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4 septembre 2016 7 04 /09 /septembre /2016 16:00
Un dossier qui remet dans son contexte la guerre en Syrie, 5 ans de violences barbares et 300 000 morts après le déclenchement des hostilités (centre d'information des peuples de Grenoble)

Nous avons découvert ce dossier documentaire du centre d'information inter-peuples de Grenoble, une association de solidarité internationale fondée en 1980. Il est membre du RITIMO (Réseau des Centres de documentation et d’information pour le développement durable et la solidarité internationale), sur les étapes et les origines de la guerre en Syrie.

Il nous fait l'honneur de citer un long et douloureux article du Chiffon Rouge écrit en 2015:

"Syrie : l’enfer jusqu’à quand ?" Ismaël Dupont 16 mars 2015

Syrie: l'enfer, jusqu'à quand?

Depuis janvier 2016, date de parution de ce dossier, et mars 2015, date de parution de l'article, des choses ont changé sur le terrain, il y a eu des renversements d'alliance successifs, des évolutions des acteurs (Turquie, régime de Bachar par rapport aux kurdes...), mais la Syrie est plus que jamais enfoncée dans l'enfer d'une guerre civile, régionale, communautaire, politique, aux acteurs cyniques tandis que toute une partie du peuple syrien souffre mille maux.

Lire aussi:

Samar Yazbek entr'ouvre les "Portes de la terre du néant" en Syrie

"La rage et la lumière. Un prêtre dans la révolution syrienne", un témoignage vibrant du père Paolo Dall'Oglio sur la tourmente syrienne

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4 septembre 2016 7 04 /09 /septembre /2016 08:37
Le clan Bongo, un demi-siècle de règne et de pillage (Rosa Moussaoui, L'Humanité

Le chaos qui guette le Gabon est le résultat logique, terrible, prévisible, de cinquante ans de compromissions françafricaines et de pillage néocolonial. Et jusqu’au bout, le régime autoritaire et corrompu d’Ali Bongo a pu compter sur l’appui de Paris. Durant la campagne électorale, les opposants n’ont-ils pas été réprimés avec la contribution du « savoir-faire sécuritaire » français ? Au nom de la coopération militaire et policière entre les deux pays, la place Beauvau a détaché un commandant de police français à Libreville pour y occuper la fonction de conseiller spécial du commandant en chef des forces de police nationale gabonaises. Il est toujours en poste…

Le clan Bongo, un demi-siècle de règne et de pillage

ROSA MOUSSAOUI

VENDREDI, 2 SEPTEMBRE, 2016

L'HUMANITÉ

Avec la proclamation contestée de la réélection d’Ali Bongo Ondimba, le Gabon s’embrase. Prêt à tout pour garder ses prébendes, le clan présidentiel joue la carte de la répression et du chaos. Des méthodes dictatoriales trop longtemps appuyées par Paris.

Alors que le Gabon bascule dans la violence, comment ne pas repenser au slogan de campagne du président sortant ? « Je veux la paix, je soutiens Ali ! » proclamait Ali Bongo Ondimba. Sous-entendu, moi ou le chaos. Le satrape a hérité de son défunt père le goût du pouvoir. Pas le talent de fin manœuvrier, et c’est au prix d’un artifice grossier que le président sortant veut se succéder à lui-même. Au terme de l’interminable compilation des résultats de l’élection présidentielle du 27 août, de miraculeux procès-verbaux sont venus lui sauver la mise. Leur provenance ? La province du Haut-Ogooué, fief du clan Bongo. Là, Ali Bongo obtient 95,46 % des suffrages, avec un taux de participation tutoyant les 100 %. De quoi réduire à néant l’avance de 65 000 voix enregistrée dans les huit autres provinces par son concurrent, Jean Ping. Cet ancien cacique du régime, proche de Bongo père, a occupé de hautes fonctions, dont celles de chef de la diplomatie et de président de la Commission de l’Union africaine. Il fut un temps le compagnon de la sœur aînée d’Ali Bongo, Pascaline, gardienne d’un magot paternel disputé, dont il a eu deux enfants. Et c’est en 2014 seulement, entre brouilles d’affaires et querelle politico-familiale, que Ping est passé dans les rangs de l’opposition. Avec, en ligne de mire, l’élection présidentielle. À 73 ans, ce Gabonais de père chinois, fin connaisseur des arcanes du régime, a su rallier des figures de l’opposition comme des cadres du régime en rupture de ban. Au point d’incarner l’alternance, faute d’offrir une alternative. Dès le lendemain du scrutin, il revendiquait la victoire, mettant Bongo en garde contre la tentation du passage en force. Déjà, se profilait le spectre des violences postélectorales de 2009. La succession dynastique avait alors provoqué des heurts meurtriers, surtout à Port-Gentil, la capitale économique, où le consulat de France avait été incendié et les installations de Total prises pour cible.

Ali Bongo avait pu compter, alors, sur l’appui des bataillons d’intervention rapide (BIR), l’unité d’élite de l’armée camerounaise dépêchée au Gabon par le dictateur Paul Biya. Des militaires de la plus ancienne base permanente de la France en Afrique avaient été « sollicités » eux aussi, officiellement pour sécuriser les représentations diplomatiques et « protéger les Français ». À Paris, Nicolas Sarkozy s’était empressé d’adouber l’héritier en lui adressant de chaleureuses félicitations. Il faut dire qu’une longue histoire de présence militaire et de prédation économique lie la France à son ex-colonie et, surtout, au clan Bongo, avec son demi-siècle de règne et de pillage. Parrain de la Françafrique, grand argentier des campagnes électorales hexagonales, Omar Bongo avait bâti un solide et lucratif système d’accaparement de la rente pétrolière et des richesses du pays, au détriment de son peuple.

Ces richesses n’ont jamais profité aux Gabonais

Avec une superficie inférieure à 268 000 kilomètres carrés et 1,8 million d’habitants, le Gabon est l’un des plus petits pays d’Afrique. L’un des plus riches aussi, avec ses ressources naturelles exceptionnelles, à commencer par le pétrole, dont l’exploitation est dominée par le géant français Total. Les nombreuses filiales d’entreprises françaises implantées dans le pays tirent profit des bois précieux et des ressources minières (manganèse, fer, uranium, diamants, etc.). Longtemps, les inévitables pourcentages à concéder ont offert aux acteurs de la Françafrique une précieuse chasse gardée… Avant la montée en puissance de la concurrence chinoise, sud-africaine ou encore brésilienne. Quoi qu’il en soit, ces richesses n’ont jamais profité aux Gabonais, privés d’infrastructures et de services publics de base. « Ce peuple est bafoué depuis cinquante ans. Une oligarchie s’est accaparé toutes les richesses du pays, tandis que les deux tiers de la population croupissent dans la pauvreté. Il n’y a pas de logements, pas de routes, pas d’écoles dignes de ce nom et les hôpitaux sont des mouroirs. Le peuple ne peut plus se ranger derrière un tel régime. Les électeurs ont massivement choisi l’alternance. D’où la révolte à laquelle nous assistons », résume la chercheuse Laurence Ndong, auteure du livre Gabon, pourquoi j’accuse (L’Harmattan, 2016).

Mercredi, après le verdict de la commission électorale, une violente répression s’est abattue sur les protestataires descendus dans la rue. Dans la nuit, des éléments de la garde républicaine, qualifiée de « milice présidentielle » par les opposants, ont fait irruption au QG de campagne de Jean Ping. « Il y a deux morts et plusieurs blessés de source sûre », indiquait le candidat au terme de ce brutal assaut. Jeudi, dans le centre-ville de Libreville quadrillé par la police et l’armée, les carcasses de voitures calcinées, les ruines de barricades nocturnes et la façade noircie du palais Léon Mba, siège de l’Assemblée nationale, témoignaient encore des affrontements de la veille. Le pouvoir brandit l’étendard de la chasse aux « pillards » mais dans les camions qui transportent par dizaines les suspects vers les commissariats, les poings sont levés, on chante la Concorde, l’hymne national. Le ministre gabonais de l’Intérieur, Pacôme Moubelet-Boubeya, évoquait jeudi soir le chiffre de mille arrestations.

De timides prises de distance de la France

Cette stratégie de maintien au pouvoir à tout prix est d’abord le symptôme d’une impasse politique majeure. Le chaos qui guette le pays est le résultat logique, terrible, prévisible, de cinquante ans de compromissions françafricaines et de pillage néocolonial. Et jusqu’au bout, le régime autoritaire et corrompu d’Ali Bongo a pu compter sur l’appui de Paris. Durant la campagne électorale, les opposants n’ont-ils pas été réprimés avec la contribution du « savoir-faire sécuritaire » français ? Au nom de la coopération militaire et policière entre les deux pays, la place Beauvau a détaché un commandant de police français à Libreville pour y occuper la fonction de conseiller spécial du commandant en chef des forces de police nationale gabonaises. Il est toujours en poste… « D’après certains témoignages, l’armée gabonaise utiliserait des armes françaises, notamment des fusils d’assaut de type Famas, pour tirer actuellement sur les civils gabonais », s’alarme l’association Survie, en rappelant que le gouvernement français se vantait, en 2014, d’avoir formé 4 000 militaires gabonais.

Les timides prises de distance de ces derniers jours augurent-elles une rupture avec la ligne de soutien inconditionnel au clan Bongo qui prévaut depuis cinquante ans ? Dans le sillage de la responsable de la diplomatie de l’Union européenne, Federica Mogherini, le Quai d’Orsay s’est prononcé, mercredi, pour la publication des résultats de tous les bureaux de vote. Le lendemain, dans un communiqué aux accents cauteleux, François Hollande condamnait « avec la plus grande fermeté, les violences et les pillages, ainsi que les menaces et attaques portées contre les partisans des principaux candidats » et appelait « toutes les parties à la retenue et à l’apaisement, ce qui suppose un processus garantissant la transparence sur les résultats du scrutin ». À Libreville, à Yaoundé, à Djibouti, à N’Djamena, à Brazzaville, la France défend la transparence, la démocratie et les droits humains. Mais, surtout, ses intérêts économiques et ses parts de marché.

« La France, 50 ans de soutien au régime Bongo »

L’ONG Survie a déploré hier dans un communiqué l’hypocrisie de la France, qui a lancé un appel au calme après un demi-siècle de soutien au régime Bongo. « Le gouvernement français appelle aujourd’hui (hier) à la fin des violences, ainsi qu’à la publication des résultats bureau par bureau, adoptant une posture de soutien à la démocratie. Survie rappelle que la France n’a pourtant fait que soutenir, depuis cinquante ans et jusqu’à aujourd’hui, le régime du clan Bongo », rappelle l’organisation, spécialisée dans la dénonciation de la Françafrique. « La France a continué à soutenir le régime, lui octroyant de nombreuses marques de reconnaissance diplomatique (réceptions à l’Élysée, déplacements de ministres français). Ce soutien s’exerce notamment via la coopération militaire et sécuritaire auprès de l’armée et la police gabonaise, celles-là même qui tuent actuellement les civils gabonais »,ajoute Survie. Selon elle, la France aurait formé près de 4 000 militaires gabonais qui utiliseraient des armes françaises comme des fusils d’assaut de type Famas. « Encore aujourd’hui, de nombreux coopérants français sont présents au sein des forces de sécurité gabonaises, notamment auprès de la garde présidentielle, clé de voûte du système sécuritaire du clan au pouvoir », dénonce Survie.

Rosa Moussaoui

journaliste

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4 septembre 2016 7 04 /09 /septembre /2016 08:10
Ouest-France, 4 septembre 2016: les communistes mobilisent la population rennaise pour la défense des bureaux de poste

Ouest-France, 4 septembre 2016: les communistes mobilisent la population rennaise pour la défense des bureaux de poste

Un événement politique depuis le début de l'été à Rennes : un fort mouvement populaire court dans toute la population pour se saisir des pétitions syndicales et du PCF qui affichent déjà , ensemble , plus de 6000 signatures .

Mesurons bien la force des exigences exprimées là . Elles s'ajoutent et/ou se fondent dans la grande colère du printemps dernier contre la loi El Khomri .

Eh oui , il est plus que temps d'organiser la résistance aux méfaits , aux forfaits ( le triple coup de force du 49-3 ) qui peuvent nous conduire vers le pire .

C'en est assez !

"Rêvons" du retour des " Jours heureux " , rêvons de " la Sociale " ( nouveau film de Gilles Perret )

https://youtu.be/_FJ19Zk5h34

Jacky Rivoalan (PCF Rennes).

Voir l'article de Ouest-France aujourd'hui:

A Rennes, 3500 signatures pour le maintien des bureaux de poste
http://www.ouest-france.fr/bretagne/rennes-35000/rennes-3500-signatures-pour-le-maintien-des-bureaux-de-poste-4450223

La Poste a annoncé la fermeture de sept bureaux, dans les quartiers de Rennes (Coëtlogon, Danton, Hoche, Oberthur, La Poterie, Rapatel et Saint-Hélier ). Leur activité sera transférée dans des commerces situés à proximité. Selon la direction régionale, cette évolution viendrait répondre à celle des comportements et des attentes des usagers. Mobilisé contre cette décision, le Parti communiste a recueilli des signatures, tout au long de l’été et sur les marchés. Dont 420 aux Lices, hier matin.

Au début de l'été, La Poste a annoncé la fermeture de 7 des 19 bureaux de poste rennais, dans les quartiers de la ville (Coëtlogon, Danton, Hoche, Oberthur, La Poterie, Rapatel et Saint-Hélier). Cette décision a fait se lever le Parti communiste et sa section de Rennes métropole. Au cours des dernières semaines, les militants ont fait circuler une pétition. Une initiative menée conjointement avec des syndicats.

Inquiétude et colère

Hier, au terme d’une signature de deux heures sur le marché des Lices, le matin, ils avaient recueilli 420 signatures. Celles-ci s’ajoutent aux 3 000 déjà remises à la direction de la Poste, jeudi 1er septembre. L’après-midi, la pétition signée a été remise à Daniel Guillotin, élu de permanence, en mairie. Une trentaine de personnes étaient rassemblées pour manifester leur inquiétude et leur colère, devant l'hôtel de Ville.

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4 septembre 2016 7 04 /09 /septembre /2016 08:09

Le lundi 5 septembre, à 18h, au 2, petite rue de Callac, le collectif Front de Gauche pays de Morlaix fera son assemblée de rentrée.

A l'ordre du jour:

- la situation politique et sociale.

- les prochaines échéances électorales (présidentielles, législatives)

- la présence du Front de Gauche dans les luttes et sur les sujets locaux.

L'Assemblée Générale est ouverte à toute personne intéressée, membre ou non de l'association Front de Gauche du Pays de Morlaix.

Assemblée Générale de rentrée du Front de Gauche pays de Morlaix à 18h le Lundi 5 septembre
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4 septembre 2016 7 04 /09 /septembre /2016 07:45

Courant d'ère. Mémoire vive, mémoire morte
http://www.letelegramme.fr/debats/memoire-vive-memoire-morte-04-09-2016-11203941.php

François Fillon a du mal à exister. Comme nous tous, serais-je tenté d'écrire. Mais peut-être un peu plus que le commun des mortels quand il consulte les sondages. Entre Sarkozy et Juppé, sa place n'est guère trouvée, ses chances s'étiolent. Alors, il en remet dans le discours, il en remet tant, que, sous son habit d'homme souriant et pondéré, il dérape et laisse échapper quelques propos qu'on attendrait plus dans les postillons de Donald Trump. Ainsi a-t-il déclaré dimanche dernier, lors d'un meeting sur ses terres, dans la Sarthe, qu'il convenait de « revoir l'enseignement de l'Histoire à l'école primaire » afin que les professeurs ne soient « plus obligés d'apprendre aux enfants que le passé est source d'interrogations ». Il suggère de solliciter « trois académiciens » pour refondre les programmes, afin que nos rejetons soient édifiés par un récit (ou un roman) national tissé d'hommes exemplaires, de symboles incontestables, d'événements glorieux et de monuments magnifiques. Cette Histoire-là est bien connue et fut pratiquée au XIXe siècle, sous la Troisième République. Sa fonction est unificatrice et protectrice. Il s'agit d'évacuer par l'exemple les sources de querelles et de doutes.

L'Histoire de France est forcément somptueuse, on ne va pas l'abîmer avec des détails - traite des Noirs, extermination des Indiens, fiasco de 1940, politique de Vichy ou torture en Algérie.

C'est ce que réclame depuis une bonne décennie la droite dite « décomplexée ». C'est ce que pratiquent Valeurs Actuelles ou la Chaîne Histoire de Patrick Buisson. François Fillon a été ministre de l'Éducation nationale. Et s'il voulait bien se reporter à cette expérience, il aurait songé que les programmes d'Histoire sont affaire de scientifiques et non d'académiciens. Que l'Histoire elle-même est un perpétuel débat et qu'elle a pour but de s'assurer la connaissance du passé au moyen des armes de la critique. Hier, nous pensions que le Moyen-Âge fut une période obscure, peu créatrice, qui attendait l'illumination de la Renaissance pour s'évanouir. Et puis, avec Jacques Le Goff et son école de chercheurs, on s'aperçut que cette légende était non seulement réductrice mais violemment fausse. Ce n'est pas aux politiques de dire ce qu'est l'Histoire, mais aux historiens. La levée de boucliers qui a salué les propos de l'imprudent candidat a été aussi massive que déterminée. Voulons-nous des enfants décérébrés qu'on nourrit de contes, ou des esprits critiques auxquels on enseigne que la vérité est controversée et source de controverses ? Mémoire vive, mémoire morte, voilà l'alternative.

"Mémoire vive, mémoire courte" : courant d'ère d'Hervé Hamon dans le Télégramme du 4 septembre brocardant la conception passéiste et réactionnaire de l'enseignement de l'histoire de Fillon et de la droite
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4 septembre 2016 7 04 /09 /septembre /2016 07:20

Jean-Michel Galano, prof de philo en classe prépa, amoureux du Royaume-Uni, ami de Jeremy Corbyn, et militant communiste à Paris ayant aussi milité et travaillé jadis dans les Côtes d'Armor, a animé une formation militante sur la pensée dialectique de Marx à Brest cette année, dans le cadre du session de formation programmée par la fédération PCF du Finistère.

Nous donnons ici à lire le texte de sa conférence très stimulante à l'université d'été du PCF, à laquelle nous avons assistée avec bonheur. C'est Jean-Michel qui nous a transmis le texte.

Sommes-nous toujours progressistes ?

(Intervention à l’université d’été du PCF le 27.08.2016)

Maurice Thorez concluait en 1960 son livre « Fils du peuple » en adressant à la France une citation de Victor Hugo, extraite du poème « Plein ciel » dans La Légende des siècles,:

« Où va-t-il, ce navire ? Il va, de jour vêtu,

A l’avenir divin et pur, à la vertu,

A la science qu’on voit luire,

A la mort des fléaux, à l’oubli généreux,

A l’abondance, au calme, au rire, à l’homme heureux,

Il va, ce glorieux navire. »

Plus d’un demi-siècle après, et après tout ce qui s’est passé, je reconnais encore mon idéal communiste dans cette citation, sous réserve d’une modification importante.

Plus personne de nos jours ne crie « vive le progrès ! » Il en est même pour vanter la décroissance,, la frugalité voire « le retour aux forêts ».

Que s’est-il donc passé ?

Incontestablement, une série de désillusions. Plus encore, une des caractéristiques majeures de la situation actuelle, c’est la réalité de régressions gravissimes dans la vie des hommes et des peuples, régressions d’autant plus inacceptables qu’elles vont de pair avec des progrès techniques et même des révolutions extraordinaires dans de nombreux domaines : production, santé, communication… Les inégalités explosent, mais aussi l’on voit dans de nombreux domaines la profusion au rabais là où c’était il y a encore peu le règne de la rareté. Il nous faut désormais non plus chercher les informations, mais plutôt les trier. Si la consommation s’est développée, on assiste à l’invasion des choses produites au rabais : pseudo-culture, « prêt à penser », vie politique démonétisée, junk food, et tout ce que Norman Mailer appelait vigoureusement « the shits. »

Pour s’y repérer, il n’est sans doute pas inutile de revenir brièvement sur la genèse de l’idée même de progrès, son ambition mais aussi les fragilités dont elle était porteuse sous sa forme traditionnelle – fragilités qui expliquent largement pourquoi elle est actuellement mise en question.

UNE GENEALOGIE COMPLEXE MARQUEE PAR LE « REVE INDUSTRIEL »

L’idée de progrès dérive à l’évidence de ce qu’on peut appeler les « faits de progression » et relève en ce sens d’une métaphysique du temps : il y a progrès quand le temps s’unifie dans un processus au lieu de s’éparpiller, quand un segment temporel AB fléché de A vers B est tel que B suppose A et que B>A, quels que soient les critères de cette supériorité.

Mais il y a là bifurcation entre les conceptions qui font de A un simple moment voué à la disparition (comme par exemple un simple point d’appui, une marche d’escalier) et la conception hégelienne de l’Aufhebung, où les moments dépassés restent conservés dans un mouvement qui « constitue la vie du Tout »[1].

Plus profondément, il nous faut à cette occasion distinguer le temps naturel, cyclique et répétitif, celui des cycles, des semailles et des moissons ou encore des rythmes circadiens, et le temps historique. La vie d’un individu est faite d’irréversibilité, toutefois la vie de l’individu fait partie des cycles naturels : c’est tragique si l’on veut, mais ce n’est pas historique. La temporalité historique suppose, et c’est là le point de rupture, une révolution dans les rapports de l’homme et de la nature, ce que Marx appelle une « rupture métabolique »[2], à savoir non pas l’adaptation de l’homme à la nature, mais l’adaptation de la nature aux besoins humains, avec la nécessité impérieuse (mais pas toujours respectée) de chercher un nouveau métabolisme.

Prenons un exemple élémentaire, celui de la pierre taillée. Dans cet acte de travail le plus simple, il faut néanmoins distinguer trois moments : (i) l’homme regarde la pierre et l’imagine taillée : c’est le projet : « Le travail réalisé préexiste idéalement dans l’imagination[3] du travailleur » (Marx). (ii) le travail effectif, vivant, qui est une application et qui a pour caractéristique de durer, si court soit-il, et de remplacer les « connexions naturelles » par d’autres « connexions. » (iii) enfin, le temps du bilan : la pierre est taillée, et l’homme compare ce qu’il a réalisé avec son projet initial. Il y a toujours un écart, en général négatif, qu’il mesure : imagination, mémoire, comparaison, mesure, jugement : toutes les soi-disant « facultés » psychologiques, qui sont sociales aussi, car son projet se sédimente hors de lui et prend forme objective, matérialité et existence sociale, naissent de là.

Mais il y a plus : les objets ainsi créés, et qui permettent à l’homme de « s’emparer » de la nature, créent à l’espèce humaine une sorte de « nature intermédiaire », qui à la différence de l’usage biologique des organes du corps exige apprentissage et appropriation, et donc aussi stockage, outils sociaux de conservation et de transmission, voire de codification. Un processus cumulatif est ainsi initié.[4]

Ce qui rend donc possible la métaphysique du temps qu’exprime l’idée de progrès, c’est donc en premier lieu la réalité anthropologique du travail, et l’idée de progrès est d’abord une abstraction réalisée à partir de cette réalité-là.

Cette conception se trouve déjà en germe chez Eschyle[5] : Prométhée aurait arraché aux dieux non seulement la lumière du feu, mais aussi ses propriétés… Une autre caractéristique de l’idée de progrès est dès lors en germe : sa caractérisation essentiellement humaniste. L’homme n’a plus à se conformer à une nature ou à une condition, il est à lui-même sa propre norme. Pas de progrès sans liberté. Et un fort contenu laïque, un contenu d’émancipation, va s’attacher à l »idée de progrès. Sa contestation, de fait, prendra le plus souvent sinon toujours, des formes réactionnaires et anti-humanistes.

Les prémisses de la révolution industrielle donnent corps et matérialité à l’idée de progrès entendue comme globalisation. Il y a bien sûr les résultats de moins en moins contestables dont les nouveaux savoir-faire techniques, industriels, médicaux peuvent se prévaloir. La bourgeoisie industrieuse qui cautionne le projet de l’Encyclopédie substitue un idéal de bonheur à l’antique idéal de grandeur. Si elle n’a pas encore le pouvoir politique, elle a déjà le pouvoir économique, et les « philosophes des Lumières » ont de bonnes raisons de penser que le « rétablissement des sciences et des arts » (c’est-à-dire les nouveaux moyens financiers et institutionnels conférés aux techniques, dites encore « arts appliqués ») auront des retombées positives y compris sur le bas peuple. L’idée que le progrès matériel est bon par nature s’affirme dès lors. Il n’est pas jusqu’aux courbes géométriques, aux « progressions » exponentielles si prisées à l’époque, qui ne semblent confirmer l’idée d’un progrès linéaire et infini.[6]

ROUSSEAU, MALTHUS, HEGEL, TROUBLE-FETE ET DOCTRINAIRES

L’idéal progressiste dont la philosophie des Lumières était porteuse va toutefois recevoir des coups sévères. Je ne parlerai pas ici, sans doute à tort, du déclin des Lumières, très sensible partout et notamment en Allemagne, quand la crise économique, sociale et politique a suscité une résurgence des nationalismes et le retour, avec l’irrationalité romantique, des « ombres de la nuit » (Moses Mendelssohn).[7]

Le premier est porté par Rousseau. Homme du peuple, Rousseau ne l’est pas plus que Diderot, encore qu’il ait eu davantage que ce dernier à souffrir de sa différence (Genevois, donc protestant et républicain, mais surtout étranger, fragile psychologiquement et faisant un peu « tache » dans ce milieu déjà conformiste). Avec beaucoup de courage et de lucidité, Rousseau se met à contre-courant. Pendant un certain temps, il jouira d’une certaine considération, à savoir tout le temps qu’on le prendra pour un simple original épris de paradoxes. Or Rousseau est sérieux. Le moment séminal dans l’élaboration de sa pensée, tout le monde le sait, c’est « l’intuition de Vincennes » : en route vers la prison de Vincennes où il va rendre visite à Diderot, il lit dans le journal l’énoncé de la question mise au concours par l’académie de Dijon : « Si le rétablissement des sciences et des arts a contribué à épurer les mœurs ». Là, tout se coagule. Il va répondre : en rien ! Nous sommes en décadence. Dans ce texte[8] de tournure très rhétorique, on ne retiendra que le corps de l’argument : bien sûr, il y a eu des progrès, dans les domaines les plus variés, et comment le nier ? Pour autant, il n’y a pas eu le progrès. La diffusion des sciences a gonflé les esprits d’un faux savoir, les progrès de la médecine nous ont rendus mous et « efféminés » (sic), etc. Bien avant Hegel, Rousseau saisit le caractère dialectique des progrès humains, et qu’ils peuvent se retourner en leur contraire. C’est cette sensibilité à la contradiction qui est au cœur de la pensée rousseauiste. Rousseau cherchera à résoudre le problème dans la double sphère du droit politique et de l’éducation : créer un homme nouveau qui sera « le citoyen ». Mais cette idée n’est assortie d’aucun essai de sauvetage du progrès technique et technologique, bien au contraire : « L’industrie et l’agriculture… ont civilisé l’homme et perdu le genre humain » (Discours sur l’origine de l’inégalité). Donc, des progrès locaux et une régression globale. Ce point de vue va alimenter certaines idées « décroissantistes » qui se réclament de Rousseau, à tort ou à raison, et intéressera fortement Marx, qui semble l’évoquer au début de la Critique du programme de Gotha, comme une pensée critique quelque peu stérile. Et de fait il est sûr que Rousseau reprend le thème antique, très prisé notamment par les Stoïciens, d’une norme naturelle ou plutôt d’une nature normative.

Thomas Malthus (1766-1834) apparaît comme un autre trublion. Mathématicien et économiste, il revient sur ces courbes progressives qui avaient tant inspiré les penseurs des Lumières, entre autres Condorcet. Et c’est pour remarquer que selon les cas, les progrès ne suivent pas des courbes identiques : alors que la progression des richesses suit une progression arithmétique (1,2,3,…, n, n+1…), le nombre des hommes suit une progression géométrique (1, 2, 4, 8,16, 32, n, nx2..…), et l’on a donc deux courbes qui s’éloignent rapidement l’une de l’autre,. D’où la nécessité de décisions politiques qui imposeront de mettre la science en rapport étroit avec l’économie : redresser la première courbe par l’amélioration des conditions de la production, abaisser la seconde par des politiques de limitation des naissances. Il met ainsi fin à la conception libérale du progrès, marquée par le « laissez-faire. »

Hegel est lui aussi un trouble-fête, il est surtout un doctrinaire, au sens où il élabore la notion d’Aufhebung, déjà évoquée, et qui passera dans Marx.

Hegel, beaucoup moins admiratif de Rousseau que ne l’était Kant, partage toutefois avec l’auteur de l’Emile un fort ressentiment envers l’Aufklärung, dont il dit que « ce fut la platitude absolue ». Sa critique s’adresse à la pensée d’entendement caractéristique de la philosophie des Lumières : pensée purement analytique, qui détache ce qui est lié, ignore superbement les notions de totalité et d’organicité, et la vie en général. Pensée qui érige l’entendement en puissance absolue et pour qui « la mort est la vie de l’esprit »[9]. Or ce qui est supprimé, dépassé, est souvent aussi relativisé. Et c’est là que l’approche hégelienne du progrès se révèle d’une profondeur proprement inouïe. L’histoire des sciences nous en donne de multiples exemples : la géométrie d’Euclide n’est pas réfutée par celle de Riemann, elle en devient un cas particulier… Les sciences de la vie et leurs applications, pensons à la vaccination, montrent que paradoxalement l’injection d’un mal permet la création d’anticorps, qu’il peut y avoir « un petit mal pour un grand bien »[10], qu’il peut inversement y avoir « excès de bien » (l’accoutumance aux antibiotiques…), bref que la dialectique n’est pas une technique du discours, mais est avant tout quelque chose qui existe dans la réalité, matérielle comme humaine.

« Les choses progressent toujours par le mauvais côté », dira le jeune Marx. Telle est selon Hegel « la ruse de la raison ». La raison se sert de la passion. Le moulin à vent utilise la force aveugle du vent. On voudrait que l’émancipation des femmes ne se recommande que de femmes admirables telle que Marie Curie et de tant de féministes courageuses et convaincues. Mais Margaret Thatcher, Golda Meir, Indira Gandhi ont peut-être fait davantage pour l’émancipation féminine, à leur corps défendant. Dans l’histoire des sciences et des techniques, l’erreur n’est pas toujours un écart regrettable, elle est souvent au principe même de la découverte. Exemple classique : les échecs de la technique, Galilée et les fontainiers de Florence, Semmelweiss et le fièvre puerpérale, Pasteur et la maladie des vers à soie…

Plus tragiquement, le progrès est corrélativement destruction : les orages pubertaires détruisent a douceur enfantine, l’expérience du pouvoir, disent les sociaux-démocrates avec empressement, détruisent les illusions, Rocard : « J’ai été un briseur de rêves », tirons-en la leçon qu’il faut savoir rêver. Faulkner montre bien la société sudiste détruite par la vulgarité nordiste. La mixité sociale, la mixité scolaire, détruisent des choses belles et paisibles. Tout cela alimente l’idée de décadence. « Ils sont beaux, ils vont mourir », dit Saint-Exupéry à propos des peuples nomades d’Afrique du Nord dans Citadelle. Des savoir-faire ouvriers deviennent à jamais obsolètes. La calligraphie. François Dagognet parle dans La Raison et les remèdes du geste chirurgical désormais ralenti à des fins d’enseignement et souvent fragmenté. Oui, si progrès il y a, il est contradictoire et dialectique. Mais nous sommes progressistes au sens où nous ne nous en tenons pas à ce constat. Dans le progrès, il doit y avoir intervention d’un sujet collectif muni d’un projet.

DES DIALECTIQUES REDOUTABLES

L’analyse des mutations de la société française au 24° congrès du PCF, celle des mouvements du monde au 25°, notre analyse actuelle de la situation globale du monde, témoignent d’une mise au premier plan de la question de notre progressisme, qui ne doit pas rester de principe ni se cantonner dans les questions sociétales, mais doit être global et intégrer la prise en charge des contradictions, mais sur une base de gauche et sur une base de classe.

Le mouvement des sociétés a cessé d’aller « dans le bon sens ». L’optimisme affiché par ceux qui disaient au 27° congrès que la force de la politique est en train de l’emporter sur la politique de la force » a été tragiquement démenti. On le voit à l’échelle de la planète. On le voit aussi dans la société française. Notre progressisme était de l’ordre du constat, il est désormais de l’ordre de la volonté politique.

Mais revenons à l’exemple de la société française (qui vaut mutatis mutandis pour d’autres). Les progrès réels qui ont eu lieu, et qui sont en tout cas des données irréversibles, ont été pervertis par le capitalisme et la logique du profit : l’analyse des mutations que faisait Georges Marchais dans son rapport introductif au 24° congrès du PCF (1982) m’apparaît exemplaire. Après avoir observé que dans tous les domaines, la France avait changé de visage de façon extrêmement profonde depuis le milieu des années cinquante[11], Georges Marchais ajoutait :

« Est-ce à dire que nous avons vécu une espèce de conte de fées et que notre patrie ressemblerait à je ne sais quel pays de cocagne ? Bien loin de là. Non seulement les progrès réels n’ont pas résolu tous les problèmes, mais encore la logique du profit a limité, tronqué, voire inversé ces progrès eux-mêmes. Elle a fait naître et mûrir une crise profonde de la société. »

Et il précisait immédiatement sa pensée :

« Par exemple, au lieu d’améliorer la condition de l’homme et de la femme au travail, l’introduction des progrès scientifiques et techniques a souvent débouché sur la déqualification massive ; sur la généralisation du travail en miettes, répétitif et ennuyeux, sur l’augmentation du nombre des ouvriers et ouvrières qualifiés. Au lieu d’alléger la charge de travail, les progrès de la production et de la productivité ont surtout accru l’exploitation.

De la même manière, la féminisation a débouché sur une surexploitation des travailleuses, dans l’entreprise et au-dehors. A l’extension de la scolarisation ont correspondu une aggravation de la sélection sociale et une très grave crise de l’école. L’urbanisation intensive a entraîné une marginalisation du monde rural, ainsi qu’un dérèglement des modes de vie et des relations sociales et familiales dans les villes, en particulier dans les grandes cités. De puissant moyen d’information, de communication et de culture, la télévision est devenue, pour une grande part, moyen de manipulation, d’obscurantisme, de standardisation des idées, d’isolement. «

Il n’y a rien à retrancher dans cette analyse, et les actualisations qu’on pourrait en faire prendraient la forme d’ajouts plutôt que de rectifications : il faudrait parler du chômage de masse et de la casse industrielle entraînés par la finance mondialisée et la dictature des marchés, de l’uberisation désormais effective et de la dramatique crise de sens qui affecte nos sociétés. Il faudrait dire quelque chose de plus sur les banlieues, et aussi sur la révolution numérique : la dématérialisation et a facilitation d’une partie du travail qui tend à éloigner la matière de l’opérateur. Le travail sur écran se généralise. La transmission des savoir-faire ouvriers perd de l’importance. En même temps et contradictoirement, les bases d’une réimplantation de certaines industries en pleine ville sont ainsi créées.

Car là où tout se joue de façon véritablement décisive, c’est au travail. Ce que j’ai dit au début en citant Marx et le chapitre 5 du Capital I, regardons-en la suite de nos jours :

L’homme a cessé d’être une force productive directe : dans des sociétés telles que la nôtre, où le mouvement ouvrier a pu imposer des droits et des garde-fous, il y a des limites d’âge (remises en cause, car la facilitation du travail donne des idées au patronat : pourquoi désormais ne pas travailler plus jeune ? Plus vieux ?). Autant dire que c’est sur le terrain de l’homme au travail que la partie essentielle se joue. Avec pour nous une triple exigence : (i) celle d’une appropriation par les nouvelles générations de processus de plus en plus complexes, diversifiés et intellectualisés : (ii= celle qui consiste à prendre conscience que chaque progression d’une technique est commandée par des choix, choix de certaines options ou possibilités contre d’autres ; et (iii) la nécessité d’une gestion démocratique, en tout cas non autoritaire, de ces avancées.

Je reviens une dernière fois sur l’analyse de Georges Marchais : l’essentiel demeure d’actualité. La fécondité de ce noyau n’a pas été épuisée. Mais il faut souligner aussi ce qui était l’axe de l’analyse : l’inversion des potentialités dont les progrès scientifiques et techniques sont porteurs doit être dénoncée comme une injustice. C’est l’injustice elle-même. Notre combat pour le progrès est un combat pour la justice, c’est-à-dire pour le progrès au service des humains, non pas pour le progrès « en soi » ni pour « l’homme » réaffirmé en tant que valeur abstraite, mais pour un épanouissement effectif des potentialités de chacun et chacune. Pas de liberté sans moyens réels d’épanouissement et d’émancipation. Moyens matériels, moyens juridiques, moyens institutionnels, temps. Progrès sociétaux aussi, qui ne doivent pas être subordonnés au progrès social ni substitué à lui, mais coordonnés avec lui. Les aspirations sociétales sont souvent premières dans les prises de conscience individuelles. L’aspiration au bonheur ne se divise pas. Mais comment faire droit à ces aspirations ? Comment passer de l’idée de progrès au progrès effectif ?

Cela pose la question de l’organisation.

Le progressisme ne saurait se contenter d’être une aspiration, un progrès en idée. Il ne peut pas davantage consister dans un perpétuel démolissage. Auguste Comte l’avait bien compris, à son époque et à sa manière : héritier pour une part de la pensée des Lumières, il considérait que « tout progrès suppose un ordre préexistant », ce qui l’amenait et à renvoyer dos à dos ce qu’il appelait les deux « partis » (imaginaires d’ailleurs) : les révolutionnaires et les conservateurs, et à écrire un « appel » à ces derniers. En substance, Comte considère que les révolutionnaires ont raison d’être pour le progrès, mais qu’ils ont tort d’être contre l’ordre : « des machines de guerre ne peuvent d’elles-mêmes devenir des instruments de construction. » Symétriquement, les conservateurs ont raison d’être pour l’ordre mais tort d’être contre le progrès : tenants de « l’âge théologique », ils ne ressusciteront pas ce que « l’âge métaphysique » a détruit.

Sous une forme elle-même très spéculative et datée, Comte dit quelque chose d’intéressant pour nous : être progressiste, c’est être constructif et pas seulement se débarrasser de ce qui est obsolète. Mais que construire, et avec qui ? là se pose le problème de la démocratie, conçue elle aussi non pas comme vœu pieux, mais comme fin et moyen.

Et cela m’amène à dire un mot sur le « dépassement de la forme-parti », ce serpent de mer : il y a là une question légitime. Mais ceux qui la posent, que proposent-ils en réponse ? Le plus souvent, de simples régressions : passer du parti au « mouvement » invertébré et donc éphémère, se rallier à un homme autour de slogans… L’archaïque revient à grande vitesse sous les apparences du nouveau si l’on n’y prend pas garde. Les partis sont en fait, comme toutes les institutions, des structures de résistance au temps, des instances de longue durée, avec une cohésion, une mémoire, une existence sociale, des locaux, de l’argent à gérer, des relais institutionnels, et c’est cela qui leur permet d’articuler des aspirations jusqu’à en faire des revendications. Tout dépassement, pour être effectif (je l’ai dit en commençant) suppose un critère de dépassement, et ce critère ne saurait être autre chose qu’une augmentation de la liberté effective des hommes, qu’un meilleur épanouissement, qu’un gain d’autonomie, qu’une intensification de leurs relations avec les autres hommes et avec la nature, qu’une progression dans le passage jamais achevé de l’espèce humaine au genre humain.

Je remarque que parmi ceux qui font le pas d’adhérer au PCF n’ont pas à être convaincus que ce faisant ils se donnent une liberté nouvelle. La nécessité de s’organiser leur apparaît, à bon droit, comme une évidence.

Il est illusoire de s’imaginer qu’on pourra faire l’économie d’un investissement exigeant et attentif de toutes ces questions, et il est probable que beaucoup de réponses seront à inventer de toutes pièces. Mais il est probable aussi que l’aspiration à la justice, au bonheur et à la pleine réalisation de ses potentialités est à même de fournir à chacun non pas une norme à laquelle il lui faudrait se conformer, mais un cap.

C’est pourquoi, tout bien pesé, je relis les vers de Victor Hugo cités par Maurice Thorez :

« Où va-t-il, ce navire ? Il va, de jour vêtu,

A l’avenir divin et pur, à la vertu,

A la science qu’on voit luire,

A la mort des fléaux, à l’oubli généreux,

A l’abondance, au calme, au rire, à l’homme heureux,

Il va, ce glorieux navire. »

… et je me dis que je suis d’accord, à condition de ne plus voir dans le « glorieux navire » une force qui va, irrésistible et appuyée sur son inertie propre, mais un bateau en quelque sorte républicain, avec des choix à faire sur la route à suivre, sur la voilure et le choix des vents et des courants porteurs, avec des du monde aussi en vigie et dans les soutes : moins assurée sans doute, mais au moins potentiellement plus fraternelle.

Jean-Michel Galano

[1] Préface de la Phénoménologie de l’esprit, 1, 1807

[2] Le Capital, notamment livre I et III, mais aussi l’Idéologie allemande

[3] En allemand Bildung, terme qui veut dire indissociablement représentation, construction et formation psychologique d’une image.

[4] Au bout d’un certain degré d’acculturation, les fonctions organiques elles-mêmes sont médiatisées dans des « techniques du corps » appropriées par l’individu de façon partiellement instinctive à l’intérieur d’une communauté culturelle donnée (gestes de la vie quotidienne, etc).

[5] Prométhée enchaîné

[6] Idée que l’on trouve notamment chez Leibniz

[7] Voir à ce sujet Henri Brunschwig, Société et romantisme en Prusse au XVIII° siècle (Aubier-Flammarion 19972)

[8] Discours sur les Sciences et les arts, 1750

[9] Préface à la Phénoménologie de l’esprit, 2. Voir aussi dans le tome II du la Phénoménologie de l’esprit, le chapitre sur « Les Lumières ».

[10] Comme le remarque Lucien Sève dans Penser avec Marx aujourd’hui ; la philosophie ?, (La Dispute, 2014), Lucien Sève, qui consacre toute une partie à la dialectique, remarque qu’un important savoir dialectique imprègne la culture populaire ; « Les extrêmes se touchent », « qui aime bien châtie bien », « plus ça change et plus c’est la même chose », « tant va la cruche à l’eau… », etc. Cette sagesse populaire souligne à sa façon les contradictions inhérentes à tout progrès.

[11] Il donnait des éléments quantitatifs impressionnants : davantage d’universités construites en 25 ans que depuis le Moyen-Age, accession massive des Français à l’automobile, à la télévision, au crédit, quadruplement de la consommation depuis la Libération…

Sommes-nous toujours progressistes? Intervention à l'université d'été du PCF le 27 août 2016 de Jean-Michel Galano, professeur de philosophie
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4 septembre 2016 7 04 /09 /septembre /2016 06:48

Landunvez. Riverains et Eau et Rivières attaquent la « ferme aux 850 truies »

Publié le 31 août 2016 à 07h32 Catherine Le Guen - Le Télégramme

Le préfet du Finistère a autorisé le 1e r avril dernier la SARL Avel Vor de Landunvez à étendre son élevage porcin réparti sur trois sites de la commune. Les riverains réunis dans l'association Avenir et environnement en pays d'Iroise (AEPI), ainsi que l'association Eau et Rivières de Bretagne, ont attendu le tout dernier jour du délai de quatre mois pour déposer un recours conjoint en annulation de l'autorisation du préfet.

Objectif 26.000 porcs par an

L'élevage de Philippe Bizien compte actuellement 675 truies et des travaux ont été engagés pour pouvoir passer à 850 truies l'an prochain. Comme six mois suffisent pour élever un cochon commercialisable de 115 kg, la SARL Avel Vor devrait produire au moins 26.000 porcs par an, déclarait Philippe Bizien dans nos colonnes le 9 juin. « Le préfet s'assoit sur la protection de l'eau et du littoral », déploraient, hier, dans un communiqué commun les deux associations. Les riverains pointent les nuisances olfactives, les poussières, la pollution de l'eau par les nitrates, l'ammoniac dans l'air, le tout à proximité d'habitations, dont une école.

Un référé en suspension prévu

« La porcherie est enclavée dans le village, dit Jacqueline Rolland de l'AEPI. La dégradation de l'environnement s'est aggravée au fil des années et nous avons subi des interdictions de baignade à plusieurs reprises sur différentes plages de Landunvez, au début du mois d'août ». Le préfet n'a pas suivi le commissaire du gouvernement qui avait donné un avis négatif, en raison de l'absence d'étude d'impact. « Dans ce cas, le code de l'environnement prévoit que l'on peut faire un référé pour demander la suspension de l'arrêté, nous allons faire ce référé », ajoute Jacqueline Rolland qui précise qu'une bonne part du projet est déjà réalisée. « Il reste la lagune pour 7.000 m³ de lisier à réaliser. Les investissements sont considérables ! ». Contacté hier, Philippe Bizien, n'a pas répondu à notre sollicitation. Catherine Le Guen

http://www.letelegramme.fr/bretagne/landunvez-riverains-et-eau-et-rivieres-attaquent-la-ferme-aux-850-truies-31-08-2016-11198927.php

Voir aussi l'expression du PCF du Finistère sur ce sujet en mai 2016:

Déclaration de la Fédération du Finistère Porcheries industrielles: La course au gigantisme est une voie dangereuse et sans issue.

Les habitants de Landunvez et les associations de protection de l’environnement s’inquiètent, à jute titre, des projets d’agrandissement d’une porcherie industrielle installée dans la commune.

Le Préfet du Finistère a donné son accord passant outre l’opposition du commissaire enquêteur. ça c’est de la simplification administrative !

Les risques sanitaires, les interdictions de baignades épisodiques sur les plages de la commune, les épandages odorants, les pollutions des cours d’eau avoisinants n’ont pas fait sourciller le représentant de l’État dans le département.

Mais que peut on refuser à la SARL AVEL VOR (ou AVEL MOC’H c’est selon) dirigée par le Président du Comité Régional Porcin, administrateur du groupement de producteurs AVELTIS qui commercialise 3 000 000 de cochons par an ?

Les citoyens ne peuvent que s’étonner du fossé qui se creuse entre les discours officiels et la réalité.

Les crises succèdent aux crises. Tous les secteurs sont touchés, la filière porcine, la production de lait, les légumiers…

Les actions régulières des agriculteurs sont la pour nous le rappeler.

La situation est telle qu’elle fait dire aux experts que la crise est systémique et que le modèle d’agriculture industrielle, qui a détruit en Bretagne des dizaines de milliers d’emploi, met à genoux les producteurs, épuise les ressources, impacte violemment l’environnement n’est pas la solution mais bien la source du problème.

Et ce modèle il est grand temps d’en changer.

L’avenir de l’agriculture, l’avenir de nos territoires ne passent pas par la course au gigantisme et l’inscription obligatoire des paysans dans la compétition mondiale, prônée par les ayatollahs du libéralisme forcené. Ils en seront, nous en serons toujours les victimes.

On pourrait alors s’attendre que l’État, qui n’est pas avare en déclarations et prétend soutenir une agriculture de qualité, respectueuse des hommes et l’environnement, passe sans attendre aux travaux pratiques.

On pourrait s’attendre à ce qu’il s’oppose aux agrandissements déraisonnables et qu’il promeuve les installations et les conversions en agriculture paysanne.

Dans cette bataille, comme dans d’autres, l’intervention citoyenne est indispensable.

La fédération finistérienne du Parti Communiste Français apporte son soutien sans réserve aux habitantes et aux habitants de Landunvez, aux associations de protection de l’environnement et du patrimoine engagés dans le combat contre agrandissement de la porcherie industrielle AVEL MOR.

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4 septembre 2016 7 04 /09 /septembre /2016 06:42

Amérique du Sud : un plan Condor nouvelle manière

Surprenante cette absence des intellos et autres chantres des « révolutions » à propos de la dangereuse évolution de l’actualité latino américaine.

Avant-hier, guérilleros fanatiques, hier, anti-impérialistes militants sambatesques abonnés au forum social surtout lorsqu’il se tenait dans la patrie de Lula, fanas du rhum libérateur des Caraïbes, experts en transformations écolo-politico-sexo-syndicalo, dès que le vent se gâte, ils sont ailleurs. Silencieux. En réflexions, peut-être ?

Ils n’ont rien à dire lorsque le coup d’état contre la présidente Dilma Rousseff est ânonné sur toutes les ondes comme le résultat d’un « maquillage » des comptes alors qu’il s’agit d’un simple transfert de crédits en faveur des plans sociaux, un simple jeu d’écriture comptable couramment utilisé au Brésil et ailleurs. Dilma Rousseff élue par 54 millions de Brésiliens a été destituée par une bande de sénateurs véreux poursuivis par la justice de leur pays pour corruption. A Paris, officiels et médias s’en tiennent à la version des putschistes. Indigne.

A Caracas, l’opposition fait le plein de manifestants contre le président Maduro. Radios, télés, commentateurs en font des tonnes oubliant simplement que la veille, les partisans du pouvoir en place ont mobilisé, eux aussi, des foules considérables. Un choix « objectif ».

En Bolivie, en s’opposant aux lois votés par le Parlement, le patronat des mines refuse la syndicalisation prétextant le caractère « corporatiste » de leurs entreprises et de leurs employés. Il s’oppose également aux lois interdisant de vendre aux multinationales la richesse nationale. En France, on évoque des « mouvements sociaux ». Mensonge.

En Equateur, une opération déstabilisation est en cours.

A Cuba, l’ambassadeur US nouvellement installé a pour première mission l’alimentation en argent et en moyens logistiques des professionnels de la « dissidence » trébuchante.

L’Amérique du Sud et les Caraïbes vivent des moments de fortes tensions. Explications : la chute des prix des matières premières et ses retombées pour la vie quotidienne des gens ; le déchaînement des oligarchies locales qui après la victoire de la droite en Argentine et le putsch au Brésil pensent qu’elles peuvent inverser le cours progressiste instauré il y a près de vingt ans sur le continent ; la nouvelle stratégie des Etats-Unis un « plan Condor bis » nouvelle manière.

Les semaines et les mois qui viennent vont être cruciales pour le devenir de cette région du monde.

Amérique du Sud: un plan Condor nouvelle manière (José Fort, L'Humanité - 3 septembre 2016)
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4 septembre 2016 7 04 /09 /septembre /2016 06:18

Pierre laurent. la priorité, c’est « zéro jeune au chômage »

ENTRETIEN RÉALISÉ PAR CÉDRIC CLÉRIN ET STÉPHANE SAHUC

VENDREDI, 2 SEPTEMBRE, 2016

HUMANITÉ DIMANCHE

Pierre Laurent. Beaucoup d'inquié-tude face à la volonté délibérée de la droite sarkozyste, du FN, de Manuel Valls, d'attiser la haine et de casser la société française. Mais aussi beaucoup de détermination pour aider nos compatriotes à tenir bon contre la haine. Nous avons entendu après le carnage de Nice et à propos du burkini des paroles irresponsables. Face aux crimes qui nous ont frappés, la France a plus que jamais besoin de montrer la force de sa fraternité, et sa volonté d'ouvrir ensemble le chemin d'une société de paix et de justice.

J'appelle le peuple de France à la vigilance. Ceux qui prônent la haine et la guerre veulent nous diviser pour masquer les projets de régression sociale extrêmement violents qui figurent dans tous leurs programmes. Au moment où Nicolas Sarkozy ne parle que du burkini, on oublie de dire ce qu'il propose : supprimer l'impôt des plus riches, l'ISF, doubler le CICE qui n'a servi à rien sauf à gonfler les dividendes, porter la retraite à 69 ans, aller encore plus loin que la loi El Khomri dans la casse sociale.

Ce que vise la droite avec le burkini est clair : désigner un ennemi, un danger, les musulmans de France, et pendant ce temps-là, on ne parle plus des vraies raisons de la crise. Nous ne l'accepterons pas. Les musulmans de France sont nos soeurs et frères de citoyenneté. Nous avons grandi et nous vivons ensemble dans les mêmes quartiers et nous avons tous droit à l'égalité. Bien sûr, il y a une bataille dans l'islam entre des forces de progrès et des forces rétrogrades, voire criminelles comme Daech. Ces forces obscurantistes travaillent à tirer en arrière notre société. Mais pour les combattre, nous devons unir les Français de toutes conditions, de toutes confessions, dans un projet de justice commun, et non mettre à l'index une partie de la communauté nationale.

Mais de cet été, je veux aussi retenir la France de la fraternité que nous avons continué d'entendre malgré ce climat nauséabond. Je pense aux propos du maire communiste de Saint-Étienne-du-Rouvray, dont les paroles ont eu beaucoup d'écho après les polémiques indignes entendues à Nice.

Je pense à nos champions aux jeux Olympiques, ces jeunes venus de nos quartiers qui ont souvent commencé le sport dans des villes comme Aubervilliers ou Champigny. Je pense aux initiatives de solidarité prises par les communistes cet été. Nous avons emmené à la mer 10 000 personnes, des familles et leurs enfants privés de vacances. Nous, les familles populaires, nous les emmenons à la mer, nous ne les chassons pas des plages.

P. L. Je ne le pense pas. La vérité, c'est que certains ont décidé d'instrumentaliser toutes les peurs. L'attitude de Manuel Valls, par exemple, est extrêmement préoccupante. Qu'un premier ministre prenne la responsabilité de poursuivre la polémique après la décision du Conseil d'État montre que la logique de division est pour eux un choix délibéré. Ils ne veulent pas apaiser mais inquiéter. C'est très dangereux car dans la société française, il existe une vraie fragilité, une profonde interrogation sur l'avenir de notre pays et du monde. Il faut répondre à cette question. Les guerres qui inquiètent les français, les crimes qui ont été commis sur notre sol par les forces les plus obscurantistes engagées dans ces guerres trouvent leurs racines dans des politiques de domination, d'exploitation, d'inégalités au niveau mondial. Voilà ce qu'il faut remettre en cause au lieu d'expliquer tous les matins que nous sommes en guerre. La guerre n'est pas une fatalité. La France est une société multiculturelle. Elle a toujours construit la force de sa République sur le respect des libertés, des croyances, des opinions et sur la capacité à conjuguer cette liberté avec le droit à l'égalité. Les trois termes de la devise républicaine n'ont de sens que s'ils sont conjugués ensemble.

La France, qui est un grand pays, membre du Conseil de sécurité de l'ONU, doit porter un grand projet de paix et de fraternité. J'appelle d'ailleurs à engager toutes nos forces dans la réussite des grandes marches pour la paix qui sont organisées par les mouvements pacifistes de notre pays le 24 septembre dans 15 grandes villes. Nous devons reprendre le chemin d'un grand mouvement pour la paix, contre le commerce des armes, contre les logiques de guerre.

P. L. Je ne fais preuve d'aucun angélisme vis-à-vis des forces djihadistes et de ceux qui veulent étendre leur logique criminelle à la France en nous entraînant dans le choc des civilisations. Ces forces sont des forces néofascistes qui visent des projets d'asservissement de leurs propres peuples. Nous ne devons pas oublier qu'au MoyenOrient, les attentats tuent chaque jour des centaines de musulmans de toutes obédiences. Le combat contre ces forces doit être constant et déterminé.

Mais nous refusons qu'au nom de ce combat on nous impose un terrorisme plus soft, politique et idéologique, qui nous interdise de penser les causes et les racines de cette situation. Manuel Valls avait dit « expliquer, c'est commencer à excuser » pour justifier sa logique de guerre. Nous, nous disons qu'après un an d'état d'urgence et de mobilisation générale de nos forces de sécurité, il faut réfléchir à de nouvelles manières d'agir. Surtout lorsqu'on constate que ce terrorisme endosse de nouvelles formes et recrute des jeunes Français en travaillant dans les plaies béantes de notre société en crise. La mobilisation de sécurité indispensable doit se déployer sur des terrains nouveaux. Nous avons besoin d'un renforcement massif des services publics d'éducation, de culture, de prévention et de sécurité sur tout le territoire. C'est incompatible avec les politiques d'austérité et de retrait des services publics. Il faut par exemple des moyens et une rénovation des politiques pénitentiaires, puisque la prison est l'un des principaux lieux de radicalisation. Il faut des politiques de protection judiciaire de la jeunesse, et dans tous ces domaines les moyens humains manquent. Mais il faut plus que cela. La République pour tous ne peut pas rester un mot d'ordre vide de sens quand tant de quartiers, de territoires restent désertés par les services publics. La France doit réellement faire de la jeunesse la priorité en faisant le serment que plus aucun jeune de France ne doit rester sur le bord du chemin. Je suis consterné par la décision du gouvernement de placer la rentrée scolaire sous le signe de la sécurité. Nous ne pouvons pas offrir à nos enfants, comme entrée dans le système scolaire, des exercices de confinement face aux risques d'attentats. La rentrée scolaire doit être une fête. Il faut dégager des moyens considérables pour permettre à la jeunesse d'espérer et de construire ensemble un avenir meilleur. La priorité que nous voulons donner à la lutte contre le chômage, c'est ce mot d'ordre : « Zéro jeune au chômage. » Chaque jeune doit pouvoir entrer à la sortie de ses études, ou pendant ses études s'il décroche, dans un système national de sécurité d'emploi et de formation qui lui assure un revenu ou une allocation d'autonomie pour accéder à l'emploi ou à la formation qualifiante.

P. L. La grande consultation ci-toyenne que nous avons lancée confirme que la lutte contre les inégalités, la lutte contre la finance et la lutte pour le droit à l'emploi restent les véritables priorités des Français. Nous proposons d'ailleurs de mettre au cœur du prochain quinquennat, à l'opposé de la loi El Khomri sur le travail, la construction d'une nouvelle sécurité sociale. Une sécurité d'emploi et à la formation nécessaires pour évoluer tout au long de la vie. Ce projet de civilisation, à l'égal de ce qu'a été la création de la Sécurité Sociale à la Libération, est une avancée dont la société a besoin pour s'extirper de la société de chômage qui la mine en profondeur aujourd'hui.

P. L. La loi votée est politiquement illégitime. Puisqu'elle a été imposée grâce au 49-3 alors qu'il n'existait pas de majorité ni dans le pays pour la soutenir, ni à l'Assemblée pour la voter. C'est dans ce contexte que les organisations syndicales ont décidé une journée d'action à la rentrée. Nous accueillerons l'ensemble de ces organisations à la Fête de l'Humanité. Je souhaite également que l'ensemble des parlementaires qui ont combattu cette loi travail puissent débattre ensemble, à la Fête, des moyens d'amplifier ces nouvelles mobilisations. Il s'agit tout à la fois pour nous de combattre la loi, d'empêcher son application concrète en se mobilisant par exemple contre la publication des décrets d'application. Mais nous devons conjointement amplifier la bataille pour un autre projet de sécurisation de l'emploi. Nous avons mis en débat un projet de loi de sécurisation de l'emploi et de la formation et nous allons amplifier cette bataille pour en faire un axe essentiel des prochaines échéances politiques. Nous serons des prochaines mobilisations avec la volonté de construire, avec les forces sociales engagées, une réponse politique à la hauteur pour les échéances de 2017. Il est absolument nécessaire que dans les futurs hémicycles siègent beaucoup plus de parlementaires communistes et de gauche décidés à combattre ces projets. Ces candidatures aux élections législatives pour porter des lois de progrès social doivent être construites dès aujourd'hui avec tous les acteurs de ces mouvements sociaux.

P. L. Je ne me résous pas à la disper-sion actuelle des forces de gauche alternatives. On ne peut pas accepter un scénario dans lequel droite et extrême droite imposent tous leurs thèmes et en face une candidature gouvernementale, François Hollande ou équivalent, qui ne leur opposerait que le fiasco du quinquennat actuel. La démission d'Emmanuel Macron est le signal que les libéraux veulent se donner toute liberté pour recomposer le paysage politique. C'est une preuve de plus du fiasco sur lequel débouche le quinquennat Hollande. Il a nourri au sein du gouvernement les ferments de sa propre défaite. La construction d'une grande candidature de gauche, émancipée de cet échec, est encore plus utile après cette annonce. Cette candidature doit être belle, forte, porteuse d'un projet offensif pour la justice, la paix et la fraternité. Nous sommes dans une situation paradoxale : les candidatures issues de forces qui ont combattu la loi El Khomri et les dérives gouvernementales se multiplient mais je constate en même temps beaucoup de propositions communes, d'objectifs communs affirmés par ces candidatures. Bien entendu, il y a des différences, des débats mais il y a du commun sur l'essentiel : la priorité sur la jeunesse, l'éducation, la culture ; l'abrogation de la loi travail et la construction d'un autre projet de sécurisation de l'emploi ; le refus des politiques de division du peuple français et la défense d'une nouvelle République démocratisée pour avancer vers une VIe République ; une maîtrise nouvelle publique du secteur bancaire et une lutte déterminée contre l'évasion fiscale, au service du développement de l'emploi et des services publics. Je suis d'ailleurs certain que le livre d'Alain et Éric Bocquet contre l'évasion fiscale (« Sans domicile fisc », éditions le Cherche Midi) va connaître un grand écho dans le pays. Il y a également du commun pour avancer vers un nouveau combat européen de la France pour sortir des logiques d'austérité et refonder un projet de progrès et de paix, ainsi que pour une transformation écologique de la société. Nous devons mettre en avant ce chemin commun possible et mobiliser les forces citoyennes, de gauche, politiques qui ont envie d'avancer vers cela. Je suis certain que des millions et des millions de femmes et hommes de gauche continuent d'attendre ce cheminlà. Les communistes devront prendre leurs responsabilités sur le soutien à une candidature au mois de novembre. Mais quel que soit le choix que nous ferons, une voix forte des communistes continuera de se faire entendre pour un projet de transformation sociale ambitieux et pour la convergence nécessaire de ces forces.

P. L. Ce qui m'anime, ce n'est pas la foi du charbonnier. Je pense que si nous voulons faire bouger la situation actuelle, il faut que les millions de gens qui aspirent à cette solution politique commune entrent dans le débat politique. Ils ne doivent pas regarder de loin le spectacle politique dans lequel ils se reconnaissent de moins en moins. Je les appelle à se rassembler, dans leurs communes, leurs entreprises, pour dire le projet qu'ils veulent et avec qui ils veulent le construire. Nous allons amplifier notre démarche de prise de parole citoyenne avec notre grande consultation, notamment à la Fête de l'Humanité, et nous rendrons publics ces résultats dans quelques semaines. Nous allons organiser au mois d'octobre une votation citoyenne pour que des dizaines de milliers de personnes supplémentaires puissent dire leurs exigences et leur volonté que les forces convergent. Ceux qui vont reprendre les chemins de la mobilisation sociale en cette rentrée ­ les jeunes, les salariés, les paysans ­ doivent exiger publiquement sous toutes les formes possibles cette convergence.

La situation politique n'a pas dit son dernier mot. Si les militants de gauche dans leur diversité qui vont s'engager derrière telle ou telle candidature le font avec la volonté de dire à chaque fois : « Ceci nous est commun », « nous voulons renforcer notre unité pour gagner » ; si cette logique de convergence l'emporte sur la logique de concurrence de nos forces, je crois que l'espoir de l'unité se lèvera et la raison l'emportera. Je veux être certain d'aller aux batailles politiques de 2017 en ayant tout fait pour rendre possible ce chemin qui est le seul qui peut nous conduire à la victoire et que je sais attendu par des millions de Français.

P. L. J'espère également que nousserons capables de mettre ensemble sur les grandes places de France l'ensemble des forces de gauche dont le rassemblement est nécessaire pour construire des victoires en 2017. L'arc des forces est d'ailleurs assez simple à définir : l'ensemble des forces qui ont lutté contre la loi travail, ont refusé la déchéance de nationalité et refusent aujourd'hui les dérives anti-musulmanes dans lesquelles la droite veut nous conduire. Il est constitué de ces forces qui se sentent solidaires des forces grecques, portugaises ou espagnoles qui cherchent, comme nous, à sortir l'Europe de l'austérité. Je souhaite donc que ces forces se retrouvent au mois de mars prochain. D'ici là nous devons construire ce chemin. D'ailleurs, en 2012, ce qui était frappant, c'était que notre parole était entendue chez tous les citoyens de gauche et c'est ce qui portait notre élan. Il faut reconstruire cet élan. Je ne prononcerai aucune parole d'hostilité à l'égard d'aucune des candidatures déclarées dans l'espace que je souhaite faire converger et rassembler, mes adversaires ne sont pas là. J'entends dans le discours de Jean-Luc Mélenchon, de Cécile Duflot, de Benoît Hamon ou d'Arnaud Montebourg, au-delà de nos différences, la possibilité de ce chemin commun que nous voulons ouvrir. Je continuerai ce travail en espérant avec tous qu'ils construisent des rendez-vous d'espoir au printemps prochain.

Entretien réalisé par Cédric Clérin et Stéphane Sahuc,

L'Humanité Dimanche

Pierre Laurent: la priorité, c'est "zéro jeune au chômage" (entretien à l'Humanité Dimanche, 2 septembre 2016)
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4 septembre 2016 7 04 /09 /septembre /2016 05:48
Oh, le pauvre grand capital !

Thomas Dallery

L’HUMANITE DIMANCHE

Jeudi 1er septembre 2016

Enseignant en économie (université côte d'Opale), chercheur au cnrs, membre des économistes atterrés Thomas Dallery, maître de conférences en économie à l'université du Littoral Côte d'Opale, chercheur au CLERSE (CNRS) et membre des économistes atterrés, s'interroge à partir d'une affirmation serinée par certains médias : selon ces derniers, s'attaquer à l'actionnariat serait pénalisant pour les petits porteurs. Mais si petits porteurs, dans les classes populaires, il n'y a pas, il y a par contre, côté entreprises et classes possédantes, bien des astuces pour crier misère : le rendement des actions serait orienté à la baisse. En réalité, « pour chaque euro de financement net par actions, les entreprises ont dû verser 7,40 euros de dividendes entre 1996 et 2014 ». Une démonstration de « la nature profondément prédatrice du capital financier ».

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Le propre de l'élite économique est de se plaindre. Non contents de dominer l'économie, ces puissants devraient aussi nous inspirer de la compassion, car au lieu de les estimer à leur juste valeur, nous n'arrêtons pas de les remettre en cause, sans chercher à les comprendre. Après tout, MM. Carlos Ghosn et consorts ne sont-ils pas moins payés que leurs collègues à l'étranger, quand nous, privilégiés de salariés, nous sommes encore bien plus rémunérés que les travailleurs chinois ? Non, vraiment, les plaintes des opposants à la loi travail sont vraiment indécentes à côté des misères du capital (1)... Dans le lot des accusations injustes qui stigmatisent nos élites, les actionnaires souffrent de la dénonciation facile de leurs rémunérations jugées excessives. D'aucuns vont même jusqu'à parler de « surcoût du capital » qu'ils font peser sur les entreprises (2), au point d'en venir à les « liquider » (3). Les défenseurs les plus zélés du capital tentent alors de faire pleurer dans les chaumières : ces actionnaires qu'on insulte en permanence ne sont que de petits porteurs qui attendent leurs maigres dividendes pour se nourrir et se chauffer.

Cette vision est bien sûr erronée : la figure de l'actionnaire est aujourd'hui celle d'un professionnel de l'épargne collective (fonds de pension américain, compagnie d'assurances française, asset manager britannique...). On pourrait nous objecter que derrière ces structures se cachent toujours nos petits retraités dépendant de leurs placements. Mais c'est là encore une tentative de nous égarer : l'épargne, plus encore que les revenus, est inégalement répartie, de sorte que, selon l'INSEE, les 35 % des ménages français les plus pauvres n'épargnent pas du tout, alors que de l'autre côté, 25 % des ménages représentent 72 % de l'épargne nationale (4). Et on ne parle ici que d'épargne en général : la détention des actions est encore plus inégale puisque, si la plupart d e s m é n a g e s o nt u n l i v r e t d'épargne, ils ne sont que 0,6 % des 10 % des ménages les plus pauvres à disposer de valeurs mobilières, contre près de 80 % parmi le 1 % des ménages les mieux dotés (5). Si des actionnaires étaient à plaindre, ce ne seraient assurément pas des gens de peu...

Comptabilité et doute

Mais revenons surtout sur la prémisse : les actionnaires doivent-ils réellement être plaints pour les faibles rétributions qu'ils retirent de leurs placements ? Après tout, les actionnaires financeraient les entreprises, rôle extrêmement louable pour l'économie, ce qui légitimerait une juste rémunération. Est-ce vraiment le cas ? Quand on se penche sur la comptabilité nationale française, on est rapidement saisi d'un doute : les financements fournis par les marchés boursiers seraient faibles, voire inexistants. Entre 1996 et 2014, les émissions nettes d'actions (6) ne représentent que 2 % du financement des investissements productifs de nos entreprises, les trois quarts des financements venant des entreprises elles-mêmes (autofinancement) et le reste étant issu des prêts bancaires et obligataires. Avec une contribution aussi maigre au financement de nos entreprises, les actionnaires devraient en toute logique s'en tenir à la portion congrue concernant leurs émoluments. Une première mesure de la rentabilité de leurs placements pourrait le laisser croire. Quand on regarde les flux de dividendes nets versés aux actionnaires rapportés à la capitalisation de marché des entreprises (le dividend yield), le rendement des actions oscille à des niveaux proches de 4 % par an, mais surtout il semble orienté à la baisse. Les gauchistes vous mènent en bateau : le capital suffoque du poids des charges, des réglementations, des salaires... et il ne parvient même plus à rémunérer décemment les siens, le rendement des actions tombant au niveau d'un modeste taux d'intérêt.

Faux prétextes

Bien évidemment, ce premier ratio intègre un « truc » de calcul particulièrement pervers. Quand vous utilisez le dividend yield, vous rapportez la masse de dividendes à la valeur de marché des entreprises. Or, le propre des marchés financiers est justement d'être gouvernés par des appréciations erratiques de la valeur. Les cours de Bourse peuvent parfaitement grimper sans qu'aucun financement nouveau ne soit apporté aux entreprises. Nous rapportons alors les dividendes à une capitalisation de marché de plus en plus grande, ce qui aura pour conséquence de réduire le rendement affiché. C'est là qu'est le « truc » : les actionnaires parviennent à faire passer leur enrichissement (l'appréciation du cours de Bourse) comme une baisse du rendement qui leur est offert ! Dans notre premier calcul, le rendement est donc orienté à la baisse non pas parce que les versements de dividendes ont ralenti, mais parce que la valorisation des entreprises en Bourse a augmenté. Dans la pratique concrète des marchés financiers, il peut même arriver que les actionnaires prétextent cette élévation du cours de Bourse pour réclamer des versements de dividendes plus importants afin de préserver le dividend yield : le drame d'une gouvernance aveugle par les indicateurs, c'est de ne plus se rendre compte de sa propre indécence...

Sous le masque

Si nous souhaitons avoir une idée plus juste du rendement des actionnaires, il faut se départir de l'évaluation de l'entreprise à sa valeur de marché et retrouver une dimension plus historique consistant à n'ajouter à la valeur de marché de l'année 1996 que les financements de marché levés cette annéelà (et ainsi de suite). En procédant de la sorte, le rendement des actions affiche des niveaux bien plus élevés, autour de 8 % en moyenne, mais surtout il connaît une progression nette pour atteindre plus de 15 %, avant que la crise de 2008 ne le rattrape.

Ce nouveau chiffrage dévoile ce qui était masqué dans les analyses de dividend yield en valeur de marché : la nature profondément prédatrice du capital financier, qui, dans le même mouvement, finance peu les entreprises tout en puisant beaucoup dans leurs ressources. Ainsi, pour chaque euro de financement net par action, les entreprises ont dû verser 7,40 euros de dividendes entre 1996 et 2014. Qui est donc réellement à plaindre : le monde productif ou la finance ?

(1) Je remercie vivement Michel Husson. Cette tribune emprunte beaucoup à ses travaux précédents : voir notamment « Un essai de mesure de la ponction actionnariale », http://goo.gl/NMwynB

(2) Voir « le Surcoût du capital », de Laurent Cordonnier et al. Presses universitaires du Septentrion, 2015.

(3) Voir notamment « l'Entreprise liquidée. La finance contre l'investissement », de Tristan Auvray et al. Éditions Michalon, 2016.

(4) INSEE (2014), http://goo.gl/OicCc0 (5) INSEE (2015), http://goo.gl/aY9oFH (6) Les émissions nettes d'actions désignent ici les nouvelles émissions d'actions desquelles on enlève les achats d'actions par les entreprises.

« L'Entreprise Liquidée. La finance contre L'investissement », de Tristan Auvray, Thomas Dallery et Sandra Rigot. Éditions Michalon, 2016, 320 pages, 19 euros.

« L'Entreprise Liquidée. La finance contre L'investissement », de Tristan Auvray, Thomas Dallery et Sandra Rigot. Éditions Michalon, 2016, 320 pages, 19 euros.

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