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12 février 2021 5 12 /02 /février /2021 09:07

 

 

Le groupe de la Gauche démocrate et républicain fait part une nouvelle fois de son opposition à ce système de gestion de crise consistant à prolonger un état d’urgence sans que les élus de la nation aient vraiment leur mot à dire sur les différentes mesures prises dans ce cadre. Le Parlement n’a pas comme fonction d’être écouté de temps en temps. Les parlementaires ont des propositions à discuter, autres que de proroger des états d’urgence tous les trois ou quatre mois, ou de débattre dans le cadre de l’article 50-1 de la Constitution.

La verticalité de la décision est poussée à l’extrême. Le président décide d’un couvre-feu à 18 heures, inédit dans notre histoire –certes, peut-être justifié–, sans que nous ayons pu échanger à partir des données scientifiques. La présidente et les présidents de groupe sont régulièrement invités par M. le Premier ministre, mais ce sont des réunions d’information dont l’utilité n’a pas vraiment été démontrée. La gestion restreinte de la crise est dangereuse, car en se privant de la collégialité et de la légitimité démocratique que peut donner l’Assemblée, les risques d’erreurs et de fausse route sont plus importants. Si les parlementaires eux-mêmes se sentent exclus du processus décisionnel, alors qu’en est-il de nos concitoyens et concitoyennes, baladés de consignes en consignes, de prise de parole en prise de parole, dans l’attente que le Président ou le Premier ministre leur dise s’ils seront assignés à domicile, quand ils seront vaccinés, et cætera ?

Ce n’est pas le fond des décisions que je remets en cause ; ce qui me préoccupe, c’est de savoir que tout dépend d’un groupe restreint. Nous allons vers des problèmes démocratiques, les mesures prises risquant d’être de moins en moins acceptées. Cela va de pair avec cette lente dérive de la Ve République, au sujet de laquelle plusieurs d’entre nous lancent l’alerte.

La collégialité dans la construction des normes, même dans l’urgence, n’est pas un frein à l’action. La concentration des pouvoirs n’est pas synonyme d’efficience, y compris dans les périodes de crises les plus aiguës. Car pour être efficaces, les mesures doivent être éclairées, légitimes et consenties, toutes choses pour lesquelles l’implication étroite du Parlement est nécessaire. Toute décision touchant les libertés fondamentales doit passer par la loi. Il faut arrêter de nous occuper avec les débats au titre de l’article 50-1 de la Constitution sur des sujets aussi importants. La loi n’est pas bavarde, la loi n’est pas une contrainte, même et surtout dans l’urgence. Les parlementaires sont des gens responsables devant leurs électeurs et leurs électrices.

Je m’inquiète également de la banalisation de l’état d’urgence, qui vient supplanter le droit commun à chaque crise. Nous avons du mal à ne pas y voir une certaine normalité, que l’état d’urgence soit sanitaire ou relatif à la sécurité. Le présent texte propose d’étendre encore le régime juridique de l’état d’urgence jusqu’en décembre, avec des débats périodiques pour le prolonger ou non ; le prochain est prévu le 1er juin, c’est-à-dire dans quatre mois.

Je voudrais enfin rappeler que l’état d’urgence, s’il est sanitaire, est aussi social. Or je ne vois rien arriver pour contrer la vague de pauvreté résultant des licenciements et du chômage à temps partiel ; rien pour les petits salaires ; rien pour le SMIC ; aucune avancée réelle sur l’autonomie financière et matérielle pérenne des jeunes. Notre pays connaît plus de 20 % de pauvreté infantile. Au-delà de la stratégie sanitaire, il nous faut dès à présent traiter ces dossiers de manière urgente. Force est de constater que ce n’est pas à l’ordre du jour de l’Assemblée.

Il est temps de concilier lutte contre la pandémie et respect du processus démocratique. Il est temps de traiter les dégâts sociaux de façon aussi urgente que les dégâts sanitaires. Le groupe GDR pense qu’il est temps de passer à un régime de saisine régulière du Parlement, à un régime respectueux de la démocratie et du principe de séparation des pouvoirs. Pour toutes ces raisons, nous ne voterons pas en faveur de ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe FI.)

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11 février 2021 4 11 /02 /février /2021 20:02
Une photo de Maître Lalouët, premier maire communiste de Bretagne et l'un des premiers de France

Une photo de Maître Lalouët, premier maire communiste de Bretagne et l'un des premiers de France

Voici, écrit par Georges Cadiou, et nous le publions dans le "Chiffon Rouge" avec l'aimable autorisation de l'auteur, un dossier qui démontre, à son avis, que Douarnenez ne fut pas la première municipalité communiste de France, ni même de Bretagne où elle est devancée par Huelgoat. Cela n'enlève rien évidemment au rôle important qu'a joué Douarnenez dans les années 20 mais, pour Georges Cadiou, il faut redonner sa place historique au Huelgoat et à Jacques-Louis Lalouët qui, bien qu'ayant quitté le PC assez tôt, garda des liens fraternels avec les communistes finistériens.
En 1925, il fut même l'avocat de Daniel Le Flanchec lors du procès concernant les événements tragiques que connut la ville ! Lalouët défendra aussi de nombreux militants syndicaux et communistes devant les tribunaux, notamment Théophile Kerdraon ! C'est une figure à réhabiliter !
 
Maître Jacques Louis Lalouët, premier maire communiste de Bretagne à Huelgoat - par Georges Cadiou

Une personnalité attachante malheureusement bien oubliée aujourd’hui : Louis Jacques Lalouët, premier maire communiste de Bretagne, l’un des premiers en France

- Par Georges Cadiou, journaliste, écrivain, historien

Le PC vient de fêter ses 100 ans. Dans une certaine indifférence, il faut bien le dire. Mais même s’il n’est plus le parti qu’il a été, il a marqué notre histoire politique, y compris en Bretagne. On lit encore, çà et là, que Douarnenez a été la première municipalité de France à élire un maire communiste, en l’occurrence Sébastien Velly, tapissier de profession. Rien n’est plus faux : il y a eu des maires communistes avant Douarnenez qui n’est même pas la première en Bretagne où elle est devancée par Huelgoat !

Au moment du 18ème Congrès du Parti Socialiste Unifié, Section Française de l’Internationale Ouvrière (SFIO) à Tours, fin décembre 1920, qui doit décider de l’orientation du socialisme français (adhésion ou pas à l’Internationale Communiste), le maire de Douarnenez est Fernand Le Goïc, membre de la SFIO. Le maire du Huelgoat est Lalouët, prénommé Jean Louis Jacques Marie. On disait volontiers Louis et il signait Jacques. Également élu SFIO en décembre 1919, il va, dès 1920, faire le choix de l’Internationale Communiste (le Komintern) créée par Lénine à Moscou en mars 1919, dans la foulée de la Révolution d’Octobre 1917.

Né le 11 février 1890 à Goulien dans le Sud-Finistère, avocat des organisations ouvrières brestoises, blessé et décoré lors de la Guerre de 14-18 qu’il a terminée comme officier, Lalouët était même l’un des dirigeants de la jeune fédération communiste finistérienne dont il était le trésorier. Il était aussi l’un des principaux rédacteurs de Germinal, l’hebdomadaire communiste dont le premier numéro parut le 5 février 1921. Lalouët a écrit plusieurs éditoriaux, signant de son nom ou du pseudonyme de Jacques Misère, sur divers sujets abordés à l’époque (la dictature du prolétariat, la question paysanne …).

Le 9 janvier 1921, dix jours après le verdict du Congrès de Tours qui donne une large majorité à l’adhésion à l’Internationale Communiste, Lalouët est candidat aux élections sénatoriales du Finistère sur la liste communiste, en qualité de maire du Huelgoat. Le Goïc qui est resté à la SFIO, est, en tant que maire de Douarnenez, sur la liste socialiste ! La Une de La Dépêche Brest du 10 janvier 1921 est à cet égard sans ambiguïté.

Rien que ce fait, que je rappelle depuis de nombreuses années dans divers articles ou livres, aurait dû mettre fin à cette légende de Douarnenez, première municipalité communiste de France, une légende née dans les années 1970 et à laquelle il est temps de mettre fin.

L’Humanité, le quotidien fondé par Jaurès, resté aux mains des majoritaires communistes, fait, tout au long des premières semaines de 1921, la liste des élus, notamment les maires, restés fidèles, dixit L’Huma, au vote majoritaire de Tours, face à ceux que le journal désigne comme « les dissidents ». On trouve dans cette liste, et cela ne surprendra personne, de nombreux maires de la région parisienne : Emile Cordon (Saint-Ouen), Jean-Marie Clamamus (Bobigny), André Morizet (Boulogne-Billancourt, c’est l’arrière-grand-père de Nathalie Kosciusko-Morizet, il ira en Russie et en ramènera un livre : « Chez Lénine et Trotski » publié en 1921), Gaston Philippe (Saint-Denis), Henri Sellier (Suresnes). Il y a aussi Albert Sérol (Roanne), Paul Bouthonnier (Périgueux), Emile Clévy (Troyes), Joseph Lasvergnas (Saint-Junien), Jules Nadi (Romans), Frédéric Subra (Mercus-Garrabet dans l’Ariège), Julien Tixier (Donzeil dans la Creuse), Paul Bazin (Petit-Quevilly), d’autres encore dont Lalouët au Huelgoat ! Sébastien Velly n’apparait pas sur ces listes. Pire : il n’est jamais cité par L’Huma tout au long de l’année 1921 ! Avouez que pour quelqu’un présenté aujourd’hui comme le premier maire communiste de France c’est plutôt étrange ! Ouvrons aussi une parenthèse : ceux qui disent que Douarnenez est la première à avoir élu un maire communiste, les autres ayant été élus comme SFIO avant de devenir communistes, donc c’est Douarnenez qui est la première, s’arrangent avec les faits ! Aucun des maires que nous avons cités n’a été mis en minorité par son conseil municipal. Au contraire, ils ont été confortés notamment lors du vote du budget, l’acte municipal fondamental. Mais si on veut absolument se placer sur cette argutie on peut citer Paul Bazin*, le maire du Petit-Quevilly, dans la banlieue de Rouen. Il a choisi l’Internationale Communiste. Il est révoqué pour avoir arboré le 1er mai 1921 le drapeau rouge au fronton de sa mairie ! Il se représente devant les électeurs et est brillamment réélu le 19 juin ! Reconfirmé comme maire communiste par le corps électoral. A Douarnenez, ce ne fut pas le cas. Il y eut aussi des partielles en mai, mais les communistes furent nettement battus. Reprenons donc le fil des évènements fort bien rappelés par Maurice Lucas dans son livre publié en 1975, « Luttes politiques et sociales à Douarnenez, 1890-1925 » :

25 février 1921 : Le Goïc est invalidé comme maire de Douarnenez pour non résidence ! Il est professeur à Nantes. Il y a eu d’autres départs du conseil municipal. Pour désigner un nouveau maire, il faut donc procéder à des élections partielles pour quatre sièges vacants. Celles-ci ont lieu les 8 et 15 mai 1921. Il y a trois listes en lice : une liste socialiste, une liste communiste et une liste de droite. Le Goïc a eu le temps de régulariser sa situation et il peut mener la liste SFIO qui GAGNE CES PARTIELLES ! Elle a trois élus (Le Goïc, Jacquin et Gonidec), la droite en a un (Quinquis, un mareyeur). Les communistes ont été nettement battus dans ces partielles, ils n’ont aucun élu !

Le 22 mai, c’est l’élection du maire par le conseil municipal de Douarnenez un conseil qui comprend 27 élus mais il y aura des absents pour diverses causes. Ce 22 mai, il y a trois tours de scrutin. La situation est très confuse. En fait aucune majorité ne se dégage.

1er tour : Sébastien Velly, candidat communiste, obtient 10 voix et Le Goïc 9. Pas de majorité absolue. On revote.

2ème tour : Le Goïc obtient 10 voix et Velly 8 ! Toujours pas de majorité !

3ème tour : les communistes poussent un nommé Joseph Floch qui obtient 13 voix contre 10 à Le Goïc, mais Floch, notoirement illettré, démissionne aussitôt !

On en reste là, dans une impasse. Le conseil municipal de Douarnenez décide alors, comme la Loi l’exige, de s’en remettre à … la préfecture !

Le 3 juillet 1921, à Quimper c’est la surprise : le conseil de préfecture décide de ne retenir que le premier tour de scrutin, même s’il n’y avait pas de majorité absolue et déclare Velly maire de Douarnenez. On ne saura jamais pour quelles obscures raisons les services préfectoraux ont privilégié un « rouge » comme on disait alors ! Mais le fait est que, au moment où Douarnenez se débattait dans cette affaire, Huelgoat avait un maire communiste en place depuis pratiquement six mois !

La suite allait encore réserver bien des surprises. Comme beaucoup d’autres vite déçus par le mirage bolcheviste, Lalouët prend ses distances avec le PC. Il était franc-maçon et cela n’était pas bien vu alors au PC ! Il avait eu aussi le tort pour certains d’avoir reçu, en tant que maire, dans sa mairie du Huelgoat, au cours d’une grande fête touristique en septembre 1921, Yves Le Trocquer, natif de Pontrieux, le Ministre des Travaux Publics dans un gouvernement qui avait brutalement réprimé les cheminots grévistes au printemps 1920 et le maréchal Foch, qui avait une propriété à Ploujean et que beaucoup considéraient comme l’un des responsables du grand massacre de 14-18, une guerre exécrée par les tenants de l’Internationale Communiste. Lalouët quitte donc le PC, courant 1922, tout en conservant des relations cordiales avec lui, notamment en assurant la défense des militants devant les tribunaux. L’époque était en effet à la répression la plus sévère envers les membres du PC dans plusieurs affaires comme l’occupation de la Ruhr, la guerre du Rif, l’antimilitarisme.

Battu par Le Rumeur, socialiste SFIO, aux élections municipales de 1925 au Huelgoat, Lalouët va ensuite se rapprocher du … mouvement breton. Rappelons que Léonard de naissance avec un père agriculteur né à Plouyé et une épouse native de Plougonven dont les parents étaient commerçants au Huelgoat, Lalouët s’exprimait très bien en breton. Le 11 septembre 1927, il est présent à Rosporden pour la création du PAB, le Parti Autonomiste Breton qui penche alors nettement à gauche avec des hommes comme Maurice Duhamel et Morvan Marchal (l’inventeur du gwenn-ha-du). Par la suite, il ne suivra pas la dérive nationaliste puis fasciste dans les années 30 des tenants du PNB, le Parti National Breton, en premier lieu Olier Mordrel. Après un court passage au parti ADSAO (Debout) de l’abbé Madec, le curé démocrate-chrétien du Relecq-Kerhuon surnommé « Madec-Social », Lalouët qui était toujours avocat à Brest où il défendait notamment les syndicalistes et les militants ouvriers, s’était à nouveau rapproché de la SFIO. En 1935, il figurait sur la liste socialiste aux élections municipales à Brest mais il ne fut pas élu. Il occupait alors de hautes fonctions dans la franc-maçonnerie au sein de L’Heureuse Rencontre. En 1940, il s’engage pour combattre le nazisme. Il est fait prisonnier aux Pays-Bas puis il sera libéré sur l’intervention de … militants bretons ** ! Mais, revenu à Brest, il ne rallia pas les tenants de la Collaboration, rejoignant, au contraire un mouvement de résistance. Il utilisa aussi son poste de traducteur à la Kommandantur où il avait été requis (il parlait très bien l’allemand), pour prévenir les résistants des dangers qu’ils encourraient. Il signait les tracts clandestins qu’il imprimait du nom de … Jacques Misère, son pseudonyme du temps de sa période communiste. Lalouët est décédé à Brest le 24 janvier 1953. C’est Maître Georges Lombard, futur élu brestois, qui prononça son oraison funèbre.

Pendant tout ce temps, Douarnenez confirmait son ancrage communiste, avec la grande grève des sardinières, la venue de Charles, Tillon et de Marcel Cachin, l’élection du fameux Daniel Le Flanchec qui sera grièvement blessé dans un attentat, autrement dit « la geste révolutionnaire » chez les « pen-sardin » ! L’Humanité annonce le décès de Sébastien Velly le 19 juillet 1924. Le quotidien du PC évoque celui qui a fait triompher « dans le grand port breton parmi la population laborieuse des pêcheurs les principes de notre Parti. Il a toujours tenu haut et ferme le drapeau du communisme international. » En février 1925, le conseil municipal de Douarnenez donne le nom de Sébastien Velly à une rue de la ville. L’Humanité du 28 février 1925 relate l’affaire en écrivant que Velly est « le premier maire communiste de Douarnenez ». De Douarnenez, ce qui est vrai mais pas de France, ni même de Bretagne !

Georges Cadiou

  • Né en 1890, le Normand Paul Bazin, révolutionnaire professionnel, quitta le Petit-Quevilly en 1923 pour devenir secrétaire départemental en Ille-et-Vilaine. Ami personnel de Marcel Cachin, il fit alors la connaissance de Charles Tillon avec lequel il milita sur toute la Bretagne. Dans son livre « On chantait rouge », Tillon le présente comme « un grand gaillard sympathique ». A noter que dans ce livre, Tillon parle beaucoup de Douarnenez où il anima la grande grève des sardinières. Il parle surtout du célèbre Le Flanchec et ne cite qu’une fois Velly (qu’il orthographie Vély), sans préciser qu’il aurait été le premier maire communiste de France ! Si cela avait été le cas ne l’aurait-il pas fait ! Mais pour avoir vécu ces évènements de près, il savait que ce n’était pas vrai !

** En 1940, plusieurs nationalistes bretons, notamment André Geffroy (« le Grand Gef »), firent le tour des camps de prisonniers en Allemagne, avec l’aval de Berlin, en vue de recruter des volontaires pour former une « armée bretonne » destinée à « libérer » la Bretagne ! Environ 600 prisonniers bretons reviendront ainsi en Bretagne où, pour la plupart, ils s’évanouiront dans la nature ou prendront des chemins différents. Ce fut le cas de Lalouët (Lire à ce sujet notre livre : L’Hermine et la Croix Gammée).

 

Lire :

Georges Cadiou : L’Hermine et la Croix gammée, le mouvement breton et la collaboration, Editions Mango, Paris, 2001 (réédité en poche par Apogée, Rennes, 2006) ; Emsav, Dictionnaire critique historique et biographique, Le mouvement breton de A à Z, Coop-Breizh, Spézet, 2013. A venir : Marcel Cachin, un Breton émancipé dans les tourments du 20ème siècle, Yoran Embanner, Fouesnant, 2021. Avec Eliane Faucon-Dumont : Huelgoat et les Monts d’Arrée, les rebelles de la montagne, Editions Alan Sutton, Saint-Cyr-sur-Loire, 2008.

Roger Faligot : Brest l’insoumise, Editions Dialogues, Brest, 2016

Jean-Yves Guengant : Brest et la franc-maçonnerie, Editions Armeline, Crozon, 2008 ; Nous ferons la grève générale, Jules Le Gall, les anarchistes et l’anarcho-syndicalisme à Brest et en Bretagne, Editions Jean-Marie-Goater, Rennes, 2019. A venir : une histoire de la franc-maçonnerie maritime chez le même éditeur.

Kristian Hamon : Les nationalistes bretons sous l’Occupation, An Here, Le Relecq-Kerhuon, 2001 (livre réédité par Yoran Embanner).

André Kervella : Brest rebelle, Skol Vreizh, Morlaix, 1998.

Jean-Michel Le Boulanger : Flanchec, 1881-1944, ou l’étrange parcours d’un insoumis, Mémoire de la Ville, Douarnenez, 1997.

Maurice Lucas : Luttes politiques et sociales à Douarnenez, 1890-1925, édité en 1975.

Charles Tillon : On chantait rouge, Robert Laffont, Paris, 1977.

Collections de L’Humanité, Le Cri du Peuple, Germinal, La Dépêche de Brest et L’Ouest-Eclair

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11 février 2021 4 11 /02 /février /2021 09:16

 

Malgré son revers dans les vaccins, Sanofi a décidé de poursuivre ses restructurations et de tailler à nouveau dans sa recherche. La facture de trente ans d’abandon de toute politique industrielle, de toute politique de recherche est en train de nous être présentée.

Les salariés de Sanofi ont beau essayer de chercher des explications, ils ne comprennent pas. Ou plutôt ils ne comprennent que trop bien la conduite du groupe pharmaceutique. Après le revers de sa stratégie dans l’élaboration d’un vaccin contre le Covid-19, repoussé désormais au mieux à la fin de l’année, tout aurait dû pousser la direction de Sanofi à s’interroger sur la pertinence de ses choix, sur la place laissée à la recherche jugée comme essentielle. Mais rien ne s’est passé.

Le 28 janvier, la direction de Sanofi Recherche et Développement en France a confirmé à l’occasion d’un comité social d’entreprise (CSE) la suppression de 364 emplois en France, une mesure qui vise particulièrement l’unité de Strasbourg appelée à être transférée en région parisienne.

Ce plan s’inscrit dans un programme plus large annoncé en juillet 2020. Le groupe entend supprimer 1 700 emplois en Europe dont un millier en France sur trois ans. « Mais ce n’est qu’une partie du projet Pluton, prévient Jean-Louis Perrin, délégué CGT à Montpellier. Sanofi est en train de se désindustrialiser. Toute la pharmacie de synthèse est appelée à disparaître dans le groupe. Les sites de Sisteron, Elbeuf, Vertolaye, Brindisi (Italie), Francfort (Allemagne), Haverhill (Royaume-Uni), Újpest (Hongrie) sont destinés à sortir du groupe. Au total, cela représente 3 500 emplois. »

Comment le gouvernement peut-il laisser faire cela ? Sous le choc du double échec de Sanofi et l’Institut Pasteur, censés figurer aux premiers rangs mondiaux dans les vaccins, mais incapables l’un comme l’autre d’élaborer un vaccin contre le Covid-19, la classe politique ne manque pas de se poser des questions.

La défaillance de ces deux groupes, présentés comme « l’excellence de la recherche française », est vécue comme une preuve de déclassement supplémentaire. Et, dans ce contexte, l’annonce de nouvelles suppressions d’emploi dans les centres de recherche de Sanofi, qui en a déjà perdu plus 3 000 en dix ans en France, paraît incompréhensible.

« C’est une honte pour un groupe comme Sanofi et une humiliation pour la France de ne pas être capable de mettre un vaccin sur le marché », dit Fabien Roussel, secrétaire national du PCF, en rappelant que Sanofi bénéficie depuis dix ans de 150 millions d’euros de crédit d’impôt pour la recherche par an.

Sans parler du soutien de l’Élysée, mis en exergue par le Spiegel, pour permettre à Sanofi d’intégrer le programme européen d’achat de vaccins, dans des conditions opaques : le groupe pharmaceutique ne satisfait à aucun des critères pour être éligible, souligne une enquête du Monde. Sanofi a obtenu un préfinancement européen de 324 millions d’euros à la suite de la commande de 300 millions de doses par l’Europe.

Même dans les rangs des députés de La République en marche, qui ne manquaient pas de ricaner à chaque intervention du député (LFI) François Ruffin – un des premiers à tirer le signal d’alarme en tant que journaliste puis en tant qu’élu sur la situation de Sanofi –, on ne rigole plus. « C’est un signe du déclin de notre pays et ce déclin est inacceptable », constate François Bayrou, président du Modem et désormais haut-commissaire au plan. À toutes ces inquiétudes, le gouvernement a répondu par un silence assourdissant.

Au sein du groupe comme dans le monde scientifique, les critiques se font encore plus acerbes. Même si tous reconnaissent qu’il y a toujours une part de chance, de hasard dans la recherche, que les échecs et les impasses font partie du processus d’innovation, ils n’en questionnent pas moins la stratégie adoptée par Sanofi.

« Je ne comprends pas pourquoi Sanofi a choisi de développer un vaccin à base de protéines recombinantes, parce que cela oblige à refaire un vaccin à chaque mutation du virus. Or un virus mute, comme on le voit », relève Jean*, chercheur à l’Inserm. « C’est une vraie question. Je pense qu’ils ont pris la voie la moins risquée, la moins coûteuse », soupçonne Fabien Mallet, coordinateur adjoint CGT de Sanofi.

Mais ce sont les explications laborieuses, données avec beaucoup de retard par la direction de Sanofi, qui ont encore plus scandalisé les chercheurs du groupe. « Ils ont expliqué qu’ils se sont trompés sur la concentration du réactif. Comment peut-on en arriver là en stade des tests humains sans avoir vérifié la concentration des produits ? C’est le b.a.-ba du métier. Cela prouve qu’on a perdu la maîtrise de tout. L’écosystème a été touché », analyse Sandrine Caristan, chercheuse au centre Sanofi de Montpellier et représentante de Sud Chimie. « C’est incompréhensible. Ils semblent avoir oublié toutes les procédures scientifiques », abonde Jean.

Invité à réagir à ces critiques, Sanofi n’a pas répondu directement. Le groupe indique que « la stratégie à suivre a été identifiée et le problème résolu. Nous sommes confiants et fermement résolus à développer un vaccin sûr et efficace contre la Covid-19 ».

Les pouvoirs publics semblent se contenter de ces réponses et minimiser la situation. Pourtant, c’est un secteur industriel entier, dont la pandémie a rappelé l’importance, qui est en train de partir en miettes sous nos yeux. « Cela vient de loin. On paie un retard endémique », constate Frédéric Genevrier, cofondateur du bureau d’analyses OFG Recherche.

La facture de trente ans d’abandon de toute politique industrielle, accompagnée par la disparition de nombreuses compétences au sein de l’État, de trente ans de sacrifices imposés à la recherche publique considérée comme une dépense excessive, de croyance enracinée que nos champions nationaux désormais privés sauraient bien mieux que l’État avoir réponse à tout, est en train de nous être présentée.

Aventis, c’est d’abord le fruit d’un regroupement conduit pendant près de quarante ans de la quasi-totalité des capacités de l’industrie pharmaceutique française développées depuis le début du XIXe siècle. Au moment de la nationalisation de 1981, trois grands noms dominent le marché : Rhône-Poulenc, géant de la chimie, de l’agrochimie, de la pharmacie qui domine tout le secteur ; Sanofi, créé en 1973 dans le giron d’Elf ; Roussel-Uclaf, spécialiste notamment de la pénicilline, qui s’est allié avec le groupe pharmaceutique Hoechst.

Très vite, l’idée de regrouper les forces éparpillées dans des petits laboratoires émerge au sein de ces groupes. Les uns et les autres commencent à racheter ou à prendre le contrôle de concurrents plus petits. Sous les applaudissements des gouvernements successifs qui voient dans ces opérations financières une consolidation de « l’excellence française ».

« Ce sont les réglementations qui ont imposé le Big Pharma. Les essais cliniques étant de plus en plus coûteux, il fallait une force financière pour pouvoir les assumer. Seuls, les petits laboratoires n’auraient pas pu s’en sortir », soutient aujourd’hui Loïk Le Floch-Prigent qui, en tant que PDG de Rhône-Poulenc (1982-1986) puis d’Elf (1989-1993), fut à la manœuvre dans ces regroupements.

Un Big Pharma français

Dès 1991, avant même d’être privatisé, Rhône-Poulenc accélère le processus. Il acquiert le laboratoire américain Rorer. C’est le début de la grande transformation du groupe, qui choisit de se concentrer sur la pharmacie pour abandonner tout le reste. La chimie sera scindée pour devenir Rhodia, au prix d’un grand scandale en 1998, avant d’être liquidée dans les années 2010 par Jean-Pierre Clamadieu, aujourd’hui président d’Engie. Les textiles seront revendus au gré des opportunités. L’agrochimie sera abandonnée au fil de l’eau.

En 1999, Rhône-Poulenc fusionne avec l’allemand Hoechst, ce qui lui permet de mettre aussi la main sur Roussel-Uclaf. Le nouveau groupe prend le nom d’Aventis. En Allemagne, cette opération qui survient au même moment que le démantèlement du conglomérat Mannesmann par Vodafone, crée un choc. « Plus jamais cela », se promettent en chœur le patronat et le gouvernement allemands, décidant de marcher la main dans la main pour la défense de « Deutschland AG ». Tout sera mis en œuvre à partir de cette date pour ne plus jamais laisser passer un groupe industriel d’importance passer sous contrôle étranger.

En France, au contraire, le gouvernement et les milieux d’affaires exultent : le concept de champion national finalement s’exporte au-delà des frontières, car un champion européen de la pharmacie est en train de naître. Le juste retour des choses, explique-t-on alors, est de permettre à des groupes étrangers de prendre le contrôle de groupes français afin de faire des géants mondiaux. En espérant peut-être qu’au nom d’un principe de ruissellement industriel, tout se diffuse dans l’économie. En oubliant surtout l’effet d’entraînement que l’industrie, présente sur un territoire, dans un secteur, peut avoir sur le reste du tissu.

Après avoir laissé partir nombre d’entreprises industrielles – Arcelor, Pechiney, Technip, Lafarge, Alstom, pour ne citer que quelques cas emblématiques –, le pouvoir découvre soudain que la part de l’industrie est tombée à 11 % du PIB. Il n’y a que Chypre ou le Luxembourg qui fassent moins !

Au moment même de la création d’Aventis, Sanofi lui aussi fusionne avec Synthélabo, un des derniers grands laboratoires français. Le tête-à-tête entre les deux grands groupes pharmaceutiques français ne durera pas longtemps. En 2004, Sanofi et Aventis fusionnent avec les fermes encouragements, voire injonctions, de Nicolas Sarkozy, alors ministre des finances.

Tout le monde applaudit, tant cette opération conforte le « champion national » pharmaceutique, censé être le seul susceptible d’aller porter les couleurs face à la concurrence mondiale : la France a désormais son « Big Pharma », ce groupe mondial capable de rivaliser avec Merck, GlaxoSmithKline, AstraZeneca, Roche et autres.

 

Les plus importantes fusions-acquisitions pour créer Sanofi. © Capture d'écran de Sanofi pour les Nuls, collectif de salariés

Près de 80 % des activités pharmaceutiques françaises sont regroupées au sein de l’ensemble. Mais tout est sous contrôle, assure le gouvernement français. Total et L’Oréal sont les deux principaux actionnaires du nouvel ensemble et contrôlent alors plus de 30 % du capital. La direction du nouvel ensemble Sanofi-Aventis, très vite renommé Sanofi, est assurée par Jean-François Dehecq, fondateur de Sanofi en 1973. Un homme sûr, qui a toujours défendu l’enracinement français, explique-t-on alors au pouvoir. L’État peut dormir tranquille, le secteur pharmaceutique est entre les bonnes mains du privé. Il n’a plus à s’occuper de rien.

« Je ne comprends pas pourquoi on considère encore Sanofi comme un groupe français », relève Frédéric Genevrier. La protection imaginée au moment de la fusion s’est de fait révélée aussi solide que les « noyaux durs » de Balladur. Total a vendu sa participation et L’Oréal ne détient plus que 9,4 % du capital, la Caisse des dépôts et consignations détient à peine 5 %, tout le reste est sur le marché, BlackRock se retrouve ainsi actionnaire à hauteur de 5,9 %. Quant aux directeurs généraux, après le départ de Jean-François Dehecq en 2008, aucun n’était Français.

Un seul homme participe encore à l’illusion du « champion français » : Serge Weinberg. Depuis 2010, il préside le conseil d’administration de Sanofi, tout en continuant à veiller sur son fonds d’investissement, Weinberg Capital Partners, créé après son passage dans le groupe Pinault.

Les avis sont partagés sur son rôle dans le groupe. « Weinberg, je pense qu’il a un rôle très important. Les directeurs généraux passent, lui reste. Il est là pour veiller aux engagements pris auprès des actionnaires », dit Marion Lassac, déléguée Sud Chimie. « Weinberg, c’est la reine d’Angleterre », rétorque Fabien Mallet. Il est juste là pour faire plaisir aux Français, assurer que cela passe auprès des pouvoirs publics. »

Serge Weinberg s’acquitte parfaitement de son rôle auprès des pouvoirs publics, semble-t-il. « Il y a quelques mois, Serge Weinberg a assuré à l’Élysée que le vaccin serait prêt en mars », raconte un connaisseur des allées du pouvoir. Cette promesse pourrait expliquer le forcing français fait pour soutenir Sanofi auprès de l’Europe.

De toute façon, l’Élysée peut-il refuser quelque chose à Serge Weinberg ? Membre de la commission Attali, dont Emmanuel Macron était le secrétaire permanent, c’est lui qui, avec Jacques Attali, l’a introduit à la banque Rothschild. Il aurait par la suite continué de veiller sur son protégé, notamment en suggérant fortement son nom comme secrétaire général adjoint de l’Élysée en 2012.

Le modèle américain

« Dans la pharmacie, ce sont les États-Unis qui servent de référence. Avec la finance, c’est le secteur où les rémunérations sont les plus élevées », constate Frédéric Genevrier. Ce simple constat dit la suite : les financiers ont investi le monde pharmaceutique et pris le pas sur les chercheurs et les scientifiques.

Un nouveau modèle, celui des Big Pharma, a émergé. Ces grands groupes en situation de quasi-monopole dans certains domaines pharmaceutiques se sont imposés dans le secteur. Plus que des groupes industriels, ils sont d’abord des groupes financiers, jonglant avec les milliards, les actifs, les brevets. Plutôt que de mener de la recherche par eux-mêmes, ils jugent préférables de racheter des start-up, de reprendre leur brevet et de les développer. Le rêve, c’est obtenir un blockbuster : le médicament qui dépasse le milliard de dollars de chiffre d’affaires.

Les groupes français pharmaceutiques ont cédé très vite aux sirènes américaines. Mieux, comme le dit Loïk Le Floch-Prigent, ils veulent être « les premiers de la classe ».

Pour le salariés de Sanofi, la transformation s’est faite au départ de Jean-François Dehecq en 2009. « Ce n’était pas l’époque idyllique dont certains parlent maintenant avec regret. Mais il croyait dans la recherche. Il tenait à développer l’activité en France », rapporte Marion Lassac. Pour le remplacer, le conseil nomme Christopher Viehbacher, ancien directeur financier de GlaxoSmithKline. Un homme dont le nom fait encore frémir dans le groupe tant il est synonyme de rupture et d’abandon.

Ses premiers mots sont destinés aux actionnaires : il fera tout pour augmenter le cours de la bourse, jure-t-il. La « valeur pour l’actionnaire » devient le point cardinal de toute la stratégie de Sanofi. Depuis 2000, le montant des dividendes versé par Sanofi a augmenté de plus de 600 %. En 2020, Sanofi a distribué 4 milliards de dividendes, soit plus que son résultat net de 2019 (2,8 milliards d’euros).

«Valeur pour l’actionnaire», «alignement des dirigeants»

L’« alignement des dirigeants sur les intérêts des actionnaires » suit naturellement immédiatement. Avant même de prendre ses fonctions en 2009, Christopher Viehbacher perçut un golden hello (prime de bienvenue) de 2,2 millions d’euros accompagné de dix ans de bonus pour sa retraite chapeau. Lors de son éviction en 2014, le groupe lui a offert un parachute doré de 4,4 millions. Avec son salaire, ses primes, la rémunération totale représentait 12 millions d’euros.

Son successeur, Olivier Brandicourt, a dû se contenter d’un peu moins : il est parti avec 2 millions d’euros de rémunération, plus des actions de performance et stocks valorisées autour de 5 millions, soit un total de 7 millions d’euros. Paul Hudson, qui lui a succédé à la mi-2019 a quant à lui eu droit à l’équivalent d’un parachute doré, payable sur deux ans, de 3,7 millions d’euros et sa rémunération tourne aussi autour de deux millions d’euros.

Dans les critères pour calculer la partie variable de la rémunération des dirigeants, l’innovation des nouveaux produits ne comptent que pour 10 %, le portefeuille de produits pour 12,5 %. En revanche, les résultats financiers représentent 26,7 % du total et la transformation opérationnelle pour 15 %. Tout est dit : les objectifs fixés au directeur général par le conseil d’administration sont d’abord financiers, strictement financiers.

La recherche publique en déshérence

« Dans le modèle américain, il y a certes les Big Pharma, la financiarisation du secteur, les rachats de start-up mais il y a une autre composante : la recherche publique. C’est tout un écosystème où recherche publique, recherche privée, PME, centres de développement et grands groupes s’appuient et mutualisent leurs moyens. Tous les grands groupes pharmaceutiques travaillent dans des centres de recherche académiques américains très performants, et qui ont beaucoup de moyens. Ce sont des supports d’excellence pour les industriels », analyse Paul*, chercheur au CEA.

Aussi privé et financiarisé soit-il, le secteur pharmaceutique vit massivement des aides, des subventions, des soutiens publics. Les différentes agences américaines mettent des milliards sur la table pour aider le développement de certains médicaments par les laboratoires privés. Les universités et les centres de recherche participent activement aux projets.

Mais en Europe, et encore plus en France, rien de tel. « Est-ce que vous avez une seule fois entendu parler de recherche depuis dix ans ? Où sont les ingénieurs, les scientifiques dans les cabinets ministériels ? On a créé un crédit impôt recherche sans incitation, sans direction en pensant régler le problème une fois pour toutes. Mais il n’y a aucune volonté, aucune ligne directrice, aucune politique à moyen terme », relève Bernard Ésambert, ancien conseiller industriel de Georges Pompidou, un des auteurs des grands programmes industriels du pompidolisme.

À l’appui de sa démonstration, il cite l’exemple de la Corée du Sud, « un pays de taille comparable à la France », dit-il. La Corée, explique-t-il, consacre plus de 3 % de son PIB à la recherche. Elle a pour objectif de dépasser les 3,5 %. « Et elle a des grands groupes électroniques », conclut-il.

Depuis des années, les dépenses de recherche, tous secteurs confondus, stagnent voire reculent. Une évolution dangereuse, selon les économistes Margaret Kyle et Anne Perrot, autrices d’une note sur l’innovation pharmaceutique pour le Conseil d’analyse économique publiée le 26 janvier.

Alors que l’Allemagne dépense « 3 % de son PIB dans la recherche », la France « dépasse tout juste les 2 % dont 18 % seulement sont dédiés à la biologie-santé », notent-elles. Avant de poursuivre : « Les crédits publics en recherche et développement pour la santé sont par ailleurs plus de deux fois inférieurs à ceux de l’Allemagne, et ils ont diminué de 28 % entre 2011 et 2018 quand ils augmentaient de 11 % en Allemagne et de 16 % au Royaume-Uni sur la même période. »

Cette évolution est le reflet d’une conviction profonde ancrée dans la haute administration. L’État se doit de n’avoir pas d’idées, de vision à long terme, susceptible de fausser le marché bien plus apte que lui à choisir les meilleures allocations du capital, les chemins à emprunter.

De plus, la recherche publique, aux yeux de Bercy comme de la Cour des comptes, est jugée comme un gouffre dispendieux, un univers de fonctionnaires endormis. Cela ajouté aux réformes successives de la recherche – une des propositions phare de la Commission Attali – qui a imposé les appels à projet – car « il faut des trouveurs et non des chercheurs » –, la recherche publique est en voie de paupérisation avancée.

« Il n’est pas étonnant qu’Emmanuelle Charpentier, qui a eu le prix Nobel de médecine, soit à Berlin. Cela illustre juste le manque de moyens que l’État accorde à la recherche », souligne Frédéric Genevrier. Dans les laboratoires publics de recherche, l’argent manque partout, pour assurer le financement ou le renouvellement des équipements, des produits, voire payer les salaires.

Là où une équipe arrive à décrocher péniblement un budget de 150 000 euros sur trois ans – soit 50 000 euros par an – pour mener un projet de recherche, un chercheur américain seul pour un projet équivalent peut obtenir 5 à 6 millions de dollars sur 5 ou 6 ans. Les budgets européens, même s’ils sont considérables, ne comblent pas le manque car il faut partager les moyens parfois entre 15 ou 20 équipes.

Conséquence : les laboratoires, à commencer par Sanofi, ont compris qu’il n’y avait aucune aide financière à attendre de la recherche publique en France, quelle que soit sa qualité par ailleurs. « Des coopérations existaient il y a dix, quinze ans entre la recherche publique et les centres de recherche de Sanofi, notamment à Toulouse. Mais maintenant, ce ne sont plus que des associations ponctuelles », se rappelle Jean*. Comme tous les autres Big Pharma, Sanofi a compris : le groupe s’est tourné vers les États-Unis, où il sait trouver l’argent.

La rente plutôt que l’innovation

C’est une caractéristique forte du capitalisme français, une des résultantes de la politique des champions nationaux : les groupes français aiment la rente, qu’elle soit autoroutière, dans les télécoms, dans le BTP ou dans l’énergie. En situation monopolistique ou au mieux oligopolistique, toute leur énergie est d’abord de préserver, de conforter cette rente, en multipliant tous les moyens de lobbying auprès des pouvoirs publics.

Sanofi n’échappe pas à la règle. La primeur est donnée à la constitution ou la préservation de la rente plutôt qu’à l’innovation. Héritant de l’essentiel de l’appareil industriel pharmaceutique français, il a développé un maillage serré pour faciliter les arbitrages en sa faveur, que ce soit en matière de prix, de mise sur le marché de ses médicaments, de décisions industrielles.

L’opacité engendrée par la prolifération des agences et autres comités (Agence nationale de santé, Agence du médicament, Santé publique France, Haute Autorité de santé, Anses, ANSM…) leur facilite l’approche, rendant impossible toute mise à plat ou mise en perspective de leurs engagements et de leurs demandes. Sans parler des conflits d’intérêts.

Dans cette nouvelle approche financière, la recherche est désormais considérée comme un centre de coût. Un centre de coût qu’il convient de bousculer, car trop bureaucratique. Les premières restructurations ont été annoncées par Christopher Viehbacher dès 2009, avec la fermeture du centre de Toulouse. Un choc dans l’entreprise. « Quand on entrait dans un centre de recherche de Sanofi, c’était pour la vie », dit Marion Lassac.

« Sanofi parle de recherche. Mais on ne fait plus de recherche en amont, comme on le faisait avant. Nos centres de recherche sont devenus des centres de développement. On travaille sur des molécules que d’autres ont trouvées », raconte Sandrine Caristan. Un sentiment de découragement s’est installé dans le groupe. À plusieurs reprises, l’exemple de Tal Zaks a été cité.

Spécialiste de l’immunologie et de l’oncologie, il a travaillé chez Sanofi à partir de 2010. Il a préféré quitter en 2015 le groupe pour rejoindre Moderna en tant que chef médical, faute de trouver le soutien et l’ambition nécessaires chez Sanofi.

Des alertes lancées pour demander à travailler sur l’ARN messager

La prudence semble l’emporter partout. « Cela fait dix ans que l’on connaît l’ARN messager. Plusieurs alertes ont été lancées en interne pour demander à ce qu’on travaille dessus, qu’on développe nos molécules, notre propre expertise. La direction n’a pas voulu », surenchérit Fabien Mallet. Pour le développement de son deuxième vaccin à partir de l’ARN messager, Sanofi a préféré s’associer avec la biotech américaine, Translate Bio.

Comme tous les autres géants de la pharmacie, le groupe juge désormais qu’il est plus facile et moins risqué de racheter des start-up, de prendre des brevets, des médicaments, d’externaliser sa recherche, de faire des tests par des tiers plutôt que d’élaborer en interne de nouvelles molécules.

Le groupe est devenu une annexe des banques d’affaires, multipliant les acquisitions parfois à prix d’or. En revanche, il ne se sent pas tenu de participer au développement des biotechs ou des recherches en France. Mais tout de même.

YposKesi, spécialiste des cellules souches et soutenue par le Téléthon, n’a trouvé aucune aide auprès du groupe et plus largement du secteur pharmaceutique pour se développer : elle vient d’être rachetée par des Sud-Coréens. Ce domaine n’entrerait peut-être pas dans le champ de compétence de Sanofi.

Mais que dire de la société Valneva, spécialisée dans les vaccins ? Elle n’a trouvé soutien ni auprès de l’État ni auprès de Sanofi. C’est le gouvernement britannique qui lui a apporté son aide avec 15 millions d’euros.

« Les grandes entreprises peuvent être en situation de veille technologique et attendre de sélectionner de jeunes entreprises innovantes afin de s’associer avec elles. Toutefois, de récents travaux ont mis en évidence les incitations possibles des grandes entreprises à acquérir une start-up avec l’objectif de tuer dans l’œuf une innovation qui menacerait leur position, d’où le nom d’acquisition tueuse », reconnaissent Margaret Kyle et Anne Perrot.

Cette stratégie commune à tous les Big Pharma n’échappe pas à Sanofi. Il existe plusieurs exemples, notamment pour un médicament traitant la leucémie mais aussi la sclérose en plaques, où Sanofi a préféré tuer le médicament concurrent qui aurait risqué de faire de l’ombre au sien.

Une instabilité stratégique permanente

« Il y a eu Transforming 1, Transforming 2.0, Phénix, Pluton… Depuis 2009, tous les deux ans, on a un plan d’économies de deux milliards d’euros », précise Jean-Louis Perrin. Sur la décennie, les effectifs du groupe en France sont passés de 28 900 à 25 000 personnes et le nombre de chercheurs de 6 900 à 4 100. En attendant le nouveau plan social annoncé.

En quelques mots, le délégué CGT de Montpellier a résumé la stratégie du groupe. Cette recherche de la rente à court terme conduit à une instabilité stratégique permanente, car tout est vu selon le critère de la rentabilité immédiate et demande des ajustements permanents.

Le groupe a d’abord décidé de se débarrasser de tous les produits tombés dans le domaine public : ils n’étaient plus rentables, d’autant que l’Agence du médicament fait pression sur les prix en mettant en avant les fabricants de génériques, essentiellement indiens.

Puis, ce sont les petites molécules, selon le jargon du secteur, c’est-à-dire les médicaments courants délivrés par les médecins et les pharmacies, qui sont appelés à sortir du portefeuille, Sanofi jugeant préférable de se consacrer au développement de molécules coûteuses, notamment pour le cancer, utilisées seulement par les hôpitaux. Ce qui amène au licenciement d’une bonne partie des visiteurs médicaux.  

Entre-temps, Sanofi fait le choix comme tous ses concurrents de délocaliser la fabrication des principaux principes actifs. L’Europe a ainsi découvert avec effarement qu’il n’y avait plus une seule usine capable de produire du paracétamol sur le continent.

En 2015, le groupe renonce à son activité de ses vaccins pour animaux – l’entreprise Merial située à Lyon – pour la revendre au laboratoire allemand Boehringer. Une décision funeste, semble-t-il, la recherche vétérinaire étant jusqu’alors le lieu d’études privilégié des coronavirus.

Cela s’enchaîne par l’abandon des anti-infectieux (antibiotiques). Après avoir été restructurée une fois, deux fois, trois fois, l’avoir déménagée de Romainville, à Toulouse puis à Lyon, cette activité qui autrefois avait été importante dans le groupe, est tout simplement donnée à la biotech allemande Evotec. Moyennant 60 millions d’euros versés par Sanofi, celle-ci s’engage à conserver les 100 personnes qui travaillent au centre de Lyon pendant trois ans.

« Aujourd’hui, l’épidémie est liée à un virus. Mais demain, cela risque d’être une bactérie. Et la situation sera encore plus grave. Car nous n’aurons pas les antibiotiques nécessaires. Cela fait des années que l’OMS met en garde contre les résistances développées par les antibiotiques et demande le développement de nouveaux antibiotiques. Sanofi a refusé de le faire. Et maintenant le groupe liquide tout », s’indigne Sandrine Caristan.

Un nouveau coup de com’ ?

Le nouveau directeur Paul Hudson, arrivé en 2019, a décidé une nouvelle stratégie afin de « secouer » le groupe. Sanofi entend ainsi renoncer à poursuivre ses activités liées au diabète, aux maladies neurologiques comme Alzheimer, aux maladies cardiovasculaires. Paul Hudson entend surtout achever le grand virage dans les biotechnologies en abandonnant toute la pharmacie de synthèse, celle qui sert à l’élaboration de l’essentiel des médicaments aujourd’hui.

À cet effet, le groupe a prévu de réaliser une grande scission, en mettant dans une entité à part – nom de code provisoire Euro API – les centres de recherche et les usines de production (six au total en Europe) qui travaillent à partir de la pharmacie de synthèse. Cette entité est appelée par la suite à être cotée ou vendue, Sanofi comptant ne conserver au mieux que 30 % du capital.

« On est en train de détruire tout notre savoir-faire. Certes les biotechs arrivent mais elles ne vont pas tout remplacer. Et puis on a aussi besoin de la pharmacie de synthèse pour fabriquer ces nouveaux médicaments », explique Jean-Louis Perrin. « Si on avait des scientifiques dignes de ce nom au conseil, ils n’accepteraient pas ce qui est en train de se passer », poursuit-il.

À plusieurs reprises, des collectifs de médecins et chercheurs ainsi que l’Observatoire pour la transparence des médicaments ont lancé des alertes, soulignant qu’il était impossible de laisser au privé par ses choix dicter une politique publique. Tous s’inquiètent de l’extrême vulnérabilité du système de santé français, désormais de plus en plus dépendant des approvisionnements extérieurs.

Ils demandent une mise à plat du système, permettant des évaluations des besoins et des manques, une véritable politique du médicament permettant de relocaliser les productions, au moment où le secteur de la santé devient un élément stratégique au même titre que la défense.

Qui s’en occupe ? En apparence, personne. Aucun de nos interlocuteurs a connaissance de travaux et d’études menés au sein de l’État pour faire une évaluation réelle de la situation, des menaces et des alertes. Bruno Le Maire a beau insister sur la nécessité de relocaliser la production pharmaceutique en Europe et en France, dans les faits, rien ne bouge. L’État se refuse à intervenir.

Sous pression après l’échec du vaccin, le directeur général de Sanofi, Paul Hudson, a promis, dans un entretien au Figaro, d’accepter de travailler en sous-traitance à la production de vaccins de ses concurrents. Mais personne n’a compris pourquoi le groupe s’engage sur un si faible volume (100 millions de doses) et dans un délai si long (pas avant juillet), alors que l’unité de Francfort est disponible puisqu’elle devait produire le vaccin de Sanofi. Il s’est surtout engagé à relocaliser des productions pharmaceutiques en France.

Pour les salariés, tout cela s’apparente à un nouveau coup de com’. « Pas un mètre carré ne sera créé. Il s’agit juste de transfert des usines de production dans la nouvelle entité », assure Jean-Louis Perrin. Le gouvernement a décidé de s’en contenter.

Si vous avez des informations à nous communiquer, vous pouvez nous contacter à l’adresse enquete@mediapart.fr. Si vous souhaitez adresser des documents en passant par une plateforme hautement sécurisée, vous pouvez vous connecter au site frenchleaks.fr.

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11 février 2021 4 11 /02 /février /2021 09:16

 

 

 

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11 février 2021 4 11 /02 /février /2021 09:03

 

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10 février 2021 3 10 /02 /février /2021 17:18
France-Navigation – Une épopée rouge (1/5) - par Gérard Streiff, Communistes, 10 février 2021
France-Navigation – Une épopée rouge (1/5)

1937/1938 : Alors que l’Espagne du Front populaire est victime de la non-intervention, lâchée par Paris et Londres, les communistes mettent sur pied une compagnie maritime pour nourrir et armer les Républicains.

Le service des archives de la ville d’Ivry (piloté par Michele Rault) possède un beau fonds Georges Gosnat (1914/1982), qui fut à la Libération sous-secrétaire d’État à l’Armement puis député, succéd·ant à Maurice Thorez (ainsi que trésorier du PCF). Dans ce fonds il y a un carton intitulé « France-Navigation », deux mots qui désignent une étonnante aventure. 

« France-Navigation » fut une compagnie maritime communiste qui se chargea d’alimenter et d’armer la République espagnole. Deux livres (au moins) racontent cette histoire : À l’ombre des deux T (Thorez et Togliatti), de Giulio Ceretti (Julliard, 1973) et Les brigades de la mer de Dominique Grisoni et Gilles Herzog (Grasset, 1979) ; le lecteur pourra s’y référer avec profit.

Le carton « France-Navigation » comprend notamment plusieurs cahiers grand format qui constituent une sorte de journal de bord de l’aventure de cette société. Des dizaines de pages remplies d’une foultitude de données, toutes inscrites là dans l’urgence, dans un apparent désordre. Ce sont autant d’éléments d’un puzzle dramatique : des noms de bateaux (leur port de départ, leur date d’arrivée, le type de cargaisons), des additions, des rappels, des notes, des pense-bêtes, des conseils à suivre, des rendez-vous à ne pas manquer. Une masse de phrases rapides du genre « Gravelines, 23 avril 38, débarquement terminé, grandes caisses pas par routes, mais tunnel affaissé, réponse du ch de fer demain ». Ce genre d’annotations courent tout au long des années 1937/1938.

Petit rappel : le Front populaire l’emporte en Espagne en février 1936. Cinq mois plus tard, le putsch de Franco marque le déclenchement de la guerre civile. Une coalition internationale menée par la Grande-Bretagne choisit la « non-intervention » en Espagne, la France du gouvernement Blum se plie à ce choix malgré la pression des milieux populaires. Une posture hypocrite alors que le camp fasciste, l’Italie de Mussolini et l’Allemagne de Hitler, va vite ouvertement soutenir les factieux. C’est en fait une manière d’abandonner, d’étrangler le Front populaire espagnol. Une politique lâche, suicidaire qui amorce le processus de la Seconde Guerre mondiale.

Les républicains espagnols appellent à l’aide. La solidarité internationale va se manifester de différentes formes, la plus spectaculaire étant la formation des Brigades internationales. Mais l’Espagne se retrouve victime d’un blocus ; des autorités républicaines souhaitent échapper à ce piège, notamment par la voie maritime. Ce n’est pas sans risque, les franquistes, à mesure qu’ils progressent, contrôlent ou ferment les ports. Et puis des navires de guerre allemands et italiens, des sous-marins surveillent certaines voies de passage. En même temps, l’opération n’est pas impossible non plus : on raconte alors qu’un bateau français vient de réussir à aller à Santander (en Cantabrie) au nez et à la barbe des fascistes.

L’appel de Madrid est entendu. À Paris, le communiste franco-italien -si l’on ose dire - Giulio Ceretti préside alors le Comité international pour l’aide à l’Espagne. Avec le soutien de la direction du PCF, de l’Internationale, il se voit chargé de cette mission : créer de toutes pièces une flottille de bateaux pour approvisionner l’Espagne, ce qui veut dire réunir des hommes, des équipages, des fonds, des technologies dans des délais incroyablement courts.

En deux ans, parti de zéro, la compagnie « France-Navigation » va compter 22 navires et 2 000 marins ; elle va effectuer un total de 227 voyages ! Et multiplier par trente son capital initial.

À l’origine de ce petit miracle, on trouve donc Giulio Ceretti (1903/1985), communiste italien chassé de son pays par le fascisme, militant de l’Internationale, devenu membre de la direction du PCF sous le nom de Pierre Allard (à la Libération de l’Italie, il deviendra ministre à Rome) ; Auguste Dumay (1888/1955) ex-secrétaire de la Fédération des marins de Marseille, chef mécanicien qui jouera un rôle clé dans l’armement des bateaux (voir sa longue bio dans le « Maîtron » où on dit de lui que c’était « un vieux militant de l’Internationale des marins, une tête de lard, un homme terrible mais un révolutionnaire ») ; Simon Pozner, qui apporte ses compétences d’homme d’affaires, intime du banquier rouge (et suédois) Olof Aschberg, qu’on dit lui proche des « finances soviétiques » et par ailleurs oncle de l’écrivain Vladimir Pozner (Simon Pozner trouvera la mort à Auschwitz) ; et Georges Gosnat (1914/1982), tout jeune officier qui devient secrétaire général (puis directeur) de France-Navigation ; il a 23 ans.

Gérard Streiff

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10 février 2021 3 10 /02 /février /2021 17:16
Margot Caudan, 101 ans, adhérente du PCF, a reçu la Légion d’honneur - par Philippe Jumeau, secrétaire départemental du PCF Morbihan-  Communistes
Margot Caudan, 101 ans, adhérente du PCF, a reçu la Légion d’honneur

Dans le Morbihan, il se trouve que deux adhérents du PCF ont eu 100 ans en 2020, comme notre parti : Eugène Crépeau, ancien maire d’Hennebont, et Marguerite (dite Margot) Caudan, qui dès l’âge de 15 ans fut une combattante antifasciste. Celle qui fut une résistante de la première heure a reçu le samedi 30 janvier la médaille de la Légion d’honneur à Plouhinec (56) des mains du sous-préfet de Lorient.

Au cours de cette cérémonie, elle a pris soin de dire : « Je ne suis pas pour les décorations individuelles. J’ai longtemps hésité à accepter de recevoir la Légion d’honneur. Je la reçois aujourd’hui pour tous mes amis résistants qui n’ont pas eu la chance d’assister à la Libération, à la capitulation de l’Allemagne nazie. Quand on agit selon sa conscience, ce n’est pas pour des décorations. »

Née dans le 20e arrondissement de Paris en 1920, elle côtoya alors des familles de réfugiés qui la rendirent sensible à l’injustice qui frappait ses amis de l’époque. Elle adhère en 1935 aux JC puis à l’Union des jeunes filles de France (UJFF). En 1936, elle consacre l’essentiel de ses activités pour l’aide à l’Espagne républicaine. Le décret prononçant la dissolution du PCF fera qu’elle sera arrêtée en avril 1940, alors qu’elle n’était mariée que depuis 8 jours. L’immense pagaille qui règne à Bordeaux, où elle avait été transférée, lui permet d’être libérée sans trop savoir pourquoi !

En cette période plus que troublée, il fallait à Margot et ses camarades une bonne dose d’optimisme et d’inconscience pour tenter d’agir contre l’occupant nazi et son auxiliaire « l’Etat Français » de Pétain, au vu de la disproportion des forces en présence. Si des actes de sabotage isolés eurent lieu, Margot et son mari choisirent une arme qui a fait ses preuves en nombre de périodes historiques : l’écrit. Sollicités par Henriette Schmidt (de la direction clandestine du PCF), il leur fut confiée une petite imprimerie, une ronéo afin de sortir des tracts. Le premier tirage fut l’appel à la manifestation place de l’Etoile le 11 novembre 1940 ; puis viendront des tirages de l’Humanité, de l’Avant-Garde.

Fernand Grenier trouva refuge chez Marguerite, mais suite à l’arrestation de plusieurs dirigeants, la plongée dans la clandestinité totale fût impérative. Margot assure alors des liaisons entre les mouvements politiques de résistance, transporte documents, faux papiers, matériel pour explosifs, messages oraux… Arrêtée une seconde fois en 1944, elle fût libérée en août de la même année et rejoignit alors les FFI pour la libération de Paris.

Cette « entrée en résistance » de Margot comme de très nombreuses et méconnues femmes contribua à la défaite de l’Allemagne hitlérienne. Pour autant, à aucun moment de sa vie Margot ne se considéra et encore aujourd’hui comme une « ancienne combattante ». Tout au long de sa vie professionnelle, de sa retraite, elle a continué le combat. S’indigner et résister toujours, résume pleinement le combat de Margot, que chaque année nous avons le bonheur de croiser au stand de la section de Port-Louis lors de la fête de l’Humanité Bretagne ! Elle a, à de très nombreuses reprises, témoigné auprès des jeunes générations de ses engagements dans la Résistance en intervenant dans les collèges et lycées du Morbihan.

Samedi elle a conclu son propos en rappelant qu’il fallait plus que jamais « dire non à l’inacceptable, et que l’on aura besoin de se réunir parce que le danger fasciste ne s’est pas du tout effacé. »

Margot est une camarade exemplaire de modestie, d’humilité, le tout allié à de profondes convictions, qui continue de participer à la vie de sa section. Sa fidélité au PCF est très forte car elle aime à dire souvent : « Je n’ai pas toujours été d’accord avec le PCF mais je n’ai pas trouvé mieux ! »

Le contexte sanitaire n’a pas permis aux camarades du Morbihan d’organiser un temps convivial pour montrer à Margot notre affection sincère et fraternelle (l’édition 2020 de la Fête de l’Humanité Bretagne ayant été annulée). Nous ne pouvons que souhaiter le faire pour ses 101 ans !

Philippe Jumeau

secrétaire départemental du PCF Morbihan

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10 février 2021 3 10 /02 /février /2021 11:30

Parti Communiste Français

Mouvement des Jeunes Communistes Français

Sections de Morlaix

2 Petite Rue Callac 29600 MORLAIX – tel : 02 98 88 30 35

Mel : pcf-morlaix@wanadoo.fr                                  

Blog : http://le-chiffon-rouge-pcf-morlaix.over-blog.com/                          

COMMUNIQUE DE PRESSE

 

L’école, comme les autres services publics, est un pilier essentiel du bon fonctionnement de la République et de la démocratie, alors même que nous traversons une terrible crise sanitaire, qui met à mal les conditions d’apprentissage des enfants et adolescents.

Beaucoup de promesses ont été faites dont, par exemple, le fait de ne pas toucher aux écoles rurales.

La réalité est toute autre : force est de constater que la carte scolaire prévue pour la rentrée 2021 dans le Finistère ne répond pas aux besoins, et notamment aux besoins spécifiques liés aux conditions sanitaires.

Il est indispensable que chaque enfant puisse avoir accès, partout sur le territoire, à une éducation de qualité.

Le Pays de Morlaix, marqué par une situation sociale et économique particulièrement difficile, est très sévèrement touché avec la fermeture prévue de 11 classes !

Les sections PCF du Pays de Morlaix, la section Morlaisienne Du MJCF (Mouvement des jeunes Communistes de France) tiennent à faire part de leur interrogation et opposition aux fermetures prévues.

Cette décision prise loin du terrain vécu chaque jour par les équipes enseignantes et les élèves, ne répond pas à une question de qualité d’apprentissage des élèves mais, à une question de simple logique comptable.

Les écoles touchées par ces mesures, vont se retrouver avec des situations difficiles, inacceptables encore plus dans la situation de crise sanitaire que nous connaissons.

Le PCF et le MJCF se félicite du rejet de ce projet de carte scolaire lors du Comité Technique Paritaire du mardi 9 Février.

Nous exigeons le gel de toutes les fermetures sur le Pays de Morlaix, comme en France d’ailleurs, pour permettre à l’école d’assumer sa mission au plus près des jeunes.

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10 février 2021 3 10 /02 /février /2021 11:28
Éducation nationale. Carte scolaire, le ministère a vraiment perdu la boussole (L'Humanité, 10 février 2021)
Éducation nationale. Carte scolaire, le ministère a vraiment perdu la boussole
Mercredi 10 Février 2021 - L'Humanité

Malgré la crise sanitaire et ses conséquences sur la scolarité des élèves, les dotations des collèges et lycées pour 2021 s’annoncent parmi les pires de ces dernières années.

Malmenée par la crise sanitaire, l’école est exsangue. Partout, les inégalités se sont creusées, au détriment des plus faibles. Partout, les enseignants eux-mêmes sont au bord de la crise de nerfs, secoués par la succession des protocoles sanitaires qui les empêchent d’exercer dans de bonnes conditions et inquiets du constat que, malgré tout, cela ne les protège ni eux, ni leurs élèves de la contamination – les derniers chiffres en attestent. Dans un contexte où la menace de la réforme des retraites reste latente, où les promesses clinquantes de revalorisation n’ont pas été tenues et où, au lycée en particulier, la mise en œuvre des réformes demeure plus que problématique, on aurait pu s’attendre à ce que le ministère ne cherche pas d’autres motifs de déstabiliser l’institution républicaine dont il a la charge…

Perdu. La carte scolaire qui se dessine pour la rentrée 2021-2022 est sans doute l’une des plus catastrophiques qu’on ait vue depuis longtemps. Derrière cette expression se cache la répartition géographique, établissement par établissement, des moyens d’enseignement, postes et heures de cours. Pour la rentrée prochaine, fort de la priorité que lui a accordée le ministre – mais aussi d’une baisse d’environ 1 % de ses effectifs globaux –, le premier degré sera relativement épargné. « Relativement » parce que la mesure phare du programme Blanquer, le dédoublement des grandes sections de maternelle et des CP et CE1 en éducation prioritaire, faute de créations de postes en nombre suffisant, se traduira partout ailleurs par des classes de plus en plus chargées, et donc par une dégradation des conditions d’enseignement.

Mais c’est pour le secondaire que les choses s’annoncent le plus mal. Avec une hausse des effectifs d’environ 14 000 élèves à la rentrée et la suppression annoncée de près de 1900 postes, c’était hélas prévisible. Alors que, depuis la mi-janvier, les établissements découvrent les moyens qui leur sont attribués, le constat est implacable : partout, heures d’enseignement disparues, postes supprimés, classes fermées. Et le tour de passe-passe de la « compensation » de ces pertes par le financement d’heures supplémentaires ne fait pas illusion longtemps, tout simplement parce que la plus grande partie des enseignants qui peuvent faire des heures sup le font déjà ! Pas étonnant, alors, de voir un peu partout éclater des grèves, des occupations, des rassemblements où profs et parents d’élèves s’unissent pour dénoncer les choix du ministère et affirmer que les élèves méritent des moyens à la hauteur de leurs besoins.

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10 février 2021 3 10 /02 /février /2021 11:25
Disparition. Jean-Claude Carrière, une vie au service du récit - L'Humanité, Michaël Mélinard, 10 février 2021
Disparition. Jean-Claude Carrière, une vie au service du récit
Mercredi 10 Février 2021

Disparu à l’âge de 89 ans, le prolifique scénariste a collaboré avec les plus grands et reste comme l’un des conteurs qui a le mieux nourri notre imaginaire des soixante dernières années.

 

Il s’est éteint dans son sommeil, sans souffrir d’aucune maladie, à 89 ans. Une disparition discrète pour ce conteur insatiable, auteur de 80 ouvrages, passionné d’astrophysique, de vins et d’arts martiaux. Jean-Claude Carrière, l’un des scénaristes les plus prolifiques des soixante dernières années, dont le nom figure aux côtés de quelques-uns des plus grands cinéastes et metteurs en scène contemporains, n’était pourtant pas destiné à cette immense carrière. « J’ai travaillé toutes les formes d’écriture. Je pense que je possède un bon arsenal. Il y a quelque chose en moi qui se satisfait d’être au service d’un auteur, de se couler dans sa pensée, de l’adapter au mieux. Je n’ai pas d’ego », assurait-il.

« J’admire la solitude d’un Kundera ou d’un Le Clézio mais moi j’aime parler », confiait-il à Libération en 1999

Chez lui, ce « au service de » ne signifiait pas derrière mais avec, dénouant les fils des impasses du récit, bonifiant des dialogues. Il a non seulement construit sa notoriété à coups d’œuvres mais aussi par ses nombreux passages à la télévision ou ses interventions radiophoniques où il défendait son point de vue humaniste et sa préoccupation pour l’environnement. Il était à la fois chroniqueur, conférencier, pédagogue, encyclopédiste moderne mais surtout un conteur talentueux avide de transmission. « J’admire la solitude d’un Kundera ou d’un Le Clézio mais moi j’aime parler », confiait-il à Libération en 1999. « Comme disait Bunuel, je suis un petit paysan qui s’émerveille de tout ce qui lui arrive », renchérissait-il.

« Comme disait Bunuel, je suis un petit paysan qui s’émerveille de tout ce qui lui arrive »

Il naît à Colombières-sur-Orb, dans l’Hérault, le 17 septembre 1931 dans une famille de viticulteurs. En 2013, il racontait dans nos colonnes. « Je suis un pur produit du système éducatif de la III e  République. Mes deux institutrices ont demandé à ce que j’obtienne une bourse parce que je travaillais bien à l’école. Il n’y avait pas un livre ni une image à la maison… Il y a eu aussi un oncle, par alliance, instituteur, qui m’a guidé dans sa bibliothèque. Il me disait : “Tu peux tout lire, sauf ça, ça et ça…” Évidemment, dès qu’il avait le dos tourné, je lisais les interdits. Et il le savait très bien. »

Déjà, les preuves de sa curiosité et de son appétit de savoir sont là. En 1945, sa famille s’installe en banlieue parisienne à Montreuil, prenant la gérance d’un café. Le brillant élève finit par intégrer Normale Sup. C’est son premier roman, Lézard, publié en 1957 dans l’indifférence générale, qui l’amène indirectement au cinéma, après un détour de vingt-huit mois comme appelé en Algérie. Son éditeur, Robert Laffont, lui présente Jacques Tati et son assistant, Pierre Étaix. Avec ce dernier, il partage en 1963 l’oscar du court métrage pour Heureux anniversaire, écrit et réalisé de concert. Le circassien cinéaste et le scénariste deviennent indissociables (le Soupirant, Yoyo, Tant qu’on a la santé, le Grand Amour).

Le scénario comme un document de travail appelé à finir à la poubelle

Il a mis un pied dans le septième art et s’ancre solidement dans le paysage. Sa rencontre avec Luis Bunuel au début des années 1960 est décisive. Ils adaptent le roman le Journal d’une femme de chambre, d’Octave Mirbeau, en 1964 . Cinq autres films suivent, dont les mythiques Belle de jour, le Charme discret de la bourgeoisie et Cet obscur objet du désir. Pendant ce compagnonnage prolifique, Carrière signe aussi des scénarios pour Louis Malle (Viva Maria et le Voleur), Jacques Deray (la Piscine, Borsalino et Un homme est mort), Milos Forman (Taking Off), Marco Ferreri (Liza), Patrice Chéreau (la Chair de l’orchidée) et Volker Schlöndorff (le Tambour, palme d’or en 1979). On a vu pire pour mettre en images ses mots. Il bénéficie d’une belle aura critique et publique. Carrière sait mettre de l’huile dans les rouages. Il adapte, invente, dépoussière, densifie, coupe pour servir au mieux le récit et son réalisateur, considérant le scénario comme un document de travail appelé à finir à la poubelle une fois le film terminé.

Les années 1980 commencent comme la décennie précédente s’est achevée. Sur les chapeaux de roues. Il travaille avec Jean-Luc Godard pour Sauve qui peut (la vie), de nouveau avec Volker Schlöndorff (le Faussaire), participe au monument d’Andrzej Wajda, Danton, et décroche le césar du scénario avec le Retour de Martin Guerre, de Daniel Vigne, en 1983. En plus de ses activités d’écriture, il dirige également de 1986 à 1996 la Femis, la nouvelle école de formation aux métiers du cinéma, remplaçant la moribonde Idhec. Pas de quoi le conduire à freiner la cadence.

En 1985, son adaptation du poème fleuve de la mythologie hindoue, le Mahâbhârata, mis en scène par Peter Brook dans un spectacle de neuf heures, électrifie le Festival d’Avignon. Carrière ne s’interdit aucun genre. Son talent continue d’attirer les cinéastes. Nagisa Ôshima pour Max mon amour, Philipp Kaufmann pour l’Insoutenable Légèreté de l’être et Milos Forman pour Valmont. Il dompte le chef-d’œuvre de Rostand, Cyrano de Bergerac, réalisé par Jean-Paul Rappeneau. Cet athée viscéral interroge les dérives religieuses dans le roman la Controverse de Valladolid, qui passe ensuite du théâtre au petit écran. Dans ses derniers écrits, on lui doit des collaborations avec Atiq Rahimi et Philippe et Louis Garrel, signe que sa patte n’avait pas fini de fasciner les cinéastes.

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