les colonnes de Cumhuriyet la politologue Nuray Mert, qui prédit « des temps très difficiles » pour la Turquie, coincée entre « un ordre ancien détruit et un ordre nouveau encore en construction ».

Face au rouleau compresseur du gouvernement turc, les manifestants réunis devant les locaux de Cumhuriyet veulent croire dans le soutien de l’Union européenne, un “club” avec lequel la Turquie a entamé des négociations d’adhésion en 2005. « Bruxelles doit adopter aujourd’hui l’attitude la plus ferme, pour que nous voyons clairement que nous ne sommes pas abandonnés et qu’il y a des valeurs démocratiques qui nous unissent tous », déclare Erol Önderoglu, le correspondant en Turquie de Reporters sans frontières.« Aujourd’hui nous sommes en train de manifester devant Cumhuriyet, mais peut-être que demain nous n’aurons plus de canaux, plus de voix pour nous exprimer parce que le pluralisme des médias est en train de s’éteindre. Et le monde ne pourra plus nous entendre. »

 

 

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30 octobre 2016 7 30 /10 /octobre /2016 16:58
Libre-échange: la tentation autoritaire
29 OCTOBRE 2016 | PAR MARTINE ORANGE

Pressé d’effacer l’affront wallon, le conseil européen a prévu de signer le traité de libre-échange avec le Canada, dès dimanche. L’épisode a cependant souligné un complet divorce avec la société civile européenne. Le temps de la mondialisation heureuse est achevé.

 

Il fallait laver l’affront wallon au plus vite. Les différents parlements régionaux belges avaient à peine donné leur accord au texte amendé que le président du conseil européen, Donald Tusk, annonçait la signature du traité entre le Canada et l’Union européenne. Le premier ministre canadien, Justin Trudeau, se félicitait de son côté de l’accord trouvé et annonçait sa venue à Bruxelles. L’accord sur le CETA sera signé dès dimanche.

En précipitant les événements, les responsables européens espèrent redonner à l’Union européenne sa crédibilité entamée. Après la Grèce, le Brexit, la crise sur les réfugiés, cette nouvelle contestation a mis à mal l’appareil européen. De nombreuses critiques se sont élevées sur son fonctionnement, sa capacité à négocier des traités commerciaux.

Signer le CETA au plus vite est une façon d’apporter la démonstration que l’Union européenne, quoi que ses détracteurs aient pu en dire ces derniers jours, est toujours en pleine possession de ses pouvoirs. C’est une manière de réduire la contestation wallonne à rien : un énième rebondissement dans la vie politique compliquée belge, de la lutte entre Wallons et Flamands, une manœuvre de ces socialistes wallons « obtus et ringards ».  

Le premier ministre belge, Charles Michel, comme les représentants flamands se sont d’ailleurs empressés d’accréditer cette thèse : « Pas une virgule n’a bougé dans le texte du CETA », a assuré le chef du gouvernement belge devant le parlement, jeudi soir. Une thèse que reprennent à leur compte les responsables européens. Rien d’important n’a été concédé aux parties wallonnes, puisqu’il est possible dès le lendemain de mettre en œuvre le traité de libre-échange entre le Canada et l’Union européenne.

Préoccupés à défendre leur légitimité, les responsables européens n’ont désormais qu’une obsession : tout faire pour que pareil blocage ne se reproduise plus, pour qu’aucun grain de sable ne vienne enrayer la machine européenne. Des conservateurs demandent déjà que les modes de négociation soient changés, que les traités commerciaux soient de la compétence exclusive de la commission et du parlement européens, sans que les États puissent dire leur mot sur le processus.

 

À Bruxelles, on attend avec impatience l’arrêt de la cour européenne de justice sur le traité commercial avec Singapour. Si celle-ci tranche que cet accord est de la compétence exclusive de la commission, comme tous les technocrates européens l’espèrent, alors la voie sera libre : ils n’auront plus de compte à rendre aux parlements nationaux et pourront engager les pays de l’Union européenne comme bon leur semble. Berlaymont (le siège de la Commission européenne) aura alors tout pouvoir.

La tentation autoritaire des responsables européens, leur désir de passer en force sont bien là. La façon dont ils vont gérer les demandes belges permettra d’en mesurer l’ampleur. Car quoi qu’ils en disent, des engagements ont bien été pris : sur la protection des services publics, sur les OGM, sur les mécanismes de protection des marchés agricoles en cas de déséquilibre. Surtout, les régions wallonne, germanophone et celle de Bruxelles ont imposé que les tribunaux arbitraux soient transformés en cour publique internationale avec des juges dont les mandats seraient encadrés. Et avant toute chose, elles ont exigé que la cour européenne de justice se prononce sur la compatibilité de cette cour avec les principes constitutionnels européens. Le fait même que la commission européenne n’ait jamais posé la question à la cour européenne de justice laisse penser que les choses ne vont peut-être pas de soi.

Que vont faire les responsables européens de tous ces engagements pris ? Vont-ils accepter de les mettre en application, en concédant que d’autres pays exigent les mêmes traitements et garanties ? Ou, pour préserver l’intégrité du traité, vont-ils décider de tout ignorer, maintenant que la crise est passée et que l’accord est signé : les promesses, comme chacun le sait, n’engageant que ceux qui les reçoivent ? La réponse à cette question est redoutée.

Imaginer que tout va redevenir comme avant ou encore mieux qu’avant, avec une commission dotée de tous les pouvoirs face aux États, comme des responsables européens semblent en caresser l’idée, serait une lourde erreur. Car même si le conseil européen veut feindre de l’ignorer, la crise de légitimité des instances européennes face à la société civile européenne est bien plus grande que celle à l’égard des pays partenaires, même s’il semble pressé de ne répondre qu’à ces derniers.

La contestation belge a recueilli un écho et un soutien inattendu auprès de toutes les opinions publiques européennes. Celles-ci n’adhèrent plus à la mondialisation heureuse, tant vantée depuis vingt ans. Le CETA est signé, alors que 70 % des Wallons et des Français s’y disent opposés. Des manifestations contre le CETA et le Tafta ont lieu dans toute l’Europe. En Allemagne, plus de 300 000 personnes ont défilé dans tout le pays pour dénoncer ces traités de libre-échange, début octobre. L’accord avec le Canada fait d’ailleurs l’objet de multiples recours d’associations devant la cour constitutionnelle de Karlsruhe. Et celle-ci n’a donné qu’un accord provisoire sur ce traité, se réservant de se prononcer plus tard sur sa conformité avec les principes constitutionnels allemands.

Le malaise de la société civile devant ces grands accords commerciaux, dont les seuls bénéficiaires évidents sont les multinationales, gagne les partis politiques. Dès septembre, le ministre allemand de l’économie, le socialiste Sigmar Gabriel, s’est déclaré opposé au Tafta, entraînant à sa suite les socialistes français. Aujourd’hui, celui-ci reconnaît que même le CETA pose problème et que les opinions publiques n’ont peut-être pas été suffisamment prises en compte. Des renversements s’esquissent aussi au parlement européen : des élus socialistes, notamment allemands, qui s’étaient prononcés en faveur du traité de libre-échange avec le Canada, paraissent tentés de reconsidérer leur position. 

La commission et le conseil européen peuvent toujours décider de passer en force contre les opinions publiques, de s’asseoir sur les oppositions et les refus de la société civile, comme ils l’ont fait lors des référendums irlandais, français et néerlandais. Le désamour à l’égard de l’Europe n’en sera que plus grand. En refusant tout débat, tout compromis, ils courent le risque d’accélérer encore la décomposition de l’Union. Sans retour possible.

 

 

Libre-échange: la tentation autoritaire ( Martine Orange, Médiapart - 29 octobre 2016)
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