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24 août 2016 3 24 /08 /août /2016 20:02
Un racisme sans voile (Fabienne Halaoui, PCF)

Un racisme sans voile (Fabienne Haloui)

Deux femmes viennent de subir une opération policière anti–burkini. La première, Siam, devant ses enfants, à Cannes, a dû choisir entre quitter la plage ou être verbalisée car elle portait un foulard. La deuxième sur une plage niçoise, a été sommée de se dévêtir, de quitter sa tunique, à la demande de 4 policiers.

En prétendant assurer les bonnes mœurs et l’ordre public, lutter contre l’oppression patriarcale, les racistes, les islamophobes se lâchent : ils humilient, attentent aux droits fondamentaux de la personne, portent gravement atteinte au principe de laïcité.

La droite, l’extrême droite mais aussi le Premier ministre portent une terrible responsabilité dans ces dérives racistes, malsaines et dangereuses. Il est urgent de se ressaisir et de ne pas tomber dans le piège de la haine et de la division tendu par les extrémistes et les fanatiques.

Fabienne Haloui, responsable de la lutte contre le racisme et pour l’égalité des droits au PCF

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24 août 2016 3 24 /08 /août /2016 19:00
Nada Kiswanson

Nada Kiswanson

Me Kiswanson travaille sur d'éventuels crimes commis par Israël à Gaza lors du conflit de 2014

Victime depuis six mois de menaces de mort répétées, l'avocate jordano-suédoise Nada Kiswanson a décidé d'interpeller les autorités néerlandaises. Etablie à la Haye, aux Pays-Bas, elle espère "susciter une réponse du gouvernement", alors qu'une enquête de police s'avère toujours infructueuse.

Représentante en Europe de l'organisation palestinienne de défense des droits de l'homme Al-Haq, elle a plaidé à Bruxelles en faveur de la campagne mondiale de boycottage de produits israéliens engagée en 2005. Mais ce qui, selon elle, dérange ceux qui tentent de l'intimider, c'est son travail auprès de la Cour pénale internationale (CPI).

En janvier 2015, l'Autorité palestinienne décidait d'adhérer à cette Cour établie en 2002 par traité. Quelques semaines plus tard, sa procureure générale, Fatou Bensouda, annonçait l'ouverture d'un examen préalable à une éventuelle enquête - sur des crimes commis depuis le début de l'opération "Bordure protectrice" lancée par l'armée israélienne dans la bande de Gaza en juin 2014. L'initiative suscitait une réaction immédiate d'Israël, qui déniait à la juridiction - dont il n'a pas ratifié le traité - toute compétence pour enquêter.

La procédure n'en est qu'à ses débuts et, du côté de la Cour, on laisse du temps au temps, comme du côté de l'Autorité palestinienne, qui, jusqu'ici, a essentiellement brandi la menace de la CPI pour obtenir des avantages diplomatiques.

A la Haye, la représentation palestinienne n'a pas souhaité commenter le cas de la militante. Sur le fond, le dossier de la CPI est essentiellement alimenté par plusieurs ONG palestiniennes, dont Al-Aq, qui récoltent pièces à conviction et témoignages. Basée à La Haye, Nada Kiswanson se charge de les transmettre à la Cour.

Mais l'avocate ne cesse de recevoir des menaces de mort derrière lesquelles elle pointe la responsabilité des services secrets israéliens. Elle en veut pour preuve "la sophistication des attaques". Lors des premières menaces, reçues par téléphone ou SMS, la jeune femme, mère d'une petite fille de 2 ans, ne s'inquiète pas vraiment. Mais lorsqu'en février, elle est piégée par un mystérieux interlocuteur qui se fait passer pour un fonctionnaire du ministère de la santé sondant les habitants sur le virus Zika, et auquel, confiante, elle fournit son adresse, elle commence à s'inquiéter.

"Une menace pour nous tous"

La police néérlandaise ouvre alors une enquête, mais les menaces continuent. En Suède, le même interlocuteur promet à un membre de sa famille de "l'essuyer de la surface de la Terre" si elle ne cesse pas son travail. Quelques semaines plus tard, un bouquet de fleurs est déposé sur le palier de son domicile, accompagné d'un carton alarmant: "Chère Nada, nous apprécions votre travail et nous allons prendre soin de vous".

Enfin, dans son quartier, les habitants reçoivent des tracts les invitant à se méfier de leur "voisine fondamentaliste". "Nous sommes habitués aux descentes de police, aux interdictions de voyager, à l'emprisonnement. Mais qu'ils aillent si loin et de façon si sophistiquée, nous ne l'attendions pas", affirme Me Kiswanson. En mars, Amnesty International, qui soutient la militante, voit son ordinateur piraté et décide de fermer temporairement ses bureaux à La Haye, suivi de plusieurs ONG.

Le ministère israélien des affaires étrangères n'a pas souhaité réagir "à ces allégations absurdes". Côté néérlandais, on s'abstient de tout commentaire. Dans un entretien au quotidien néérlandais NRC, le greffier de la Cour, Herman von Hebel, a dénoncé "une attaque contre une ONG" qui "mine indirectement le travail de la Cour". Chef de la coalition des ONG pour la CPI, un lobby qui regroupe près de 2500 organisations, William Pace a, lui, estimé que les menaces proférées contre Nada Kiswanson "ne sont pas seulement contre la CPI, mais contre le droit international et la justice" et qu'"une attaque sur l'un de nos membres est une menace pour nous tous".

S. MS, correspondante du Monde à La Haye

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24 août 2016 3 24 /08 /août /2016 18:54

Alors qu’une première grande mobilisation nationale est annoncée pour le 15 septembre, la rentrée syndicale débutera une semaine plus tôt à Nantes. Un grand meeting commun réunissant Philippe Martinez, leader de la CGT, Jean-Claude Mailly, secrétaire général de FO, Bernadette Groison, secrétaire général de la FSU, William Martinet, président de l’Unef, et Eric Beynel, porte-parole de Solidaires, sera en effet organisé le 7 septembre dans la Cité des Ducs, annoncent les syndicats.

Obtenir l'abrogation de la loi Travail

Les six organisations entendent se servir de l’événement pour relancer la contestation contre la loi Travail, laquelle a été définitivement adoptée le 21 juillet par le Parlement après un recours au 49.3 puis promulguée le 8 août. Objectif prioritaire : « obtenir l’abrogation de la loi ».

Elles appellent d’ores et déjà à « participer massivement » à ce grand meeting dont le coup d’envoi sera donné à 17h45 au miroir d’eau.

Les syndicats avaient initialement envisagé de se mobiliser à l'occasion de l'Université d'été du PS prévue à Nantes du 26 au 28 août mais celle-ci a été annulée début juillet pour des raisons de sécurité.

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24 août 2016 3 24 /08 /août /2016 17:52
L'Europe de la lâcheté: l"'édito de Maurice Ulrich dans l'Humanité du 23 août 2016

L'Humanité, mardi 23 août 2016

"L'Europe de la lâcheté"

L'éditorial de Maurice Ulrich : "Angela Merkel, Matteo Renzi et François Hollande souhaitent rendre plus hermétiques les frontières de l'UE. Pendant ce temps, chaque jour en Syrie, en Méditerranée, victimes des bombes ou de la faim, meurent des enfants dont on ne verra jamais les visages."

Les images du petit Omram en sang ont fait le tour du monde la semaine passée. Sans doute n’est-ce pas vain. L’émotion de centaines de millions d’hommes et de femmes dans le monde participe, croyons-le, espérons-le, de la construction d’un monde commun, et nous revient en mémoire cette citation qui inspira Hemingway : « Nul homme n’est une île complète en soi-même. Tout homme est une part du continent, une part du tout. Et si tu entends sonner le glas, ne demande pas pour qui il sonne, il sonne pour toi. » Mais on le sait bien, l’image qui révèle la violence peut aussi masquer la réalité des chiffres : à ce jour, 4,3 millions de Syriens ont fui leur pays. 42 % d’entre eux sont en Turquie, 27 % au Liban. Combien en a accueillis la France ? Quelques dizaines.

De quoi ont discuté hier Angela Merkel, Matteo Renzi et François Hollande ? De la mise en place rapide, selon les mots de l’AFP « d’un corps européen de gardes-frontières pour renforcer les frontières externes de l’UE et les rendre plus hermétiques ». Ah oui, l’Europe est en train de bâtir un plan. Le nombre de réfugiés par pays sera décidé en fonction de divers critères comme le taux de chômage, le revenu par habitant, mais pour un objectif qui est une honte : l’accueil de 120 000 migrants supplémentaires. Pendant ce temps, chaque jour en Syrie, en Méditerranée, victimes des bombes ou de la faim, meurent des enfants dont on ne verra jamais les visages. On sait bien sûr que l’accueil ne peut suffire, qu’il faut d’autres politiques de paix, de développement que celles d’aujourd’hui, menées au nom de sordides calculs d’influence, de marchandages, au gré des flux financiers et de la spéculation mondiale.

Mais la lâcheté de l’Europe d’aujourd’hui, sa démission face à cette crise qui n’est pas celle des migrants mais une crise du monde, son refus d’affronter les replis identitaires et les extrêmes droites qui en prospèrent d’autant mieux, nous mènent à une impasse. Il nous faut aujourd’hui penser le monde et, pour paraphraser Paul Éluard, si l’écho des voix de ses enfants martyrs faiblit, nous périrons.

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24 août 2016 3 24 /08 /août /2016 17:48

Alain Ruscio. « Sarkozy vise à rendre infranchissable la fracture de la société française »

ENTRETIEN RÉALISÉ PAR AURÉLIEN SOUCHEYRE

MERCREDI, 24 AOÛT, 2016

L'Humanité

L’historien Alain Ruscio, spécialiste du colonialisme, considère que le candidat Nicolas Sarkozy renoue dans ses dernières propositions avec les « vieux démons de la droite d’avant 1944 ».

Avec ces dernières propositions identitaires, Nicolas Sarkozy rompt-il avec les fondamentaux de la République française ?

Alain Ruscio : Il y a eu plusieurs républiques en France. Elles n’ont pas toujours rimé avec démocratie. Il y a eu les répressions coloniales, les mises à l’index des minorités, la chasse aux italiens… Mais Sarkozy rompt avec le minimum républicain de la Ve République pour revenir aux vieux démons de la droite d’avant 1944, pour faire revenir à lui un électorat d’extrême droite, pour hystériser la question identitaire et une islamophobie rampante qui est en train de devenir une véritable maladie de la société française.

Selon l’ancien président de la République, l’Etat de droit est évolutif…

Alain Ruscio : Le droit est évolutif, oui. Mais une évolution peut constituer une progression comme une régression, et en l’occurrence il s’agit chez Sarkozy d’une régression. Il y a par exemple cinq millions de musulmans en France et une très importante communauté juive. Si le programme de Sarkozy était appliqué, avec la fin des repas scolaires de substitution, les enfants musulmans et juifs pourraient être amenés à ne plus manger avec leurs camarades et leurs copains de classe. Ils seraient exclus d’un temps scolaire, d’un temps de vie, au nom d’une laïcité fermée et dévoyée. C’est d’une violence inouïe. Tout cela ne vise qu’à agrandir la fracture de la société française, jusqu’à la rendre infranchissable.

Nicolas Sarkozy veut créer une cour de sûreté anti-terroriste comme celle mise en place par de Gaulle pendant la guerre d’Algérie contre l’OAS…

Alain Ruscio : Il s’agissait d’une justice d’exception, présidée par un fidèle du pouvoir en place, par un juge adhoc. La comparaison est très surprenante. D’une part, les enjeux sont différents. D’autre part, que Sarkozy regarde son entourage. Même si Patrick Buisson n’est plus là, il y a parmi ses fidèles des idéologues du retour à l’esprit colonial, de Eric Ciotti à Christian Estrosi. Il y a des nostalgiques, des exaltés de l’Algérie française et de l’OAS.

Lionnel Luca, le maire de Villeneuve-Loubet (PACA), qui a pris un arrêté anti Burkini sur les plages de sa commune, avait été l’un des fers de lance de la loi sur les aspects positifs de la colonisation. Il y a là-dedans tout un magma identitaire nauséabond et empuanti.

Peut-on parler de dérive maurassienne ?

Alain Ruscio : Je ne sais pas si c’est une dérive à la Maurras ou à la Barrès, mais il y a derrière cette attaque contre le droit du sol et contre l’immigration cette vieille rengaine conservatrice selon laquelle la terre ne mentirait pas, comme l’avait repris Pétain. Ce discours défend qu’il y aurait une identité immuable et intemporelle, très fermée, et que ceux qui ne se coulent pas dedans sont en fait des « anti-France ».

Lire aussi: "Monsieur Sarkozy, la France a besoin d'union, pas de division" (Patrick Weil)

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24 août 2016 3 24 /08 /août /2016 16:59

Pierre Laurent dénonce « l'overdose médiatique » autour de la candidature de Nicolas Sarkozy

MARDI, 23 AOÛT, 2016

HUMANITE.FR

Le secrétaire national du Parti communiste (PCF) Pierre Laurent a dénonce ce matin sur iTélé « l'overdose médiatique » autour de l'annonce de la candidature de Nicolas Sarkozy, dont les propositions sont "très graves".

« Ce qui me choque depuis hier, c'est l'overdose médiatique à laquelle on assiste. Il n'y a aucune surprise dans son annonce, ça fait deux ans que l'on sait qu'il va être candidat à l'élection présidentielle », a réagi ce matin, Pierre Laurent sur iTELE.

« On parle assez peu de ses propositions qui en grande partie sont très graves» , a poursuivi le secrétaire national du PCF. « Nicolas Sarkozy propose visiblement dans son livre de multiplier par deux le CICE (crédit d'impôt compétitivité emploi). On a déjà donné 40 mds aux entreprises sans aucun résultat et Nicolas Sarkozy propose d'en donner 34 mds de plus. Pourquoi ? Pour rien en matière d'emploi ».

L'ancien président « propose de supprimer l'ISF. Il y a les producteurs de lait qui sont en lutte en ce moment contre Lactalis. Le PDG de Lactalis fait partie du hit parade des fortunes françaises. Et bien Nicolas Sarkozy propose que cet homme-là ne paie plus d'impôt sur la fortune, alors que les producteurs de lait demandent qu'on paie leur travail à juste prix », a dénoncé Pierre Laurent.

La suspension, prônée par M. Sarkozy, du regroupement familial en attendant la signature d'un « nouveau Schengen », « c'est une mesure qui est contraire au droit international. Le regroupement familial, la possibilité pour les enfants de vivre avec leurs parents, c'est un droit reconnu par le droit international. C'est donc une mesure totalement régressive », a jugé le sénateur de Paris. Donc M. Sarkozy n'a pas changé ? « Il s'est plutôt aggravé » a insisté Pierre Laurent.

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24 août 2016 3 24 /08 /août /2016 16:54

Intervention militaire turque en Syrie : Erdogan hors du Rojava! (PCF)

Communiqué du PCF

MERCREDI, 24 AOÛT, 2016

En violation de la légalité internationale, l’armée turque vient de pénétrer sur le territoire fédéral du Rojava (Kurdistan de Syrie). Dans son sillage, elle réinstalle des centaines de djihadistes qui en avaient été chassés.
Le dictateur Recep Tayyip Erdogan prétend y déloger l’organisation Etat islamique (Daesh) qu’il a soutenue depuis le début de la guerre civile en Syrie. Son seul objectif est en réalité de briser la résistance héroïque des Kurdes, qui après Kobanê, ont, souvent seuls, combattu Daesh tout en tentant d’unifier leur territoire pour y bâtir une société libre et démocratique.
Les Kurdes de Syrie ont besoin de toute notre solidarité.

Le Parti communiste français appelle solennellement la France et l’Union européenne, et ses Etats-membres, à agir pour exiger que la Turquie se retire immédiatement du Rojava.
L’intégrité et l’autonomie du Rojava doivent désormais être garanties par les Nations unies pour ouvrir un chemin vers la paix pour les populations de Syrie et de tout le Proche-Orient.


Parti communiste français,

Intervention militaire turque en Syrie: Erdogan hors du Rojava! (PCF)

Syrie : Erdogan lance l’offensive contre Daech et surtout contre les Kurdes

MERCREDI, 24 AOÛT, 2016

HUMANITE.FR

Si ce mercredi la Turquie intervient sur le sol syrien, c’est avant tout pour empêcher la progression du YPG, qui vient de conquérir la totalité de la ville d’Hassake. Le but d’Erdogan est de conquérir ces bastions de Daech pour ne pas les laisser aux Kurdes.

La Turquie a lancé ce mercredi matin une offensive avec avions de combat et forces spéciales, officiellement pour chasser Daech de la ville de Jarablos ville syrienne au bord de la frontière.
L'artillerie turque a ouvert le feu dès lundi en direction de Manbij et a également visé Jarablos pour tenter d'ouvrir un corridor aux rebelles, explique un responsable turc. Environ 1500 membres de « l’armée syrienne libre » ont traversé la frontière pour attaquer la ville.
L'opération turque a pour but de "mettre un terme" aux problèmes à la frontière turque et vise le groupe jihadiste Etat islamique et les milices kurdes, a déclaré officiellement ce mercredi à Ankara le président turc Recep Tayyip Erdogan. L'armée turque, soutenue par les forces de la coalition internationale antijihadiste, a lancé l’opération, "Bouclier de l'Euphrate", avec des avions de combat et ses forces spéciales pour chasser l'EI de Jarablos, localité frontalière de la Turquie.
"Le plan, c'est de prendre la ville et de poursuivre vers le sud (...) pour empêcher les Kurdes de faire mouvement vers le nord et de prendre d'autres villages" expliquent sur place des combattants cités par l’agence reuters. Le vrai but de l’opération est bien de couper l’avancée des Kurdes qui enchainent les succès militaires.

Les Kurdes première cible

Les Kurdes des Unités de protection du peuple (YPG) se sont emparés de la quasi-totalité d'Hassake, ville proche de Jarablos dans le nord-est de la Syrie, où ils ont infligé une sévère défaite aux forces progouvernementales d’Assad. Les kurdes se sont en outre emparés de cinq villages voisins, et souhaitent s’organiser en un régime fédéral afin de préserver leur autonomie.
Cette progression des Kurdes est la principale crainte de la Turquie qui est prête à accepter n’importe qui sauf eux. Erdogan multiplie les déplacements diplomatiques pour rebattre les cartes de la région. D'autant plus que les Etats-Unis et dans une moindre mesure la France soutiennent les Kurdes syriens, meilleurs remparts contre Daech.
« Nous pensons que le PKK [ndlr. les kurdes], Daech et Assad ne devraient pas faire partie de l’avenir de la Syrie » a-t-il clairement annoncé. Et maintenant que Damas combat à son tour les forces des YPG, Ankara ne voit plus Assad comme une priorité. Lire Après le putsch manqué, Erdogan ne diabolise plus Damas.

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24 août 2016 3 24 /08 /août /2016 15:31

Lactalis: les secrets financiers de l'empire du lait

23 AOÛT 2016 | PAR KARL LASKE

À l’appel de la FNSEA, les producteurs de lait ont engagé lundi leur mobilisation à Laval, devant le siège social de l’industriel, numéro un mondial des produits laitiers, qui s’entête à faire baisser le prix du lait. Mediapart détaille les avantages fiscaux hors norme obtenus par le groupe d'Emmanuel Besnier, son opacité financière, et ses méthodes de négociation.

Cette fois, pour la discrétion, c’est raté. Depuis lundi soir, le groupe Lactalis, l’un des industriels les plus secrets de l’Hexagone, est confronté à un événement hors norme : l’occupation par les producteurs de lait, à l’entrée de Laval, du rond-point du « zoom », fermant l’accès à son usine. L’appel a été lancé par la fédération de Mayenne de la FNSEA puis, poussé par la base, il a été relayé par les fédérations de l’Ouest et la FNSEA nationale sous le hashtag #TousALaval, et devrait se poursuivre jusqu’à jeudi. Depuis trois ans, la multinationale, numéro un mondial des produits laitiers, a gagné la place du plus mauvais payeur dans le peloton de tête des industriels laitiers. Et les producteurs – ils sont onze mille à “servir“ Lactalis – veulent dire stop.

Selon ses dernières payes de lait du mois de juillet, Lactalis ne paye plus la tonne de lait que 254 euros, soit cent euros environ en dessous des coûts de production. En indexant ses prix à ceux du marché mondial, en chute libre, l’industriel de Laval fait des marges considérables sur le marché français des produits laitiers, et cela alors que le revenu des éleveurs, lui, a été divisé par deux – il est négatif en 2015 pour un quart d’entre eux. « Il faut que les consommateurs sachent que lorsqu’ils achètent les produits Lactalis, ils enrichissent Emmanuel Besnier [le PDG de Lactalis ndlr], mais ils appauvrissent les producteurs, explique un syndicaliste. Il faut absolument qu’ils achètent d’autres produits, ce n’est plus tenable. »

En février, une cinquantaine d'agriculteurs de la Confédération paysanne avaient mené une opération coup de poing chez Lactalis à Rodez (Aveyron), s’emparant de cartons de fromage pour les distribuer en ville. Une action sporadique, qui avait provoqué le dépôt de plainte de l’industriel. Cette fois, la Conf’ reste en retrait, ainsi que la Coordination rurale et l’association des producteurs de lait indépendants (Apli), et la FNSEA seule est entrée en action. Le 4 août, son président très libéral Xavier Beulin avait demandé à la surprise générale un rendez-vous avec Emmanuel Besnier, « dans les meilleurs délais ».« Les industriels ont besoin de visibilité et de stabilité, a-t-il tenté d’expliquer, pas seulement d’un approvisionnement au plus bas prix. » L’industriel n’a pas fermé la porte à Beulin, et ce rendez-vous prévu d'ici la fin de semaine pourrait être une sortie de crise programmée entre lui et le syndicat.

Dans un communiqué diffusé jeudi, l’industriel a néanmoins « condamné les actions » du syndicat majoritaire, en dénonçant « un discours irresponsable » qui conteste « la réalité du marché » et s'en prend « à une entreprise en particulier ». En réalité, c’est le groupe Lactalis qui se distingue par des pratiques sociales d’un autre âge, des méthodes illégales sur le marché et une opacité financière revendiquée, et ce alors qu’il a bénéficié d’un joli coup de pouce fiscal, en 2003, lors de la succession de Michel Besnier, le père d'Emmanuel.

Les actuels actionnaires ont obtenu l’étalement du paiement de leurs droits de succession : 119 millions d’euros sur 14 ans, jusqu’en 2017

Malgré son chiffre d’affaires de 17 milliards d’euros, Lactalis reste une société familiale, non cotée, propriété de la famille Besnier à travers des holdings domiciliées à Paris. Emmanuel Besnier a pris la direction de l’entreprise en 2000, après le décès de son père Michel qui avait repris, en 1955, la fromagerie fondée par son père André, en 1933. La disparition de Michel Besnier est soudaine, aussi les pouvoirs publics se plient en quatre pour sanctuariser le groupe et faciliter la succession. En 2007, lors de la création de deux holdings – Jema 1 et Jema 2 –, les héritiers Emmanuel, Jean-Michel et Marie – apporteurs chacun de 502 millions d’euros au sein de Besnier SA (BSA) – exposent avoir bénéficié d’un paiement différé et fractionné de leurs droits de succession, qui se sont élevés à 119 483 117 euros.

L’accord fiscal a été scellé en 2003, sous l’autorité du ministre du budget Alain Lambert et du président Jacques Chirac, seul homme politique à apparaître en photo dans le livre de mémoires du groupe. Comme on peut le lire ci-dessus, les héritiers s’engagent à conserver leurs parts sociales jusqu’à la dernière échéance du paiement de leurs droits de succession en 2017. Mais il y a peu de risques qu’ils brisent l’harmonie familiale l’an prochain.

Lactalis a pour doctrine de ne pas déposer ses comptes annuels et préfère payer l’amende, dérisoire

Première bénéficiaire de la croissance exponentielle du groupe depuis 2000, la fratrie Besnier s’est propulsée parmi les plus grandes fortunes mondiales : Forbes la positionne à la 8e place française et au 151e rang mondial, avec 8,4 milliards de dollars. En 2014, Marie Besnier apparaissait à la 12e place des milliardaires de moins de 40 ans – avec une fortune estimée à 2,7 milliards. Les héritiers se veulent discrets : il n’y a pas d’images de Marie ni de Jean-Michel, et un seul cliché d’Emmanuel (utilisé par Forbes, ci-dessous).

 Le classement Forbes place la famille Besnier au 8e rang français, quand "Challenges" la positionne à la 13e place. © DR

Le classement Forbes place la famille Besnier au 8e rang français, quand "Challenges" la positionne à la 13e place. © DR

Pour des raisons fiscales, Lactalis, qui ne publie pas ses comptes, fait migrer une partie de ses avoirs en Belgique

Alors qu’il se lance dans une campagne de rachat d’entreprises à l’étranger, Besnier SA (BSA) installe sa filiale – et bras armé – BSA international à Ixelles, en Belgique. Le capital de cette entité, qui détient une soixantaine de filiales étrangères, est passé de 100 millions d’euros en 2005 à 2,1 milliards d’euros en 2014… Son objectif étant de profiter d’une disposition fiscale belge – « les intérêts notionnels » – qui réduit la base imposable d'une société selon le niveau de ses fonds propres. Ainsi, alors que le résultat net cumulé de la filiale, en 2004-2014, s’est élevé à 268 millions d'euros, BSA international n’a versé que 7,23 millions au fisc belge sur la même période. Rien d’illégal, soutient à juste titre le groupe.

L’aîné de la fratrie, Jean-Michel, s’est quant à lui fait fort de contester durant dix ans l’imposition de sa société, le groupement forestier des grandes loges. Une propriété dans l’Orne, créé avec son père, de 1 600 hectares de forêt d’un seul tenant, dédiée à la chasse. Propriétaire d’un « pavillon de chasse » disposant d’une cave à vin, d’une chambre froide et « d’une salle de découpe du gibier avec rail de manutention », le groupement forestier – dont le capital s’élève à 16,5 millions euros – organisait une dizaine de journées de chasse moyennant une participation annuelle, et revendait « la majeure partie du gibier tiré lors des chasses à des grossistes »… En 2012, la cour d’appel de Versailles a finalement condamné le milliardaire, qui contestait l’activité commerciale de sa chasse. La justice a ainsi conclu qu’il avait été redressé à juste titre.

En revanche, Lactalis a pour doctrine de ne pas déposer ses comptes annuels et préfère payer l’amende, dérisoire. Or depuis le début de la crise laitière, la transparence est devenu un enjeu crucial des négociations entre producteurs, industriels et distributeurs. L’an dernier, les industriels n’avaient pas répercuté la baisse de leurs prix d’achat du lait sur leurs tarifs aux distributeurs, laissant deviner des marges importantes. L’un des dispositifs du projet de loi Sapin 2 relatif à la transparence vise précisément à enjoindre les industriels à la publication de leurs comptes, sous l’astreinte d’acquitter 2 % du chiffre d’affaires journalier moyen hors taxes réalisé en France.

Lactalis a récemment été mis en cause à deux reprises pour « entente » sur les prix avec certains de ses concurrents

En 2015, deux “cartels” d’industriels laitiers ont été mis au jour en France et en Espagne, visant à s’entendre, l’un sur les prix de vente des produits laitiers frais à la grande distribution, l’autre sur le prix d’achat du lait aux producteurs en Espagne. Et dans les deux cas, le numéro un mondial Lactalis en était partie prenante. Ces deux affaires ne sont pas de nature à rassurer les producteurs.

Le groupe lavallois a été condamné le 26 février 2015 par l’autorité espagnole de la concurrence, la Comisión Nacional de Mercados y la Competencia (CNMC), à une amende de 11,6 millions d’euros, puis le 12 mars 2015 à une amende de 60,1 millions d’euros par l’Autorité française. En France, Lactalis ne « conteste pas les griefs notifiés » mais fait appel. En effet, le groupe estime que l’Autorité « n’a pas fait une juste appréciation du contexte économique » et a « surévalué de façon manifeste la gravité des faits et leur impact sur l’économie »

La gravité de la fraude et son « ampleur nationale » sont au contraire soulignées dans l’affaire française. « La pratique concertée et les accords en cause ont permis aux principales entreprises du secteur de pratiquer des niveaux de prix supérieurs à ceux qui auraient résulté d’une concurrence non faussée », juge l’autorité. Concrètement, des réunions secrètes, tenues de 2002 à 2012, visaient à truquer les appels d’offres lancés par les grandes surfaces, à se répartir les clients et les volumes, ainsi qu'à s’entendre sur les prix.

Cette fois, pour la discrétion, c’est raté. Depuis lundi soir, le groupe Lactalis, l’un des industriels les plus secrets de l’Hexagone, est confronté à un événement hors norme : l’occupation par les producteurs de lait, à l’entrée de Laval, du rond-point du « zoom », fermant l’accès à son usine. L’appel a été lancé par la fédération de Mayenne de la FNSEA puis, poussé par la base, il a été relayé par les fédérations de l’Ouest et la FNSEA nationale sous le hashtag #TousALaval, et devrait se poursuivre jusqu’à jeudi. Depuis trois ans, la multinationale, numéro un mondial des produits laitiers, a gagné la place du plus mauvais payeur dans le peloton de tête des industriels laitiers. Et les producteurs – ils sont onze mille à “servir“ Lactalis – veulent dire stop.

Selon ses dernières payes de lait du mois de juillet, Lactalis ne paye plus la tonne de lait que 254 euros, soit cent euros environ en dessous des coûts de production. En indexant ses prix à ceux du marché mondial, en chute libre, l’industriel de Laval fait des marges considérables sur le marché français des produits laitiers, et cela alors que le revenu des éleveurs, lui, a été divisé par deux – il est négatif en 2015 pour un quart d’entre eux. « Il faut que les consommateurs sachent que lorsqu’ils achètent les produits Lactalis, ils enrichissent Emmanuel Besnier [le PDG de Lactalis ndlr], mais ils appauvrissent les producteurs, explique un syndicaliste. Il faut absolument qu’ils achètent d’autres produits, ce n’est plus tenable. »

En février, une cinquantaine d'agriculteurs de la Confédération paysanne avaient mené une opération coup de poing chez Lactalis à Rodez (Aveyron), s’emparant de cartons de fromage pour les distribuer en ville. Une action sporadique, qui avait provoqué le dépôt de plainte de l’industriel. Cette fois, la Conf’ reste en retrait, ainsi que la Coordination rurale et l’association des producteurs de lait indépendants (Apli), et la FNSEA seule est entrée en action. Le 4 août, son président très libéral Xavier Beulin avait demandé à la surprise générale un rendez-vous avec Emmanuel Besnier, « dans les meilleurs délais ».« Les industriels ont besoin de visibilité et de stabilité, a-t-il tenté d’expliquer, pas seulement d’un approvisionnement au plus bas prix. » L’industriel n’a pas fermé la porte à Beulin, et ce rendez-vous prévu d'ici la fin de semaine pourrait être une sortie de crise programmée entre lui et le syndicat.

Dans un communiqué diffusé jeudi, l’industriel a néanmoins « condamné les actions » du syndicat majoritaire, en dénonçant « un discours irresponsable » qui conteste « la réalité du marché » et s'en prend « à une entreprise en particulier ». En réalité, c’est le groupe Lactalis qui se distingue par des pratiques sociales d’un autre âge, des méthodes illégales sur le marché et une opacité financière revendiquée, et ce alors qu’il a bénéficié d’un joli coup de pouce fiscal, en 2003, lors de la succession de Michel Besnier, le père d'Emmanuel.

Les actuels actionnaires ont obtenu l’étalement du paiement de leurs droits de succession : 119 millions d’euros sur 14 ans, jusqu’en 2017

Malgré son chiffre d’affaires de 17 milliards d’euros, Lactalis reste une société familiale, non cotée, propriété de la famille Besnier à travers des holdings domiciliées à Paris. Emmanuel Besnier a pris la direction de l’entreprise en 2000, après le décès de son père Michel qui avait repris, en 1955, la fromagerie fondée par son père André, en 1933. La disparition de Michel Besnier est soudaine, aussi les pouvoirs publics se plient en quatre pour sanctuariser le groupe et faciliter la succession. En 2007, lors de la création de deux holdings – Jema 1 et Jema 2 –, les héritiers Emmanuel, Jean-Michel et Marie – apporteurs chacun de 502 millions d’euros au sein de Besnier SA (BSA) – exposent avoir bénéficié d’un paiement différé et fractionné de leurs droits de succession, qui se sont élevés à 119 483 117 euros.

L’accord fiscal a été scellé en 2003, sous l’autorité du ministre du budget Alain Lambert et du président Jacques Chirac, seul homme politique à apparaître en photo dans le livre de mémoires du groupe. Comme on peut le lire ci-dessus, les héritiers s’engagent à conserver leurs parts sociales jusqu’à la dernière échéance du paiement de leurs droits de succession en 2017. Mais il y a peu de risques qu’ils brisent l’harmonie familiale l’an prochain.

Lactalis a pour doctrine de ne pas déposer ses comptes annuels et préfère payer l’amende, dérisoire

Première bénéficiaire de la croissance exponentielle du groupe depuis 2000, la fratrie Besnier s’est propulsée parmi les plus grandes fortunes mondiales : Forbes la positionne à la 8e place française et au 151e rang mondial, avec 8,4 milliards de dollars. En 2014, Marie Besnier apparaissait à la 12e place des milliardaires de moins de 40 ans – avec une fortune estimée à 2,7 milliards. Les héritiers se veulent discrets.

Pour des raisons fiscales, Lactalis, qui ne publie pas ses comptes, fait migrer une partie de ses avoirs en Belgique

Alors qu’il se lance dans une campagne de rachat d’entreprises à l’étranger, Besnier SA (BSA) installe sa filiale – et bras armé – BSA international à Ixelles, en Belgique. Le capital de cette entité, qui détient une soixantaine de filiales étrangères, est passé de 100 millions d’euros en 2005 à 2,1 milliards d’euros en 2014… Son objectif étant de profiter d’une disposition fiscale belge – « les intérêts notionnels » – qui réduit la base imposable d'une société selon le niveau de ses fonds propres. Ainsi, alors que le résultat net cumulé de la filiale, en 2004-2014, s’est élevé à 268 millions d'euros, BSA international n’a versé que 7,23 millions au fisc belge sur la même période. Rien d’illégal, soutient à juste titre le groupe.

L’aîné de la fratrie, Jean-Michel, s’est quant à lui fait fort de contester durant dix ans l’imposition de sa société, le groupement forestier des grandes loges. Une propriété dans l’Orne, créé avec son père, de 1 600 hectares de forêt d’un seul tenant, dédiée à la chasse. Propriétaire d’un « pavillon de chasse » disposant d’une cave à vin, d’une chambre froide et « d’une salle de découpe du gibier avec rail de manutention », le groupement forestier – dont le capital s’élève à 16,5 millions euros – organisait une dizaine de journées de chasse moyennant une participation annuelle, et revendait « la majeure partie du gibier tiré lors des chasses à des grossistes »… En 2012, la cour d’appel de Versailles a finalement condamné le milliardaire, qui contestait l’activité commerciale de sa chasse. La justice a ainsi conclu qu’il avait été redressé à juste titre.

En revanche, Lactalis a pour doctrine de ne pas déposer ses comptes annuels et préfère payer l’amende, dérisoire. Or depuis le début de la crise laitière, la transparence est devenu un enjeu crucial des négociations entre producteurs, industriels et distributeurs. L’an dernier, les industriels n’avaient pas répercuté la baisse de leurs prix d’achat du lait sur leurs tarifs aux distributeurs, laissant deviner des marges importantes. L’un des dispositifs du projet de loi Sapin 2 relatif à la transparence vise précisément à enjoindre les industriels à la publication de leurs comptes, sous l’astreinte d’acquitter 2 % du chiffre d’affaires journalier moyen hors taxes réalisé en France.

Lactalis a récemment été mis en cause à deux reprises pour « entente » sur les prix avec certains de ses concurrents

En 2015, deux “cartels” d’industriels laitiers ont été mis au jour en France et en Espagne, visant à s’entendre, l’un sur les prix de vente des produits laitiers frais à la grande distribution, l’autre sur le prix d’achat du lait aux producteurs en Espagne. Et dans les deux cas, le numéro un mondial Lactalis en était partie prenante. Ces deux affaires ne sont pas de nature à rassurer les producteurs.

Les marques du groupe Lactalis

La gravité de la fraude et son « ampleur nationale » sont au contraire soulignées dans l’affaire française. « La pratique concertée et les accords en cause ont permis aux principales entreprises du secteur de pratiquer des niveaux de prix supérieurs à ceux qui auraient résulté d’une concurrence non faussée », juge l’autorité. Concrètement, des réunions secrètes, tenues de 2002 à 2012, visaient à truquer les appels d’offres lancés par les grandes surfaces, à se répartir les clients et les volumes, ainsi qu'à s’entendre sur les prix.

« Le partage de la valeur ajoutée est une idée trotskyste qui n’est pas dans l'ADN de Lactalis »

« Le centre de gravité de l'entente était constitué des quatre leaders du secteur : Yoplait, Novandie, Lactalis et Senoble, a résumé l’Autorité de la concurrence – dont l’avis intégral est en ligne ici. Les réunions avaient lieu le plus souvent dans des hôtels réservés à tour de rôle par les participants. Les lieux changeaient à chaque fois pour des raisons de discrétion. Les contacts téléphoniques se faisaient notamment à partir de téléphones portables secrets dédiés à l'entente. Un “carnet secret” de l'entente était tenu par le représentant de Yoplait, de façon à consigner toutes les décisions prises lors de ces différents échanges. »

Le cas espagnol a attiré l’attention des syndicats de producteurs, car ce cartel visait à« adopter une stratégie commune pour contrôler le marché d’approvisionnement en lait cru du marché ». Et les industriels ont cette fois mis en œuvre « des accords concrets pour coordonner les prix d’achat du lait, et le transfert d’éleveurs entre industriels »entre 2003 et 2011. Cette entente concernait les prix payés aux producteurs, et aussi des transferts d’un industriel à l’autre, par exemple pour simplifier les tournées de collecte.

Ces deux condamnations dans des affaires d’entente sont un coup dur pour l’industriel, déjà définitivement condamné en novembre 2008 pour « falsification de denrées alimentaires » à l’issue d’une enquête sur le mouillage du lait. Selon les juges, 37 millions de litres de perméat liquide ou en poudre additionnés d’eaux blanches avaient été mélangés à 682 millions de litres de lait de consommation. Le groupe prétendait qu’il« standardisait » son lait pour lui donner une teneur à peu près égale en protéines en France. Il y ajoutait du perméat – un sous-produit liquide à faible teneur en protéines obtenu par microfiltration. Une manipulation totalement interdite par la réglementation.

Selon les juges, Lactalis avait ainsi augmenté de 5,48 % son volume de lait, à un prix avantageux. Le perméat ne coûtait que 21 centimes au litre, au lieu de 2,20 francs le litre de lait payé au producteur. Dans cette affaire, Marcel Urion, l’ancien directeur général et président du directoire du groupe jusqu’en 2003, a écopé de six mois de prison avec sursis. Plutôt qu’admettre la fraude, Lactalis a accusé jusqu’au bout la réglementation.

La multinationale du lait tient à distance les producteurs, et rejette toutes les velléités de négociations

La négociation n’est pas dans sa culture. Il faut rappeler que le groupe de Michel Besnier avait fait appel en février 1982 à un commando de parachutistes pour évacuer la fromagerie Claudel-Roustang, à Isigny Sainte-Mère, occupée par ses salariés grévistes. Les paras recrutés par une officine d’extrême droite avaient bloqué les entrées de la ville, séquestré les grévistes, tout en évacuant 750 000 camemberts – ce qui vaudra au secrétaire général du groupe, lui-même ancien parachutiste, une condamnation à six mois d’emprisonnement avec sursis.

Sans aller désormais jusqu’à cet extrême, Lactalis se fait fort de ne pas négocier avec les organisations de producteurs ou les syndicats. Faisant le bilan des prix accordés aux éleveurs en 2012 et 2013, l’Organisation de producteurs de Normandie et du Centre (OPNC), fédérant 500 producteurs, a décidé de porter plainte contre Lactalis pour non-respect du contrat. Le médiateur a ouvert une négociation, qui s’est terminée par le retrait de la plainte, et la promesse d’une renégociation du contrat, qui n’aura pas lieu.« Lactalis fixe les prix et aménage les règles en fonction de son bon vouloir, raconte Guislain de Viron, l’un des responsables de l’OPNC. Et le souci, c’est qu’ils veulent acheter le lait le moins cher possible. En 2012, il manquait en moyenne 8 000 euros par exploitation. »

Le prix se calcule à partir d’une formule en partie indexée sur le marché mondial. Les producteurs réclament, sans être entendus, qu’on y intègre les coûts de production, et qu’on tienne compte des prix du marché intérieur. Mais les industriels font les calculs qui les arrangent. Ainsi, sur la paye de lait de juillet, Lactalis a fixé unilatéralement un prix à 232 euros la tonne, augmenté de 30 euros en « soutien », mais diminué d’une« flexibilité additionnelle » de 9 euros. Aucun contrôle n’est possible.

« Il faut qu’il y ait une juste répartition de la marge, plaide Ghislain de Viron. Mais Lactalis n’a pas voulu négocier. Lors d’une réunion, Serge Molly, le directeur des approvisionnements de Lactalis, nous a dit que le partage de la valeur ajoutée était “une idée trotskyste, socialo-communiste”, et qu’elle n’est pas “dans l’ADN du groupe Lactalis”. » On avait cru le comprendre.

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24 août 2016 3 24 /08 /août /2016 15:26
La France accusée de ventes d'armes contre les populations civiles (Claude Geslin, Médiapart - 23 août): les armes françaises parties prenantes de l'agression de l'Arabie Saoudite contre le Yemen

La France accusée de vente d'armes utilisées contre des populations

23 AOÛT 2016 | PAR LAURENT GESLIN

Depuis lundi se tient à Genève la seconde conférence internationale du Traité sur le commerce des armes (TCA), qui cherche à bannir les exportations de matériel militaire vers des pays ou des groupes susceptibles de commettre des crimes de guerre. Plusieurs organisations internationales dénoncent les livraisons de Paris à l'Arabie saoudite.

Lundi 22 août s’est ouverte à Genève la seconde conférence internationale du Traité sur le commerce des armes (TCA). Ce dernier est censé empêcher les ventes d’armes susceptibles d’être utilisées pour commettre des violations des droits de l’homme ou des crimes de guerre. Tous les pays ayant ratifié la convention de l’ONU (130 États signataires, plus de 80 ratifications) se sont engagés à présenter un rapport annuel détaillant leurs exportations et leurs importations. Cependant, malgré la précision toute relative de ces données (voir ici notre reportage sur le document livré par la France), 27 % des États signataires n’avaient toujours pas remis ce rapport avant l’ouverture du sommet. Quant à la Moldavie et à la Slovaquie, elles ont annoncé n'avoir pas l'intention de divulguer ces données.

Trois ans après l’adoption du texte par l’ONU, le 2 avril 2013, et après son entrée en vigueur le 24 décembre 2014, l’heure est venue de tirer un premier bilan de l'efficacité du TCA. Et force est de constater que les organisations internationales font grise mine. « Nous dénonçons les livraisons d’armes des États-Unis, de la France et d’autres pays européens (Allemagne, Espagne, Italie, etc.) aux États de la coalition menée par l’Arabie saoudite qui combat au Yémen », explique Rob Perkins, chercheur de l’organisation anglo-saxonne Control Arms. « Sur le terrain, ces fusils, ces véhicules blindés et ces munitions tuent des civils. Pourtant, Paris a autorisé en 2015 des ventes à hauteur de 16 milliards d’euros vers l’Arabie saoudite. » Les pays exportateurs qui marchandent avec Riyad se rendent donc coupables de « la pire des hypocrisies », a déclaré Anna Macdonald, directrice de Control Arms, lors d’une conférence de presse rapportée par l’AFP.

En parallèle de ces réunions, les violences se poursuivent au Yémen. Lundi 15 août, un hôpital où intervenait l’ONG Médecins sans frontières (MSF) était bombardé à Abs, à une quarantaine de kilomètres de la frontière saoudienne, causant la mort d’au moins 11 personnes. Depuis l’automne 2014, les combats font rage entre la rébellion houthiste, soutenue par les forces fidèles à l’ancien président Ali Abdallah Saleh, et les troupes du chef de l’État Abd Rabbo Mansour Hadi, appuyées par une coalition d’une dizaine de pays sunnites (Arabie saoudite, Émirats arabes unis, Jordanie, Égypte, etc.).

Après l’échec des négociations de paix du 6 août dernier au Koweït et alors que, selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), le bilan des affrontements entre le 19 mars 2015 et le 15 juillet 2016 s’élèverait à 6 571 morts et 32 856 blessés, Médecins sans frontières a annoncé le 18 août l’évacuation de son personnel de six hôpitaux du nord du pays.

« Depuis des mois, nous tentons d’alerter la communauté internationale sur la façon dont est menée la guerre au Yémen. Les crimes perpétrés par les forces de la coalition devraient être examinés par la Cour pénale internationale », estime Aymeric Elluin, chargé des questions « Armes et justice internationale » à Amnesty international. « Des mosquées, des écoles, des hôpitaux sont pris pour cible, avec des armes livrées par la France. » Plusieurs dizaines de chars Leclerc des Émirats arabes unis seraient notamment engagés sur le terrain. Une information confirmée par Stéphane Mayer, président de l’entreprise d’armement Nexter Systems, qui lors d’une audition à l’Assemblée nationale, en mars dernier, soulignait que l’implication des blindés français avait « fortement impressionné les militaires de la région ».

Les affaires de Paris sont donc au mieux, portées par Jean-Yves Le Drian qui troque régulièrement sa casquette de ministre de la défense contre celle de représentant commercial. En août dernier, il était ainsi à Koweït City pour signer le contrat d'achat de 30 hélicoptères Caracal (vingt-quatre destinés à l'armée, six à la garde nationale), pour plus d'un milliard d'euros. En 2015, le Qatar avait aussi acheté 24 Rafale, pour un montant de 6,3 milliards d'euros, selon l'Élysée.

Qu’importe au fond que les destinataires de ces équipements n’aient qu’une conception toute relative des droits de l’homme. « Les véhicules blindés Sherpa, vendus par Paris à l’armée égyptienne, ont par exemple été utilisés par la police égyptienne lors de la répression de manifestations en 2013 », continue Aymeric Elluin.« L’opinion publique française est peu sensible à ces questions, car l’exécutif communique énormément. À chaque fois qu’un président est en voyage d’affaire, il annonce triomphalement la signature de juteux contrats censés favoriser l’économie hexagonale et créer des emplois. Sur le domaine militaire, les députés de l’Assemblée nationale ont renoncé depuis longtemps à demander des comptes au chef de l’État. »

De l’autre côté du Rhin, le gouvernement allemand ne rechigne pas non plus à exporter ses canons, même si l’emballage médiatique de l’opération est un peu plus discret.« C’est une honte que l’Allemagne compte parmi les plus importants exportateurs d’armes au monde », s’insurgeait en janvier 2015 le ministre de l’économie, Sigmar Gabriel, cité par Le Monde diplomatique, avant de concéder quelques semaines plus tard que les exportations allemandes avaient doublé entre 2014 et 2015, passant dequatre à huit milliards d’euros.

Selon un rapport du gouvernement allemand cité par le quotidien Die Welt, Berlin aurait ainsi livré au premier semestre 2015 du « matériel » à l’Arabie saoudite, douze panzers Fuchs au Koweït, ainsi que des « fournitures » aux combattants kurdes en Irak. Avec la multiplication des zones de conflit, les exportations d’armes se portent bien, elles pourraient atteindre 100 milliards de dollars d’ici à 2018. Alors autant fermer les yeux sur la moralité des acheteurs, surtout si ces derniers sont de bons clients.

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24 août 2016 3 24 /08 /août /2016 15:16

Centre d’observation de la société

Mal-logement : aux racines de l’inquiétude

mercredi 24 août 2016

Depuis les années 1970, les conditions de logement s’améliorent globalement. Comment expliquer alors que le mal-logement continue à faire débat ? Le centre d’observation de la société essaie d’y répondre.

A l’époque de l’appel de l’Abbé Pierre, en 1954, des centaines de milliers de familles s’entassent encore dans des bidonvilles. En 1975, 40 % des logements ne disposent pas du confort sanitaire (WC et eau courante), contre moins de 1 % en 2013, selon l’Insee (voir graphique). La Fondation Abbé Pierre note elle-même que leur nombre a baissé de 41 % entre 2006 et 2013, de 561 000 à 332 000. Depuis le début des années 1970, la surface moyenne par ménage est passée de 72 à 91 m2. Les normes de construction, d’isolation phonique ou thermique et le développement de l’habitat pavillonnaire y sont pour beaucoup. Si l’on prend du recul, les conditions de logement s’améliorent.

Pourtant, le mal-logement continue à faire débat. Ce qui peut s’expliquer de quatre façons différentes.

Premièrement, l’amélioration a coûté très cher : la part du logement est passée de 11 à 25 % du budget des ménages entre 1960 et 2011. Cela impose à une partie de la population de s’éloigner des centres-villes ou de vivre dans des logements de taille réduite. Les jeunes adultes subissent de plein fouet la conséquence des hausses de loyer et des prix à l’achat (très fortes entre 1998 et 2008). Une partie des couches moyennes qui souhaitent rester au coeur des grandes villes - notamment à Paris - voit son niveau de vie réduit par le budget logement et se contente de surfaces réduites.

Deuxièmement, les moyennes masquent des écarts massifs. Entre, par exemple, les propriétaires qui ont achevé de rembourser leurs emprunts et les jeunes qui ont recours à un secteur privé onéreux faute d’accéder au logement social. Si l’on considère le critère de la surface, les conditions de logement s’améliorent surtout pour ceux qui accèdent à la propriété. Les inégalités se sont accrues en fonction du niveau de vie. Alors que les 20 % les plus riches ont vu leur surface moyenne par personne augmenter de 10,4 m2 (de 42,4 à 52,8 m2) entre 1988 et 2006, celle des 20 % les plus pauvres a progressé de 4,7 m2 (de 26,1 à 30,8 m2). Il est probable que les données 2013 feront apparaître des écarts encore plus grands.

Troisièmement, la situation semble avoir changé dans les années récentes. L’Insee a publié quelques données pour l’année 2013 selon lesquelles la surface moyenne stagne par rapport à 2006, une première depuis 1973 (voir graphique ci-dessous). Toujours selon l’Insee, entre 2001 et 2012, le nombre de sans domicile a augmenté de 50 %. En exploitant, les données de l’enquête logement de 2013, la Fondation Abbé Pierre remarque que le chiffre des personnes de plus de 25 ans contraintes de revenir habiter chez leurs parents a augmenté de 20 % entre 2002 et 2013, celui de la population en situation de surpeuplement accentué de 17 % entre 2006 et 2013 et celui dont le taux d’effort financier est excessif (plus de 35 % de leur revenu) de 42 % au court de la même période. Signes inquiétants, par rapport à une tendance de long terme favorable.

Quatrièmement, le mal-logement, comme la pauvreté, est une notion relative à un état de la société donné. 141 000 personnes sont sans domicile : c’est très peu par rapport aux années 1950, mais choquant compte tenu de notre niveau de vie actuel. Comme le note la Fondation Abbé Pierre, "d’autres critères que le confort de base s’imposent désormais pour distinguer les logements confortables des autres. On pense par exemple à des éléments apparemment moins graves, mais bien plus répandus, comme l’inconfort thermique, les infiltrations d’eau, le bruit ou l’humidité, qui ont des conséquences avérées sur la qualité de vie et la santé". On manque d’un indicateur équivalent à celui du taux de pauvreté, qui pourrait être, par exemple, la part de la population vivant dans un logement dont la surface est inférieure à la moitié de la surface médiane1. Un outil réducteur (il ne dit rien du confort et de l’autonomie dans le logement) mais qui permettrait de mieux comprendre la situation.

Centre d’observation de la société

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