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2 août 2016 2 02 /08 /août /2016 05:40

PROVOCATIONS ATLANTIQUES

Les dirigeants des Etats Européens membres de l’Alliance Atlantique ont-il voulu prendre exemple sur M. José Barroso, devenu lobbyiste pour Goldman Sachs après avoir présidé l’Union Européenne ?

Ont-ils, par conséquent, profité du sommet de l’OTAN pour préparer leur reconversion comme conseillers d’une société américaine d’armement ?

Assurément absurde… Enfin on l’espère, l’hypothèse est à peine plus effarante que la décision annoncée à l’issue de leur réunion de Varsovie, en Juillet : Le déploiement d’une nouvelle unité mobile de 4000 hommes en Pologne ou dans l’un des états Baltes. A porté de tir d’artillerie de St Petersbourg et du siège de la flotte Russe en mer Baltique.

On imagine déjà la rancœur des dirigeants russes quand l’OTAN, structure héritée de la guerre froide et qui aurait mérité de disparaître avec l’URSS (1), se réunit là même où, sous l’égide de l’Union Soviétique fut signé en mai 1955 le Pacte de Varsovie. Pour ne rien arranger, le général américain Curtis Scaparrotti, nouveau commandant des forces de l’ OTAN en Europe, a déclaré que la « structure de commandement » devrait être « assez agile pour que la transition se face naturellement entre la paix, la provocation, et le conflit » (2).

Vous avez dit « provocation »? Le président ukrainien Porochenko en guerre larvée avec la Russie, a été convié dans la capitale polonaise alors que son pays n’appartient pas à l’OTAN.

Il a pu y entendre le président des US rappeler son « ferme soutien aux efforts de l’Ukraine pour défendre sa souveraineté et son intégrité territoriale face à l’agression Russe« . Traduction : les sanctions occidentales contre Moscou seront maintenues « tant que la Russie n’aura pas pleinement rempli ses obligations découlant des accords de Minsk 3 ». Washington et ses alliés persistent donc à occulter le rôle des manœuvres ukrainiennes dans l’annexion de la Crimée par Moscou tout comme dans le non respect des accords de Minsk.

Pourquoi entretenir ainsi la tension entre les pays d’Europe et la Russie?

Cela permet à Washington de prévenir tout rapprochement entre eux et de s’assurer au lendemain du Brexit, que son allié le plus docile, le Royaume-Uni, demeurera étroitement associé au destin militaire du vieux continent. Berlin, qui vient d’accroitre son budget militaire estime de son côté que : » sans un changement de cap, la Russie représentera dans un avenir prévisible un défi pour la sécurité de notre continent (4) ».

On est presque tenté d’appliquer une telle formule à l’OTAN…

Les roulements de tambour de l’Alliance ont été recouverts par d’autres fracas. M. B Obama a dû écourter son séjour en Europe après l’assassinat de policiers à Dallas. Et, lors de son allocution du 14 juillet, quelques heures avant la tuerie de Nice, M. F.Hollande a parlé du salaire de son coiffeur mais n’a pas évoqué le sommet de Varsovie à l’issue duquel la France venait de s’engager à contribuer au déploiement de troupes à la frontière de la Russie.

pour le Monde Diplomatique n°7449 Aout 2016

(1) Lire Régis Debray, « La France doit quitter l’OTAN » (le monde diplo, mars 2013).

(2) Cité par The Wall Street Journal N.Y., 11/07/2016.

(3) Accord destiné à mettre fin au conflit en Ukraine orientale. Lire Igor Delanoï « L’Ukraine entre guerre et paix », Le monde diplo, mars 2015

(4) Livre blanc allemand pour la défense. Cité par le Figaro, Paris, 14 juillet 2016

Serge Halimi

Serge Halimi

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2 août 2016 2 02 /08 /août /2016 05:20

Louis Aminot nous a fait part d'un article très intéressant de Bernard Norlain sur des enjeux dont personne ou presque ne parle dans les médias. Il est écrit dans le cadre de l'association IDN de Paul Quilès, qui s'engage pour un désarmement nucléaire.

Le Sommet de l’OTAN à Varsovie qui s’est achevé le 9 juillet a donné lieu à la publication d’un très long communiqué des chefs d’État et de gouvernement. Ce communiqué est d’abord caractérisé par une inflation du nombre d’articles qu’il contient : 139. Par comparaison, le communiqué du Sommet de Lisbonne en 2010 comprenait 54 articles et celui du Sommet du Pays de Galles 113.

Rien d’étonnant à cela : ce Sommet se situait à un moment crucial pour l’OTAN, confronté à un « nouvel environnement de sécurité » et dont on attendait la définition d’une nouvelle posture stratégique. Effectivement, tout au long de ce communiqué cette nouvelle posture est définie comme une « posture de dissuasion et défense ».

Dans le cadre du volet dissuasion, le communiqué, dans ses articles 53 et 54, réaffirme le rôle du nucléaire « L’objectif fondamental de la capacité nucléaire de l’OTAN est de préserver la paix, de prévenir les actions coercitives et de décourager toute agression ». Mais il le fait de façon ambigüe : « aussi longtemps qu’il y aura des armes nucléaires, l’OTAN restera une alliance nucléaire ».

Néanmoins, le communiqué précise également que « les forces nucléaires stratégiques indépendantes du Royaume-Uni et de la France ont un rôle de dissuasion propre et contribuent à la sécurité globale de l’Alliance ». Voilà qui devrait rassurer la France, très inquiète de voir l’OTAN s’éloigner de la dissuasion nucléaire et qui souhaitait redonner à l’OTAN une culture nucléaire.

Bien entendu, le communiqué évoque les armes nucléaires américaines stationnées en Europe : «la posture de dissuasion nucléaire de l’OTAN repose également, en partie, sur les armes nucléaires des Etats-Unis déployées en Europe ». En effet, la présence d’armes nucléaires en Europe depuis 1954 par les Etats-Unis n’est plus un secret. Actuellement environ 200 bombes nucléaires américaines (modèle B-61) sont stationnées en Belgique, au Pays-Bas, en Italie, en Allemagne et en Turquie.

Il est regrettable que les dirigeants politiques n’aient pas plaidé en faveur du retrait de cet arsenal qui, en l’état actuel, n’a plus aucune valeur opérationnelle, et qui contrevient aux articles 1 et 2 du Traité de Non-Prolifération nucléaire (TNP).

En dépit de cette réaffirmation du rôle des armes nucléaires dans la stratégie de l’OTAN, une lecture attentive du communiqué final du Sommet de Varsovie met en évidence une certaine prudence dans l’utilisation conceptuelle des armes nucléaires. On peut noter par exemple que le volet opérationnel du nucléaire ne fait l’objet que de deux articles. En revanche les appels au désarmement, au respect du TNP notamment, occupent 9 articles, du 62 au 68 :

Ainsi sur l’utilité stratégique des armes nucléaires, on peut lire la phrase suivante « les conditions dans lesquelles l’OTAN pourrait être amenée à recourir à l’arme nucléaire sont extrêmement improbables ».

Sur le TNP, « l’Alliance réaffirme sa détermination à tendre vers un monde plus sûr et à créer les conditions d’un monde sans armes nucléaires de façon pleinement conforme à toutes les dispositions du TNP »

Sur le désarmement « Nous restons déterminés à contribuer à créer les conditions pour de nouvelles réductions sur la base de la réciprocité ».

De l’examen de l’ensemble des articles plus ou moins consacrés au nucléaire, on retire une impression d’ambigüité de la position de l’OTAN. Une valse-hésitation, un pas en avant, deux pas en arrière. En somme, plutôt que le renforcement du rôle du nucléaire demandé par plusieurs pays, il semble que ce soit le statu quo qui ait prévalu.

Cependant les chefs de gouvernement auraient pu s’interroger sur les modalités de sécurité qui entourent ces armes. Il est écrit en effet dans l’article 53 « Les Alliés feront en sorte que tous les éléments composant la dissuasion nucléaire de l’OTAN restent sûrs, sécurisés et efficaces. Cela exigera un maintien de l’attention des dirigeants et une excellence institutionnelle pour la mission de dissuasion nucléaire ».

Or, le coup d’Etat en Turquie est une preuve flagrante du danger que ces armes font courir à la sécurité internationale. La base turque d’Incirlik, située à 110 kilomètres de la Syrie, abrite au moins 50 bombes thermonucléaires, ce qui représente le plus grand stock d’armes nucléaires de l’Alliance. Pendant les heures d’instabilités qui ont suivi le coup d’Etat, cette base a été en proie à un certain désordre et la sécurité a été portée au niveau « FPCON Delta », niveau le plus élevé d’alerte utilisé normalement en cas d’attaque terroriste imminente. Ces armes ont-elles été en « danger » de vol, d’acte de destruction, de vandalisme ? Nul ne le sait, aucune communication officielle n’ayant été faite, mais on sait que le commandant de cette base et neuf autres de ses officiers ont été arrêtés pour avoir soutenu le coup d’Etat…

Face à une telle situation d’instabilité et de risque potentiel, ne serait-il pas temps pour les Etats-Unis de rapatrier ces armes sur son territoire ? Les Etats membres de l’OTAN qui partagent cette politique nucléaire ne devraient-ils pas s’inquiéter de ces risques ? Si le pire arrivait – détonation accidentelle ou volontaire – « les effets d’une explosion atomique ne connaîtraient pas de frontières nationales et affecteraient les États et les populations, tant au niveau régional qu’au niveau mondial ». C’est la conclusion faite par la Norvège (membre de l’OTAN) en 2013 lors de la première Conférence sur l’impact humanitaire des armes nucléaires…

Il n’est pas inutile de noter par ailleurs que ce retrait serait un signe d’apaisement envers Moscou, qui voit s’installer le long de sa frontière européenne un système de défense antimissile, dont le rôle est complémentaire de celui des armes nucléaires, ainsi que l’a affirmé ce Sommet.

Bernard Norlain

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1 août 2016 1 01 /08 /août /2016 10:15
Marwan Barghouti sera t-il le Nelson Mandela palestinien? (Haaretz, 22 juillet 2016)

Voici une nouvelle preuve de l'importance de la campagne internationale pour "nobéliser" Marwan Barghouti et obtenir la libération de ce prisonnier politique, condamné à perpétuité par les Israéliens, ce dossier de Haaretz sur le leader politique palestinien le plus respecté et le plus capable de rassembler la nation palestinienne.

Marwan Barghouti sera-t-il le Nelson Mandela palestinien ?

Près d’une décennie et demie après qu’il a commencé à purger plusieurs peines d’emprisonnement à perpétuité pour son rôle dans les meurtres de la seconde Intifada, Marwan Barghouti est toujours perçu – parmi la plupart des Palestiniens, parmi de nombreux Israéliens et parmi les dirigeants dans le monde – comme l’homme qui pourrait mener son peuple à l’indépendance. Par le biais d’un intermédiaire, Barghouti déclare à Haaretz qu’il demeure un ferme défenseur de la solution à deux états et qu’il a l’intention de briguer la présidence palestinienne si des élections étaient tenues.

Gidi Weitz et Jack Khoury, Haaretz, vendredi 22 juillet 2016

1. RAMALLAH, 2002

Le 15 avril, le Chef de l’Etat-Major des Forces de Défense d’Israël, Shaul Mofaz, a appelé le ministre de la défense, Benjamin Ben-Eliezer. “Le Shin Bet a retrouvé sa trace. Nous savons où il se cache,” a déclaré Mofaz au ministre. “Je ne veux pas qu’il soit liquidé – ne faites que l’arrêter,” Ben-Eliezer en a conjuré Mofaz. A son avis, l’individu le plus recherché serait le prochain dirigeant des Palestiniens, après l’époque de Yasser Arafat.

“S’il essaie de résister et de combattre, nous l’abattrons,” a déclaré Mofaz à son chef, “mais je suis prêt à parier qu’il va se rendre sans combattre. Il n’a pas de cran.”

Dans les mois avant qu’il ne soit repéré, Marwan Barghouti s’est comporté comme un homme traqué. “Nous avons essayé deux fois de l’éliminer, nous avons malmené les siens de tous les côtés,” a déclaré à Haaretz Avi Dichter, à l’époque chef du service de sécurité du Shin Bet.

Le 29 mars 2002, les FDI ont lancé l’Opération Bouclier Défensif, pour faire la conquête des villes palestiniennes de Cisjordanie. On allait se souvenir en Israël du mois qui annonce le printemps comme le "Mars noir" : 110 civils et soldats ont été tués lors des attaques terroristes, principalement lors d’attentats-suicides.

Après que l’armée a repris le contrôle de Ramallah, Marwan Barghouti, député palestinien, secrétaire général du Fatah et dirigeant de la milice du Tanzim (= Organisation) – le “chef d’état major de l’intifada,” selon le point de vue d’Israël – a disparu comme si la terre l’avait englouti. “On nous a dit quelque chose que nous avions rarement entendu,” a déclaré à Haaretz le Capitaine A., de l’unité d’infiltration Duvdevan, “ à savoir que l’ordre de le capturer était une directive du premier ministre, Ariel Sharon.”

La mise sur écoute a révélé que Barghouti se cachait dans une maison sécurisée. Le commandant d’alors de la Brigade de Ramallah de l’armée, le Général de Brigade (de réserve) Ilan Paz, a raconté à Haaretz : “Quant les services de renseignement sont arrivés à la conclusion qu’il était dans un bâtiment au coeur d’un quartier de Ramallah, (des forces d’) une brigade blindée ont encerclé le site et l’on m’a passé le flambeau. L’unité Duvdevan était sous mon commandement. Nous avons compris qu’il était dans le bâtiment. L’un des soldats l’a vu à travers la fenêtre, se mettant à l’abri près de ce qui nous semblait être, du moins, une vieille femme qui était étendue sur un lit. Nous avons évacué tout le monde du bâtiment. J’ai appelé le commandant de la division, Yitzhak Gershon, et je lui ai dit que si j’étais à sa place, je reconsidèrerais l’ensemble du problème.

“Placer un dirigeant politique en captivité n’est pas une mince affaire,” a ajouté Paz. “A la fin de la journée, il n’avait assassiné personne de ses propres mains. Je m’interrogeais moi-même quant à la nécessité de l’opération qui pourrait se terminer par le fait qu’il soit tué. La réponse que j’ai reçue : « Aller de l’avant. » Dans des cas comme ceux-ci nous avions mis en oeuvre la procédure de la "cocotte-minute". Vous réduisez progressivement l’affrontement, afin de ne pas mettre en danger la vie des soldats, jusqu’à ce qu’un canon anti-char soit dirigé vers la maison ou qu’on fasse appel à des bulldozers. Dans ce cas, l’affrontement s’est terminé quand nous nous sommes dirigés, armés et avec des chiens, vers la porte de l’immeuble dans lequel il se cachait. Il est sorti, paraissant effrayé.”

Gershon, le commandant de la division, a pris la main de Barghouti et l’a mené hors de l’immeuble. “Je l’ai placé dans le véhicule de commandement,” a raconté Gershon lors d’un entretien avec Haaretz. “J’ai sorti ma gourde et je lui ai donné de l’eau. Il avait en quelque sorte pété les plombs. Très effrayé. Je lui ai dit : Ne vous inquiétez pas. Nous ne vous ferons pas ce que vous nous auriez fait.”

Gershon a ajouté : “A mon avis, il aurait dû être relâché sans condition à ce moment. Et non comme quelqu’un qui collabore avec nous, mais comme quelqu’un qui prévoira (l’avenir du) peuple palestinien, s’il y a encore une petite chance qu’il puisse devenir une personnalité dirigeante de l’autre bord. Je dis ceci même si je sais qu’il a du sang sur les mains, en tant que chef du Tanzim pendant la seconde intifada. L’on fait la paix avec des ennemis puissants dont l’honneur n’a pas été piétiné.”

"Le mythe grandira"

Les officiers qui ont capturé Barghouti sont convaincus qu’il devrait être libéré maintenant. Le même point de vue a été défendu par Ehud Barak. Peu après que Barghouti a été capturé et emmené pour interrogatoire par le Shin Bet, Barak – premier ministre au moment où la seconde intifada a éclaté, mais à ce moment-là simple citoyen – a parlé à Mofaz, Chef d’Etat-Major. “Avez-vous perdu la tête ? Qu’est-ce qui se passe avec Barghouti ?” a simplement demandé Barak. “Si cela fait partie de votre lutte contre le terrorisme, cela n’a aucun sens. Mais si c’est une partie d’un grand projet pour faire de lui un futur dirigeant national des Palestiniens, alors c’est un plan génial, parce que ce qui manque vraiment dans son curriculum vitae c’est une appartenance au terrorisme. Il luttera pour la direction de l’intérieur de la prison, en n’ayant rien à prouver. Le mythe grandira de lui-même de façon constante.”

Le Premier Ministre Sharon, qui a donné l’ordre de tuer ou d’arrêter Barghouti, était d’accord de le libérer pour une raison différente : en tant que partie d’un éventuel accord avec les Américains en échange de l’espion Jonathan Pollard. Mais cela n’a pas fonctionné. Yuval Diskin, chef adjoint du Shin Bet pendant l’intifada, a déclaré dans des conversations privées que la libération était certainement possible en tant qu’étape dans le cadre de négociations avec les Palestiniens. (Diskin n’a pas répondu à une question d’Haaretz sur le sujet.)

En revanche, l’ancien Ministre de la Défense Moshe Ya’alon, qui était chef d’état major adjoint au moment de la capture de Barghouti, pense que la place de celui-ci reste la prison. Cette opinion est partagée par Avi Dichter, qui a dirigé l’organisation de l’ombre qui a trouvé les renseignements sur le lieu où se trouvait Barghouti. “Quand j’étais le chef du Shin Bet,” dit-il, “il y avait des ministres dans le gouvernement Sharon qui ont essayé de faire pression sur moi pour prendre position en faveur de sa libération. Je leur ai dit que ce n’était pas la peine. Un dirigeant politique israélien de tout premier plan me l’a décrit comme "Mandela. » (L’ancien dirigeant du Meretz) Haim Oron le voyait comme l’avenir de la nation palestinienne. Je leur ai dit à tous qu’il avait acheté son rôle dirigeant avec le sang des Juifs.”

La direction civile et militaire israélienne qui s’était occupée de la seconde intifada était alors divisée sur la question difficile de savoir s’il fallait ou non libérer Barghouti. Mais toute cette histoire n’est qu’une promotion pour le drame qui pourrait s’ensuivre quand l’actuel président palestinien, Mahmoud Abbas (Abu Mazen) se retirera. Malade, fatigué et s’en tirant de façon désastreuse dans les sondages (65 % de l’opinion publique palestinienne veulent qu’il s’en aille), Abbas pourrait annoncer bientôt sa démission. “Il n’a aucun soutien,” déclare Yossi Berlin qui a co-rédigé un projet d’accord de paix avec Abbas en 1995. “Il fonctionne comme dans d’autres régimes que nous connaissons : au moyen de décrets présidentiels, de forces de sécurité loyales et d’un recul significatif des droits de l’homme. Son régime est faible, et donc les circonstances de son départ ne sont pas forcément liées à son état de santé.”

En attendant, Barghouti a déjà annoncé que si Abbas se retire et qu’une élection présidentielle se tient, il s’y présentera depuis sa cellule à la Prison d’Hadarim, prés d’Haïfa, où il purge cinq peines à perpétuité.

“Il [Barghouti] a été bien en avance sur ses rivaux dans tous les sondages d’opinion effectués ces dernières années,” a déclaré à Haaretz le Dr. Khalil Shkaki, directeur du Centre Palestinien de Politique et de Recherche par Sondage, installé à Ramallah. Dans le tout dernier sondage du centre, effectué ce mois-ci en Cisjordanie et à Gaza avec la participation de 1.200 personnes interrogées, le soutien à Barghouti s’élevait à 40 %, contre 20 % à Abbas et 35 % à la personnalité de premier plan du Hamas, Ismail Haniyeh.

Dans un sondage effectué en mars dernier, qui supposait le scénario d’une campagne électorale entre Barghouti et Haniyeh, le premier obtenait 57 %, le second 39 %. Le sondage a montré que dans une compétition entre Haniyeh et Abbas, le dirigeant installé à Gaza gagnerait haut la main, par 52 % contre 41 %.

Selon Shkaki, il est important de garder à l’esprit que la majorité de l’opinion publique palestinienne ne croit pas qu’une élection se tiendra de sitôt. Néanmoins, dans un scénario selon lequel le mandat d’Abbas se termine soudainement, le Fatah et les institutions de l’OLP devront prendre des mesures immédiates pour susciter l’élection d’un successeur. “Il ne fait pas de doute que Marwan Barghouti est dans une meilleure position de départ que tout autre candidat,” conclut Shkaki.

Non-violence collective

Même s’il se réveille chaque matin pour l’appel des prisonniers pendant le reste de sa vie, Barghouti aujourd’hui semble présenter une complète alternative idéologique à Abbas quand il en vient aux questions-clés : la réconciliation avec le Hamas, la cessation immédiate de la coopération sécuritaire avec Israël, le soutien de l’Autorité Palestinienne à la protestation non-violente collective contre Israël et un boycott des produits palestiniens. Barghouti pense que l’“intifada des couteaux” est une erreur fatale. Dans un entretien par le biais d’un intermédiaire qui lui a rendu visite en prison à la fin de juin, il a déclaré à Haaretz qu’une protestation populaire doit regrouper des centaines de milliers de gens de toutes les factions palestiniennes, y compris le Hamas et le Jihad Islamique. la protestation doit être continuelle et systématique, afin d’établir une pression internationale sur Israël pour revenir à la table des négociations et mettre fin à l’occupation.

“Il y a une disponibilité pour la lutte parmi les Palestiniens ; ils ont besoin de quelqu’un pour les conduire,” a déclaré Barghouti à son interlocuteurr. “Je soutiens toujours sans équivoque l’idée de deux états pour deux nations. L’AP peut aujourd’hui agir dans une ou deux directions : pour servir d’outil pour se libérer de l’occupation, ou pour être un outil qui valide l’occupation. Ma tâche est de rétablir l’AP dans son rôle d’instrument de libération nationale.”

Barghouti reçoit régulièrement la visite de députés arabes à la Knesset, dont certains le voient comme un futur dirigeant. “On peut évaluer à 86 % le nombre des Palestiniens qui le soutiennent,” déclare le député Ayman Odeh, chef de la Liste Unie formée par les partis arabes. Odeh a récemment apporté à Barghouti l’imposante biographie de Nelson Mandela du journaliste et écrivain britannique Anthony Sampson publiée en 1999.

Le député Zahalka, président du parti Balad, une composante de la Liste Unie, a rendu visite à Barghouti il y a une semaine et rapporte que ce dernier a considéré la candidature collective arabe lors de la dernière élection de la Knesset comme un modèle à suivre, “pour son aspiration à unir le Fatah et le Hamas dans la révolution par une protestation non-violente. Il est le meilleur candidat à la présidence. Il a une vision du monde éclairée quant aux droits des femmes, par exemple,” remarque Zahalka.

L’avocat et ami proche de Barghouti, Elias Sabbagh, lui rend visite chaque semaine. La semaine dernière ils se sont rencontrés à la Prison de Gilboa, dans laquelle Barghouti a été brusquement déplacé quand les responsables de la Prison d’Hadarim ont reçu “une information des services de renseignements relative à une infraction disciplinaire ,” selon une source émanant du Service des Prisons d’Israël.

“Pour Barghouti, la lutte non-violente est un moyen, et non une fin,” explique Sabbagh, “tant que continuent la construction de colonies et la judaïsation de Jérusalem. Il m’a dit que des négociations sont possibles si Israël se déclare prêt à mettre fin à l’occupation et à revenir aux lignes de 1967 dans un laps de temps d’un an.”

Mais Barghouti est pessimiste sur le fait que cela puisse avoir lieu dans un avenir proche. “Aucun de Gaulle ou de Klerk n’est encore apparu en Israël,” a-t-il remarqué à partir de sa cellule.

Un document en possession d’Haaretz, qui a été établi par le service de renseignement du SPI, remarque que Barghouti “a lancé, enseigné et institutionnalisé l’idée d’études universitaires clandestines pour les détenus des prisons de haute sécurité, en faisant appel à cette fin à des universités arabes. Le prisonnier est en contact continu avec des personnalités politiques du Fatah qui se trouvent à l’extérieur, cela par divers moyens, parmi lesquels les visites des avocats qui sont un vecteur de réception et de transmission de messages et qui s’occupent de sa part de la coordination. Le prisonnier a été impliqué dans l’organisation et la coordination de dispositifs de protestation violente et active contre le SPI, de grèves de la faim collectives … Ce prisonnier a un statut de supérieur à l’intérieur et à l’extérieur des installations de détention, il est un soi-disant candidat à la direction du Fatah, et comme tel est un sujet d’intérêt de la part de personnalités de la scène politique en Israël et ailleurs.”

2. RAMALLAH, 2016

“L’idée est de mobiliser des centaines de milliers de personnes, qui marcheront vers Jérusalem,” nous dit l’ancien ministre de l’AP Qadura Fares tout en écrasant une autre cigarette Rothmans. Fares est considéré comme un proche collaborateur de Barghouti, son représentant à l’extérieur. Lui aussi est très familier des prisons israéliennes, dans lesquelles il a passé15 ans pour appartenance à un groupe armé du Fatah. Il a été libéré dans le sillage des accords d’Oslo. Récemment, le journaliste Avi Issacharoff a révélé l’existence d’arrangements qui ont été conclus au début de cette année entre Fares et de hauts dirigeants du Fatah proches de Barghouti, et le Hamas, au sujet du renouvellement de la lutte palestinienne dans l’esprit de Martin Luther King Junior et du Mahatma Gandhi.

“Une autre voie est de faire s’asseoir des dizaines de milliers de gens sur les routes de contournement (en Cisjordanie) de l’aube au coucher du soleil,” déclare Farès. “Et imaginons qu’un colon tombe entre les mains des masses ? Il n’est pas nécessaire de lui faire du mal, mais seulement de lui dire : "quittez les lieux". Je parle d’une révolution populaire soutenue qui perturbera les vies des colons. Je veux jouer aux échecs avec mes amis ? Nous nous asseoirons sur la route. Quelqu’un veut une cérémonie de mariage ? Elle aura lieu sur une route de contournement.”

Vous avez constamment échoué à mener une lutte non-violente, et vous avez plutôt été tenté par des attaques-suicides.

Fares : “D’accord. Cela demandera quelques mois d’entraînement et de préparation. Mais je peux vous dévoiler que toutes les personnes parmi les sommités du Hamas avec lesquelles j’ai parlé se rangent à l’idée d’une intense protestation collective non-violente.”

Une photographie dans le bureau de Fares montre Barghouti, dans un uniforme de prison, serrant énergiquement les mains d’un jeune prisonnier du nom de Thaer Hamed, tous les deux arborant un sourire victorieux. Les voici, les deux symboles de la seconde intifada.

A 6 h, le 3 mars 2002 Hamed était posté en embuscade sur une colline donnant sur un point de contrôle militaire à Wadi Haramiya, entre Ramallah et Naplouse. Armé d’un vieux fusil Mauser, il a tiré et tué sept soldats des FDI et trois civils, avant de s’échapper et de devenir un héros populaire dans les territoires occupés. Des légendes apparurent sur l’identité du mystérieux tireur d’élite, qui ne fut arrêté que deux ans plus tard. “A mes yeux, il est un héros, comme tous les prisonniers palestiniens,” nous a déclaré Fares. “Il a tué des soldats qui causaient souffrance et humiliation à des dizaines de milliers de Palestiniens, et il les a vaincus avec une arme démodée.”

Comment résolvez-vous la contradiction entre l’admiration pour un tireur d’élite et l’accent mis sur la protestation non-violente ? Devons-nous en conclure que vous pensez que la seconde intifada a été une erreur ?

Fares : “Au cours de notre histoire, nous avons lutté avec notre sang beaucoup plus qu’avec notre tête.”

Le combat international

L’avocate Fadwa Barghouti, l’épouse du prisonnier, a un bureau au sixième étage d’un brillant immeuble de bureaux au centre de Ramallah. Sur les murs il y a des photographies et des tableaux de la main de son mari emprisonné. Depuis l’incarcération de Barghouti, Fadwa a géré un fonds financé par l’AP dont l’objet est d’établir une pression internationale pour provoquer sa libération et de façon générale pour entretenir le mythe autour de lui, qui a beaucoup de points communs avec l’aura qui s’est installée en Afrique du Sud autour de Mandela. Elle voyage beaucoup, rencontrant des ministres des affaires étrangères et des faiseurs d’opinion publique.

La campagne pour la libération de Barghouti a été lancée en 2013 à partir de la cellule de Nelson Mandela à Robben Island, en Afrique du Sud, où beaucoup de dirigeants de la lutte contre l’apartheid furent emprisonnés. Serré avec Fadwa Barghouti dans la minuscule cellule, il y avait à cette occasion Ahmed Kathrada, autre lutteur contre le régime raciste, qui a aussi purgé dans la prison une peine de longue durée.

La déclaration de Robben Island demandant la libération de Barghouti a eu pour signataires huit lauréats du Prix Nobel de la Paix Nobel, dont l’ancien Président des USA, Jimmy Carter, et Desmond Tutu, lui-même vétéran de la campagne d’Afrique du Sud. Cette année, Tutu a envoyé une lettre au comité Nobel, le pressant de décerner le Prix de la Paix à Barghouti. Adolfo Perez Esquivel, le militant des droits de l’homme en Argentine qui a lui-même obtenu ce prix en 1980, a aussi proposé,en même temps que plusieurs députés belges, que ce prix soit accordé à l’homme qui purge actuellement en Israël cinq condamnations à perpétuité, après avoir été reconnu coupable de meurtre – en soulignant son engagement pour la démocratie, les droits de l’homme et l’égalité entre hommes et femmes.

Au cours des premières années de son emprisonnement, son mari avait été placé en isolement cellulaire et elle n’était pas autorisée à le voir, à l’exception d’une visite dramatique qui avait été autorisée par le bureau du Premier Ministre Sharon. Ces dernières années, elle a reçu l’autorisation de deux visites de 45 minutes par mois. Les appels téléphoniques sont interdits. Elle lui apporte les livres qu’il demande (elle est autorisée à apporter un livre par mois). En plus d’être un obsessionnel lecteur de livres (huit à dix par mois, selon ses confidents, dont, dernièrement, la biographie de Sharon de David Landau), il est abonné à l’édition en anglais d’Haaretz, regarde religieusement l’émission quotidienne d’actualités “London et Kirschenbaum” [1] et les informations israéliennes, fait des exercices physiques dans la petite cour et donne des conférences aux prisonniers.

Marwan Barghouti est né en 1959 à Kobar, un petit village près de Ramallah. Il a été arrêté pour la première fois à l’âge de 15 ans, pour avoir participé à des manifestations contre l’occupation. En 1978, à l’âge de 19 ans, il a été jugé et condamné à cinq ans d’emprisonnement dans une prison israélienne pour appartenance aux escadrons du Fatah. Il a, pendant sa peine de prison, terminé ses études supérieures. Après sa libération il a épousée Fadwa, une parente éloignée ; leur mariage a été reporté à maintes reprises en raison des fréquents arrestations et interrogatoires de Barghouti. “Il n’a été présent à aucune des naissances de mes quatre enfants,” raconte Fadwa Barghouti. Le premier-né du couple a été appelé Qassam, d’après Iz al-Din al-Qassam, un pionnier de la lutte nationale palestinienne.

Barghouti a étudié les sciences politiques à l’Université de Bir Zeit en Cisjordanie et a été élu président du syndicat des étudiants. “Dans ces années il a vécu entre interrogatoires et arrestations, une vie clandestiine ” déclare sa femme. "L’université était le coeur de l’agitation nationale palestinienne.”

En mai 1987, Barghouti a été expulsé vers la Jordanie. Son expulsion, avec certains dirigeants de l’université, était censée être “une frappe préventive” israélienne pour maîtriser l’agitation. Toutefois, sept mois après la vague d’arrestations, la première intifada a éclaté, stupéfiant le Shin Bet et le monde des services secrets israéliens – et aussi Yasser Arafat et la direction de l’OLP à Tunis. Fadwa Barghouti a rejoint son époux, et leur famille a déménagé en faisant des allers et retours entre la Jordanie et la Tunisie. Selon un ancien haut responsable du Shin Bet, pendant l’intifada, il y a eu au moins un cas de meurtre d’un colon dans lequel a été attestée l’implication de Barghouti, qui était à l’époque en Jordanie.

En 1994, à la suite de la signature des Accords d’Oslo et de l’arrivée de la direction de l’OLP dans la Bande de Gaza, Israël a autorisé Barghouti à revenir.

“A la différence d’autres, il croyait bel et bien qu’Oslo aurait été une période de cinq ans après laquelle l’état palestinien aurait été créé” rappelle Fadwa Barghouti. “Mais l’assassinat du Premier Ministre Yitzhak Rabin a dangereusement porté atteinte au processus. Après l’arrivée au pouvoir de (Benjamin) Netanyahu, il a compris que le processus ne serait pas mené à bien. Contrairement à votre description, l’offre de Barak à Camp David n’était pas généreuse. La poussée de construction de colonies et l’établissement de routes de contournement nous a montré que vous n’aviez aucun intérêt à conclure un accord.

“Notre génération, de Marwan et moi, recèle encore une étincelle de l’espoir que le conflit se terminera par une solution à deux états,” ajoute-t-elle. “Mes enfants n’y croient pas ; ils aspirent à un seul état, démocratique.”

Dans la période entre Oslo et la seconde intifada, Barghouti a établi un vaste réseau de liens sociaux avec des hommes politiques israéliens. Un des amis proches de Barghouti à l’époque était Haim Ramon, un ancien membre du gouvernement.

Nous avions l’habitude de nous rencontrer chaque semaine, habituellement le vendredi à Tel Aviv,” rappelle Ramon. “Il était une des personnalités les plus modérées de l’AP. Il m’a dit alors qu’il était possible de conclure un accord, prenant en compte la question des réfugiés. Dans nos conversations, il disait qu’il était évident qu’aucun réfugié ne reviendrait en Israël, sauf ceux vivant dans les camps du Liban, qui étaient, disait-il, les plus misérables de tous. Il avait une haine pathologique des colons. Pendant la seconde intifada, il a choisi le terrorisme. Après qu’il a été emprisonné, j’ai reçu des messages de lui du genre de, "Pourquoi Ramon ne me rend-il pas visite ?"

“Il n’y a aucun doute qu’il sera le prochain président palestinien,” continue Ramon. « ll est le consensus. Il est très bien accepté par le Hamas. Quand cela arrivera, une forte pression internationale s’exercera sur Israël, qui sera forcé de le libérer.”

En 1996, s’est tenue la première élection du parlement palestinien, le Conseil Législatif. “A cette époque, Barghouti faisait circuler des tracts en faveur du processus politique, d’Oslo et d’un accord, mais cela était un cas anormal, unique,” déclare le Dr. Matti Steinberg, expert des politiques palestiniennes et conseiller de quatre directeurs du Shin Bet. “La vie de Barghouti incarne l’espoir et la déception en un accord politique avec Israël. Je m’attends à une crise à la suite du départ d’Abu Mazen, après laquelle ils feront appel au sauveur à partir de sa prison. Nous pourrions bien assister à une évolution semblable à ce qui s’est passé en Afrique du Sud : un leader palestinien en prison. C’est une situation très dangereuse, qui conduira à la pression internationale pour sa libération.”

Pendant les années où Barghouti flirtait avec la gauche sioniste, il a fait de temps en temps des déclarations qui ont cassé son image de meilleur partenaire , et qui peut-être ont laissé présager l’avenir. Des exemples en sont sa proposition au parlement palestinien d’envoyer des condoléances à la famille d’un terroriste qui s’était fait exploser au Café Apropos à Tel Aviv en 1997, et une allusion au fabricant de bombe installé à Gaza, Yahya Ayyash, connu sous le nom de “l’Ingénieur,” comme étant un chahid ou un martyr de la cause. “C’est un discours interne palestinien,” a expliqué Barghouti aux Israéliens dont il sentait qu’il les décevaient. Il a créé le Tanzim, une organisation politique qui reflétait la situation de la population locale à l’opposé des personnalités en costume, fumant le cigare, qui arrivaient de Tunis.

“Le groupe de Tunis nous considérait comme des soldats, et Marwan voulait qu’ils nous considèrent comme des partenaires,” remarque Qadura Fares au sujet de la querelle intestine à l’intérieur du Fatah. “Il avait été expulsé et il connaissait les deux mondes, ainsi il était directement au courant de l’énorme disparité entre le niveau de vie de l’équipe dirigeante à Tunis et la pauvreté dans les territoires. Il luttait pour l’égalité et la démocratisation. Il travaillait à l’intégration des gens venant des territoires dans l’appareil de l’AP.”

Barghouti s’est opposé aux dispositifs de sécurité créés par Arafat, et a accusé publiquement leurs chefs de brutalité et de corruption.

“Son bureau à Ramallah était une résidence, avec des enfants pissant dans la cage d’escalier. C’était le cadre qu’il avait choisi afin de souligner le fait qu’il venait des gens ordinaires,” déclare le journalist Danny Rubinstein, qui était un ami proche de Barghouti. “Le Tanzim était une milice civile qui lui était fidèle. Il était la principale opposition au groupe de Tunis. C’était sa carte de visite politique, et elle était censée l’amener à la direction après Arafat. Il était entièrement favorable à un accord. Je l’ai rencontré deux jours avant qu’il n’entre dans la clandestinité et il a commencé à être traqué. C’était dans le hall de l’Hôtel du Parc, à Ramallah. Il m’a dit que l’endroit pouvait sauter – il craignait de se trouver sur le point d’être liquidé.”

En 2000, à la veille de la conférence de Camp David, Barghouti a déclaré que, “Arafat n’a pas le droit de sacrifier le droit au retour des réfugiés.” La conférence s’est soldée par un échec, avec la déclaration d’Ehud Barak selon quoi il n’ y avait “aucun partenaire” pour faire la paix. Deux mois plus tard, le 28 septembre 2000, le député Ariel Sharon, chef de l’opposition, s’est rendu sur le Mont du Temple. Des émeutes ont éclaté dans les territoires. Les FDI, qui dans les mois précédant Camp David s’étaient entraînées en vue d’une guerre déclenchée par les Palestiniens, ont réagi de façon agressive.

“Au début, la proportion de ceux qui étaient tués était de 15 pour 1 au détriment des Palestiniens,” a remarqué Diskin, ancien directeur du Shin Bet, dans un interview à l’émission de la Chaîne, “La Source,” qui portait sur les leçons de la seconde intifada. Diskin était en désaccord avec l’affirmation des chefs des FDI selon laquelle les Palestiniens avaient préparé une guerre.

Mais les deux officiers des FDI de plus haut rang à l’époque, Mofaz et Ya’alon, ont mis en avant un récit suggérant juste cela. Ils ont affirmé que la soi-disant intifada d’Al-Aqsa avait été organisée longtemps avant et que la visite de Sharon au Mont du Temple n’était qu’une excuse. Quelques mois plus tôt, Barghouti avait perdu contre Hussein al-Sheikh dans l’élection du secrétaire général du Fatah. Arafat ignorait les résultats. Ya’alon était convaincu que c’était une ruse, une manoeuvre délibérée de la part d’Arafat, qui avait désigné Barghouti – considéré comme une personnalité charismatique, combattive – pour diriger l’Intifada. Le chef d’état major adjoint voyait un net présage d’autres choses à venir dans les évènements qui en 2000 ont commémoré la Nakba (que les Palestiniens considèrent comme “la catastrophe” de la création d’Israël en 1948), qui ont été dirigées par Barghouti, quelques mois avant le sommet de Camp David. Pendant la commémoration de la Nakba, dans des manifestations qui ont duré pendant trois jours, des pierres et des cocktails Molotov ont été jetés sur les soldats. Huit Palestiniens sont morts dans les échanges de tirs qui s’en sont suivis entre les troupes israéliennes et les miliciens du Tanzim. A ce jour, Ya’alon est convaincu que ceci était la promo, et que Barghouti était alors, et plus particulièrement pendant l’intifada, “l’alter ego d’Arafat.”

Le bras droit d’Arafat

Trois jours avant la visite de Sharon au Mont du Temple, et l’éclatement des émeutes dans les territoires qui a suivi, Carmi Gillon, un ancien directeur du Shin Bet qui était alors le chef du Centre Peres pour la Paix, a rencontré Barghouti dans le hall de l’Hôtel Hyatt à Jérusalem, afin d’organiser des projets communs pour la jeunesse israélienne et palestinienne.

“Il ne ressemblait pas à quelqu’un qui passait ses nuits à préparer l’intifada et ses jours à lancer des projets de paix,” se rappelle Gillon. “Mon impression était qu’il préconisait un accord. L’explosion de l’intifada l’a surpris, ainsi qu’Arafat. Et ensuite il a mangé du lion. Barghouti a compris que la voie politique de soutien à un accord ne l’aiderait pas à devenir le dirigeant. Il n’y a pas de doute qu’il est vraiment aimé par les gens et qu’il est un candidat sérieux à la présidence. Nous avions un intérêt évident à le relâcher. Il n’y a pour l’instant aucun intérêt à le relâcher, parce qu’il n’y a aucun élan vers un accord.”

Cette ligne est approuvée par un autre ancien chef du Shin Bet, Ami Ayalon : “Dans la première semaine de l’intifada, Barghouti et ses associés ont été aussi surpris que tout le monde. L’analyse du Shin Bet était parfaite : c’était un soulèvement populaire. Et alors, il (Barghouti) a commencé à donner forme au raisonnement opérationnel et politique de la seconde intifada. Il est devenu le bras droit d’Arafat et il a cru que l’intifada était le moyen de parvenir au but de deux états pour deux nations. Quand j’étais ministre dans le gouvernement d’Ehud Olmert, j’ai dit (au premier ministre), pendant les négociations sur la libération du soldat kidnappé (Gilda) Shalit, que nous devions libérer autant de prisonniers que possible, qui étaient des atouts du Fatah, et avant tout, Barghouti. Olmert n’était pas fait pour écouter des idées de cette sorte.”

Dans les premiers jours de la seconde intifada, Barghouti a conduit des manifestations de masse. Quand les affrontements se sont intensifiés, il a déclaré, “Le temps où ne faisions que sacrifier des victimes est passé. Nous devons nous venger. Nous devons tuer des Israéliens. Oui. Nous avons des balles. Nous avons des fusils, et ils viseront les occupants.”

Il était alors considéré comme le dirigeant du courant combattif. Une partie du personnel dirigeant des FDI affirmait à l’époque qu’il éclipsait Arafat en pouvoir et en influence, et que le Tanzim qu’il dirigeait était armé, contrairement aux Accords d’Oslo. “Peut-être pouvez-vous l’envoyer en Alaska pendant quelques semaines pour un temps de répit ?” a suggéré Shimon Peres, Ministre des Affaires Etrangères à Arafat dans une réunion.

Par la suite, le Shin Bet a reçu des renseignements affirmant que Barghouti, par l’intermédiaire de personnes qui lui étaient fidèles dans le Tanzim et dans les Brigades des Martyrs d’Al-Aqsa, avait fourni des fonds et des armes qui furent utilisées dans une série d’attaques terroristes dans les territoires contre les soldats et les colons. Un moine grec fut tué parce que les assassins l’avaient pris pour quelqu’un d’autre.

“La seconde intifada a commencé comme une lutte populaire, et l’armée israélienne l’a noyé dans le sang,” nous dit Qadura Fares dans son bureau de Ramallah. “Nous assistions à des funérailles dans lesquelles les gens demandaient à Barghouti de se venger. Marwan, un dirigeant aux liens directs avec la base, ne pouvait ignorer ces appels, étant donné son opposition à l’attitude de membres du Comité Central (du Fatah), (tel qu’Abbas). Il comprenait qu’un concurrent sérieux du Fatah était apparu sous la forme du Hamas. Marwan voulait garder un Fatah fort. Dans la seconde intifada il était à cent pour cent en coordination avec Arafat.Cela ne veut pas dire qu’ils siégeaient la nuit pour préparer tous les détails. Barghouti comprenait ce que voulait Arafat, à partir des signes et des gestes. Si Arafat avait voulu arrêter les tirs, il les aurait arrêtés.”

Le moment le plus hautement tendu de la seconde intifada est probablement arrivé en janvier 2002. L’envoyé spécial américain, le Gén. Anthony Zinni était arrivé en Israël quelques semaines auparavant et négociait un cessez-le-feu, qui a capoté quand les FDI ont assassiné Raad al-Karmi, du Tanzim, au moyen d’une bombe. Karmi, qui avait mené des dizaines d’attaques terroristes contre les Israéliens, était à ce moment sur le chemin vers sa bien aimée. L’assassinat, qui a provoqué un débat houleux à l’intérieur de l’institution israélienne de la défense, à conduit au Mars Noir et à l’Opération Bouclier Défensif en avril. Barghouti, qui avait été le patron de Karmi, a appelé à la vengeance. Quelques attaques du Tanzim furent perpétrées en deçà de la Ligne Verte, dont la fusillade tuant trois personnes au restaurant du Marché aux Poissons de Tel Aviv. Barghouti aurait plus tard affirmé qu’il avait donné des instructions pour que les attaques ne soient menées qu’en Cisjordanie.

Ceci a été le moment où la décision a été prise d’accentuer les efforts soit pour arrêter, soit pour assassiner l’ennemi public palestinien n° 1.

Après son arrestation, Barghouti a subi un interrogatoire intensif par les agents du Shin Bet, “Mofaz” et “Smith.” Les notes que les interrogateurs ont rédigées pour résumer l’entretien avec Barghouti constituent son récit des origines de la seconde intifada.

“Elle devait être de caractère populaire, et je faisais partie de ses instigateurs,” a-t-il admis. “Mais les choses ont échappé à tout contrôle.” La visite de Sharon au Mont du Temple “ n’a été que la goutte qui a fait déborder le vase” a-t-il maintenu, et il a continué à faire la liste des facteurs qui ont conduit les Palestiniens à fomenter des troubles : “Le développement des colonies, la perte de tout espoir à la suite de l’échec à Camp David, la perte de tout espoir de l’indépendance et l’échec d’Arafat à la faire arriver, la corruption de l’AP et la question des réfugiés.”

Barghouti a reconnu devant les interrogateurs que son implication dans la violence était due en partie à la lutte de pouvoir dans la rue palestinienne, “afin de pousser dehors le Hamas et le Jihad Islamique,” et aux luttes entre générations parmi les dirigeants du Fatah pour le contrôle du pouvoir.

De son point de vue, a-til dit, la violence n’était pas une stratégie mais une manoeuvre tactique dont l’intention était d’amener l’état palestinien. “La seconde intifada,” a-t-il prédit, “sera la dernière vague de violence, parce que les Palestiniens ont le sentiment qu’ils ont restauré leur respect de soi par les attaques. Un équilibre a été établi entre les deux camps, comme cela est arrivé à Israël avec (le Président de l’Egypte) Anwar Sadat après la Guerre du Kippur.”

Il a dit aux interrogateurs qu’il assumait l’entière responsabilité des attaques du Fatah, mais pas de celles à l’intérieur d’Israël, auxquelles il était catégoriquement opposé.

Dans ses longs entretiens avec les agents du Shin Bet, Barghouti s’est montré comme étant un politicien ambitieux et calculateur. Il a participé à l’enchaînement sanglant, a-t-il raconté, pour une part, en sorte qu’ “à l’avenir, il puisse dire de lui qu’il a agi pour la paix et aussi dans la guerre, tandis que d’autres dirigeants ne se sont pas salis les mains. Ainsi il gagnerait la sympathie des Palestiniens.”

Les interrogateurs ont remarqué que “l’interrogé avait un sens de l’humour bien développé et qu’il nous a régalé de plusieurs blagues étonnantes.” Ils ne faisaient probablement pas référence à la remarque suivante qu’il a faite : “Je serai bientôt libéré dans un échange de prisonniers, comme dans l’accord avec Jibril en 1985 [2] .”

Quatre mois après son arrestation, l’état a accusé Barghouti d’implication dans 37 attaques terroristes et actes de terreur. Le ministre de la justice de l’époque, Meir Sheetrit, a proposé que son procès, devant un tribunal civil, soit télévisé, “comme le procès d’Eichmann” (qui fut diffusé en direct à la radio). Barghouti a refusé de se défendre ou de citer des témoins à comparaître, déclarant avec véhémence qu’il ne reconnaissait pas le droit à Israël de le juger. Il a été déclaré coupable de cinq chefs d’accusation de meurtre et condamné à cinq peines cumulées d’emprisonnement à perpétuité plus 40 ans d’emprisonnement pour tentative de meurtre et appartenance à une organisation terroriste.

Les juges ont conclu que Barghouti avait dirigé les escadrons terroristes du Tanzim et les Brigades terroristes des Martyrs d’Al-Aqsa, avait fourni des fonds et des armes aux commandants d’escadrons, et dans plusieurs cas avait à l’avance approuvé les attaques. “J’ai pensé que ce procès posait vraiment problème pour Israël,” déclare Ami Ayalon, en ajoutant, “Si je croyais aux théories du complot, j’aurais pensé que c’était peut-être un complot israélien ayant pour but de façonner un dirigeant qui croit à la solution à deux états. Mais j’ai eu un professeur à Harvard qui disait que les théories du complot doivent toujours être laissées à la fin en dernier recours . L’essentiel de ce que nous voyons est aléatoire ou stupide.”

Beilin est d’accord pour dire que “le jugement était une erreur,” remarquant que “même la présidente du tribunal, Sara Sirota, pensait que c’était une faute. Le procès a fait de lui un Mandela, et Barghouti n’est pas Mandela. Il est un chat des rues qui, dans une large mesure, était derrière la seconde intifada. Il a pensé qu’il pourrait contrôler les flammes, mais personne ne contrôle jamais aucune flamme.”

Examen après décès

Après la mort de Yasser Arafat, en novembre 2004, Mahmoud Abbas, qui s’était opposé à la voie de la lutte armée suivie par Arafat et Barghouti, fut désigné comme son successeur temporaire. De sa cellule d’isolement, Barghouti a déclaré qu’il avait lui-même l’intention d’être candidat à la présidence. Les dirigeants israéliens ont reçu l’information selon laquelle les deux personnes les plus proches de Barghouti – sa femme Fadwa et Qadura Fares – étaient opposées à cette idée, et ils l’ont convaincu de se retirer. De façon inhabituelle, le Bureau du Premier Ministre les ont tous les deux autorisés à rendre visite à Barghouti, qui avait été placé en isolement total à la prison de Be’er Sheva depuis deux ans. “Je suis allé le voir à la demande d’Abu Mazen. Aujourd’hui je reconnais que j’ai fait une erreur quand j’ai fait pression sur lui pour qu’il ne soit pas candidat,” admet Fares, et il se rappelle le dialogue entre eux.

Fares : Marwan, supposons que le 10 janvier 2005, nous nous levions le matin et que tu sois le président de la Palestine. Que feras-tu pour nous ? Tu es à l’isolement ici à Be’er Sheva.

Barghouti : Et que fera Abu Mazen ?

Fares : Je n’ai aucune illusion qu’Abu Mazen réussisse à fonder la Palestine. Mais nous pouvons remettre la maison en état après sa destruction lors de l’intifada, reconstruire les institutions, favoriser la démocratie et continuer le processus politique.

Barghouti : Rappelle-toi, Qadura, les Israéliens ne nous donneront rien. Ils ne nous autoriseront pas à parvenir à quelque chose.

Fares : Pourquoi ?

Barghouti : Quand un dirigeant n’a qu’une alternative, il n’y a pas de raison pour les Israéliens de lui donner quelque chose . Et Abu Mazen ne choisira que l’option diplomatique, les négociations. Nous avons essayé le combat sans négociations, et les négociations sans combat, et cela n’a servi à rien. Seules les négociations et le combat assureront la libération.

En 2004, Barghouti a soutenu le projet du gouvernement israélien de retrait de la Bande de Gaza. Il a par la suite envoyé de sa prison une lettre demandant aux Palestiniens de ne pas réagir avec violence quand Israël a évacué les colons de Gaza. A la veille du déplacement dramatique dû à Sharon, une initiative israélienne pleine d’imagination a été avancée par l’ambassadeur à Washington, Danny Ayalon.

“J’ai reçu avant le désengagement l’accord tacite de Sharon pour la démarche suivante : la libération de Barghouti en échange de Pollard,” se rappelle Ayalon. “A cette fin, j’ai rencontré la Secrétaire d’Etat Condoleezza Rice. Je savais que les Américains étaient partisans de la libération de Barghouti, afin de renforcer le Fatah. Je lui ai demandé : « Seriez-vous disposée à libérer Pollard en échange de Barghouti ? » Elle a répondu : ‘Danny, n’y songez pas.’”

L’initiative Barghouti contre Pollard sous la houlette d’Ariel Sharon a coulé comme une pierre. Barghouti avait été placé au sommet de la liste des candidats du Fatah aux élections législatives de janvier 2006. Quand les résultats sont arrivés, Abbas a été forcé de désigner Ismail Haniyeh comme premier ministre. Au milieu de ce qui ressemblait aux premiers signes d’une imminente guerre civile entre les Palestiniens, Barghouti a rédigé un document ambitieux pour bloquer les tensions qui circulaient vers l’extérieur. Il a engagé un long dialogue avec les prisonniers sécuritaires des diverses factions palestiniennes, y compris le Hamas et le Jihad Islamique.Le résultat en a été le “document des prisonniers.”

Ce texte formateur demande l’établissement de deux états, l’un à côté de l’autre, fondés selon les frontières d’avant 1967, la mise en oeuvre du droit au retour et l’adoption des accords antérieurs entre les parties, l’abandon de la lutte armée à l’intérieur d’Israël proprement dit, et l’introduction de la démocratie ainsi que de droits égaux pour les femmes.

Toutefois, le 25 juin 2006, le jour où le Premier Ministre, membre du Hamas, Haniyeh était censé annoncer l’acceptation du document au nom de l’organisation, des membres de la branche militaire du Hamas ont kidnappé le Caporal Gilad Shalit sur la frontière avec Gaza. La cérémonie de signature a été suspendue. Il y allait en avoir une autre cinq ans avant que Netanyahu, qui est devenu premier ministre pour la première fois en 2009, n’ait signé un accord d’échange de prisonniers pour Shalit – sans que Barghouti n’en fasse partie. Antérieurement, le gouvernement Olmert l’avait aussi laissé en incarcération.

Haim Oron, l’ancien dirigeant du Meretz, raconte que le Ministre de la Défense Ehud Barak lui avait dit qu’il considérait l’arrestation de Barghouti comme ayant été une erreur fondamentale. Néanmoins, le gouvernement Olmert-Barak ne l’a pas libéré non plus.

Barghouti a apporté son soutien aux négociations menées par Olmert. Il a dit à l’époque à ses proches collaborateurs que si cela avait dépendu de lui, il aurait pu signer l’accord pour un statut final “dans les jours suivants.” Certains dans la classe dominante israélienne pensaient que le soutien de Barghouti en faveur des négociations était vrai. Comme preuve, ils ont fait la remarque que les plus proches collaborateurs de Barghouti, conduits par Fares, avaient signé l’Initiative de Genève, un accord-cadre non-officiel élaboré, quelques années auparavant, par des équipes d’Israéliens et de Palestiniens. “Je ne l’aurais pas signé, si j’y avais été opposé,” a déclaré Fares à Haaretz.

D’autres ont soupçonné que la modération affichée par Barghouti dans ses entretiens en prison avait une motivation personnelle : sa libération comme partie d’un accord après lequel il reprendrait sa ligne combative. “Je sais que Abu Mazen a mis en avant la libération de Marwan comme une condition d’un accord,” déclare Fadwa Barghouti, “et ultérieurement aussi au Secrétaire d’Etat des USA, John Kerry. Ceci m’a été dit personnellement.”

D’autres sources gouvernementales israéliennes, cependant, maintiennent que Abbas s’est toujours comporté avec duplicité. "Nous savons qu’il a parfois demandé aux Américains sa (de Barghouti) libération, y compris dans un tête-a-tête avec le Président Obama,” déclare une source bien informée. “Mais il y a eu aussi des appréciations selon lesquelles, par crainte pour sa propre survie, Abu Mazen a préféré que Barghouti reste en prison.” Selon le député à la Knesset Zahalka, “Il y a eu des années où ils ne voulaient pas entendre son nom à la Muqata” – le quartier général palestinien à Ramallah.

“Au cours des années, Abu Mazen n’a pas fait l’effort nécessaire pour ma libération,” a dit Barghouti lui-même à Haaretz.

Ces derniers mois, le Ministre pour Jérusalem Zeev Elkin a rencontré des universitaires pour discuter de la situation qu’entraînera le départ d’Abbas. La plupart de ses interlocuteurs lui ont dit que Barghouti est la seule personnalité du Fatah qui puisse battre le Hamas dans une élection. Ceci n’a pas conduit Elkin à rejoindre le choeur de ceux recommandant vivement sa libération.

“Le jour d’après Abu Mazen, l’AP s’effondrera, et nous devons être prêts pour cela,” déclare Elkin à Haaretz de façon apocalyptique. “A mon avis, le Fatah ne prendra pas le risque d’une élection, qu’il pourrait perdre au bénéfice du Hamas, et même s’il en prend le risque, le gouvernement Netanyahu n’autorisera pas les Arabes de Jérusalem-Est à voter.” Elkin considère comme probable une situation de chaos et de violence dans la période immédiate d’après Abbas, et pense aussi que Barghouti pourrira en prison.

De l’avis de certains, les trois fonctions d’Abbas (président de l’OLP, président du Fatah, président de l’AP) seront réparties entre trois

personnes différentes. Le président de l’OLP sera la personnalité principale et sera à la pointe des initiatives politiques, le président de l’AP sera un technocrate qui traitera les questions administratives, et la direction du Fatah sera prise par une troisième personne de l’organisation. Et que se passera-t-il s’il y a une élection et que Barghouti la remporte ? “Le cabinet (israélien) de sécurité n’a pas encore mené de discussion relative à cette question,” déclare un ministre du cabinet à Haaretz.

Le Président Reuven Rivlin, qui est aujourd’hui opposé à la libération de Barghouti, a tenu quelques réunions avec des personnalités politiques dans lesquelles la question a été posée de ce qu’Israël devrait faire si Barghouti est élu président. Rivlin a dit au cours de ces entretiens que les dirigeants du pays devraient, dans ce cas, recalculer leur cap et faire ce qui sauvegarde le mieux les intérêts d’Israël. A l’avis de Rivlin, si la communauté internationale le considère comme une personnalité comparable à Mandela et exerce des pressions en faveur de sa libération, il serait contraire aux intérêts supérieurs d’Israël qu’il soit maintenu en prison.

Barghouti lui-même a récemment dit à un de ses visiteurs qu’il est vigoureusement opposé à ce que le successeur d’Abbas soit choisi dans une élection du style de celles des états arabes. “La seule façon est une élection entièrement démocratique sous supervision internationale", a dit le prisonnier. “Quiconque pense que le prochain président palestinien ne sera pas élu par la voie des urnes vit dans l’illusion.”

Lire davantage : http://www.haaretz.com/israel-news/1.728135

Marwan Barghouti sera t-il le Nelson Mandela palestinien? (Haaretz, 22 juillet 2016)
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1 août 2016 1 01 /08 /août /2016 09:49
Les ONG dans le viseur de viseur de Netanyouhou (Pierre Barbancey, L'Humanité)

Les ONG dans le viseur de Netanyahou

L’organisation Breaking the Silence, qui publie les témoignages de soldats, est attaquée pour révéler ses sources.

Pierre Barbancey, l’Humanité, jeudi 21 juillet 2016

Breaking the Silence (« Briser le silence ») est une ONG israélienne qui recueille et publie les témoignages de soldats engagés dans la répression dans les Territoires palestiniens. Un travail qui n’est pas du goût des autorités, qui, plutôt que briser le silence, préférerait briser la parole. Depuis deux mois maintenant, Breaking the Silence est citée à comparaître dans un procès visant à obtenir qu’elle divulgue ses sources. Or elle est reconnue comme offrant une plateforme aux soldats pour dénoncer sous couvert de l’anonymat les agissements condamnables de l’armée dans les Territoires.

« Si vous voyez quelqu’un, tirez ! » C’est l’ordre qu’ont ainsi reçu des soldats israéliens envoyés dans la bande de Gaza, durant la guerre menée à l’été 2014, selon plusieurs témoignages recueillis par Breaking the Silence. « Les ordres étaient de tirer pour tuer, même si la personne n’était pas identifiée », rapporte par exemple un sergent. « Vous ne trouverez pas de civils dans les zones d’intervention. Si c’est le cas, ils sont forcément suspects », a-t-il également été asséné aux militaires. L’un d’entre eux se souvient de deux Palestiniennes qui marchaient dans un verger lorsqu’elles ont été repérées par un drone. Elles ont été tuées. Aucune arme n’a pourtant été retrouvée sur elles. C’est également dans les documents de Breaking the Silence que l’on trouve ceci : « Le discours était vraiment d’extrême droite, un discours raciste et nationaliste », selon un lieutenant. « (Nos supérieurs) nous ont dit : si vous tuez quelqu’un à Gaza, c’est cool, ce n’est pas grave », rapporte un sous-officier.

Le procureur estime que les témoignages anonymes favorisent la diffusion de mensonges sans permettre d’enquêter sur les méfaits éventuels. Breaking the Silence invoque en revanche la nécessité de protéger ses sources et accuse l’État d’essayer de faire taire les voix discordantes.

Pour Yehuda Shaul, cofondateur de l’ONG, « plus aucun soldat ne parlera s’il sait qu’il risque d’aller en prison ». Breaking the Silence et d’autres ONG comme la Paix maintenant ou B’Tselem, critiques opiniâtres de l’occupation et de la colonisation israéliennes, font face à de dures attaques de l’un des gouvernements les plus à droite de l’histoire d’Israël et d’une partie de la classe politique qui voient en elles une « cinquième colonne » agissant pour les ennemis d’Israël.

La semaine dernière, sous prétexte de transparence, la Knesset a approuvé une loi très controversée sur le financement des ONG, précisément sur des aides de gouvernements étrangers. Une loi qui, selon un député de l’opposition, porte « les bourgeons du fascisme qui fleurit en Israël ».

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24 juillet 2016 7 24 /07 /juillet /2016 06:11
Figen Yuksekdag, la co-présidente du HDP © Amélie Poinssot

Figen Yuksekdag, la co-présidente du HDP © Amélie Poinssot

En Turquie, la gauche pro-kurde dénonce un «coup d'Etat civil»

24 JUILLET 2016 | PAR AMÉLIE POINSSOT

Dans une Turquie de plus en plus autoritaire, où le conflit qui oppose l'Etat à la rébellion kurde a repris l'année dernière, le parti de gauche pro-kurde HDP tente de faire entendre sa voix. Entretien avec Figen Yuksekdag, la co-présidente du parti.

Ankara (Turquie), envoyée spéciale.- Après le putsch manqué du vendredi 15 juillet, le gouvernement turc s'est lancé dans une « chasse aux sorcières » au sein de l'appareil d’État et de la fonction publique. Visant le réseau de Fethullah Gülen, prédicateur installé aux Etats-Unis présumé à l'origine de cette tentative de coup d'Etat, la purge s'étend de jour en jour. Mercredi 20 juillet, l'état d'urgence a été instauré. Depuis, les mesures de rétorsion s'accumulent. Dernière en date: les fonctionnaires sont désormais soumis à une demande d'autorisation spéciale pour pouvoir voyager à l'étranger.

Parti de l'opposition, le HDP (Parti Démocratique des peuples) est une formation de gauche radicale pro-kurde. Entré pour la première fois au parlement en 2015 (13 % des voix en juin 2015 ; 10,8 % des voix aux nouvelles élections de novembre 2015), à peine trois ans après sa création, il s'oppose frontalement à la politique de l'AKP (Parti de la Justice et du développement), formation islamo-conservatrice au pouvoir. S'il a condamné officiellement la tentative de putsch, avec les autres partis de l'opposition, ses 59 députés n'ont pas voté l'état d'urgence et ses membres se montrent très critiques et et inquiets face aux décisions du président, Recep Tayyip Erdogan.

Nous rencontrons sa co-présidente, Figen Yuksekdag, au siège du parti à Ankara. L'occasion, pour ce premier entretien que la dirigeante accorde à la presse française, de revenir sur les derniers développements en Turquie, mais aussi sur l'histoire et le positionnement du HDP, un parti qui prône la « démocratie radicale » et milite pour une résolution politique de la question kurde. L'occasion, aussi, de parler du contexte régional et de la guerre en Syrie, une donnée omniprésente et incontournable pour comprendre la politique turque.

Mediapart : Que pensez-vous vous des purges lancées par le gouvernement AKP depuis le week-end dernier ?

Figen Yuksekdag : Cette série de purges ne se limite pas à une lutte contre les initiateurs de ce putsch manqué. C'est une opération de nettoyage, une épuration des institutions étatiques de tous ceux qui ne sont pas directement sous le contrôle d’Erdogan. Les chiffres sont énormes : 50 000 enseignants ont été suspendus [parmi lesquels 25 000 dans le secteur privé – ndlr], et dans le secteur judiciaire, la proportion des juges écartés est telle que le système est pratiquement paralysé.

La Turquie est engagée dans une crise profonde. Certes, une tentative de coup d’État a été empêchée. Mais on est en train de vivre un autre coup qui aboutit à un résultat similaire à que ce qu'auraient pu produire les militaires s'ils avaient réussi. Le Palais et l'AKP sont en train de réaliser un coup d’État civil. Certes, les militaires seraient allés plus loin : ils auraient commencé par fermer le parlement et arrêté des députés. On n'en est pas là. Mais dans les faits, le parlement est contourné avec la proclamation de l'état d'urgencequi permet au gouvernement de faire passer des décrets sans l'aval des députés.

Je reste inquiète pour l'avenir du HDP à l'assemblée. Mon sentiment est que dès que le gouvernement se sentira à nouveau en sécurité, il commencera à s'attaquer à nous, les députés HDP. Pour l'instant il ne le fait pas parce qu'il pense que notre base électorale est capable de réagir très fortement.

Vers quoi le pays se dirige-t-il ?

Nous sommes sur le fil du rasoir. Nous sommes entourés de deux forces : d'une part, l'institution militaire, qui reste une menace malgré l'échec du putsch, l'armée turque disposant d'un gros potentiel. D'autre part, Erdogan et le Palais, car même si on n'est pas encore passé, officiellement, à un régime présidentiel, on y est de facto. On peut s'attendre à des développements très durs.

Cela dit, le HDP occupe une place spécifique dans le paysage politique turc. Ce qui fait notre force, c'est que nous ne nous lierons jamais à ces gens qui sont au pouvoir. Nous n'avons pas besoin d'eux pour être forts, du fait de notre grande expérience de la lutte et de notre lien particulier avec notre base. Nos électeurs ne vont pas nous quitter pour aller voir ailleurs. C'est ce qui me rend optimiste.

Notre force ne réside toutefois pas seulement dans notre culture résistante : elle est également dans notre organisation. Ces jours-ci, on a pu voir le pouvoir des militaires, puis la capacité d'Erdogan à faire descendre des gens dans la rue pour le soutenir… Mais personne n'a encore vu ce que nous sommes capables de mobiliser !

Le HDP a été fondé fin 2012. Expliquez-nous dans quelles circonstances.

Le HDP peut sembler récent, mais il est en réalité le produit final d'une longue tradition politique. Il a été formé par une coalition entre différentes formations : le Mouvement Kurde pour la Liberté, des mouvements sociaux, des syndicats, des organisations de défense des droits des femmes, des associations écologistes, des groupes alévis, et des islamiques libertaires. 2012 n'est pas la naissance du parti, il y a tout un passé derrière.

En contact direct avec la population

Comment êtes-vous parvenus, en moins de trois ans, à réaliser un premier succès électoral en passant le seuil des 10 % aux élections législatives de juin 2015, qui vous a permis d'entrer au parlement ?

La raison de ce succès, c'est que nous sommes arrivés, d'une part, à mettre ensemble ces différentes traditions politiques, et d'autre part, à introduire des éléments nouveaux dans la politique turque. Bien sûr, ce succès est aussi lié au fait que le Mouvement Kurde pour la Liberté est enraciné dans les mouvements d'opposition. Mais le HDP a aussi réussi à bâtir un programme de liberté politique à l'attention de toute la Turquie. Il a fait émerger une énergie collective, qui montre combien le besoin de démocratie dans le pays est vital. Il a parlé de davantage de liberté pour tous : cela a joué un rôle clef à mon sens.

De leur côté, les membres de ces mouvements d'opposition savaient qu'ils devaient se rassembler afin de briser le statu quo et le système politique oppressif de la Turquie. L'idée est venue d'un appel lancé par Abdullah Öcalan, en 2011, au HDK, le Congrès Démocratique des Peuples : depuis sa prison, sur l'île d'İmrali, il a appelé à une unification des mouvements. Le HDK s'est ensuite transformé en HDP, en 2012.

Puis il y a eu le mouvement Gezi, au printemps 2013 [né au départ de la volonté de conserver le parc Gezi, dans le centre d'Istanbul, contre un projet immobilier – ndlr]. Cette mobilisation a montré combien les gens avaient besoin d'agir ensemble. Nous avions d'ailleurs prédit ce genre de mouvement... Et cette énergie s'est canalisée dans notre parti. De fait, les membres du HDP ont joué un rôle majeur dans ce mouvement – même si c'était un mouvement sans leadership. Et le succès électoral deux ans plus tard montre que notre parti a effectivement fusionné avec une énergie politique toute fraîche, que l'on n'avait jamais vue en Turquie. Une énergie de type révolutionnaire qui donne au HDP la force d'affronter ses adversaires.

Comment avez-vous travaillé pour gagner des voix ?

Notre spécificité par rapport aux autres partis politiques turcs, c'est que nous sommes en contact direct avec la population. Tous les membres du HDP viennent de la lutte populaire, ont un passé militant. Ils parlent la même langue et ressentent les mêmes besoins que le peuple. Les partis « artistocratiques », eux, n'ont que des liens indirects avec la population, ils voient le peuple comme une masse destinée à les suivre.

Moi-même je militais au sein du mouvement socialiste dès le lycée ; le co-président du parti, Selahattin Demirtas, était actif au sein du mouvement kurde…

Nous sommes donc très présents sur le terrain. Nous avons par ailleurs décidé de nous implanter localement et orienté notre stratégie en ce sens : nous avons mis en place des commissions de quartier dans les villes, des commissions dans les villages, d'autres dans les universités… afin de faire se rencontrer les membres du parti et les électeurs. Nous avons créé des espaces de débats, comme des stands où les gens pouvaient venir poser des questions. Et pas seulement pendant la période électorale : c'est un travail que nous avons mené indépendamment des élections.

Enfin, nous avons porté le message d'une opposition claire et totale au gouvernement : nous avons pleinement conscience de la perspective d'obscurité absolue vers laquelle nous conduit le régime politique d'Erdogan, et nous n'allons pas le laisser gouverner ainsi. Les électeurs ont été convaincus par notre attitude, et depuis nous tenons nos promesses : nous constitutions l'opposition la plus forte au rêve de dictature d'Erdogan.

Enfin, et c'est peut-être le plus important, le rôle des femmes dans notre parti est un élément clef pour comprendre notre progression. Alors que les femmes sont d'habitude exclues de la politique en Turquie, chez nous elles en sont le sujet. Elles sont totalement à égalité avec les hommes : le parti est dirigé par une coprésidence – un homme, une femme -, le comité exécutif du parti est paritaire, et tous les groupes de travail, commissions etc. le sont également. Lors des moments difficiles que nous avons vécu ces derniers temps en Turquie - les attentats, les attaques dans le sud-est, la pression subie par le parti…-, on a d'ailleurs vu les femmes du HDP s'exprimer en public et résister.

Racontez-nous les pressions pendant toute la période électorale de 2015…

Après les élections législatives du 8 juin 2015, le coup de force du Palais a commencé. Erdogan n'ayant pas pas obtenu la majorité absolue, il a convoqué de nouvelles élections. Il voulait faire sortir du parlement le HDP qui avait réussi à faire élire 80 députés. Il a donc commencé à mettre notre base électorale dans un état de terreur.

Contre la politique du gouvernement turc à Chypre

Les cellules dormantes de l’État islamique en Turquie ont commencé à s'activer. Il y a eu le massacre de Suruc qui a fait 34 morts le 20 juillet. Et le siège a commencé au Kurdistan. En réaction, l'organisation de jeunesse kurde a commencé la résistance, en installant des barricades. Pendant deux jours, en septembre, 270 bureaux du HDP, dont le siège où nous nous trouvons, ont été la cible d'attaques ou de tentatives d'incendie. Puis, en octobre, il y a eu l'attentat à Ankara.

Le signe de tout ça avait été envoyé en réalité avant les élections, en avril 2015 : à ce moment-là, Abdullah Öcalan [le dirigeant du PKK, condamné à la prison à vie depuis 2002 - ndlr] est placé en isolement. Autrement dit, le gouvernement reprend la position guerrière qu'il avait abandonnée pendant quelques années. Juste avant le scrutin, une attaque à la bombe fait cinq morts à Diyarbakir, tandis qu'au cours d'autre meeting, à Erzurum, des lyncheurs s'en prennent à des membres du HDP avec la complicité de la police. On traverse donc un certain nombre d'épreuves…

Mais le pire arrive pendant la période entre les deux élections. Erdogan est alors préoccupé par deux choses : il veut interrompre le processus de paix et neutraliser le HDP. C'est donc la fin du processus de paix au Kurdistan. Des villes sont bombardées, des crimes contre l'humanité sont commis. Malgré tout cela, les autorités ratent leur objectif de nous disqualifier et ne parviennent pas à nous empêcher d'entrer au parlement. Certes, nous faisons élire un peu moins de députés au deuxième coup. Mais il faut dire que 500 000 électeurs n'ont pas pu aller voter car ils étaient bloqués par les militaires ! Ce n'est donc pas un si mauvais score... Et la pression que nous subissons n'empêchera jamais les Kurdes de dire qu'ils sont, de fait, des Kurdes et qu'ils revendiquent l'égalité des droits entre les Turcs et les non-Turcs de ce pays.

Quel est votre programme ?

Le HDP a un programme de démocratie radicale. Il défend les droits des femmes et des travailleurs, est soucieux de l'environnement, soutient l'égalité sociale pour les minorités sexuelles. Il prône la solidarité sociale, mais aussi la solidarité ethnique entre les différents groupes du pays. Sur le plan international, il est pour l'égalité entre les peuples. Il est absolument contre la tendance de l’État turc à vouloir grossir et occuper d'autres territoires.

A quoi faites-vous référence ?

Je pense à Chypre. Nous sommes complètement opposés à la politique menée par le gouvernement turc à Chypre. Nous défendons le droit des Chypriotes turcs et des Chypriotes grecs de décider ensemble de leur sort. Nous sommes d'ailleurs également opposé à ce que l’État grec décide du sort de Chypre.

Nous sommes aussi contre la politique syrienne du gouvernement d'Ankara, qui ne veut pas d'une Syrie démocratique et confédérale. A l'inverse, nous défendons le droit de ses habitants à décider comment ils veulent vivre ensemble.

En fait, notre programme est l'antithèse de la politique étatique habituelle...

Le HDP prône par ailleurs une nouvelle constitution afin de doter la Turquie d'une démocratie complète. Il veut une rupture radicale avec le centralisme traditionnel de l'administration turque pour développer à la place une démocratie participative avec un système parlementaire fort, qui inclurait des parlements locaux et un Etat décentralisé : il s'agit de mettre en place le modèle de l'« autonomie démocratique ». [concept développé par Abdullah Öcalan pour les peuples du Moyen-Orient, qui lui avait été inspiré par le libertaire américain Murray Bookchin – ndlr]

Un point entre Europe et Moyen-Orient

On vous compare parfois à Syriza en Grèce. Qu'avez-vous de commun avec ce parti ? Avez-vous des liens avec lui ?

Nous sommes en lien direct avec Syriza. Nous avions déjà des relations à l'époque où Syriza était encore en formation, et maintenant qu'il dirige le gouvernement grec, nous continuons d'avoir des contacts.

En fait, la Turquie a le potentiel pour fonctionner comme un pont entre les populations européennes et celles du Moyen-Orient. C'est précisément le rôle que le HDP joue actuellement : il y a d'un côté le PYD [Parti de l'Union démocratique, Kurdes syriens -ndlr], qui mène une lutte radicale en Syrie, et de l'autre, la gauche radicale de Syriza. Nous sommes entre les deux !

Cela fait un siècle que la politique d’État en Turquie sépare les Turcs et les Kurdes. Nous pensons au contraire qu'il faut les rassembler, comme il faut rapprocher les peuples du Moyen-Orient des peuples européens. Pour favoriser cela, le HDP a son rôle à jouer entre l'ouest et l'est. Mais Syriza aussi, étant donné la place qu'il a maintenant à l'ouest, a un rôle important. Nous plaçons beaucoup d'espoir en lui.

Peu après la création du HDP est né en Espagne un autre parti alternatif, Podemos. Êtes-vous en contact avec lui ?

Je dois avouer que la naissance de Podemos s'est faite à un moment où la lutte ici nous occupait pleinement. Je n'ai donc pas pu suivre de près, mais des membres du HDP se sont rendus en Espagne pour les élections. J'espérais un meilleur résultat... Face à la montée des partis nationalistes et racistes en Europe, j'aimerais bien en effet que les mouvements de gauche progressent. Mais pour cela, il faut que les gauches européennes prennent fortement position et agissent ensemble. Sans cela elles ne pourront avancer. Je crois aussi que les partis de gauche en Europe doivent regarder davantage vers le Moyen-Orient. La crise des migrants a montré que les développements pouvaient être très liés entre un côté et l'autre… Avoir conscience de cela pourrait aider la gauche européenne à passer d'une position défensive à une position proactive face à la montée des forces nationalistes.

Quels sont vos liens avec le PKK (parti des travailleurs du Kurdistan, organisation armée en conflit avec l’État turc) ? Le gouvernement vous accuse de soutenir les « terroristes ». Que répondez-vous à cela ?

Cela fait quatre ans maintenant que le gouvernement turc s'efforce de manipuler les esprits à ce sujet. Dans notre base électorale, il y a des gens qui ont du respect, voire de la sympathie pour le PKK. On ne va bien sûr pas s'en cacher. Dans les villes kurdes, de nombreux jeunes votent pour nous tout en étant dans une logique pro-PKK. C'est une réalité.

Cela fait-il de nous un parti lié avec le PKK ? Pourquoi doit-on répéter constamment que nous ne sommes pas le PKK ? Cette accusation est une manière de nous discréditer. Elle révèle par ailleurs une incompréhension de ce qu'est le HDP. Comme je le disais au début de l'entretien, le HDP est pour une part constitué par le Mouvement Kurde pour la Liberté. Mais il résulte aussi d'une grande coalition qui s'adresse à l'ensemble du pays et entend représenter l'ensemble de ses habitants. Moi-même je ne suis pas kurde et notre parti compte de nombreux membres comme moi.

Nous pensons par ailleurs que le problème du Kurdistan turc doit être résolu de manière politique, à travers des négociations. L’État doit rouvrir le processus de paix avec le PKK.

Le gouvernement turc qualifie le PYD (Parti de l'Union démocratique, Kurdes syriens) d'organisation terroriste. Or les Etats-Unis voient le PYD comme un allié dans la guerre contre l'EI en Syrie. Quelle est votre position à ce sujet ?

Il faut que la République turque arrête de s'accrocher à son idée fixe nationaliste selon laquelle les Kurdes sont forcément des ennemis. Or il n'y a aucune raison logique de déclarer « terroriste » le PYD, qui est une force populaire d'autodéfense. Le PYD est plutôt un garant pour la paix en Turquie et la région entière : c'est le seul jusqu'à présent à s'être battu avec succès contre l’État islamique. Ce qu'il veut pour la Syrie, c'est une confédération démocratique où Arabes et Kurdes vivraient en paix.

Dans cette guerre, l'Union européenne devrait suivre les Etats-Unis et faire du PYD son allié dans la lutte contre l’État Islamique. Le PYD en Syrie et le HDP en Turquie ont tous deux besoin de soutien au niveau international si l'on veut éviter que l’État Islamique ne progresse. Lorsque l’État Islamique sera vaincu, il faudra absolument que le PYD fasse partie de l'équation politique, afin d'empêcher le retour de l'EI.

S'il est vaincu en Syrie, l'EI survivra toutefois en Turquie car il a pu s'installer ici avec la tolérance des autorités qui entretiennent une proximité idéologique avec lui. L'EI pourra alors se répandre dans le Caucase, les Balkans, vers l'ouest, et dans tout l'espace postsoviétique. Il constituera une menace pour l'ensemble de la région. Or la seule force capable de s'opposer à cela, c'est le HDP.

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23 juillet 2016 6 23 /07 /juillet /2016 06:40
Turquie. Erdogan instaure trois mois d'état d'urgence, licencie 60 000 fonctionnaires (Ouest-France)

Le président turc Recep Tayyip Erdogan a annoncé mercredi soir l'instauration de l'Etat d'urgence pour trois mois en Turquie à la suite d'une tentative de coup d'Etat manquée la semaine dernière.

« Notre conseil des ministres a décidé de l'instauration de l'état d'urgence pour une durée de trois mois », a annoncé le chef de l'État lors d'une conférence de presse. Cela était« nécessaire pour éradiquer rapidement tous les éléments de l'organisation terroriste impliquée dans la tentative de coup d'État », a-t-il dit en référence aux réseaux du prédicateur Fethullah Gülen, sa bête noire, qu'il a accusé d'avoir été l'instigateur du putsch. Ce dernier, depuis son exil aux États-Unis, a formellement démenti toute implication.

Le président Erdogan s'est engagé à ne faire « aucun compromis » sur la démocratie, alors que son régime est sous le feu des critiques à l'étranger sur l'étendue des purges déclenchées après la tentative de putsch qui ont déjà touché 55 000 Turcs et préoccupent également la population.

Adopter des lois sans passer par le Parlement

« Nous n'avons jamais fait aucun compromis sur la démocratie, et nous n'en ferons jamais », a assuré M. Erdogan lors de son discours à Ankara. L'état d'urgence « n'est absolument pas contre la démocratie, la loi et les libertés » mais « c'est tout le contraire : (il) vise à protéger et renforcer ces valeurs », a-t-il ajouté.

Appliqué officiellement depuis 01h00 (22h00) GMT), l'état d'urgence permet au président et au gouvernement de faire adopter des lois sans passer par la voie parlementaire, ainsi que de limiter ou de suspendre certains droits et libertés.

Selon un dernier bilan officiel, la tentative de putsch dans la nuit de vendredi à samedi a fait 312 morts, dont 145 civils, 60 policiers et trois soldats. 104 rebelles ont été tués.

+++ LIRE AUSSI : Turquie. 60 000 personnes victimes de la purge après le putsch raté

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21 juillet 2016 4 21 /07 /juillet /2016 06:38
Béthléem

Béthléem

Un enfant palestinien tué par des tirs de soldats israéliens

RTBF avec AFP, mercredi 20 juillet 2016

Un enfant palestinien de 12 ans a été tué mardi par des tirs de soldats israéliens lors d’affrontements dans une localité de Cisjordanie occupée proche de Jérusalem, a indiqué le ministère palestinien de la Santé.

"Mohiyeh al-Tabakhi, 12 ans, a été tué par des tirs de soldats de l’occupation dans la localité d’al-Ram", proche banlieue palestinienne de Jérusalem, séparée de la Ville sainte par le Mur construit par Israël, a indiqué en soirée un communiqué de ce ministère.

L’enfant a été touché à la poitrine par une balle caoutchoutée, au corps métallique, qui a provoqué un arrêt cardiaque, ont indiqué des sources médicales citées par l’agence officielle palestinienne Wafa.

Contactée par l’AFP, la police israélienne a affirmé avoir tiré des grenades lacrymogènes et assourdissantes sur des manifestants dans le secteur.

"Après avoir essuyé des jets de cocktails Molotov, les policiers ont utilisé des grenades lacrymogènes et assourdissantes pour disperser les manifestants", a déclaré à l’AFP la porte-parole de la police israélienne Luba Samri. "Il n’y a pas eu de tirs".

Depuis octobre, les violences dans les Territoires palestiniens et en Israël ont coûté la vie à 217 Palestiniens, 34 Israéliens, deux Américains, un Érythréen et un Soudanais, selon un décompte de l’AFP.

La plupart des Palestiniens tués sont des auteurs ou auteurs présumés d’attaques, selon Israël. Les autres ont été abattus lors d’affrontements, de manifestations ou de bombardements israéliens sur la bande de Gaza.

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Comment qualifier une oppression coloniale qui place un grand nombre d'enfants dans un désespoir tel qu'ils ne voient qu'une manière de défendre leur dignité ou d'assouvir leur rage quand le vase déborde: lancer une attaque au couteau alors qu'ils ont toute chance de ne pas en sortir vivants?

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Lire aussi, consultée sur la lettre de diffusion de l'AFPS :

Un tribunal israélien condamne un enfant palestinien de 14 ans à 6 ans et demi de prison

Ma’an News, mardi 19 juillet 2016

Un tribunal militaire israélien a condamné dimanche Muawiya Alqa, âgé de 14 ans, à six ans et demi de prison, accusé d’une attaque au couteau à Jérusalem en novembre menée avec son cousin de 12 ans.

La sentence de Muawiya comprend également trois ans de probation avec une peine de prison automatique de dix mois en cas de violation de cette probation, et sa famille a été condamnée à payer une amende de 26 000 shekels (environ 6 100 €).

Cette sentence est conforme à l’accord de plaider-coupable atteint avec le procureur militaire israélien par l’avocat de Muawiya plus tôt ce mois-ci.

En novembre, Muawiya avait été inculpé de tentative de meurtre et de possession d’un couteau.

Les forces israéliennes avaient tiré sur le cousin de Muawiya, Ali Alqam âgé de 12 ans, et l’avaient blessé après qu’ils ont supposément poignardé et blessé un garde de sécurité israélien dans le tramway près de la colonie israélienne illégale de Pisgat Zeev au nord de Jérusalem.

Ali, qui a été touché au moins trois fois et a qui a dû subir une intervention chirurgicale pour retirer une balle de son ventre, est actuellement détenu dans un centre de rééducation pour mineurs puisque les autorités israéliennes ont décidé en avril de maintenir sa détention d’un an.

Pendant ce temps, Muawiya a été déplacé entre les prisons israéliennes du Russian Compound, de HaSharon, et de Megiddo.

Selon l’organisation Addameer pour les droits des prisonniers, 414 des 7 000 Palestiniens actuellement détenus dans les prisons israéliennes sont des mineurs. En mai, environ 104 de ces jeunes étaient âgés de moins de 16 ans.

La pratique israélienne généralisée de la détention d’enfants palestiniens, parfois dans les mêmes établissements pénitentiaires que les adultes, a été critiquée comme une violation de la Convention internationale sur les droits de l’enfant, ratifiée par Israël en 1991.

La convention stipule que « l’arrestation, la détention ou l’emprisonnement d’un enfant doit être conforme à la loi et qu’elle ne doit être utilisée que comme une mesure de dernier ressort et pour la plus courte période de temps nécessaire."

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21 juillet 2016 4 21 /07 /juillet /2016 06:11

Après la tuerie de Nice, il faut s’opposer à la récupération indécente par Israël et ses soutiens

Communiqué de l’AFPS, mardi 19 juillet 2016

Le choc de l’attentat de Nice suscite des réactions extrêmement inquiétantes parmi les responsables politiques et singulièrement chez certains élus des Alpes-Maritimes.

Venant d’habituels supporters inconditionnels de la politique israélienne, nous ne sommes pas surpris de les voir jour après jour montrer en modèle l’exemple israélien en matière de lutte contre le terrorisme, la France ayant comme le dit savamment l’un d’eux « les mêmes ennemis (sic) ». Ces propos sonnent comme une insulte aux victimes et à leurs familles qui méritent autre chose que ce genre de business sur leur dos.

Pour tel « penseur » de haut vol qui se lâche dans « Le Figaro », il faut « restreindre le spectre des libertés fondamentales », « passer au niveau supérieur dans la répression et s’inspirer de l’exemple d’Israël confronté à cette situation depuis 40 ans ».

Non, nous ne sommes pas confrontés à la même situation : ce n’est pas à l’organisation de l’"Etat Islamique" que l’Etat d’Israël est confronté, mais à un peuple, le peuple palestinien, dont il continue à confisquer la terre, qu’il occupe, colonise, assiège, et plonge dans la misère et la révolte.

Et non, nous ne voulons en aucun cas prendre modèle sur l’Etat d’Israël : jamais dans l’histoire le pouvoir israélien, dont toutes les références morales ont disparu au profit de l’occupation et de la colonisation de la Palestine, ne s’est autant attaqué aux libertés de ses propres citoyens, au point qu’un ancien Premier ministre déclare y déceler des "germes de fascisme".

Non, nous ne devons pas nous inspirer de l’"exemple israélien", mais au contraire cesser toute coopération militaire et sécuritaire avec l’Etat d’Israël tant que ce pays viole le droit international. Pour éviter de voir à nouveau les familles de Gaza massacrées par des missiles israéliens utilisant des composants français, comme vient de le mettre en évidence la plainte d’une famille de Gaza soutenue par l’ACAT (Action des chrétiens pour l’abolition de la torture).

Et parce que le combat pour la sécurité ne peut pas être séparé du combat pour le droit.

Le Bureau national de l'AFPS

Après la tuerie de Nice, il faut s'opposer à la récupération indécente par Israël et ses soutiens (AFPS)
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21 juillet 2016 4 21 /07 /juillet /2016 06:05

Impossible paix israélo-palestinienne : deux siècles d’histoire vus par Henry Laurens

Le cinquième et dernier tome de La question de Palestine conclut sur une note pessimiste vingt ans de travail d’Henry Laurens sur deux cents ans d’histoire. Car après les échecs successifs d’Oslo et de Camp David et la persistance d’un jeu à somme nulle entre Israéliens et Palestiniens, force est de constater que la « réinvention » de la Terre sainte entreprise par l’Occident au début du XIXe siècle finit dans le sang, la spoliation et le malheur.

Pierre Prier, Orient XXI, lundi 18 juillet 2016

Henry Laurens a terminé son grand œuvre. Le tome V de La question de Palestine sera le dernier. Vingt ans de travail pour peindre minutieusement deux cents ans d’histoire, qui forment une boucle… Dans le tome I (couvrant la période de 1799 à 1922, de l’expédition d’Égypte au mandat britannique), on voit « la petite Palestine, pas plus grande qu’un ou deux départements français », prendre « une place qu’elle n’avait jamais occupée dans les imaginaires, sauf peut-être dans la période des croisades ». Au début du XIXe siècle, « après s’en être passé pendant cinq siècles, l’Occident réinvente la Terre sainte ».

Les ingérences étrangères sont multiformes : recherche des origines qui voit une France de plus en plus laïque défendre ses droits sur les lieux saints chrétiens, débarquement en masse des ordres enseignants catholiques et des missionnaires protestants, montée des nationalismes sioniste et arabe qui croisent les volontés impérialistes occidentales, tout cela se cristallise autour de Jérusalem. La question de Palestineest aussi une question d’Occident.

À l’horizon 1900, toutes les questions la définissant sont présentes : deux groupes humains se constituant en peuples revendiquant une même terre, avec un rôle permanent des acteurs impériaux extérieurs à la région et la double caractéristique d’un irrédentisme absolu et d’un jeu à somme nulle. Les uns et les autres se battront tout aussi bien pour avoir le droit à exister que pour conquérir ou défendre quelques mètres carrés.

Le dernier chapitre du premier tome s’intitule « L’impossible conciliation ». Il annonce le titre du tome V, dernier paru : La paix impossible (de 1982 à 2001). La boucle est bouclée. L’auteur se dit, dans une récente interview à L’Orient le jour, d’un « pessimisme total » pour l’avenir de la Palestine et même de la région. Le « jeu à somme nulle », où il doit y avoir un perdant et un gagnant, sans possibilité de compromis, est toujours à l’ordre du jour. Sauf qu’il s’agit d’un match inégal. La réserve propre à l’historien ne l’empêche pas de constater que l’un des joueurs ne respecte pas les règles de base. Sans que l’arbitre — les États-Unis — brandisse le carton rouge.

Oslo, un jeu à somme nulle

Le tome V commence avec la guerre du Liban, « première guerre israélo-palestinienne », à l’issue de laquelle l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) s’installe à Tunis et entame sa longue marche vers la reconnaissance d’Israël et les accords d’Oslo de 1993. Une grande partie de l’ouvrage est consacrée au lent processus d’étouffement de ces accords par le gouvernement de droite qui a succédé au signataire israélien des accords, le premier ministre Yitzhak Rabin, assassiné par un militant israélien juif d’extrême droite le 4 novembre 1995. Le vice est dans les détails de négociations d’une grande complexité, mais il est d’abord au cœur des accords d’Oslo eux-mêmes, écrit Henry Laurens, pour qui le climat de confiance nécessaire n’a jamais été installé. Les gouvernements israéliens de la période — tant de droite que de gauche — en sont pour lui les premiers responsables, en continuant de coloniser les terres d’un éventuel État palestinien.

Oslo aurait été jouable si l’on était entré dans un processus de décolonisation, mais on est allé au contraire dans le sens d’une colonisation et d’une cantonisation renforcées... La dépossession n’a jamais été aussi forte que durant l’application des accords.

Les Israéliens établissent des « faits sur le terrain » dans le but de les voir traduits en droit à la fin de la partie. Ils utilisent ainsi à leur avantage la faille principale des accords, « la contradiction essentielle du processus » : il ne précise pas où il va. Toutes les questions importantes, du statut de Jérusalem aux frontières et à la question des réfugiés, sont remises à plus tard. Oslo ne précisait pas la nature de la future entité palestinienne. État indépendant ou simple autonomie ? Yasser Arafat s’en tenait aux lignes du 4 juin 1967, avant la guerre, y compris Jérusalem-Est, annexée par Israël après la guerre — annexion jamais reconnue internationalement. Les Israéliens ne voulaient pas de cette référence, les États-Unis les ont soutenus. C’est le déséquilibre fondamental d’Oslo, et la cause de son échec. « Deux juridismes s’opposent », dit Laurens.

Aux yeux des Palestiniens, le droit est pour eux, puisque les résolutions des Nations unies, y compris celle du Conseil de sécurité ont fixé que toute la colonisation, y compris celle de Jérusalem, est illégale : ils ne font donc que négocier dans le cadre de l’application de ce droit, auquel s’ajoute le principe fondamental du droit à l’autodétermination. Or, les Américains ont suivi les Israéliens en mettant de côté ces droits au profit d’une négociation définie comme pragmatique… Américains et Israéliens entendent établir un nouveau droit fondé sur les accords qui mettraient fin au conflit.

Il n’est pas certain que Rabin, s’il était resté en vie, aurait changé la donne. Rien n’indique que le premier ministre assassiné, malgré la légende qui s’est répandue, aurait envisagé un autre schéma.

Les Palestiniens de leur côté ont-ils eux aussi voulu saper le processus d’Oslo ? Les Israéliens ont fréquemment dénoncé les divisions palestiniennes, principalement entre l’OLP, chargée des négociations, et les partis islamistes Hamas et Djihad islamique, opposés aux accords. L’auteur n’adhère pas à cette explication. « Les dernières années du processus ont été les moins violentes de la période. Arafat a réussi à neutraliser le Hamas ». Les militants islamistes n’ont pas oublié les rafles de la « sécurité préventive », la police politique palestinienne. La relative modération (il y eut tout de même des attentats sanglants) du Hamas devait toutefois autant à une réflexion très politique qu’à la répression : « le Hamas avait de toute façon fait le diagnostic sûr que la politique israélienne réussirait à faire échouer le processus ».

L’échec de Camp David

Le sommet de Camp David, en présence de Ehoud Barak et de Yasser Arafat, sous l’égide de Bill Clinton donnera raison au Hamas. Même s’il peut paraître facile de trancher quand on connaît la fin de l’histoire, on se demande encore comment le président des États-Unis a pu sérieusement croire à un règlement final du conflit ; ce n’est pas faute d’avoir été averti. À la veille de la rencontre encore, les négociateurs palestiniens « supplient les Américains de ne pas tout miser sur un sommet unique ; personne n’est prêt pour un accord qui serait à prendre ou à laisser. On ne veut pas les entendre ». Clinton cède au premier ministre Ehoud Barak, qui veut à tout prix une victoire diplomatique. Privé de majorité, Barak compte sur un succès pour reprendre la main. Pourtant il le rend lui-même impossible en publiant des « lignes rouges » inacceptables par Arafat : pas de retour aux lignes du 4 juin 1967, pas de retour des réfugiés palestiniens en Israël, pas de division de Jérusalem, pas d’armée étrangère à l’ouest du Jourdain, regroupement de 80 à 90 % des colons israéliens dans des blocs de colonies. Arafat devra non seulement accepter tout cela, mais en outre faire une déclaration mettant fin au conflit.

Dans la perspective israélienne, le sommet abolira toutes les négociations précédentes et tous les textes juridiques — y compris les résolutions de l’ONU. Clinton a traité cet enjeu colossal avec désinvolture. « Camp David a été l’une des négociations les moins bien préparées de l’histoire », écrit Henry Laurens. Les pays arabes n’ont pas été consultés, malgré l’importance pour eux de Jérusalem. On n’a même pas prévu de cartes ! Clinton se fait faute de mieux le porte-parole des Israéliens. Ehoud Barak refusant le contact direct avec Arafat, c’est le président des États-Unis qui présente les propositions israéliennes comme si elles étaient américaines, après en avoir discuté avec Barak qui ne lâche pas grand-chose. La véritable négociation se déroule entre Israéliens et Américains. Et si des versions différentes de ce fiasco peuvent encore circuler aujourd’hui, c’est parce que de nombreuses réunions n’ont pas fait l’objet de transcriptions écrites... Il n’existe pas non plus de procès-verbal unifié du sommet.

La négociation échoue. Sur Jérusalem et l’esplanade des Mosquées, mais aussi sur la question territoriale, les Israéliens proposant des territoires morcelés, plutôt « contigus » que « continus ». Pour couronner le tout, Clinton désignera publiquement Yasser Arafat comme le responsable de l’échec, en violation de la promesse qu’il lui avait faite de ne pas l’accuser en cas d’insuccès.

Un double mensonge, un simple procédé de « com’ » surtout destiné à sauver le soldat Barak vis-à-vis de l’opinion israélienne, relayé par nombre de journalistes occidentaux qui répètent jusqu’à plus soif le mot d’ordre israélo-américain : Arafat a « refusé les offres généreuses d’Ehoud Barak ». Alors que Camp David n’était finalement qu’une étape. Le communiqué final précise que « les deux parties s’engagent à poursuivre leurs efforts » sous l’égide des États-Unis. Ce qu’ils firent d’ailleurs.

L’esplanade des Mosquées, théâtre du malheur

En décembre 2000, Clinton publie des « paramètres » qui vont plus loin que les soi-disant « offres généreuses » de Barak. Les négociations continuent, jusqu’à la rencontre de la dernière chance dans la ville égyptienne de Taba, sur la mer Rouge, du 21 au 27 janvier 2001. Le représentant européen Miguel Angel Moratinos en rédigera un compte-rendu officieux ; est-on passé à côté de la paix, comme on l’entend dire parfois ? C’était en réalité trop tard, des élections étaient programmées en Israël et la défaite de Barak assurée. Et Taba n’a pas résolu les principaux problèmes. Certes, des cartes ont été présentées pour la première fois, les Palestiniens se sont montrés flexibles sur le droit au retour des réfugiés — et ont obtenu qu’Israël reconnaisse, pour la première fois, la nécessité de résoudre la question centrale des réfugiés et d’envisager la question de « l’application de la résolution 194 de l’Assemblée générale des Nations unies » [1], et on a avancé sur le partage de Jérusalem. Mais Moratinos ne peut que constater les désaccords qui subsistent. Sur les frontières et les colonies, et surtout sur le cœur du problème, l’esplanade des Mosquées (le Mont du temple pour les Israéliens). Aucun accord n’a été trouvé, et la solution a été renvoyée à plus tard.

Ce lieu saint est à la fois symbolique et essentiel, selon Henry Laurens, qui en tire l’argument principal de son pessimisme.

C’est là que réside l’irréductibilité du conflit… avec une confusion totale du national et du religieux chez les Israéliens comme chez les Palestiniens, et un biblisme américain incompréhensible pour les musulmans.

Le futur premier ministre Ariel Sharon, adversaire de toute négociation avec les Palestiniens, l’a bien compris. Le 28 septembre 2000, en effectuant une « visite » sur l’esplanade, escorté par une centaine de policiers, il déclenche la seconde intifada, qui permettra à Israël de réoccuper la plus grande partie des territoires palestiniens. La « réinvention de la Terre sainte » s’achève dans le sang et le malheur.

[1] Lire Alain Gresh, « Proche-Orient, la paix manquée », Le Monde diplomatique, septembre 2001.

Maison dite de Sharon à Jérusalem, symbole de la colonisation rampante des quartiers arabes musulmans et chrétiens de Jérusalem

Maison dite de Sharon à Jérusalem, symbole de la colonisation rampante des quartiers arabes musulmans et chrétiens de Jérusalem

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21 juillet 2016 4 21 /07 /juillet /2016 05:33
Turquie: Erdogan purge l'appareil d'Etat (Stéphanie Fontenoy, Médiapart: le 18 juillet 2016)

Turquie: Erdogan purge l’appareil d’Etat

18 JUILLET 2016 | PAR STÉPHANIE FONTENOY

Après le coup d’État militaire avorté, le président Erdogan veut mettre la société au pas. Une purge immédiate et radicale a commencé dans l’armée, la justice, la police et la bureaucratie.

Istanbul (Turquie), correspondance.- Les nuits d’Istanbul ont des airs de fête nationale depuis le coup d’État militaire avorté du 15 juillet, au cours duquel au moins 308 personnes ont été tuées, et 1 440 blessées. Des cortèges de voitures toutes vitres ouvertes, d’où dépassent de jeunes Turcs euphoriques brandissant le drapeau carmin frappé d’un croissant de lune et d’une étoile, circulent en boucle dans les rues, répandant dans leur sillage un concert de klaxons. De leurs stéréos émanent l’hymne républicain et des chants politiques à la gloire du président Recep Tayyip Erdogan et de son Parti de la justice et du développement (AKP). En plus des appels à la prière, les haut-parleurs des mosquées invitent les fidèles à descendre dans la rue « pour défendre le pays ». « Nous sommes très fiers de notre peuple, car nous nous sommes opposés aux comploteurs de l’armée. La Turquie sort grandie et plus forte de cette épreuve », explique un électeur de l’AKP qui a sorti son drapeau au lendemain du coup d’État manqué.

Usant comme d’habitude de fortes métaphores religieuses, le président islamo-conservateur joue sur la fierté nationale et la ferveur musulmane pour mobiliser ses partisans et les inviter à faire front, en particulier dans les grandes villes comme Ankara et Istanbul.

Les funérailles des antiputschistes lui ont servi dimanche de tribune pour galvaniser ses troupes. « La semaine à venir est très importante. Vous allez remplir les places, nous ne pouvons pas, pour le moment, être tranquilles. Il ne s'agit pas là d'une opération d'une douzaine d'heures. Nous allons poursuivre les opérations avec conviction », a exhorté le président turc devant une foule compacte.

Funérailles ou meeting politique ? Les notables de l’AKP étaient venus en nombre avec leurs grosses berlines noires, garées en double file dans les rues de Fatih, un quartier conservateur où avait lieu la cérémonie. Des participants levaient l’index et l’auriculaire, signe de rassemblement du mouvement nationaliste turc. Par moments sereine et familiale, l’atmosphère devenait plus partisane lors du passage des cercueils contenant les dépouilles, encadrées par des forces de l’ordre, ovationnées de puissants « Allahu akbar » (« Dieu est grand ») pour se donner du baume au cœur. Les corps des soldats putschistes, pour la plupart de jeunes appelés, ont été exclus des hommages nationaux, puisqu’ils sont considérés avant tout comme des traîtres.

Après le recueillement, place aux règlements de comptes. Une purge immédiate et radicale a commencé dans l’armée, la justice, la police et la bureaucratie. Le président Erdogan a fait arrêter son plus proche conseiller militaire, le colonel Ali Yazici, ainsi que le général Mehmet Disli et le commandant de la base aérienne d’Incirlik, le général Bekir Ercan Van. Au total, 36 généraux seraient détenus. Des milliers de militaires, un tiers des juges et des procureurs, 30 préfets, 46 sous-préfets, 8 000 agents de police ont été limogés, interrogés, placés en garde à vue. L'agence de presse progouvernementale turque Anadolu rapporte en outre ce lundi que des mandats d'arrêt ont été délivrés à l'encontre de 2 745 juges et procureurs dans toute la Turquie. Près de 9 000 fonctionnaires du ministère de l’intérieur ont également été limogés.

Et ce n’est qu’un début. Ce grand nettoyage vise surtout les milieux gülenistes, proches de l’iman Fethullah Gülen, un ancien allié devenu ennemi juré du président turc. Ce dernier accuse le prédicateur d’être l’instigateur du coup d’État, à travers son influente confrérie « Hizmet » dont les membres sont présents au sein de l’armée, de la magistrature et de l’administration. Bien qu’il soit exilé aux États-Unis depuis 1999, le prédicateur musulman est accusé par les autorités turques de diriger un État dans l’État. Sa plateforme, qui comprend notamment des médias, des écoles et un groupe financier, a d’ailleurs été récemment classée comme organisation terroriste en Turquie. « Erdogan va utiliser cette tentative de coup d’État pour purger tous les sympathisants de Gülen des services publics », affirme Aykan Erdermir, chercheur à la Foundation for Defense of Democracies basée à Washington aux États-Unis et ancien député turc du parti d’opposition CHP (républicain – laïc).

Ce coup d’État manqué constitue un prétexte en or pour l’homme fort de la Turquie, qui peut désormais imposer toutes ses volontés. Ce qui laisse planer de nombreux doutes sur l’origine et les motivations réelles de ce soulèvement. Fethullah Gülen a réfuté toute implication, suggérant qu’il pourrait s’agir d’un coup monté depuis le palais présidentiel. Certains, parmi l’opposition, dénoncent une « farce » et n’hésitent pas à comparer les événements du 15 juillet à l’incendie du Reichstag en 1933. Il se dit aussi que le président avait eu vent d’un complot, mais qu’il aurait fermé les yeux pour mieux mater la rébellion et sortir grandi de cet épisode. Pour Inar Izci, analyste politique turc, les racines du putsch proviennent des divisions internes au sein de l’appareil d’État. « C’est une lutte fratricide entre les responsables du pouvoir. Que les auteurs soient les gülenistes ou une fraction dissidente de l’armée, ils appartiennent tous à l’élite dirigeante », affirme-t-il.

« On a l’impression d’avoir eu affaire à des desperados »

Vrai ou faux, la rapidité avec laquelle s’est déroulée le putsch, la façon dont les militaires se sont rendus en opposant très peu de résistance, soulèvent de nombreuses questions.« Le mode opératoire avait l’air trop maladroit. On connaît la puissance de l’armée turque et sa puissance de feu. Quand elle veut obtenir quelque chose, elle va jusqu’au bout. Elle est allée jusqu’à pendre un premier ministre dans le cas d’Adnan Menderes en 1960 ou de nombreux militants d’extrême gauche et d’extrême droite à la suite du coup d’État de 1980. On constate qu’il y a un manque de volonté, comme si cette entreprise était perdue d’avance. On a l’impression d’avoir eu affaire à des desperados », souligne Bahar Kimyongür, journaliste d’opposition visé par la justice en Turquie.

Pour ce dernier, qui le tient de source militaire, les jeunes appelés ayant participé au coup d’État auraient pu être manipulés. « Certains soldats pourraient ne pas avoir été mis au courant de leur participation à un putsch, affirme-t-il. Ils auraient reçu la consigne de bloquer certains axes, ponts et édifices officiels, dans le cadre d’une opération antiterroriste. Il se peut que ces militaires aient été manipulés et n’aient pas forcément été au courant de cette opération et de ce qui se tramait. »

D’autres ont vu dans cette tentative de renversement une intervention totalement déconnectée de la société turque dans son ensemble. « Cette tentative de coup d’État dénotait une méconnaissance de ce qu’est devenue la Turquie. Elle a été menée avec l’état d’esprit de 1980. Le fait qu’on ait laissé les réseaux sociaux fonctionner, par exemple. Ce n’est plus en prenant la télévision publique qu’on contrôle l’opinion. La façon de faire était incroyablement archaïque », souligne Jean-François Pérouse, directeur de l’Institut français des études anatoliennes d’Istanbul et auteur, avec le journaliste Nicolas Cheviron, du récent ouvrage Erdogan, Nouveau Père de la Turquie ?(lire l'entretien réalisé par Pierre Puchot).

Une seule certitude : l’homme fort d’Ankara sort grandi de l’épreuve, ayant réussi sa démonstration de force en direct devant les caméras du monde entier, le « peuple » prétendument derrière lui. « Cela crée une nouvelle configuration pour les années à venir, car Recep Tayyip Erdogan est intouchable, il est devenu un héros de la démocratie. Par un référendum, il va obtenir la possibilité de changer la Constitution très facilement, de passer au système présidentiel, et surtout il va devenir très difficile de construire une opposition politique », poursuit Jean-François Pérouse.

La gauche turque est sur des charbons ardents, pendant que les minorités, notamment les alévis, se sentent menacées par la montée en puissance des musulmans sunnites. « Je ne sais pas ce qui va se passer demain, mon pays m’échappe », explique un étudiant turc, qui préfère rester anonyme, par peur des représailles. « Après les militaires, s'inquiète-t-il, Erdogan va s’attaquer aux gens éduqués, aux intellectuels, car ils sont une menace pour lui. Il veut nous réduire au silence car nous ne sommes pas avec lui. Il n’y aura plus de juges pour me représenter, car ils seront tous à la botte du pouvoir. »

La peur de l’avenir est palpable, au point que de nombreux Turcs réfléchissent à quitter le pays. « Le gouvernement va agir comme s’il avait les pleins pouvoirs. Ma plus grande inquiétude est que le soutien populaire à l’AKP devienne plus fort et plus interventionniste, et qu’il nous influence dans la vie de tous les jours. Les personnes de gauche, laïques ou non conservatrices, les personnes LGBT, se sentent menacées. Je crains encore plus de fragmentations dans la société. À moyen terme, je pense que ce pays pourrait descendre dans une guerre civile, avec des éliminations d’opposants et des emprisonnements », redoute Inan Izci.

Signe avant-coureur de ses tendances répressives, le président Erdogan n’a pas exclu de rétablir la peine de mort, abolie en 2004. Répondant à une foule qui scandait « Nous voulons la peine de mort » pour les putschistes, le président turc a affirmé, dimanche :« Je pense que notre gouvernement va en discuter avec l’opposition et qu’une décision sera sans aucun doute prise », a t-il affirmé. « En démocratie, la décision, c’est ce que veut le peuple. Nous ne pouvons pas trop retarder cette décision car dans ce pays, ceux qui mènent un coup contre l’État sont dans l’obligation d’en payer le prix. »

Dans l’immédiat, les quatre partis représentés au Parlement turc affichent une unité de façade, condamnant de concert le coup d’État et vantant la victoire de la démocratie. Dans ce contexte, il est probable que le chef de l’État obtienne rapidement le soutien des députés pour approuver son projet de référendum en vue d’établir un régime présidentiel en Turquie, qui assoirait officiellement son pouvoir. Son rêve est désormais à portée de main.

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