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22 septembre 2018 6 22 /09 /septembre /2018 06:46
Les vers éternels de Mahmoud Darwich, voix de la résistance palestinienne (Anne Berthod, Télérama, 17 septembre 2018)

Pour commémorer les dix ans de sa disparition, l’IMA et le festival Arabesques célèbrent les écrits du poète palestinien. Voix de l’exil, de la résistance et de la paix, il fut le plus grand poète contemporain de langue arabe. De Paris à Montpellier, son œuvre est à (re)découvrir à l’occasion d’un festival hommage et d’un récital. 

Il n’a jamais écrit de chanson mais remplissait des stades en déclamant des vers et de la prose : dix ans après sa mort, le festival Arabesques et l’Institut du monde arabe célèbrent le Palestinien Mahmoud Darwich (1941-2008), immense poète contemporain. « Il était une couleur de notre drapeau, un artiste et un leader romantique : par ses valeurs humanistes, libertaires et politiquement engagées, il était le Federico García Lorca du monde arabe », résume le oudiste Adnan Joubran. Le 23 septembre, le trio Joubran participera notamment à une grande soirée hommage avec une dizaine d’artistes (Souad Massi, Magyd Cherfi, ex-Zebda, Kamilya Jubran…) : un plateau hétéroclite, à l’image d’un héritage qui continue d’inspirer les jeunes générations. « Il est le seul dans le monde arabe à s’être ancré dans les métriques anciennes de la poésie classique avec un vocabulaire aussi actuel »,rappelle la chanteuse et oudiste Kamilya Jubran. De la même façon, la Palestine était son socle, mais ses thématiques étaient universelles : « le poète des vaincus » était un apatride, qui nous parlait d’exil (presque trente ans passés entre Beyrouth, Moscou, Tunis, Le Caire et Paris), de résistance et de paix. Lyrique et poignante, son œuvre ne faisait qu’une avec sa vie d’homme. En voici les figures clés.

La mère… patrie

« J'ai la nostalgie du pain de ma mère, du café de ma mère, Des caresses de ma mère… Et l'enfance grandit en moi… » : ainsi commence Oummi, fameuse ode à sa mère (1966). Enfant de Galilée, Mahmoud Darwich a connu l’exil à 6 ans, quand sa famille a fui Saint-Jean-d’Acre, devenu israélien après 1948, pour le Liban. A leur retour, un an plus tard,« Akko » était devenu une ville juive et les Arabes ne pouvaient plus se déplacer sans autorisation – l’adolescent a souvent atterri en prison pour avoir bravé l’interdiction. C’est ce traumatisme qu’il exorcise adulte quand il parle de sa mère, symbole d’une enfance brisée et d’un foyer confisqué : à travers elle, le poète file la métaphore palestinienne de la patrie perdue, mais dit aussi la douleur de l’exil.

Marcel Khalifé

Chanté, rapé, samplé, Mahmoud Darwich a souvent été mis en musique, mais jamais autant que par le Libanais Marcel Khalifé, dont la chanson Oummi, par exemple, fut l’un des premiers hits. C’est grâce à ce « Bob Dylan du Levant », figure de proue de la chanson contestataire dans les années 1970, que Darwich, figure de l’intelligentsia peu connue alors du grand public, a pu avoir une telle résonnance. L’ami Khalifé a si bien porté ses mots qu’en 1999 il a été poursuivi par un tribunal à Beyrouth pour avoir cité le Coran dans la chanson O mon père, je suis Joseph, adaptée d’un de ses poèmes. Quelque deux mille fans chantèrent la chanson incriminée dans une manifestation de soutien, et le chanteur fut relaxé.

Yasser Arafat

« Aujourd'hui, je suis venu porteur d'un rameau d'olivier et du fusil du combattant de la liberté. Ne laissez pas tomber le rameau d'olivier de ma main », déclare Yasser Arafat à l’ONU en 1974. Le discours est signé Darwich, journaliste militant qui va devenir la plume de l’OLP. Il s’impose comme son leader spirituel avec Une mémoire pour l’oubli, récit (le seul de son œuvre) du siège de Beyrouth (1982), et entre même au comité exécutif. Il rompt avec l’organisation en 1993, déçu par les accords d’Oslo. Ses vers, toutefois, resteront des slogans. Jusqu’en 2011, quand Mahmoud Abbas déposera à l’ONU la demande de reconnaissance de la Palestine, sur ces mots :« Debout ici. Assis ici. Toujours ici. Eternels ici. »

Rita

Romantique avant tout, Darwich n’a jamais eu pour ambition d’être la voix du nationalisme arabe. Lui voulait être un poète de l’amour. La mystérieuse Rita, dont le nom a fait le tour du monde arabe grâce à Marcel Khalifé, est évoquée dès les premiers recueils (La Fin de la nuit, Les oiseaux meurent en Galilée…). En 1995, Darwich raconte enfin l’histoire de cette danseuse juive (nommée Tamar dans la réalité), rencontrée autrefois au bal du Parti communiste israélien, dont il était adhérent. La guerre des Six-Jours (1967) aura eu raison de leur intense idylle…« Entre Rita et mes yeux : un fusil. Et celui qui connaît Rita se prosterne. Adresse une prière. A la divinité qui rayonne dans ses yeux de miel. » Rita incarne l’amour impossible. A travers elle, Darwich, toujours très métaphorique, pleurait à la fois la femme et sa terre bafouée.

L’absente

Opéré trois fois du cœur, Mahmoud Darwich avait pressenti sa mort. De Murale(2003) à Présente Absence (2006), son septième et avant-dernier recueil, il entame un dialogue intime avec elle. L’absente est cette mort qu’il tente d’apprivoiser. C’est aussi l’exilé, le déraciné, l’ami assassiné, l’impossible patrie, dont l’absence, au quotidien, fait présence. S’adressant dans Présente Absence à son moi à différents âges, Darwich fait le bilan poétique d’une vie d’errance et d’espoir : une sorte de testament, publié deux ans avant sa mort. Ecrits dans une prose magnifique (ce qui reste exceptionnel dans son œuvre), ces trente et un poèmes constituent une véritable élégie, entre fragments de mémoire vive et douloureuse mélancolie.

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22 septembre 2018 6 22 /09 /septembre /2018 06:42
Eva Illouz, sociologue israélienne : L’état d’Israël contre le peuple juif (Haaretz)

Israël s’aligne sur un régime nationaliste, voire antisémite, un régime après l’autre. Où cela mène-t-il la communauté juive mondiale?

Par Eva Illouz, 13 septembre 2018 

Un tremblement de terre secoue discrètement le monde juif.

Au 18ème siècle, les juifs ont commencé à jouer un rôle décisif dans la promotion de l’universalisme, car l’universalisme leur a promis le rachat de leur soumission politique. Grâce à l’universalisme, les Juifs pouvaient en principe être libres et égaux à ceux qui les avaient dominés. C’est pourquoi, dans les siècles qui ont suivi, les Juifs ont participé à un nombre disproportionné de causes communistes et socialistes. C’est aussi pour cette raison que les Juifs étaient des citoyens modèles de pays tels que la France ou les États-Unis, avec des constitutions universalistes.

L’histoire des Juifs en tant que promoteurs des valeurs des Lumières et des valeurs universalistes touche à sa fin. Nous sommes les témoins stupéfaits des nouvelles alliances entre Israël, les factions orthodoxes du judaïsme dans le monde entier et le nouveau populisme mondial dans lequel l’ethnocentrisme et même le racisme occupent une place indéniable.

Lorsque le Premier ministre Netanyahu a choisi de s’aligner politiquement avec Donald Trump avant et après l’élection présidentielle américaine de 2016, certaines personnes pourraient encore lui donner le bénéfice du doute. Certes, Trump s’était entouré de gens comme Steve Bannon, l’ancien directeur de Breitbart News, qui était très sensible au racisme et à l’antisémitisme, mais personne n’était certain de la direction que prendrait la nouvelle présidence. Même si Trump refusait de condamner les éléments antisémites de sa base électorale ou du Ku Klux Klan, qui l’avait soutenu avec enthousiasme, et même si cela lui prenait beaucoup de temps pour se dissocier de David Duke, nous n’étions pas encore certains de la présence d’antisémitisme dans le discours et les stratégies de Trump (d’autant plus que sa fille Ivanka était convertie au judaïsme).

Mais les événements de Charlottesville en août 2017 ne permettaient plus de douter. Les manifestants néo-nazis ont commis des actes de violence contre des contre-manifestants pacifiques, tuant une femme en fonçant dans une foule avec une voiture (acte rappelant la technique des attentats terroristes en Europe). Trump a réagi aux événements en condamnant à la fois les néo-nazis et les suprémacistes blancs et leurs opposants. Le monde a été choqué par sa confusion entre les deux groupes, mais Jérusalem n’a pas objecté. Encore une fois, l’observateur indulgent (ou cynique) aurait pu interpréter ce silence comme l’obéissance réticente d’un vassal envers son suzerain (de tous les pays du monde, Israël reçoit le plus d’aide militaire des États-Unis). On était en droit de penser qu’Israël n’avait pas d’autre choix que de collaborer, malgré les signes extérieurs de l’antisémitisme du dirigeant américain.

Cette interprétation n’est toutefois plus tenable. Avant et après Charlottesville, Netanyahu a courtisé d’autres dirigeants qui ne sont pas touchés par l’antisémitisme ou qui lui sont carrément sympathiques, et sur lesquels Israël n’est pas dépendant économiquement. Ses concessions vont jusqu’à participer à une forme partielle de négationnisme.

Prenons le cas de la Hongrie. Sous le gouvernement de Viktor Orban, le pays montre des signes troublants de légitimation de l’antisémitisme. En 2015, par exemple, le gouvernement hongrois a annoncé son intention d’ériger une statue pour commémorer Balint Homan, un ministre de la période de l’Holocauste qui a joué un rôle décisif dans l’assassinat ou l’expulsion de près de 600 000 Juifs hongrois. Loin d’être un incident isolé, quelques mois plus tard, en 2016, une autre statue a été érigée en hommage à Gyorgy Donáth, l’un des architectes de la législation anti-juive pendant la Seconde Guerre mondiale. Il n’était donc pas surprenant d’entendre Orban employer des paroles antisémites lors de sa campagne de réélection en 2017, notamment contre Georges Soros, milliardaire-philanthrope juif hongro-américain qui soutient les causes libérales, notamment celle des frontières ouvertes et de l’immigration. En réanimant le cliché antisémite sur le pouvoir des Juifs, Orban a accusé Soros d’avoir l’intention de saper la Hongrie

Qui Netanyahu a-t-il choisi de soutenir? Pas la communauté juive hongroise inquiète qui a protesté amèrement contre la rhétorique antisémite du gouvernement Orban; il n’a pas non plus choisi de soutenir le Juif libéral Soros, qui défend des causes humanitaires. Au lieu de cela, le Premier ministre a créé de nouvelles lignes de faille, préférant les alliés politiques aux membres de la tribu. Il a soutenu Orban, la même personne qui ressuscite le souvenir d’antisémites sombres. Lorsque l’ambassadeur israélien à Budapest a protesté contre l’érection de la statue tristement célèbre, il a été publiquement contredit par Netanyahu.

À ma connaissance, le gouvernement israélien n’a jamais officiellement protesté contre les tendances et les affinités antisémites d’Orban. En fait, quand l’ambassadeur israélien à Budapest a essayé de le faire, il a été calmé par Jérusalem. Peu de temps avant les élections hongroises, Netanyahu a pris la peine de se rendre en Hongrie, donnant ainsi un « certificat casher » à Orban et l’exonérant de l’opprobre attaché à l’antisémitisme et à l’approbation des personnalités actives dans la Shoah. Lorsque Netanyahu s’est rendu à Budapest, la Fédération des communautés juives lui a offert une réception glacée, tandis qu’Orban lui a réservé un accueil chaleureux. Pour renforcer leur amitié touchante, Netanyahu a invité Orban à se rendre en Israël en juillet dernier, le recevant d’une manière habituellement réservée aux alliés nationaux les plus dévoués.

La relation avec la Pologne est tout aussi surprenante. Pour rappel, la Pologne est gouvernée par le parti nationaliste Droit et justice, qui a une politique intransigeante contre les réfugiés et semble vouloir éliminer l’indépendance des tribunaux à travers une série de réformes qui permettraient au gouvernement de contrôler le pouvoir judiciaire. En 2016, le gouvernement dirigé par Droit et justice a éliminé l’organisme officiel chargé de traiter les problèmes de discrimination raciale, de xénophobie et d’intolérance, arguant que l’organisation était devenue «inutile».

Encouragés par cette déclaration et par d’autres déclarations et politiques gouvernementales, les signes de nationalisme se sont multipliés au sein de la société polonaise. En février 2018, le président Andrzej Duda a déclaré qu’il signerait une loi interdisant d’accuser la nation polonaise d’avoir collaboré avec les nazis. Accuser la Pologne de collusion dans l’Holocauste et d’autres atrocités nazies serait désormais passible de poursuites. Israël a d’abord protesté contre la législation proposée, mais en juin, Benjamin Netanyahu et le Premier ministre polonais, Mateusz Morawiecki, ont signé un accord exonérant la Pologne de tous les crimes contre les Juifs pendant l’occupation allemande. Israël a également adhéré à la décision de la Pologne d’interdire l’expression «camp de concentration polonais». De plus, Netanyahu a même signé une déclaration stipulant que l’antisémitisme est identique à l’antipolonisme et que seule une poignée de tristes Polonais étaient responsables de la persécution des Juifs – pas la nation dans son ensemble.

À l’instar de la droite américaine, hongroise et polonaise, Israël veut restaurer la fierté nationale non entachée par les critiques «auto-haineuses». Comme les Polonais, Israël mène depuis deux décennies une guerre contre le récit officiel de la nation, tentant de faire disparaître des manuels scolaires des faits incommodes (comme le fait que les Arabes ont été activement chassés d’Israël en 1948). Afin d’annuler les critiques, le ministère de la Culture d’Israël prévoit désormais un financement des institutions créatives sur la loyauté envers l’Etat. Comme en Hongrie, le gouvernement israélien persécute des ONG comme Breaking the Silence, un groupe dont le seul péché a été de donner aux soldats un forum pour dénoncer leurs expériences dans l’armée et s’opposer à la violence des colons contre les Palestiniens ou à l’expropriation des terres en violation du droit international. Expurger les critiques de la vie publique (tel qu’exprimé en interdisant l’entrée dans le pays des partisans du BDS, en refusant le financement des compagnies de théâtre ou des films critiques envers Israël, etc.) est une expression du pouvoir d’État direct.

En ce qui concerne les réfugiés, Israël, comme la Hongrie et la Pologne, refuse de se conformer au droit international. Depuis près d’une décennie, Israël n’a pas respecté les conventions internationales sur les droits des réfugiés, même s’il est signataire de ces conventions : l’État a détenu des réfugiés dans des camps et les a emprisonnés et déportés. Comme la Pologne, Israël tente de supprimer l’indépendance de son système judiciaire. Israël se sent à l’aise avec l’extrême droite antidémocratique des États européens, tout comme on se sent à l’aise avec un membre de la famille qui rote et b, perdant tout sens de l’auto-contrôle ou des manières à table.

Plus généralement, ces pays partagent aujourd’hui un noyau politique commun très profond: la peur des étrangers aux frontières (il faut cependant préciser que les peurs des Israéliens sont moins imaginaires que celles des Hongrois ou des Polonais); des références à la fierté nationale non entachée par un passé douteux, faisant des critiques des traîtres à la nation; l’interdiction des organisations de défense des droits de l’homme et la contestation les normes mondiales fondées sur des principes moraux. Le triumvirat Netanyahu-Trump-Poutine a une vision et une stratégie bien définies: créer un bloc politique qui saperait l’ordre international libéral actuel et ses principaux acteurs.

Dans un article récent sur Trump pour Project Syndicate, le spécialiste juridique Mark S. Weiner a suggéré que la vision politique et la pratique de Trump suivaient (quoique sans le savoir) les préceptes de Carl Schmitt, le juriste allemand qui a rejoint le parti nazi en 1933.

«À la place de la normativité et de l’universalisme, Schmitt propose une théorie de l’identité politique fondée sur un principe que Trump apprécie sans doute profondément dans sa carrière pré-politique : la terre», a écrit Weiner. « Pour Schmitt, une communauté politique se forme lorsqu’un groupe de personnes reconnaît qu’elles partagent un trait culturel distinct qui, selon elles, mérite d’être défendu de leur vie. Cette base culturelle de la souveraineté est en fin de compte ancrée dans la géographie distinctive… qu’un peuple habite. En jeu, il y a des positions opposées sur la relation entre identité nationale et droit. Selon Schmitt, le nomos de la communauté [le mot grec pour «loi»] ou le sens d’elle-même qui découle de sa géographie, est la condition philosophique de sa loi. Pour les libéraux, en revanche, la nation se définit d’abord et avant tout par ses engagements juridiques. »

Netanyahu et ses semblables souscrivent à cette vision schmittienne du politique, subordonnant les engagements juridiques à la géographie et à la race. La terre et la race sont les motifs secrets et manifestes de la politique de Netanyahu. Lui et sa coalition ont, par exemple, mené une politique d’annexion lente en Cisjordanie, soit dans l’espoir d’expulser ou de soumettre les 2,5 millions de Palestiniens qui y vivent, soit de les contrôler.

Ils ont également radicalisé la judéité du pays avec la loi très controversée de l’État-nation. Jouer avec les dirigeants antisémites peut sembler contredire la loi de l’État-nation, mais elle est motivée par la même logique d’état et de logique schmittienne selon laquelle l’État ne se considère plus comme un représentant de tous ses citoyens, mais vise à étendre son territoire, à augmenter son pouvoir en désignant des ennemis, à définir qui appartient ou pas, à restreindre la définition de la citoyenneté, à durcir les limites du corps collectif et à saper l’ordre libéral international. La ligne qui relie Orban à la loi sur la nationalité est l’expansion pure et simple du pouvoir de l’État.

Courtiser Orban ou Morawiecki signifie avoir des alliés au sein du Conseil et de la Commission européenne, ce qui aiderait Israël à bloquer les votes indésirables, à affaiblir les stratégies internationales palestiniennes et à créer un bloc politique qui pourrait imposer un nouvel ordre international. Netanyahu et ses amis ont une stratégie et tentent de remodeler l’ordre international pour atteindre leurs propres objectifs nationaux. Ils comptent sur la victoire finale des forces réactionnaires pour avoir la liberté de faire ce qu’ils veulent à l’intérieur de l’État.

Mais ce qui est le plus surprenant, c’est que pour promouvoir ses politiques illibérales, Netanyahu est prêt à snober et à rejeter la plus grande partie du peuple juif, ses rabbins et intellectuels les plus reconnus, et le grand nombre de Juifs qui ont soutenu par de l’argent ou l’action politique, l’Etat d’Israël. Cela suggère un changement clair et indéniable d’une politique basée sur le peuple à une politique basée sur la terre.

Pour la majorité des Juifs à l’extérieur d’Israël, les droits de l’homme et la lutte contre l’antisémitisme sont des valeurs fondamentales. Le soutien enthousiaste de Netanyahu aux dirigeants autoritaires et antisémites est l’expression d’un changement profond dans l’identité de l’État en tant que représentant du peuple juif dans un État qui vise à promouvoir sa propre expansion en saisissant des terres, en violant le droit international, exclusion et discrimination. Ce n’est pas le fascisme en soi, mais certainement l’une de ses caractéristiques les plus distinctives.

Cet état de fait est inquiétant mais il est également probable que deux évolutions intéressantes et même positives se produisent. La première est que, de la même manière qu’Israël s’est libéré de son «complexe juif» – abandonnant son rôle de chef et de centre du peuple juif dans son ensemble – beaucoup ou la plupart des Juifs vont maintenant se libérer de leur complexe israélien, comprenant finalement que les valeurs d’Israël et les leurs sont profondément en conflit. Le 13 août 2018, le président du Congrès juif mondial, Ron Lauder, cité dans le New York Times, était sur le point de désavouer Israël, en est un puissant témoignage. Lauder était très clair : la perte du statut moral d’Israël signifie qu’il ne pourra pas exiger la loyauté inconditionnelle de la communauté juive mondiale. Ce qui était vécu dans le passé par de nombreux Juifs comme un conflit intérieur se résorbe lentement : beaucoup ou la plupart des membres des communautés juives accorderont leur préférence à leur engagement envers les constitutions de leurs pays, c’est-à-dire aux droits humains universels.

Israël a déjà cessé d’être le centre de gravité du monde juif et, à ce titre, il ne pourra compter que sur le soutien d’une poignée de milliardaires et des ultra-orthodoxes. Cela signifie que dans un avenir prévisible, l’effet de levier d’Israël sur la politique américaine sera considérablement affaibli.

Le trumpisme est une phase transitoire de la politique américaine. Les Latinos et les démocrates de gauche seront de plus en plus impliqués dans la politique du pays et, comme ils le font, ces politiciens auront de plus en plus de difficultés à justifier le soutien américain continu aux politiques israéliennes odieuses aux démocraties libérales. Contrairement au passé, cependant, les Juifs ne les forceront plus à regarder ailleurs.

Le deuxième développement intéressant concerne l’Europe. L’Union européenne ne sait plus quelle était sa mission. Mais les Netanyahus, les Trump, les Orbans et Morawieckis aideront l’Europe à réinventer sa vocation : le bloc social-démocrate de l’UE aura pour mission de s’opposer à l’antisémitisme et à toutes les formes de racisme des valeurs pour lesquelles nous, Juifs et non-Juifs, sionistes et antisionistes, avons tant lutté. Israël, hélas, n’est plus parmi ceux qui combattent ce combat.

Une version plus courte de cet article a paru dans le Monde.

Eva Illouz

Traduction : CSPRN

Source : Haaretz

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17 septembre 2018 1 17 /09 /septembre /2018 17:00
ISRAËL VEUT QUE SALAH HAMOURI QUITTE LA PALESTINE, MAIS IL NE CÉDERA PAS - Elsa Lefort, L'Humanité - 13 septembre 2018
ELSA LEFORT. « ISRAËL VEUT QUE SALAH HAMOURI QUITTE LA PALESTINE, MAIS IL NE CÉDERA PAS »
Jeudi, 13 Septembre, 2018

Arrêté le 23 août 2017, le Franco-Palestinien Salah Hamouri est toujours détenu sans jugement. Sa libération fin septembre dépend du bon vouloir des autorités israéliennes. Ses soutiens se mobilisent à la Fête de l’Humanité pour exiger l’intervention de l’élysée. Entretien avec son épouse, Elsa Lefort.

L’indignation grandit chez les nombreux soutiens de l’avocat franco-palestinien Salah Hamouri, détenu arbitrairement en Israël depuis une année. Son épouse, Elsa Lefort, dénonce l’inertie de l’Élysée et du Quai d’Orsay, qui n’agissent pas pour exiger du gouvernement Netanyahou sa libération.

Avez-vous des nouvelles de Salah, a-t-il le moral ?
Oui, nous avons des nouvelles par ses avocats ou quand sa mère lui rend visite, une fois par mois. Il va bien, il a le moral, mais il compte les jours évidemment, car tout cela commence à durer. Le fait d’avoir déjà subi deux renouvellements de peine le plonge dans l’incertitude. Il espère à chaque fois que ce sera la dernière, tout en gardant en tête que ça peut continuer… Nous n’avons malheureusement aucune garantie que ce sera la dernière.

D’autant qu’il y a aussi le peu d’empressement à agir du côté des autorités françaises…
L’Élysée prétend qu’Emmanuel Macron s’est saisi du sujet. Il faut croire alors que c’est en catimini, car le cas de Salah n’a jamais été publiquement évoqué. Il n’y a apparemment aucune volonté de montrer que l’on s’inquiète du sort d’un citoyen français incarcéré arbitrairement. Aucune volonté d’envoyer un message fort aux Israéliens, de réagir à cet enfermement complètement illégal. Si message il y a, il est plutôt très négatif : l’arbitraire dont est victime Salah ne préoccupe pas vraiment l’Élysée et le Quai d’Orsay. Les autorités israéliennes sont tout à fait tranquilles.

Emmanuel Macron en aurait, dit-on, parlé à Netanyahou, mais en vain. Pourquoi la France s’accommode-t-elle d’un tel camouflet ?
Oui, la France s’en accommode, d’autant plus que par ailleurs elle redouble de signaux positifs envers le gouvernement Israélien. Macron a reçu deux fois Netanyahou à Paris en l’espace de six mois. Une fois en décembre dernier et une fois en juin, à l’occasion du lancement de la saison culturelle croisée France-Israël, c’est-à-dire une série de manifestations dans chacun des deux pays qui visent à promouvoir les bonnes relations et qui entretiennent surtout une image hautement positive d’Israël. La France ne cesse de donner des gages à ce dernier. Tout à fait par conviction, à l’évidence. La libération de Salah est loin de figurer parmi les attentes.

L’acharnement qu’il subit s’explique-t-il par le fait que Salah soit devenu avocat et qu’il est à présent en mesure de renforcer la défense des prisonniers palestiniens ?
Il y a de cela, mais pas seulement. L’objectif central est en réalité de le contraindre à quitter la Palestine. Tout est fait dans ce sens depuis sa libération en 2011. Il y a eu les ordres militaires l’empêchant de se rendre en Cisjordanie, qui ont compliqué ses études, il y a eu mon expulsion du territoire israélien alors que j’étais enceinte. Et puis il y a eu son arrestation et sa « détention administrative ». Depuis deux ans et demi, Salah vit loin de moi et de notre fils. Tout est fait pour qu’il s’épuise et qu’il renonce à rester en Palestine. Certes, il représente quelqu’un qui, du coup, connaît le droit, le droit international et peut plaider la cause des prisonniers et des Palestiniens plus largement, notamment en France, car il est français. Mais le fond de l’acharnement c’est de le forcer à partir.

Salah est-il déterminé à rester, à ne pas leur céder ?
Tout à fait, car c’est son droit d’habiter chez lui à Jérusalem, en Palestine. Peu importe les intimidations et les menaces, même si au plan personnel, c’est difficile aussi bien pour lui que pour nous. Mais d’un point de vue politique, il est hors de question pour lui de baisser les bras et de quitter sa terre. Il y a là un véritable enjeu : il est de Jérusalem, et les Israéliens font tout pour que les Palestiniens quittent Jérusalem. Chaque Palestinien qui s’en va constitue pour eux une victoire.

Quel appel lancez-vous à tous les soutiens de Salah, notamment à l’occasion de la Fête de l’Humanité ?
Il est important de rester mobilisé et de redoubler d’efforts dans ce sens. Voilà un an que la diplomatie française est censée s’occuper de ce dossier et elle n’a strictement rien obtenu. Les contacts que nous avons avec l’Élysée ne donnent aucun signe positif pour l’avenir. On s’arrête au constat de l’absence de réaction de la part d’Israël. C’est une fatalité. Il n’y a aucune remise en question. La question demeure sans réponse : pourquoi la diplomatie française est à ce point incapable de faire cesser cet arbitraire à l’égard de l’un de ses ressortissants ? Le président se doit de venir en aide à tous les Français de par le monde. Et il n’y aucune raison que le monde s’arrête à la frontière d’Israël.

 
Entretien réalisé par Nadjib touaibia
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17 septembre 2018 1 17 /09 /septembre /2018 09:25
La militante égérie de la lutte palestinienne Ahed Tamimi la fête de l'Humanité 2018 (photos Hervé Ricou)
La militante égérie de la lutte palestinienne Ahed Tamimi la fête de l'Humanité 2018 (photos Hervé Ricou)

L'activiste palestinienne Ahed Tamimi. Comme elle a été enfin libérée, elle était ce week-end à la fête de l'humanité !!! Temps fort pour les Palestiniens qui luttent contre l'occupation et la colonisation, les brutalités de l'armée, de la police et des colons israéliens, et pour le mouvement de solidarité internationale vis-à-vis des enfants palestiniens prisonniers.  

Photos prise par Hervé Ricou, membre du PCF Finistère.
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13 septembre 2018 4 13 /09 /septembre /2018 10:17
Selon un rapport de l’ONU, la faim dans le monde continue d’augmenter
Selon un rapport de l’ONU, la faim dans le monde continue d’augmenter

jeudi 13 septembre 2018

Selon le rapport sur l’Etat de la sécurité alimentaire et de la nutrition dans le monde 2018, publié le 12 septembre, de nouvelles preuves indiquent que le nombre de personnes souffrant de faim dans le monde est en hausse, avec 821 millions de personnes en 2017, soit une personne sur neuf.

Des progrès limités ont également été observés en matière de lutte contre les différentes formes de malnutrition, qui vont du retard de croissance chez l’enfant à l’obésité adulte, une situation qui menace la santé de centaines de millions de personnes.

« Les signes alarmants de la hausse de l’insécurité alimentaire et des différentes formes de malnutrition signifient clairement que des efforts conséquents doivent être déployés afin de s’assurer de "ne laisser personne pour compte" et de réaliser les Objectifs de développement durable liés à la sécurité alimentaire et à la nutrition », ont indiqué les dirigeants de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), du Fonds international de développement agricole (FIDA), du Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF), du Programme alimentaire mondial (PAM) et de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) dans la préface de leur rapport.

« Si nous souhaitons parvenir à un monde libéré de la faim et de toutes les formes de malnutrition d’ici 2030, il est impératif d’accélérer et d’intensifier les actions visant à renforcer la résilience et la capacité d’adaptation des systèmes alimentaires, ainsi que les moyens d’existence des populations face à la variabilité climatique et aux événements climatiques extrêmes », ont ajouté les dirigeants.

Ils appellent à mettre en œuvre et à intensifier les interventions visant à garantir l’accès à des aliments nutritifs et à briser le cercle intergénérationnel de la malnutrition. Les politiques doivent particulièrement prêter attention aux groupes les plus vulnérables face aux conséquences désastreuses d’un accès limité à l’alimentation : les nourrissons, les enfants âgés de moins de cinq ans, les enfants scolarisables, les adolescentes et les femmes.

Au même moment, il est nécessaire de s’orienter durablement vers une agriculture qui tient plus compte de la nutrition et vers des systèmes alimentaires en mesure de fournir une alimentation sûre et de bonne qualité pour tous.

Ils appellent également à déployer davantage d’efforts afin de renforcer la résilience face au climat, à travers des politiques qui encourageront les initiatives visant à s’adapter au changement climatique et à en atténuer les effets, ainsi qu’à réduire les risques de catastrophe.

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11 septembre 2018 2 11 /09 /septembre /2018 14:58
Rencontre événement à la fête de l'Humanité pour la libération des enfants palestiniens sur le stand de la fédération PCF de Seine St Denis avec Leila Shahid, Khaled Qusmar, Nurit Peled-Elhanan, Nathalie Simonnet et Henriette Zoughebi

 Rencontre événement à la La Fête de l'Humanité 2018! 
Pour la libération des enfants palestiniens emprisonnés en Israël. 
👉Samedi 15 septembre // 14h30 // Stand de la fédération PCF 93 
Avec 
- Leila Shahid, qui fut déléguée générale de Palestine en France et marraine de la campagne
- Khaled Qusmar,de l’association internationale de défense des droits des enfants en Palestine, venu des territoires occupés
- Nurit Peled-Elhanan, venue d’Israël, universitaire israélienne, prix Sakharov 
Et pour animer la campagne, 
Nathalie Simonnet, secrétaire du PCF93, et Henriette Zoughebi, créatrice du Salon du livre de jeunesse de Montreuil

✌️✌️POUR QUE CES 350 ENFANTS SORTENT MAINTENANT DES PRISONS
ISRAËLIENNES!
Le respect des droits des peuples, celui des droits humains passent par le respect des droits des enfants.

Rencontre événement à la fête de l'Humanité pour la libération des enfants palestiniens sur le stand de la fédération PCF de Seine St Denis avec Leila Shahid, Khaled Qusmar, Nurit Peled-Elhanan, Nathalie Simonnet et Henriette Zoughebi
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10 septembre 2018 1 10 /09 /septembre /2018 19:23
Roberto Saviano: Comme Salvini, Macron criminalise la solidarité avec les migrants (entretien avec Pascale Pascariello de Médiapart, 10 septembre 2018)
Roberto Saviano: «Comme Salvini, Macron criminalise la solidarité avec les migrants»
 PAR 

Dans un entretien accordé à Mediapart, le journaliste et écrivain Roberto Saviano revient sur la situation politique en Italie et les positions « néofascistes » de Matteo Salvini, ministre de l’intérieur. Il dénonce la politique migratoire de l’Union européenne qui participe, selon lui, à la montée des extrêmes.

Principal opposant à Matteo Salvini, Roberto Saviano ne cesse depuis la nomination au gouvernement du leader de la Ligue, parti d’extrême droite, d’alerter sur ses dérives néofascistes. Comme nous le relations dans un précédent article, il est le premier, en Italie, à avoir dénoncé les propos xénophobes et les initiatives du ministre de l’intérieur contre les migrants. Sur les réseaux sociaux et dans les médias italiens, il fustige la propagande anti-migrants de Matteo Salvini, faite de « mensonges et de fake news »

Il s’inquiète des réponses apportées par l’Union européenne contre les souverainistes, de la politique migratoire, sécuritaire et d’austérité économique, creusant les inégalités, qu’elle met en œuvre. Surnommé par Roberto Saviano, « Ministro della malavità », ministre du « milieu », de la « mafia », Matteo Salvini a annoncé avoir déposé plainte en diffamation contre lui.  

L’écrivain antimafia (auteur notamment de Gomorra : Dans l'empire de la camorra et deExtra pure : Voyage dans l'économie de la cocaïne)  ne s’en émeut pas. « Je suis fier de figurer parmi ses ennemis. Retirons à Matteo Salvini la possibilité de continuer à semer la haine. Qui ne le fait pas maintenant sera coupable pour toujours. » 

Dans l’optique des prochaines élections européennes en mai 2019, Matteo Salvini tisse des alliances avec l’extrême droite, en recevant par exemple, le 28 août, Viktor Orbán, premier ministre ultraconservateur hongrois. Il prend pour cible Emmanuel Macron. L’Europe d’Emmanuel Macron et Angela Merkel peut-elle faire rempart à celle d’extrême droite de Salvini-Orban ? 

Roberto Saviano. Face à Matteo Salvini, Viktor Orbán, et à tous ceux que l’on peut qualifier de « souverainistes », l’Union européenne, dont le destin est dans les mains d’Angela Merkel et Emmanuel Macron, n’a qu’une seule voie possible : défendre une politique migratoire tournée vers l’accueil et respectant des exigences de solidarité.

Pour l’instant, ce n’est pas le cas. Ils ont fait le choix d’une politique migratoire sécuritaire et très restrictive. Nous l’avons vu avec le Diciotti, navire des garde-côtes italiens [dont le débarquement des passagers était bloqué par Matteo Salvini, dans le port de Catane, en Sicile] et les négociations interminables entre les pays européens pour accueillir 177 migrants. Emmanuel Macron offre à Matteo Salvini la possibilité de dire : « Vous me critiquez mais vous faites la même chose. »

À l’issue de sa rencontre avec Orbán, Salvini déclare : « Sur l’immigration, nous demandons la collaboration aux pays frontaliers, à commencer par la France. [Emmanuel Macron] passe son temps à donner des leçons aux gouvernements étrangers alors qu’il devrait être le premier à faire preuve de solidarité en rouvrant la frontière à Vintimille. »

Si le président français ne s’impose pas en tant qu’avant-garde d’un nouveau modèle de gestion des flux, il restera un gestionnaire critiquable par les populistes et il sera jugé sur cela. 

Cette histoire, celle de la Méditerranée, des migrants, c’est toute l’histoire de l’incapacité des gouvernements dits de gauche qui ont reproduit la même politique que la droite. C’est une histoire pas seulement italienne mais européenne. Les gouvernements sociaux-démocrates ont adopté la même politique que la droite en se disant :« Nous n’allons pas nous faire battre par la droite et pour cela nous allons devenir tout aussi intransigeants. »

En Italie, Matteo Salvini a poursuivi l’œuvre de Marco Minniti, ministre de l’intérieur du gouvernement précédent (Parti démocrate). Il a lui-même annoncé sa volonté de fermer les ports italiens et a négocié en Libye avec des milices pour retenir les migrants. Ces accords ont contribué à ce que certains ex-trafiquants deviennent des garde-côtes. Mais cela n’est pas seulement l’œuvre de Marco Minniti, c’est celle de l’Union européenne. 

Les négociations entre l’Italie et la Libye ont été rendues possibles parce que précédemment l’Allemagne avait passé un accord avec la Turquie pour fermer la route des Balkans. En 2016, la Turquie a reçu de l’Union européenne près de 6 milliards d’euros sur trois ans, et la Libye, 800 millions d’euros pour bloquer les flux migratoires. 

Les États européens auraient pu introduire des visas, stabiliser des routes légales pour éviter que les flux migratoires ne passent par des pays comme la Libye, mais c’est tout le contraire. L’Europe ne donne plus de visas à l’Afrique, encore moins à l’Afrique subsaharienne. 

Ce qui signifie que l’Union européenne n’a pas facilité les voies légales de l’immigration mais a contribué à renforcer in fine les trafics de migrants et la clandestinité. 

La France criminalise la solidarité, comme le fait le gouvernement Salvini-Di Maio [vice-président du Conseil et leader du Mouvement Cinq Étoiles]. Je pense, par exemple, à Benoît Ducos, ce guide de montagne, interpellé par la police française en mars pour avoir porté secours à une migrante enceinte à la frontière franco-italienne. Si l’Europe d’Emmanuel Macron et d’Angela Merkel continue cette politique migratoire, elle ne sera en rien différente de celle des souverainistes, Matteo Salvini et Viktor Orbán. C’est bien ce qui se passe maintenant. Et c’est terrible. 

La société civile et ceux qui, en France, pensent qu’Emmanuel Macron pourrait être un rempart face à l’extrême droite du Rassemblement national, doivent défendre l’idée selon laquelle le gouvernement ne sera pas jugé sur le nombre de migrants qu'il aura réussi à rejeter, ou sur la peur de l’étranger qu’il aura alimentée – d’autant que sur ce terrain, ses adversaires politiques sont bien plus habiles et directs –, mais au contraire sur les droits qui auront été donnés aux migrants. Parce que donner des droits aux autres, c’est en rajouter à ceux qui en ont déjà et non en soustraire. 

Aujourd’hui, la situation est telle que l’Union européenne fait le jeu de Matteo Salvini, qui peut dire : les Français et les Allemands rejettent les migrants. Pour Matteo Salvini, la situation est parfaite. Elle laisse libre cours à sa propagande, voire lui donne de quoi se nourrir.

Le Mouvement Cinq Étoiles reste dans l’ombre de la Ligue sur les questions migratoires et la propagande de Matteo Salvini occupe la scène médiatique, en occultant de la sorte les problèmes économiques du pays. Vous déconstruisez quotidiennement les fausses informations sur l’immigration véhiculées par Matteo Salvini. Mais pour le moment, votre discours semble inaudible… 

L’Italie est dévastée par des décennies de berlusconisme, d’anti-berlusconisme et de récession. Les partis classiques, de droite comme de gauche, ont perdu toute crédibilité et la politique a laissé place à la communication politique, la vulgarisation. Les Italiens sont écrasés par cette communication qui se fait dans les émissions de télévisions et sur les réseaux sociaux. C’est l’ère de la surenchère, de la provocation et non plus de la réflexion. Celui qui harangue les foules, qui attise la colère des citoyens est assuré d’occuper le devant de la scène. Le bouc émissaire est tout trouvé : le migrant. 

Cette réalité n’est pas propre à l’Italie. L’Europe a commis les mêmes erreurs de communication. Les migrants sont pris comme variable ajustable des politiques économiques néolibérales au niveau européen. La France, l’Allemagne vivent des crises comparables à l’Italie mais la différence est que ces pays ont encore une administration, une cohésion sociale. L’Italie s’écroule et le pont de Gênes en est un triste symbole. Après vingt ans de berlusconisme, par la suite Monti et Renzi (Parti démocrate) n’ont pas su faire mieux. Ces années de médiocrité et d’incompétence ont précipité le pays dans une corruption sans fin, sans garde-fous possibles. 

Vous faites référence aux politiques d’austérité et pointez du doigt une responsabilité européenne. 

J’ai toujours peur de faire la comparaison avec les années vingt du siècle dernier, mais il est vrai que la ressemblance est impressionnante car à la suite de la faillite des politiques socialistes, les droites radicales héritent de la rage, de la colère des peuples. 

On le voit au niveau européen avec les politiques d’austérité qui n’ont contribué qu’à précariser le travail avec toujours des inégalités plus grandes. Si l’Europe devient un magma économique, nous n’avons plus d’espoir. Elle a oublié l’Italie, pourtant l’un de ses pays fondateurs. Le sud de l’Italie, dont la situation économique et institutionnelle est comparable à celle de pays comme la Tunisie, se situe déjà en dehors de l’Europe.

Dans la meilleure des hypothèses, l’Europe est devenue une communauté qui essaie de conserver son niveau de démocratie minimal, acceptable, afin d’éviter des dérives autoritaires et des conflits et, dans le pire des cas, elle reste un pacte économique qui tient mal. 

De mon point de vue, le cœur du désastre politique européen est dans le systèmeoffshore. Chaque pays a son coffre-fort. La France a le Luxembourg, l’Espagne a l’Andorre, l’Allemagne le Liechtenstein, tout le monde a la Suisse et jusque récemment la capitale du recyclage mondial est Londres. 

Qu’est-ce que cela signifie ? Que ce ne sont que les « idiots » qui paient leurs impôts. Car toutes les multinationales passent par des paradis fiscaux. L’Union européenne laisse perdurer, voire favorise cette évasion fiscale. Bien sûr d’autres politiques sont possibles. On aurait pu faire des accords avec les entreprises, conditionner les remises fiscales à l’investissement. Mais non, c’est une tout autre voie qui a été choisie. 

Ce système participe forcement à la montée des extrêmes qui peuvent facilement s’emparer de la colère et de la frustration des populations. En Italie comme en France, les partis classiques de droite et de gauche sont moribonds. 

En Italie, le Mouvement Cinq Étoiles de Luigi Di Maio et la Ligue de Matteo Salvini se déclarent « ni de droite ni de gauche ». Ce n’est rien d’autre qu’une logique de droite et c’est dangereux. D’ailleurs, Matteo Salvini est en train de faire une OPA sur le Mouvement Cinq Étoiles et se rapproche des argumentations néofascistes, référence idéologique qu’il apprécie et affiche. 

Ce combat que vous livrez contre Matteo Salvini a pris la forme d'un face-à-face. Le risque est de conforter le ministre de l'intérieur dans le rôle du tribun d’un fantasmatique peuple en colère contre celui supposé de l’intelligentsia. 

En Italie, certains disent que la bataille entre Matteo Salvini et moi est une affaire personnelle. Je le sais et je le revendique. Parce que Salvini n’est pas un adversaire politique car c'est un ennemi de la démocratie. Il en compromet les règles par sa parole et par ses actes.

Dans l'état actuel des choses, je ne prétends pas parler à ceux de l’autre camp, acquis à la Ligue. Aujourd’hui la priorité, c’est de reconstruire un discours partagé et une communauté de ceux qui s’opposent à cette politique anti-immigrés. Il s’agit de renouer les fils d’une gauche orpheline que le Parti démocrate ne représente plus du tout. La partie démocratique du pays est tellement dispersée qu’il faut d’abord la ressouder. Et seulement par la suite, une fois ce travail urgent fait, on pourra avoir l’ambition de proposer une alternative à l’inévitable déception que le gouvernement Salvini-Di Maio produira sur les classes populaires qui, à ce jour, le soutiennent.

Vous avez surnommé Matteo Salvini le « ministre du milieu », propos pour lesquels il vous poursuit en diffamation et déclare : « J’accepte toutes les critiques, mais je ne permets à personne de dire que j’ai aidé la mafia, une merde que je combats de toutes mes forces (…) » Quelle relation entretiennent Matteo Salvini et la Ligue avec la mafia ? 

Salvini tente de discréditer mes propos et de me réduire au silence. Mais ce n’est pas sa plainte qui me fera taire. 

« Ministre du milieu », c’est en référence à une expression employée par Gaetano Salvemini pour dénoncer le clientélisme, l’affairisme. [Gaetano Salvemini, homme politique, antifasciste, engagé dans la lutte contre la corruption, avait dénoncé, en 1910, la collusion entre les entreprises et les hommes politiques en particulier dans le Sud.]  

Matteo Salvini a tout d’un « ministre du milieu ». Il excelle dans l’art de la manipulation à travers des mécanismes horripilants de spéculations sur les migrants, qui ne peuvent se défendre. Il joue avec la colère populaire qu’il attise en les abreuvant d’une propagande faite de mensonges. Et il détourne ainsi toute l’attention des Italiens de thèmes centraux, économiques et sociaux, au cœur même de leurs préoccupations quotidiennes, en proposant une solution à tous leurs problèmes : le migrant. 

Il ne peut le faire au niveau économique puisque ses propositions avantagent les entreprises et les plus favorisés. [Lors de la campagne électorale, la Ligue défendait une réforme fiscale pour alléger les impôts dont les principaux bénéficiaires étaient les plus privilégiés et proposait une amnistie fiscale pour les fraudeurs.]

L’autre raison pour laquelle j’ai utilisé cette expression tient précisément à l’affairisme de l’extrême droite. La Ligue est l’héritière de ce qu’a été la Démocratie chrétienne, et ensuite Forza Italia, dans le vote mafieux. Dans les territoires où la mafia parvient à détourner les votes, la Ligue est le parti de référence.  

Les déclarations de Matteo Salvini concernant son prétendu combat contre la mafia sont de purs mensonges. 

Lors de sa campagne, il s’est rendu à Rosarno, l'un des fiefs de la mafia, en Calabre, où il a remporté la majorité des suffrages. Dans ses meetings, on retrouvait les membres de la famille Pesce, famille historique de la 'Ndrangheta, mafia calabraise. Vincenzo Gioffrè, l’élu de la Ligue à Rosarno, a fait des affaires, via ses sociétés avec les membres du clan Pesche et du clan Belloco. Je pourrais multiplier les exemples à l’infini tant les rapports entre la Ligue et la 'Ndrangheta sont décennales. 

Qui sont ceux qui exploitent vraiment les migrants ? Les mafias. Tout d’abord, les mafias libyennes et syriennes gèrent leur traversée. Mais sur le territoire italien, en particulier dans le Sud, ils travaillent sous la mainmise des « caporali », des « caporaux », recruteurs de « main-d’œuvre », au service d’exploitants agricoles. Ce système informel et parallèle, pilier de la récolte des tomates, est lié aux organisations criminelles. Si Salvini a à cœur, comme il le déclare, le destin des migrants, il s’intéresserait au sort de ces travailleurs, issus de l’immigration, abandonnés entre les mains de ces « caporaux » et utilisés comme esclaves dans les campagnes. La mafia gère toute la filière, de leur recrutement à la gestion des camps où ils dorment. 

Il existe une loi contre ce système mais Salvini ne fait rien bien sûr pour l’appliquer. 

L’exemple de Riace est tout aussi édifiant. Situé au cœur du trafic de cocaïne de la région de Locride, ce village de Calabre a été déserté par ses habitants. À la fin des années quatre-vingt-dix, un maire génial, Mimmo Lucano, commence à accueillir des migrants qui ont reconstruit les maisons abandonnées, qui ont redonné vie à Riace, où il n’y a aucun ghetto. C’est un exemple d’humanité et de cohésion sociale qui rend possible une politique migratoire tournée vers l’accueil. 

Que fait Salvini ? En déplacement dans les terres de la 'Ndrangheta, il déclare que Mimmo Lucano est « un nul », et qu’il ne se rendra à Riace qu’une fois que le maire aura changé. Salvini a annoncé qu’il couperait les fonds du système de protection pour demandeurs d’asile et réfugiés (Sprar), aide économique nécessaire au fonctionnement de Riace. Là encore, le gouvernement précédent (Parti démocrate) avait ouvert la voix en mettant fin aux aides du Centre d’accueil extraordinaire (CAS).

Comme vous le signalez, les politiques des gouvernements précédents ont préparé le terrain aux extrêmes, en Italie comme en Europe… 

Matteo Salvini est la réponse aux politiques migratoires et néolibérales des gouvernements précédents. 

Il faut que les pays membres de l’Union européenne changent radicalement de politique, sans cela ils ne parviendront pas à endiguer la montée des néofascistes, des souverainistes. Il faut, notamment, régulariser les immigrés clandestins et réfléchir à une réglementation sur les visas en cessant de donner de l’argent aux mafias libyennes. Ces fonds, reversés à de véritables geôliers, pèsent sur notre budget. Il faut que tous les pays européens s’engagent sur une politique commune d’accueil. Sans cela, nous verrons arriver au pouvoir d’autres « Salvini » ou « Orbán ».

Mais l’Europe s’est déjà faite à l’idée que l’Italie était perdue. Le chef de l’État français a parlé d’« irresponsabilité et de cynisme » concernant le refus de Salvini d’accueillir les migrants, un autre membre de son parti [Gabriel Attal, le porte-parole de La République en marche] a déclaré que la position de Salvini le faisait « vomir ». Là encore, il ne s’agit pas de politique mais de communication qui peine à cacher finalement que ni la France, ni l’Union européenne n’ont su mieux faire. 

L’Union européenne a enterré la vision politique du manifeste de Ventotene et de ses pères fondateurs. Rappelons que dans ce manifeste, il était question de faire barrage aux dérives fascistes. Plus de 70 ans après, l'Union européenne doit trouver une réponse face aux dangers des néofascistes, des « souverainistes ».

[Le manifeste de Ventotene, écrit en juin 1941, défend un fédéralisme européen. Déportés sur l’île de Ventotene pour leur combat contre le fascisme, ses auteurs, Altiero Spinelli, Ernesto Rossi et Eugenio Colorni, prônent une « révolution européenne » pour dépasser la « crise de civilisation moderne », révolution qui doit être sociale afin de permettre l’émancipation de la classe ouvrière et garantir de meilleures conditions de vie.] 

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10 septembre 2018 1 10 /09 /septembre /2018 19:01
Palestine. Israël tente d’empêcher Ahed Tamimi de venir à la Fête de l’Humanité (Pierre Barbancey)
Palestine. Israël tente d’empêcher Ahed Tamimi de venir à la Fête de l’Humanité (Pierre Barbancey)
 

 

 
La jeune fille de 17 ans, qui a passé huit mois en prison, ne peut sortir de Cisjordanie alors qu’elle a obtenu son visa et doit participer à la Fête de l'Humanité ce week-end.
Après huit mois de prison, pendant lesquels elle a tristement fêté ses 17 ans, la jeune Ahed Tamimi, dont le seul crime a été de s’opposer à la présence de soldats israéliens devant sa maison, devait venir en Europe et, notamment, participer, le week-end prochain, à la Fête de l’Humanité. Avec ses parents, visa Schengen obtenu, elle comptait partir jeudi ou vendredi pour Bruxelles puis se rendre à Paris, à l’invitation de notre journal et du PCF, pour participer à des débats organisés par l’Association France Palestine Solidarité (AFPS), avant de partir pour Madrid et être reçue par le Parti communiste espagnol.
 
Pour l’heure, elle ne peut honorer ses engagements. Les autorités israéliennes ont fait savoir à la famille Tamimi qu’elle ne quitterait pas la Cisjordanie, où elle réside, pour des raisons de sécurité (sic). S’ajoute à cela la fermeture totale des territoires palestiniens et des frontières terrestres jusqu’à mardi en raison de la fête juive de Roch Hachana. Si la protestation ne s’amplifie pas, il est à craindre que les participants à la Fête de l’Humanité ne puissent pas accueillir Ahed Tamimi, comme cela était prévu. Pas plus qu’ils ne verront Salah Hamouri, toujours emprisonné.
 
C’est toute la politique de Netanyahou qui se dévoile
 
« Le gouvernement français et le chef de l’État doivent (…) intervenir pour que Ahed et ses parents puissent voyager librement, et se rendre à Paris, Madrid et Bruxelles, comme prévu », a immédiatement réagi le Parti communiste français dans un communiqué. Rien, en effet, ne justifie une telle mesure si ce n’est l’arbitraire le plus total et la volonté, de la part des forces d’occupation, que ne soit pas entendue, dans le monde et singulièrement en France, la voix de celle qui symbolise la révolte de la jeunesse palestinienne. Quand on voit Ahed, quand on l’entend parler, difficile évidemment de lui accoler l’étiquette de « terroriste », sauf à tomber le masque. Pour Israël, est terroriste toute personne opposée à l’occupation et à la colonisation, qui se prononce pour la création d’un État palestinien. À travers l’interdiction faite aux Tamimi de se déplacer, c’est bien toute la politique de Netanyahou qui se dévoile. Au cours du seul mois d’août, 19 Palestinien(ne)s ont été tué(e)s, pour la plupart des jeunes. Même les personnels médicaux sont visés. Manifester pacifiquement en Cisjordanie ou dans la bande de Gaza, c’est s’exposer à la mort. Ahmad Aboutoyour n’avait que 17 ans. Il est mort samedi, après avoir été touché par un sniper israélien dans la bande de Gaza. La veille, Bilal Moustafa Khafaja, 17 ans également, était abattu de la même manière.
 
Cette répression sanglante n’est qu’une des facettes des orientations du gouvernement d’extrême droite israélien, qui vise non seulement à tenter d’étouffer dans l’œuf toute révolte, particulièrement celle de la nouvelle génération palestinienne, celle née au moment des accords d’Oslo et qui en vit les forfaitures. Une répression qui frappe également, en Israël même, les associations de défense des droits de l’homme, comme B’Tselem, ou encore Breaking the Silence, composée d’anciens soldats qui dénoncent les exactions de l’armée dans les territoires occupés, et même les députés, comme ceux de la Liste unie, qui participent aux manifestations contre la dérive d’Israël. Dans son entreprise, Tel-Aviv est plus qu’épaulé par Washington. Donald Trump vient d’ordonner la suppression d’une aide de 25 millions de dollars aux hôpitaux palestiniens à Jérusalem-Est.
 
C’est le cas de la loi dite de l’État-nation, qui représente un véritable tournant dans l’histoire d’Israël, transformant le pays en un apartheid de type nouveau, dans laquelle est légitimée la colonisation passée et à venir : toute nouvelle installation, acceptée ou non par le gouvernement, est désormais légalisée et protégée par l’armée. Le nettoyage ethnique en cours vise également les Bédouins, dont un des villages, celui de Khan al-Ahmar, doit être détruit pour faire passer une route réservée aux colons. L’arabe n’est plus reconnu comme langue officielle. Cette loi vise, de plus, à instrumentaliser les juifs du monde entier, faisant d’Israël leur représentant, leur déniant ainsi leur rôle, leur place et leur nationalité dans nos sociétés. On comprend mieux pourquoi Benyamin Netanyahou partage les vues du sinistre premier ministre hongrois, Viktor Orban !
 
Les journalistes harcelés
Le journaliste palestinien Ali Dar Ali a été arrêté et détenu depuis le 15 août pour avoir posté une vidéo montrant l’armée en opération dans un camp de réfugiés. Mardi, cette même armée a tiré avec des balles en caoutchouc sur les journalistes venus le soutenir. La Fédération internationale des journalistes (FIJ) et le syndicat palestinien (PJS) appellent Israël à cesser « ces crimes qui ne décourageront pas les journalistes ».
Pierre Barbancey
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10 septembre 2018 1 10 /09 /septembre /2018 05:31

Le Monde: "Législatives en Suède : la droite et la gauche au coude-à-coude, l’extrême droite progresse" : ce que Le Monde, qui avait comme tant d'autres prophétisé une extrême-droite à 25% (elle fait 18%) ne dit pas, c'est que le Parti de Gauche (communiste) progresse de plus de 2 points, avec 8.1% et gagnant 9 sièges, amorçant ainsi un rééquilibrage avec la social-démocratie...

Jean-Michel Galano

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9 septembre 2018 7 09 /09 /septembre /2018 08:59
Israël-Palestine: Interview exclusive de Dominique Vidal pour Rouge Finistère, septembre 2018
Dominique Vidal, historien et journaliste, spécialiste reconnu du Moyen-Orient, collaborateur du Monde Diplomatique dont il a été le rédacteur en chef adjoint, est venu dans le Finistère à Quimper et Brest à l'initiative de l'AFPS présenter son dernier livre. À cette occasion il nous a accordé une interview exclusive pour Rouge Finistère.
 
Interview à « Rouge Finistère» (journal départemental du PCF) de Dominique Vidal - Propos recueillis par Yvonne Rainero
 
Dans ce livre, vous vous adressez à Emmanuel Macron.  Pourquoi ?
 
Mon livre est titré Antisionisme = antisémitisme ? et sous-titré Réponse à Emmanuel Macron. Ce n’est pas un effet de style. Dans son discours du 16 juillet 2017, lors du 75e anniversaire de la rafle du Vel d’Hiv, où il avait invité le Premier ministre israélien, le Président de la République a en effet déclaré : « Nous ne cèderons rien à l’antisionisme car il est la forme réinventée de l’antisémitisme. »
C’était la première fois qu’un chef de l’État reprenait à son compte cet amalgame inacceptable entre une opinion parfaitement licite, qui conteste la réponse de Theodor Herzl à la « question juive », comme on disait à l’époque, et un délit, puni, comme toutes les formes de racisme, par les lois de la République. Ce faisant, il commettait à la fois une erreur historique et une faute politique.
 
Dans l’histoire, les Juifs n’ont-ils pas soutenu le projet sioniste ?
En majorité, certainement pas. Jusqu’à la Seconde Guerre mondiale, c’est évident : les Juifs communistes, bundistes et religieux refusent de gagner la Palestine pour y bâtir « leur » État. La plupart des 3,5 millions qui quittent l’Europe vont d’ailleurs aux États-Unis, tandis que la Palestine sous mandat britannique ne compte que 460 000 Juifs, soit 2,9 % de la population juive mondiale.
Après la tragédie de la Shoah, plusieurs centaines de milliers de survivants ne peuvent ni rentrer chez eux, ni, faute de visas, se rendre en Amérique : la plupart émigrent vers la Palestine, puis Israël, d’où 800 000 Arabes ont été expulsés durant la guerre de 1948. Il ne s’agit donc pas d’un « choix sioniste », mais d’un moindre mal.
Il en ira de même des deux autres grandes vagues d’immigration en Israël. Chassés de leur pays ou « recrutés » par l’Agence juive, les Juifs des pays arabes n’ont pas d’autre endroit où aller. Idem pour les Juifs soviétiques sous Gorbatchev : ils rêvaient de poursuivre leur voyage jusqu’aux États-Unis, mais durent rester en Israël.
Soixante-dix ans après sa création, ce dernier ne rassemble que 6,5 des 15 à 16 millions de Juifs du monde : malgré le génocide, les autres ont continué, contrairement aux prévisions de Herzl, de s’intégrer dans les États occidentaux où de surcroît la majorité se marie avec des non-Juifs. En outre, plusieurs centaines de milliers de citoyens israéliens vivent à l’étranger. Et même parmi les Juifs français qui ont quitté notre pays ces dernières années, une forte proportion revient.
Historiquement, la petite phrase du président est donc une erreur. Politiquement, c’est pire : elle constitue une faute.
 
Pourquoi ?
Parce que les dirigeants israéliens et leurs inconditionnels français l’exploitent pour exiger une loi interdisant l’antisionisme, autrement dit la création d’un délit d’opinion. Imaginez que les communistes demandent l’interdiction de l’anticommunisme, les gaullistes celle de l’antigaullisme et les libéraux celle de l’altermondialisme…
 
L’accusation d'antisémitisme à l'égard du mouvement de solidarité avec le peuple palestinien était déjà sous-jacente dans la circulaire Alliot-Marie. Comment expliquez-vous que l'affrontement d'idées et de personnes à ce sujet prenne aujourd'hui une nouvelle ampleur?
Vous avez raison : l’offensive a d’abord ciblé la campagne Boycott-Désinvestissement-sanction (BDS), qualifiée d’antisémite, sur la base de la directive de la ministre de la Justice Michèle Alliot-Marie (2010), que Christiane Taubira n’a malheureusement pas annulée. Mais, sur des centaines d’actions de boycott, les parquets n’en ont poursuivi qu’une douzaine, dont deux seulement ont été condamnées. L’une d’elle, à Colmar, est désormais soumise à la Cour européenne des droits de l’homme, qui pourrait retoquer la Cour de cassation française. En effet, selon Federica Mogherini, la ministre européenne des Affaires étrangères, l’Union « se positionne fermement pour la protection de la liberté d’expression et de la liberté d’association, en cohérence avec la Charte des droits fondamentaux, qui est applicable au territoire des États membres, y compris en ce qui concerne les actions BDS. »
En difficulté, ces extrémistes liberticides s’attaquent maintenant à l’antisionisme. Dans les deux cas, ils tentent de rompre l’isolement que vaut à Israël sa politique d’occupation, de colonisation et, désormais, d’annexion. La dernière enquête de l’IFOPi indique que 57 % des Français ont une mauvaise image d’Israël et 69 % du sionisme, 71 % jugeant qu’Israël porte une         responsabilité majeure dans l’absence de négociations. Seraient-ils antisémites ? Une autre enquête, réalisée par l’institut IPSOSii, balaie cette accusation : l’électorat de la France insoumise et du Parti communiste est, démontre-t-elle, à la fois le plus critique vis-à-vis de la politique d’Israël et le plus empathique à l’égard des Juifs victimes de l’antisémitisme. CQFD.
La France n’est pas, loin de là, le seul pays où l’opinion soutienne massivement la cause palestinienne. On en trouve même un reflet sur la scène diplomatique. Déjà, l’État de Palestine est entré à l’Unesco (2011), aux Nations unies (2012) et à la Cour pénale internationale (2015). Et l’Assemblée générale a, par exemple, voté fin 2017 une résolution en faveur du droit du peuple palestinien à l’autodétermination et à un État par 176 voix pour, 7 contre (Canada, États-Unis, Israël, Îles Marshall, États fédérés de Micronésie, Nauru et Palaos) et 4 abstentions (Cameroun, Honduras, Togo, Tonga). ..
 
Vous placez ce débat avec juste raison sur le terrain de la rationalité des faits historiques, statistiques. Pourquoi est-ce si difficile en France, plus difficile semble-t-il que dans d'autres pays européens?
Pour une raison simple : notre pays est, en Europe, celui qui compte à la fois le plus de musulmans et le plus de Juifs, dont une bonne partie se sentent naturellement proches des Palestiniens ou des Israéliens. D’où l’agitation d’Israël et de ses amis pour redorer son blason dans l’opinion. La tâche n’est pas aisée, vu la radicalisation de la coalition au pouvoir à Tel-Aviv : passage de la colonisation à l’annexion du reste de la Palestine, adoption de lois liberticides, alliance avec les pouvoirs populistes et les forces d’extrême droite européennes…
Comment, par exemple, convaincre nos compatriotes confrontés au spectacle insupportable des massacres de civils désarmés à Gaza ? Certains prétendent que la lecture de certains versets du Coran expliquerait les actes de violence antisémites. Personnellement, j’ai l’impression que les horreurs perpétrées par les snipers israéliens constituent une incitation beaucoup plus puissante. Et j’ajoute que c’est évidemment injuste : les Juifs de France ne sont en rien responsables des crimes de l’armée israélienne. C’est dire l’irresponsabilité des dirigeants du Conseil représentatif des institutions juives de France (CRIF) quand, au nom des Juifs, ils défendent la politique israélienne : ce sont eux qui font le lien…
L'opinion publique internationale a fortement aidé à la fin du régime d'apartheid en Afrique du Sud. Que pouvons-nous faire pour développer l'intervention citoyenne sur la question palestinienne?
Tant qu’Israéliens et Palestiniens seront seuls face à face, rien n’avancera : c’est la lutte du pot de fer et du pot de terre. Il importe donc que la communauté internationale s’en mêle, sur la base de son droit et notamment des résolutions des Nations unies. C’est pourquoi beaucoup dépend de l’intervention de l’opinion publique. En France comme ailleurs, on l’a vu, une nette majorité des citoyens critique les choix des dirigeants israéliens. Reste à traduire cette critique en actes politiques capables de peser sur les gouvernements. C’est la tâche du mouvement de solidarité et notamment de la campagne BDS.
Il y a bien sûr le « B », dont nous avons parlé. Il se traduit aussi par le refus d’un grand nombre d’artistes de se produire en Israël – sans oublier l’annulation du match de football avec l’Argentine ! Mais il y a aussi le « D » et le « S ». Un nombre croissant de fonds de pension, de grosses banques, de grandes entreprises rompent leurs liens avec Israël et/ou les colonies de Cisjordanie. À terme, tout cela coûtera des milliards de dollars à l’économie israélienne.
À ceux qui doutent de l’efficacité de la campagne BDS, je rappelle qu’elle a d’ores et déjà de telles conséquences, économiques et surtout politiques, que Benyamin Netanyahou l’a qualifiée de « menace stratégique majeure ». Et qu’il a créé, pour la combattre, une organisation dotée, à la fin de l’année dernière, de 72 milliards de dollars. Mais tout l’or du monde ne rendra pas la politique anti-palestinienne d’Israël sympathique !
 
Comment voyez-vous le devenir des peuples palestinien et israélien ?
Je ne suis pas Madame Soleil. Ce dont je suis certain, c’est que le droit à l’autodétermination des peuples finira par triompher. Le conflit israélo-palestinien représente le dernier grand conflit de décolonisation au monde, et il s’achèvera comme les autres. C’est l’intérêt des deux peuples. Mais j’ignore quels contours aura cette solution.
La communauté internationale s’est prononcée, depuis des décennies, pour une solution sinon juste, en tout cas praticable : la création d’un État palestinien aux côtés d’Israël. Mais elle n’a rien fait pour l’imposer à Israël et, plus le temps passe, plus cette perspective s’estompe. Il faut être aveugle pour ne pas voir qu’Israël, qui a fait longtemps mine d’accepter cette formule, est en train de l’enterrer : en mettant le cap sur l’annexion de la Cisjordanie, la droite et l’extrême droite se fixent l’objectif d’un seul État, dans lequel les Palestiniens annexés avec leur terre ne jouiraient pas du droit de vote – un État d’apartheid. Vingt-sept ans après la disparition du régime raciste d’Afrique du Sud !
Il revient aux Palestiniens et aux Israéliens qui acceptent leur droit à l’autodétermination de choisir la solution qui leur convient. Pour ma part, je suis sensible à la voix de ceux qui, tout en voulant conserver les acquis diplomatiques de l’État de Palestine, proposent d’engager sans tarder le combat contre l’apartheid et pour l’égalité des droits. Nier la réalité n’a jamais permis de la transformer…
 
Israël-Palestine: Interview exclusive de Dominique Vidal pour Rouge Finistère, septembre 2018
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